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Brasier Année Zéro

Une fiction écrite par BroNie.

Troisième partie : Étincelles

Celestia sentit la pellicule de glace craquer quand elle posa le sabot dessus. Avec un grincement sonore, une fêlure en zébra la surface, se développant en un motif qui rappelait un peu celui des toiles d’araignées. La lézarde atteignit les bords de l'ornière, et finit par céder totalement sous le poids de l'adolescente. Sa patte plongea droit dans l'eau glacée, jusqu'à l'ergot. Elle se dégagea immédiatement du trou et sentit le liquide dégouliner le long de sa patte, collant les poils entre eux. Elle surpris même quelques éclats de glace briller au milieu de son pelage, de la même façon que certaines mèches de sa crinière commençaient à scintiller, comme l'alicorne adulte qu'elle était en train de devenir.

Elle considéra un instant de se frotter la patte contre une des parois végétales qui l'entouraient, mais ça aurait sûrement été une mauvaise idée. Déjà parce que la neige s’amoncelait en paquets sur ces haies, et qu'elle craignait qu'un simple contact ne lui fasse tout dégringoler dessus mais aussi parce qu'elle n'avait pas de temps à perdre. C'était une course contre la montre après tout.

Bien sûr, elle aurait pu utiliser sa corne en jetant un sort de feu ou même se servir de ses ailes pour se sécher la patte, mais cela aurait violé la règle numéro un du jeu : pas d'ailes et pas de magie.

Discord avait été très strict quand ils avaient commencé à jouer ensemble. Aucun participant ne pouvait compter sur une aide magique ou physique. On devait terminer la partie sans tricher, à la régulière.

Enfin, « aucun participant »...autant dire Celestia. Elle était la seule à jouer avec le draconequus.

Leur première partie, ils l'avaient faite environ une semaine après le sacre d'Hélios et le réveil de Discord. Celestia s'ennuyait à mourir et son ami lui avait proposé un jeu : il cacherait un objet auquel elle tenait quelque part dans le château, et il laisserait des indices un peu partout pour qu'elle le retrouve. Celestia avait gagné assez facilement et n'avait pas été très longue à remettre le sabot sur le dessin d'elle que lui avait fait Luna pour son anniversaire. Discord avait alors proposé une partie plus dure, ce que Celestia avait accepté. Et depuis lors, les jeux n'avaient cessés de grimper en difficulté.

Ils jouaient en extérieur désormais tant pour des raisons pratiques que pour pouvoir échapper à la surveillance des parents de Celestia. Ces derniers étaient assez froids – surtout sa mère à vrai dire - à la vue de Celestia qui passait le plus clair de son temps libre avec Discord, alors qu'est-ce qu'ils auraient dit s'ils avaient su que le draconequus se servait de ses pouvoirs pour transformer le terrain de jeu !

Celestia ne savait pas comment son ami pouvait arriver à modifier la structure du sol, ou encore, à faire déplacer les arbres. Pas les déplacer non, les faire déplacer, en leur faisant pousser des jambes et des pieds !

Discord ne semblait pas très bien savoir non plus comment il réussissait ça, ce qui ne l'empêchait pas de le faire. Ses sorts étaient encore malhabiles et se brisaient souvent d'eux-mêmes mais à chaque partie, le draconequus affinait un peu plus son art magique.

La partie d'aujourd'hui se tenait dans les profondeurs de la forêt Evercon. C'était aussi la tranquillité du lieu qui avait poussé les deux adolescents – Celestia avait fini par découvrir qu'elle avait sensiblement le même âge que Discord – à le choisir comme terrain de jeu. Personne ne venait les embêter, ils étaient en paix pour leurs jeux.

Sans compter que modifier Evercon, les bois les plus contrôlés d'Equestria, c'était délicieusement ironique. Celestia savait qu'ils n'avaient sans doute pas le droit de faire ça, et qu'ils auraient été punis si on les avait surpris à faire courir un canal d'arc en ciel dans le sol, ou à faire pousser des champignons sur l'eau mais c'était justement ça qui était drôle. Discord avait un jour affirmé que les règles n'existaient que pour être violées, et l'esprit rebelle de l'adolescente alicorne s'y accordait parfaitement.

Celestia secoua plusieurs fois la patte, expédiant des gouttes d'eau aux alentours qui allèrent crever la couche neigeuse, puis se remit en route, faisant plus attention où elle posait les sabots.

Le jeu serait bientôt terminé, Celestia le sentait. Elle avait résolu la plupart des énigmes sans trop de difficulté même si une ou deux lui avait bien pris quelques longues minutes de réflexion. Mais elle allait bientôt gagner. Contre Discord, elle gagnait toujours.

Elle lui avait proposé plusieurs fois d'inverser les rôles, que ce soit elle qui prépare la chasse au trésor et lui qui prenne le rôle de l'aventurier, mais le draconequus avait repoussé l'idée. D'après lui, il s'amusait beaucoup plus en maître du jeu qu'en simple participant. Et quand Celestia lui avait demandé s'il n'en avait pas assez de perdre à chaque fois, son ami avait eut un petit sourire et répliqué qu'il ne perdait pas puisque au fond, il ne jouait pas vraiment non plus.

Les pas de l'alicorne l’amenèrent à ce qui semblait être l'intérieur d'un casino végétal avec une grande roue en bois multicolore qui tournait dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, des dés à sept faces qui se lançaient seuls, et surtout, une petite table, recouverte d'un tapis vert au sens propre puisque il était fait de mousse. Discord en personne semblait attendre Celestia, sa patte de lion et sa serre d'aigle entrecroisées pour soutenir sa tête. L'adolescente s'approcha alors que son ami s'adressait à elle :

_Je ne pensais pas que t'arriverais à gérer l'énigme du silence. Tu me surprends de plus en plus, Celestia.

_Je suis une fille pleine de ressources, tu devrais commencer à le savoir, lui répondit-elle avec un petit sourire en gagnant la table.

_Je vois ça, dit-il en claquant des doigts.

Dans un flash violet, quatre pierres grises identiques, au dos rond, apparurent sur la mousse entre les deux adolescents. Discord les retourna, dévoilant la face plane des cailloux. Deux étaient blancs comme la neige qui recouvrait Equestria, et les deux autres noirs comme la nuit. Discord remit les roches en place de façon à ce qu'on ne puisse pas voir de quelle couleur elles étaient, puis se mit à les mélanger manuellement.

_C'est la dernière épreuve, Celestia, expliqua t-il sans cesser ses mouvements. Tu as deux pierres noires et deux pierres blanches. Tu vas en choisir deux et les retourner en même temps. Si elles sont de la même couleur, donc, si tu tires le jeu blanc ou le jeu noir, tu gagnes. Sinon, la victoire est à moi.

Celestia fronça les sourcils sans cesser de perdre de vue les pierres qui glissaient sur la mousse avant de s'immobiliser. Discord ouvrit ses mains pour montrer qu'il ne cachait rien et fit un pas en arrière. Celestia plissa les yeux. Il y avait quatre possibilités : blanc-blanc, noir-noir, blanc-noir et noir-blanc. Ça faisait deux combinaisons gagnantes pour deux perdantes.

En d'autres termes, elle avait une chance sur deux de gagner, comme une partie de pile ou face.

C'était presque surprenant de la part de Discord de faire reposer l'épreuve finale sur ça. Elle avait quand même d'énormes chances de gagner, juste avec un peu de chance. Bah tant pis pour lui, il perdrait une nouvelle fois, c'est tout.

