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La façade de l'art

Une fiction écrite par LordAngelos.

Chapitre 8 : Remise en question

L’air était vraiment lourd et pesant, et Drawlife était prit de quinte de toux dès qu’il inhalait un peu de la fumée que dégageait le chaudron. C’était bon signe au moins.

Mais l’unicorne restait quand même stupéfié de la situation. Il ne s’attendait vraiment pas à ce que la chamane accepte aussi facilement de lui préparer un poison suffisamment fort pour ne pas lui laisser de chance, même s’il avait dut un peu expliquer les raisons concernant sa volonté de mettre fin à ses jours.

Et ça faisait depuis presque une heure que Zecora touillait sa mixture, y ajoutant de temps à autre des produits à la couleur peu engageante, ou en prononçant des mots incompréhensible, sûrement dans sa langue natale vu qu’il était évident qu’elle n’était pas equestrienne de souche. Mais pas d’autres questions, pas de tentatives de lui faire changer d’avis. C’était étrange. Au fond, ce n’était pas plus mal, pour une fois qu’il avait un peu de chance quand il prenait ce genre de décision.

La seule chose ennuyeuse, c’était l’attente. Qu’un tel poison ne se prépare pas en un tour de sabot pouvais ce concevoir, mais de là à envisager qu’il faille faire tout ce cinéma ; et en quel quantité ! Pour peu qu’un seul verre de cette mixture bouillonnante suffise à faire passer un poney de vie à trépas, il y en avait suffisamment pour réduire la population Ponyvillienne de moitié ! Était ce vraiment nécessaire d’en faire autant pour un seul poney ? Bon après tout, c’était elle l’experte, et il ne connaissait pas les uses et coutumes de son pays. Mais ça restait long, et Drawlife craignait qu’à trop ruminer sa décision, il change d’avis. Bien qu’à chaque fois qu’il ré-envisageait ses choix possibles, rien ne lui convenait.

Non, c’était vraiment la seule solution. Mais c’était quand même long ...

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Rainbow Dash virevoltait en cercle à quelques mètres du sol, l’impatience clairement lisible dans les coups d’œil rapide qu’elle jetait vers la ville. Avec Applejack, elle avait cherché Drawlife pendant un long moment, que ce soit dans la ville elle-même ou les quelques forêts autour. La pégase avait espéré le retrouver au même endroit que dans la matinée, mais il n’en était rien. Elle avait même fait un tour rapide plus loin vers les plaines, toujours sans succès. Elle avait été prête à fouiller les montagnes rocheuses quand Applejack était revenue de son enquête au sol, et lui avait communiqué le résultat de ses recherches. Rainbow avait exclu la forêt Everfree de sa liste de lieux possibles, d’une part car fouiller dedans était trop laborieux, et aussi qu’elle pensait que l’unicorne ne serait pas assez bête pour y retourner risquer sa peau. Il fallait croire que si.

  « Mais quel idiot celui là ! »

Celestia avait commencé à coucher le soleil pour laisser place à l’astre de sa sœur, ce qui n’allait pas faciliter la manœuvre dans cette forêt. Rainbow y serait bien entrée tout de suite pour aller tirer les oreilles de cet imbécile le plus tôt possible, mais Applejack avait suggéré qu’elles devaient se préparer, au moins prévenir les autres, et récupérer un peu de répulsif à Lamia. Elles n’avaient fait que la faire fuir la dernière fois, donc il n’était pas exclu qu’elle soit encore là, et que Drawlife tombe une nouvelle fois dessus, doué comme il est. Mais la fermière mettait beaucoup de temps, minimisant encore plus les chances de le retrouver.

Elle finit tout de même par apparaître à un recoin de la ville en galopant, et la pégase fut surprise de voir Twilight qui l’accompagnait, une sacoche sur le dos. La jument cyan ne put se retenir d’afficher un sourire narquois.

 « Ben alors Twilight, fit elle en croisant les sabots avants, je croyais que tu serais contente que Drawlife parte de Ponyville ! T’as finalement craqué pour ses beaux yeux ?

-  Ça va Rainbow, ce n’est pas le moment ! souffla la licorne en ouvrant son sac par télékinésie pour en sortir des petites fioles remplis d’un liquide rougeâtre. Prenez toutes les deux un peu de répulsif, on se sépare pour couvrir le plus de terrain. Ne prenez pas de risque inutile surtout. Moi je vais voir Zecora, elle l’a peut être vu. On se retrouve à la statue de Nightmare Moon dans une demi-heure.

-  Ça fait longtemps que je t’avais pas vu comme ça, complimenta la jument ailée en saisissant le répulsif, c’est cool que tu te sois reprise.

-  Merci, fit elle avec un sourire gêné, aller on y va ! »

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Il faisait affreusement chaud dans l’arbre-maison de Zecora. Drawlife ce demandait si c’était le cas à chaque fois que le zèbre préparait une potion dans son chaudron, ou si c’était pour garder une ambiance tropicale typique des pays du Sud. Il avait le pelage collé par la sueur, et sa langue lui paraissait très pâteuse. Ses yeux lui brûlaient aussi. L’étalon pouvait trouver beaucoup d’autres choses qui ne lui allaient pas tout en sachant très bien que ça ne changerait rien, mais se plaindre des conditions hospitalières du chamane était pourtant le seul moyen qu’il avait trouvé pour patienter sans que l’attente ne lui fasse regretter petit à petit sa décision.

Quand Zecora ce décida enfin à remplir un petit bol décoré de glyphes étranges, l’unicorne pensait qu’il serait soulagé, mais ce ne fut pas le cas. L’appréhension avait réussi à le prendre à la gorge, et voir ce produit verdâtre et plutôt épais émettre des volutes pleines de promesses d’un destin funeste le fit transpirer encore plus, imbibant son pelage déjà bien trempé. C’était vraiment idiot, maintenant qu’il avait une occasion en or d’en finir proprement et sans entraves, son corps lui rugissait ses instincts primaux de survie. Apparemment, quelque soit la méthode employée, mettre fin à ses jours consistait toujours un challenge.

Zecora lui tendit le récipient avec un visage souriant, sûrement pour l’encourager, bien qu’en de telles circonstances cela semblait plus inquiétant qu’autres choses. Drawlife le saisit doucement, les pattes tremblant légèrement, le regard obnubilé par le liquide. Malgré les déformations causées par les quelques remouds, il parvenait à voir faiblement son reflet à la surface, suffisamment net pour voir dans ses yeux ce qui l’agitait depuis son entrée dans la demeure de la chamane : de la peur. Il n’avait encore jamais ressentit ça, c’était au delà de la peur de décevoir, ou de la peur des réactions des autres. Là, chaque parcelle de son corps semblait se révolter contre sa volonté, lui communiquant ardemment par le biais de nausée et de tout un tas d’autres sensations désagréable la chose stupide qu’il allait commettre. Même penser devenait difficile, chaque événements de sa vie lui revenait sans cesse en tête, joyeuses comme honteuses, dans un désordre chaotique, ne lui laissant en bouche que culpabilité et regret. C’était pourtant toute ces choses qui l’avaient conduit ici, prêt à boire cette liqueur mortelle pour ne plus les endurer, se protégeant ainsi de déception à venir. Que cherchait donc son subconscient ? A l’encourager ? C’était stupide !

« Je vois dans ton regard de l’oppression, constata la zèbre quelques minutes après avoir donné le bol de poison, quel est le sujet de ton hésitation ?

-  Ben … »

La voix de Drawlife se perdit dans son hésitation, et il leva la tête, semblant chercher une réponse dans les iris turquoise du zèbre. Celle-ci paraissait très calme, voir même complètement indifférente si on ne prêtait pas attention à ce sourire aimable. Pourtant, la sérénité dont faisait preuve son hôte n’aidait pas Drawlife à se décider.

« Je ne sais pas …» lâcha-t-il en baissant à nouveau les yeux sur le bol entre ses sabots, toujours agités de tremblements.

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Elle ne croyait pas aux miracles, surtout dans de telles conditions, mais Twilight Sparkle galopait quand même, espérant trouver Drawlife dans la case-arbre de Zecora. La première fois, elle avait été d’une aide précieuse, il était donc possible qu’elle ait hébergé l’étalon sachant à présent qui il était. Devoir fouiller de fond en comble la forêt Everfree le cas échéant n’était vraiment pas une option qui l’enchantait. Qu’est ce qui avait bien put passer par la tête de cet imbécile pour qu’il se dirige là où il avait failli mourir auparavant ? Il le faisait exprès pour attirer l’attention sur lui ? Ou alors …

Non, c’était ridicule d’imaginer ça, ses amies avaient beaucoup plus souffert dans cette histoire, ça serait égoïste de sa part d’agir ainsi.

Et puis ça ne pouvait pas coller. L’étudiante n’avait pas dut supporter sa présence chez elle pour rien, elle avait même deux raisons à ça. D’une part, elle avait décidé de le surveiller plus fermement pour éviter qu’il ne récidive avec Fluttershy et Rarity, ces dernières ayant été particulièrement chamboulées à cause de lui. Mais d’autre part, sa principale raison était qu’elle avait prit la décision de l’étudier, psychologiquement s’entend. Lui donner des tâches plus ou moins variées permettait d’analyser ses réactions face aux autres poneys. L’idée était de comprendre son mode de raisonnement pour ensuite le débarrasser de cette tare malsaine qui horripilait tant la bibliothécaire. En plus des défauts qu’elle connaissait déjà, la fête de Pinkie lui avait fait découvrir qu’il était sujet à une forme de lâcheté, et généralement, les lâches ne passent jamais à l’acte.

Ça n’empêchait pas de le retrouver au plus vite. La licorne pressa d’ailleurs le galop en apercevant au loin les ramures de l’arbre de Zecora. Ses doutes quand à la présence de cette dernière se dissipèrent lorsque qu’elle vie de la lumière par la fenêtre, et s’autorisa de ralentir la cadence pour reprendre son souffle. En s’approchant, elle entendit même la chamane parler sans utiliser sa langue natale, ce que l’étudiante conclu tout de suite comme une discussion ; elle n’était donc pas seule.

Elle toqua à la porte, plus pour prévenir de sa présence, et entra aussi sec sans attendre de réponse. En fouillant rapidement l’endroit du regard, elle trouva Zecora dans un coin de la pièce, debout devant Drawlife, lui même tenant un bol entre ses pattes avant.

Tous deux tournèrent la tête vers le nouvel arrivant. Comme souvent, Zecora ne semblait pas surprise de la voir, mais ce ne fut pas le cas de l’étalon, qui se mit à fixer la licorne d’un air confus. Twilight en fit de même, au point que sa mâchoire en restait paralysée, alors qu’elle avait tout une tripoté de reproches à débiter au museau de Drawlife. Instinctivement, son esprit profita de ce moment de flottement pour inspecter les lieux. Elle vit un chaudron rougit par son foyer, et un contenu verdâtre identique à celui dans le bol que tenait l’unicorne. Tout autour du chaudron, elle remarqua des restes de fleurs qui avaient probablement du servir à l’élaboration de la potion. Twilight n’était pas très doué en botanique, mais elle avait lu suffisamment de livres sur les produits dangereux d'Equestria pour s'horrifier des plantes qu'elle reconnu.

Les noms lui revinrent comme si elle avait ses bouquins sous le museau. De la Digitale et des Datura stramoine, réputées comme affreusement toxique, voir mortelles. Non, elles devaient juste être là, par terre, sans aucune raison. C'était impensable que la shamane puisse concocté une horreur pareil. Et pourtant, la logique infaillible de la licorne était incapable de lui laisser une once d'espoir d'être dans le faux.

« Zecora, tu n’as quand même pas … ? » hasarda la licorne, la voix presque muette dut à l’horreur de sa déduction.

Le zèbre ne put répondre, car, comme prit d’un réflexe de survie, Drawlife précipita le récipient vers ses lèvres, tentant d’en boire le contenue sous le regard affolé de Twilight.

« NOOOON ! »

Sans même le vouloir, la licorne avait hurlé à plein poumon devant le geste suicidaire de l’étalon, et une onde magique magenta partit de sa corne, droit vers le bol. Ce dernier fut pulvérisé à l’impact sous les yeux hébétés de l’unicorne et de Zecora, les morceaux projetés dans toute la pièce. Une partie du liquide verdâtre finit dans un pot où se trouvait de l’améthyste ; la plante se flétrit soudainement, perdant rapidement ses pétales pour ne laisser plus qu’une tige noircie et recroquevillée sur elle-même. Drawlife était en état de choc, figé dans la position qu’il avait prit pour boire le poison. Inquiète, Twilight se précipita sur lui, et le saisi par les épaules pour finalement constater qu’il respirait encore. Elle souffla de soulagement, mais un autre sentiment lui monta vite à la gorge.

