Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

Brasier Année Zéro

Une fiction écrite par BroNie.

Cinquième partie : Flammes (3)

Celestia regarda son reflet en se servant d'un des murs de la cité. Ou plutôt la regarda, elle. Elle, c'était le nom qui lui venait à l'esprit depuis qu'elle était revenue du Tartare, avec cette couleur de crinière si étrange.

Elle avait toujours eu les crins roses, toujours. Celestia ne savait pas ce qui faisait exactement que des étoiles brillaient dans ses crins ou pourquoi ces derniers dansaient en permanence si elle ne les attachait pas. C'était comme ça, c'est tout et de la même façon qu'elle avait des ailes et une corne, elle avait cette drôle de crinière.

Une crinière sur laquelle la teinture ne tenait pas, Celestia l'avait découvert quelques mois avant sa rencontre avec Discord, quand elle avait essayé de changer cette couleur rose bonbon pour quelque chose de plus adulte. Elle avait pris sur son argent de poche et s'était rendue dans un des salons de coiffure de Canterlot, le plus éloigné possible de l'école. Elle n'avait pas voulu tomber sur Séraphine ou sur n'importe qui pendant qu'elle faisait ça.

Elle avait glissé les bits sur le comptoir, et le coiffeur avait pris l'argent sans dire un mot. Celestia s'était laissée conduire jusqu'au coussin des clients, devant un petit miroir alors qu'elle annonçait son choix de couleur : roux, pour que sa crinière s'accorde aux couleurs de l'automne, sa saison favorite de l'année.

Mais Celestia s'était vite rendue compte du problème quand le produit avait purement et simplement été bu par ses crins. Elle ne voyait pas comment dire autrement. La teinture était là, sur ses cheveux, leur donnant une magnifique teinte flamboyante. Puis, un point rose avait fait son apparition. Puis dix. Puis cent. Puis Celestia s'était rendu compte qu'il serait plus facile de compter les points roux qui restaient alors que le rose regagnait du terrain à toute allure.

Le coiffeur était resté comme deux ronds de foin, avec la gueule grande ouverte, balbutiant qu'il n'avait jamais vu ça en quinze ans de métier. Il avait recommencé deux fois l'opération, Celestia croisant les sabots pour que ça marche.

Ça avait raté. Il avait fini par jeter l'éponge et remboursé sa jeune cliente. De son avis, la crinière d'alicorne avait en elle une sorte de magie propre, que rien ni personne ne pouvait surpasser. On ne changeait pas de couleur, point.

La jeune jument avait fini par se faire à l'idée, même si cela ne lui avait pas plu. Elle s'était même mise à aimer sa crinière - ainsi que son corps tout entier – au moment où elle et Discord...

enfin, ça ne servait à rien de repenser à ça.

Restait l'interrogation. Qu'est-ce qui avait pu la chambouler comme ça au Tartare ?

Une conséquence de sa transformation en pierre ? Ou bien quand Luna l'avait délivrée et sa corne seule savait comment ?

Quoi qu'il en soit, Celestia obtiendrait les réponses qu'elle désirait, auprès de l'Alma Mater.

Ça ne serait pas long, la chef de l'Elysium ayant demandé à la jeune jument de la retrouver quelques minutes dans les jardins, à l'endroit même où elle avait pris la décision de s'aventurer dans les profondeurs obscures de la terre.

D'ailleurs, elle commençait à être en retard.

Il faudrait qu'on explique cela un jour à Celestia : les parents passaient leur vie à enseigner à leurs enfants qu'être à l'heure aux rendez-vous était important, juste pour ne pas respecter eux-mêmes cette règle. Le monde était soit idiot, soit hypocrite. Mais il y avait un problème quelque part.

Une forme violette et blanche apparut dans le reflet, juste à côté d'elle. Celestia n'aurait eu en fait presque pas besoin de ça pour savoir que l'Alma Mater se tenait derrière sa hanche.

_Me voilà, dit gentiment la maîtresse de la Cité de Cristal. Je serais bien venue plus tôt mais tu connais ta sœur. Elle a voulu absolument que je fasse tout un tas de serments bizarres avant qu'elle n'accepte de parler de ce qui s'est passé en bas.

_Vous interrogez une enfant de sept ans, lança l'alicorne blanche. Vous vous attendiez à quoi ?

_A ce qu'elle corrobore ton propre récit, répondit tranquillement la jument lie-de-vin.

Ah oui, Celestia l'avait presque oublié ça. A peine était-elle rentrée à l'Elysium pour rendre la Loyauté qu'on l'avait pressée de questions de toute part, la faisant répéter et répéter encore, donner des détails sur les draconequus surtout, jusqu'à ce qu'elle en ait par dessus la tête et envoie balader tout le monde en se retirant dans ses appartements. Ils n'étaient plus venus la déranger, sauf Erèbe qui était passée prendre des nouvelles de sa santé.

C'était amusant : l'Alma se posait en mère de toutes les alicornes, mais c'était Erèbe qui maternait le plus Celestia et sa sœur.

Et bien qu'elles ne remplaceraient jamais Aztarté, quelque part, Celestia était contente que les deux alicornes soient là.

_Je voulais d'ailleurs te remercier une nouvelle fois d'être descendue aussi bas et d'affronter les épreuves que tu y as rencontrées. C'était très courageux de ta part, Celestia. Très adulte aussi.

La jeune jument gloussa avant de s'en expliquer devant le regard surpris de la Tante de toutes les alicornes.

_Je trouve ça juste marrant qu'une jument qui doit avoir mille ans au compteur dise à une qui en a pas encore vingt qu'elle est adulte.