Celestia choisit les deux pierres du milieu et les retourna du museau. Elles étaient noires et blanches.

Elle avait perdu.

_Désolé Celestia, affirma le draconequus mais on dirait bien que pour une fois c'est moi qui...

_J'ai droit à un autre essai, le coupa t-elle d'un ton implacable. J'ai réussi toutes les autres épreuves, j'ai droit à un autre essai.

Discord haussa les épaules, l'air de dire « pourquoi pas » et remit les pierres en position cachée avant de recommencer son mélange. Les mêmes gestes se répétèrent, et l'alicorne se retrouva encore confrontée aux quatre roches immobiles.

Elle avait une chance sur deux, c'était sûr. Puisque elle avait perdu la première fois, ça voudrait dire qu'elle gagnerait cette fois ci ! Sûre de sa victoire, elle retourna les cailloux à l'extrémité droite et gauche de la ligne. Mais une fois encore, une roche était blanche et l'autre noire.

Celestia secoua la tête sans comprendre. Discord sourit et claqua des doigts. Dans un gigantesque éclat de lumière, le terrain de jeu se volatilisa dans son ensemble, casino végétal, labyrinthe, tout.

D'une seconde à l'autre, alicorne et draconequus étaient dans une des clairières d'Evercon, sous le soleil de l'hiver.

Discord avait dans sa patte de lion l'objet qu'ils avaient mis en jeu aujourd'hui, un des romans préférés de Celestia, celui là même qu'elle lisait quand elle était à l'école pour se sortir Regal, Séraphine et tous ses problèmes de sa tête.

Le draconequus regarda la couverture brune, l'ouvrit, feuilleta quelques pages avant de le refermer brusquement et de le caler sous son bras.

_Si j'étais à cheval sur les règles, expliqua Discord, j'aurais le droit de garder ton livre aussi longtemps que je veux. Mais je vais pas être vache non plus. Je le garde quelques semaines puis je te le rends.

_C'est sympa à toi, avoua t-elle.

_C'est normal. T'as quand même bien joué le reste du temps.

Lentement, les deux adolescents quittèrent la clairière en direction de l'orée d'Evercon, leurs sabots marquant la neige à chacun de leurs pas. Le vent, qui filait à travers les arbres nus et les sapins, était glacial mais revigorant. Cela poussa l'adolescente à réfléchir. Celestia n'arrivait toujours pas à comprendre comment elle avait pu échouer la deuxième fois.

Une chance sur deux. Qu'elle perde une fois, oui, mais deux ?

Ils étaient presque arrivés à la lisière de la forêt quand Celestia pila, le déclic venant de se faire dans son cerveau.

_Tu m'as eue, souffla t-elle à haute voix, interrompant Discord dans sa proposition de bâtir un fort de neige un de ces quatre avec Luna.

_Comment ça ? demanda Discord.

_Les pierres, dit-elle en se rapprochant de lui. J'avais pas une chance sur deux. Parce que si je retourne un caillou au hasard et qu'il est blanc, il me reste encore deux noirs pour le dernier blanc. Donc j'ai plus de chance de tirer la mauvaise paire que la bonne.

Discord marqua un temps d'arrêt, puis battit trois fois de ses pattes en un applaudissement muet.

_Félicitations, dit-il sur un ton un peu ampoulé, t'es plus forte en maths que je ne le pensais.

_C'était pas régulier ! s'exclama Celestia en tapant du sabot par terre, éclaboussant Discord et elle-même de neige. T'as triché.

Discord écarquilla les yeux, l'air visiblement surpris, avant de lentement se brosser la fourrure.

_J'ai pas triché Celestia, j'ai jamais dit que tu avais une chance sur deux de gagner. C'est toi qui y a pensé la première. J'ai fait que proposer une partie de bonneteau, c'est tout. Tu pouvais refuser de jouer.

_Règle deux, cita Celestia d'un ton expert, tout le monde joue ou la partie est terminée. Dans ce cas là, le maître du jeu – toi – gagne. J'étais obligée de jouer. Et donc de perdre.

Discord commença par pouffer avant de rire franchement.

_D'accord, admit-il, j'ai peut-être un peu manipulé la chance. Mais bon ça ne serait pas amusant si on ne pouvait pas changer un peu les choses pas vrai ? C'est comme là, regarde, on est au milieu de l'hiver, rien ne pousse et pourtant...

Discord eut un geste circulaire de la main et l'ouvrit, révélant un gros coquelicot rouge sang.

_...on peut faire apparaître de jolies choses quand même non ? demanda t-il en glissant la tige de la fleur dans les cheveux roses de Celestia, juste au dessus de son oreille gauche. Et voilà votre coquelicot d'hiver made in Everfree mademoiselle la princesse.

Celestia sourit et se sentit un peu rougir. A cause de la fleur, de la petite attention de Discord, du fait qu'il venait d'utiliser son titre, ou qu'il venait de prononcer le surnom qu'ils donnaient à Evercon quand ils s'y trouvaient tous les deux, Everfree. Parce que tout y devenait libre.

Et Celestia en avait besoin de cette liberté. Elle avait cru que ça serait bien de quitter l'école et c'est vrai que c'était plutôt appréciable de ne plus croiser le museau de Séraphine dans la cour, mais personne n'avait dit à Celestia qu'être princesse serait aussi barbant. Elle devait apprendre à bien se tenir, à bien parler, à se comporter comme une poupée de porcelaine alors que pulsait dans son corps une irrésistible envie d'envoyer tout balader. Au moins, ses parents s'ils devaient eux aussi faire bonne figure en toutes circonstances, ils avaient la politique pour se distraire.

Celestia avait d'abord pensé compter sur sa sœur pour égayer ses journées ou du moins, partager son ennui mais

Luna était trop petite pour qu'on l'embête vraiment avec ça et le comble, c'était qu'elle se piquait au jeu de l'étiquette et du nous royal.

Celestia n'avait que Discord en fin de compte.

Il était bizarre, il avait cet humour un peu particulier, on ne savait jamais vraiment ce qu'il avait en tête, mais c'était son ami après tout.

Les deux adolescents gagnèrent la sortie d'Evercon et Celestia jeta un regard à Discord. Ce dernier hocha la tête et d'un sort, transforma son apparence. Un flash de lumière plus tard, le draconequus ressemblait à un pégase brun tout à fait ordinaire. C'était une des consignes de sécurité imposées par Hélios avant qu'il ne laisse sortir Discord à l'extérieur de ses appartements. Il devait se déguiser en poney afin de ne pas attirer l'attention sur lui. Il était très rare en réalité, sorti de leurs jeux, que Discord prenne sa véritable apparence de draconequus. Hélios avait poussé le secret jusqu'à se débrouiller pour que les serviteurs du château eux-mêmes ignorent à quoi ressemblait vraiment Discord et à jeter un sort d'amnésie sur les pages qui l'avaient gardé le jour du sacre.

Celestia ne comprenait pas pourquoi son ami était obligé de se cacher même si elle-même se demandait encore d'où est-ce qu'il pouvait venir. Elle avait eu une sérieuse dispute avec ses parents sur ce propos. Et les explications de son père et de sa mère n'avaient pas dissipé son incompréhension. Elle trouvait ça injuste qu'il soit obligé de se camoufler, comme s'il était une sorte de monstrueuse créature.

Discord lui-même semblait plutôt bien prendre la chose et de son propre aveu, marcher sur quatre pattes était assez agréable.