« Mais tu es complètement malade ! rugit-t-elle en secouant fortement l’étalon platine, agitée par une colère soudaine. Tu te rends compte que c’était complètement égoïste ce que tu t’apprêtais à faire ?! De te suicider après ce que t’as fait à mes amies ?! Et tu crois franchement que c’est une manière de résoudre ses problèmes ?!

-  Je …

-  Tu as intérêt à avoir une bonne explication, continua-t-elle en se calmant sans pour autant perdre son ton de reproche, même si je ne sais pas exactement ce que tu ressens en ce moment, rien ne justifie ce que tu allais faire. C’est vraiment stupide de vouloir en finir sans avoir rien fait pour corriger ses erreurs. »

Au yeux de la licorne, l’étalon aurait put faire n’importe quoi en de telle circonstances, mais pas de se pencher en avant, se laissant tomber dans les pattes de la jument, pour finir le museau dans sa crinière indigo. Twilight émit un hoquet de surprise face au geste de l’étalon, et à son poids aussi, vu qu’il semblait prendre appuie sur elle. Pourtant elle ne le gronda pas ni le repoussa, à sa grande surprise. Au lieu de ça, elle l’enlaça comme le ferait une mère avec son enfant, peut être pour le réconforter. Twilight ne comprenait pas ce qu’elle faisait, et comme toute chose qu’elle ne comprenait pas, elle analysa les choses pour trouver une réponse. En définitive, elle n’avait plus devant elle l’étalon aux intentions insalubres qu’elle décriait depuis le début, mais un simple poulain qui avait perdu sa mère, dont on en avait donné la responsabilité, et qu’on avait laissé seul avec son fardeau. Elle commençait à comprendre pourquoi elle éprouvait de la peine pour lui en ce moment même, quand elle prenait en compte tout ce qu’il avait subit depuis qu’elle l’avait rencontré. En y repensait, Applejack avait raison, dans le fond, même si ce n’était pas la meilleure, sa réaction à la fête d’anniversaire était une suite logique aux événements précédents. Twilight se demandait même à si elle n’aurait pas eu cette même volonté d’isolement et de vide si elle perdait sa propre mère. Rien que de l’imaginer lui serra la gorge.

« Écoute Drawlife, commença la licorne en essayant d’adopter un ton rassurant, je ne suis sûrement pas la mieux placé pour te le dire, vu que je m’étais laissée aveugler par ma méfiance envers toi alors que tu avais un vrai problème. Mais Rarity a raison, tu n’as pas à fuir, on peut t’aider à surmonter ça, moi et mes amies avons connu bien pires. »

En réponse, Twilight sentit une des pattes de l’étalon descendre le long de son dos, caressant sa colonne avant de s’arrêter aux alentours de sa croupe. Un frisson parcourue l’échine mauve de la licorne, elle eu une inspiration nerveuse et ses muscles se tendirent aussitôt.

La réaction de la bibliothécaire ne se fit pas attendre, se débarrassant promptement du corps juché sur elle dans un râle de mécontentement. Drawlife s’écroula au sol tel un pantin, mais la licorne ne se préoccupait même plus de lui, prise d’un frémissement de dégoût, toute trace de compassion effacée de son esprit.

« Erk, vous êtes vraiment tous les mêmes, pesta-t-elle en frottant énergiquement du sabot là on son pelage s’était mêlé à celui de l’unicorne, vous profitez vraiment de n’importe quelle situation pour vous laisser allez à vos … cochonnerie !

-  Loin de moi l’idée de démentir ta répugnance pour cet étalon en peine, s’immisça Zecora après la réaction de la licorne, mais sa situation demande autre chose que de la haine.

-  Et toi alors, qu’est ce qui t’a pris ? questionna durement la licorne en finissant de se nettoyer. Jamais je ne t’aurais cru capable d’aider quelqu’un à se donner la mort !

-  Dans mon pays, il est de coutume de laisser les âmes perdues choisir leur sort, car leur esprit peut perdre toute raison si on leur cause du tord.

-  Ce n’est pas comme ça que l’on fonctionne à Equestria Zecora, le suicide assisté est mal vue.

-  Dans ce cas, peux tu m’informer sur la méthode que j’aurais dut employer ? requerra le zèbre en haussant un sourcil d’indignation. Que comptiez vous faire hormis le submerger de reproches dans lesquels il se serait noyer ?

-  Je … ça n’a aucun intérêt qu’il meurt maintenant, pas comme ça, lâcha la jument violette après quelques secondes d’hésitation, donc si tu ne vois pas d’objection, je le ramène à Ponyville pour qu’on répare les dommages causés jusqu’ici. Allez viens Drawlife. »

Twilight Sparkle aurait bien mieux préféré laisser ce pervers sur place, mais elle savait très bien que si elle le laissit sans surveillance, il risquait de retenter sa bêtise. Quand Twilight remarqua que l'unicorne ne semblait pas la suivre, elle fut d’abord prit d’un profond sentiment de lassitude en le voyant toujours au sol, et ce n’est que par résignation qu’elle se rapprocha encore de lui pour le presser un peu. Mais malgré ses tâtonnements insistants, Drawlife restait allongé, sans bouger. Sa lassitude se transforma en inquiétude, lorsqu’elle se remémora cette scène, quand il avait reçu de plein fouet les nouvelles de sa défunte mère, là où tout avait sûrement commencé à dégénérer dans on esprit. Elle n’avait pas su quoi faire face à l’étalon dépourvue de réaction, perdu dans ses pensées. Elle l’appela, toujours avec insistance, essayant de formuler des propos réconfortant pour tenter de faire réagir l’étalon. Mais toujours rien, pas même un grognement.

D’inquiétude, elle passa à la crainte, à la limite d'être désireuse qu'il l'insulte de le malmener, au moins pour prouver qu'il était bien conscient. L’idée d’avoir réagis trop tard la nargua, tentant progressivement de devenir une évidence. Sa crainte devint horreur lorsqu’elle le retourna pour voir son visage. Les yeux de Drawlife étaient vitreux, sans expressions, ce n'était même plus les siens, juste des orbes vides. Un résidu teintait de vert la commissure de ses lèvres, l'obligeant indubitablement à ne plus tenter de se mentir. La peur remplaça l’horreur lorsque Twilight observa l’attitude fataliste de Zecora, tendit qu’un de ses sabots tremblants alla se poser sur le cou de l’unicorne dans un ultime espoir de se tromper.

Seul le froid répondait à son geste, et elle ne sentait absolument plus aucunes pulsations vitales. La dure réalité éclata au visage de la jument, laissant la colère et la haine qu’elle éprouvait pour Drawlife s’échapper par les larmes apparues au coin de ses yeux. Le pelage platine de l’étalon se teinta rapidement de ces gouttes, leur propriétaire figée au dessus du corps, toujours incapable d’accepter d'être intervenue trop tard. La peur avait finit par laisser place à la tristesse.

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Deux juments patientaient près d’une statue représentant une alicorne maléfique, l’une juchée sur sa tête scrutant l’orée de la forée de ses yeux magenta, l’autre faisant les cents trots à ses sabots en réajustant régulièrement son chapeau. La plus impatiente des deux réclamait continuellement des nouvelles d’une troisième jument à sa voisine du haut de son promontoir, cette dernière répondant à chaque fois par le négatif d’un ton las.

Finalement, un équidé sorti des bois en se dirigeant vers elle. Les deux amies analysèrent avidement le nouvel arrivant. C’était bien une jument, mais pas celle qu’elles attendaient. A la place d’une robe violette, elle était blanche et rayée de noir. Étonnées de sa présence, elles vinrent à sa rencontre et posèrent des questions au sujet de celle qu’elles attendaient. Le zèbre leur conta un long récit, attentivement auditionné par les deux ponettes, et l’acheva par une terrible nouvelle. Celle des deux qui disposait d’ailes prit aussitôt son envol en direction des cieux, la terrestre suivant l’exemple au sol, remerciant hâtivement la chamane.

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Le silence. Le calme. La béatitude. Le repos.

Rien de tout cela ne subsistait pour l’esprit nageant parmi le vacarme de ses souvenirs. Bons comme mauvais, les événements d’une vie entière apparaissaient et disparaissaient dans un chaos de rire, de pleurs, de confession et de moquerie. De toutes les sensations existantes, seuls l’anxiété et la peur demeuraient. Trop de souffrance, trop de déception ressortaient de l’agitation des souvenirs.

Mourir avait semblé être la seule solution pour échapper à tout ça. Mourir signifiait s’en aller, quitter un monde dépourvu de destiné heureuse, laisser derrière soi tous ces choix complexes aboutissant inévitablement à la solitude et au rejet. Mais qui aurait pu prédire que la mort n’était qu’un espace confiné dont les parois étaient tapissées de toute l’existence du défunt, l’obligeant à ressasser éternellement ses regrets, ses peines et ses souffrances ?

Et quand finalement, on découvrait que notre plus grand remord, celui qui nous causait le plus de souffrance, celui que l’on revisionnait impuissant sans que le poids du temps n’est permis d’accepter son aspect immuable, était ce geste qui nous avait cloîtré dans ce que l’on fuyait depuis toujours, était-on autoriser à pleurer face à l’acharnement du mauvais sort ?

Pas pour Drawlife, car quand il avait prit cette décision, il ne savait pas pleurer.

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Une ponette blanche marchait dans un couloir aussi immaculé qu’elle, des plantes exotiques venant briser occasionnellement la monotonie visuelle de l’endroit. Une mine sévère s’affichait sur son visage. C’était la fin de la période des visites, elle devait donc vérifier l’intégralité des chambres de l’hôpital pour évacuer tous poneys outrepassant la durée prescrite par les infirmières.

Des pleurs se firent entendre dans la chambre vingt-trois. L’infirmière au crin rose pâle soupira. Cela faisait plusieurs jours qu’elle surprenait cette pégase à dépasser les horaires, la forçant à revêtir l’habit d’une ponette sans cœur pour ne pas avoir de problèmes avec ses supérieurs. Elle effleura la porte la séparant du coupable, inspira profondément, puis poussa la grande planche de chêne. Le spectacle était, comme d’habitude, déchirant pour quiconque capable d’un minimum d’empathie. La jument ailée était assise proche du corps allongé sur le lit de la chambre, étalant ses long cheveux roses sur la patte grise perforée en de multiple endroit par de fins tuyaux, sanglotant continuellement tendit qu’elles laissaient ses dernières larmes couler le long de son visage. Elle ne venait pas ici que pour pleurer, l’infirmière l’avait déjà entendu parler au corps, lui murmurant des mots doux, parfois des excuses, mais le marteau du chagrin finissait invariablement par lui briser le courage nécessaire pour aligner quelques mots face à cet étalon inanimé.

La pégase tourna son regard humide vers la ponette blanche, la reconnaissant aussitôt, sachant pertinemment la raison de sa présence à cet instant. Après une promesse de retour mélancolique envers l’unicorne allongé, elle suivit l’infirmière la tête basse, séchant péniblement ses joues. Chasser cette jument désespérée était un fardeau devenu quotidien, mais le réel fardeau restait le poney qu’elle venait pleurer régulièrement. Cet étalon n’était pas endormie, ni même dans un coma profond. Cliniquement parlant, il était décédé, et ce depuis qu’on l’avait présenté aux portes des urgences. Monopoliser une chambre et du personnel hospitalier pour un mort était quelque chose qui répugnait beaucoup de poneys travaillant ici, aussi bien moralement que pour des raisons pratiques. Pourtant, ils avaient cédé devant l’insistance presque agressive de celle qui avait téléporté ce corps devant eux, littéralement, en implorant qu’ils fassent tout pour le conserver le plus longtemps possible.

Mais on était dans un monde de magie, pas de miracle, et ressusciter les morts faisait encore partie, à la connaissance de l’infirmière, du domaine du miracle.

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Se concentrer, penser positif, se souvenir de choses heureuses, apaisantes.