_Tu crois que j'ai mille ans ? demanda son interlocutrice.

_J'en sais rien moi, se défendit Celestia. J'ai dit ça comme ça.

_Celestia, insista l'Alma Mater, tu penses que j'ai quel âge ?

_Mais je sais pas, j'ai balancé mille ans comme ça ! Vous les faites pas si c'est votre question, là, ça va ?

_J'ai trois-cents ans. Et je suis la plus âgée ici. Si je reste en bonne santé, je devrais pouvoir attendre encore cinquante ans avant de mourir paisiblement.

Celestia marqua le coup. Seulement ? Ça pouvait sembler beaucoup pour n'importe quelle autre race mais enfin, elle s'était toujours dit que les alicornes pouvaient vivre des siècles et des siècles.

Trois siècles et demi d’espérance de vie pour la doyenne de l'Elysium, ça faisait bizarre.

_Nous vivions plus vieilles avant. Mais...les Événements nous ont toutes marquées. Je pense que quelque chose s'est brisé dans notre race.

L'alicorne blanche se retint in extremis de rouler des yeux. Encore ces « Événements ». Elle ne savait même pas ce que c'était mais toutes les alicornes de la ville semblaient porter tout le malheur du monde avec ça.

Elles vivaient dans une jolie cité de cristal et elles étaient dépressives. Allez comprendre.

_Dites, lança Celestia, désireuse de changer de conversation, on pourrait parler de ça ?

Du sabot elle désigna ses mèches pastel.

_Je peux savoir pourquoi je ressemble à un arc-en-ciel maintenant ?

_Ce n'est pas la couleur de l'arc-en-ciel, répondit doucement la chef des alicornes. Céruléen, turquoise, cobalt et héliotrope...je me demande à quoi on pourrait comparer ça maintenant que j'y pense.

Celestia n'avait pas compris deux des quatre couleurs citées par l'Alma mais c'était assez secondaire. Son problème restait.

_Vous n'avez pas répondu à ma question.

_Je pense que c'est un contrecoup de la Loyauté, expliqua la jument lie-de-vin.

_Le joyau que j'avais dans la patte ?

_Tu te souviens de ce que je t'avais dit ? Que les Éléments peuvent accomplir des choses incroyables ? Et bien tu l'as vu par toi-même : Luna a réussi à activer l’Élément, ce qui a brisé le sort du Tartare. Seulement dans le processus, ta crinière a changé de couleur. Je ne pense pas que ça soit réversible. Mais mieux vaut une nouvelle couleur et que tu sois libre de tes mouvements que le contraire, non ?

_Et comment est-ce que Luna a su faire ça ? Elle a sept ans ! La dernière fois qu'elle a utilisé sa magie pour ouvrir un pot de miel, et elle s'est envoyée le bocal dans le museau !

_Toutes les alicornes peuvent utiliser le pouvoir des Éléments. Mais il y a eu quelque chose avec ta sœur. Une résonance.

_Luna fait de l'écho ? demanda Celestia, levant un sourcil.

_Je ne parlais pas au sens propre, sourit l'Alma. Quoique. Tu vois, le fait que ta sœur ait bravé des dangers inouïs qui auraient fait reculer des guerriers d'une grande bravoure, alors que ce n'est qu'une enfant, juste pour te tenir la patte au Tartare...cela prouve non seulement qu'elle est très courageuse mais en plus, incroyablement loyale.

_Loyale. Vous voulez dire que...

_Loyauté, Honnêteté, Gentillesse, Générosité, Rire, et enfin, la Magie. Les six Éléments d'Harmonie qui correspondent, comme tu le vois à des valeurs cardinales.

Celestia leva doucement un sabot.

_Vous pourriez utiliser des mots que je comprends ?

_Des qualités si tu préfères. Des qualités qui sont ancrées si profondément dans une personne que les Éléments se confient à elle. Ils la prennent comme Gardienne. Et si toutes les alicornes peuvent utiliser les Éléments, seuls les Gardiens et les Gardiennes peuvent en déchaîner la toute puissance.

_Vous êtes en train de me dire que Luna est la Gardienne de je sais pas quelle prophétie à la mords-moi la croupe ?

_Ce n'est pas une prophétie, rectifia l'Alma Mater d'un ton un peu sec, sans que Celestia ne sache si elle désapprouvait la formule en elle-même ou la familiarité dont avait fait preuve la jeune jument. C'est une réalité. Les derniers Gardiens ont disparu il a sept ans, pendant les Événements. Mais peut-être le temps du retour est-il venu...qui sait ?

Un sourire se dessinait sur les lèvres de la vénérable alicorne alors qu'elle s'éloigna doucement de Celestia.

_Je ferais en sorte de vérifier si tu ne réagis pas toi non plus à un Élément.

_Vous pensez que je suis une Gardienne ? Moi ? Sérieux ? demanda l'adolescente alors que la jument lie-de-vin s'en allait.

_Il faut au moins que nous essayions avec l'Honnêteté. Une telle franchise dans les mots est trop hors du commun pour être ignorée, non ?

La Tante de toutes les alicornes disparut en tournant à l'angle d'un arbre, laissant Celestia pensive. Est-ce qu'il y avait vraiment une chance qu'elle ait un lien quelconque avec ces mystérieux Éléments ?

Parce que si c'était le cas, au moins c'était clair. Elle n'hésiterait pas une seconde à s'en servir pour infliger à Discord le châtiment qu'il méritait.

Ses parents méritaient bien ça.

¤¤¤

Discord fixa son attention sur le jeu d'échecs. Un modèle plutôt élégant, avec plateau en pierre et pièces en marbre.

