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La façade de l'art

Une fiction écrite par LordAngelos.

Chapitre 4 : La vie n'est pas si noire

Dériver au milieu de nulle part, bercé par une chape éthéré, entouré d'apparitions fugaces, incohérentes et floues. Une sensation que Drawlife connaissait trop bien. Il la haïssait. Depuis son premier plongeon dans les rapides, aucune nuit ne se passais sans que son subconscient ne lui répète inlassablement ces visions. Toujours les mêmes silhouettes torturées, toujours la même scène sombre, les mêmes yeux rouges, et ce mot, seul et unique à se distinguer de cette confusion omniprésente, résonnant sans cesse comme l'ultime vérité. « Pathétique ».

Pourtant, quelque chose paraissait avoir changer, ou du moins se distinguer de la confusion. Le vide se remplit, formant un environnement répétitif et infini, comme un couloir. Tout du long, des formes cubiques, du même gabarie qu'un poney cabré. Par instinct, Drawlife plissa des yeux pour mieux définir ce qu'il voyait, ce qui lui permit de reconnaitre des casiers. Tout cela s'apparentait à un endroit connu de l'unicorne. Comme pour lui confirmer, une sonnerie stridente se démarqua de la cacophonie habituelle, juste avant qu'une foule de silhouettes quadrupèdes perturbe le décors. Trois d'entre elles restèrent néanmoins au centre, celles que l'unicorne connaissait déjà. Puis, au delà de la sonnerie qui s'achevait, les voix jusqu'à présent incompréhensible se firent plus net, des mots clair se firent entendre.

« Tu … sérieux ?  fit une voix féminine d’un ton plutôt dédaigneux.

-  Oui … t’aime …  répondit une autre voix, plus grave mais plus timide, et qui lui était étrangement familière. »

Qu'est ce que tout cela pouvais signifier ? Était-ce un un écho fragmenté de sa mémoire ? La silhouette du milieu se rapprocha de la plus éloignée, retraçant la scène des visions habituelles, et le mot implacable, celui que Drawlife suppliait de ne plus entendre, résonna à nouveau. Pathétique. Puis apparurent les yeux démoniaques. Mais, tel un cauchemar sadique qui jouait avec les émotions de sa victime, la vison ne s'arrêta pas comme d’habitude, laissant ces deux iris incandescents transpercer le cœur déjà fragilisé de Drawlife, des rires moqueurs et omniprésent s'élevant pour créer une sensation d'humiliation insupportable.

Cette agression sensorielle mua progressivement cette humiliation en frustration, puis en colère . Tout le corps de l'unicorne frémissait, envahie d'un désir profond de mettre fin à tout cette comédie. Mue par une volonté de destruction, ses sabots se projetèrent avec force droit vers le visage du démon.

Mais à la place de sentir la corne de ses sabots broyer les os d’une mâchoire, sa patte continuait sa course en déchirant son champ de vision telle une paroi fragile, détruisant ainsi toute la scène peinte jusque là, laissant place à un nouveau vide. Tous ses repères spatiaux perdu et emporté par son mouvement, la panique repris instantanément ses droits. L'unicorne se sentait déchirer à son tour, convulsant, chutant dans toute les direction à la fois, de plus en plus vite, l’estomac noué par le stress, les poumons cherchant désespérément de l'air.

Et il y l'apparition d'un flash. Brûlant. Aveuglant. Apaisant. Puis toute la tension qui se relâche.

La lumière blanche s’estompa brusquement, et Drawlife se réveilla, paniqué, en inspirant bruyamment, les frissons de peur encore présent. Du moins en avait-il l’impression, car son corps ne réagissait pas. Était-il seulement réveillé ? Une irritation au fond de la gorge, nouvelle mais désagréable, vint à le confirmer. Forcé de reprendre son calme, sa vue domptant la tranquillité apparente, il analysa son nouvel environnement.

La pièce dans laquelle il se trouvait était assez grande pour le peu que ses yeux pouvaient en voir, son cou entravé par une coque duveteuse. Les murs adoptaient un mélange de blanc et de vert pâle, et une unique fenêtre laissait passer un peu de lumière au travers des stores visiblement fermés. Des bips réguliers se distinguèrent du silence. Mais ce qui attira le plus son attention, c'était les lanières qui maintenait levés deux de ses membres enfermés dans une gangue de plâtre. Son premier réflexe fut d'essayer de les bouger. Aucune réaction, hormis un grognement de douleur.Peut être

Il était vivant. Cela semblait une certitude. Peut être pas de le meilleur des états, mais il était bel et bien vivant. Encore. Comme quoi, mourir n’était pas une option qui lui était possible. Du moins pas tout de suite. Drawlife tenta de se remémorer se souvenir, de comment il avait pu atterrir dans cet endroit. La forêt Everfree. Sa cachette. Les ponettes qui l'avaient découvert, la pégase à la crinière rose qui l’avait repéré, la perte de tout ce qu'il possédait. Sa tentative de suicide, et cette créature qui l’avait … ; il arrêta de souvenir, ne voulant pas malmener son estomac plus qu'il ne l'était déjà. Ce qui ressortait de tout ça cependant, c'était qu'il avait été sauvé. Il ne savait pas comment, et il s’en fichait. On lui avait ôté le droit de finir son existence, et c’était injuste. Il avait été décidé à sa place qu'il serait réduit à regarder défiler les astres de Celestia et Luna, à attendre de pouvoir à nouveau décider de son propre sort.

Oui, c’était vraiment injuste.

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« Alors docteur ?

-  Il est de nouveau conscient, son rythme cardiaque est faible mais rien d’inquiétant, il peut à nouveau respirer seul. Le poney brun reporta son attention sur ses fiches avant de se ré-adresser à la licorne blanche. Il revient tout de même de loin, de très loin, et il va falloir beaucoup de temps avant qu’il puisse remarcher. Ses os et tendons ont été à la limite de leur rupture, surtout ceux de sa patte avant et arrière droite, expliqua-t-il en montrant une radiographie accrochée sur un tableau lumineux, il risque immanquablement d’avoir des séquelles. »

Rarity et Fluttershy écoutaient attentivement les explications du poney en blouse blanche, ainsi que Twilight Sparkle, qui affichait un air étrangement neutre depuis que le docteur les avait accueillies. Elles étaient assises en face du docteur, le même qui s’était occupé de Pinkie Pie. C'était le meilleur de Ponyville, il avait presque tout, tout vue dans son domaine disait-on. Son bureau n'en disait pourtant rien, étant simplement meublé ; une table, des chaises et des armoires, rien de plus. Seules quelques décorations telles que des trophées et diplômes ornaient les murs et témoignait de ses années de service.