Personne ne savait exactement ce qu’était la mort, ce que notre esprit devenait après notre dernier sommeil. Pour Drawlife c’était comme un songe perpétuel, et il avait partiellement conscience de ce qui lui arrivait. C’était tellement semblable à un rêve qu’il se demandait même s’il n’était pas juste en train de dormir. Il avait pourtant sentit la lame de la mort extirper son esprit de son corps, il avait sentit le poison couper tous liens sensoriels avec ses sabots, puis ses pattes, et finalement tout le reste. Cela ne pouvait pas être son imagination, puisque sa nouvelle ‘’demeure’’ lui rappelait sans cesse, de façon presque sadique, qu’il était bien responsable de sa mort. Revoir sans cesse ce dernier geste, promesse de libération juste avant, clé d’un monde qu’il abhorrait juste après, immisçait progressivement les graines de la folie. Et c’était pour échapper à cette déchéance de l’esprit qu’il tentait à présent de se remémorer des moments heureux, oubliés depuis longtemps.

C’était difficile, car beaucoup de ses bon souvenirs étaient étroitement liés avec ses pires déceptions. Son séjour chez Fluttershy, ses sourires, ses chants, son attention envers lui, l’inspiration qu’elle lui procurait étaient vite camouflés par son échec, la fuite de la pégase et la destruction de son meilleur tableau. Il avait tenté de penser à Rarity, à celle qui prétendait être son amie, peut être la seule à le considérer comme un poney normal et à vraiment croire en son don. Mais ce n’était qu’un subterfuge, elle s’était jouée de lui. Non, Ponyville, c’était une ville maudite.

Il fallait remonter plus loin, se concentrer encore, ignorer ces ombres qui le harcelaient par rafales au fur et à mesure qu’il remontait le couloir de sa vie. C’était comme traverser une allée constellée de portes, certaines en permanence ouvertes, d’autres qui n’attendaient que d’être franchises pour dévoiler leur contenue. D’autres encore refusaient de s’ouvrir, scellées par une force invisible, condamnant peut être ce que Drawlife recherchait à un oublie éternel.

Son esprit faiblissait au fur et à mesure de ses échecs, encaissant les attaques de ses pensées négatives de façon moins efficace. Le désespoir le gagnait, sa volonté faiblissait, se résolvant petit à petit à son sort pathétique d’âme piégée et assaillie par ses fautes et ses regrets.

Quelque chose attira cependant son attention, une porte en particulier, différente des autres. A l’inverse de celles qui semblaient presque le fuir ou le narguer, celle-ci paraissait l’appeler, dégageant une aura de tranquillité dans ce monde dépourvu de toute logique. Même les avatars éthériques de ses mauvais souvenirs gardaient leur distance. Drawlife s’approcha de cette porte, mue par son instinct, ou peut être était ce le désespoir qui le poussait à croire que cette porte était celle qu’il cherchait pour échapper à sa propre folie ? Toujours est-t-il qu’il posa un sabot sur le poignet pour voir si cette porte n’était pas verrouillée.

Minute ! Son sabot ?

Drawlife émit un mouvement de recul, et essaya de voir son corps. Il ne voyait rien. C’était pourtant normal. Il ne se l’expliquait pas, il était un esprit, et même s’il n’avait plus aucune notion du temps en ces lieux, il en avait suffisamment eu pour se faire à l’idée de son état intangible. Alors comment ?

Il s’approcha à nouveau de la porte bienfaitrice. Et il le vit à nouveau, son sabot était bien là, bien qu’il eu du mal à accepter sa présence. Une sensation chaude l’envahissait tandis qu’il restait devant la porte, se réadaptant petit à petit à la sensation de toucher, à son crin lui caressant le front et l’échine. C’était étrange, mais pour la première fois, il ne se sentait pas oppressé, il n’y avait que lui, son corps et cette porte. Quelque chose lui disait en son fond intérieur de l’ouvrir, ce qu’il fit sans plus de temps qu’il ne fallait pour appuyer sur le poignet.

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Un grognement d’impatience retentit dans une bibliothèque. La licorne responsable de ce bruit bestial était visiblement à bout de nerf. Elle cherchait, inlassablement, depuis plus d’une semaine, la réponse à une question qui la taraudait jour et nuit telle une des plus grandes énigmes : existe-t-il un moyen de ressusciter les morts ?

La jument violette ne comptait plus les livres qu’elle avait scruté dans les moindres lignes, les laissant s’entasser au fur et à mesure de ses recherches stériles à même le sol. A plusieurs reprises, elle crue trouver le filon, avant que son humeur ne tombe encore plus bas lorsqu’elle se rendait compte de n’avoir découvert qu’un conte pour poulain. D’autres livres étaient plus révélateurs, mais la licorne se refusait de les approfondir. Tomber dans la magie noire était néfaste pour quiconque s’y aventurait, et les retombés était trop aléatoire et insalubre pour qu’elle prenne ce risque, et il lui était hors de question de courir ce risque pour la cible final de ses recherches.

Sa mine était affreuse, rongée par la fatigue et la détermination, et tout ses sens étaient dirigés uniquement vers ces piles de feuilles manuscrites reliées, vers son but. Ainsi, elle ne pouvait pas entendre la porte de la bibliothèque se faire malmener, obligeant un bébé dragon résolument inquiet pour sa sœur adoptive à venir à la rencontre de l’impatient visiteur.

Rien dans ce livre non plus, ça en devenait de plus en plus frustrant.

Le petit dragon violet profita de l’ouverture que laissait l’esprit de la jument lors de sa fouille des étagères pour lui communiquer la nouvelle que l’on venait de lui transmettre.

Une terrible nouvelle.

L’état de la raison de ses recherches avait empiré. Il allait falloir qu’elle abandonne ceux en cours pour se plonger sur un autre sujet. Tout les livres au sol s’envolèrent tout d’un coup, avant de reprendre leur place mollement du à la fatigue de celle qui les manipulait, le tout sous le regard soucieux d’un petit reptile violet. La licorne saisi ensuite un livre et l’ouvrit pour tenter de trouver la réponse à sa nouvelle question.

Comment conserve-t-on un corps ?

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L’impression était différente des fois précédentes où Drawlife avait franchit un palier de ses souvenirs. Il n’avait plus la peur au ventre, cette crainte de découvrir quelque chose qui ne lui plairait pas, qui l’aurait enfoncé dans cette sensation de vie gâchée par des décisions idiotes. Non, cette fois ci il se sentait bien, il était à l’aise, il se sentait chez lui.

En fait, il était vraiment chez lui. Il reconnaissait parfaitement ces meubles rustiques en sapin qu’affectionnait sa mère, avec ces petits rideaux rouges en lieu et place de bâtant. Ils étaient présents pour s’accorder au tapis tressé qui recouvrait presque intégralement le plancher de ce qui s’apparentait à une salle à manger. Il y avait aussi les citronniers côtoyant les fenêtres, permettant de respirer leur parfum si particulier tout en contemplant le panorama simple mais époustouflant des champs de blé arrivés à maturité. Drawlife s’y posta quelques instant, trop heureux d’être à nouveau dans le lieu de son enfance, un endroit qu’il connaissait, hospitalier. Il cligna des yeux face au soleil bas. S’il n’avait pas perdu ses repères, il était couchant, ce qui signifiait certainement que son père et son grand frère, et peut être lui-même, devaient se trouver dans les champs à récolter le blé. C’était effectivement le cas, il distinguait deux silhouettes faucher habilement les plantes céréalières.

Étrangement, les voir ne lui faisait pas grand-chose de plus qu’un petit pincement au cœur. Peut être parce qu’ils étaient trop loin pour qu’il puisse apprécier pleinement de les revoir, ou peut être qu’il ne les appréciait pas suffisamment pour qu’il ressente la moindre enthousiasme à leur égard. Il haussa simplement les épaules à cette idée. Finalement, ce n’était qu’un souvenir, ce n’était pas réellement eux.

« Regarde maman ce que j’ai fait ! » s’exclama une voix infantile non loin.

Drawlife détourna la tête du champ vers l’origine de la voix, inutilement pris de panique à l’idée d’être découvert. Mais il se reprit vite en réalisant qu’il n’était sûrement qu’un fantôme en ce lieu. Un sourire presque niais vint de plus s’installer sur son visage à l’audition d’une seconde voix, plus mature mais aussi très familière, aussi douce que dans ses souvenirs.

« Bravo mon chéri, c’est vraiment très beau ! Et qui est ce que tu nous as dessiné là ? »

Ce coup ci, l’extase de voir la porteuse de cette magnifique voix remplit le cœur de l’étalon de joie, bien plus que s’il avait s’agit de son paternel, et il se précipita vers la pièce voisine, le salon.

« Mais c’est toi maman-heu ! Je t’ai dessiné quand tu lisais » gémit à présent la première voix, dans lequel on sentait une certaine frustration.

Drawlife avait le cœur qui battait à tout rompre, de la même manière que s’il avait galopé des kilomètres, alors qu’il avait à peine effectué deux mètres. Mais ce n’était pas tant pour l’effort physique que son palpitant lui martelait la poitrine, c’était simplement le fait de revoir ce doux visage plein de vie, ces yeux verts remplie de tendresse, ce sourire enjôleur qui l’avait tant réconforté dans ses moments de chagrin.

L’étalon avait eu doublement un choc, de par la présence de sa mère, les traits encore jeune, sa crinière rousse rabattu sur le coté et maintenue pas une barrette décoré d’un citron, souriant à un poulain gris à la crinière ébouriffé noir et zébré de cuivre et d’argent ; en d’autre terme, lui-même.

« Oooooh, pardonne-moi mon poussin de ne pas m’être reconnue, fit la jument jaune citron sur un ton d’excuse amusée, mais maintenant que tu le dis, c’est vrai qu’il y a une ressemblance.

-  Nan, mon dessin est raté, tu t’es pas reconnu ! grogna le poulain en gribouillant furieusement la feuille qui devait certainement contenir de portrait de sa mère. Je suis trop nul en fait, je sais pas dessiner.

-  Ne soit pas si dur avec toi voyons, soupira la licorne sans perdre son sourire, tu as fait d’énormes progrès, regarde ! »

En cherchant dans un range journaux, elle sortit par magie un porte-documents assez épais, et le posa sur une table basse en verre cerclée de bois. Elle l’ouvrit délicatement sous le regard bougon du jeune unicorne gris, et en sortit quelques feuilles.

« Observe bien ces dessins mon chéri, tu ne vois pas de différences ?

-  Nan, ils sont tous gribouillés … » lâcha le petit unicorne après une brève inspection.

Drawlife se passa un sabot exaspéré sur la figure. Décidément, il était vraiment puéril à cette époque, à croire que c’était une pathologie de mômes. Sa mère en revanche ria de bon cœur devant la franchise de son fils, ce qui avait l’air d’étonner le poulain.

« Oui, tu as raison, ils sont gribouillés, acquiesça-t-elle en essuyant quelques larmes, et ils sont comme ça pour les mêmes raisons qu’aujourd’hui, mais regarde mieux. Sur celui ci, tu parvenais à peine à faire des ronds corrects, alors que si je prends celui là qui est plus récent, ils sont parfaitement lisses. Pareil là-dessus … »

Et elle continua ses explications afin de le convaincre, avec la même passion qu’elle avait pour tout ce qu’elle entreprenait, sous le regard attentif de son ‘’lui’’ jeune. Ce dernier faisait de temps en temps des remarques négatives pour appuyer sa médiocrité imaginaire, mais il était vite mis en déroute par des preuves inverses accompagnées par de caresses dans la crinière. Malgré son insistance à vouloir se dévaloriser, sa mère ne lâchait jamais l’affaire, toujours avec ce sourire affectueux sur les lèvres.

C’était ça que Drawlife recherchait, c’était ce sourire presque éternel qui lui donnait cette sensation de bien être, lui permettant de penser positif, afin de chasser ses idées noires. Il s’appuya sur le cadran de la porte, croisant ses pattes avant, profitant du sourire de sa mère, se laissant baigner par une tranquillité qui avait presque oublié de son vivant. Il pouvait rester dans cette position des heures à écouter sa mère, et c’est ce qu’il comptait faire. Après tout, il avait probablement l’éternité devant lui, et il était finalement chez lui, sa mère était sous ses yeux, bien vivante même si ce n’était que fictif, il ne lui en fallait pas plus pour se sentir bien.

Bientôt, elle eu finit ses explications, et le poulain platine partit de la pièce enorgueillie, se lançant un défi à lui-même de parvenir à reproduire exactement sa mère sur ses dessins. Drawlife trouvait ça idiot contrairement à sa mère qui riait une nouvelle fois, mais en réalité, c’était cette idiotie qui l’avait amené à savoir aussi bien dessiner et peindre. C’était aussi cette idiotie qui l’avait amené ici, dans cet état de fantôme errant dans les méandres de ses souvenirs. Il ne fallut pas longtemps pour que cette pensée le parasite à nouveau, le détournant progressivement du visage de sa mère.

