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La façade de l'art

Une fiction écrite par LordAngelos.

Chapitre 9 : La Capitale des surprises

Des papillons. Plein de papillons de toutes les couleurs. Une véritable myriade de ces êtres volait en cercle autour de Drawlife, tous dans un ordre presque parfait, une équidistance troublante entre eux, comme s’ils faisaient la queue pour exposer chacun à leur tour leur magnificence aux yeux de l’étalon. Quelque chose de beau s’émanait de ce ballet coloré, une étincelle magique qui donnait presque envie à Drawlife d’immortaliser ce spectacle d’une fresque improvisée.

Presque seulement. Cette petite danse fantasmagorique qu’offraient ces papillons était régulièrement ponctuée d’attaques sournoises de ces derniers. Chacun lui sautait littéralement à la gorge à tour de rôle, avant de partir aussi soudainement qu’il n’était venu, laissant la place à une autre créature au colorie et forme différent. Le tout en déposant une démangeaison désagréable.

Suite à un nouvel assaut d’un de ces êtres ailés, l’unicorne effectua un énième mouvement de recul, tentant de suivre des yeux ces mouvements gracieux mais malveillants, avant de se résigner devant l’adresse fulgurante de ces prédateurs de gorge à atteindre leur cible.

« Cesse donc de gigoter Drawlife, ordonna une licorne au crin violet un peu en retrait de l’étalon, tu ne me facilites vraiment pas la tâche !

-  C’est vraiment obligé tout ça ? demanda-t-il d’un air renfrogné en désignant l’essaim de nœuds papillon qui l’encerclait, animé par la magie de Rarity.

-  Il faut trouver le bon nœud pour s’accorder avec ton costume, je ne vois pas où est le problème ?

-  Je ne parlais pas juste de ces nœuds, soupira-t-il en se trémoussant dans la veste noire qu’il portait depuis près d’une heure, je pensais plus au concept de porter des vêtements. C’est juste une exposition, non ?

-  Une exposition que se tiendra à Canterlot ! corrigea expressément la styliste sans abandonner la séance d’essayage de nœud, à la détresse de l’étalon. Tous les poneys qui se rendent là bas seront habillés, il est donc de bon goût d’en faire de même, ne serait ce que vêtue d’un simple accessoire, ce serait si vulgaire autrement. »

Après réflexion, Drawlife se demandait s’il avait bien fait d’accepter la proposition de Rarity. Elle avait beaucoup apprécié le tableau qu’il avait fait d’elle, c’était indéniable ; le discours qu’elle avait tenu pour lui proposer de l’accompagner à Canterlot lors de la prochaine exposition avait été très difficile à suivre, même la licorne semblait perdre le fil entre ses exclamations enthousiastes, ses pics de joie hystérique et ses compliments hyperbolique. L’idée n’avait pas emballé l’étalon sur le moment, mais les nombreux et insistants arguments de la couturière l’avaient convaincu d’accepter. Il avait ainsi laissé Rarity, à la plus grande joie de celle-ci, faire le nécessaire pour que certains de ses tableaux soient exposés lors de l’évènement. Le temps passant, son avis neutre avait mûrie en une envie assez forte de connaître d’autres opinions de ses œuvres, Ponyville n’étant visiblement pas le meilleur endroit pour exposer son art, et c’était donc avec une impatience inattendue qu’il observa le jour J venir à grand galop.

Mais ça, c’était avant que la styliste ne lui impose ces interminables séances d’essayage, qui s’étalaient à présent sur deux jours, et l’étalon n’était même pas certain que cette journée soit la dernière vu le soucie de perfection dont faisait preuve la styliste aux saphirs.

« Pourquoi tu ne m’as pas simplement fournie un costume que tu avais déjà ? D’ailleurs, tu n’avais pas dit que tu m’en avais conçue pendant que j’étais … ? demanda Drawlife en passant rapidement son sabot sur le cou pour mimer le trépas.

-  De quoi parles-tu ?

-  Oh de rien, répondit l’étalon avant de lâcher un rire pincé, … non, sérieusement, ils sont où ?

-  Je les ai jeté, trancha-t-elle sans se détourner de sa quête du nœud adéquat.

-  Pourquoi ça ? Il y en a bien un qui m’aurais plu, et ça nous aurait fait gagner du temps, surtout que là, ça fait deux jours que tu es dessus. Je ne suis pas si difficile tu sais.

-  J’étais sous le coup de l’émotion, et je ne fais jamais du bon travail dans ces conditions, se justifia rapidement la licorne tout en se dirigeant vers une commode pour finalement ranger la nuée de nœud, de plus, pour cette occasion, je préférerai m’assurer que le rendu soit parfait afin que tu puisses te faire remarquer parmi les autres artistes. Donc tu m’excuseras de ne pas être aussi rapide que tes espérances !

-  S’ils y vont tous habillé, y aller sans vêtements sera suffisant pour me démarquer … » grommela-t-il.

Sans avertissement, son souffle fut coupé un court instant lorsque sa veste noire se resserra sur lui par l’intermédiaire de la magie de la licorne blanche. Un regard en coin lui fit remarquer l’air réprobateur de son habilleuse. Ce n’était pas la première fois qu’il subissait des punitions magiques de licorne qu’il avait irrité.

« Bien tenté, mais non ! Je sais parfaitement comment les choses fonctionnent là bas ; la première impression est capitale pour que ces gens daignent apporter leur attention sur toi et te laissent une chance de faire ta place dans le milieu de la haute société.

-  On y va juste pour récolter des avis et des critiques, pas besoin de tout ce cinéma …

-  En partie oui, ajouta Rarity en replongeant son attention dans son armoire d’accessoires.

-  En partie ? Tu entends quoi par là ?  demanda Drawlife, les oreilles soudainement dressées par la curiosité.

-  Je préfère que nous soyons sur place pour t’en parler, le cadre sera plus approprié. Je sais que je te donne l’air de te cacher à nouveau des choses, rajouta-t-elle en remarquant l’air suspicieux de l’étalon, mais j’ai cerné ton défaitisme, et je ne veux pas prendre le risque que tu refuses sans même avoir essayé. Cette fois ci je t’avertie que j’ai quelque chose de prévue pour toi, non ?

-  Je n’aime pas ça quand même …

-  Fais-moi confiance s’il te plaît, tu me remercieras plus tard. »

Lui faire confiance. Drawlife n’aimait pas spécialement qu’on lui cache des choses le concernant, en particulier parce que ça lui donnait toujours cette impression que l’on cherchait à le contrôler, de lui ôter sa liberté d’action. Mais cette idée avait été plusieurs fois mise en déroute depuis son intégration partielle à Ponyville. De plus, la généreuse Rarity, forte de l’avoir épaulé du mieux que lui permettait son tempérament, faisant parfois fi de sa propre personne au profit d’un étalon dont la seule chose qui les liait été une passion de l’art, lui demandait pour la première fois un service, celui de simplement lui faire confiance. Qui était-il pour refuser cette première et simple demande ?

Il s’apprêtait à lui communiquer son accord quand un claquement sonore le stoppa dans son élan. Rarity venait de refermer plutôt brutalement l’armoire, plus en tout cas que son tempérament précieux habituel lui autorisait. L’étalon remarqua vite que la couturière était nerveuse, voir paniquée à en juger par les marmonnements qui s’échappaient de ses lèvres crispées ainsi que des vas et viens empressés entre son chevalet de conception et son stock de matériaux de couture. Si la météo pouvait prendre forme selon l’humeur des poneys, un cumulonimbus particulièrement électrique flotterait au dessus de sa crinière ondulé.

« Je ne vais jamais y arriver à ce rythme là ! pesta-t-elle en claquant une autre armoire sommairement fouillée.

-  Qu’est ce qui ne va pas ? interrogea timidement Drawlife de peur de déclencher la bombe de frustration que semblait être devenu la licorne.

-  Il y a que j'essaie de faire quelque chose d’original, de ne pas te faire un simple smoking sans saveur. Mais il y a aussi que je ne parviens pas à trouver le bon mariage pour intégrer des éléments de couleurs similaire à tes mèches ! Ça en devient indécrottable !

-  Et le costume noir est obligé ? Non parce que j’ai vraiment l’air d’un croque-mort là dedans …

-  Comment ? grinça la licorne en stoppant brutalement toute recherche.

-  Ou un pingouin si tu veux moins morbide, corrigea Drawlife en reculant d’un pas devant le ton soudainement cinglant de la fashionsista, non vraiment, je vais faire damier avec ça sur le dos.

-  Umph ! Je croirais entendre Applejack. J’aimerais bien connaître tes antécédents en matière de mode pour te permettre de m’affirmer de telles sottises. »

L’étalon n’était pas un expert en ce qui concerne la mode c'est vrai ; mais en tant que peintre, il avait un minimum de connaissances concernant le choix des couleurs, marier les bonnes teintes était quelque chose qu’il avait vite apprit à maîtriser depuis longtemps. Il réfléchit quelques secondes, afin de trouver une proposition qui pourrait au moins calmer son habilleuse, et accessoirement écourter toute ces séances interminables pour lui confectionner un costume.

« Je n’en ai aucun en effet, avoua le peintre sans tenir compte du sourire entendu de la styliste, et je vais peut être dire une bêtise, mais pourquoi tu ne changerais pas ce code des costumes foncés ? Par exemple en allouant une couleur plus discrète par rapport à mon pelage comme ton principal de la tenue ?

-  Plus discrète ? »

Par réflexe pour son intégrité physique, Drawlife leva un sabot devant son visage pour se protéger d’une possible attaque nerveuse de la jument. Mais à la place, sa proposition semblait avoir plongé Rarity dans une intense réflexion. Les traits de son visage s’étaient brusquement adoucis pendant qu’elle se dirigeait vers l’armoire contenant les étoffes. Pendant que l’unicorne baissait sa garde, la licorne saisissait quelques rouleaux par magie, les joignant par paire ou par triplet pour tester différentes nuances, jetant de temps en temps des regards vers l’étalon et se répétant pour elle-même ses derniers mots. Ses gestes se firent plus hâtifs lorsque, dans son silence pour ne pas la troubler, l’unicorne vit une étincelle briller dans les iris cobalt de la styliste. Cette dernière cria finalement un « Idé-ée ! » qui fit vibrer les entrailles de Drawlife tellement l’intonation était forte et aiguë. Ce ne fut qu’après quelques croquis frénétiques et recherches rapides et habiles d’outils de couture que le moment le moins apprécié par l’étalon démarra.

Excitée comme une pouliche, Rarity s’était précipitée vers lui, accompagnée d’un véritable nuage de tissus, de bobines de fil et de fins rubans obscurcissant la pièce, la principale lumière venant dorénavant de l’aura azur émise par la corne blanche de la jument. Après que son costume ne lui soit retiré par télékinésie, un large morceau d’étoffe noir vint se poser délicatement sur son dos, puis remonter sa nuque et finalement enrouler son encolure, le tout avec l’agréable sensation d’une caresse de sa mère. Mais même ce souvenir plaisant ne suffisait pas à camoufler la crainte de l’objet qu’approchait Rarity d’un sourire enjoué, transformé en grimace sadique aux yeux de l’étalon par les jeux d’ombres et de lumières.

Une aiguille.

Drawlife n’en était pas phobique, mais la peur que la couturière puisse rater son coup et planter la pointe de métal dans sa chair tendre lui donnait des frissons nerveux. Chaque fois que la sensation froid de l’acier frôlait ses poils, un courant remontait toute sa colonne, provoquant des sursauts de panique difficilement contrôlable, ce dont Rarity ne semblait pas apporter d’attention durant sa concentration. Elle avait demandé à ce que l’étalon lui serve directement de mannequin, n’en ayant pas de sa corpulence ; ceci combiné à son désir obsessionnel de lui concevoir le costume parfait n’avait autorisé aucune protestation de la part de la “victime“. C’était la troisième fois qu’il subissait les assauts de l’aiguille, mais il ne s’y habituait toujours pas.

Ne pouvant décemment pas bouger au risque de vraiment se prendre la pointe dans les flancs, il se concentra sur le plafond, encore visible entre les différents rouleaux de tissus, afin d’ignorer au mieux la présence de l’outil de ses suées.

La bataille mentale que maintenait Drawlife pour ne pas craquer prit fin lorsque Rarity lui autorisa enfin à bouger, la mine ravie ; ce n’était pas vraiment le cas de l’étalon.

« Rarity, je savais que tu pouvais y arriver, s’auto-complimenta l’intéressée après quelques pas en arrière, ça n’allais pas être une simple veste qui serais venu à bout de ton fabuleux talent créatif !

-  Plus jamais ça … murmura l’étalon, le regard encore paralysé par l’expérience.

-  Quoi donc mon cher ?

-  Te servir de moi comme mannequin.

-  Voyons Drawlife, je sais ce que je fait, affirma-t-elle en se gaussant, j’ai déjà procédé de cette manière d’innombrable fois et je n’ai jamais fais de blessés si c’est ce qui t’inquiétais.

Un de ses fins sourcils se leva en constatant les regards insistants de l’unicorne sur l’aiguille qu’elle continuait de faire flotter à proximité d’elle.

- « A moins … à moins que tu ais peur des aiguilles ? »

Le silence rougissant de l’étalon suffit à faire rire la licorne, qui s’amusa un peu en “menaçant” l’étalon, toujours en gloussant. Elle reprit cependant son enfantillage assez vite, afin de faire flotter le grand miroir devant Drawlife pour qu’il puisse donner son avis quand à son nouveau ‘’chef d’œuvre pour la gente masculine‘’. L’unicorne fut très surpris de ce qu’il voyait au travers de la glace réfléchissante. Les précédents essais de Rarity lui avaient toujours donné cette impression d’être déguisé, et pourtant, l’habit actuel avait tout pour paraître encore plus frivole. La veste gris perle, dénotant légèrement de son pelage platine, était cousu grâce à d’épais fils aux couleurs cuivre, formant des arabesques au niveau du col légèrement montant. Cette même veste était ouvert au niveau du poitrail pour laisser entrevoir la chemise noir de jais d’en dessous, cousu cette fois de fil argenté et boutonné jusqu’au cou. Les ourlets des manches passaient par-dessus la veste, juste au dessus des sabots, laissant apparaître des boutons de manchette sertis chacun d’une topaze d’une taille assez imposante ; le même style de bouton était d’ailleurs présent au col de la chemise.

« Alors ? Qu’en penses-tu ? » demanda Rarity, frottant ses sabots d’anxiété devant l’absence de réaction prolongée de Drawlife.

Non, Drawlife ne comprenait vraiment pas. La tenue aurait du le débecter, ne serait ce que par la présence des joyaux. Et pourtant … Il l’aimait bien. Pas juste pour faire plaisir à Rarity, il l’aimait vraiment. Ça ne faisait ni pédant, ni négligé, l’ensemble se faisait suffisamment discret pour ne pas attirer trop l’attention, et surtout, Rarity avait prit le soin de le rendre suffisamment ample pour ne pas le gêner dans ses mouvements. La tenue parfaite !

« Tu sais, je n’étais pas tout à fait franc en disant que je n’étais pas difficile … fit remarquer stoïquement l’étalon.