C’est dans cette salle simple qu’elles recevaient les premières nouvelles du voleur de nourriture et peintre depuis qu’elles l’avaient tiré des griffes de la Lamia il y a moins d’un mois. Lorsqu’elles étaient parvenues à faire fuir la créature grâce au répulsif que Fluttershy avait reçu de Zecora, elles l’avaient trouvé dans un état des plus alarmants : à moitié désarticulé, immobile, il ne respirait presque pas. Il avait fallu toute la concentration des deux licornes présentent à ce moment là pour le transporter par lévitation de la façon la plus sûre possible jusqu’à Ponyville.

« Toutefois, j'ai été surpris de l'endurance de son métabolisme, bien supérieurs aux licornes que j'ai déjà soigné auparavant. Grâce à cela, je pense que d’ici une semaine, il pourra sortir de l’hôpital, sur un fauteuil roulant cependant. . Il faudra plus d’un mois pour que ses articulations reprennent du service, si tout se passe bien ; mais vu la capacité de régénération dont il dispose, j’ai bon espoir.

-  S’il sera en fauteuil et qu’il ne pourra pas bouger, souleva Fluttershy, comment va-t-il se nourrir ? Ou même se déplacer ?

-  Et bien, il a la chance d’avoir une corne, fit remarquer le docteur en tâtant son propre front, et son utilisation ne lui fera pas plus de tord qu'actuellement, donc il y aura quelques taches qu’il pourra accomplir seul. Mais ne connaissant pas ses capacités en magie, je ne peux pas dire s’il sera complètement indépendant. »

L'air désolé de son annonce, il déposa ses notes sur son bureau avant de s'asseoir.

« C'est pour cela que je privilégierais une assistance, même si elle ne s'avère pas constante, ne serait ce que pour s’assurer que son état va en s’améliorant. »

Suite à son discours, le poney brun laissa les trois juments enregistrer ses informations. Deux d'entre elle gardèrent le silence, anxieuse, mais Twilight, qui était restée muette depuis qu’elles étaient entrées dans le bureau du docteur, prit la parole, visiblement impassible aux difficulté de l'unicorne gris.

« C’est très bien tout ça, mais il y a une chose que l'ont ne sait toujours pas, et qui me déplait :  qu'est ce qu'il faisait dans l'Everfree forest ? demanda-t-elle, une légère agressivité dans la voix. On ne connais rien de lui, même pas son nom ou d'où il vient. Je suis tout à fait ouverte à aider un poney en difficulté, mais quand il s'agit d'un voleur doublé d'un voyeur, j'ai nettement moins envie de bouger ma croupe pour lui.

-  Twilight, arrête ! l’interrompit énergiquement Rarity en pinçant les lèvres de son amie avec sa magie. Doit-je te rappeler qu’il a failli mourir. Même si ce qu’il a fait dans le dos de la ville n’est pas louable, ça ne justifie pas que te le traite ainsi. Ni que tu utilise un tel langage d’ailleurs.

-  Si je peut me permettre, je suis d'accord avec votre amie, souligna le docteur sur un ton réprobateur.

-  Vous n'avez aucune idée de quoi il est capable, se défendit la licorne pourpre.

-  Que veut-tu dire Twilight ? » questionna Rarity d'un haussement de sourcil.

Tous regardèrent attentivement la licorne mauve, même Fluttershy, bien que plus discrètement, en l'attente d'une réponse. Twilight Sparkle, elle, maintint leur regard, mais ses lèvres qu'elle mordillait indiquait qu'elle n'était pas fier de ce qu'elle s'apprêtait à dévoiler.

« Rien, finit-elle par répondre en détournant le regard, laissez tomber.

-  Bon, reprit le docteur, quelque peu gêné par la scène qui venait de se dérouler, pour vous répondre, je ne connais pas son nom, et il ne semble pas être d’ici. A vrai dire, il n’a rien dit depuis son réveil. Nous l’avons questionné plusieurs fois, mais il n’a pas l’air d’être enclin à nous répondre. Il n’est pas muet, indiqua-t-il rapidement en remarquant Rarity ouvrir la bouche, nous avons vérifié ses cordes vocales. Et son attitude ne nous aide pas à savoir le pourquoi de son mutisme.

-  Son attitude vous dites ?  lança Twilight en haussant un sourcil, toujours renfrognée mais curieuse.

-  Il ne réagit pas aux réflexions des infirmières, précisa-t-il, quoiqu’on fasse ou qu'on dise, il reste impassible. Même son rythme cardiaque ne trahie aucun changement d'humeur. Redheart a suggéré en plaisantant qu’il boudait, mais j’en viens à me demander si elle n’est pas dans le vrai. »

-  Il boude ? dit timidement la pégase jaune. Mais pourquoi ?

-  C’est bien ce que je me demande, répondit le docteur, à croire qu’il n’est pas content d’être en vie. J'ai bien mon hypothèse, mais votre histoire de Lamia me fait dire qu'elle est bancale. Vous pourrez toujours lui demander vous-même. Mais pas tout de suite, précisa-t-il en allant ouvrir la porte de son bureau, revenez dans trois jours quand nous auront fini de faire les derniers examens, en espérant qu’il ait délié sa langue d’ici là. »

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Lever une patte, passer la lingette, baisser la patte, lever une autre patte, et ainsi de suite. Voilà ce que lui faisaient les infirmières trois fois dans la journée depuis maintenant cinq jours, et ce pour qu’il reste propre. Drawlife se laissait faire à chaque fois, ignorant tout les mots gentils et les remarques qu’elles lui faisaient. Quitte à devoir attendre de guérir pour pouvoir mieux en finir, autant que ça se fasse sans accroche ; il était pourtant limite à force de subir leur mièvrerie. Il ne pouvait toujours pas bouger, mais au moins deux de ses pattes était à l’air libre ; celles qui n’avaient pas subi trop de dégâts avait dit le docteur. Pour ce que ça changeait, il était toujours cloué au lit, et n’en sortait que pour subir des scans radiographiques histoire de voir si ses os se comportaient bien.