Alicorne et draconequus – ou pégase dans ce cas précis – déployèrent leurs ailes et s'envolèrent en direction de Canterlot. Celestia ne savait pas comment elle aurait fait pour vivre sans ailes. C'était un tel plaisir de faire porter par le vent, de sentir la caresse de l'air contre ses plumes.

Quelquefois, elle se demandait si les poneys et les licornes se rendaient compte que la nature les avait arbitrairement privés de ce plaisir. Et encore les licornes elles, pouvaient compter sur la magie, les poneys non. C'était peut-être les terrestres les plus à plaindre.

Le froid de l'hiver était mordant mais Celestia refusait de mettre des habits chauds. D'une parce en tant qu'alicorne, elle avait très peu de chances d’attraper un rhume et de deux, parce qu'elle ne voyait pas l'utilité des habits. En tant que princesse d'Equestria, elle devrait se pavaner dans des robes extravagantes, toutes plus belles les unes que les autres mais elle estimait avoir déjà assez donné au sacre, il y a six mois. Elle ferait bien un effort dans quelques jours, avec la Veillée Chaleureuse mais c'était bien parce que c'était la fête la plus importante d'Equestria.

Au terme de leur vol, Celestia et Discord atterrirent dans une petite cour intérieure du château, se retrouvant une fois de plus avec de la neige jusqu'aux ergots. Les pages avaient balayé la cour ce matin, mais il avait neigé toute la journée et d'ailleurs, les flocons continuaient encore à tomber. Les pégases du Commandant Tramonstane faisaient de leur mieux pour offrir une Veillée Chaleureuse blanche aux equestriens, quitte à faire un peu de zèle.

Celestia se dit qu'elle ne serait pas contre un bol de chocolat chaud. Elle proposa à Discord de se joindre à elle. Ce dernier secoua la tête et ouvrit la bouche pour lui répondre, prenant en sabot le livre qu'il transportait dans la gueule depuis lors.

_Non merci. Je vais bouquiner un peu et faire une sieste.

L'adolescente eut un mouvement du museau et quitta la cour en direction des cuisines, contrairement à Discord qui regagnait sa chambre.

Elle déposait de la neige un peu partout dans les grands couloirs mais ne s'en souciait pas plus que ça. Les serviteurs seraient là pour passer un coup de serpillière n'est-ce pas ?

Les cuisines du château des licornes de Canterlot était un vaste ensemble de pièces assez basses de plafond, où les fourneaux tournaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre, occupés par des poneys cuisiniers qui se relayaient. En théorie, si Hélios, Aztarté ou n'importe quel membre de la famille royale voulait qu'on lui serve des pâquerettes sautées à deux heures du matin, les serviteurs n'avaient pas intérêt à oublier la sauce. La réalité était plus souple, tant il était rare que le roi des licornes demande aux cuisines de travailler à des heures indues, sauf cas exceptionnel.

Quand Celestia pénétra dans la première cuisine, les poneys qui s'y trouvaient enlevèrent leur toque et se penchèrent respectueusement à l'attention de la jeune princesse.

_Mademoiselle Celestia, l'apostropha le poney le plus proche d'elle, est-ce que nous vous faisons servir votre goûter comme d'habitude ?

_Oui, chocolat et céréales. Et confiture à l'abricot cette fois.

_Bien mademoiselle. J'en profite pour signaler à mademoiselle que la sœur de mademoiselle a commencé à goûter dans le salon bleu.

_Alors portez-y mon chocolat, ordonna Celestia en se dirigeant à petits pas vers le salon en question.

Le salon bleu n'avait en fait, rien de bleu. Dans l'ancien temps, c'était effectivement à cause de ses tentures de velours outremer qu'on avait qualifié la pièce, par métonymie, de salon bleu. Aujourd'hui, c'était plutôt des tons blancs qui dominaient, avec une grande table en bois très clair et de confortables coussins brodés. L'un deux était occupé par la petite sœur de Celestia, Luna, qui releva le museau de son bol de lait froid et sourit de ravissement en voyant l'adolescente la rejoindre.

_Tia ! s'exclama Luna. Nous sommes super méga contente que tu sois là !

_Tu sais Lu, lui fit remarquer Celestia en posant ses fesses sur un des coussins, si tu veux utiliser la voix royale traditionnelle de Canterlot, tu devrais arrêter de dire « super méga ». C'est pas très princesse.

Luna lui jeta un regard, l'air de dire « et c'est toi qui me reprend sur ma façon de parler ?» avant de recommencer à laper le contenu de son bol de lait. Elle se consacra à sa tâche quelques minutes tandis qu'un page entrait, portant le propre goûter de Celestia. La princesse eut un mouvement de patte tacite de reconnaissance alors que le serviteur versait le lait brûlant dans le bol où reposait la poudre de cacao, faisant naître du chocolat moussant. Puis, après avoir disposé sur la table une boite de céréales, un petit pot de confiture d'abricot et trois tranches de pain grillé, le page se retira.

Celestia laissa refroidir son bol un instant, étala la confiture sur une des tartines et mastiqua lentement. Ses pensées furent interrompues par Luna qui avait repoussé son bol sur le côté sans le finir totalement et qui pointait sa sœur du sabot.

_C'est joli ça, dit-elle en désignant quelque chose juste au dessus du regard de Celestia. C'est quoi ?

Par réflexe, Celestia tâtonna de la patte et sentit la fleur que Discord lui avait glissé dans les cheveux un peu plus tôt.

Se giflant mentalement de ne pas l'avoir ôtée plus tôt et sentant le rouge lui colorer les joues, elle la retira de sa crinière, mettant le coquelicot hors de portée de la vue de Luna.

_C'est rien, Lu.

_C'était une fleur ! s'exclama une Luna toute sourire. Et vu comment tu rougis, c'est un cadeau.

_Non.

_Un cadeau de qui ? se demanda la petite alicorne à haute voix en se frottant le museau pour s'aider à réfléchir. Papa et maman non. De moi non parce que moi je t'offre des dessins...ah je sais ! affirma t-elle en tapant du sabot sur la table. C'est un cadeau de ton amoureux ! T'as un amoureux !

_Même pas vrai, nia l'adolescente.

_Tia est amoureuse, Tia est amoureuse, Tia est amoureuse, chantonna la petite pouliche sur un air répétitif alors qu'elle battait des sabots pour donner la mesure.

_Lu ? demanda Celestia d'un air extrêmement sérieux alors que sa petite sœur continuait de fredonner sans s'arrêter.

_Oui Tiamoureuse ?

_T'as du lait sur le museau.

Luna se tâtonna les naseaux, l'air circonspecte.

_Je sens rien du tout moiiiaaaaaaa !

Avant que Luna n'ait pu faire un geste, de sa corne, Celestia s'était emparée du bol presque fini de sa sœur et en avait projeté le contenu sur la petite alicorne. La fourrure violette de Luna était à demi-blanche désormais.

_Regarde mieux, insista Celestia en restant extrêmement sérieuse. Je te jure que t'en a un peu.

L'adolescente souffla sur son chocolat chaud et se mit à le boire à petites gorgées, gardant toujours un œil sur sa sœur en cas où Luna décide de prendre sa revanche.

Non mais franchement dire qu'elle était amoureuse de Discord, n'importe quoi ! C'était son ami et probablement son meilleur ami (être le seul en lice devait aider au classement) mais ça n'allait pas plus loin.