-  Oww, ça ne te plaît pas ? Pourtant j’étais persuadé que c’était ce que tu m’avais suggéré…

-  Mais là, je n'ai jamais autant apprécié de porter des vêtements. Je dois avouer que tu es très forte à ce jeu là.

-  Oh, parfait, si ça te plaît autant c’est que j’ai parfaitement réussi cet ensemble, se félicita Rarity d’un ton beaucoup plus joyeux, en plus, cette répartition des couleurs est fantastique, elle m’inspire beaucoup pour la suite de mes créations.

-  Content pour toi alors, et encore merci pour ce costume.

-  C’est plutôt à moi de te remercier pour m’avoir soufflé l’idée » corrigea la jument d’une voix plus charmeuse juste avant d’offrir une bise fugace sur la joue de Drawlife.

Celui-ci se figea quelque instant, surpris par ce petit geste inattendu, jusqu’à ce que la magie de la licorne encore guillerette ne lui enlève son apparat, le forçant à lever les pattes pour ne pas trébucher.

Le tout sous le regard attentif de petits yeux verts qui observaient la scène depuis l’entrebâillement de la porte de la pièce.

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Une petite paire de griffes maintenait fébrilement la molette de réglage d’une cuisinière, tandis que du chocolat frémissait dans son bain marie. L’autre main du propriétaire des griffes tenait un flacon remplie d’une poudre blanche, semblable à du sucre glace mais dont le récipient ne correspondait pas, au dessus des petites casseroles, prête à verser son contenue.

Spike, debout devant la préparation d’un petit déjeuner, tenait la pose depuis plusieurs minutes, le regard dur et ses arcades écailleuses froncés. De temps en temps, ses doigts tenant le flacon de poudre manœuvraient de quelques millimètres pour tenter d’en renverser le contenu, mais faisaient brusquement chemin inverse la seconde d’après.

« Roh, ça ne me mènera à rien … »

Après un soupir las, le dragonnet posa le flacon un peu plus loin, éteignit l’arrivée de gaz, et versa le chocolat à présent bien chaud et absent de poudre dans un bol.

Se dirigeant vers les chambres de la maison-bibliothèque, le récipient sur un plateau accompagné d’un croissant et d’une tartine de miel, Spike constata une fois en haut des escaliers que le destinataire de son repas était déjà réveillé, descendant tout juste de son lit.

« Ton petit déjeuner Drawlife ! s’exclama le dragon en tenant un sourire sur son visage rondouillet.

-  Ah tiens, salut Spike ! fit l’étalon en dirigeant son regard cerné vers le petit dragon violet. Tu n’étais pas obligé de monter, j’allais justement descendre.

-  Et prendre le risque que tu te casse une patte en trébuchant des escaliers à cause de la fatigue ? Tu va passer ta journée avec Rarity je te rappelle, pas question que tu lui poses un lapin ! »

La dernière phrase due passer par une gorge affreusement serré avant de parvenir aux oreilles de Drawlife.

« C’est sympa, merci ! répondit Drawlife en saisissant par magie le plateau. Mais pense un peu à toi avant, enfin, je veux dire … je ne t’en voudrais pas si tu n’es pas au petit soin avec moi comme tu l’es avec Twilight, ou même Rarity, je n’ai rien mérité de tel. »

« Rien mérité, oui, si tu savais à quel point ! »

Sentant la moutarde lui monter aux narines, Spike se contenta d’un signe de la main avant de descendre rapidement en cuisine et laisser l’étalon déguster son repas du matin. Une fois sur place, il déchargea sa frustration en cognant contre un mur, puis une deuxième fois, pour être sûr. Heureusement qu’il était encore un bébé dragon, y ayant mis toute ses forces, il aurait laissé des traces de griffes sur le mur.

Mais le petit dragon ne pouvais pas se mentir : il était jaloux, très jaloux. Lui qui avait tenté d’être ami avec Drawlife plutôt que de le voir d’un mauvais œil comme beaucoup à Ponyville, la tâche lui devenait vraiment difficile. Depuis sa venue, Rarity accordait beaucoup de son temps pour l’étalon gris. Et si au début, Spike trouvait encore le moyen d’accompagner la merveilleuse licorne lors de ses quelques sorties, c’était devenue impossible depuis l’incident de la fête d’anniversaire de Sweetie Belle. Et maintenant, elle allait carrément faire une sortie avec Drawlife, juste tout les deux, à la grande Canterlot, toute une après midi. Le rêve ! Mais pourquoi fallait-il que ce soit avec un autre que lui ? C’était injuste ! Ça faisait déjà plus d’un an qu’il avait rencontré Rarity, que le coup de foudre durait, qu’il lui faisait la cours à sa manière. Il sentait qu’il touchait au but, il voyait des signes, que ce n’était l’affaire que de quelques mois, peut être même que quelques semaine, et boum ! Un bel étalon prend sa place, sans lui demander son avis, réduisant tout son travail de préparation à la déclaration concrète de sa flamme à néant !

Une vengeance, une leçon, une farce, n’importe quoi qui pourrait éloigner la belle Rarity de ce Drawlife et la lui rendre, voilà tout ce que désirait Spike en ce moment même. Malheureusement, il avait déjà payé les pots cassés avec les revers de ce genre de désir, notamment avec Owloysius, la chouette de Twilight, dont la venue avait failli briser son lien avec la licorne violette. Il fallait qu’il y réfléchisse, et il avait du temps pour étudier l’unicorne et découvrir ses faiblesses. Ça ne sera pas bien long.

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Attendre. Cela faisait partie des choses que Sweetie Belle n’appréciait pas beaucoup, lui collant un tempérament d’impatiente. Il y avait bien des fois où elle passait outre sa volonté que les choses passent vite, comme en ce moment, alors que sa grande sœur se vêtit de sa dernière robe pour qu’elle puisse lui donner un avis extérieur. Elle n’allait pas être la seule juge cependant, quoique, pouvait-on demander à un chat domestique d’avoir un jugement vestimentaire ?

Heureusement, elle avait suffisamment d’histoire à l’esprit pour occuper son temps d’attente, en particulier ce petit bisou qu’elle avait surpris il y a quelque jour. Elle avait cru comprendre que Drawlife était tombé très malade récemment, et depuis qu’il était guéri, Rarity lui accordait beaucoup d’attention, comme si elle avait peur qu’il retourne à l’hôpital ; pourtant, ça ne l’empêchait pas d’être contente.

Et maintenant avec le cadeau que Drawlife avait fait à sa sœur, Sweetie Belle les épiait dès qu’ils étaient ensemble, des fois que ses soupçons quand à leur liaison soient fondés. Après ce bisou, elle se demandait ce qui pourrait bien être la prochaine étape. Les petits papillons apparurent aux yeux de la petite licorne tandis qu’elle imaginait toutes sortes de choses romantiques, tout du moins pour une pouliche.

Au bout d’un long moment, Rarity se décida enfin à annoncer qu’elle était prête à se montrer. Sweetie Belle n’avait jamais vraiment compris pourquoi sa sœur insistait tant à se changer derrière ces battants pliables, ça faisait partie de ses manie que la petite licorne espérait ne jamais s’imprégner dans le futur. Malgré tout, cette pudeur injustifiée offrait un moment de surprise, et Sweetie Belle aimait beaucoup les surprises.

Et pour le petit bonheur des yeux de la pouliche, la surprise fut vraiment de taille, en témoigne la longue exclamation sortant mélodieusement d’entre ses lèvres, tandis que son aîné paradait en quelques pas gracieux, animant la robe sujette aux jugements de son public. Sweetie Belle n’avait encore jamais vu sa sœur faire des robes avec aussi peu de couleurs, le noir et le gris très clair dominant âprement l’ensemble, et pourtant, c’était une des plus jolie qu’elle ai jamais faite, car avec cette technique, la crinière pourpre de sa sœur ressortait à merveille, ainsi que tous les petits saphirs qu’elle avait mis ici et là, surtout au niveau de la traîne gris perle brodé de motif cuivré. Opalescence de son coté y jeta un œil distrait, avant de retourner à sa toilette personnelle.

« Alors Sweetie, qu’en penses-tu ? demanda fièrement Rarity, posant comme la pouliche avait put le voir dans certains magazine. Oh, ne dit rien, ça se voit à ta frimousse. Fabuleux n’est ce pas ?

-  C’est ma grande sœur qui l’a faite, alors c’est normal, lâcha la pouliche blanche avec un air faussement blasé, je vois pas ce que t’attendait d’autre comme réaction. Tu fais toujours des robes trop belles !

-  Certes, mais je préférais m’en assurer, mon jugement à tendance à se fausser dans mes frénésies créatrices, donc un avis extérieur n’est jamais de trop ! précisa la jument en s’avançant vers la voisine de sa sœur. Et toi ma Opalounette chérie ? Comment trouves tu la dernière œuvre de ta maman ? »

Interrompue dans ses affaires, la chatte blanche feula de mécontentement, mais s’affaira à répondre à sa maîtresse par un lapement de son museau, que celle-ci tenait très près, comme pour ne rien rater des réactions de son animal fétiche. Sûrement habitué à ses réactions, le félin ne réagissait même pas quand, transféré par magie, elle passa de son cousin aux pattes avant de sa maîtresse, subissant un câlin frénétique de sa part, elle-même sujette à des gloussements hilares et des compliments mielleux. Face à un tel spectacle, Sweetie Belle ne savait pas si elle devait rire ou avoir honte, tellement le comportement de sa grande sœur dépassait allègrement son niveau d’immaturité en présence d’Opal.

En tout cas, Drawlife et sa sœur allait faire un joli couple. L’étape suivante allait peut être se produire pendant leur sortie à Canterlot, qui sait ?

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De l’agitation dans la bibliothèque réveilla un dormeur, rompant sa longue sieste journalière. Doucement, sans bouger, il ouvrit un œil pour voir qui ou quoi pouvait bien être responsable de tout ce bruit. Après tout, il était dans un lieu censé être calme pour tous les lecteurs en herbes qui voudraient bouquiner, c’était impensable que le volume sonore dépasse celui d’une conversation paisible.

Au loin, dans la pièce principale où se trouvait aussi la porte d’entrée, il pouvait voir une licorne violette suivre de près un autre équidé cornu mâle, gris et habillé d’un costume assortie à son pelage, et ce dernier semblait plutôt contrarié. Sa bouche grande ouverte ainsi que celle de Twilight Sparkle indiquait que le bruit venait d’eux ; sûrement une dispute, encore.

« Mais arrête ça Twilight, je ne suis pas un môme. » couina l’étalon en tentant d’ouvrir la porte d’entrée avant d’être stoppé par une aura magenta.

- « Peut être, mais jusque là tu ne m’as pas vraiment prouvé que j’ai tord de me méfier, informa la licorne tout en maintenant sa prise télékinésique sur la porte, alors tant que tu ne me jurera pas que tu ne feras rien de déplacé envers Rarity, je ne te laisserai pas partir.

-  Tu sais quoi, j’ai l’impression que quoi que je fasse ou dise, tu ne me croira pas.

-  Je ne pense pas que ton coma t’es changé à ce point, en effet.

-  Et bien laisse moi faire mes preuves ! lança Drawlife en cessant ses efforts sur la porte entrouverte, En plus c’est Rarity, après tout ce qu’elle a fait pour moi, je ne vois pas pourquoi tu penses que je lui ferais du mal. »

Le regard de la licorne se fit à ce moment plus insistant, affichant tout la méfiance qu’elle donnait à l’étalon gris. Il fallait croire qu’aucun mot n’avait besoin de confirmer ce sentiment, car l’unicorne tressaillit légèrement devant l’attitude de Twilight Sparkle, l’encourageant à partir au plus vite. Cette fois ci rien n’entrava l’ouverture de la porte.

« Bon, cette fois ci j’y vais, je risque d’être en retard si je doit perdre mon temps à te convaincre. Passe une bonne journée quand même. »

Twilight lui rendit sèchement son amabilité, mais le silence qu’elle s’imposa pendant les secondes qui suivirent inspirait bien au dormeur la mauvaise humeur qui devait bouillir à l’intérieur de la jument. Il n’aimait vraiment pas la voir comme ça, donc il abandonna ses espérances de sommeil et s’envola vers elle pour tenter quelque chose qu’il faisait très bien.

« Ouh-ouh !

-  Oh, c’est toi Owloysius ? constata surprise la licorne, la chouette voletant juste devant son visage après qu’elle soit revenu sur ses sabots. Désolé si on t’a réveillé, mais je n’aime vraiment pas le savoir seul avec une autre jument.

-  Ouh ? hulula à nouveau l’oiseau, posée à présent sur le dos de sa maîtresse.

-  Drawlife et Rarity vont à Canterlot, je ne t’en avais pas parlé ? … Eh mais j’y pense, ils ne seront pas nécessairement tout seul !

-  Ouuuh …

-  Exact, tu penses comme moi, confirma la licorne d’une mine réjouie, tu pourrais m’amener Spike s’il te plaît ? Je vais avoir besoin de lui pour écrire une lettre. »

Owloysius se pencha en avant pour acquiescer la demande, et tout juste prit-il son envol qu’il vit Twilight attraper par magie un flacon remplie d’une poudre blanche, l’air suspicieuse.

« Et il faudra aussi qu’il m’explique ce que faisait ce flacon de laxatif dans la cuisine. »

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Malgré les réticences de sa sœur, Sweetie Belle l’avait convaincue d’attendre avec elle la venue de Drawlife. Il faut dire qu’elle n’avait pas été tendre sur les allusions romanesque pendant toute la matinée suite à sa petite découverte, et avait presque doublé la dose pendant le repas que Rarity avait très vite écourté pour se préparer à son rendez vous. La pouliche avait beau s’être fait copieusement répété que la chose n’avait rien de galant ni d’aucun but romantique, elle se plaisait à imaginer sa sœur et Drawlife ensemble. Surtout que depuis le fameux cadeau de ce dernier, Rarity était beaucoup plus jovial et propice à jouer avec la pouliche, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Donc si ça pouvait durer …

Un carrosse s’était garé juste devant le Carrousel, son équipage formé par deux grand pégases attendant le couple de licornes pour partir en direction de la capitale Equestrienne. Admirative des belles choses, surtout celles qui brillent, Sweetie Belle ne put être qu’une nouvelle fois admirative face à l’opulence dont faisait preuve le véhicule, aux courbes élégantes et soigneusement décoré de petits joyaux. La petite jument jugeait Drawlife bien chanceux sur ce coup, s’être attiré les faveurs de sa sœur lui donnait vraiment l’occasion de goûter au luxe. Elle espérait juste qu’il n’en profiterait pas trop, Rarity était généreuse mais pas idiote, sa serait bête qu’il gâche sa chance par trop de gourmandise.

L’unicorne choisit d’ailleurs ce moment de réflexion pour apparaître au coin d’une ruelle, trottant dans leur direction comme s’il accusait un léger retard. C’est en ce tournant vers sa sœur pour la prévenir qu’un détail la frappa sur la robe qu’elle portait. Le léger tissu ondulé qui composait la partie inférieur de l’ensemble était aussi noire que la chemise de l’étalon, tandis que les épaisseurs supplémentaires, un grand col, un large châle ainsi qu’une courte traîne étagé, adoptait la couleur perlé du gilet. Seul des dentelles blanches et de nombreux petits saphirs venaient casser la ressemblance frappante de conception des deux costumes.