Les pièces, enchantées par le draconequus un peu auparavant, se déplaçaient d'elles-mêmes. Au mépris de toutes les règles du jeu bien entendu. Il n'était pas esprit du chaos pour rien.

Le plus étonnant, c'était que les pièces semblaient avoir développé une forme de conscience. En tout cas, elles étaient capables d'élaborer leurs propres tactiques, quelquefois en attaquant à plusieurs une pièce isolée. En ce moment, trois pions encerclaient une tour qui faisait tout ce qu'elle pouvait pour briser la nasse dans laquelle elle était tombée.

Discord n'avait jamais vraiment aimé les échecs. C'était trop logique pour lui, trop de réflexion. Mais cette version du jeu était plaisante. Elle s'accordait avec la vision qu'il avait du monde.

Et le monde s'accordait de plus en plus avec sa vision d'ailleurs.

Après la bataille de la mer de nuages, où il avait décimé l'armée pégase, Discord avait atteint son but : il n'y avait plus aucune autorité en Equestria. Plus personne pour se poser en chef. C'était compréhensible : le gouvernement militaire avait été balayé en quelques semaines et aucun poney n'avait essayé de combler le vide. Le draconequus avait réussi son objectif et plus rien ne structurait Equestria. Mais la nation était encore entière et si les poneys étaient désorganisés, le chaos était loin d'être total. Les trois races cohabitaient encore, même si les tensions se faisaient sentir et rares étaient ceux à violer la loi. Sûrement moins par crainte du châtiment que parce qu'ils se doutaient que le faire serait nuisible à tous.

Discord n'avait jamais autant regretté la gentillesse naturelle des poneys.

Il fallait qu'il intervienne. Qu'il se pose lui, en leader pour plonger Equestria dans le chaos. Pas forcément dans la destruction : celle de la Junte avait demandé la mort de beaucoup de pégases, et Discord avait peur qu'en continuant dans cette voie, il stabilise quelque chose. A trop tuer, trop régulièrement, il fabriquerait une ligne, un avenir défini.

Tout le contraire du chaos en perpétuel mouvement.

Seulement, Discord ne savait pas vraiment quoi faire. Où commencer, comment s'imposer à Equestria. Mille projets lui arrivaient en tête avant de repartir aussi vite. C'était aussi le problème d'être un esprit du chaos, on avait du mal à garder ses idées claires.

Et c'était pour ça qu'il avait besoin d'un bras droit.

La licorne mâle qui était venue à lui en ballon, pour lui signaler où se terrait le Commandant Haboob, s'était révélée être une alliée précieuse. La peur tout d'abord, mais aussi l'intérêt avait poussé l'étalon à collaborer activement avec le draconequus.

C'était chez lui d'ailleurs, que se trouvait Discord.

Un cottage reculé au milieu de la campagne, près d'un petit cours d'eau. Un genre de retraite paisible, que les poneys devaient apprécier pour se déconnecter du rythme de la ville.

Discord y trouvait amusant d'y avoir établi provisoirement son quartier général en attendant de savoir par où commencer.

_Monsieur ?

Le draconequus ne se retourna pas. Son hôte avait beau être techniquement le propriétaire du cottage, Discord tenait à bien marquer la ligne de séparation entre eux deux. La licorne était un instrument. Utile, certes, mais un instrument.

_Je t'écoute.

_Je rapporte de bonnes nouvelles de la ville, monsieur, dit l'étalon en entrant dans la pièce, et en accrochant son manteau sur un crochet du mur. La désorganisation est finalement plus importante que ce que nous pensions.

_Qu'est-ce que tu vois par la fenêtre ? demanda abruptement le draconequus.

_Monsieur ? questionna son hôte sans comprendre.

_Regarde par la fenêtre, ordonna Discord. Et dis moi ce que tu vois.

L'étalon se déplaça jusqu'à l'ouverture à côté de son maître. Du coin de l’œil, Discord voyait sa robe grise et sa crinière noire.

_Le temps est calme mais c'est parce que les pégases se font discrets depuis la fin de la Junte. Il fait toujours jour, comme depuis pas mal de temps maintenant et je ne vois rien d'anormal dehors, monsieur.

_Justement, lança Discord en relevant brusquement la tête vers son subordonné. C'est parce que tu ne vois rien qui cloche que la désorganisation est encore loin d'être importante.

_Excusez-moi monsieur mais...qu'est-ce qui vous empêche de claquer des doigts et de jeter Equestria dans le chaos ? Vous en avez le pouvoir, non ?

_Ne me dicte pas ce que je dois faire, persifla le draconequus.

La licorne ouvrit de grands yeux et baissa la tête.

_Oui monsieur. Pardonnez-moi.

Discord sentit les narines de son museau se plisser de mécontentement. Parce que le poney avait raison. Il avait parfaitement le pouvoir de faire ce qu'il voulait d'Equestria maintenant que la Junte avait été mise hors d'état de nuire. C'était juste qu'il n'avait aucune idée par où débuter.

_J'ai mes propres plans, annonça Discord, revenant au jeu d'échecs.

_Bien entendu. Je ne voulais pas vous commander.

Discord étouffa son sourire. Et pourtant. Son hôte, hériter d'une famille licorne de Manedrid était un véritable petit tyran en puissance. Sauf qu'il avait eu le malheur de naître bourgeois au sein d'une race où seuls les sangs-bleus avaient du pouvoir.

Les rêves de sa famille d'intégrer la haute société de Manedrid s'étaient écroulés après que cette dernière ait décidé définitivement de fermer ses portes à celles et ceux qui n'avaient pas de titre de noblesse. A la mort de ses parents, l'étalon s'était retrouvé à la tête de deux choses : une belle fortune et une envie de puissance incommensurable.