Franchement, lui imaginer des sentiments pour Discord...Celestia avait plus de chance de se transformer en pierre.

Et tandis qu'elle buvait son chocolat, sans même s'en apercevoir, l'adolescente replaçait le coquelicot bien à l'abri sous sa grande chevelure rose.

¤¤¤

Discord avait à peine refermé la porte de sa chambre d'un coup de sabot qu'il avait repris son apparence de draconequus.

Le principal problème de ce sort de camouflage c'était qu'il était assez pénible à maintenir en place. Discord préférait s'en défaire dès qu'il en avait l'occasion.

Il contempla la petite pièce qu'il occupait au château, propre et bien ordonnée. Elle l'était si bien que le draconequus devait se faire violence pour ne pas tout mettre sans dessus dessous mais il arrivait à tenir le coup. Il modifiait suffisamment la réalité lors de ses jeux avec Celestia pour savoir se retenir quand il le fallait.

Le chaos. Discord était né pour ça. Au sens propre.

C'était un fait, le draconequus était là pour tordre la réalité dans tous les sens, pour apporter un peu d'agitation dans un monde trop calme. Il ne savait pas pourquoi il avait cette envie tapie au fond de lui qui le poussait à claquer des doigts et à altérer ce qu'il voyait. Il le faisait c'est tout. Même ici alors que depuis six mois, il vivait confortablement par rapport à ce qu'il avait connu dans sa caverne, où il avait été blessé par une créature qu'il avait tué en se défendant.

Les souvenirs de Discord étaient flous. Sur la créature elle-même comme sur le reste. Il savait qu'il n'avait pas toujours grandi dans une grotte sans savoir exactement où. Il savait que le fait qu'il puisse lire, parler et comprendre les poneys venait bien de quelque part. Mais il n'avait aucune idée d'où. Il savait qu'il était un draconequus, il savait qu'il s'appelait Discord et qu'il aimait transformer l'ordre en chaos. C'était à peu près tout.

Comprendre d'où il venait vraiment, qui il était, cela faisait partie des choses que le draconequus avait mis sur sa liste de choses à faire plus tard. Pour l'instant, il voulait remercier les parents de Celestia de l'avoir soigné quand il avait été blessé et remboursait ce qu'il considérait comme une dette en travaillant pour Hélios. Le roi avait ordonné le ravalement complet de plusieurs pièces du château qui dataient de l'époque des précédents monarques. Discord s'était proposé pour effectuer le travail. Actuellement, il travaillait à redonner ses marques de grandeur à une fresque au plafond du vestibule, entièrement à la précision de ses sabots. Pas de magie, le tout sous son déguisement de pégase. Il était toujours tenté de briser l'harmonie d'une ligne ou de barbouiller de peinture un détail mais il s'efforçait pour une fois, de retenir sa volonté chaotique. Peut-être par respect envers Hélios, il n'en savait là encore pas très bien la cause. Mais c'était le seul moment où il respectait l'ordre établi et même mieux (ou pire ?), y participait.

Discord jeta le livre qu'il avait toujours dans la patte sur son lit et alla s'allonger pour commencer à le lire. Ses yeux s'attardèrent sur la quatrième de couverture. Une histoire de guerre, d'amours passionnées, de personnages jusqu'au boutistes et manipulateurs. Celestia avait bon goût pour sa littérature. Discord sourit en retournant le roman et répéta à voix basse le titre qui s'étalait en lettres dorées sur la couverture. Autant en emporte le foin.

Discord s'étira jusqu'à faire craquer quelque chose dans son dos, se cala contre son oreiller et commença sa lecture.

¤¤¤

D'un souffle discret, Hélios fit valser une feuille qui s'était perdue sur son épaule. La feuille repartit en l'air un court instant avant de s'écraser silencieusement au sol.

Le roi leva le museau en direction des grands arbres qui perdaient lentement leur feuillage.

Les jardiniers avaient beau faire tout leur possible pour protéger les plantes, elles souffraient malgré tout du temps et ça, malgré la protection vitrée du jardin d'hiver. L'alicorne retourna silencieusement auprès de son hôte, Eliah, le Negusse Negest des zèbres qui observait les jardins royaux de Canterlot sous la neige.

Le zèbre avait un sourire ravi et il était dur pour lui d'arracher son attention du spectacle hivernal.

Ce n'était pas la première fois que le Négus séjournait en Equestria. Techniquement, c'était même la troisième, mais ses deux premières visites s'étaient faites en été. A trente-sept ans, l'Empereur voyait la neige pour la première fois de sa vie et était heureux comme un zébreau.

_Pourquoi est-ce qu'on a pas de dieu des neiges ? commenta Eliah à voix haute. C'est tellement beau...

Hélios sourit. L'émerveillement du chef d'Etat étranger était touchant. Quelque part, il lui rappelait un peu l'attitude qu'avait eu Luna quand elle avait vu la neige pour la première fois et qu'elle y avait posé un sabot intrigué. Hélios se souvenait encore du petit cri de sa fille quand elle avait vu sa patte traverser le sol et devenir toute froide !

Celestia, autant qu'il s'en souvienne, à l'Elysium avait eu une attitude presque blasée au début, comme l'air de dire que ça ne l'intéressait pas. Jusqu'à ce qu'un flocon tombe à l'extrémité de son museau et que la petite alicorne passe de longues secondes à le regarder fondre sans bouger. Puis Celestia s'était mise à courir comme une folle dans le grand jardin, manquant de massacrer les plantes de sa mère dans la foulée. Au moins, Celestia était toujours proche de la nature même si ce qu'ils avaient en Equestria ne ressemblait en rien aux merveilles qu'ils avaient connues à l'Elysium.

Elle allait peut-être un peu trop à Evercon ces derniers temps d'ailleurs. Hélios laissait faire pour l'instant : après tout, la Veillée Chaleureuse approchait à grands pas, c'était la fin de l'année, mais il passerait quelques tours de vis après la fête. Celestia était une princesse maintenant. Il était temps qu'elle s'habitue aux affaires de l'Etat. Luna ne ferait pas de difficultés sur ce terrain là mais elle était encore trop jeune, sans compter qu'elle n'était pas l'aînée. Ca serait donc à Celestia que reviendrait le trône quand Hélios ne serait plus là. Quoique l'idée de léser sa fille cadette ne l'enchantait guère non plus. L'idéal aurait été qu'elles gouvernent à deux. Hélios avait encore le temps de se pencher sur la question mais il ne pourrait pas éviter ce problème ad vitam aeternam.

L'autre problème c'était Discord. Le draconequus avait parfaitement récupéré et pour prouver sa reconnaissance au couple royal, il s'était mis en tête d'aider aux travaux de ravalement du château. Hélios n'avait rien à dire là dessus, il travaillait bien et de façon plutôt soigné. Mais il passait vraiment pas mal de temps avec Celestia. L'adolescente n'avait jamais vraiment eu d'amis à l'école depuis leur arrivée précipitée en Equestria et Discord semblait être le seul avec qui elle s'entendait bien sorti du cercle familial. Hélios était plutôt content de cette situation, au contraire d'Aztarté, qui ne pouvait voir dans Discord que la créature de Lucimare. Les impressions d'Hélios étaient différentes.

Il sentait cette magie chaotique en Discord mais le draconequus ne la maîtrisait pas encore, il n'avait pas encore conscience de son propre pouvoir. L'alicorne était prêt à parier qu'il avait modifié sa grotte sans même y penser, peut-être simplement dans son sommeil, inconsciemment.