L’unicorne étant encore à une distance suffisante pour ne pas entendre ses chuchotements, elle saisie l’occasion pour éclaircir ce point.

« Rarity-y ! chuchota bruyamment la pouliche en tapotant la partie nu de la patte de sa sœur.

-  Oui Sweetie ? Pourquoi parles-tu aussi bas tout d’un coup ?

-  C’est normal que ta robe soit tout pareil que la tenue de Drawlife ?

-  Que veux-tu d … Oh, ça ? comprit la jument après une rapide comparaison entre les deux ensembles. Et bien une simple idée de ligne de vêtements que je voulais tester.

-  Et c’est fait exprès qu’ils aient les mêmes couleurs que lui ? insista la pouliche après avoir étudié plus précisément la veste de l’étalon, constatant la similitude des coutures argent et cuivré, couleurs présentes dans sa crinière.

-  Où veux-tu en venir ?! s’énerva la styliste face à ce qui ressemblait à des accusations. Étant donné que Drawlife va être mon compagnon pour cette journée, il était logique que nos tenue soient ass … Quoi ? »

Une petite phrase, un petit mot dont on pouvait en déduire beaucoup de chose. “Compagnon” résonnait aux oreilles de la petite jument comme un aveu de la liaison de sa sœur avec Drawlife, lui tirant un sourire malicieux de son visage d’ange.

« Pourquoi me regardes-tu ainsi ? Je n’aime pas quand tu … »

Prise d’un sursaut de compréhension, Rarity stoppa net sa phrase, semblant à présent observer en profondeur les yeux de sa sœur pour tenter de lire dans son esprit et confirmer la conclusion qu’elle avait tirée. C’était le moment qu’attendait Sweetie Belle, elle n’avait plus qu’à maintenir un regard comme elle seule savait le faire pour que sa sœur réagisse de la façon la plus délectable possible.

« Ah non ça suffit Sweetie Belle, explosa la jument, on en a déjà parlé ! Arrête de t’imaginer des contes de fées, ce n’est pas de ton âge. Et … Et arrêtes-moi ce regard oppressant à la fin !

-  Qu’est ce qu’il se passe Rarity ?  intervint Drawlife qui était finalement arrivée à leur niveau, l’air perplexe malgré le léger souffle court dont il accusait.

-  Il se passe que ma sœur fait beaucoup de chose avec toi ces derniers temps, accusa la pouliche d’un air innocent

-  Heu … Qu’est ce qu’elle veut dire par là ? s’étonna l’étalon voyant la mine déconfite de la licorne en robe.

-  R…rien de bien important, baffouilla-t-elle en poussant précipitamment sa petite sœur vers l’intérieur de la boutique, c’est l’heure de sa sieste et elle n’a plus toute sa tête quand elle fatigue.

-  Eh ! Je ne fait pas de-mmmmh ! » tenta de préciser l’intéressée avant de se faire museler par magie.

Renvoyée sans ménagement dans l’enceinte du Carrousel, Sweetie Belle voulu protester face aux agissements de Rarity, mais elle abandonna très vite devant le regard foudroyant de celle-ci, signifiant très clairement un “on va avoir des choses à se dire quand je rentrerai ”. Clouée par l’autorité de son aîné, elle ne put suivre le départ des deux adultes qu’à l’oreille, au travers de la porte claquée sous son museau.

-  Bon, on y va ? Les pilotes nous attendent je crois, s’impatienta l’étalon une fois que Rarity l’ait rassuré sur les agissements de sa sœur.

-  Oui, bien évidement, acquiesça la licorne dont le timbre de voix s’était fait beaucoup plus clair, mais pourrais je juste savoir ce dont tu penses de ma robe ?

-  Oh, ben elle est sympa, vraiment » répondu nonchalamment Drawlife, tandis que des bruits de sabots indiquais qu’il montait dans le carrosse.

Derrière sa porte, Sweetie Belle, l’ouïe plus au aguets que jamais, arrivait parfaitement à s’imaginer la scène que devait résulter de cette réponse ; et regretta soudainement d’être aussi perspicace. Elle n’avait pas entendu de bruit succéder à ceux de Drawlife sur les marches-sabots, ni distinguer aucune friction du tissu de l’épaisse robe de sa sœur. A n’en point douter, Rarity devait avoir mal prise la réponse presque désintéressée de l’étalon gris. Elle était fière de sa robe, peut être plus que d’habitude, sûrement parce qu’elle l’avait fait en partie pour Drawlife de ce qu’avait finit par en déduire Sweetie, et lui n’avais même pas prit la peine de faire un vrai compliment, tout juste un mot balancé à la va-vite.

Finalement, des claquements de chausse-fer se firent entendre, témoignant l’entrée de Rarity dans le carrosse, avant que celui-ci ne décolle avec le hennissement de l’attelage, laissant la pouliche blanche seule, un remord naissant serrant son petit cœur.

Au final, Rarity avait peut être raison, elle se faisait trop de film.

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Le trajet vers Canterlot parut extrêmement long au jugé de Drawlife. L’intervention de Sweetie Belle précédent le départ avait vraisemblablement mit Rarity mal à l’aise, la forçant au silence et contraignant l’unicorne à ressasser ses attentes et ses inquiétudes comme seule occupation. Après tout, c’était la première fois qu’il se rendait à Canterlot, la capitale d’Equestria, concentré de haute société et surtout, chose importante, ville de résidence des Princesses Celestia et Luna.

Il ne les avait jamais vue autrement qu’en photos ou sur des fresques, et même avec cette limite, il les avait toujours trouvé magnifique, surtout ensemble, où le contraste de leur rôle prenait toute leur valeur ; les admirer en vrai devait être quelque chose de fabuleux, de grandiose, de spectaculaire, et de tout un tas d’adjectif qui se bousculait dans son esprit, et il ne doutait pas que son réflexe artistique pourrait se manifester assez rapidement.

Mais voir les Princesses face à face faisait aussi partie de ses craintes, même si avec du recul il était improbable qu’il les croise. Leur faire mauvaise impression l’horrifiait, car après tout, elles avaient été misent au courant au sujet de ses dérapages pendant ses débuts à Ponyville, voir peut être même plus, étant donné le statut de protégée de la Princesse solaire dont disposait Twilight, celle-ci n’ayant pas hésité à le rappeler à plusieurs reprises afin d’appuyer ses “conseils” envers lui. Les régentes d’Equestria n’étaient pas intervenue jusque là, mais avec son don pour nuire à ses relations sociales, il pourrait leur fournir maladroitement une raison de s’occuper de son cas.

Un goût salé s’étaient glissé entre les lèvres de Drawlife. Sortie de ses pensées, il constata rapidement que son visage était humide de sueur, généré par sa peur toute nouvelle des Princesses. Pour le coup, il se sentait bien idiot : pourquoi a-t-il fallu qu’il attende de ne plus pouvoir faire marche arrière pour s’affoler avec ce détail qui aurait pu changer son choix de venir à Canterlot ? Qu’allait-il dire à Rarity, maintenant que cette perspective dérangeante s’était loger dans un coin de son esprit ? Surtout qu’elle n’avait pas l’air non plus dans son état normal. Néanmoins, clarifier ce risque était une occasion de briser la glace qui la rendait muette depuis le début de leur voyage ; le carrosse se rapprochant rapidement de leur destination, il serait dommage que son guide soit aussi rigide une fois sur place.

« Dis Rarity, lança Drawlife à l’attention de la licorne après une toux pour se faire remarquer, est ce que les Princesses seront présentes ? »

La jument sursauta discrètement, extirpée des pensées qu’elle observait au travers de la fenêtre du carrosse. Elle ne signala son attention que par un murmure, ce qui confirma à l’étalon qu’il ne s’agissait pas juste d’un mutisme d'ennui, mais ne rendait pas la prise de parole moins pesante.

« Je disais, enchaîna l’unicorne pour ne pas se laisser distraire, y’a-t-il une possibilité que les Princesses Celestia et Luna soient présentes pour l’exposition ?

-  Et bien de ce que je sais, elles n’ont pas été expressément invité, donc les chances qu’elles soient effectivement présentes sont légères. Il en reste qu’elles sont Princesses, elles ont tout à fait le droit de venir si elles le désirent. »

La réponse aurait dut plonger Drawlife dans le stress, il avait d’ailleurs toujours cette boule dans la gorge qui refusait de partir, l’empêchant de respirer sereinement. Mais c’était le ton froid qu’avait employé la licorne qui l’inquiétait à présent. L’impression que quelque chose l’avait contrarié se fit plus clair, mais pas la nature de ce quelque chose. Cela le gênait particulièrement, d’une part parce qu’il n’avait encore jamais vu Rarity faire la tête en sa présence, mais aussi parce qu’il imaginait très bien Twilight Sparkle saisir l’occasion de le descendre encore si elle était au courant de ce fait. Il n'eus cependant pas le temps de développer la chose, car les pégases tirant leur véhicule avaient amorcé la descente vers une des grandes place de Canterlot.

Le spectacle que lui offrait la ville suffit à le distraire momentanément de ses soucies. L’endroit était vraiment magnifique, bien plus qu’en image. En bas, tout était très animé, beaucoup de poney circulaient, en grande majorité composé de licorne, se pavanant dans les rues, se faisant des salutations aimables. Mais ce n’était pas tant par le coté chic qui se dégageait des passants que par la qualité architecturale des bâtiments que Drawlife s’émerveillait. Tout avait été bâti dans un style baroque et ancien, dans un mélange de couleurs pastel qui départageait les maisons sans tourner au grotesque. Le dallage au sol formait des arabesques de par leur simple forme, donnant l’impression d’arpenter une véritable œuvre d’art. Et comble du spectacle, une fontaine géante trônait au milieu de la place, autour de laquelle se garait d’autre carrosse qui les avaient précédé. C’était vraiment un lieu digne de la présence de Princesse, à n’en point douter.

Son regard pétillant se tourna vers Rarity, pour voir si elle était aussi impressionnée que lui par ce qu’il voyait, mais l’unicorne ne la vit que soupirer, le menton posé mollement sur le rebord de la fenêtre, le regard fixant toujours l’horizon. Après tout, la couturière de vêtement chic devait être plus dans son élément que le fermier qu’il était, entourée de toutes ces licornes distinguées, ces juments bien habillées et traitées avec le plus grand des égards par les étalons qui les accompagnaient. D’ailleurs, juste avant que leur carrosse atterrisse, Drawlife avait aperçu un couple descendre du leur, l’étalon aidant sa compagne à descendre la marche du véhicule en lui tenant un sabot. Un geste qui paraissait tout simple à ses yeux, voir trop maniéré. Cependant, commençant à connaître les goûts de Rarity, il voyait en ce geste une façon de faire plaisir à la jument, et avec un peu de chance la sortir de sa torpeur silencieuse. Qu’est ce que ça lui coûterait de suivre l’exemple de ces licornes de marque ? Si cela pouvait la dérider, ça n’était pas perdu, et qui sait, peut être qu’au fond c’était ce qu’elle attendait de lui ?

Aussitôt que les roues de leur transport effleurèrent le pavé de la place, l’étalon gris se dressa hâtivement sur ses pattes pour se préparer à sortir le premier, sous les yeux étonnés de la licorne, qui, revigorée par l’effet de surprise, se recoiffa hâtivement. Excité et un peu stressé à s’essayer à ce genre d’attention un peu hors norme, Drawlife ouvrit rapidement la porte à l’arrêt du carrosse, pressé de redonner le sourire à la licorne.

Tellement pressé d’ailleurs, qu’il ne remarqua pas que le marche-sabot était plus petit que dans ses récents souvenirs, tout comme il ne remarqua pas immédiatement que son corps penchait plus en avant que nécessaire.

Un cri horrifié accompagna le bruit sourd que produisit Drawlife en rencontrant le sol pavé, mais le choc fut heureusement sans hurt pour l’étalon. Bien évidement, les remarques hautaines sortant du carrosse des voisins furent les seuls encouragements auquel il en droit dans sa tentative de se relever rapidement et de faire comme si de rien n’était ; l’étalon s’en moquait cependant, la seule chose qui comptait, c’était que Rarity ne devait surtout pas descendre pour l’aider. C’est d’ailleurs en voyant un des sabots chaussés d’argent de la jument s’apprêter à toucher la première marche qu’un des siens se précipita en dessous pour la réceptionner. Rarity eu un mouvement de recul du à l’inattendue du geste, mais laissa finalement agir Drawlife comme il le désirait.

« Attention à la marche, prononça l’étalon en restant accroupie dans une parodie de révérence, n’ayant pas eu le temps de se relever proprement.

-  Oh, Drawlife, tu n’étais vraiment pas obligé … chuchota Rarity en dissimulant tant qu’elle le pouvait son regard gêné face aux autres couples qui les observaient d’un air amusé.

-  Pas obligé ? s’étonna-t-il vivement en se redressant aussitôt. Écoute, toi tu es celle qui nous a amené ici, laisse moi être celui qui te fera passé une bonne journée. Depuis qu’on a quitté Ponyville, j’ai l’impression d’avoir manqué quelque chose.

-  Ce n’est pas bien grave Drawlife, je te promet que tout va bien.

-  Et bien faisons ce qu’il faut pour que ça aille encore mieux. Et puis, on est à Canterlot non ? Là où toutes les juments sont traitées comme des princesses par les étalons ! »

Aussitôt, les lèvres de la jument blanche formèrent un sourire ému, soulageant Drawlife qui craignait que sa manœuvre maladroite n'ai pas l’effet escompté.

« C’est très attentionné de ta part, vraiment, et ça me touche beaucoup que tu veuille me remercier avant même le début de cette journée » formula de façon plus assuré la jument en regardant Drawlife droit dans les yeux.

Cela avait plus que fonctionné, et le choc d’un tel aveu le fit même rire de gêne. Mais la fierté de son succès retomba vite lorsque la jument baissa les yeux vers son torse, inversant au passage la courbure de ses lèvres.

« Mais essaye d’éviter ce genre de gaucherie la prochaine fois, ça t’évitera de trop te faire remarquer. Et d'abîmer ta tenue au passage … non mais regarde moi cet ourlet, tu me l’as tout déformé ! rouspéta Rarity en réajustant le costume dépareillé par la chute de l’étalon gris.

-  Je pensais que c’était le but, que je me démarque des autres artistes ? grimaça-t-il, un peu offusqué des reproches de la styliste.

-  Pas en faisant le pitre ! corrigea-t-elle en roulant des yeux. Ça me fait plaisir que tu te décontracte un peu, vraiment, mais n’en fait pas trop tout de même, essaye de rester un minimum naturel, autrement ça aura l’effet complètement inverse. Allez suis moi, la salle d’exposition est dans cette direction, il serait dommage que nous arrivions en retard.

- «Au fait Rarity, je ne t’avais pas dit … ajouta Drawlife en se précipitant au coté de la jument.

-  Oui ?