Il avait beau plier l'échine devant Discord, le draconequus sentait la noirceur de son âme. La licorne voulait un titre et ce n'était pas pour autre chose qu'il avait tendu le sabot à l'esprit du chaos. Discord lui avait fait miroiter sa revanche et payait ses services par de belles promesses et quelques récompenses. La licorne avait un grand appétit pour les livres, surtout ceux traitant de magie noire.

Et elle se révélait plutôt douée là dedans.

Elle était persuadée que Discord était passé maître en la matière et le draconequus se gardait bien de la détromper. En fait, le chaos et la magie noire avaient à peu de choses près autant de points en commun qu'un ours et une pâquerette.

Mais du moment que son bras-droit lui restait fidèle, Discord était satisfait. Il aurait besoin de lui dans les temps à venir. Répandre assez de chaos en Equestria pour pouvoir remonter le temps ne serait pas une chose facile. Il aurait besoin d'aide. Et s'il se doutait que bien des poneys le suivraient par peur ou par intérêt, il avait tout intérêt à se modeler des soutiens loyaux.

Pour l'instant, son hôte était un test. Discord voulait voir s'il pouvait manipuler quelqu'un aussi facilement qu'il le voulait. Et pour le moment, les résultats étaient plutôt positifs.

Le draconequus repensa à quelque chose qu'avait dit l'étalon. Il faisait toujours soleil. Effectivement, depuis le mariage, le soleil était resté haut dans le ciel dans un jour sans fin. Discord ne pouvait s'empêcher de voir cela comme un doigt accusateur pointé sur lui en permanence. Pour lui rappeler qu'à cause de lui, le roi Hélios était mort et n'avait pu accomplir son devoir astral.

Le draconequus avait essayé de baisser le soleil, mais ses efforts s'étaient révélés vains. Sa magie chaotique pourtant si puissante, n'était pas assez forte.

C'était pourtant l'idéal pour commencer son règne. S'emparer des astres serait un signal parfait.

Alors comment faire ?

Discord ferma les yeux, repensa aux noces de Celestia. Son cœur se serra une fois de plus quand il revit son erreur et la duchesse Ira lui ordonner de la protéger elle, plutôt que le roi des licornes.

Mais...un instant. La licorne n'avait-elle pas...?

Discord se projeta dans le passé. C'était un pouvoir de distorsion du temps, qu'il n'avait acquis que depuis peu, grâce au chaos semé par la destruction de la Junte. Il ne pouvait rien faire d'autre que de revoir précisément ce qui s'était passé à un moment donné, en observateur extérieur de la scène, comme s'il était une sorte de fantôme. Mais c'était déjà ça.

La scène était toujours aussi désagréable à revoir.

Le roi Hélios qui s'écroulait, Celestia qui le maudissait lui pour avoir fait ce qu'il avait fait...Discord sentit la douleur le prendre à la poitrine. Mais il se força à s'accrocher. Il devait vérifier quelque chose.

Après la fuite de Celestia et sa sœur, il nota que la duchesse s'était approchée du cadavre d'Hélios et de la reine Aztarté, alors agonisante. La prétendante au trône avait murmuré quelque chose en les touchant et un minuscule halo avait confirmé la réussite de son sort.

Discord eut l'impression de voir une sorte de viol, la duchesse n'hésitant pas à se servir sur le corps encore chaud de la reine.

Il prit beaucoup de plaisir à revoir la mort de la licorne grise d'ailleurs. Il ne perdit pas une miette de sa souffrance et du trajet de sa corne au travers de son crâne.

Mais en tout cas, l'hypothèse de Discord semblait se confirmer. Ira avait volé le contrôle du soleil et de la lune aux monarques licornes, pensant sans doute assurer elle-même cette fonction une fois devenue reine.

Discord la tuant juste après, elle n'en avait jamais eu l'occasion. Mais les sorts de contrôle étaient toujours attachés à elle. A son cadavre maintenant, mais à elle quand même.

Ça expliquait la situation figée du soleil depuis les noces.

Discord revint au présent et à la réalité. Il sourit en prenant une pièce d’échec dans sa patte de lion et en murmurant des incantations chaotiques. Le marbre se tordit et s'allongea jusqu'à former une pelle rudimentaire.

Le draconequus marcha ensuite jusqu'à la sortie.

_Monsieur ? questionna son hôte. Est-ce que je peux vous demander ce que vous allez faire ?

_Tu peux, Sombra, répondit Discord en passant la porte, attrapant un rideau au passage pour le transformer en cravate.

Il la noua sommairement autour de son cou, se retourna vers son bras-droit et lui fit un clin d’œil.

_Je vais à un déterrement.

¤¤¤

L'Alma Mater avait les yeux fixés sur l’Élément de la Loyauté, comme si elle avait peur qu'en détournant le regard, le précieux joyau ne disparaisse à nouveau. Étonnant comme tout avait retrouvé sa place. Les cinq pierres dans la Tour des Éléments, là où elles devaient être. Et la sixième et la plus puissante, la Magie qui était réapparue à peine la Loyauté reposée sur son socle.

Les choses retrouvaient une atmosphère de normalité. Ou du moins, elles ressemblaient plus à ce qu'elles étaient avant ces sept dernières années.

L'Alma Mater n'arrivait toujours pas à croire que la Loyauté ait eu un tel écho avec la jeune Luna. C'était une telle bouffée d'espoir pour le peuple alicorne. Il y avait au moins une Gardienne dans la nouvelle génération. Peut-être que leur race ne serait pas condamnée au néant finalement.