Aujourd’hui, il avait apparemment de la visite. Drawlife se demandait qui pouvait bien vouloir voir sa carcasse vouée à disparaître. Il eut rapidement sa réponse quand une infirmière fit entrer une licorne mauve munie d’une sacoche sur le dos. Malgré le traumas qu'il avait subit dans la forêt, il reconnu facilement celle qui avait été la seule à décrier son travail lorsqu'elle et d'autre jument avait découvert sa cachette. Sans prétendre à des talents divinatoires, il était certain d'avoir à rencontrer des problèmes avec cette licorne. A sa suite, l'autre licorne ayant fait partie du groupe de la foret; elle semblait plus posé que sa collègue de race. La terrestre rose trottinant à ses cotés en revanche semblait complètement insouciante des raisons qui l'amenait ici.

Drawlife ne put s’empêcher de déglutir à la vue de cette dernière. C'était cette folle qu'il avait du mettre KO pour son propre intérêt, et la voir ici, visiblement en pleine forme, alors que lui était cloué dans ce lit, lui fit regretter soudainement son geste passé. Mais pour le moment, personne ne fit la moindre remarque. Elles se postèrent toutes à sa gauche, mais Drawlife ne tourna pas la tête, n’osant pas particulièrement affronter leurs regards. Il y eu un silence pendant lequel l’unicorne se demanda à nouveau ce qu’elles lui voulaient ; sûrement des réponses au sujet de ses anciennes activités.

« Comment tu t’appelles ? » attaqua la licorne violette sans ménagement.

Pas folle la guêpe, on amadoue sa cible avec des questions simples en le tutoyant avant d’envoyer celle qui fâche. Il entendit une toux nerveuse, comme si le ton qu’elle avait employé n’était pas approuvé. Intéressant, des dissensions au sein du groupe.

« Pourquoi vous ne nous répondez pas, tenta la licorne blanche, nous avons fait quelque chose de mal ? »

Oh je ne sais pas moi, vous m’avez empêché de quitter ce monde injuste tranquillement peut être ? Drawlife se retint de lancer cette pique.

« Allez à mon tour ! s’exclama Pinkie en sautillant. Est-ce que tu aimes les gâteaux ? Et les glaçages ? Non parce que si tu n’aimes pas les glaçages il faut me le dire tout de suite, sinon tu ne va pas aimer ta sur… Oops ! fit elle en mettant ses sabots sur la bouche. J’ai failli cafter.

-  Pinkie ce n’est pas le moment ! gronda la licorne mauve. Sais-tu au moins qui c’est ?

-  Ben non Twilight, répondit la ponette, puisqu’on ne connaît pas son nom, t’en as de drôles de questions. »

Drawlife ne put s’empêcher de tourner la tête pour observer ses visiteuses, leur petit confit attisant sa curiosité. Il pouvait ainsi voir une Pinkie souriante, une Twilight qui soupirait d’exaspération en se passant le sabot sur la figure, et une licorne blanche dont il ne connaissait pas encore le nom le fixer avec intérêt.

« Bon, vu qu’on a l’air d’avoir capté ton attention, reprit l’autre licorne qui avait remarqué le mouvement de tête du blessé, je vais me présenter : je m’appelle Twilight Sparkle, bibliothécaire à Ponyville et pupille de la Princesse Celestia. Je suis au regret de t’annoncer que ce que tu as fait sur le dos de notre ville ne suis pas le code éthique que s’efforcent de faire appliquer les Princesses pour préserver l’Harmonie en Equestria. Donc à moins que tu répondes à nos questions et que tu justifies tes actes, je me verrais dans l’obligation d’en informer personnellement la Princesse Celestia pour que tu sois jugé et enfermé dans les cachots du château de Canterlot. »

Wow minute là ! Elle était sérieuse ? C'était elle la fameuse élève privilégiée de la Princesse Celestia ? Une des gardienne des Elements d'Harmonie ? Ce coup ci il ne put rester de marbre devant cette affirmation. Entrer en conflit avec une des proches de la Princesse solaire était une erreur qui risquait de lui causer beaucoup de tord. Et finir au cachot avec ça ? Comme un déviant ? Hors de question ! Il avait déjà eu bien du mal à oublier les séances dans le placard que lui avait imposé son père. Il fallait qu’il coopère un minimum s’il voulait échapper à ça.

« Je vois que tu n’a rien contre, constata Twilight, donc je vais de ce pas …

-  Drawlife. » coupa-t-il, articulant mal son nom après tant de mutisme.

Les ponettes se figèrent, surprises par le son qui était sortit de la bouche du patient.

« Chouette, il a dit quelque chose ! s’émerveilla Pinkie en sautillant sur place. Mais au fait, se reprit-elle en restant suspendue en l’air, ça veut dire quoi ‘’Dôrlaille’’ ? »

Décidément, il n’aimait vraiment pas cette ponette sur-excitée.

« Drawlife, répéta-t-il après avoir soupiré, mon nom c’est Drawlife.

-  Euh, et bien …, baragouina la licorne mauve, prise de court, d’accord. Et que faisait tu dans la forêt Everfree ?

-  Je vivais en ermite »  répondit-il simplement, comme si c’était une évidence.

Drawlife s’apprêtait à recevoir une autre question de la part de Twilight, celle-ci sortant une feuille de sa sacoche dont il reconnut tout de suite le grain jauni. C’était une de ses feuilles sur lesquelles il effectuait ses croquis pour chercher l’inspiration sans modèle. Mais elle n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche que la licorne immaculée prit la parole.

« Mon nom est Rarity, se présenta-t-elle avec une voix sûre et claire, et je dois vous confesser que j’apprécie beaucoup vos tableaux. »

L’unicorne leva une oreille, intrigué ; à coté d’elle, Twilight la regardait d’un air de reproche, ce que sa voisine remarqua.