-  Tu es très belle dans cette robe, complimenta-t-il d’un clin d’œil, une de tes meilleurs créations. »

Drawlife ne pu s’empêcher de sourire bêtement devant le gloussement de la jument. Il n’avait pas pour habitude d’être aussi folâtre avec un autre poney, et encore moins avec le genre opposé, mais la sensation joyeuse qu’il ressentait en entretenant ce genre de relation n’était pas pour lui déplaire ; l’amitié avait du bon finalement. Pendant un instant, il s’était même donner le mot d’imiter au mieux les étalons qu’il croisait afin de parfaire son rôle de gentlecolt et contenter Rarity, et accessoirement se fondre dans la masse de la noblesse, mais en voir le menton hautainement levé, ou marchant sur trois pattes pour enlacer une des pattes de leur compagne le découragea de forcer sur la comédie ; ils étaient juste amie, inutile de pousser jusque là.

Pourtant, les lieux étaient dignes d’un théâtre. Les rues étaient le spectacle d’une ruée de poney se promenant, sans pour autant qu’il n’y est de bousculade, comme si chacun avait soigneusement orchestré leur aller et venue. Les terrasses de café étaient toujours occupées par quelques licornes saluant parfois une connaissance passant près d’eux, ajoutant une touche conviviale à l’ensemble. L’architecture ancienne de la ville et les tenues chics de ses habitants donnaient l’impression d’avoir fait un bon en arrière d’une petite centaine d’année. Le contraste frappant avec sa ville natale plus modeste aurait d’ailleurs du lui donner le mal du pays, mais le panorama riche et coloré animait immanquablement son sens artistique, au point d’en regretter d’être attendu ailleurs et de ne pas pouvoir immortaliser sa vision grandiose de la capitale.

Il ne fut cependant pas au bout de ses découvertes. Rarity avait stoppé la marche, et lui indiquait à présent du sabot le bâtiment où se déroulerait la grande exposition. Et quel bâtiment ! Immense, il envahissait son champ de vision, et rien que son entrée donnait des vertiges, du fait de la vingtaine de grandes marches qui les séparait des deux immenses portes à double battant en bois massif. Quatre énormes piliers sculptés soutenaient l’estrade surplombant l’entrée, et Drawlife avait peur d’identifier la balustrade soutenue par ceux-ci comme étant composé de marbre. Tout cela n’était bien évidement que la façade, et sa dimension l’empêchait de juger de la profondeur du bâtiment, sûrement tout aussi immense si ce n’est plus.

Un poil perdu devant ce gigantisme, il fallut que Rarity passe plusieurs fois son sabot devant le museau de l’étalon gris pour le ramener à la réalité, et ainsi l’accompagner à l’intérieur, amusé par son attitude impressionnable.

Très vite, Drawlife constata que l’évènement avait l’air d’attirer beaucoup de monde ; une horde assez compacte de poney s’étendait dans toute la pièce qu’il pouvait distinguer de l’entrée, continuellement alimentée par des couples et groupes de nouveaux venus dont il faisait partie. Aussi, ce monde était principalement, pour ne pas dire intégralement, composé de poney à l’air digne, au port altier, aux tenues irréprochables, aux gestes calculés et à la parole distinguée ; tout le contraire de l’ex fermier, même s’il avait pour lui le superbe costume confectionné par la jument qui l’accompagnait. Voir autant de ces poneys de haut rang, aussi nombreux, discutant entre eux de sujet qui le dépassait certainement, lui donnait l’impression de ne pas être à se place, ralentissant progressivement sa marche déjà quelque peu perturbé par la richesse du lieu.

Il n’avait pas l’habitude d’être effrayé par la foule. A vrai dire, il s’en serait fichu en temps normal, mais là , en ce moment même, il y avait deux points qui mettaient à terre ses habitudes sociaux. D’un coté, il n’avait vraiment jamais mis les sabots dans des lieux aussi chic, ni été en présence de personnes aussi haut placé ; dans un sens, c’était avoir une patte dans l’inconnu, chose que Drawlife appréciait moyennement. Et en parlant de présence, cela joignait le deuxième point en celle de Rarity ; c’était la première fois qu’il se déplaçait accompagné, et de ce fait devoir soigner l’impression qu’il pouvait donner aux autres lui semblait primordial, de peur de causer du tord à sa partenaire, et en y repensant, c’était sûrement ce que Twilight craignait aussi.

Rarity ayant apparemment remarqué sa gêne, elle lui adressa un sourire qui se voulait rassurant, lui tendant une patte amicale pour l’encourager à se joindre aux autres. Pendant un moment, le toucher avec la licorne le déstabilisa, toujours chatouilleux quand aux contacts physique. Il la laissa cependant le guider, conscient qu’elle voulait l’aider, et aussi pour ne pas risquer de la vexer : c’était lui qui avait accepté l’idée de venir en ce lieu culturel, il avait même pressé le pas de Rarity sur la fin, impatient de pouvoir récolter les commentaires de ceux qu’il était actuellement à la limite de fuir ; il aurait été malvenue de sacrifier le travail de la styliste pour un bête sentiment de timidité soudaine. Il déglutit longuement, et se décida enfin à se mêler à la foule, épaulé par la jument au crin violet pur et tout juste raidi pour l’occasion. Un détail dont il s’en voulait à nouveau de ne pas avoir remarqué.

Partiellement rassuré, le spectacle oppressant de la foule se fit moindre, et Drawlife pu ainsi observer d’un œil plus sain l’intérieur du bâtiment. Même si tout lui paraissait encore très grand, il n'eut aucune hésitation à qualifier la pièce de hall ; de par la hauteur vertigineuse du plafond, dont l’arc gravé le soutenant lui rappelait les voûtes d’une église, et aussi grâce au double escalier tapissé d’une moquette bordeaux menant à l’étage munie d’une grande loggia, permettant à quelques privilégiés de les observer d’en haut. Mais Drawlife était venue ici pour voir des œuvres, et même si le lieu tenait à lui seul d’œuvre à ses yeux, il en aurait assez vite fait le tour pour que ça ne dure pas la journée.

« Dis voir Rarity, chuchota l’étalon à l’oreille de la jument pour ne pas interpeller les autres poneys avec sa question, l’endroit est très beau ça c’est sûr, mais où sont les tableaux, les sculptures et tout ce qui nous amènes ici ?

-  Sois un peu patient mon cher, nous venons tout juste d’arriver, et qui plus est, nous devons attendre l’arrivée de notre hôte. »

L’étalon avait un peu de mal avec ce "mon cher" qu’employait parfois Rarity, mais il laissa faire, certainement l’environnement qui lui donnait une poussée de bourgeoisie. Il allait se sentir bien seul s’il était l’unique licorne à ne pas s’exprimer de cette manière.

« Et qui est n…

-  Miss-Ra-ri-ty ! Vous êtes présente, c’est formidable ! intervint énergiquement un unicorne gris et vêtue d’une chemise et d’un pull noué au col.

-  Oh, bien le bonjour à vous JetSet, ainsi qu’à vous Miss Upper Crust, énonça Rarity en inclinant poliment la tête au couple qui les rejoignait.

-  C’est un vrai régal de vous voir parmi nous ma chère, enchaîna une licorne jaune pale et habillée de la même manière que le fameux JetSet, figurez vous que nous cherchions un ami qui travaille dans la bijouterie, et c’est là que nous vous avons vu. Et je dois vous avouer, votre robe est sublime, je l’adore tout simplement, c’est une de vos dernières création, je me trompe ?

-  En effet, je l’ai conçue pour l’occasion, ravie qu’elle vous plaise, attesta fièrement la styliste en animant sa robe de quelque coup de hanche.

-  Et que nous vaut l’honneur de votre présence ?

-  J’accompagne mon ami ici présent pour l’exposit…

-  Incroyable, je n’avais pas fait attention à ça ! Regarde Jet Set ! s’exulta la licorne au crin argent, coupant au passage la parole à Rarity qui tentait de présenter Drawlife.

-  Qu-quoi donc ? balbutia la styliste.

-  Cette veste, elle est … commença Upper Cust en pointant son regard vers le poitrail de Drawlife.

-  Tout à fait, je la trouve … réaffirma son époux d’un hochement de tête satisfait après avoir réajusté ses lunettes.

-  Fabuleuse !

-  Sensationnelle !

-  Au fait, je me prés … entama timidement Drawlife pour essayer de participer à la discussion.

-  Elle va parfaitement avec votre robe ! Cet assemblage de couleur, ce style, ça va faire fureur dès sa sortie. Comptez-vous vendre ces deux ensembles prochainement ? Nous en prendrions bien plusieurs modèles !

-  Et bien heu … oui, confirma Rarity d’un air un peu confus, j’envisageais bien de les joindre à ma prochaine ligne de tenue de soirée.

-  Parfait, il faudra qu’on se recontacte dans ce cas, ce soir cela vous va ? valida l’unicorne gris foncé avant de changer du tout au tout de centre d’attention. Oh chérie, regarde, n’est ce pas ce cher Tex Cocktail que nous voyons là ?

-  Mais oui c’est bien lui ! Hel-lo mister Cocktail ! »

La tornade JetSet-Crust quitta le couple aussi rapidement qu’ils s’étaient joint à eux, les laissant sous la surprise d’une telle avalanche d’exclamation. En particulier Drawlife, qui était resté sabot tendu, tel qu’il avait été laissé lorsqu’il avait voulu serrer le paturon à son homologue masculin, le regard absent.

« Ils … ils m’ont snobé là, non ? finit-il par remarquer, dégoûté.

-  Ne fait pas attention, rassura Rarity après un gloussement amusé, certains sont comme ça ici, il faut parfois se contenter de faire “oui” de la tête dans ces cas là.

-  Mouais … en tout cas, je me demande si tu as bien fait de faire cette veste : je la pensais discrète sur moi, mais elle à l’air tellement bien que finalement c’est moi qui passe inaperçu …

-  Mmmh, je dois le prendre comment ? demanda la licorne, l’œil suspect.

-  Comme un compliment je suppose … toi par contre, tu as l’air assez connu ici pour qu’ils te repèrent aussi vite.

-  Je les connaît oui, même si ce n’était pas aussi convivial au début. J’ai eu heureusement la chance de croiser une personne qui m’a bien aidé à ce niveau. D’ailleurs, il s’agit de notre hôte.

-  Et je disais donc avant de me faire “élégamment” couper par ces deux là : qui est notre hôte ?

-  Il vient juste d'apparaître là haut ! » indiqua-t-elle du sabot en pointant l’étage supérieur, des étoiles soudainement apparues dans les yeux.

Agacé de ne pas avoir de réponse franche, mais tout de même curieux de savoir qui pouvait bien être l’objet d’autant d’admiration de la part de Rarity, Drawlife tourna son attention vers la loggia de l’étage auparavant inoccupé, et où à présent trônait tel un prince un étalon d’un blanc éclatant, unicorne de race, et à la crinière bleu électrique coiffé d’une manière assez atypique aux yeux du peintre. Cela n’enlevait rien au fait qu’il disposait d’un charisme notable, sûrement du à son costume noir impeccable. Ou peut être sa moustache.

Mais chose que Drawlife remarqua très vite, c’est que cet étalon là, bien que visiblement d’une classe social au moins égal aux autres, il souriait. Un sourire bien plus franc et honnête que les étalons qu’il avait repéré jusque là, presque charmeur, ce qui pouvait expliquer l’absence soudaine de self contrôle de la jument à ses cotés. Comme pour appuyer son impression, Rarity se calma, ainsi que toute la salle, lorsque leur hôte réclama le silence d’un simple mot aimable, accompagné de quelques coups de sabot vif sur la barrière devant lui. Drawlife ne resta pas insensible devant ce spectacle, même les Princesses pourraient jalouser une telle autorité.

« Mes cher amis, je suis sincèrement ravie de vous voir ici aussi nombreux ! s’exclama l’étalon après avoir réajusté son monocle. Mais comme nous avons de nouveaux venues, et ce comme à chaque réception, je tiens à me présenter, précisa-t-il en s’inclinant autant que lui permettait la rambarde, Fancy Pants, votre hôte pour la journée, et celui qui ne remerciera jamais assez tous ces artistes de talents et de tout horizons qui subliment nos sens grâce à leur créations. »

La foule l’acclama de nombreux claquement de sabots, et Drawlife ne put que suivre le mouvement, charmé par le talent d’orateur de l’unicorne. Ses préjugés quand à la bourgeoisie s’envolèrent très vite quant il constata que ce Fancy Pants ne passait pas par quatre chemins pour s’intéresser aux véritables acteurs de cette exposition : les artistes.

« Comme je le disais, de nouvelles têtes sont parmi nous, reprit-il avec la même éloquence une fois les applaudissements atténués, et je pense plus particulièrement à tout ces peintres, sculpteurs, poètes et que sais je encore, peut-être que l’un d’entre eux nous fera découvrir une nouvelle forme d’art, comme la sculpture de la lumière, ou que sais je encore ! »

De nouveaux applaudissements, plus estompés, mais mêlés à quelques rires suivirent ses paroles.

« Bien évidement, une grande partie de cette magnifique journée sera consacré à l’admiration des œuvres généreusement confiés et exposés en ce lieu même, nous abreuvant de tout ce que qu’Equestria et au-delà a de plus beau à nous offrir. Mais n’oublions pas cependant que ce soir, lorsque notre bien aimé Princesse Luna nous offrira une somptueuse nuit étoilée, commencera la vente aux enchères ! »

« Vente aux quoi ? »

« Drawlife ? Tu voulais savoir ce que je t’avais réservé pour aujourd’hui, n’est ce pas ? interrogea Rarity qui avait repéré l’étonnement de son ami.

-  Heu… oui, enfin... je crois ?

-  Et bien, tu as ta réponse, indiqua-t-elle en étirant son sourire sous la fierté.

-  Attends, je ne suis pas sûr de bien tout comprendre là, s’énerva Drawlife qui redoutait qu’on le balade à nouveau, c’est quoi cette histoire de vente ? Je croyais que ce n’était pas ton but ?

-  Voyons, ne soit pas bête. Les expositions de ce genre ne servent pas uniquement à exposer des pièces d’art, nous avons les musées pour ça. Ici le but est plutôt de vendre ses œuvres à des gens admiratifs de ton travail. Il s’agit de toi, pas de moi.

-  Et tu crois que je vais en faire autant ?

-  Qu’est ce qui t’en empêcherais ? fit remarquer la licorne en levant un sourcil d’étonnement. Tu te doute bien que Twilight ne te logera pas éternellement chez elle, n’est ce pas ? Comment envisageais-tu de te trouver un toit, et subvenir à tous tes besoins sans argent ?

-  Je n’ai jamais envisagé la vente de mes tableaux, dévoila-t-il après une courte réflexion, je pensais plutôt trouver un petit boulot. Tout ce temps à faire ces travaux m’aurait au moins servit à déceler des occasions.

-  Et délaisser ce qui fait de toi un artiste à l’avenir, parce que tu n’aura plus de temps à y accorder ? Non Drawlife, tu as du talent, c’est certain, et ce serait un déshonneur à ta marque de beauté de le nier. Tu a ici une opportunité de lier ta passion avec ce qui te permettra de vivre une existence plus saine que tu as eu jusqu’à maintenant. Tu serais prêt à rater ça ? Et ne va pas me dire que ça ne t’a rien fait de repeindre, tu m’as toi-même avoué le contraire.

-  Hé, ce ne serais pas toi qui va un peu vite en besogne ? D’accord je sais peindre, dessiner, tout ça, mais je suis un inconnue ici, et encore un novice de cet “univers” qui me plaît déjà moyennement. Comment veux-tu que j’aie une chance de vendre quoique ce soit avec une expérience aussi ridicule.