Mais la vision de l'Alma était utopique, elle le savait. L'Elysium relevait la tête trop tard. Il y avait une menace là dehors, un draconequus en liberté qu'il fallait neutraliser pour le bien de tous. Mais ce n'était pas en lui opposant une enfant de sept ans qu'ils arriveraient à quelque chose.

Ils devaient prendre le temps de voir si Luna répondait favorablement à d'autres Éléments, faire le même test avec sa sœur, les entraîner et les préparer à l'affrontement contre Discord.

Mais cela prendrait du temps. On apprenait pas à contrôler les joyaux en quelques semaines. Certains Gardiens avaient mis des siècles à s'attacher parfaitement aux Éléments. Mais aucun n'avait été aussi jeune que Luna.

L'Alma Mater tablait sur quelques années d'apprentissage. Alors oui, pendant ce laps de temps elle laissait le draconequus libre de déverser sa magie chaotique dans tout Equestria. Mais c'était un sacrifice qu'il faudrait faire.

De toute façon, Equestria était plutôt secondaire. L'Alma Mater devait penser en premier lieu à l'Elysium et à la destinée de son peuple.

A la réunion au cours de laquelle Celestia s'était déclarée prête à braver le Tartare, Alcyonée avait envisagé qu'on utilise le grand sort de protection autour de la cité. Cela voulait dire dix ans coupés du monde, comme s'ils disparaissaient tous de la surface de la terre.

Dix ans pendant lesquels ils pourraient préparer les deux sœurs à leur combat contre l'esprit du chaos.

C'était séduisant mais l'Alma Mater savait que tout avait un prix. Le sort avait un contrecoup terrible lorsque il cessait d'exister. Toute l'énergie accumulée pour rendre la cité invisible pendant dix printemps était brusquement relâchée. Prosaïquement c'était lever le couvercle de quelque chose qui bouillait pendant dix ans à grand feu et se prendre la vapeur brûlante en plein museau.

Le grand sort de protection était la dernière défense de l'Elysium, son sort le plus désespéré. Parce qu'en définitive, c'était offrir un sursis de quelques années à la Cité de Cristal pour mieux la voir disparaître ensuite.

L'Alma devait-elle faire cela ?

Devait-elle mettre en branle la fin sûre et certaine de sa ville, de sa nation et de son peuple ? Effacer des millénaires de civilisation alicorne, gommer une des plus anciennes races des pages de l'Histoire ?

Elle était censée se battre pour l'Elysium. Pas le précipiter dans le néant.

D'un autre côté, c'était leur seule vraie chance de battre Discord. Et d'empêcher qu'il attaque l'Elysium alors que Luna - et sa sœur ? - ne soient prêtes. C'était un sacrifice à faire.

Et Lucimare avait déjà fait tellement de mal...il fallait sans doute arrêter les frais. Faire en sorte que les alicornes quittent la scène la tête haute et qu'on retienne autre chose d'elles que l'horrible dictature de l'occultrice.

L'Alma Mater baissa les yeux, observant sa toge blanche.

Elle irait personnellement prévenir chaque alicorne que ce soir, elle utiliserait le grand sort de protection. Ainsi, chacune pourra si elle le souhaitait, quitter la cité et partir ailleurs. Rester, c'était se condamner à mort dans dix ans.

Oui, elle irait prévenir les siens. Mais pas demander leur avis.

Elle était Alma Mater, elle devait prendre des décisions parfois douloureuses. Celle ci en était une, et elle la prenait seule. Après tout, l'Elysium était une république.

Pas une démocratie.

¤¤¤

Discord ne se sentait pas très à l'aise dans le cimetière privé de la duchesse Ira. Pas que la mort en elle-même le gênait, il était draconequus après tout et l'infligeait assez souvent, mais il y avait une différence entre tuer et visiter le lieu où l'on mettait les corps des défunts.

Ces tombes bien alignées, ces épitaphes, ces fleurs...tant de respect pour quelqu'un qui n'était plus, c'était incompréhensible pour Discord. On gagnait du respect par ses actes, par ce que l'on faisait. Une fois qu'on était mort, à quoi bon rendre hommage ? Le mort s'en moquait.

Le draconequus avait une fois eu cette discussion avec le roi Hélios, quand le père de Celestia avait profité d'un trou dans son emploi du temps pour venir visiter l'avancée des travaux, à l'époque où Discord restaurait les fresques du château.

L'alicorne jaune avait expliqué à l'esprit du chaos que c'étaient pour les vivants et non les morts, que l'on fleurissait les tombes. Pour qu'ils puissent montrer à ceux qui étaient partis qu'ils les aimaient toujours. Que cela les aidait à faire leur deuil.

Et de fait, un mort prenait une autre stature, quasi sacrée. Intouchable.

Ainsi, même le plus affreux des poneys devenait un saint une fois enveloppé d'un linceul. On gommait les traits négatifs de la personne pour n'en garder que le bon.

Discord doutait que cette théorie marche dans ce cas précis. Pas avec la duchesse Ira.

Il était revenu à l'hôtel particulier dans un seul but, récupérer le sort de contrôle astral. C'était la dernière étape qui lui manquait avant de pouvoir véritablement déchaîner le chaos en Equestria.

Il ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'il y avait quelque chose de drôle là dedans, à se retrouver dans un cimetière à la recherche d'un cadavre, pour remonter le temps et empêcher la mort d'autres personnes.

Le majordome terrestre de la duchesse avait bien essayé de protéger la tombe de sa maîtresse, mais Discord lui avait montré une fois de plus que les mortels ne pouvaient rien contre les esprits du chaos.