Hélios voyait du potentiel dans Discord et était persuadé qu'il pouvait en faire quelqu'un de bien. Et puis quelque part, Hélios se disait que s'il arrivait à faire de Discord quelqu'un de bon, ça pourrait peut-être aider sa femme à surmonter le traumatisme Lucimare. C'était un coup à tenter. Quelle revanche ça serait sur Lucimare : un de ses esprits du chaos, employé à bâtir plutôt que détruire ! L'alicorne folle s'en retournerait dans sa tombe si elle en avait une.

Avec un petit soupir, Eliah s'éloigna de la fenêtre embuée.

_Vous savez Hélios, lui dit le Négus avec un petit sourire, je suis ravi que vous m'ayez invité à passer quelques jours chez vous.

_C'est moi qui suis ravi d'être votre hôte, lui répondit l'alicorne.

_Je suis sérieux, insista le Négus. Surtout quand je sais que votre grande fête approche.

_C'est justement parce que la Veillée Chaleureuse se tiendra dans quelques jours qu'il est encore plus normal de vous recevoir, Eliah. C'est une fête qui célèbre la paix, le partage, l'amitié. Je ne vois aucune raison de ne pas convier des invités qui vivraient en dehors des limites d'Equestria.

_Votre Veillée Chaleureuse célèbre aussi la naissance de votre nation non ?

_Aussi. Quand les trois tribus, les poneys, les pégases et les licornes ont décidé de vivre ensemble et non plus chacune de leur côté.

_Et les alicornes ? demanda Eliah. Que faisaient-elles à la première Veillée Chaleureuse ?

_Que je sache, répondit Hélios après un temps de réflexion, elles devaient vivre à l'Elysium, à l'écart, comme elles le font encore aujourd'hui.

_C'est amusant d'ailleurs. Que vous, une alicorne soit devenu roi des licornes.

_Je n'ai rien demandé vous savez. Je me contente d'accepter le sort que le destin nous réserve.

_Mon frère dirait qu'il faut se plier à la volonté des dieux, dit le Négus en passant son sabot sur le tronc d'un arbre. Et que c'est grâce à eux que je suis Negusse Negest et lui Grand Shaman. Il oublie peut-être que si les dieux m'ont mis la couronne sur la tête, ils ont pris soin de faire périr tous les autres prétendants dans une gigantesque guerre civile. Et que j'étais le dernier encore debout à pouvoir rallier les tribus. Enfin...

Il eut un soupir triste.

_Je ne me plains pas. J'aurais pu mourir comme les autres et rejoindre la Grande Plaine des ancêtres et voilà que je me tiens encore sur la Petite, à découvrir des phénomènes que je n'avais jamais connu. Comme la lune par exemple. Quand j'étais petit, mon père m'avait raconté que c'était une perle, offerte par les zèbres à Mbaba Mwana Waresa, la déesse du ciel. Et que chaque nuit, elle tendait la main pour en prendre un bout. A la fin du mois, elle se rendait compte de son avidité et honteuse, elle remettait la perle en place, morceau par morceau. Mais elle ne pouvait jamais s'empêcher d'y toucher très longtemps et le cycle recommençait.

_C'est une très jolie légende, admit Hélios.

_Mon frère y croit dur comme fer, ajouta Eliah. Mais c'est vrai que je présume que si le Grand Shaman lui-même ne croit pas aux dieux, ça peut poser problème.

_Et pas vous ?

_Je suis avant tout le gardien de mon peuple comme vous êtes celui d'Equestria. Je laisse les affaires du ciel aux dieux, je me contente de ce qu'il se passe en bas. C'est déjà assez complexe comme ça.

Le Negusse Negest marqua une pause avant de reprendre :

_D'ailleurs, je pense que la Veillée Chaleureuse sera le bon moment pour signer cette alliance que nous bâtissons depuis six mois.

Hélios eut un mouvement affirmatif du museau. Eliah était venu lui proposer cet accord presque immédiatement après avoir assisté à son sacre, et ils avaient passé les deux derniers trimestres à s'entendre sur les termes exacts du traité. Hélios avait dû batailler contre son propre camp, très peu enclin à se rapprocher de ceux qu'ils considéraient comme des sauvages. Faire du commerce avec les zèbres passait encore mais de là à aller plus loin...

Hélios leur avait rappelé les liens d'amitiés qui existaient du temps d'Aurum Ier avec le peuple zèbre mais globalement, le cabinet diplomate licorne s'était montré très froid.

De leur côté, le Chancelier Strawberry avait tenté de plaider les opportunités commerciales accrues qu'apporterait ce traité tandis que le Commandant Tramonstane avait fait l'éloge martiale des guerriers zèbres, mais comme le terrestre et le pégase n'avaient qu'un rôle consultatif sortis de leurs domaines réservés...

Hélios n'avait cependant techniquement qu'à apposer sa signature personnelle pour entériner le traité d'alliance, mais il préférait quand même avoir l'aval de son cabinet.

_Je le pense aussi, répondit Hélios. Sabot dans le sabot, nos peuples n'en seront que plus forts.

_Parfait ! s'exclama Eliah avec un grand sourire. Et je suis sûr que Habte fera un parfait mari pour votre fille !

_Pardon ? demanda Hélios en cillant plusieurs fois, sûr d'avoir mal entendu.

_Et bien oui, poursuivit le Négus, il est de tradition de sceller une alliance par un mariage entre les enfants des monarques. On marie généralement les enfants aînés pour renforcer encore plus l'amitié entre les peuples amis.

_Mais, mais, mais...répéta Hélios. Celestia a dix-sept ans, vous le savez ?

_Elle est un peu vieille, admit Eliah en haussant les épaules mais je vous assure que Habte n'est pas un zèbre difficile. Nous pourrons même célébrer le mariage à la coutume equestrienne si vous le désirez. Mon frère demandera juste à faire quelques sacrifices en début de cérémonie.

Désarçonné, Hélios chercha du sabot un support où s’asseoir. Il allait peut-être rediscuter un peu avec le Negusse Negest des termes précis du traité d'alliance avant de signer tout compte fait.

¤¤¤

La salle du trône de GrandNid était froide et austère, comme tout ce qui avait trait à la capitale griffon. Les architectes de la Horde avaient bâti GrandNid pour son côté fonctionnel, pas pour qu'il soit beau à regarder ou qu'il soit agréable d'y vivre. Mais les griffons qui y vivaient s'en accommodaient très bien. Un mode de vie à la dure ne les gênait pas : la plupart avaient passé leur jeunesse à suivre leurs clans nomades, restant une semaine ici, un mois là bas, à vivre sous des tentes. Au moins, GrandNid leur offrait un minimum de stabilité à défaut de confort.

Attablé autour de la grande pierre couverte de runes, Gver, Seigneur-Aile et maître absolu de la Horde Griffon s'entretenait à voix basse avec Gexan, son Seigneur-Bec, sous le regard attentif de Géric et de Gaven, les deux grands Seigneurs-Serre griffons.

Le poste de Seigneur-Bec était tout récent dans l'histoire de la Horde, il n'existait pas avant que Gver ne prenne le pouvoir et ne décide de le centraliser.

Contrairement au poste de Seigneur-Serre, il n'impliquait pas de commandement militaire, mais des responsabilités politiques et diplomatiques. Le Seigneur-Bec était le premier représentant du chef de la Horde dans tout l'Etat griffon et lui servait également de plénipotentiaire ou d'ambassadeur auprès des autres nations quand la situation l'exigeait. La talent de Gexan lui avait fait aussi ajouter la corde de conseiller personnel à son arc. A bien des égards c'était la patte droite du Seigneur de GrandNid, et un des griffons qui avait le plus de pouvoir au sein de la Horde.