« Mes aïeux, si jeune et déjà un tel soucie de perfection, soupira la licorne jaune en s’asseyant lourdement sur le canapé, mais ça fait tout de même plaisir de le voir aussi impliqué, tu ne trouve pas ? »

L’attention de l’étalon revint rapidement vers les paroles de la jument. A qui s’était-elle adressée ? Son regard était tourné dans sa direction, droit dans ses yeux. Il se retourna pour voir s’il elle n’avait pas parlé à son père ou son frère qui serait rentré au même moment. Mais personne dans la salle à manger. Elle n’était quand même pas en train de parler toute seule ?

« Oui c’est bien à toi que je parle, grand nigaud. »

Drawlife sursauta. Comment était ce possible ? Il s’agissait d’un souvenir, d’une simple copie de sa mémoire qu’il revisionnait en spectateur. Il se souvenait vaguement de cette scène, elle n’était donc pas crée de toute pièce. En se retournant à nouveau vers sa mère, il la vit pencher la tête sur le coté, en illuminant son visage d’un sourire encore plus éclatant que d’habitude. Sur le coup, ça en était devenu inquiétant. Afin d’être sur de ne pas divaguer, l’étalon se désigna du sabot d’un air interrogateur, ce que la ponette à la crinière rouge répondit par un hochement de tête affirmatif.

« Allez viens, n’ais pas peur, je ne vais pas te mordre. » ajouta-t-elle le plus délicatement possible en tapotant la place libre sur le canapé.

Il était en train de rêver, c’était la seule explication. Mais non bien sur, il rêvait déjà, à moins de rêver dans un rêve … Ça devenait compliqué à appréhender pour l’étalon. En définitive, il n’avait rien à perdre, il était mort, du moins semblait-il, si ce n’était que son imagination lui jouait un tour. Cela restait toujours plus agréable que de se faire harceler par ses vieux souvenirs tortueux.

Prudemment, Drawlife pénétra dans le salon, toujours inquiet de la situation malgré tout, ce qui fit glousser celle qui ressemblait sa mère. C’était assez compréhensible, il devait avoir l’air d’un petit animal apeuré qui craignait de sortir de son buisson.

Mais quelque chose n’allait pas. Non, ça ne pouvait pas être sa mère, elle était … morte … elle aussi, ce qu’il avait devant ses yeux ne pouvait pas être réel, ou du moins conscient. Il était dans sa mémoire, elle n’était sûrement qu’un fragment de son imagination, la personnification de sa mère mue par son désir affectif de lui parler à nouveau. Oui, ça devait être ça. C’était avec cette idée en tête qu’il s’assit en face de sa pseudo-mère, des crampes d’incertitude le tiraillant l’estomac. Ils se regardèrent pendant un certains temps, elle dandinant la tête d’un air amusé, lui cherchant instinctivement à fuir son regard devenu oppressant, triturant ses sabots de gêne.

« Et bien mon chérie, lança finalement la jument après avoir changé le sens de croisement de ses pattes avant, tu n’as rien à me demander ?

-  Heu … c’est que … bafouilla l’unicorne pris de court par la demande, c’est assez bizarre de demander ça mais … qui êtes vous ?

- «Voyons Drawlife, tu ne reconnais plus ta vielle mère ? s’inquiéta-t-elle en tirant la moue.

-  Si, m-mais … je veux dire, ça ne peut pas être elle … toi. Tout ça, indiqua Drawlife en désignant vaguement du regard la pièce, c’est dans ma tête, enfin dans mon esprit. Qui me dit que je ne parle pas à moi-même en ce moment ? C’est complètement absurde !

-  Toujours aussi méfiant n’est ce pas ? Et bien soit, qu’est ce que je peux faire pour que tu m’accordes le bénéfice du doute ? »

Drawlife réfléchissait rapidement, mais la confusion de son esprit lui interdisait toute réflexion logique. Plusieurs solutions grotesque germèrent et moururent aussitôt, sa prétendue mère finissant par glousser à nouveau devant l’étalon qui bloquait depuis plusieurs minutes.

« Comme quoi certaines choses ne change jamais, minauda la jument en posant un sabot sur ceux de son fils, c’est toujours moi qui doit te montrer que tu te tracasses pour rien. Réfléchis un peu, que je sois ta vraie mère ou le fruit de ton imagination ne change rien. Je ne peux te prouver mon identité d’aucune manière, vu que si je te racontait quelque chose dont nous seuls connaissons l’existence, que ce soit moi ou ton souvenir, nous aurions la même réponse. Et citer une chose que moi seule connaît ne prouverait rien non plus puisque tu n’aurais aucune façon de le vérifier.

-  C’est vrai mais … ça voudrait dire que tu es dans ma tête, supposa Drawlife toujours en pleine confusion, que tu serais venu me hanter pour me punir de t’avoir … de t’avoir …

-  De m’avoir quoi ?

-  D-de … de t’avoir tué … »

Le dire était encore plus douloureux que simplement le penser. Avoir retrouvé un corps n’était pas aussi anodin que Drawlife l’aurai cru. Il s’était presque senti s’étrangler en cherchant à énoncer ce fait, chaque tentative devenant plus douloureuse que la précédente. Et même après, quelque chose resta un moment coincé dans sa gorge, laissant un goût amer une fois dissipé. Avoir l’esprit torturé était déjà assez intenable, si en plus les sensations du corps se joignaient à la fête … Mais ce n’était pas ce qu’il ressentait à cet instant qui était le plus frustrant. Il y avait quelque chose qui ne venait pas, dont l’absence était encore plus douloureux que le poids des remords.

« Tu extrapole un peu vite mon chéri, tu n’es pas celui qui m’a forcé à prendre le chemin glissant dans lequel je me suis engouffrée, expliqua sa mère sur un ton d’excuse, et qui plus est, ce n’est pas uniquement ton départ qui m’a rendu folle de chagrin. Tu ne peux pas imaginer à quel point le fait de savoir mon fils seul dans l’état émotionnel dans lequel il s’était enfermé a put me plonger dans la peur maternelle la plus horrible. C’est cette peur qui m’a fait prendre des médicaments pour tenter de rester lucide, avant de craquer complètement. Je t’ai abandonnée, en ne t’apportant pas mon aide quand que tu avais pris une mauvaise voie. »

La tête de Drawlife le brûlait, de plus en plus. Pourquoi ça ne venait pas ? Sa mère était en train de prendre toute les fautes sur elle. C’était faux, archi faux ! Tout était de sa faute à lui, il l’avait tué en faisant son égoïste. Alors qu’est ce qui lui prenais de le protéger, c’était insupportable ! Et bon sang ! Pourquoi ? Pourquoi ça ne venait pas ?!

« Et par la même occasion, j’ai abandonné ton père et tes frères … continua la jument.

-  Arrête ... murmura Drawlife dont les pattes commencèrent à trembler.

-  J’ai été faible et je le regrette maintenant.

-  Arrête ! répéta-t-il plus fort, les dents serrés.

-  Qui y’a-t-il mon poussin ?

-  Je suis un monstre ! cracha l’étalon en fourrant sa tête dans ses sabots.

-  Ne dit pas ça, le rassura-t-elle en caressant sa crinière, ne va pas penser que, parce que tu t’es enfui, je ne t’aime plus. Tu es mon fils, celui que j’ai chéri le plus parmi mes trois magnifiques enfants que j’ai eu avec ton merveilleux père. Le seul poney monstrueux serait moi si je vous reniais pour la moindre erreur. Je suis la seule fautive dans tout ça.

-  Mais stop, c’est pas le problème de savoir si c’est toi ou moi le fautif ! hurla presque Drawlife en repoussant la patte amicale de la jument. Tu ne comprend pas ? Regarde-moi ! Tu ne vois pas le problème ? Tu ne remarque rien d’anormal sur mon visage ?!

-  Drawlife, qu’est ce qui t’arrive ? Tu me fait peur !» couina soudainement la licorne rousse, abandonnant le sourire qu’elle conservait jusqu’alors.

L’unicorne bouillonnait, au point d’en avoir presque la bave aux lèvres. Il frappa plusieurs fois sur le canapé en poussant des grognements de rage, avant de finalement asséner son sabot sur la table basse, brisant partiellement le verre, ce qui fit sursauter sa mère, ses traits se déformant progressivement par la peur.

« Ce qui m’arrive ? Ce qui m’arrive ?! C’est pourtant clair non ? fulmina-t-il les yeux subitement fous. Mais je ne pleure pas bon sang ! Je suis infoutu de couiner comme un môme ! C’est quoi mon problème ?! Tout ce que je suis capable de faire, c’est vomir ma frustration sur tout le monde, en me foutant royalement de leur faire du mal ! On a essayé de m’aider dans cette ville, on a cru en moi, et tout ce que j’ai fait, c’est les rejeter comme des lépreux ! Et quand ensuite on m’a lancé les pires vacheries à la figure, qu’on m’a trahie, ça ne changeait rien ! RIEN ! Il n’y avait toujours rien qui sortait de ces foutues orbites ! Voilà pourquoi je suis un monstre ! »

C’était sorti ! Comme une confession, comme une façon d’avouer au monde ce qui le tracassait depuis toujours. La bombe avait été lâché. Mais malgré ça, il n’y avait toujours aucune larmes qui coulaient de ses yeux, il ne faisait que respirer bruyamment après sa tirade infernale, se retenant tant bien que mal d’agiter ses sabots avide de massacre. Sa mère quand à elle s’était en partie recroquevillée à l’extrémité opposée du canapé, effrayée par la vision de folie qu’il lui offrait. L’avoir mis dans cet état ne fit que le conforter dans son idée, l’énervant un peu plus, mais il était conscient qu’il devait se calmer. Dans une telle situation, une seule chose lui vint à l’esprit ; il alla se blottir contre le buste chaud et maternel de la jument, comme il le faisait plus petit pour chercher un réconfort, à une époque où ses yeux était encore en mesure de larmoyer. La licorne repoussa fébrilement l’étalon au début, mais il continua sa manœuvre, montrant qu’il ne comptait pas lui faire de mal, ses tremblements de colère diminuant progressivement au fur et à mesure que la chaleur de sa mère se diffusait en lui.

« Voilà, conclue-t-il une nouvelle fois tandis que sa mère se détendit en l’enlaçant plus confortablement dans ses pattes, et encore maintenant, alors que je n’ai plus aucun pouvoir sur mon avenir, que je suis en voie de me faire oublier, je trouve encore le moyen de cracher sur les poneys qui m’aiment, sur ma propre mère. On ne peut vraiment pas faire plus pitoyable.

-  Drawlife, tu veux que je te dise une chose ? dit-t-elle doucement en soufflant calmement dans la crinière noir de l’étalon pour tenter de l’apaiser. Tu es loin d’être un monstre.

-  Pff, à d’autre …  expira l’unicorne dans la fourrure d’une patte de la jument.

-  Non-non-non, tu n’en es pas un. Si vraiment c’était le cas, penses-tu que cela te tracasserai autant d’avoir fait du mal à ces juments de Ponyville ? D’ailleurs, il y en a une en particulier avec qui tu as fait preuve de la ponité la plus normal. Fluttershy, c’est ça ?

-  Mais comment tu … ? s’interrogea en sursaut Drawlife avant de croiser les yeux verts amusés de sa mère. Roh, laisse tomber … Oui, en effet, c’est une fille bien, enfin je le pensais. Mais j’ai tout gâché, elle doit sûrement me haïr à l’heure qu’il est …

-  Et comment peux tu affirmer cela ? Avait-elle vraiment l’air de te haïr après que tu es maltraité son amie ?

-  Je … non, pas vraiment …

-  Et pourquoi tu ne penses plus qu’elle soit bien ?  insista sa mère en recoiffant les mèches de son fils.

-  Parce qu’au final elle s’est jouée de moi, se plaignit l’unicorne en se crispant légèrement, elle a fait la gentille avec moi juste pour donner raison à Twilight à la moindre de mes erreurs !

-  Et comment explique tu donc qu’elle ai eu l’air aussi affécté par ce qui s’est passé entre vous ? »

Drawlife garda le silence, ne sachant pas vraiment répondre et ne voulant pas animer la colère sourde qui attendait qu’une occasion pour éclater. Cela l’agaçait que sa mère remue le couteau dans la plaie, mais il se sentait obligé de concéder ses paroles comme étant justes, les accusations de l’étalon ne trouvant pas toujours justifications à leurs sabots.

« Et cette joli licorne … Rarity ? ajouta la jument après quelques secondes de fausses recherches. Qu’est ce qu’elle a fait pour toi ?