Ça n'empêchait pas le domestique d'enrouler ses pattes autour du grand caillou qui faisait office de pierre tombale à la duchesse. Sa livrée était en lambeaux, il tremblait et pleurait à la fois mais refusait de quitter son poste.

Discord se sentait las. Il ne comprenait pas comment quelqu'un pouvait se montrer aussi loyal envers Ira.

La licorne avait été la pire créature qu'il avait jamais rencontrée. La cause de tous ses malheurs. La raison de sa rupture avec Celestia.

Et même morte, elle continuait de se dresser sur son chemin. Elle avait gardé le sort de contrôle astral avec elle, comme si elle avait su que Discord serait obligé de retourner auprès d'elle pour le prendre.

Comme si même décédée, la duchesse refusait d'être prise pour quantité négligeable.

_Ça suffit maintenant, sermonna Discord. Enlève toi de cette tombe.

_Jamais ! répondit Alfred. Après ce que vous lui avez fait ? Vous croyez que je vais vous laisser violer sa sépulture espèce de monstre ?

_Tu veux regoûter à mes griffes ? Dégage, j'ai dit.

Alfred ne bougea pas. Discord leva les yeux au ciel et claqua des doigts. Il changea la réalité de l'air autour du majordome en une main gigantesque, qui prit le domestique entre le pouce et l'index, aussi facilement que s'il avait été une figurine, avant de le soulever au dessus du sol et de le maintenir dans cette position.

Discord se baissa et ramassa la pelle de marbre qu'il avait laissé reposer sur la pelouse. Il s'approcha de la tombe d'Ira.

_Laissez mademoiselle tranquille ! Vous n'avez pas le droit de...

Le domestique se tut quand la main géante s'écrasa sur son museau, lui laissant tout juste assez d'air pour respirer.

_Tu crois que je me soucie des droits ? demanda le draconequus en donnant un premier coup de pelle dans la terre meuble. Je suis Discord.

Il travailla rapidement. Il aurait pu aller plus vite en se servant de sa magie mais quelque chose le poussait à le faire à la patte.

Un peu comme s'il était un terrestre. Discord nota que la duchesse avait dû apprécier d'être inhumée à la manière de la race qu'elle méprisait, à y repenser.

La pelle finit par heurter quelque chose de dur. Et de blanc. Discord dégagea autour du mieux qu'il put.

Elle était là. Enveloppée à la va vite dans ce qui semblait être des draps de soie. Discord approcha sa serre d'aigle du linceul avant d'arrêter son geste à mi parcours. Non. Elle ne méritait pas qu'il la regarde une nouvelle fois.

Il se borna à déchirer le drap pour pouvoir y passer la serre. La robe de la duchesse était devenue beaucoup plus pâle, passant de son gris perle à un teint presque blanc.

La serre se posa sur le pelage froid et Discord sentit la présence du sort. Encore là, toujours vivant, toujours actif alors que sa porteuse était morte.

Il aspira le sortilège de contrôle aussi simplement que ça. Il leva la tête vers le ciel et d'un murmure, leva la lune en même temps que le soleil. Les deux astres se faisaient face dans le ciel bleu.

Le sort marchait bien.

Le draconequus marcha lentement en direction de la sortie du cimetière. Il avait toutes les cartes en main désormais : plus aucune autorité en Equestria, la nation était déboussolée et il avait le contrôle sur les deux symboles les plus puissants du pays.

Discord fit baisser le soleil.

La nuit s'abattit sur Equestria pour la première fois depuis le mariage. Avant que le jour ne revienne quelques secondes plus tard. Puis les astres furent à nouveau ensemble tous les deux dans le ciel.

Ça allait être amusant de les contrôler.

Quittant le cimetière, le draconequus se surprit à réfléchir en passant sa serre sous le menton.

Quelque chose lui manquait ici.

Peut-être devrait-il se laisser pousser la barbe.

¤¤¤

Sourcils froncés, Luna semblait déployer une grande énergie à tirer ses petits pois. Elle observait chaque légume avec attention, tournant et le retournant sous tous les angles, le flairant, donnant de petits coups de langue quelquefois.

Elle était assise devant un grand seau rempli à ras bord de cosses, qu'elle ouvrait l'une après l'autre avec un respect presque religieux.

Elle regardait toujours les petits pois alignés dans la cosse avec une forme de lumière dans les yeux, comme si elle était devant un spectacle particulièrement extraordinaire. Et dans un sens, c'était un peu ça.

Luna s'était passionnée pour les petits pois après qu'Erèbe lui ait lu un conte à l'heure du couché. L'histoire d'une princesse qui avait la peau si délicate qu'elle avait pu sentir un petit pois au travers vingt matelas.

La petite alicorne avait plongé comme jamais dans les mots de la jument couleur menthe. Et à peine le livre refermé et elle-même bordée, Luna s'était mise à rêver de mettre en application la théorie du livre.

Son premier essai s'était révélé infructueux quand le poids d'un seul matelas avait broyé le petit pois qu'elle avait chipé aux cuisines de l'Elysium. Luna avait alors supposé que le légume n'était pas assez adéquat pour l'expérience, et s'était mise en quête du petit pois parfait.

Les alicornes avaient été plutôt surprises de voir la petite pouliche fouiner dans les jardins, ramassant le plus de cosses possible, les entassant dans un grand seau. Elle avait ensuite demandé à Erèbe de porter le récipient jusque dans sa chambre, où elle pourrait trier les légumes en paix. Ce à quoi elle s'affairait depuis un long moment déjà.