Gexan n'était toutefois pas l'héritier officiel du Seigneur-Aile, c'était Gabia, la petite fille de Gver qui était officiellement attendue pour prendre la relève le jour de la mort de son grand-père. Mais pour ce qui était de la succession, la Horde était prête à faire ce qu'elle faisait de mieux depuis la nuit des temps : s’entre-tuer jusqu'à ce qu'un seul clan ne se hisse au dessus de la pyramide et ne nomme son leader Seigneur-Aile.

C'était cette instabilité politique qui avait poussé Gver à réformer la Horde, à la stabiliser. Hélas, la mort de son fils et la défaite contre Equestria mettaient sérieusement en péril ses projets. Gexan lui assurait toutefois, qu'avec le concours de leur nouvel allié, la Horde saurait rebondir.

Gver n'était pas aussi confiant que l'était son Seigneur-Bec là dessus. C'était une bonne chose qu'une licorne ait décidé de trahir les siens en proposant à la Horde un moyen d'échapper à l’infamant traité de paix signé voici six mois, mais le Seigneur-Aile doutait fortement qu'un seul poney puisse faire la différence. Sans compter que le marquis Nobilitas – le nom de leur tout nouvel allié – leur proposait davantage un complot que quoique ce soit. Et Gver n'était pas griffon de complots. C'était un guerrier qui combattait ses ennemis au grand jour, dans l'honneur, serres contre sabots, bec contre crocs. C'était ainsi qu'il avait gagné sa place de Seigneur-Aile, ainsi qu'il l'avait défendue, ainsi qu'il avait gouverné pendant trente ans. Mais peut-être était-il un peu vieux jeu.

Un Gexan était bien plus versé dans ce qu'il appelait « la politique réaliste » qui consistait à dire que la fin justifiait les moyens. Connaissant son Seigneur-Bec comme il le connaissait, Gver se demandait toutefois si le premier diplomate de GrandNid n'employait pas plutôt le mot « faim ».

Laissant Gexan exposer en détail un de ses points de vue, Gver releva la tête et nota que Géric et Gaven avaient une attitude des plus calmes : les deux griffons avaient croisé les serres sur la grande table de pierre et se contentaient d'attendre que le Seigneur-Bec ait fini de parler.

Quelquefois, Gver aurait bien aimé n'être qu'un Seigneur-Serre. Un poste purement militaire, sans responsabilité politique. Juste à diriger les troupes et à les mener à la victoire. Mais Gver avait lutté pour devenir le maître de GrandNid, il avait combattu les autres clans en y laissant des plumes. Il ne pouvait pas cracher sur son devoir une fois en poste. Ça aurait été une insulte à la mémoire de tous les griffons de son clan qui étaient morts pour lui permettre de devenir Seigneur-Aile. Et il aurait aussi manqué de respect à ses ennemis par l'occasion.

Une toux discrète interrompit Gexan dans son débit, Gver dans sa réflexion et les Seigneurs-Serre dans leur immobilisme. Les quatre griffons se retournèrent pour découvrir le soldat de garde, lance à la patte qui signalait d'un petit coup de tête à l'assemblée la présence de leur hôte derrière la porte. Gver lui fit signe de l'introduire.

Nobilitas ne se fit pas attendre longtemps. La licorne pénétra presque immédiatement dans la salle, bombant le torse et relevant la tête.

Gver, en sa qualité de maître de GrandNid, fut évidemment le premier à se lever et à s'adresser à lui :

_Marquis Nobilitas . Je vous salue et j'honore les morts de votre famille.

_Je suis sûr qu'il en sont ravis, lâcha dédaigneusement la licorne, prenant place autour de la pierre.

Gver eut un petit coup d'oeil en direction de son Seigneur-Bec qui lui conseilla tacitement de laisser passer le fait que Nobilitas venait de délibérément ignorer le salut traditionnel griffon. Si le Seigneur-Aile s'était écouté, il n'aurait même pas prolongé la discussion. Mais enfin, Gexan avait raison sur un point : Nobilitas était leur allié, ils ne devaient pas le brusquer.

_Vous avez fait bon voyage ? demanda poliment le Seigneur-Bec.

_Caché dans le double fond d'une montgolfière comme de la marchandise de contrebande, c'est pas des plus agréables pour voler.

Gexan eut un petit rire qui se voulut navré :

_Ce n'est pas à vous que je vais apprendre que les pégases equestriens surveillent la Horde de très près. S'ils apprenaient que nous vous recevons ici, ils pourraient commencer à se douter de quelque chose.

_Leur commandant en chef est un abruti de militaire, rétorqua Nobilitas, et même si ça sonne comme une redondance, c'est vraiment le cas.

Gver, Géric et Gaven, les trois plus hauts responsables militaires de GrandNid s'échangèrent un regard lourd de sens que le marquis ne remarqua pas, trop occupé à déverser sa bile contre le Commandant Tramonstane.

_Et en plus, ce fichu pégase s'est amusé à me prendre de haut. Moi, le marquis Nobilitas, un des sangs les plus bleus de la race des licornes !

Ce qui était faux d'ailleurs. Son titre de noblesse, sa famille l'avait acheté voici des années et le rang lui-même de « marquis » n'était pas exceptionnellement élevé, comme le lui avait si bien rappelé Ira. Mais ça, ses hôtes n'étaient pas obligé de le savoir. Ni Nobilitas lui-même, de savoir que par tradition clanique, les griffons estimaient moins la naissance que le talent martial.

_Le Commandant Tramonstane aura ce qu'il mérite, assura Gexan d'un air doucereux. A ce propos, si nous vous avons demandé de venir ici, c'était pour mettre au point les derniers détails de l'opération.

_Quels détails ? demanda Nobilitas. On frappe à la Veillée Chaleureuse, comme prévu.

_C'est déjà un des points sur lequel le Seigneur-Aile Gver...

Gver coupa la parole à son diplomate, préférant défendre ses positions seul :

_Je n'aime pas l'idée d'une attaque pendant la grande fête equestrienne. C'est un jour sacré pour votre peuple, nous respectons cela.

_C'est justement parce que c'est un jour sacré que personne ne s'attendra à l'attaque, objecta un Nobilitas méprisant. Il n'y aura qu'un minimum de gardes en faction à Canterlot, les trois quarts seront en famille ou en train d'assister aux pièces de théâtre. Le dernier quart sera fin saoul avant minuit.

_Nous pourrions attaquer le lendemain, proposa Géric. Les gardes pégases seront toujours fatigués et nous respectons les lois de la guerre.

_Vous êtes bouchés ou quoi ? objecta le marquis. Tramonstane s'attend à un mouvement griffon, il l'a assez répété. Le seul moment où il baissera la garde, ça sera à la Veillée Chaleureuse, dans une semaine !

_Sans même parler du jour, recentra le Seigneur-Bec, nous avons encore du mal à comprendre quel sera notre rôle précis dans cette affaire.