« Mais je dois vous demander une chose, reprit-elle, pour quelles raisons peigniez vous les habitants de Ponyville, et ce sans vous être présenté ? De mon point de vue, il n'y a aucune honte à l'expression artistique. »

Première question qui fâche. Drawlife ne savait pas quoi répondre, s’il devait être honnête ou cacher la vérité qu’il n’était pas certain de connaître lui-même. Il préféra ne rien dire, se contentant de redresser la tête et fixer le plafond pour seule réponse.

« Et voilà, je vous l’avais dit ! s’exclama Twilight, visiblement fière d’elle. Je vous l’avais dit que ce n’était rien qu’un …

-  Vous auriez mieux fait de me laisser dans les griffes de cette créature » l’interrompit Drawlife.

La licorne mauve resta bouche ouverte, hébétée par ce qu’elle avait cru entendre. Pinkie vint lui fermer la mâchoire avec son sabot avant de s’adresser au patient.

« Soit pas bête, lança-t-elle d’un air un peu triste, si elles t’avaient laissé là bas, tu aurais été mangé par cette Lam-truc.

-  C’était un peu le but » affirma-t-il pour clore le débat.

Un couinement aigu et effrayé résonna derrière l’entrebâillement de la porte de la chambre. Tous tournèrent la tête en direction du bruit, pour y voir une mèche rose pale dépasser de l’encadrement de la porte. Découverte, Fluttershy entra timidement, sans oser regarder l’unicorne allongé sur le lit.

Lui en revanche ne put détourner les yeux d’elle, l’admirant avec beaucoup d'insistance, n’ayant jamais eu l’occasion de l’approcher d’aussi près. Lorsque qu’elle se logea près, ou plutôt derrière ses amies, Drawlife croisa le visage de Twilight, l’air plus acariâtre que jamais. Il n’avait pas du être très discret lors de sa contemplation.

« Désolée d’être en retard, s’excusa la pégase d’une voix faible, mais Angel refusait que je parte sans avoir fait son plat favori.

-  Tu n’as pas besoin de t’excuser ma chère, la rassura Rarity d’une caresse sur l’épaule, il est juste dommage que tu sois arrivé à ce moment là,  finit-elle en regardant de travers le blessé.

-  De toute façon j'en ai assez entendu, j’ai juste une dernière chose à régler ! fit Twilight en tirant Pinkie vers elle, cette dernière basculant face contre terre suite au geste inattendu avant de se relever comme si de rien n’était. J’aimerai que tu fasses des excuses à mon amie pour l’avoir envoyée quatre jours à l’hôpital. »

Quatre jours ? Drawlife tira des yeux ronds comme des billes. Il avait certes frappé fort, mais il ne pensait pas avoir fait preuve d’une telle violence. A la base il voulait juste l’éloigner de son camp, et accessoirement la faire taire, mais il n'avait pas imaginé devoir rendre des comptes à des amies qui avaient été mortes d’inquiétude. Sa culpabilité prit finalement le dessus sur son désir d’impassibilité, ne pouvant rester de glace face à une révélation pareille.

« Désolé, murmura-t-il, ce n’était pas dans mes intentions de gravement te blesser.

-  Oki doki loki ! » piailla la ponette qui n’avait visiblement aucune rancune à son égard.

Au moins elle avait ça pour elle. Elle n’était peut être pas si désagréable après tout.

« Mais si tu veux vraiment te faire pardonner … » rajouta-t-elle avec une mine plus sérieuse, sans pour autant perdre son sourire.

Il avait parlé trop vite. Pinkie s’approcha de son lit, le fixant d’un air plutôt dérangeant qui lui rappela sa première confrontation avec elle. Cette scène fit soudainement écho avec ce que lui avait fait subir la créature ophidienne, si bien que Drawlife ne put réprimer un malaise. Leurs museaux étaient maintenant collés l’un à l’autre.

Elle n’allait quand même pas faire ça elle aussi ?

La ponette saisit de ses sabots les joues de l’unicorne.

Si, elle allait le faire !

Il ferma les yeux, ne pouvant rien faire d’autre étant donné sa paralysie.

« Je veut te voir souri-ire ! » s’exclama-t-elle en tirant fermement ses joues vers le haut, afin de simuler un sourire sur le visage de Drawlife, avant de lâcher prise.

Mais au lieu que sa bouche garde la pose, comme s’y attendait sûrement la ponette, un hurlement en sortit, qui fit sursauter les visiteuses. Drawlife était encore sensible, plus qu’il ne l’aurait cru, et le sursaut causé par l’action inattendue de Pinkie avait réveillé les douleurs qui narguaient encore ses membres mortifiés, passant outre les antidouleurs. Ses pattes prit dans les plâtres le lançaient violemment, comme des chocs électriques qui parcouraient la totalité de ses membres.

Quand son martyre se calma, une autre tension monta, plus vivace, lui serrant la gorge, et toute l’animosité qu’il avait accumulée depuis son réveil dans cet hôpital se libéra en un flot d’injures destinées à tous les poneys présents dans la pièce. Personne n’était épargné, que ce soit les infirmières et leur manières condescendantes insupportables, ou les ponettes pour lui avoir enlevé le droit de couper le fil de sa propre vie. Tout le monde était abasourdi par sa violente réaction, la pégase jaune était même en train de pleurer face aux attaques verbales. Pinkie quand à elle était affolée par ce qu’elle venait de déclencher, regardant à droite et à gauche à la recherche d’une solution qui ne se présentait pas, les larmes commençant aussi à couler de ses yeux.

Soufflant encore bruyamment des nasaux, les dents serrées et bouillonnant de haine, Drawlife regarda les ponettes encore chamboulées sortir une par une de la pièce, pour laisser place aux infirmières, elles-mêmes clairement intimidées par l’unicorne. Elles lui administrèrent un calmant, afin d’éviter une autre crise de colère qui pouvait nuire à son rétablissement. Le sang qui circulait à pleine trombe dans ses veines accéléra les effets du sédatif, si bien qu’en quelques secondes Drawlife se détendit, et put ainsi repenser calmement à ce qui venait de se passer.