-  Tu devrais le savoir, tu as l’air bien au courant de ma vie.

-  Peut être que oui, peut être que non, railla-t-elle en dandinant la tête de droite à gauche au rythme de sa remarque, mais ce qui compte, c’est de savoir ce que toi tu en penses.

-  Tu veux en venir où ? s’agaça-t-il.

-  Dit moi juste ce que tu as sur le cœur.

-  Elle a profité de ma naïveté pour s’attirer tout le mérite de mes tableaux. Voilà ! énonça l’étalon le plus froidement possible, comme écœuré de se l’avouer à lui-même.

-  Tu es sûr de ça ? Est-ce qu’elle a clairement avoué ce fait ?

-  Évidement que non, c’est sa petite sœur que me l’a dit … enfin …

-  Elle n’était pas sur d’elle ? demanda sa mère comme si elle avait déjà connaissance de la réponse.

-  Non en effet …

-  Et si elle était aussi voleuse que tu le prétends, quel intérêt aurait-elle retiré d’un tableau d’elle-même si c’était pour se vanter d’en être l’artiste ?

-  Je n’en sais rien, souffla-t-il d’exaspération, peut-être qu’elle voulait me mettre en confiance pour la suite.

-  Peut-être ?

-  Heu …

-  Tu commence à voir où est le problème ? » conclut la licorne avant d’abandonner ses questions.

Drawlife se mordit les lèvres, à défaut de pouvoir se gifler avec ses pattes confortablement repliées contre sa mère. Cela commençait effectivement à devenir limpide dans son esprit. Il était un idiot.

Tout ce temps, il cherchait tellement à se morfondre dans son propre malheur, à repousser bec et ongle toutes aides qu’il avait finit par utiliser la moindre contrariété comme source de conflit, sans même tenter de comprendre les choses plus clairement. Il avait joué à l’hermétique affectif de manière trop poussé, et si ça l’avait sauvegardé de déception à ses débuts, son séjour à Ponyville avait dévoilé les failles d’un tel comportement.

« Quand bien même j’ai eu tord sur leur compte, c’est trop tard maintenant, soupira l’étalon en détendant son corps pour une position plus confortable.

-  Certes, mais voyons les bons cotés : tu as évacué ce qui te tracassait, et j’ai pu remplir le rôle que je n’avais pas tenu quand tu étais encore près de moi.

-  Dans quelles conditions … » marmonna-t-il en fermant les yeux et en s’enfonçant plus profondément dans l’étreinte de sa mère.

Drawlife avait encore quelques remords, mais s’être confié à sa mère, aussi imaginaire soit-elle, était ce dont il avait besoin. Être contre elle, se faire caresser la crinière et être bercé par des chuchotements affectueux n’était qu’un plus agréable dont il comptait bien profiter. Il se surprit même à bailler de confort ; la jument jaune était vraiment experte quand il s’agissait de le mettre à l’aise. Le frisson chaud qui lui parcourait l’échine à chaque caresse capillaire, les picotements plaisants à chaque souffle citronné sur ses oreilles. Toutes ces petites attentions qui le firent se sentir plus léger, détendu au point de se croire sur un nuage. Il en oubliait que ses cordes vocales s’étaient égosillées, que sa patte avait brisé du verre, toute sa colère s’était évanouie. La seule chose qui restait, c’était son bonheur d’être au coté de sa mère. Il était enfin libéré.

Plusieurs minutes s’écoulèrent. A moins qu’il ne s’agit d’heures ? Quelle importance, Drawlife était trop bien pour compter le temps qui passe. Tellement bien que lorsque une goutte vint couler sur une de ses joues, il ne put réagir qu’au ralentie, trop détendu pour se mouvoir plus rapidement. Il se l’essuya doucement afin de pouvoir l’observer, telle la découverte d’un trésor. Était-ce une larme ? Sa larme ? Pour Drawlife, cette petite perle cristalline touchait presque du miracle, jusqu’à ce qu’il entende un reniflement discret, mais pas suffisamment pour ses sens redevenus en alerte face à cette petite merveille. Il tourna la tête, se défaisant partiellement du câlin de sa mère. C’était justement d’elle que provenait le reniflement, et son visage presque ruisselant indiquait que la larme lui appartenait. Ça n’était visiblement pas pour maintenant, mais l’état de sa mère fit passer cette petite déception pour une broutille sans importance.

« Maman ? Pourquoi tu pleures ? demanda-t-il en tentant d’essuyer à leur tour les joues de la jument jaune.

-  Rien de grave mon petit minerai, murmura-t-elle dans un sanglot en accueillant le sabot de son fils, c’est juste que toutes les bonnes choses ont une fin. »

Mon petit minerai. C’était un des surnoms que sa mère lui avait donné en accord avec ses couleurs bariolées similaires à différents métaux. Et elle l’utilisait rarement à la légère, ce qui associé à son expression désolée n’était pas révélateur d’une bonne nouvelle.

« Attend … tu ne vas quand même pas t’en allez maintenant ? s’inquiéta Drawlife en se remettant précipitamment en position assise.

-  Non, ne t’en fait pas, ce n’est pas moi qui m’en vais, rassura sa mère pendant qu’elle séchait ses propres larmes, et je ne peux pas faire mon égoïste en désirant te garder près de moi.

-  Mais tu n’as pas à l’être, je n’ai pas envie de partir, s’alarma-t-il en cherchant précipitamment des yeux les bourreaux imaginaires qui pourraient l’extirper de la compagnie de sa génitrice, à part toi je n’ai plus rien ici, je n’ai pas envie de retourner "là bas" !

-  Là où tu vas, tu ne sera pas seul, et j’espère que tu seras en mesure de trouver le bonheur.

-  Mais qu’est ce que tu racontes ?! Où je suis sensé aller ?! »

Pour toute réponse, une sensation chaude apparut sur son front, à la base de la corne, calmant instantanément sa fièvre de panique. Sa mère lui avait offert un baiser qui sonnait comme le dernier, ses larmes coulant toujours, traçant à présent des sillons sur le museau de son fils. Ce baiser était à la fois incroyablement agréable et terriblement cruel, car il s’annonçait comme un message d’adieu, présenté beaucoup trop tôt pour l’étalon, mais ce dernier profita tout de même des moindres secondes de contact avec elle, pencha instinctivement la tête pour faire durer le moment lorsqu’elle s’éloigna.

« Promet-moi de chercher le bonheur, quelques soit les déceptions que tu puises rencontrer. Et aussi de ne pas abandonner ce qui fait de toi le magnifique peintre que tu es devenue, lui susurra-t-elle en le regardant à présent droit dans les yeux, les siens encore humides.

-  Mais maman …  gémit Drawlife en baissant progressivement les yeux.

-  Promet-le moi ! insista la jument jaune sur un ton plus ferme pour ré-attirer l’attention de l’étalon.

-  Ou-oui … je le promet.

-  Bien … »

Quelques secondes d’attente tendue s’écoulèrent, jusqu’à ce que la ponette donne un autre baiser au front. La peur grimpa à la gorge de Drawlife, la crainte de l’inconnue lui rongeait les tripes. Et ce second baiser ne faisait qu’accentuer cette sensation de fin. Pourquoi maintenant ? Le bonheur, il l’avait déjà trouvé ! Il avait perdu sa chance de son vivant, mais il l’avait finalement trouvé dans la mort, alors pourquoi les séparer ? C’était injuste !

« Je t’aime, mon fils, confia-t-elle en posant un sabot sur le buste de l’unicorne, au niveau du cœur.

-  Moi aussi, enchaina Drawlife comme un réflexe, et encore désolé …

-  Ce n’est pas à moi qu’il faut que tu fasses des excuses, coupa sa mère en lui souriant.

-  Que veut-t… »

Une pression sur le torse lui coupa la parole, et sans comprendre ce qui lui arrivait dut à la précipitation des événements, il sentit son corps se faire happer par le vide, comme si tout autour de lui s’était évaporé. Il eu tout juste le temps de voir le visage triste mais souriant de sa mère se perdre dans des volutes noires avant d’être remplacé par une obscurité infinie. Drawlife tombait dans ce néant, sans aucun autre repère que la lumière aveuglante vers lequel il semblait se faire absorber. Les échos des dernières paroles de la jument lui prenaient d’assaut les tympans, s’amplifiant de manière assourdissantes tandis qu’il se rapprochait inexorablement du bout du tunnel. Ses yeux se fermèrent sous la douleur engendrée, l’étalon attendant dans l’effroi le plus total ce lieu que sa mère lui avait promis, loin d’elle.

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L’air. Ou plus précisément l’oxygène. Cet élément vital et pourtant invisible et impalpable que nos poumons inspirent pour créer le carburant nécessaire à l’intégralité de notre corps. Il s’agit d’un réflexe, quelque chose qu’on ne contrôle pas et dont on ne se soucie pas tellement ça en est naturel.

Mais quand ce réflexe vous force à inspirer une quantité énorme de cet oxygène, afin de réapprovisionner votre corps privé de cet élément depuis des semaines, de la façon la plus brutale et douloureuse possible, vous regrettez amèrement d’en avoir aucun contrôle.

Drawlife hurlait, ou du moins le tentait-il entre toutes les inspirations qui remplissaient avec vigueur ses poumons, lui lançant continuellement la poitrine. Au final le seul son qui sortait de sa bouche n’était qu’un râle saccadé, tandis que son corps se convulsionnait frénétiquement sous la douleur. Lentement, son organisme repris son mécanisme normal, ses fonctions vitales redémarrant leur routine, délaissant un contrôle partiel à l’unicorne. Le supplice de la réincarnation l’avait vidé, le rendant incapable de bouger le moindre muscle, tendit qu’il mouillait par tous ses pores le drap enroulé autour de lui. La lumière qui lui brûlait la rétine s’amenuisa, ainsi que le sifflement qui l’assourdissait.

La douleur atténuée mais toujours présente, la faculté de réflexion de Drawlife put reprendre ses droits. Mais trop d’idée qui se répandait en même temps. Où était-il ? Que lui était-il arrivé ? Était-il vivant ? Pourquoi ça faisait si mal ?

Toutes ces questions se bousculaient, l’empêchant de trouver des réponses concrètes. Respirant calmement malgré ses poumons qui le tiraillaient encore, il tenta d’isoler chaque question.

Les pattes encore douloureuses, il tata fébrilement son corps, visiblement entier de ce qu’il en constatait. Il glissa ensuite les sabots sur la surface moelleuse sur lequel il était allongé, avant de cogner contre des barres métalliques, celles qui composaient l’armature de ce qui semblait être un lit.

« Ça fait un peu trop vrai pour un rêve. »

A présent calmé mais haletant, ses oreilles détectèrent un gémissement, qui ne provenait pas de lui. Drawlife tenta péniblement de se redresser pour mieux analyser le pourtour du lit qu’il occupait, et sa vue encore trouble détecta une silhouette qui semblait se redresser sur sa droite. Il cligna plusieurs fois des yeux pour accélérer sa mise au point, jusqu’à distinguer une couleur violette délimitant un cercle blanc, ce dernier percé par intermittence de disques bleus.

« Ow, ma tê-ê-ête, à coup sûr je vais être gratifiée d’une horrible bosse ! se plaignit une voix féminine. Mais qu’est ce qui … »

Drawlife fut prit d’un contrecoup qui lui troubla à nouveau la vision et lui donna une migraine, l’empêchant toute tentative de reconnaissance de la ponette en face de lui. Avant qu’il puisse s’en remettre, son souffle fut à son tour maltraité par un choc au niveau de l’encolure, précédé d’une série de cri dont il distingua vaguement son nom. En retour, l’étalon grogna, mais son corps nouvellement réanimé ne supporta pas les vibrations engendrées dans sa gorge, et il se mit à tousser violemment. Cela eu pour effet bénéfique de faire disparaître l’étreinte qui gênait l’évacuation de ses poumons.

« Oh Celestia, mais quelle idiote je fais ! s’affola la voix à présent bien distincte, que Drawlife reconnaissait sans parvenir à mettre de nom dessus. Drawlife tu vas bien ? Je ne t’ai pas fait trop mal ?

-  Je ne crois pas, si j'oublie cette impression que mes poumons vont exploser. » répondit l’étalon sans réfléchir.

Drawlife pouffa, avant d’être repris d’une quinte de toux grasse. Il était ridicule. Il avait la tête qui tourne, la gorge qui lui faisait mal, les pattes tellement endolories qu’il en serait incapable de marcher … bref, il était une loque, et pourtant il trouvait le moyen de sortir une remarque humoristique, même si elle était grandement douteuse.