Erèbe, un peu en retrait derrière Luna, observait le manège de la jeune pouliche avec amusement. Elle n'avait plus l'habitude de fréquenter des enfants depuis longtemps, et si elle avait cru qu'elle aurait du mal avec Luna, l'expérience l'avait vite détrompée. La petite alicorne était capable de faire fondre le plus dur des cœurs de l'Elysium rien que par son sourire et ses actes.

C'était autre chose avec Celestia. La plus âgée des deux sœurs ne tenait pas en place, elle tournait et retournait sur place comme une manticore en cage. Le reste du temps, elle se fixait sur une activité bien particulière et était capable de la tenir des heures durant.

Il était d'ailleurs temps de voir comment allait l'adolescente à la crinière nouvellement pastel.

Erèbe se leva brusquement de son coussin. Tante Alma n'avait donné aucune instruction particulière concernant Celestia mais l'alicorne couleur menthe glaciale savait lire les silences.

Les deux sœurs étaient importantes pour l'Elysium. Erèbe elle-même ne savait pas très bien pourquoi mais elle le sentait.

Et il faudrait les épauler le temps qu'elles resteraient ici.

Elle sortit de la chambre de Luna, demandant à Japet, qui se trouvait derrière la porte de garder un œil sur la pouliche. Pas que d'écosser des petits pois soit dangereux en soi, mais ils se devaient s'assurer la sécurité de l'enfant en permanence. L'Alma Mater avait été catégorique sur ce point.

Erèbe trotta jusqu'à l'observatoire.

Celui de l'Elysium était très particulier. Quand on parlait d'un observatoire, il était évident qu'on pensait à un lieu destiné à regarder le ciel. Mais dans la Cité de Cristal, c'était l'inverse. Les télescopes étaient braqués en direction du sol.

Cela permettait à la ville de se tenir informée de ce qui se déroulait en Equestria sans directement s'en approcher. Un bel héritage de la politique isolationniste alicorne.

Celestia s'était piquée de l'observatoire depuis peu. Elle y passait le plus clair de son temps. Œil rivé au télescope, elle braquait l'engin sur Equestria et y restait longtemps sans bouger, seul le mouvement régulier de sa poitrine la différenciant d'une statue.

Erèbe se demandait si l'adolescente cherchait à revoir des lieux qu'elle aimait, comme sa maison ou son école. Des endroits auprès desquels elle pouvait se raccrocher.

Dans la grande pièce de l'observatoire, Celestia était seule et toujours aussi immobile. Même le mouvement de sa crinière, pourtant perpétuel en bonne alicorne qu'elle était, semblait ralenti.

Erèbe s'approcha doucement. Elle voulut se faire aussi silencieuse que possible mais Celestia dut reconnaître son pas, puisqu'elle s'adressa à elle presque aussitôt.

_Je vais bien Erèbe, si c'est ça que tu es venue vérifier. Tu pourras dire à Tante Alma que je suis une gentille pouliche bien obéissante, tu vois ?

_A propos de quoi ? demanda sincèrement l'alicorne à la crinière verte.

_Elle veut absolument que je dise aucun mensonge pendant toute une journée, histoire de voir si sa théorie de la Gardienne de l'Honnêteté ou je sais pas quoi, marche.

_Et donc ?

_Et donc je vais super bien Erèbe ! Le draconequus que j'aimais le plus au monde a massacré mes parents sous mes yeux le jour de mon mariage, ma petite sœur se retrouve orpheline à sept ans, on doit se cacher dans ma ville natale où je me sens pas du tout chez moi et où tout le monde est dépressif. Ah oui, comme les habitants de la ville en question avaient réussi à paumer leur arme la plus puissante dans l'endroit le moins cool du monde, c'est moi qui ai dû bouger ma croupe jusque là, me taper je sais pas combien d'épreuves à la con, je me suis fait péter une patte, y a un chauve-pégase avec des chicots pourris qui m'a bavé dans le cou, j'ai combattu trois draconequus qui voulaient me faire la peau, et j'ai manqué d'être changée en pierre pour toujours. Et ça m'a coûté ma crinière aussi. Alors encore une fois : je vais super bien, je suis trop heureuse, c'est la fête de la salle au village.

_Tu as l'air assez amère, commenta l'alicorne adulte.

_T'as trouvé ça toute seule ? Appelez l'Alma pour la prévenir, on a Hercule Poirhoof dans la ville.

_Le cynisme ne te mènera à rien. Ce n'est pas en te focalisant sur des sentiments négatifs que tu...

_TAIS TOI !

Celestia s'était retournée brusquement et avait crié sur Erèbe. Mais pas un simple cri. Quelque chose de beaucoup plus fort, qui venait du plus profond de son être.

_Est-ce que c'est toi qui a vécu ce que j'ai vécu ? demanda Celestia, la voix tremblante, avançant pas à pas vers l'alicorne menthe. Est-ce le seul être que tu as aimé, à qui tu t'es offerte pour la première fois, qui t'as fait enfin te sentir jument, t'as trahie de la pire façon qui soit ? Est-ce que tes parents ont été massacrés par la patte d'un draconequus ? Est-ce que tu te retrouves avec ta petite sœur sur les sabots, qui te demande tout le temps « dis, on les revoit quand papa et maman ? ».

Les yeux magenta de l'alicorne blanche lançaient des éclairs.

_Réponds-moi.

Erèbe garda le silence.

_Alors ne me dis pas quoi faire, pesta Celestia en reprenant le contrôle d'elle-même. Je gère le merdier qui me tombe sur le museau comme je peux et je...

_Oui, la coupa Erèbe.

_Pardon ?

_Oui, j'ai déjà vécu ce que toi, tu as vécu. Enfin, une partie.

Celestia tiqua. Non. Elle avait du mal comprendre.