Les accès de rage étaient rares chez lui, pour ne pas dire inexistants, et il n’avait pas honte d’avouer que ça lui avait fait un bien fou. Mais revoir les visages apeurés et larmoyants de celles sur qui il avait vomi ses ressentiments lui fit regretter son geste ; ce n’était pas son genre d’agir de la sorte.

Mais il était sur les nerfs ; sa vie n’avait plus beaucoup d’intérêt pour lui dorénavant, et il n’était plus sûr de pouvoir réitérer sa tentative pour mettre fin à ses jours. Et son infirmité ne l’aidait pas à visualiser un futur radieux. Si ces pestes n’étaient pas intervenues dans la forêt, il n’en serait pas à encore se poser des questions sur son avenir.

Le sédatif continua de faire effet jusqu’à ce qu’il s’écroule, le sommeil lourd et résigné.

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Plus que quelques heures avant de quitter cet endroit aseptisé, vide de toute distraction pour faire passer le temps. Sauf peut être la salle de rééducation, dans laquelle Drawlife s’exerçait une nouvelle fois à utiliser son nouveau fauteuil roulant. Comme l’avait inutilement souligné son docteur, le fait qu’il disposait d’une corne lui permettait de pouvoir agir selon son propre vouloir, sans systématiquement devoir requérir d’aide extérieure.

Encore fallait-il qu’il ait le niveau nécessaire pour ça.

Faire rouler un fauteuil qui soutenait son propre poids s’était avéré aussi difficile que de maintenir en l’air une énorme botte de foin. La seule différence était les encouragements : là où ceux de son père marchaient à l’insulte ou nécessitaient des passages fréquent à l’armoire à pharmacie, ceux des infirmières étaient doux et chaleureux. C’était tout aussi horripilant, mais au moins ça ne le démotivait pas, lui permettant de progresser plutôt rapidement. Il était maintenant capable de franchir huit bons mètres avant d’avoir le tournis, largement suffisant pour évoluer dans une maison.

Une fois la séance finit, une infirmière l’amena dans une grande salle d’accueil où il était sensé attendre celui ou celle qui le chaperonnerait pendant les prochains mois de sa guérison. L’attente fut tellement longue que Drawlife ne put s’empêcher de tenter de deviner qui pouvait bien s’être porté volontaire pour s’occuper de lui, surtout si l’événement de sa crise d’il y a quelques jours s’était répandu. Peu de chances qu’il s’agisse d’une des quatre ponettes présentent ce jour là.

Les portes battantes qui composaient l’entrée s’ouvrirent pour laisser passer un grand poney gris pâle, arborant une crinière courte de couleur écarlate. Dès qu’il eut franchi l’encadrement, il se dirigea en direction de Drawlife ; pensant qu’il s’agissait de son tuteur, il le regarda avec insistance, ce qui avait l’air de perturber le poney qui lui adressa un bref signe de tête pour le saluer avant de passer derrière lui.

Pas causant, c’était pas plus mal, au moins il aurait sa tranquillité auditive pendant son rétablissement.

Drawlife s’attendait à ce que le poney l’amène à la sortie, mais rien ne se passa. Profitant de l’occasion pour appliquer son entraînement des derniers jours, il se concentra pour faire pivoter sa chaise dans un grincement qui témoignait de la lenteur du procédé. Le poney n’était pas derrière lui, il eu juste le temps de le voir prendre un virage dans un couloir plus loin. Mauvaise pioche.

« Monsieur Drawlife ? »

L’unicorne sursauta, causant des picotements dans ses plâtres qui le firent grogner. La voix qui l’avait surpris avait beau être faible, elle l’avait quand même tiré de ses pensés assez brutalement. Elle lui était plutôt familière d’ailleurs. En l’absence de réaction, il dut user d’un nouvel effort magique pour faire face au propriétaire de la voix. Il faillit faire un nouveau bond de surprise en reconnaissant la pégase jaune pâle qui était à présent devant lui, le visage à moitié camouflé par ses longs cheveux roses.

« Je vois que vous vous débrouillez bien pour faire bouger votre fauteuil » observa Fluttershy en affichant un sourire timide.

Drawlife ne répondit rien, trop confus et troublé par l’identité de son interlocutrice pour formuler quelque chose de tangible. Elle rougit devant le regard hébété du blessé, ne sachant plus trop où se mettre.

« Je … je suis votre nouvelle tutrice, begaya-t-elle décidément incapable de regarder Drawlife dans les yeux plus de cinq secondes, c’est moi qui prendrais soin de vous … enfin jusqu’à ce que vous puissiez remarcher bien sûr. »

Toujours aucune réponse de l’unicorne. Sûrement pour fuir son regard lourd, Fluttershy se posta derrière le fauteuil, avant de commencer à pousser de ses pattes avant tout en voletant pour le diriger vers la porte de sortie.

« Nous allons faire une promenade … si vous le voulez bien sur. suggéra-t-elle avant de marquer une pause, attendant une réponse qui ne vint pas. Comme ça, vous vous familiariserez avec les lieux, vu que vous habiterez ici un petit moment … enfin je crois que vous connaissez déjà plus ou moins, vu que vous … hum ... vous voyez. »

Même intimidée, sa voix restait douce et calme, ce qui détendit l’unicorne sur le moment. Mais comme il ne répondait toujours pas, la pégase se tut, se contentant de pousser son fauteuil au travers de Ponyville. De jour, l’endroit était tout de même plus accueillant, les maisons rustiques combinées aux nombreux jardins de fleurs et de légumes faisaient ressentir ce coté paisible de la campagne, un peu comme à Canassa. Les passants auraient pu participer à la plénitude du paysage s’ils n’avaient pas ce réflexe de le fixer avec curiosité, comme un monstre de foire. Mais bon quelle importance après tout, il ne s’attendait pas à une autre réaction de leur part à son égard.

Il fut tout de même soulagé que la foule se fasse moins nombreuse quand ils arrivèrent dans une sorte de parc, les regards étant remplacés par les chants d’oiseaux. Fluttershy se laissa alors aller en fredonnant sa propre musique. Vibrante et enjouée à la fois, de quoi mettre du baume au cœur même au plus caractériel des poneys.