-  C’est exactement pour ce genre de réaction dont tu m’as habitué que je ne t’ai rien dit à Ponyville. Vois-tu, j’étais comme toi au début, une petite nouvelle quand je me suis investie dans le monde de la couture. Mais je ne suis pas restée les pattes croisés, je me suis montré, j’ai rencontré des gens de tout les niveaux, et petit à petit, je me suis faite une place que j’ai exploité pour agrandir mes horizons, jusqu’à rencontrer, certes par accident, des poneys comme Fancy Pants, ce qui m’a permise d’être là où j’en suis aujourd’hui.

-  En gros, tu me demandes de me prostituer ? conclue Drawlife en marquant ses lèvres d’une moue dégoûté.

-  Drawlife ! »

Drawlife échappa un énorme soupir, alors que Rarity affichait désormais une grimace de frustration face à cette réaction. L’esprit de l’étalon bataillait de nouveau, chose qu’il espérait ne pas subir aussi tôt. D’un coté, il n’était que d’accord avec la licorne, il fallait qu’il trouve une façon de gagner sa vie, et la meilleure façon de le faire lui était présentée presque comme sur un plateau d’argent. Mais de l’autre, cette facette qui semblait agacer Rarity, il avait une trouille bleue de cette inconnue qui s’étendait face à lui ; il ne savait pas comment prendre les choses, si les événements se dérouleraient bien oui mal, s’il parviendrait à réellement s’intégrer dans ce monde qui ne lui correspondait guère. Faire les choses à l’aveugle ne lui avait attiré que des ennuis auparavant, il n’avait donc plus envie de s’aventurer où que ce soit sans connaître.

Pendant ce temps là, Fancy Pants finissait son discours, autorisant ainsi tout les poneys à s’aventurer dans les galeries remplies d’œuvres des différents artistes présents. Ainsi, le hall se désengorgea, forçant Rarity à passer outre l’offense afin de réagir face au nouveau mutisme de l’unicorne gris en face d’elle.

« D’accord, j’admets avoir peut être mise la barre un peu haut pour une première fois, reconsidéra la licorne sur un léger ton de culpabilité, mais essaye au moins. Je ne te demande pas d’être le nouveau Van Hooven, juste de tenter ta chance.

-  Très bien, si tu le demande aussi gentiment, et puis je te dois au moins ça, accepta-t-il avec un sourire rassurant envers la licorne.

-  Tu fais le bon choix !  fit-elle en souriant à son tour de satisfaction.

-  Par contre, j’aimerais autant faire ça seul, précisa l’unicorne en lâchant son sourire.

-  Oh, pourquoi ça ? Tu … tu as honte de moi ?

-  Ça serait plutôt l’inverse en faite …

-  Voyons Drawlife, ne dit pas de sottises, badina la licorne blanche en brassant l’air d’un sabot, je pense avoir suffisamment fait mes preuves pour que tu saches que je ne tiendrais pas rigueur de tes égarements.

-  S’il te plaît, ça m’aiderai ! insista-t-il en serrant les dents.

-  Bon … et bien soit, si ça peut t’aider … mais comment se retrouve-t-on pour les enchères dans ce cas ?

-  Ben, tu va faire quoi de ton coté ? »

Après une réflexion qui semblait trop courte pour paraître sincère, la couturière informa qu’elle comptait bien côtoyer le fameux Fancy Pants, notamment pour lui parler de ses dernières créations. Drawlife craignait de devoir jouer le coq si jamais le noble désirait voir une des créations de ses propres yeux, mais il avait d’autres soucis en vue. Il voulait s’éloigner de Rarity pour éviter qu’elle n’ait à subir les retours de ses potentiels ratés, mais ça ne lui indiquait toujours pas ce qu’il pouvait bien faire. Regarder les œuvres des autres ? Après tout pourquoi pas, c’est le but d’une telle manifestation, et qui sait, il pourrait bien apprendre des autre artistes ; il était bon, mais il aurait été orgueilleux de dire qu’il connaissait tout sur le bout des sabots.

Le hall à présent dégagé de sa mer d’équidé, Drawlife put enfin voir l’architecture du lieu à sa hauteur. Le bâtiment semblait s’étendre encore plus profondément que le laissait suggérer l’entrée, donnant accès à une multitude de grandes salles au plafond beaucoup plus bas et dont il pouvait voir les murs recouverts de toiles de diverse taille. D’un pas peu assurée, il pénétra dans une de ces salles prise au hasard.

En retrait des groupes déjà formés, il observa distraitement les différentes œuvres qui se présentaient sous ses yeux, ne s’arrêtant que sur ceux qui l’interpellaient, d’une manière ou d’une autre. Les plus courantes étaient celle qui se rapprochait de son style, des peintures réalistes, frisant tellement la perfection pour certains qu’il aurait pu penser observer à travers une fenêtre. D’autres, plus ordinaire, la plupart du temps des paysages, paraissait ne pas avoir été fait pour l’amour de la peinture, mais plus par apprentissage ; cependant, l’étalon s’arrêtait sur quelques uns, en particulier pour tenter de déchiffrer la méthode de couleur de certains détails qui avaient attiré son œil critique, avant de passer au suivant, un nouvelle exercice en tête pour ses prochains essais. Une troisième catégorie d’art le forçait parfois à rester plantée devant l’œuvre de longues minutes, à s’interroger sur le sens de tel patchwork de formes et de couleurs à priori sensés représenter quelque chose … ou pas. Parmi tout ces tableaux aussi variés, il s’était intéressé à connaître le nom de leur auteurs, découvrant ainsi des noms parfois connu comme Piclasso, Michel-Horse ou Léomare de Vinci, lesquels Drawlife doutait de leurs présences, et d’autre moins célèbre que l’étalon ne mémorisait pas très bien. D’autres toiles restaient anonymes, absent de signature, au mieux un signe particulier.

L’un de ces tableaux anonymes trônait devant lui, encadré par un cadre de bois modeste et juste vernis, et représentant un coucher de soleil particulièrement enchanteur malgré l’absence sûrement voulu de réalisme. Il était observé par un poney assis en haut d’une colline, et dont la crinière flottante camouflait partiellement le visage. Drawlife appréciait beaucoup cette mise en scène, simple et efficace, donnant vie au ciel. Mais ce qui l’amusait le plus, c’est qu’en observant de plus près, il y a avait plein de petites scènes cachées, camouflées par des jeux de couleur pour les fondre dans le décor si on regardait d’assez loin. Des visages de fée se cachaient dans les feuillages, de petits insectes crapahutaient sur la terre et l’écorce de bois, il lui semblait même voir la Princesse lunaire dans le ciel étoilé. Cette toile n’était pas vraiment anonyme, mais à la différence des écritures soignées qu’il trouvait la plupart du temps, il n’y avait qu’une petite tache de peinture discrète, et à la forme visiblement maîtrisée, comme un tampon légèrement coulant. Cela le surprit au début, le semi anonymat était un concept qu’il appréhendait difficilement, mais passa à coté de ce détail. Sans visage, l’intérêt de connaître le nom n’est pas utile, et il aurait tôt faire d’apercevoir l’artiste une fois aux enchères ; enfin il le supposait.

« A quoi pensez-vous monsieur ? »

Drawlife se tira brusquement de sa réflexion, quelque peu paniqué qu’on lui adresse aussi soudainement la parole. Ses yeux tombèrent immédiatement sur une ponette plutôt petite, mais aux attributs capillaires assez volumineux, leurs couleurs cramoisi se détachant nettement de son pelage blanc.

« C’est à moi que vous vous adressiez ?

-  Bien sûr, je nous trouve suffisamment isolés pour que je n’ai pas d’autre interlocuteur que vous.

-  Ah, heu … oui … désolé, je ne faisais pas attention, s’excusa l’étalon gris après avoir remarqué qu’effectivement la zone n’était pas très peuplée, j’ai … l’esprit qui s’égare assez vite.

-  Effectivement, ça fait un moment que je vous observe, et je vous ai surpris plusieurs fois à flâner devant certains tableaux. D’où ma question : à quoi pensiez vous ? » insista la jument d’un œil de plus en plus méfiant.

Drawlife déglutit anxieusement ; il allait devoir discuter avec la haute bourgeoisie, et donc bien choisir les mots qu’il allait utiliser. Non pas qu’il n’avait pas de vocabulaire, juste qu’il manquait un peu de retenue par moment. Et Rarity n’étant pas à ses cotés, elle ne pouvait pas le rattraper s’il fautait ; mais elle n’aurait pas non plus à en subir les conséquences directs, ce qui était bien sûr le but de son éloignement d’elle.

« Et bien … j’observais ce tableau avec intérêt, et j’ai été surpris de voir une signature aussi … singulière ?

-  Certains artistes ne mettent par leur nom en effet, préférant y laisser une marque personnelle. Et … en quoi cette œuvre a suscité votre intérêt ?

-  La richesse des détails malgré la simplicité apparente de l’ensemble je dirais, commença tranquillement Drawlife en recentrant son attention sur la toile, et j’aime particulièrement cette façon de faire le ciel étoilé, ainsi que celui de suggérer les étoiles par des tamponnages léger. L’idée d’avoir voulu cacher le visage du poney pour centrer l’attention de l’observateur sur le reste. Il y a aussi toute ces petites scènes qui m’ont occuper un petit moment, c’était amu … »

L’unicorne stoppa son analyse bien plus détendue qu’il ne s’en serait cru capable, remarquant le visage stupéfait de son auditrice.

« J’ai … j’ai dis quelque chose de mal ? demanda-t-il, de nouveau nerveux face aux yeux émeraude de la ponette le fixant avec insistance.

-  Pas exactement, rétorqua-t-elle la mine toujours aussi curieuse, j’aimerai juste savoir d’où vous venez ?

-  Mais … pourquoi voulez vous savoir ça ?

-  Par curiosité, vous n’avez pas l’air d’être d’ici pour avoir une analyse aussi concise, sans essayer de deviner ce que pensait le peintre lors de la conception de l’œuvre. »

La respiration de l’étalon s’accéléra face à la dangerosité d’une telle analyse, ses yeux cherchant inutilement de l’aide. Comment pouvait-il dire qu’il venait de Canassa, une ville intégralement fermière, et ne pas passé pour un paysan. Il ne pouvait pas non plus se cacher derrière Ponyville, le coin n’étant pas non plus un lieu de luxe. Il ne lui semblait pas s’être relâché pendant son explication pourtant, mais il était maintenant trop tard pour se rattraper sans que son interlocutrice n’émette de doute.

« En effet, je ne suis pas du coin, avoua nerveusement Drawlife, et pour être honnête, je ne suis pas non plus un habitué de ce genre de cérémonie, c’est même ma première fois. »

Il n’avait pas dit la vérité dans son entièreté, mais tant que cette jument ne creusait pas la question, il échappait à la qualification belliqueuse de paysan. Drawlife ne compris pas en revanche pour quelle raison elle se mettait soudainement à sourire.

« Ah, enfin ! Je commençais à désespérer ! clama-t-elle soudainement, sous le regard étonné de leurs voisins éloignés.

-  Euh … pardon ?

-  Je pensais que j'étais vraiment la seule ici à ne pas avoir une cuillère en argent dans la bouche. Je me demandais même combien de temps j’allais encore pouvoir jouer la comédie pour ne pas passer pour une plouc.

-  J’imagine oui, acquiesça l’étalon en se grattant la nuque de perplexité, et vous êtes d’où du coup ?

-  Dites moi vos origines d’abord, et peut être je vous le dirais, défia-t-elle d’un clin d’œil.

-  Je suis née à Canassa, répondit-il après un petit rire qui le détendit progressivement, mais actuellement, je loge à Ponyville suite à … des concours de circonstance.

-  Canassa ? C’est loin ça, vous avez du avoir de drôle de circonstances pour finir à Ponyville. Vous vous êtes perdu ?

-  On va dire ça …

-  Moi je suis de Manehattan, informa-t-elle fièrement avant de reprendre un mine plus sombre, … enfin, plus de sa partie rurale, le centre ville c’est plus ou moins la même rengaine qu’ici. »

Drawlife n’y croyait pas, et s’estimait aussi chanceux que la jument campagnarde d’avoir pu trouver un partenaire plus abordable socialement que la plupart des poneys présent à cette exposition. Rapidement, l’atmosphère entre eux deux se détendit, n’ayant aucunes manières à tenir, ils étaient libres de discuter en toute franchise, sans détour linguistique, comme le ferait deux bons amis. Ils se mirent rapidement en quête de parcourir l’exposition ensemble, commentant aussi bien les tableaux que les groupes distinguée qui leur paraissait pour la plupart ridicule. Mais leur rencontre fut aussi riche en enseignement ; en effet, il se trouvait que la ponette à crinière rousse était aussi un peintre. Ainsi, de la même manière que Drawlife avant leur rencontre, ils s’arrêtaient sur nombres de tableaux et sculptures, commentant ensemble leurs impressions, partageant leur point de vue sur la pertinence des choix de l’artiste, et échangeant des techniques personnelles. La jument semblait plus à l’aise avec les paysages, contrairement à l’unicorne, ce qui permit à ce dernier d’apprendre et d’enseigner beaucoup de choses, tombant rarement sur des sujets communs.

L’après midi, qui s’annonçait être d’un ennui mortel à ses débuts, était une des plus enrichissantes que Drawlife pouvait espérer un jour. Mais de ce fait, il n’avait pas put faire la visite intégrale de la galerie, et du coup, il n’avait même pas pu voir un de ses propres tableaux. Mais cette idée lui était rapidement sortie de la tête avec la compagnie de la jument au crin rougeoyant, il en avait même presque oublié le but final de la journée, jusqu’à ce que Fancy Pants, accompagné de sa supposé compagne, une licorne grande et élancée, et d’autres privilégiés dont Drawlife distinguait sans forcer Rarity, ne fasse un rappel aux invités. C’est d’ailleurs en voyant la couturière suivre le noble dans la salle des enchères dont il avait annoncé le commencement qu’il se rappela l’accord passé avec elle, et qu’une nouvelle question lui apparu au sujet de sa collègue d’art.

« Au fait, tu participes à la vente aux enchères ?

-  Ça me parait évident non ? rétorqua la jument d’un haussement de sourcil. Je ne me vois pas vraiment venir ici simplement pour discuter avec des licornes pompeuses ou habillées chic … enfin sans vouloir te vexer.

-  Je ne le prend pas pour moi, ne t’inquiète pas. Mais je n’ai pas vu de tes toiles pourtant.

-  Et pourtant, on s’est croisé devant l’une des miennes.

-  C’est toi celui qui signe d’une tache ? s’étonna Drawlife, les yeux grands ouverts de surprise.

-  Eh, je suis une terrestre je te signale, je fais avec les moyens du bord. En plus, l’encre c’est très difficile à nettoyer, j’ai perdu des crins à force d’essayer, et ça ne m’a jamais réussi.

-  Euh attend, maintenant que tu en parle, comment tu fais pour peindre sans magie alors ? Tu utilise les pinceaux avec tes dents ? Tes sabots ? Ça ne doit pas être pratique.

-  Tu manques un peu d’imagination toi. » badina-t-elle après un claquement de langue qui vexa l’unicorne.