_C'est simple : un peu avant la Veillée, vous faites partir un groupe de griffons que vous mettez en embuscade, pourquoi pas dans la forêt Evercon. A la Veillée, le Seigneur-Aile Gver et ses griffons sont attendus pour rendre officiellement les armes, en vertu de la ratification du traité. Vous n'aurez qu'à attendre mon signal pour prendre le conseil régnant en otage pendant que vos troupes attaquent Canterlot. La ville en votre possession, vous forcez le conseil à abdiquer. A partir de là, j'interviendrais avec mes barons et nous prendrons officiellement le pouvoir. Notre premier acte sera de rendre caduque le traité d'armistice et de libérer la Horde de ses obligations envers Equestria.

_Je veux bien que vous forciez le roi Hélios à abdiquer, mais le Chancelier Strawberry ou le Commandant Tramonstane, que je sache, ils ne peuvent pas techniquement abdiquer, releva Gexan.

_Ces détails là sont pour moi et mes licornes. Vous, vous avez juste à attaquer quand vous en recevrez l'ordre. Vous pensez pouvoir y arriver ?

_La Horde est toujours prête, répondit Gaven.

_Alors c'est parfait ! s'exclama Nobilitas en se relevant. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

La licorne fit quelques pas en direction de la sortie avant de s'immobiliser.

_Plus sérieusement, ne me décevez pas.

Et Nobilitas repartit, laissant le Seigneur-Aile Gver souffler par les narines d'exaspération.

_Il est si arrogant...

_C'est une licorne, dit Gexan avec fatalisme.

_Tu penses que son plan peut réussir ?

_On en a pas vraiment d'autre si on veut échapper au désarmement total. Et nous savons tous les quatre ce qui se passera si nous rendons vraiment les armes à la Veillée Chaleureuse.

_Nous nous battrons pour protéger GrandNid ! s'exclamèrent en même temps les Seigneurs-Serre.

_S'il vous plait, dit Gver avec un geste de la patte, pas de beaux discours, d'accord ? Si le désarmement à lieu, c'est la guerre civile et vous vous retrouverez sûrement dans vos propres camps contre moi. Je ne vous accuse de rien. C'est comme ça que la Horde fonctionne quand quelque chose va mal. Nous nous faisons la guerre.

_Ca se passera bien, lui assura Gexan. Nous préparons cette opération depuis six mois maintenant. Ca va regonfler le moral des troupes. Et une fois la Horde libre de ses réparations d'armistice, nous pourrons porter notre regard sur d'autres ennemis, plus faibles. Il va falloir effacer la défaite des trois dernières années.

_On m'a dit que les chiens diamants s'agitent encore à l'ouest, fit remarquer Gaven. Nous pourrions renouer avec de bons souvenirs.

_Et il nous reste encore les ânes, ajouta Géric.

_Sans oublier les zèbres pour un peu plus tard, termina Gexan.

Gver, Seigneur-Aile de la Horde hocha la tête. Ces guerres à venir occuperaient assez son peuple pour lui permettre de passer de nouvelles réformes et attendre que Gabia soit en âge de devenir pleinement Seigneur-Plume. La stabilité de GrandNid serait assurée.

Tout ce qui se dressait maintenant entre la Horde et son avenir radieux, c'était une opération militaire qui ne prendrait pas plus de quelques heures.

Tout compte fait, si c'était pour sauvegarder le futur de son peuple, le Seigneur-Aile pouvait presque envisager le fait de frapper pendant la fête la plus sacrée de leurs ennemis.

Mine de rien, la politique réaliste prônée par son Seigneur-Bec faisait son chemin.

¤¤¤

Aztarté laissa errer son museau blanc cassé dans les fleurs. Les fleurs de son jardin, les fleurs de l'Elysium. L'alicorne avait toujours été une amoureuse de la nature : sa cutie mark elle-même n'était-elle pas une feuille stylisée ? Toute petite déjà Aztarté s'était sentie plus en phase avec les plantes qu'avec les autres alicornes de l'Elysium. Comme si en tendant l'oreille auprès des bégonias, elle pouvait recueillir leurs moindres confidences. Les plantes seraient toujours là pour elle et avaient toujours été ses meilleures amies. Tous ses bons souvenirs étaient liés à elles.

N'était-ce pas dans une pépinière qu'elle avait fait la connaissance de celui qui deviendrait son mari ? Certes, au moment de leur rencontre précise, Aztarté avait eu plus envie de crier à l'encontre de l'imprudent qui venait de broyer du sabot une graine orpheline qui avait sauté au milieu du chemin que de faire autre chose à son égard mais enfin, c'était un bon souvenir quand même. Parce que Hélios s'était platement excusé, qu'il avait pris très au sérieux les remontrances de la jeune alicorne à la crinière noire et qu'il été allé jusqu'à payer de sa poche une nouvelle fournée de graines neuves, pour la pépinière. Aztarté se souvint d'avoir pensé qu'à ce moment là, en plus d'être correct, cet alicorne jaune était plutôt séduisant.

Et comme ils avaient tous les deux vingt ans et l'avenir devant eux, il était arrivé ce qui devait arriver.

Ils étaient tombés amoureux.

Aztarté n'avait jamais connu d'autre étalon comme Hélios aucune autre jument. On aurait pu croire que leur couple ne reposait que sur les bases brûlantes de la passion naissante et ne tiendrait pas, mais les deux alicornes s'étaient vites aperçus que leur amour était bien plus profond qu'uniquement physique. Et quatre ans après leur rencontre dans la pépinière, la naissance de leur fille Celestia était venu confirmer ce fait. Si Aztarté devait citer une période de sa vie comme la plus heureuse, c'était incontestablement la première année de la vie de Celestia. Elle et son compagnon – ils n'officialisèrent complètement leur liaison en ne se mariant qu'au troisième anniversaire de leur fille – apprenaient à devenir des parents, tâche ardue mais qui les remplissait d'un bonheur encore nouveau.

Mais l'amour seul ne pouvait suffire à remplir leurs assiettes. Alors Hélios s'était mis en quête d'un travail, n'importe lequel pourvu qu'il puisse faire vivre correctement sa compagne et leur enfant.

Il avait approché les cercles politiques de l'Elysium, ces minuscules partis ou groupes de réflexion qui cherchaient toujours des gens pour servir de secrétaires, de colleurs d'affiches et globalement, aider au développement des groupuscules.

Le hasard lui avait fait frapper à la porte du Nouveau Socle des Alicornes Patriotes, parti fondé, dirigé et animé par la jeune et brillante étudiante en occultisme Lucimare.

Les nuages avaient commencés à s'accumuler au dessus de leur famille à cette date là.

Aztarté marqua un temps d'arrêt. Quelque chose clochait. Elle ne pouvait pas être en train de sentir les fleurs de son jardin. Ce dernier avait été détruit il y a sept ans.

Comme pour confirmer sa réflexion, une boule de feu tomba du ciel droit sur les plantes d'Aztarté. Cette dernière voulut hurler mais la peur resserra sa gorge et rien ne sortit de sa bouche hormis une timide plainte. Les premières plantes a être touchées furent les lys. Leur élégante structure se brisa dans la fournaise et comme si le blanc de leurs pétales était du papier, elles s'enflammèrent.

Puis vint le tour des hellébores. Puis des raiponces. Puis des gentianes. Puis de tant de fleurs et de plantes à la fois que l'alicorne ne put les énumérer.