Tentant à nouveau de rendre sa vision nette, il finit par reconnaître celle qui était à son chevet, reniflant discrètement, soutenant avec insistance le regard brouillon de l’étalon, tendit que ses paupières retenaient tant bien que mal les cascades de liquide salé qui ne demandaient qu’à salir ses joues blanches en étalant son mascara.

« R-Rarity ?

-  Drawlife, tu … tu est en vie ! » bégaya la licorne, apparemment sujette à une envie furieuse de réitérer l’embrassade.

-  On dirais bien, mais … il s’est passé quoi exactement ? »

Sans bien comprendre pourquoi, Rarity s’effondra sur une des pattes de l’unicorne, pleurant et sanglotant bruyamment ; trop bruyamment peut être. Drawlife aurait bien eu le réflexe de récupérer son sabot qui commençait à être noyer par les larmes de la jument, mais la douleur l’en empêcha, ainsi qu’une intuition qui lui disait que ce n’était pas vraiment à faire. Il dut donc attendre plusieurs minutes, la patte coincée, hasardant l’autre dans la crinière étrangement ondulé de Rarity pour tenté de la calmer, incertain de comprendre le comportement de la couturière. Quand elle eu finit sa scène de la demoiselle en pleurs, elle se redressa pour pouvoir regarder à nouveau l’étalon dans les yeux, se calmant petit à petit pour pouvoir aligner des mots sans s’étouffer, les yeux cerclé d’épaisses taches bleue foncé.

« Oh Drawlife, je désespérais tellement que tu te réveilles un jour, on désespérait toutes ! Je me suis imaginer tout un tas de choses complètement folles, je t’ai même conçue des vêtements alors que je n’étais même pas sûre que tu puisses les essayer un jour. Et à présent, tu es réveillé, en vie devant moi, et je ne sais même pas quoi faire ! T-tu veux un verre d’eau ? Ou à manger ? A moins que tu préfère que je refasse ton lit, ou que je te lave ?

-  Doucement-doucement, calme toi ! interrompit l’étalon alors que la corne de la courtière s’illuminait pour animer drap, bassine d’eau et éponge. Je n’ai pas besoin de tout ça, je vais bien. Enfin sûrement mieux qu’il a quelques heures … »

Un énorme gargouillement retentit dans toute la pièce, imposant un silence gênant entre les deux licornes, Drawlife ayant posé précipitamment un sabot sur son ventre pour essayer d’assourdir le bruit. Trop tard cependant, Rarity avait tout d’un coup adopté un visage beaucoup plus sérieux, le mettant mal à l’aise.

« Décidément, les étalons sont tous pareils, gronda-t-elle en levant le museau de façon hautaine, toujours à faire passer leur fierté avant leur santé. J’appelle les infirmières, peut-être te convaincront-elle de prendre soin de toi ?

-  Attend, ne te fâches pas, appela l’unicorne tandis que la licorne tournait les ergots, c’est juste que … je suis un peu perdu là. Je pensais être mort, j’avais des visions étranges et …

-  Des visions étranges dis-tu ? Quel genre ?

-  Heu, ben … c’est un peu floue, bégaya-t-il face à la question inattendue, des ombres, des souvenirs, des portes … mais en quoi c'est si important ? »

Rarity soupira longuement, comme pour essayer de calmer les battements de son cœur. Elle recommença ce manège deux fois avant de revenir au coté de l’étalon, s'asseoir et remettre sa crinière en état, prête à fournir de plus amples explications.

« Rassure toi, tu n’as pas besoin de tout me dire. C’est juste que … cela parait tellement irréel ! En réalité, Zecora ne t’as pas donné du poison ordinaire. C’est assez étrange à expliquer, mais elle nous disait que ton esprit était dans une sorte de … transe où il devait chercher des réponses à tes interrogations subconscientes. Il était ensuite sensé réintégrer ton corps une fois qu’il aurait prit conscience que ta décision de … de mettre fin à tes jours n’était pas la plus raisonnée.

-  Ça explique qu’elle n’est rien fait contre ma volonté, analysa l’étalon d’un air songeur, mais pourquoi a-t-elle fait ça ?

-  Coutume de son pays nous a-t-elle dit.

-  Alors pourquoi vous vous êtes autant inquiétés si j’allais revenir ? »

Soudainement, le visage de Rarity se crispa, laissant l’étalon avec la conscience d’avoir dit une ânerie qui allait lui coûter cher. Petit à petit, les iris de la licorne se rétractèrent, et des mots tentèrent de sortir entre ses lèvres tremblantes, ce qui inquiéta Drawlife, ce dernier tentant de dire un mot. Ce qu’il n'eus pas le temps de faire.

« Ne soit pas si égocentrique bon sang ! explosa la jument en agitant les pattes, forçant l’étalon à se tasser dans son lit pour ne pas risqué de prendre un coup. Tu étais mort. Mort ! Pas juste endormie ou dans le coma, tu étais mort ! Comment croyais-tu qu’on allait réagir ? Quand bien même tout le monde ne t’appréciait pas forcément, apprendre le décès d’une connaissance n’est jamais facile. Et même si on se bornait à croire Zecora, on n’était même pas sûre que tu reviennes vu dans quel état tu étais parti à la fête de ma sœur ! »

Rarity fit une pose en inspirant. On la sentait tremblante, et ses oreilles s’agitait dans tout les sens, comme si il lui était difficile de continuer.

« Mais tu veux savoir ce qui était le plus dur ? Ce qui m’a fait compter les jours, voir les heures par moment ? C’était de t’attendre en sachant que si on patientait trop longtemps, il serait trop tard ! »

Puis, elle baissa la tête, fermant les yeux pour tenter de cacher ses larmes qui coulaient à nouveau. L’unicorne était pendu à ses lèvres, effrayé par la notion de fatalité qu’évoquait la licorne.

« T-ton corps p-pourrissait, et si t-tu ne revenais pas vite, tu n’aurais p-pas put réincarner ton corps ! murmura-t-elle d’une voix tellement aiguë que l’unicorne ne faillit pas comprendre.

-  Mon corps qu-quoi ? C’est quoi cette histoire, combien de temps je suis partit ? » s’horrifia Drawlife en analysant à nouveau son corps, paniqué à l’idée de constaté l’état cadavérique d’un de ses membres.

Tout ce qu’il vit, c’était son corps parsemé de perforations, certains servant à acheminer des produits directement dans ses veines, d’autre laissant un peu de sang couler suite à un probable détachement des tuyaux suite à son réveil agité. Le constat le calma un petit peu ; il n’avait pas du dormir longtemps, n’est ce pas ? Si son corps avait été vraiment mort, il aurait déjà pourri si cela avait duré plus d’une semaine.

« Deux semaines … et trois jours. » murmura la jument blanche en reniflant.

-  Mais …mais … comment c’est possible ? Comment mon corps peut-il être encore intact après tout ce temps ? Je croyais que j’étais mort ?

-  Le jour où tu as bu le poison, Twilight t’a conduise ici, et a demander aux médecins qu’ils conservent ton corps au mieux, expliqua Rarity avec autant de calme que lui permettait ses sanglots mourants, mais avec les moyens limités de cet hôpital, il a fallu qu’elle abandonne ses recherches de résurrection au bout d’une semaine pour trouver à la place un moyen de te garder intact le plus longtemps possible. Alors de mon coté, j’ai tenté une chose … tu te souviens de ce sort ? »

La styliste leva son sabot pour soulever sa mèche de crinière, révélant un bosse dont la teinte jurait affreusement avec son duvet blanc. Elle le tata pour bien la situer, gémissant au premier contact, puis ferma les yeux. Sa corne s’illumina suite à quelques secondes de concentration, et lentement, la bosse se résorba, jusqu’à disparaître complètement. Voir ce sort à l’oeuvre était assez intrigant.

« Oui effectivement je m’en souvient, affirma Drawlife après avoir fait le lien avec le sort qui avait réparé son visage, et d’ailleurs, comment tu t’es fait cette bosse ?

-  Oh ! Et bien c’est toi qui me la faites … quand tu … et que je ... cafouilla-t-elle le museau rougit par embarras, ça n’a pas d’importance, oublions ça ! Oui, donc … où j’en était ?

-  Tooon … sort de réparation faciale ? hasarda l’étalon, un peu surpris par la soudaine gêne de la jument..

-  Oui exact ! confirma Rarity dans une grande exclamation. Mmh donc … je voulais essayer d’utiliser ce sort sur ton corps, mais malheureusement, ça n’avait pas fonctionné. J’ai abandonnée, priant pour que Twilight trouve vite une solution. Ton état devenait critique, et c’est là que j’ai eu une idée … »

La licorne se mit à fouiller des yeux le lit, soulevant magiquement les draps par endroit pour voir si l’objet de ses recherches ne s’y dissimulait pas, sans faire attention aux rougissements de l’étalon. Passant son attention sur le plancher de la chambre, elle finit au bout de quelques secondes par se redresser, un objet relativement rond et cristallin flottant devant elle, avant d’être déposé dans les sabots de Drawlife. Il l’observa un moment, ne parvenant pas immédiatement à reconnaître la sphère rugueuse.

« C’est mon cristal de vie ça, non ? demanda-t-il encore un peu fébrile.

-  En effet, confirma la licorne blanche en tentant un sourire, je ne savais pas si son pouvoir fonctionnait sur un corps, mais c’était la dernière chose à tenter. Cela avait fonctionné assez bien au début, mais ses effets se faisaient de plus en plus faibles. Et … »

Prise d’un élan de soulagement, Rarity enlaça l’unicorne prit au dépourvu. Son cœur s’emballa devant une marque d’affection aussi spontanée venant de la jument, le mettant mal à l’aise. Probablement de la gêne.

« Heureusement, tu t’es réveillé à temps ! » couina-t-elle dans l’encolure de Drawlife.

A présent, c’était ses oreilles qui lui brûlaient. Non, décidément, il ne se faisait pas au contact féminin. Il se trouva l’excuse des pattes encore engourdis pour ne rien faire, afin d’éviter de vexer à nouveau la licorne. Il se détendit cependant en entendant ses reniflements nerveux, à présent audible de par sa très forte proximité, ainsi qu’en sentant le parfum qui se dégageait de sa crinière violette. Quand bien même la styliste était une bonne actrice, ses différentes réactions semblaient trop sincères pour que Drawlife ne la prenne pas au sérieux. Sa ‘’mort’’ avait vraiment du la bouleverser.

« J’imagine que je doit te remercier, conclue l’étalon lorsque Rarity se sépara de lui, mais où as-tu trouvé mon cristal ?

-  Je l’avais mis de coté en attendant que tu sois rétablie la première fois. Seulement, les choses en entraînant d’autres …, il m’était difficile de trouver le bon moment pour te le rendre.

-  Désolé.

-  Pourquoi ? Tu t’es déjà excusé je te rappelle, s’étonna la licorne, encore plus que ne le fut Drawlife à sa réaction.

-  Comment ça ?

-  Tu ne te souviens pas ? Avant que tu ne t’enfuis du Sugar Cube Corner, j’avais essayé de te raisonner. Et c’est là que tu me l’as dit. ‘’Désolé’’ … sur le moment, j’ai cru que tu t’excusais de t’enfuir, d’ignorer notre aide. Quand Twilight et les autres sont revenues de la forêt avec ton corps, j’ai ensuite pensé que tu t’étais excusé pour ça. Ce mot m’a hanté longtemps, j’aurai très bien put en finir là, te considérer comme un monstre et passer à autre chose. Mais tu t’étais excusé, et uniquement pour ça je continuais de croire que tu possédais un bon fond.

-  J’espère que tu ne t’es pas trompée … »

Au fur et à mesure de la discussion, Drawlife se remémora péniblement les événements qui ont précéder sa crise. Il y avait tellement de choses dont il devait s’excuser, lui-même n’était pas sur de savoir à quoi était destiné ce mot. Ne serais ce qu’à la jument en face de lui, il avait toutes une série de raison qui justifierai qu’il s’aplatisse devant elle en suppliant son pardon. Il n’avait jamais eu aussi honte de lui-même, il n’avait aucune idée de par où débuter, et les paroles de Rarity ne faisait que mettre plus de doute quand à la méthode à employer. Il fallait pourtant bien qu’il commence quelque part.

« Rarity …

                   firent à l’unisson les deux poneys cornus

« Drawlife …

-  Pardonne moi, tu voulais dire quelque choses ? s’excusa la styliste.