_Ton petit ami a tué tes parents ?

Si Erèbe confirmait la question de Celestia, quelque chose était clair : les alicornes avaient un sérieux problème pour choisir leurs partenaires. Et elle surveillerait de très près Luna dans quelques années.

_J'ai perdu mon mari et mon enfant. Il y a sept ans. A cause des draconequus.

Celestia tiqua une seconde fois. A sa connaissance, il n'y avait que quatre draconequus. Et ceux qui avaient causé le chaos dans l'Elysium il y a un peu moins de dix ans, c'étaient...

_Les draconequus que j'ai combattus au Tartare ont tué ton mari ?

_Et mon fils, précisa Erèbe avec une grimace de douleur. Confusion s'amusait à...à changer les organes internes de ses victimes. A voir comment faisait une alicorne avec un foie de poney normal. Ou d'ours. Ou de castor.

_Mais c'est horrible, souffla Celestia, sabot plaqué sur sa bouche.

_Il a eu de la chance, commenta Erèbe en baissant le museau, Confusion a remplacé son cœur par celui d'un lapin. Il a très vite lâché et il est mort sans souffrir. Enfin, je crois. J'espère.

Celestia n'arrivait pas à réaliser que l'esprit du chaos qu'elle avait croisé sous terre avait pu être aussi affreux.

_Mon mari, poursuivit Erèbe, toujours la tête pointée en direction du sol, il a simplement été exécuté sur ordre de Lucimare. Parce qu'il n'était pas assez pur selon elle. Qu'il mettait en danger notre société. Alors elle a ordonné à Alkhali de se débarrasser de lui. Il travaillait à la chaîne, il faisait disparaître des alicornes par dizaine. Au sens propre. Arcas a juste été...vaporisé avec d'autres. Comme ça, comme un tour de magie. Pouf.

L'adolescente se sentit soudainement très bête d'avoir crié sur Erèbe sans savoir ce qu'elle avait vécu.

Au moins autant que terrifiée par la réalité que les Événements prenaient dans la bouche de l'alicorne couleur menthe.

_Donc tu as raison, confirma Erèbe, je ne sais pas ce que c'est quand ton petit ami te trahit à ce point. Mais qu'un draconequus te prenne des êtres chers, ça oui. Je l'ai vécu. Et je ne ne suis pas la seule.Toutes les alicornes que tu vois ici dans l'Elysium sont des survivantes d'il y a sept ans. Et pour qu'il y ait des survivantes, il faut bien des morts.

Erèbe releva doucement la tête. Elle ne pleurait pas mais son regard était trouble.

_Je n'ai pas le droit de te dire comment faire ton deuil, Celestia. Mais je pense que je me dois de t'avertir que trop d'amertume n'est pas bon. J'ai vu des amies échapper aux Événements et devenir folles quelques mois plus tard, enfermées dans leur colère et leur chagrin. Je ne voudrais simplement pas que ça t'arrive à toi.

Encore un peu groggy, Celestia fit quelques pas en avant et ouvrit les ailes, avant de les refermer autour d'Erèbe. Elle enlaça tant bien que mal l'alicorne adulte. Les deux juments se turent de longues secondes.

_Je suis désolée de t'avoir crié dessus Erèbe, dit Celestia sans cesser de serrer son aînée contre elle. Vraiment.

_Tout va bien, dit doucement la jument d'un ton maternel. C'est pas grave. Et je pense que c'est bien que tu sois franche avec moi maintenant.

_Tu crois qu'il faudra le dire à Tante Alma ? questionna Celestia.

_La connaissant, elle le sait déjà, répondit Erèbe avec un petit rire.

Au même moment, dans la tour des Éléments, l’œil de l'Alma Mater fut attiré par quelque chose près des socles de marbre. Elle se tenait un peu en retrait, se concentrant à rassembler l'énergie magique qui lui servirait à lancer le grand sort de protection.

Le joyau de l'Honnêteté brillait comme jamais, diffusant sa lueur orange au travers toute la pièce.

L’Élément réagissait positivement à la jeune Celestia.

L'Alma Mater sourit. La Loyauté, et déjà l'Honnêteté. Au moins deux sur six. Comme elle l'avait pensé précédemment, l'avenir de l'Elysium s'attachait de plus en plus aux deux petites princesses.

Cela effaça ses derniers doutes. Elle ferma les yeux, et puisant dans la force des Éléments qui se trouvaient devant elle, lança le sortilège de protection.

Quand elle les rouvrit, elle s'approcha de la fenêtre et constata que la magie avait fonctionné à la perfection. Un bouclier irisé entourait désormais la cité et, qui au delà de protéger physiquement la ville, ferait en sorte qu'aucune magie ne puisse les trouver. Ils disparaissaient de la surface de la terre pendant dix ans.

Une décade où ils laissaient Equestria à la merci de Discord et de ses pouvoirs chaotiques. Mais ils seraient au rendez-vous.

L'Alma Mater resta quelques secondes à observer le bouclier, puis tourna les sabots. Ils n'auraient pas trop des dix ans à venir pour préparer deux enfants à la guerre.

Leur entraînement devait commencer sans tarder.

Vous avez aimé ?

Coup de cœur
S'abonner à l'auteur

N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.

Chapitre précédent Chapitre suivant

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

BroNie
BroNie : #48168
supersonic18 juin 2017 - #48167
Discord et son hôtesombra est une référence a la règle des deux des siths
Dans star wars


Non
Il y a 6 mois · Répondre
supersonic
supersonic : #48167
Discord et son hôtesombra est une référence a la règle des deux des siths
Dans star wars
Il y a 6 mois · Répondre

Nouveau message privé