Avec un sourire de malice, la jument présenta son flanc, recouvert d’une traîne plissée verte pomme. Drawllife ne compris pas immédiatement où elle voulait en venir, pas plus quand elle saisit l’une des extrémités de son habit pour révéler explicitement sa croupe et sa queue touffu.

« Heu, je … je ne suis pas sur de ce que tu veux que je regarde … réagit l’étalon en détournant immédiatement le regard, les joues rouge pivoine.

-  Je ne te demande pas de zieuter mes fesses, grogna-t-elle après avoir soupiré, regarde plutôt ma queue, et pas trop près de la base de préférence … »

Descendant progressivement vers le bas, prenant un détour par le sol pour éviter les courbes féminines de la ponette blanche, le regard de Drawlife s’arrêta finalement sur le bout de la queue, là ou le rouge habituel de ses crins s’était décoloré … ou plutôt coloré d’autres teintes, mais suffisamment estompées pour penser qu’on avait tenté de faire partir ces couleurs. L’étalon n'eut pas le temps d’approfondir l’hypothèse que le tissu vert d’une robe masqua à nouveau l’imposante queue, cachant aux yeux des autres cette coloration peu esthétique.

« J’espère que tu as remarqué quelques chose, demanda la ponette en réajustant le bas de sa robe, je n’ai pas envie de recommencer ça avec tout ce monde qui commence à s’agglutiner ici. Ces poneys ont une drôle de notion de pudeur.

-  Je vais dire une bêtise sûrement, hésita Drawlife en se grattant le menton du bout du sabot, mais tu peint avec ta queue ?

-  En quoi ça serait étonnant ? En y regardant bien ce n’est pas bien différent d’un pinceau.

-  Ce n’est pas banal, mais c’est ingénieux.

-  N’est ce pas ? minauda-t-elle d’un nouveau clin d’œil.

-  Bon, on devrait peut être rejoindre ces fameuses enchères.

-  Tu es pressé ?

-  Non pas vraiment, c’est juste qu’on m’att … »

Suspendant son explication, Drawlife scruta ce que son œil attentif avait remarqué suite à une exclamation ténue de foule. Quelque chose de grand et élancé avant fait son entrée dans le hall, une ombre gracieuse mais intimidante, belle comme la nuit mais effrayante comme les ténèbres, si bien que tout les poneys encore présent dans le hall reculaient systématiquement de quelques pas révérencieux, tout en affichant un regard inquiet. L’air semblait être suspendue, la cacophonie perpétuelle des bavardages s’était faite muette, les regards fascinés rivés en un seul point.

La Princesse Luna s’était invité à l’exposition.

Drawlife la voyait, là, devant ses yeux, majestueuse, belle, presque désirable, mais en même temps sujette à une inaccessibilité formée par ses deux gardes l’escortant, des pégases nocturnes revêtus d’armures de plates sombres, leurs ailes membraneuses déployées gonflant leur stature déjà impressionnante, et leurs yeux reptiliens scrutant le moindre fait suspect pour la sécurité de leur protégé. Drawlife, peintre, avait toujours voulu la voir en vrai, avoir la Princesse lunaire comme modèle et rendre hommage à sa beauté froide et divine. Il lui aurait suffit d’une toile entre les sabots, et un de ses fantasmes artistiques aurait pu se réalisé à l’instant !

Seulement, l’absence de matériel n’était pas la seule chose qui manquait à Drawlife en ce moment même ; la simple idée que cette figure de majesté pose un regard sur lui provoquait en lui une chute brutal de toute la confiance qu’il avait difficilement réussi à accumulé, et la peur grossière qu’il avait éprouvé à l’encontre des Princesses juste avant d’atterrir à Canterlot s’était ravivée instantanément. Quelque chose au fond de lui hurlait qu’il n’avait pas à se présenter à elles, pas aussi tôt.

Très vite, il se rendit compte que sa situation actuelle présentait un fait peu rassurant : la Princesse désirera certainement voir l’hôte de maison, et l’étalon gris accompagnant Rarity, elle-même prêtant compagnie à Fancy Pants, leur rencontre était assuré, et “grâce” à Twilight Sparkle, l’alicorne lunaire ne tardera pas à faire le rapprochement entre lui et l’unicorne qui a apporté tant de malheur aux amies de la protégé de sa sœur. Rester auprès de son amie n’était donc pas envisageable en l’état.

Cette solution ne lui plaisait vraiment pas, surtout concernant la réaction de Rarity qui allait sûrement être déçu, mais c’était viscérale, il ne souhaitait vraiment pas prendre le risque de se retrouver face à une des deux Princesses, pas maintenant, il ne se sentait pas prêt, pas digne de par son passé chaotique récent.

« C’est juste qu’on te quoi ? s’impatienta la jument blanche à ses coté.

-  Hein ? Oh … heu, oui, je disais qu’on m’attendait, mais … bafouilla Drawlife après s’être rendu compte qu’il avait oublié la compagnie de la ponette.

-  Mais …?

-  Mais je ne peux pas rester, je … je viens de me souvenir que j’ai un magasin à allez visiter, et qu’il risque bientôt de fermer si je ne me dépêche pas. »

« Mouais, t’aurais put faire mieux comme excuse. »

« Ok … mais, et ton tableau ? Tu n’a pas envie de savoir ce qu’il devient ?

-  Si si, si bien sûr, affirma précipitamment l’unicorne agacé par les questions à répétition, c’est pour ça que je suis venu aussi, mais là je ne peux vraiment pas rester. »

La discussion traînant, Drawlife commença à reculer plus profondément dans les galeries, la Princesse et ses gardes se rapprochant dangereusement de sa position. Le visage de Rarity lui revenait tout de même fréquemment à l’esprit, il ne pouvait pas s'empêcher d’imaginer sa réaction si elle se rendait compte qu’il ne respectait pas son rendez vous.

« Hey, qu’est ce que tu fais ? » s’exclama la ponette en se débattant de la forte prise de Drawlife qui l'entraînait avec lui.

Celui-ci ne répondit pas, continuant à l’éloigner de la foule, et surtout de la Princesse, tout en s’assurant que personne ne les voyait par des regards nerveux tout autour de lui.

« Quoi, tu ne veux pas quand même pas qu’on … ? suspecta la jument avant d’ouvrir grand les yeux d’ahurissement. Heu, tu sais, c’était pas des avances quand j’ai soulevé ma robe !

-  Hein ? Non-non, qu’est ce que tu va t’imaginer ? balbutia Drawlife, prit au dépourvu par la conclusion de la ponette.

-  Ben pourquoi tu nous isoles alors ?

-  Écoute, tu peux me rendre un service ?

-  Ça dépend quoi, fit-elle avec un air dégoûté.

-  Je suis venu avec quelqu’un, elle s’appelle Rarity. Dis lui que je l’attendrais à la place des carrosses, elle comprendra.

-  Heu oui mais, je la connais pas moi, cette Rarity.

-  Les autres si, ne t’inquiète pas, tu n’auras qu’à demander. Allez, je file, et ravie de t’avoir rencontré, lança Drawlife en s’éloignant enfin de la jument complètement perdu.

-  Hey, pas si vite, je ne sais même pas comment tu t’appelles toi !

-  Rarity sauras, ne t’inquiète pas. »

Laissant la ponette avec cette réponse évasive, Drawlife s’enfonça dans les galeries, là où il ne restait plus personne, cherchant une sortie, n’importe laquelle, tant qu’elle lui permettait de s’éloigner de la présence royale qui s’était introduit en ce lieu. Une porte de secours se dessina au détour d’un couloir. Sans réfléchir, il la poussa, mais resta figé quelques instants face à la pénombre qui régnait au-delà de l’encadrement, encore incertains de ce qu’il était en train de faire. Finalement, il s’y engouffra, ferma discrètement la porte derrière lui avant de chercher immédiatement la sortie suivante, en la forme d’une fenêtre juste assez grande pour le laisser passer.

C’est fou comment l’instinct de survis pouvait faire ressurgir des réflexes jusque là abandonnée.

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Pas normal. Ce n’était vraiment pas normal.

Rarity trépignait sur place, peinant à garder sa concentration sur le commissaire-priseur qui avait commencé les enchères depuis bientôt une bonne demi heure. Son regard espionnait tout les recoins de la salle, à la recherche d’une silhouette grise familière. Mais rien. Si elle s’était écoutée, elle serait allée le chercher elle-même, mais à coté de ça, elle s’obstinait à ne pas surprotéger l’unicorne. Elle avait promis de le laissé se gérer seul, elle n’allait pas rompre la confiance qu’ils avaient si difficilement acquis ! Il était sûrement retenu, ayant rencontré quelqu’un avec qui il s’est entendu, ou alors il n’osait pas déranger tout le monde pour la rejoindre au premier rang, vu qu’elle avait constaté sa timidité face à tout ce monde. Oui c’était sûrement ça.

Mais ça n’empêchait pas la licorne blanche d’être effroyablement distraite.

« Quelque chose ne va pas mademoiselle Rarity ? s’inquiéta son voisin en la personne de Fancy Pants.

-  Oh, rien de grave, j’attends juste quelqu’un, répondit évasivement la jument sans interrompre sa fouille visuelle.

-  Serait-ce ce fameux peintre dont vous m’aviez tant de fois vanté les mérites ? J’apprécierai beaucoup de le rencontrer si tel est le cas.

-  C’est bien lui en effet, affirma-t-elle en reportant finalement son attention sur le noble, nous avions convenu de nous retrouver ici une fois que les enchères auraient débuté. Mais il se fait désirer.

-  Espérons que ce ne soit pour rien de dramatique. Il faut dire que la venue de notre Princesse de la nuit en a bouleversé plus d’un ici, précisa l’unicorne d’un air peiné.

-  La Princesse Luna est ici ?!

-  En effet, elle est restée en arrière, mais même sans s’annoncer, sa présence est loin d’être discrète. Si je puis me permettre un avis, elle aurait du s’affranchir des deux colosses qui l’escorte. Ces pégases nocturnes sont vraiment effrayants, même avec de l’habitude. »

Rarity dressa son cou pour tenter de la voir par-dessus la foule, mais la taille supérieur à la moyenne de la Princesse mis fin rapidement à sa recherche ; l’alicorne était postée au fond de la salle des ventes, légèrement en retrait de la porte d’accès. Son visage austère et les yeux jaunes de ses deux gardes qui observaient tout le monde d’un air dur n’offrait effectivement pas une vision rassurante. Rarity était cependant habitué à côtoyer l’alicorne lunaire de part son statut de gardienne d’un des Eléments d’Harmonie, mais restait surprise de sa présence ; à l’inverse de la Princesse Celestia, elle ne l’aurait jamais suspecté s’intéresser à l’art.

Néanmoins, la présence de la Princesse ne changeait rien à l’inquiétude de Rarity face à l’absence de Drawlife, elle l’avait même plutôt amplifié. Il aurait très bien put s’enfuir, peut être à cause de la venue de la Princesse ; Drawlife n’avait pas l’air enthousiaste de la rencontrer, elle ou sa sœur.

Non, elle ne devait pas douter de lui, il avait changé, pris de bonne résolution, rien que le fait d’avoir accepté de venir à cette exposition en était une preuve, ce n’était pas le moment de remettre en cause sa bonne volonté pour un petit retard.

Elle allait rester ici, et suivre cet enchère, au moins jusqu’à l’apparition d’un des tableaux qu’elle avait confié à Fancy Pants pour qu’il le fasse passer lors de cet événement grâce à ses relations. Le pistonnage était une des choses dont la styliste avait appris à se servir sans remords, la selle de la popularité étant très difficile à chevaucher sans aide extérieur. Elle aurait bien d’ailleurs confié plus de tableaux, mais le noble avait insisté pour faire les choses doucement, afin de laisser un peu d’évolution dans la présentation de Drawlife, plutôt que de tout lancer en une fois et gaspiller toute ses cartes.

Mais de ce fait, l’œuvre de Drawlife était une des dernières de la sélection des ventes, donnant la priorité aux artistes plus renommés. Qui plus est, les enchères étaient fructueuses, peut être trop même ; la concurrence était rude, et certains tableaux étaient très disputés, faisant grimper les prix à un point tel que même la générosité de la styliste ne pouvait décemment pas suivre. A ce train là, le nombre de poney pouvant se permettre de surenchérir allaient diminuer, et la vente du tableau de Drawlife risquait d’être compromis.

Les craintes de Rarity furent d’ailleurs confirmées, voir amplifiées lorsqu’elle pesta contre elle-même pour un oublie qui semblait déplaire au commissaire-priseur : l’absence de titre pour la toile représentant Fluttershy, le tout premier d’après les dires du peintre. Conséquence à cela, le prix de départ s’en trouva réduit, ce qui aurait put être une bonne chance de vente si la présentation de l’œuvre n’avait pas été biaisée, diminuant les chances d’intéresser le public.

Les secondes s’écoulèrent suites au lancement des offres, sans qu’aucun sabot ou panneau ne se lèvent pour augmenter la mise, instaurant un silence désinvolte, et forçant la lady blanche à trouver une solution. Elle n’avait pas emporté beaucoup d’argent, juste assez pour parer à quelques éventualités, de luxe certes. Fort heureusement, elle avait ce qu’il fallait pour monter la mise ; elle s’en voulait un peu pour Drawlife de procéder ainsi, vu que la nature symbolique de cette vente aurait beaucoup moins d’impact si c’est elle qui obtenait le tableau, mais d’un autre coté, peut être qu’en lançant les offres, d’autres suivront ?

« Nous achetons à huit cents bits ! » tonna une voix en arrière, coupant dans son élan la levée de sabot de la licorne.

Rarity sursauta presque sous la puissance de la voix, complètement surprise par cette événement qu’elle pensait ne jamais voir arriver. Comme tous, elle chercha l’origine de cette surenchère, et bien qu’elle connaissait la propriétaire de cette voix avant même de poser les yeux sur elle, la licorne fut tout de même surprise de voir l’alicorne bleue nuit, la patte encore levée, attestant qu’il s’agissait bien de celle qui avait fait l’offre. La licorne fut surprise que ce soit une Princesse qui se soit prit d’intérêt pour le travail de Drawlife avant quiconque, sachant qu’en plus Luna ne s’était pas manifestée depuis sa venue. Mais le plus important, et c’est ce qui soulagea Rarity, c’était que le tableau soit tout de même vendu. Même s’il n’était pas présent, elle espérait que la nouvelle encouragerait l’étalon à poursuivre cette voie, qu’il prenne goût à ce mode de vie, qu’il se sorte de cet état de dénigrement permanent, et peut être même que par la suite …

« Heu … Mademoiselle, excusez moi ! » insista une voix hésitante juste à coté de la licorne.

Interrompue dans ses pensés, Rarity grogna de mécontentement, en particulier parce que la personne qui souhaitait lui parler attirait son attention en froissant sa robe par des tapotements assez rustres ; s’il y avait bien quelque chose que Rarity avait en horreur en plus d’être tirée de ses rêveries, c’était bien qu’on malmène une de ses robes !

« Oui, qu’y a-t-il ? lança-t-elle sèchement après avoir croisé le regard de la coupable, une ponette blanche à crinière rousse et à la robe plissée verte pomme assortie à ses yeux.

-  Pardon de vous déranger, mais est ce que c’est vous Rarity ?  demanda la jument avec une moue pincée en lieu et place d’un sourire.