-  Non, toi va y.

-  Je n’en ferais rien.

-  Les dames d’abord ! ironisa l’étalon avec un mouvement ample et élégant du sabot, un sourire en coin.

-  Drawlife ! s’impatienta Rarity, dont les joues avaient légèrement rosie. J’apprécie la galanterie dont tu fais preuve, mais je dois refuser. Si nous t’avions écouté depuis le début, nous n’en serions pas là.

- «Ce serait plutôt à moi de dire ça, non ? corrigea l’unicorne platine en haussant un sourcil. Même si je n’en suis pas fier, je suis quand même mieux placé pour dire que c’est moi qui n’écoutais rien. Il n’y a qu’à voir lors de notre dernière discussion, la veille de … tu sais quoi.

-  Tu es exaspérant à être aussi obtus, mais soit ! souffla-t-elle d’exaspération. Et ça tombe bien que tu abordes ce sujet, c’est de ça dont je voulais te parler.

-  Rarityyy, s’il te plaît ! interrompit l’étalon d’un ton las en se passant un sabot sur le front comme saisi d’une migraine. J’étais peut être sous le coup de la colère, mais je n’en pensais pas moins au niveau des tableaux. Tu peux en faire ce que tu veux, je m’en fiche.

-  Si tu me laissais finir, cela t’éviterais de dire des sottises ! Et non, je ne ferais pas ce que je veux de tes tableaux, car justement ce sont les tiens, c’est toi leur peintre, que tu le veuille ou non. Tout ce que j’ai fait jusqu’à maintenant, c’est les garder à l’abri ; chose que j’ai visiblement bien fait au vue du sort qu’a appliqué Twilight sur ton dernier tableau. Je regrette vraiment de ne pas avoir pu l’admirer ne serais ce qu’une fois …

-  Tu ne rates pas grand-chose …

-  Tu sembles bien vite oublier tes manières de gentlecolt. Tu as insisté pour me donner la parole, la moindre des politesses serait de me la laisser jusqu’au bout.

-  Excuse-moi … murmura Drawlife en baissant le museau tel un poulain qui se serrait fait grondé.

-  J’en perd le nord avec tes bêtises ! se plaignit la licorne en amenant d’un geste ample le dos du sabot sur son front. Donc, pour en revenir à tes tableaux, Sweetie Belle avait en partie raison : je comptais effectivement les amener à Canterlot pour une exposition publique. Mais Ô grand jamais je n’aurai eu l’audace d’en tirer un quelconque profit ! Mon but était de t’amener des preuves de ton talent, en espérant que tu en prennes enfin conscience. J’imaginais qui si tu disposais d’avis extérieur, tu cesserais de te dénigrer.

-  J’ai déjà Twilight comme avis, et il n’est pas très bon que je sache, renchérit l’étalon après avoir attendu que la licorne ai bien finit de parler.

-  Malgré tout le respect que je lui porte, Twilight n’est pas vraiment une bonne critique, sa méfiance envers toi déforme sa vision de ton art. Et c’est bien pour ça que je voulais récolter l’avis de meilleurs critiques à Canterlot.

-  Mouais …

-  Seulement, maintenant que nous en sommes là, si tu ne le désire pas, c’est ton choix. Comme je le disais, ce sont tes œuvres, pas les miennes, et j'admets avoir fait une erreur en ne t’en ayant pas informé plus tôt … »

Une série de coup à la porte retentirent, attirant l’attention des deux licornes. Sans réponses de leur part, une infirmière franchi le seuil, révélant des yeux bleu presque aussi large que le ciel dont ils tiraient leur teinte.

« Qu’est ce qui se passe ici ? demanda éberlué la ponette blanche face au couple cornue. Comment est ce possible qu’il soit réveillé ? Et depuis combien de temps ?

-  Je ne me l’explique pas non plus, intervint Rarity, mais il s’est réveillé peu après le début de ma visite.

-  Ça va faire trois quarts d’heure qu’il est réveillé et aucun de vous deux ne nous a prévenu ?! Vous êtes complètement inconscients ! Son corps était à la limite de l’irrécupérable, comment pouvez vous sainement imaginer qu’il n’y aura pas de conséquence ? »

Aucun des deux ne répondit, trop gênés devant l’évidence des propos de l’infirmière.

« C’est déjà un miracle qu’il soit vivant, alors il est hors de question de tenter le Tartare plus longtemps ! enchaîna l’infirmière furieuse en s’approchant de la styliste. Allez-allez Rarity, laisse-moi m’occuper de lui ; d’ailleurs, c’est la fin des visites, j’étais venue pour ça à la base.

-  Attends Redhearth, s’il te plaît, supplia la licorne, j’ai une dernière chose à lui dire, il sera entre tes sabots juste après.

-  Bien, lança la ponette après un soupir d’énervement, mais pas plus d’une minute ! Le temps que j’aille chercher les collègues et du matériel. »

Rarity remercia l’infirmière qui sortit assez précipitamment, laissant les deux licornes une nouvelle fois en tête à tête.

« Drawlife ?

-  Oui ? Qu’est ce qu’il y a de si important que tu veuille me dire ?

-  Disons que … je ne sais pas si c’est judicieux, au vue de ta réaction la dernière fois que j’en est parlé, ainsi que des événements inhérent à la fête …

-  Tu veux me parler de Fluttershy, c’est ça ? supposa Drawlife avant de soupirer. J’ai eu le temps d’y réfléchir, dit-il en pensant à la discussion avec sa mère, il n’y a aucune raison que je continue indéfiniment à faire semblant qu’il ne s’est rien passé.

-  Et bien … justement, il faudrait peut être que vous régliez ce problème tout les deux.

-  Tu es au courant ? De … de ce que j’ai fait ?

-  Twilight nous a raconté ce qu’elle sait, expliqua la licorne gênée en se frottant les sabots l’un contre l’autre, après ce que Fluttershy t’a dit à la fête, tu peux comprendre que nous nous demandions de quoi elle parlait. »

Ainsi Twilight n’avais rien dit aux autres jusque là. Lui qui pensait qu’elle se serait donné à cœur joie pour amoindrir encore l’opinion des autres à son sujet.

« Comme tu as pu le constater, enfin je l’imagine, ça l’a beaucoup marqué aussi. Et … ta mort ne l’a pas arrangé ; chaque jour, elle veillait à ton chevet le temps des visites. Je ne sais pas ce qu’elle pouvait te dire, elle désirait toujours être seule. Mais quand ton état a empiré, elle n’a pas supporté d’en voir plus, et elle s’est enfermée chez elle. La nouvelle de ta résurrection va très certainement la ravir, mais la connaissant, elle n’osera sûrement pas faire le premier pas pour te parler.

-  Je vois …

-  Elle ne sait pas que nous sommes au courant pour vous deux. Twilight ne nous avait rien dit car, comme nous à présent, elle craignait qu’elle le prenne mal. Donc si tu pouvais aller lui parler de toi-même, après ta sortie de l’hôpital bien sûr. Je me doute que ce ne sera pas facile pour toi, mais fait le au moins pour elle.

-  Temps écoulé Rarity ! Je te prierais de nous laisser travailler maintenant, annonça Redheart en débaroulant dans la chambre avec plusieurs collègues.

Brancard et appareils de mesure médical étaient aussi du lot, ainsi que l’étalon brun qui s’était occupé de Drawlife dans le passé.

« Promet-le moi Drawlife ! S’il te plait ! lâcha précipitamment la licorne devant l’urgence de son départ.

-  D’accord, j’y penserais, promis mollement l’étalon en baissant les yeux.

-  Hop-hop-hop, le temps en rab’ est finit, maintenant c’est à nous de jouer !

-  Ne tarde pas trop surtout ! lança une dernière fois Rarity derrière les deux infirmières qui la pressaient vers la sortie. Oui-oui, j’y vais, il n’est pas nécessaire de froisser mon pelage ! »

Une fois la voix de la licorne se plaignant du peu d’égard qu’on lui accordait disparue, les infirmiers encore présent se hâtèrent autour de l’unicorne, l’affligeant de toute sorte de test médical rapide. Drawlife se laissa faire, en partie parce que, comme Redheart, il craignait que sa condition de mort à durée indéterminée ne lui ai causé du tort d’un point de vue santé, mais surtout parce qu’il était fortement intimidé par le regard furieux de la ponette au crin rose.

« Toi, on peut dire que tu nous donnes de belles suées ! fit-elle remarqué sur un ton assez cinglant. Qu’en est-il de son cas docteur ?

-  Rien de choquant mis à par un petit dessèchement global, répondit le poney brun en inspectant une dernière fois le palet de l’unicorne, il faudra surveiller ça.

C’est vrai que maintenant que le docteur le faisait remarquer, Drawlife avait subitement très soif.

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Le frottement de la mine de charbon sur le grain du papier. Allier traits droits et courbes en différentes formes géométriques, afin de donner naissance à une silhouette. Essayer, effacer, modifier, recommencer, jusqu’à ce que le rendu soit parfait. Il avait renié le dessin pendant un long moment, au point d’en faire la cause de tous ses maux, mais maintenant qu’il avait l’esprit plus léger, il était obligé d’avouer que ça lui avait manqué. Se voir plus jeune, la passion artistique l’animant avec ferveur, son sens critique en plein développement, les conseils et encouragements de sa mère pour le guider. Tout ça avait réanimé en Drawlife ce besoin de dessiner, cet envie de donner corps à ses idées, ce plaisir de manier ces petits éléments de bois magique et pourtant si simple. Cela l’avait prit soudainement, après sa sortie de l’hôpital.

Ça n’avait été qu’un mauvais moment à passer, ce qui avait été le plus pénible en définitive, c’était la visite de trois juments : Rainbow Dash, Applejack et Twilight Sparkle. Si au début elles venaient juste constater de leurs yeux la véracité de sa résurrection, cela avait vite tourné aux sermons, aux demandes d’explication et aux exigences d’excuses. C’était légitime, Drawlife n’avait à présent aucune raisons de leur en vouloir, il n’avait vraiment pas été à la hauteur en terme de valorisation de soi. L’athlète cyan était sûrement la plus revancharde, si bien que Drawlife bénissait intérieurement la fermière qui l’accompagnait systématiquement pour la tempérer. Mais ce qui ressortait souvent, c’était que Rainbow ne le lâcherai plus tant qu’il n’aura pas présenté de vrais excuses sincères à son amie Pinkie Pie. Un autre poney dont la liste d’excuses était longue.

C’était pour cette raison que Drawlife avait décidé de lié sa soudaine envie de peindre à un moyen de se faire pardonner auprès des deux juments, avec des toiles qui, il espérait, les consolerait et lui permettrait d’avoir plus de courage qu’actuellement pour se présenter à elles.

Et cela faisait déjà plusieurs heures qu’il s’était atteler à la tâche, ayant commencé tôt dans l’après midi après avoir trouvé un coin isolée dans le parc de la ville pour éviter toute distraction. Tout le matériel dont il disposait avait été fourni une nouvelle fois par Rarity, particulièrement satisfaite de ce regain d’intérêt pour la peinture. Ce ne fut pas le cas de Twilight qui avait certes accepté de continuer de le loger jusqu’à ce qu’il est une situation stable, mais n’était toujours pas enthousiaste à l’idée de voir l’étalon peindre des juments. Drawlife ne parvenait pas à comprendre cette haine envers son talent, vu que cela venait bien de là apparemment. Mais pour le moment, il avait d’autres chats à fouetter.

Et ces chats n’étaient pas très dociles, ce qui commençait sérieusement à frustrer le peintre en action. Les grandes feuilles chiffonnées s’entassaient à coté de lui, en une telle quantité qu’il avait même due déménager pour côtoyer une poubelle. Drawlife n’était jamais satisfait, et il n’arrivait pas à mettre la patte sur ce qui clochait. Ça ne venait pas d’une perte d’expérience, de ce qu’il en jugeait, il maniait le crayon et le pinceau avec la même dextérité qu’auparavant, peut être même mieux grâce à son développement magique forcé. Mauvais matériel ? C’était le même utilisé pour son dernier tableau de Fluttershy. Le fait de devoir dessiner les deux juments de tête ? Il l’avait déjà fait à de multiple reprise, et ça ne l’avait jamais dérangé ; il suffisait qu’il pense à son modèle, de rassembler plusieurs bribes de souvenirs éparses pour les lier tel un puzzle et former l’image à reproduire.