L’air qu’elle murmurait lui rappela leur première rencontre : son cœur s’était serré, ses yeux n’avaient rien pu voir d’autre que son élégante silhouette, et sa ferveur artistique avait opéré toute seule. En ce moment même, il ressentait encore ces impressions d’excitation, mais pas aussi intensément que durant son ère de paria. Etait-ce parce qu’il n’avait pas ses outils, ou parce qu’il s’était fait à la présence de la pégase ? Ou encore à cause de son infirmité ?

Il aurait tout le temps d’y réfléchir.

Au bout d’une heure de silence, Fluttershy conduisit son patient chez elle.

Si d’extérieur la maison s’apparentait plus à un nichoir géant, l’intérieur était rudement bien décoré, même si la présence de petit cabanon de tout type semblait obligatoire aux yeux de la pégase. Elle devait vraiment tenir son rôle avec les animaux à cœur. Elle était justement accueillie par une multitude de petites bêtes, en particulier des rongeurs, ce qui était logique vu la taille de la porte d’entrée qui empêchait des créatures plus grande de la franchir. La présence de l’unicorne avait cependant attiré leur attention, et voyant leur air dubitatif, Fluttershy dut les rassurer.

« N’ayez pas peur mes mignons, leur susurra la pégase jaune, je vous présente Drawlife. Il est bloqué sur cette chaise pour une longue période et va rester ici pendant ce temps, alors soyez gentils avec lui s’il vous plaît. »

Attend, elle leur parle vraiment ? Pourquoi pas après tout, des vétérinaires qui rassurent leurs patients par la parole c’est assez courant, mais c’était l’impression que les animaux avaient l’air de la comprendre qui l’était moins. Cela devait sûrement être son don, bien que la triplette de papillon qui lui servait de marque de beauté ne l’indique pas clairement.

Le soleil commençait à se coucher, baignant le paysage extérieur d’un filtre orangé. Drawlife se posta à la fenêtre pour observer le panorama ; voir mourir le soleil dans l’horizon, à attendre son tour lorsqu’il sera guéri, voilà ce à quoi devrait ressembler le prochain mois. Cela annonçait des journées assez vides, mais encore une fois, son incapacité à servir efficacement à la ferme familiale l’avait conditionné à ce genre de situation. Il espérait juste que Fluttershy resterait ce qu’elle était, une ponette craintive, et qu’il continuerait de l’intimider pour ne pas qu’elle lui demande plus que le minimum nécessaire.

C’était en tout cas sur la bonne voie, car elle venait de le tirer de ses pensées uniquement pour lui signaler que le repas était prêt. Elle était prête à l’amener devant son assiette, mais il déclina l’offre en échappant aux sabots de la pégase, qui laissa échapper un petit gémissement de surprise. Il avait accordé de son temps en salle de rééducation pour être capable de se débrouiller seul pour des petites choses, ça n’allait pas servir à rien.

Dans son assiette était disposé du céleri accompagné d’une salade de mâche, et l’assaisonnement dégageait une agréable odeur qui attisa la faim de l’étalon. Encore une fois, Fluttershy s’était proposé de lui faire la becquée, mais se fit rejeter une nouvelle fois par des couverts qui lui échappèrent des dents par lévitation.

Elle était certes un peu collante, mais elle faisait de bons plats. De très bons plats même, tellement qu’il eut du mal à ne pas manger goulûment le contenu de son assiette. Et la suite du repas n’était pas en reste, composé d’une tarte aux pommes dont les fruits provenaient du verger de la fermière Applejack ; lui qui avait déjà mangé de ses pommes qu’il avait … emprunté, l’eau lui monta rapidement à la bouche.

Voyant l’entrain avec lequel l’unicorne dévorait ses plats, elle lui demanda s’il avait bien mangé. Il se surprit à lui répondre poliment, et même de complimenter le repas, ce qu’il n’aurait jamais fait si cela avait été demandé par une infirmière ; encore une fois son comportement n’était pas le même avec cette pégase, et cela en devenait presque inquiétant.

Au moment d’aller se coucher, les deux poneys se heurtèrent à deux problèmes : d’abord les chambres étant situées à l’étage, il était impossible pour Drawlife de s’y rendre, et ensuite il n’avait aucun moyen de se hisser seul de son fauteuil pour s’allonger sur le canapé qui allait lui servir de lit. La pégase n’avait évidement pas la force de soulever seule le corps de son patient, et elle dut demander à bon nombre de ses animaux de l’aider à la tâche. Elle était décidément pleine de ressource, et il n’était sûrement pas au bout de ses surprises.

La ponette ailée prit ensuite congé après lui avoir souhaité bonne nuit, mais au lieu d’aller dans sa chambre, elle se dirigea vers l’extérieur. Drawlife l’observa sortir de sa démarche toujours aussi gracieuse avant de se recentrer sur lui-même, sans se demander pourquoi elle allait dehors à une heure pareille. Jouer les blocs de marbre n’était pas évident avec elle, car à chaque fois qu’il agissait de façon brusque, il sentait un petit pincement au cœur qui lui faisait rapidement regretter le geste, et il était en plus incapable de rester muet à ses questions. Sûrement des traces de son dégoût de l’avoir fait pleurer à l'hôpital.

La solution était donc simple, il allait devoir être plus doux afin de ne pas avoir l’esprit torturé à longueur de journée. Ça allait le changer, mais il espérait juste que ça n’irait pas plus loin que des échanges de politesse.

Si au début tout se passait pour le mieux, à l’exception de quelques altercations avec le lapin turbulent de la maison, Angel, il devenait au fil des jours de plus en plus difficile pour l’étalon de limiter les sollicitations de la pégase à son encontre. D’un coté elle avait compris au bout de plusieurs refus polie qu’il pouvait se débrouiller seul pour des tâches simples telles que se déplacer dans la maison et se nourrir, et même aller aux toilettes, chose qui fut assez embarrassante la première fois. Mais à coté de ça, elle insistait beaucoup pour qu’il assiste à ses séances avec les animaux, et dans les promenades devenue quotidienne ; de ce fait il se retrouvait rarement seul, si on pouvait bien sûr associer la compagnie d’Angel à de la solitude.