-  En effet, c’est moi. Que puis je pour vous ma chère ? » répondit la licorne d’un ton plus doux, voyant que son interlocutrice n’était pas à l’aise.

Visiblement, quelque chose semblait préoccuper bien plus la ponette que le ton froid qu’avait employé Rarity, celle-ci les éloigna donc de son groupe pour qu’elles puissent s’isoler et mettre en confiance la jument. Cela suffit en effet à la détendre, ce qui lui permit de s’expliquer plus sereinement.

« Et bien, il y a un unicorne avec qui j’ai passé une bonne partie de l’après midi, et il m’a dit de vous transmettre un message … mais on ne s’est pas échangé nos noms … oui je sais c’est pas très clair, du coup je ne suis même pas sur que vous sachiez de qui je parle. C’est un étalon assez grand, gris clair, crinière noire avec quelques mèches brillantes ...

-  Drawlife ? Bien sûr que je le connais.

-  Alors c’est son nom …  murmura la jument pour elle-même en reportant son regard sur la sortie.

-  Et il n’est plus avec vous ? Où est-il ? Cela fait un moment qu’il aurait du me rejoindre, s’enquerra rapidement Rarity, reprenant subitement conscience de ses doutes concernant l’absence de l’étalon.

-  Ben justement, il m’envoie vous dire qu’il à du partir.

-  Partir ? Où ça ?

-  Un magasin qui allait bientôt fermer qu’il m’a dit, commença la jument au crin rouge, et aussi qu’il vous attendra à la place des carrosses. Apparemment vous comprendriez.

-  Un magasin ? Je ne vois pas du tout ce que ça pourrait être, il ne m’en a jamais parlé. Oh Celestia, j’espère qu’il ne va pas faire de bêtise !

-  Mademoiselle Rarity ? Que ce passe-t-il ? Qu’est ce que cette jeune jument à pu vous dire pour vous mettre dans cet état ? » intervint Fancy Pants qui rejoignit le duo de jument.

En effet, si Rarity avait été une jument plus fragile, elle se serait évanouie tellement elle stressait de ce que pouvais bien faire Drawlife en pleine nuit dans Canterlot. Évidement, les choses pouvaient bien se dérouler, et il serait devant leur carrosse à l’attendre comme la ponette blanche devant elle le lui avait indiqué. Mais son intuition féminine était d’un tout autre avis, et il fallait qu’elle le retrouve au plus vite pour se rassurer, et dans le pire des cas lui venir en aide.

« Je suis vraiment désolé Sir, mais il faut vraiment que j’y ailles, mon ami doit m’attendre, et je ne tiens pas à le laisser seul dans une ville qu’il connaît à peine.

-  Je comprends très bien, mais prenez ce parapluie, répliqua l’unicorne en tendant l’objet à la jument, j’ai ouïe dire que Cloudsdale avait résolue ses problèmes d’eau, et qu’il comptait produire une pluie d’ici peu.

- «Merci beaucoup mon cher, mais … et concernant l’argent de mon ami ?

-  Ne vous en souciez pas, je m’en occupe. Drawlife aura son argent dûment mérité dès que l’on se rencontrera.

-  Parfait, je ne sais pas ce que je ferais sans vous.

-  C’est toujours un plaisir de rendre service à une demoiselle aussi splendide que vous. » complimenta l’étalon d’une petite révérence.

La flatterie de Fancy Pants fit nerveusement glousser de plaisir la licorne, mais son objectif lui fit rapidement reprendre conscience. Cependant, elle se stoppa encore devant la jument blanche qui semblait se demander quelle attitude employer.

« Mademoiselle, cela vous dirais de m’accompagner ? interrogea Rarity en se postant sous ses yeux et en affichant un sourire complice. Nous avons sûrement beaucoup de chose à apprendre l’une de l’autre de notre ami commun.

-  Ben heu … oui, mais mes tableaux ? s’inquiéta la ponette en observant le commissaire priseur.

-  Accompagnez la Miss Swap, intervint encore Fancy Pants d’un clin d’œil, si je peux m’occuper d’un tableau, je peux m’occuper de deux.

-  Dans ce cas, je vous suis Miss Rarity, acquiesça la jument en suivant la licorne qui entamait déjà la marche.

-  Appelle-moi Rarity chérie, je vois bien que tu n’es pas de la haute comme ceux ici présent, donc inutile de s’encombrer de trop de politesse.

-  Comme vou … tu veux, hésita-t-elle en suivant le pas plus cadencé de la styliste.

-  Et toi ? J’imagine que Miss Swap n’est pas ton nom complet.

-  Non effectivement, moi c’est Palette Swap.

-  Enchanté Palette ! gazouilla Rarity pour essayer de contenir sa peur de ne pas retrouver son ami. Alors ? Que penses-tu de Drawlife ? »

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De nuit, la cité royale était sans comparaison avec la voûte étoilée qui la chapeautait. Tout les bâtiments, d’habitude si clairs, si ce n’est d’un blanc éclatant pour certains, avaient prit une teinte sombre et bleutée, reflétant celle du ciel, et l’imitant encore par la multitude de lumière qui ressortait de chaque fenêtres, de chaque enseignes, de chaque lampadaires, créant ainsi des constellations inédites. Il aurait été amusant de constater que les murs de la ville s’adaptaient à leur Princesses selon l’astre correspondant trônant dans le ciel.

Mais Drawlife se concentrait actuellement sur autre chose, celui de retrouver son chemin. Après avoir quitté de façon peu habituelle le bâtiment des expositions, il avait tenté de retrouver la place sur laquelle Rarity et lui avaient atterrie à leur arrivée en ville. Mais aussi belle que soit la capitale, elle n’en possédait pas moins un défaut qui plongeait plus profondément dans le doute l’étalon à chaque virage emprunté : Canterlot était labyrinthique. Drawlife n’avais aucun point de repère, ou plutôt, n’avait pas pris la peine d’en prendre, laissant simplement la styliste le guider pendant qu’il se fascinait pour l’architecture des lieux. Retrouver son chemin dans ces conditions était particulièrement hasardeux, surtout quand la nuit métamorphosait complètement le paysage. Et pour compliquer encore plus la chose, la population joviale de la journée avait laissé place à des ombres rôdeurs ; la garde lunaire patrouillait un peu partout en ville, tant et si bien que l’étalon déjà bien désorienté avait utilisé des détours incertains pour échapper à leur vigilance, et par extension à celle de leur protégée royale qui avait été sa principale motivation de fuite.

Cela faisait à présent plusieurs heures qu’il avait quitté l’enceinte de l’exposition, et la rue qu’il traversait actuellement était plus étroite que les grands boulevards précédemment arpentés. De ce que Drawlife était capable de voir au travers de la pénombre envahissant les lieux, les bâtiments étaient d’une fabrique beaucoup plus simple que ce que la capitale lui avait offert depuis son arrivée, pas plus haut que d’un étage, et quelques estrades beaucoup plus sobres touchaient presque les murs voisins.

 

Depuis que ce décor s’était établi, il avait ralentie le trot, commençant même à feutrer ses pas pour ne pas se faire entendre par un traqueur imaginaire ; sa vision étant très réduite, il pouvait subir une agression avant même de s’en rendre compte, même si la chose n’était pas vraiment monnaie courante.

Mais heureusement, étant donné l’heure tardive, aucun poney n’arpentait les ruelles, les seuls que Drawlife croisait étaient ce qu’il culpabilisait d’appeler des clochards, de part leur crinière hirsute, leur pelage miteux et leur abri précaire, pour ne pas dire inexistant pour certains. La plupart étaient en groupe, partageant la même source de chaleur improvisée pour tenir la nuit fraîche, épiant l’unicorne gris, certainement par crainte qu’il ne les chasse. Ce n’était évidemment pas l’intention de Drawlife, qui préférait même éviter de croiser leur regard, affreusement mal à l’aise quand à leur situation et au fait qu’il ne savait pas quoi faire pour eux. Jamais l’étalon gris n’aurait pensé assister à un tel spectacle, surtout ici, en plein cœur d’Equestria, mais il fallait croire que la pauvreté n’avais pas de frontière, pouvait atteindre n’importe qui, et Drawlife déglutit en s’imaginant qu’il aurait très bien pu être l’un des leur. Heureusement qu’il avait croisé la route de Rarity …

Soudainement, un grondement sonore très violent éclata, faisant sursauté et crier de peur l’unicorne qui était jusque là à sa tension maximum. Peu de temps après, une myriade de goutte tombèrent du ciel, faisant comprendre à Drawlife que le bruit infernal n’était qu’un orage ; un orage de pluie même. En l’absence d’abri, l’averse humidifia rapidement le pelage et le costume de l’étalon, ruinant ainsi le travail de son amie couturière. L’unicorne pesta bruyamment, se rendant compte de l’absurdité de sa situation à la pensée de la styliste. Encore une fois, il avait laissé ses premiers jugements prendre le dessus sur ses actes, et lui firent faire des actions complètement absurdes, comme fuir une Princesse, et de ce fait complètement laisser en plan Rarity qui devait sûrement l’attendre … ou pas depuis le temps, en réalité, il n’en savait rien, et ça le frustrait encore plus d’avoir agit sans réfléchir. Sous la colère montante, il leva sa patte gauche, avant de violemment l’abattre sur le pavé au sol, produisant un claquement dont les parois proches des bâtiments firent écho pendant de longues secondes malgré la pluie battante.

Un cri paniqué vint se greffer sur cet écho, attirant mécaniquement l’attention de Drawlife, lui révélant à sa droite un autre clochard, isolé dans un étroit couloir plongé dans la pénombre. En fait, une clocharde serait plus exact, à en juger par la longueur de ses crins. Jusque là, Drawlife avait préféré détourner le regard de ces malchanceux, pour ne pas trop prendre pitié d’eux et risquer de le détourner de sa quête de retrouver son chemin. Il envisageait bien de le faire encore, mais quelque chose de nouveau l’empêcha de faire le moindre pas. Malgré la distance et la pluie qui floutait sa vision, le regard apeuré et humide de la jument l’intriguait, comme deux éclats cramoisis dans les ténèbres, lui donnant une furieuse sensation de déjà vue, voir même attisait un souvenir lointain et floue. Curieux de ces simples yeux, il s’approcha doucement de leur propriétaire, bien décidé à éclaircir son impression, une impression tellement vivace qu’il en oubliait qu’il devait absolument rejoindre Rarity au plus vite. La ponette quand à elle, qui s’avérait être une licorne, se traîna faiblement au sol sur un carton maintenant détrempé, reculant face à l’étalon, méfiante, mais par pour autant prise de panique comme l’aurais suggéré son premier regard. Au bout d’un moment, elle semblait même résignée à ce que pourrait bien lui vouloir l’étalon gris, bien que celui-ci ne cherchait qu’à l’identifier, afin de savoir si ses impressions n’étaient qu’un caprice de ses sens.

Une fois à un petit mètre d’elle, Drawlife tenta une petite approche verbale pour la rassurer de sa présence, mais la licorne ne semblait pas répondre autrement que par des murmures agacés, mais sans protester lorsqu’il continua de s’approcher d’elle pour mieux la voir, la pénombre masquant sa perception, et ses facultés magiques ne lui permettant pas d’illuminer sa corne. L’analyse fut rapide, la vue de la crasse qui souillait le pelage et les crins de la jument n’aidait pas à apprécier le spectacle, mais cette fourrure ocre et ces crins noisette lui assurait une chose : Drawlife connaissait cette clocharde, et pas simplement de vue, il l’avait même côtoyé suffisamment longtemps pour que l’identification ne laisse plus de doute.

Mais cette identité était justement ce qui ne collait pas. L’étalon ne parvenait pas à accepter la vérité qui était pourtant en face de ses yeux. Revoir cette jument, qui plus est dans ces conditions était surréaliste à ses yeux.

« C’est … c’est toi ? Blow Passion ? »

La clocharde eu l’air de réagir, relevant subitement la tête à ce nom. De ce que l’étalon pouvait lire dans le regard pénétrant mais fatigué de la jument, celle-ci semblait tenter de le reconnaître, crispant son visage d’effort au fur et à mesure que les secondes passèrent. Ces yeux ne faisaient plus aucun doute quand à leur prioritaire, même si leur couleur rubis n’était pas une rareté, c’était cette sensation pénétrante qui lui fit remonter ses souvenirs.

« Tu ne me reconnais pas ? C’est moi, Drawlife, on était dans la même classe à l’université de Canassa, précisa l’étalon, espérant que ce détail suffirait à lui raviver la mémoire.

-  Canassa ? Ça remonte à si loin … répondit la licorne d’une voix usée.

-  Oui bon j'admets qu’on n’était pas très proche, donc si ça ne te reviens pas … mais qu’est ce que tu fais ici ?

-  Une longue histoire, inutile de s’en préoccuper.

-  Ça fait si longtemps que ça ? Comment ça a pu arriver, t’avait tout pour réussir à l’époque.

-  Tu poses trop de questions, laisse-moi tranquille ! ronchonna la licorne en fuyant les yeux de l’unicorne.

Drawlife fut choqué de la réaction de la licorne miel, qui semblait refuser jusqu’à lui parler. Bien évidement, il ne s’attendait à ce qu’elle lui saute au cou, ça l’aurai même perturbé vu le peu de relation qu’ils avaient à l’époque, mais le fait qu’elle le repousse de cette manière le dérangeait, comme si sa situation lui convenait et qu’elle ne souhaitait rien changer. Drawlife ne mis pas longtemps à se voir dans la clocharde ; lui aussi avait refusé toutes aides pendant sa mauvaise passe, et ça ne lui avait pas franchement réussi. Il craignait que Blow Passion n’ai pas la chance d’avoir eu un soutien comme Rarity.

A moins que lui même soit cette chance ?

« Écoute, je ne pense pas que tu sois très heureuse ici … »

La licorne détourna la tête pour l’ignorer, en lâchant au passage un soufflement de naseau dédaigneux.

« Si tu veux, je t’emmène avec moi. Avec une amie, on pourrait t’aider à te remettre sur les rails, tu en pense quoi ?

-  Vous, les étalons, vous êtes tous les mêmes !

-  Pardon ?

-  Si tout ce qui t’intéresse c’est ma croupe, fait ça maintenant, avertit la jument en déplaçant sa queue brune sur son flanc, inutile d’enrober ça de belles promesses futiles.

-  Quoi ?! N-non ! Qu’est ce que tu vas t’imaginer ?

Ce genre d’allusion à des désirs scabreux de sa part commençait sérieusement à agacer l’étalon platine. Il pensait que seule Twilight lui collait cette étiquette sur le front, mais il fallait croire qu’elle l’avait bien collé, vu que Blow Passion était la deuxième jument de la journée à le prendre pour un pervers.

« Alors passe ton chemin dans ce cas !  trancha la jument en se relevant, commençant à s’éloigner en titubant.

-  Mais attend, je suis sérieux ! Je suis sûr que je peux t’aider, j’étais presque comme toi il y a pas si longtemps, et je me vois mal te laisser finir comme j’ai faillit l’être. »

La licorne s’arrêta, n’étant de toute façon pas en état d’aller bien loin seule, et laissa un silence brouillé que par le son de la pluie s’abattant sur le sol.