Et c’était peut être de là que venait le problème. Des souvenirs de la pégase jaune et de la ponette rose, il en avait, mais la majorité étaient liés à des événements regrettables. Il avait eu cette impression d’absence de bonheur lors de son pèlerinage au travers du couloir de son passé, et s’être rendu compte de ses erreurs n’avait pas changé ce fait. Perdant peu à peu espoir, l’étalon fouilla dans la corbeille publique pour ressortir ses essais ; peut être y en avait-il un parmi eux qui serait satisfaisant ? En les ré-analysant un par un, il comprit mieux. Même si elle présentait toute une jument, ailée ou non, souriante et sereine, cela sonnait faux. Il y avait quelque chose, une simple impression qui restait forte, donnant un effet de noirceur et de tristesse à l’ensemble. Inconsciemment, Drawlife avait dessiné des petits détails qui révélait soit l’état actuel des juments, soit ce qu’il pensait d’elle. Il eu même un mouvement de recul devant le regard malsain qu’il avait installé sur le visage d’un des dessins de Pinkie Pie.

L’envie de peindre était là, mais l’esprit, lui, ne s’était toujours pas remis de son expérience détestable. Les idées noires collaient à son subconscient comme du goudron, freinant son inspiration et corrompant ses œuvres. Ça l’énervait, et s’énerver l’énervait encore plus.

Ça ne l’aidait pas, et ça n’aboutissait qu’à de mauvaises choses. Il prit donc l’initiative de faire une pause, se couchant sur le ventre, le museau dans l’herbe, dont l’odeur particulière et les chatouillis près de ses naseaux lui firent repenser à sa mère. Là, on visait déjà ce qui se faisait de mieux en bon souvenir, ce qui lui permit de se détendre. Il en profita pour se re-visionner sa discussion avec elle, tentant de trouver un détail qui pourrait l’aider. Ses pensées s’agitèrent brusquement à l’évocation du nom de la licorne couturière, ciblant leurs efforts sur elle. Drawlife trouvait cela bizarre de passer de sa mère à Rarity, mais ce n’était pas si mal en fin de compte. Après tout, elles étaient assez similaires : toute les deux généreuses, belles et attachant une importance au don artistique de l’étalon. La licorne blanche était certes plus extravagante, son milieu l’y aidant un peu, mais cet aspect restait une façade. Depuis qu’il était sortit de son état de paria, elle n’avait eu de cesse de l’aider à reprendre fer au sabot dans ce qu’il savait faire de mieux. Et même quand tout allait mal, elle essayait toujours. Une facette qu’il n’aurait jamais pu constater la première fois qu’il l’avait croisé, dans cette carrière.

Un début de mal de crâne le sortit de sa torpeur, lui faisant prendre conscience de la baisse de luminosité ambiante. Il avait dut rêvasser ; ça faisait longtemps tient. Son corps était détendu, si bien qu’il dut faire plusieurs étirements pour ré-activer ses muscles s’il espérait marcher doit. L’exercice réveilla quelques douleurs articulaires, lui rappelant les paroles de son docteur ; penser à faire un tour au SPA au moins une fois par semaine afin de régénérer au mieux son corps. Drawlife n’en avait pas très envie, et il était de toute façon trop tard pour y penser à présent, le ciel se teintant progressivement de couleurs chaudes comme preuve du soleil couchant. L’heure tardive le résigna à abandonner ses projets de peinture, et il s’apprêta donc à ranger son matériel, déçu de ne rien avoir fait de concret. Mais quelque chose le stoppa au moment de retirer le bloc de feuille, un dessin qu’il n’avait pas le souvenir d’avoir fait. Le plus troublants était que ce n’était ni Fluttershy, ni Pinkie Pie qui était représenté, et que le dessin n’était pas antérieur à cette journée à en juger par la peinture encore fraîche. Plus encore, la licorne représentée ne rejetait pas toutes les sensations obscures qui polluaient ses précédents dessins, elle était paisible, le regard pétillant transmettant des massages tout ce qui a de plus amicale au spectateur. Il n’avait fait que penser à elle, et voilà que Rarity, allongée sur un sofa, dans une ambiance ressemblant à s’y méprendre à celui de son premier tête à tête avec la couturière, était apparue sur la toile. Drawlife ferma les yeux, tentant de se repasser ce moment dans sa tête. Ceci fait, il entrouvrit un œil, et fut stupéfait de voir ses pinceaux flotter et ajouter quelques touches à la toile, ne la rendant que mieux, et ce sans son contrôle. C’était pourtant bien son halo argent qui les manipulait, il ne pouvait pas en douter.

Le mal de tête sa calma tout juste, et Drawlife s’étonna d’avoir le souffle court. Ça n’avait pas été aussi intense, mais ce qu’il venait de se produire était similaire à sa ‘’première fois’’ avec Fluttershy. Une sorte de transe pendant lequel les outils agissaient seuls, uniquement guidés par l’admiration de l’étalon pour son modèle.

Ce n’était pas courant comme méthode vu qu’il n’avait même pas eu conscience de ce qu’il avait fait, mais la satisfaction du peintre face à son œuvre était là, bien présente dans le cœur de Drawlife. Il détacha soigneusement le papier afin de l’observer sous différents angles. C’était parfait, et même les longues minutes d’analyses qui laissèrent le temps à l’astre lunaire de s’élever dans les cieux étoilés ne parvinrent pas à trouver un quelconque défaut.

Il fallait qu’il fasse partager son œuvre, mais pas n’importe comment. L’unicorne réfléchit un peu, puis fouilla son sac. Il en sortit quelques bits issus des petits pourboires accumulés lors de ses corvées. Il n’en avait pas beaucoup, mais ça devrait suffire pour ce qu’il avait en tête. Il espérait juste qu’il arriverait avant la fermeture des magasins.

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La licorne descendit les escaliers en baillant, bien contente de la présence de moquette qui empêchait le son de ses sabots sur le bois de lui vriller les tympans de si bon matin. Marephée lui avait bien supplié de rester dans ses bras, mais elle avait quelque chose de prévue avec ses amies. Le Carrousel était d’ailleurs bien calme, le silence tout juste perturbé par les gazouillis d’oiseaux à l’extérieur ; sa sœur n’était sûrement pas encore réveillée. Tant mieux, elle allait pouvoir prendre son petit déjeuné tranquillement afin de finir son émergence.

L’estomac rassasié et ses affaires prêtes, la licorne blanche sortit de la boutique pour prendre le chemin de son rendez vous. Mais avant de fermer la porte, elle remarqua un grand colis plat posé contre le mur, bien en évidence, une petite inscription manuscrite dans un coin du paquet. Intriguée, elle s’approcha pour mieux lire.

« Pour Rarity, de la part de Drawlife »

Les yeux de la licorne se dilatèrent à présent d’intérêt. Qu’est ce que cela pouvais bien être ? Et pourquoi avait-il été laissé là au lieu d’être donné en sabot propre ? Ce n’est pas comme si l’étalon habitait une autre ville ou qu’il ne connaissait pas l’adresse. Cela cachait quelque chose. Elle regarda autour d’elle pour tenter d’apercevoir une forme grise qui se serait éventuellement cachée pour voir sa réaction, puis embarqua le colis à l’intérieur du Carrousel.

Avide de curiosité, elle déchira rapidement le papier protecteur en faisant attention de ne pas abîmer le contenu. Un montant en bois apparue en premier, formant une sorte de cadre. Le colis entièrement libéré, elle put constater qu’il s’agissait d’un tableau. Un magnifique tableau ! Sa mâchoire tomba mais aucun son n’en sortit, son cerveau trop occupé à s’extasier devant la peinture que ses yeux analysaient sous tous les angles. La beauté de la licorne dessinée, aussi blanche qu’elle, ne pouvait pas laisser indifférent, même pour une jument.

« Qu’est ce que c’est ? » demanda une voix mâchée par des bâillements.

La licorne se retourna sur un coup de stress, constatant la présence de sa sœur, quelque peu chancelante à cause de la fatigue, tentant d’analyser avec ses yeux cernés et bouffis ce que cachait à présent la licorne derrière elle.

« Sweetie Belle, ne me dit pas que tu as encore ouvert mon courrier ? soupçonna Rarity après avoir remarqué le papier craft exposé au sol.

-  Nan, c’est pas ce que tu crois ! se défendit la pouliche, effrayée par l’horrible visage matinal de sa grande sœur.

-  Fait moi voir ça ! »

Une aura bleuté entoura subitement le tableau sur lequel s’appuyait en partie Sweetie Belle, cette dernière basculant sur la croupe lorsque l’objet s’éleva dans les airs, avant de redescendre sous les yeux de la styliste. Les marques du sommeil s’effacèrent du visage de la styliste dès l’instant où sa bouche s’ouvrit, affichant à présent une tête similaire à Sweetie Belle lors de sa propre contemplation. Se remettant de sa chute, la petite jument voulu profiter du moment d’absence de Rarity pour fuir avant qu’elle ne s’intéresse de nouveau au fait que sa petite sœur est fouillée son courrier, et qu’elle n’élabore une punition à sa mesure. Mais quelque chose qu’elle n’avait pas remarqué plus tôt était à ses sabots. C’était une feuille de papier, mêlée aux restes de l’enveloppe, et quelque chose était écrit dessus. Elle le saisit pour le lire, sa grande sœur encore trop occupé à admirer le tableau d’elle-même ; la pouliche cru même entendre des espèces de gloussements.

=-=-=-=-=-=

Rarity,

J’imagine que mon petit dernier te plaira. Prend le comme une manière de m’excuser un peu mieux de mes actes passés.

En espérant être digne d’être ton ami.

Drawlife

=-=-=-=-=-=

Sweetie Belle relut plusieurs fois le mot, afin d’être bien sûre de bien avoir compris le sens de chaque mot. Rarity, quand à elle, était partit dans un monologue digne des plus grandes actrices d’Hollyhoof, ventant les mérites de l’unicorne, glorifiant sa propre beauté inspirante, et supputant sur les projets avenirs de l’étalon, ce qui, conjointement au petit mot apparemment innocent que la pouliche tenant entre ses sabots, fit naître un sourire vicieux sur son visage.

« Je me demande vraiment ce qui a put pousser Drawlife à créer un tel chef-d’œuvre ! s’exclama finalement la jument blanche, encore toute chamboulée par la découverte de la toile qu’elle faisait encore léviter devant elle.

-  Moi j’ai ma petite idée ! miaula Sweetie belle en agitant devant elle le papier tout en soutenant un regard espiègle.

-  Qu’est ce que tu tiens là ? demanda Rarity après avoir reporté son attention sur sa sœur.

-  Oh ça ? fit la pouliche en désignant innocemment le bout de papier. C’est juste un petit mot de celui dont tu prononce le nom toute les nuits depuis peu. »

La réaction de Rarity ne se fit pas attendre, ce qui ne fit qu’étendre un peu plus le sourire taquin de Sweetie Belle. Elle savoura la progression du rouge envahissant le museau de sa sœur, de ses mèches de crinière se rebiffant sous la gêne, et de chaque goutte de sueur qui perlait sur son front.

« Sweetie Belle, soit gentille ma puce, peux-tu me donner cette lettre ? demanda d’un air pincé la licorne, un large sourire tout en dents comme tentative de convaincre la pouliche.

-  Tu la veux hein ? Moi je sais pourquoi tu la veux tant.

-  Ne va pas t’im…

-  Ra-ri-ty est amoureuse ! Ra-ri-ty est amoureuse ! Ra-ri-ty est amoureuse ! chantonna la pouliche en narguant sa grande sœur avec la lettre dans la crinière.

-  Sweetie Belle, arrête ça ! »

La salle principale du Carrousel était à présent témoin d’une course poursuite entre deux licornes, l’une sautillant gaiement tout en psalmodiant des chansons burlesques, l’autre poursuivant la première, la suppliant de bien vouloir se taire, freinée par la robe de chambre qui s'emmêlait dans ses pattes. Mais la pouliche ne tenue pas longtemps, car sa sœur, exaspérée, utilisa un atout qu’elle ne possédait pas encore ; elle sentit le sol s’éloigner d’elle, et elle poussa un cri de surprise lorsqu’elle se rendit compte de l’aura qui l’entourait, la faisant léviter, et par la même occasion lâcher le mot qui s’envola vers la styliste en robe de chambre. Le regard noir qu’elle lui adressa aurait du l’effrayer, mais Sweetie Belle ne put s’empêcher de rire quand elle remarqua que le museau de Rarity était encore rouge.

Même si ça ne lui apporterait rien, Sweetie Belle était contente d’imaginer qu’elle avait eu raison d’avoir eu des soupçons concernant Drawlife et sa sœur. Peut être que c’était ça son talent

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