Il devait pourtant concéder que Fluttershy prenait bien soin de lui, que ce soit par ses petites attentions tel que l’apparition de miel dans beaucoup de ses plats, un péché mignon qu’elle avait découvert avec le temps, par l’entretien quotidien de son fauteuil, et aussi par les consignes données au animaux à proximité de sa maison pour qu’ils ne fassent pas de bruit la matinée, et ce afin qu’il puisse dormir paisiblement sans être réveillé par des cris et des piaillements. Quand aux promenades, il avait remarqué qu’elle prenait à chaque fois les chemins les moins fréquentés, afin d’éviter les regards oppressants que subissait systématiquement Drawlife de la part des autres poneys.

Autant de gentillesse avait finit par déteindre sur le moral de l’étalon, estompant petit à petit ses projets funestes lorsqu’il serait complètement autonome. Les promenades lui étaient plus agréables au fur et à mesure qu’elles se suivaient, et il appréciait énormément les moments où Fluttershy chantait, ce qu’elle faisait souvent faute de pouvoir discuter avec un poney aussi peu bavard, mais comme elle le voyait sourire, elle en profitait autant qu’elle le pouvait. A la maison, il avait même prit honte à observer un peu trop attentivement sa tutrice lorsqu’elle s’affairait à la cuisine ou avec ses animaux, trouvant que c’était abuser de sa personne.

Cependant, Drawlife continuait à avoir des doutes sur la légitimité du rôle de chaperon que remplissait pourtant admirablement bien la pégase. Elle lui rappelait sa mère, si attentionnée et prévoyante, mais il était son fils, un parent, un proche, c’était donc en quelque sorte normal contrairement à Fluttershy. Entre lui et sa tutrice, il n’y avait rien si ce n’est pire, il était un parfait inconnue, elle ne connaissait rien de lui si ce n’est son nom, et surtout il avait fait des choses dans le dos de la ville qui justifiait qu’on lui accorde aussi peu de sympathie, comme cela semblait être le cas pour une grande partie des habitants de Ponyville.

Ses doutes étaient renforcés par les messes-basses qu’elles faisaient avec ses amies, ou tout du moins avec Twilight, vu qu’hormis elle et Rarity il n’avait pas recroisé Pinkie et les autres présentes dans la forêt lorsqu’il avait été découvert. Il se pouvait que Fluttershy jouait en fait la comédie, et qu’elle se forçait à être gentille pour qu’il fasse une bourde permettant à la licorne mauve de lui tomber dessus. Ça lui semblait absurde, mais il fallait qu’il en ai le cœur net, aussi profita-t-il d’un moment isolé lors d’une de leur promenade.

« Fluttershy ? Je peux te … »

Drawlife sentit une secousse parcourir son fauteuil. Sa tutrice fut sûrement surprise par le premier signe de vie spontané de son malade ; en effet, c’était toujours elle qui commençait les quelques dialogues dont il ne participait que par des oui et des non, ponctués par quelques mots polis, c’était donc la première fois que l’unicorne entamait la discussion.

« Pardon, s’excusa Drawlife, vous préférez peut être que je vous vouvoie.

-  Non, non, vous … enfin tu peut me tutoyer, dit elle rapidement, ça ne me dérange pas. Je pense que c’est même mieux … vu que l’on est souvent ensemble.

-  Bon, et bien, j’ai une question, reprit-il, en tentant de cacher la nervosité qui commençait à parasiter sa voix Qu’est ce qui a été décidé pour que ce soit toi qui me chaperonne ?

-  Mmmh … en fait, c’est moi qui me suis portée volontaire » avoua-t-elle simplement.

Son cœur fit un bond. Il n’était pas sur d’avoir bien compris ce qu’il avait entendu. Elle aurait décidé d’elle-même de s’occuper de lui ? Malgré tout ce qu’il lui avait implicitement fait ? Ça n’était pas possible.

« Tu n’a pas peur que je repique une crise comme la dernière fois ?

-  Non … hum ...si, un peu, répondit-elle hésitante, mais je ne crois pas que tu pensais ce que tu disais … ni que ça t’arrivera encore une fois … tu n’a pas l’air si méchant en fait.

-  Alors pourquoi toutes ces cachotteries avec ton amie Twilight ? insista l’étalon qui ne parvenait toujours pas à croire à la gentillesse spontanée de sa tutrice. Qu’est ce que vous ne voulez pas me dire ? Je vous défrise tant que ça pour que vous n’accordiez même pas la nécessité de me l’avouer ? »

Drawlife avait pivoté magiquement sa chaise pour faire face à la ponette ailée, et la vit qui grattait anxieusement le sol du sabot, le visage à moitié camouflé derrière sa crinière rose. Il devait avoir touché un point sensible pour qu’elle réagisse comme ça.

« C’est … c’est Twilight qui refuse de te croire normal, avoua-t-elle d’une voix tellement faible qu’il fallait que l’étalon tende l’oreille pour la comprendre, elle me met à l’écart pour que je lui donne des renseignements … te concernant. Je … je suis désolée.

-  Tu n’a pas à t’excuser, rétorqua amèrement Drawlife dont les doutes tendaient à se confirmer, je n’ai rien à cacher après tout. »

A la seconde où il finissait sa phrase, Fluttershy s’était mise à sangloter, et tentait vainement de se retenir.

« Non, je suis … je suis vraiment désolée, dit-elle entre deux reniflements, moi aussi j’avais peur de toi au début, je ne te faisais pas confiance en sachant ce que tu avais fait ! »

Elle déglutit avant de reprendre avec une voix encore plus bouleversée, les larmes coulant maintenant sur ses joues.

« Mais j’ai bien vu en m’occupant de toi que tu ... que tu n’avais rien du monstre que décrivait Twilight, et je n’osais pas le lui dire parce que j’ … j’avais peur de sa réaction. Je suis vraiment … vraiment désolée. »

Drawlife s’avança vers sa tutrice en pleurs, et s’apprêtait à lui poser un sabot rassurant sur l’épaule avant de se reprendre, n’ayant jamais consolé quelqu’un et n’étant pas sur que ce geste serait bien vu.