« Tu … tu es vraiment sincère quand tu parles de m’aider ?  demanda-t-elle en ne tournant que très légèrement la tête, ne permettant à Drawlife de ne voir que ses fines lèvres.

-  Vraiment ! Et puis de toute façon c’est décidé, je ne part pas sans toi. Maintenant que je sais que tu es ici, dans ces conditions, je n’aurai jamais la conscience tranquille si je ne fait rien.

-  Mais on se connaît à peine, je n’ai rien fait par le passé qui mérite que tu m’aides !

-  Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de l’époque, c’est vrai, avoua Drawlife en s’approchant doucement de Blow Passion, mais j’en ai assez pour savoir que tu étais une fille bien et que j’appréciais, donc à partir de là, je ne vois pas ce qui m’empêcherai de te venir en aide. »

A nouveau, Blow Passion garda le silence, Drawlife devinant sans mal qu’elle était en train de changer peu à peu d’opinion, de la même manière que lorsque sa mère l’avait convaincu qu’il faisait fausse route.

Puis, alors qu’il s’apprêtait à lui fournir de nouveaux arguments, quelque chose se passa avec la licorne, quelque chose qui mettais Drawlife mal à l’aise, mais le rassurais en même temps. Il la voyait légèrement fléchir, et l’entendait émettre des petits couinements pratiquement inaudibles, ce qui lui semblait être le signal qu’elle acceptait son offre. Il s’approcha alors pour voir ce qu’il en était, et ce n’est qu’en écartant une des longues mèches qui tombaient sur les yeux de la jument qu’il vit la dureté que Blow Passion y maintenait jusque là en train de disparaître sous l’humidité des larmes naissantes. L’unicorne sentait qu’elle se retenait de pleurer, et quelque chose lui disais que c’était sûrement la première fois depuis le début de sa misère que quelqu’un lui venait en aide. Au moment même où Drawlife voulut tenter de la consoler comme il le pouvait, un murmure aigu s’échappa de la bouche de la licorne. Un peu confus, il lui demanda gentiment de se répéter.

« Merci, je … je ne sais pas quoi dire d’autre, renâcla-telle en réprimant peu discrètement ses larmes.

- «Ne t’embête pas avec ça, avant de me remercier, il faudrait déjà que j’ai commencé à vraiment t’aider, refuta Drawlife qui était ravie qu’elle accepte finalement son aide.

-  Non vraiment, tu es le premier qui …

-  Tatata, protesta énergiquement Drawlife tandis qu’il s'asseyait, grimpe plutôt sur mon dos, on a un peu de chemin à parcourir et tu ne m’a pas l’air en état pour une longue marche.

-  Non, je ne …

-  Si si, j’insiste ! Je t’ai vu boiter, ce n’est sûrement pas grand-chose, et on verra avec Rarity ce que tu as. Mais pour l’instant je te porte.

-  D’accord … » capitula mollement Blow.

La constitution en partie terrestre de Drawlife et sa taille fut très utile pour que la licorne soit parfaitement installée à califourchon sur son dos, la tête dans l’encolure de l’étalon. Il prit aussi soin de la revêtir de sa veste ; lui avait encore sa chemise, et de toute façon, il devait certainement mieux supporter la pluie que la jument. Sa présence ne dérangeait pas trop Drawlife, finalement habitué au contact des autres grâce à Rarity et ses multiples embrassades ; à moins qu’il ne s’agisse de sa toute nouvelle vigueur à vouloir aider un autre … Une fois prêt, Drawlife reprit le chemin qu’il suivait avant sa rencontre avec Blow Passion. Chemin qui, grâce à la licorne, semblait plus sûr, car même si elle ne connaissait pas l’endroit par cœur, elle était de toute façon plus apte à trouver sa route que son sauveur. Cet obstacle en moins, il fallait à présent qu’il presse le trot pour rejoindre Rarity qui, il l’espérait, l’attendait au carrosse et rentrer à Ponyville. D’après les indications de Blow Passion, il s’était malgré lui profondément enfoncé dans les quartiers pauvres de Canterlot, et en sortir risquait de prendre du temps.

Soudain, un bruissement d’air anormal attira l’attention de l’étalon au travers du vacarme de la pluie, le forçant à l’arrêt pour pouvoir se concentrer sur la détection de ce phénomène ; cet endroit n’avait vraiment pas l’air sûr, qui sait ce qui pouvait leur tomber dessus. Cependant, malgré que le bruit s’intensifiait, il ne parvenait pas à en trouver l’origine, que ce soit sur les cotés ou derrière lui. La peur qu’il s’agisse d’une menace commença à prendre le dessus sur la prudence, forçant Drawlife à reprendre sa course. Mais à peine fit-il quelques pas qu’une énorme silhouette équestre bondit devant lui, barrant la route de l’étalon.

Complètement paniqué par cette apparition soudaine, le peur le fit se cabrer, ce qui manqua de faire tomber sa protégée qui hennit de surprise. Ne voulant pas lui faire de mal malgré l’envie de tout lâcher pour s’enfuir à nouveau, il piétina sur ses deux sabots arrière pour retrouver l’équilibre, avant de se repositionner à quatre pattes et de mettre une distance de sécurité avec l’intrus. Celui-ci ne bougeait pas, ce qui permit à Drawlife de se calmer, et de voir qu’une bonne partit de son corps luisait aux rayon de la lune, bien plus qu’un pelage mouillé. Il ne tarda pas non plus à reconnaître le symbole affiché sur le plastron de la créature, en la forme d’un œil reptilien bleu.

En réalité, l’ombre avait due atterrir juste devant lui, brutalement certes, mais les créatures qui composent la garde lunaire ne devaient pas avoir l’habitude d’être tendre. Même avec les quelques rayons de lune comme seule lumière, Drawlife pouvait voir, et même ressentir le regard perçant du pégase aux ailes membraneuses, tel deux phares jaunes illuminant chaque parcelle de son corps. Impossible de rester tranquille lorsque l’un de ces colosses était en votre présence, et l’unicorne se demandait même si ce n’était pas eux qu’il avait instinctivement fuis plutôt que la Princesse lunaire lors de sa venue.

Mais aussi effrayé par le pégase nocturne qu’il était, Drawlife resta sur place, trop fatigué pour fuir le garde qu’il ne sèmera de toute façon jamais maintenant qu’il l’avait repéré, mais aussi parce qu’il risquait avec cette option de faire tomber et blesser Blow Passion, encore crispé à son cou et tremblante de peur par l’événement.

« Vous êtes bien Drawlife ? » demanda stoïquement le soldat après avoir entièrement analysé du regard l’étalon.

L’unicorne déglutit aussitôt à l’entente de son nom. Pour le connaître, le garde lunaire avait sûrement du être commandité, et qui d’autre que la Princesse de la nuit pouvait soumettre une telle requête à ces êtres en armure ? Drawlife s’estimait vraiment très peu chanceux, il avait réussi tant bien que mal éviter tout les gardes qu’il croisait au prix de se perdre, et maintenant qu’il était en mesure de retrouver son chemin, il fallait que l’un d’eux lui tombe dessus à la première occasion.

Malgré toute l'appréhension qu’il avait à l’égard de la Princesse, il se résolu finalement à la rencontrer en confirmant son identité par un hochement de tête, et tant pis pour ce qu’elle pourrait lui vouloir ; dans un sens, il était encore en période d’excuse, et les Princesses étant plus ou moins liées aux amis de Twilight, elles étaient donc en droit d’en recevoir aussi.

« Et qui est cette personne ? » ajouta aussitôt le pégase.

-  Oh, heu, c’est une … connaissance, je l’ai rencontré pas loin, et je la ramène avec moi pour qu’on la soigne dans un premier temps.

-  Mmh, très bien, opina le garde après un court temps de réflexion, suivez moi, et ne me perdez pas de vue. »

Sans attendre et sans un mot de plus, le soldat fit demi-tour après un dernier regard reptilien et entama la marche, rapidement suivit de Drawlife et de sa passagère. Celle-ci affichait un regard aussi inquiet que lui, voir même plus encore, mais l’unicorne en chemise préféra s’abstenir de lui en demander les raisons, ne voulant pas la surmener avant qu’elle ait reçu quelques soins. Il fallait de toute façon qu’il concentre sa marche pour se synchroniser avec la cadence infernale que maintenait le soldat.

---

Sortir de l’espace confiné des bas quartiers pour retrouver les larges rues éclairées par les lampadaires à huile ouvragés fut comme une bouffé d’air frais, enfin libéré de l’oppression qui l’avait envahie depuis qu’il se savait perdu. Le ciel nuageux était d’ailleurs plus visible, offrant un panorama bien moins confiné que cette succession de balcon et de linge tendu. Cela permettait aussi à l’étalon de voir le château, dominant par au moins cinq fois le reste de Canterlot, fier monument à la gloire des deux alicornes qui y logeaient. Seulement, au bout de presque une heure de marche et de détour pour éviter au maximum la pluie, un détail ne lui échappa pas. Son escorteur ne semblait pas se diriger vers ce fameux château, il s’avérait même qu’au fil des rues qu’ils empruntaient, ils s’en éloignaient pour se diriger vers les bordures de la ville. Drawlife ne savait pas s’il devait s’en réjouir, car s’il n’était pas convoqué par la Princesse Luna, il n’avait alors aucune idée de l’endroit où il se rendait.

« Dites, vous m’emmenez où comme ça ?

-  Ici même, répondit simplement le pégase en lui accordant un regard en coin.

L’indication abstraite perturba un peu l’étalon platine, jusqu’à ce qu’avec un peu d’attention sur ce qui l’entourait, il remarque qu’il s’agissait de la grande place sur laquelle lui et Rarity étaient arrivé à Canterlot, même si le paysage possédait un tout autre visage lors d’une nuit pluvieuse. Et, à son plus grand soulagement, la licorne blanche l’attendait devant leur carrosse et à l’abri d’un parapluie, tandis que la Princesse Luna était absente. A cette distance, il ne la voyait cependant pas très bien, la pluie empêchant la lumière d’éclairer correctement l’endroit.

« Rarity ? C’est toi qui m’as envoyé ce garde ?  clama Drawlife pour couvrir le bruit de l’averse.

-  Bien évidement, gronda aussitôt la licorne, tu ne pensais tout de même pas que j’allais fouiller tout Canterlot sans aide ? Et sous cette pluie en plus ?! Ce n’est pas comme si tu m’avais indiqué où tu allais ! »

Conscient de sa bêtise, Drawlife s’immobilisa puis baissa la tête de honte, tandis le garde s’approchait de la styliste, toujours aussi stoïque. Une fois à son niveau, elle fouilla son petit sac à sabot et en sortit une bonne poignet de bitz, qu’elle tandis par télékinésie au garde.

« Merci pour votre efficacité très cher, voilà une petite somme pour vous remercier.

-  De rien mademoiselle Rarity » répondit le garde en prenant les pièces trébuchantes, ses yeux fendus pétillant d’une étincelle d’avidité.

Pensant que la licorne se calmait, l’unicorne gris s’avança doucement vers le carrosse pour y déposer Blow Passion tandis que le garde s’envolait, mais n’eut même pas le temps d’approcher quoique ce soit que Rarity pointa un regard réprobateur sur lui, le stoppant net.

« Et maintenant Drawlife, il va falloir que tu m’explique ce qui t’es passé par la tête ! tempêta-t-elle fortement, à un telle point que l’unicorne n’entendait même plus l’orage. Tu sais que c’est très mal élevé de faire attendre une dame ? Et par deux fois qui plus est ! En plus, qu’est ce que c’était que cette histoire de magasin ? Tu as inventé ça quand ?

-  Désolé Rarity, je ne sais pas vraiment ce qui m’a pris à l’exposition. Mais je te jure que mon retard ici n’est pas de ma volonté !

-  Je savais que je n’aurais pas du te laisser seul aussi tôt, continua la lady sur un air mélodramatique, si j’avais su que les choses se passerait comme ça ! Non, vraiment, j’ai été trop laxiste.

-  Et bien …

-  Heureusement, tu n’as rien fait de grave » se calma-t-elle en s’approchant de Drawlife afin de le loger sous son parapluie, bien qu’il était de toute façon trop tard pour lui.

Toutefois, tout juste Rarity fut arrivée au niveau de l’unicorne qu’elle réafficha un air contrarié, pointant du museau le chargement de l’étalon.

« … Heu, que porte tu sur ton dos ?

-  C’est une partie de la raison de mon retard justement, je te présente Bl … »

Drawlife s'interrompit lorsqu’il remarqua la licorne miel à présent assoupie, la tête calée assez serré contre son cou. La fatigue combinée au froid provoquée par la pluie avait du l’assommer pendant le trajet, ce qui pouvait expliquer ce souffle qui le chatouillait la nuque depuis plusieurs minutes. Il se sentit rougir devant cette scène quelque peut gênante, ce dont Rarity ne semblait pas relever vu qu’elle s’approcha à nouveau pour mieux voir la jument endormie.

« Ew, mais elle est horriblement sale, gémit la lady avec un mouvement de recul dégoûté, où est ce qu’elle a traîné pour être dans cet état. Et pourquoi porte-t-elle ta veste ?

-  Vue que c’était une clocharde, j’ai pensé être plus résistant aux intempéries qu’elle.

-  Etait ? C'est-à-dire ? demanda-t-elle avec un haussement de sourcil digne de ses mimiques précieuses.

-  Et bien techniquement, si on l’emmène avec nous pour prendre soin d’elle, le mot clocharde ne sera plus très approprié …

-  M-mais quelle idée ! railla la licorne avec un rire jaune. Il y a des centres à Canterlot pour des cas comme elle, et puis elle va souiller les sièges du carrosse avec toute cette crasse qui la couvre !

-  Rho s’il te plaît Rarity ! Je la connais, et je n’ai pas put m’empêcher de lui apporter mon aide dans ces conditions. Tu aurais fait la même chose si c’était une amie à toi !

-  Bien évidement mais …

-  Pitié, insista l’unicorne en tentant de s’agenouiller pour implorer la licorne, je te promets qu’elle ne te dérangera pas, et je ferais ce que je peux pour la soigner moi-même. 

-  Bon, bon, très bien, capitula la licorne en faisant un signe de tête au cocher qui suivait la conversation depuis le début, elle peut s’estimer heureuse que je ne supporte pas de laisser un poney dans cet état. Je vais t’aider à la faire monter sans la réveiller, mais il est absolument HORS DE QUESTION qu’elle me touche moi ou ma robe. C’est déjà désolant de voir dans quel état elle à mis ta veste …

-  Merci Rarity, souffla Drawlife en s’élançant vers le carrosse.

-  C’est normal, mais il y a vraiment des fois où tu me fait faire des choses impossibles » bougonna-t-elle en aidant Drawlife avec sa magie.

Un sourire narquois apparu sur le visage de l’étalon en réponse à la réaction de la styliste. Il se demandait comment cette générosité et cet attachement à l’étiquette et à la propreté pouvaient cohabiter dans ce splendide corps sans y laisser de marques. Peut être que c’est ce qui lui avait permis de le supporter jusque là ?

En tout cas, il ne remercierait jamais assez le destin de lui avoir fait croiser son chemin, elle lui a été d’une aide très précieuse. Et maintenant, c’était à son tour d’aider quelqu’un.

Même s’il ne savait pas encore comment.

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