« Heu … tu … tu n’as pas besoin de te mettre dans des états pareils, tenta l’unicorne perturbé par la réaction de la pégase jaune, c’est un peu de ma faute, je me suis fait des histoires tout seul, ça devrait plutôt être à moi de te faire des excuses. »

Il tenta encore quelques excuses maladroites, jusqu’à ce que Fluttershy finisse par cesser de se morfondre. Les yeux encore humides, elle affichait un sourire plein de tristesse qui en arracha un des lèvres de l’étalon, et sans rien ajouter, ils reprirent leur promenade là où il l’avait laissée, Fluttershy tentant au mieux de calmer ses quelques restes de sanglots avant que quelqu’un ne la voit. Elle avait même repris ses fredonnements, de façon moins enjouée que d’habitude cependant.

De son coté, Drawlife culpabilisait. Il avait eu plus ou moins raison en ce qui concerne Twilight et les autres, mais les scénarios monstrueux qu’il avait imaginé à propos de la pégase s’étaient avérés complètement faux. Il s’en voulait vraiment de l’avoir mise au pilori, elle qui rendait juste service sans rien demander en retour, et se sentait obligé de rattraper son erreur suite à la scène à laquelle il venait d’assister, surtout après ce sourire qu’elle lui avait adressé.

Mais comment ? Il n’avait pas un niveau magique suffisant pour remplir une tache que ne pourrait pas faire la pégase, et quand à faire la cuisine ou s’occuper d’animaux, l’intention y serait peut être mais le résultats serait assez mitigés. Lui présenter des excuses sincères serait déjà un début, mais il fallait vraiment qu’il éponge sa bêtise, fusse-t-il attendre qu’il soit entièrement rétabli pour cela.

Trouver le moment adéquat pour lui présenter ses excuses n’était pas évident, car Fluttershy prenait soin depuis leur retour à la maison de ne pas l’approcher de trop, et comme il ne voulait pas la brusquer une nouvelle fois, il préférait attendre le bon moment. Moment qui se présenta lors de leur manège quotidien pour l’installer sur le canapé. Ils avaient trouvé la technique pour ne plus avoir à solliciter l’aide des animaux, en basculant Drawlife du coté de ses plâtres afin de minimiser la charge lors du transfert. De cette manière, Fluttershy était obligée d’être collée à l’unicorne pour le soutenir, ce qui lui permit de lui attraper le sabot pour ne pas qu’elle s’éloigne lorsqu’il fut allongé.

« Fluttershy, je peut te dire quelque chose avant que tu ailles dormir ? » demanda-t-il alors que la pégase lui tournait encore le dos.

Il sentit sa patte trembler, ce qui lui fit encore plus mal, de penser qu’elle était autant perturbée par ce qui s’était passé. Lentement, presque de façon résignée, elle se retourna pour lui faire face, affichant un air qui faisait presque pitié ; elle ne le regardait pas directement dans les yeux, mais resta muette pour lui indiquer qu’elle était prête à écouter.

« Écoute, je vais sûrement me répéter, mais je suis vraiment désolé ! commença-t-il en lâchant progressivement le sabot de la jument. Tu t’es occupée de moi pendant cette semaine mieux que quiconque aurait pu l’imaginer, et je me sens horrible de t’avoir accusé comme je l’ais fait tout à l’heure. »

Le regard de la pégase s’éclaircissait, paraissant moins attristé. Elle finit par porter son attention sur Drawlife, ce qui l’encouragea à continuer.

« Je ne peut pas actuellement me racheter comme je le voudrais, donc mes plus plates excuses sont tout ce que je peut fournir. Si malgré ça tu m’en veux toujours, je comprendrais, et je préfère encore que tu me laisse à quelqu’un d’autre que de te voir continuer à t’occuper de moi contre ton gré. »

Fluttershy ne répondit pas tout de suite, et resta impassible pendant quelques secondes, forçant l’unicorne à retenir son souffle pour ne pas perturber ce moment crucial. Puis elle soupira, le poussa doucement du sabot pour l’intimer de s'allonger, puis remonta avec ses dents la couverture jusqu’à sa tête. Elle le fixa alors d’un regard faussement impérieux, absent de toute la peine qui émanait d’elle un peu plus tôt.

« J’accepte tes excuses, accorda-t-elle avec une pointe de malice dans la voix, mais il faudra maintenant que tu fasse tout ce que je te demande, et sans faire d’histoires ! »

Drawlife souffla de soulagement, content qu’elle réagisse aussi bien malgré l’état émotionnel dans lequel il l’avait involontairement mis.

« T’es une chouette fille je trouve, concéda l’unicorne avec un léger sourire

-  Tu en doutais ? minauda-elle en lui lançant un clin d’œil.

-  Je viens de me rendre compte que non. »

Elle pouffa légèrement, amusé par l’aveu de l’étalon. Puis sans qu’il s’y attende, elle posa ses lèvres sur son front, avant de lui souhaiter une bonne nuit et de monter dans sa chambre.

Drawlife resta coi, encore sous la surprise du baiser de la jument ailée. Ce n’était pas grand-chose, mais pourtant il avait senti une sensation électrique au contact des lèvres sur le duvet de son front. Malgré le soulagement d’avoir consolé la pégase, son cœur battait la chamade. Il tâta son front du sabot plusieurs fois, et se rappela que sa mère lui avait déjà communiqué son affection de cette manière, mais le baiser de Fluttershy n’avait pas le même effet.

Bêtement, il souriait, fermant les yeux pour tenter de trouver le sommeil malgré ce petit moment d’émotion. Tout ce temps perdu à rejeter l’attention des autres, ses convictions que le bonheur ne pouvait pas venir des autres, tout semblait s’en aller suite à ces quelques secondes de contact chaleureux avec une pégase. Il avait vraiment de la chance d’être tombé sur elle, d’abord en tant que muse, et maintenant en tant que tutrice attentionnée.

Un martèlement le tira de ses rêveries ; c’était Angel qui frappait rageusement la table sur lequel il était juché, le regardant d’un air accusateur.

« Jaloux ? »

Comme toute réponse, le lapin émit un bruit aigu qui s’apparentait à un soupir.

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