Elle sentit ses pattes se dérober sous elle alors le feu disparaissait de lui-même, ne laissant derrière lui qu'un amas de cendres. Aztarté sentit des larmes couler de ses yeux. Un torrent de larmes. Ce n'était pas une expression puisque une rivière, au sens propre, s'échappait de ses paupières closes. Aztarté ravala ses sanglots en voyant l'eau bouger, se rassembler pour prendre forme. Sous son regard rougi le torrent s'étira et s'étira encore jusqu'à devenir un monstre sinistre, à la tête de poney et au corps chimérique. L'alicorne reconnut un draconequus. Elle reconnut Confusion, le troisième et le plus puissant des esprits du chaos.

_Tu es au Tartare, articula difficilement Aztarté en se remettant doucement sur ses sabots. Toi et tes frères.

Confusion lui sourit, lui dévoilant ses dents aiguisées comme des rasoirs et claqua des doigts. Il se dédoubla deux fois, donnant naissance à deux autres draconequus.

Gémissante, Aztarté n'eut aucun mal à reconnaître Alkhali et Brouille, les derniers membres de l'infernal trio.

Les trois draconequus, sans dire un mot, se mirent à danser autour du tas de cendres qui s'élevait où encore à l'instant précédent, se dressait le magnifique jardin d'Aztarté. Les cendres réagirent, frémirent, s'agitèrent et se mirent elles aussi, à prendre forme. Aztarté se mit à prier à voix basse, à espérer, à hurler mais la forme cendrée était la plus reconnaissable d'entre toutes. Ce port altier, cette crinière courte qui allait tellement à contre-courant du style de coiffure qu'affectionnaient la plupart des alicornes...Aztarté savait que si les cendres tombaient, elle verrait sa robe couleur souffre, sa crinière dorée et surtout, la couleur de ses yeux, de ce bel argent pur qui permettait à n'importe qui de l'identifier d'un seul coup d’œil.

Aztarté vit le visage du pire monstre de tous les temps, de son démon personnel.

Le visage de Lucimare.

_Tu es morte, cracha l'alicorne à sa Némésis. Tu es morte et je suis en train de cauchemarder.

Lucimare sourit, prenant ce petit air si sûr d'elle même qui ne la quittait jamais.

_Tu es bien en train de faire un cauchemar, lui répondit l'alicorne folle. Mais est-ce que je suis vraiment morte pour autant ?

_Tu n'as pas pu survivre à ce qu'on t'a fait. On t'a tuée. Et tes draconequus sont au Tartare.

Alkhali, Brouille et Confusion se déplacèrent lentement en triangle autour de leur maîtresse.

_C'est vrai, admit finalement cette dernière. Je suis vraiment morte et ils sont vraiment prisonniers au Tartare. Mais il en existe un quatrième, tu le sais non ?

Dans un flash de lumière violette, les trois draconequus fusionnèrent pour prendre l'apparence de Discord. Mais un Discord gigantesque, immense, si grand qu'il emplissait le champ de vision d'Aztarté.

_Discord reste ma création, poursuivit Lucimare alors que le draconequus devenait de plus en plus menaçant, faisant claquer sa langue serpentine contre le sol. Vous ne l'avez pas eu, lui. Et tu sais quoi ? Il va finir ce que j'ai commencé.

Le regard d'Aztarté fut attiré par un rond de lumière dans lequel se tenait Hélios, Celestia et Luna, sourds et aveugles à la gigantesque patte de Discord qui fondait sur eux.

L'alicorne voulut se précipiter pour les aider mais s'aperçut qu'elle n'avait plus d'ailes.

Elle voulut utiliser sa magie mais s'aperçut qu'elle n'avait plus de corne.

Elle voulut leur hurler de se mettre à l'abri mais s'aperçut qu'elle n'avait plus de langue.

Elle voulut faire quelque chose, n'importe quoi pour protéger les siens mais s'aperçut qu'elle était morte.

Ce fut au moment où les coussinets de la patte de lion du Discord géant réduisaient les os de sa famille en bouillie qu'Aztarté se réveilla.

Gluante de sueur, le cœur battant la chamade à en éclater dans sa poitrine, et nauséeuse, la reine des licornes se retourna sans tarder dans son lit pour voir si Hélios allait bien. Son mari respirait tranquillement, soulevant les draps au rythme régulier de sa respiration. Aztarté se déplaça jusqu'à s'adosser à son oreiller et se massa les tempes des sabots.

Un cauchemar. Ce n'était qu'un cauchemar, c'est tout. Hélios allait bien. Luna et Celestia aussi. Sûrement.

Prise d'un doute, Aztarté sauta au bas de son lit, passa sa robe de chambre sur son pelage encore luisant de sueur et sortit de la chambre. Les gardes en fonction à l'entrée de la chambre royale raffermirent leur prise sur leurs lances quand ils virent la reine surgir de derrière la porte. Sans leur adresser la parole, l'alicorne alla jusqu'à la chambre de Luna et y entra.

Au milieu de son lit, sa cadette ronflait plus fort qu'un ursa major, entourée d'une nuée de poneys de plombs et de poupées. Apaisée, Aztarté alla border Luna et l'embrasser sur le front. Puis, elle tint à vérifier que Celestia dormait bien elle aussi.

Ses dernières craintes furent dissipées quand elle aperçut la silhouette blanche de sa fille aînée, la couverture remontée jusqu'au cou, quelques livres au pied de son lit. Une Aztarté souriante vint reproduire les gestes qu'elle venait d'effectuer auprès de Luna.

Ce fut donc rassurée que la reine des licornes regagna la couche royale. Mais le contact de sa peau avec ses draps trempés lui rappelèrent à quel point elle avait eu peur quelques instants plus tôt. Pas seulement de rêver de Lucimare, mais aussi de penser à ce que Discord pourrait faire aux siens. Pour l'instant, il s'était montré charmant et même gentil mais c'était un draconequus. L'Elysium avait appris pendant six jours ce que pouvait faire ces créatures.

Aztarté mit beaucoup de temps à se rendormir. Parce qu'à chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle croyait capter la silhouette de Lucimare qui la toisait de haut et qu'à chaque fois qu'elle tendait l'oreille, elle avait l'impression de ré-entendre le bruit des corps d'Hélios, de Celestia et de Luna massacrés par la patte du Discord de ses cauchemars. Le fait que le vrai Discord dormait dans le même château qu'eux devait y être pour quelque chose.

La reine des licornes se mit à réciter comme un mantra sa promesse faite à son mari, juste avant leur sacre.

Si Discord tente une fois, une seule fois, de faire du mal à notre famille, je le tue.

Il nous fait du mal, je le tue

Je le tue.

Sa technique l'aida un peu à se rendormir. Un peu seulement. Elle ne dormait jamais plus très bien depuis sept ans de toute façon.

¤¤¤

Celestia leva une paupière, examina les alentours et jugea que sa mère était bel et bien partie. C'était pas passé loin. Elle leva sa seconde paupière et poussa loin d'elle les couvertures qui recouvraient son corps et surtout, ses sabots, équipés de fers de cuir souple.

Une invention géniale qui permettait de galoper dans les grands couloirs du palais à trois heures du matin sans que personne ne puisse entendre quoi que ce soit.

La jeune alicorne se dit qu'on aurait dû organiser un concours d'inventions pour les adolescents qui faisaient le mur. Le niveau serait très élevé.

Quoique techniquement, Celestia ne faisait pas le mur, elle restait dans l'enceinte du château. Certes, c'était pour se rendre dans les appartements de Discord, chose que sa mère avait formellement interdite mais ce n'était pas comme si Celestia avait quelque chose à faire des ordres maternels. Personne ne pouvait empêcher l'adolescente de dix-sept ans qu'était Celestia d'aller jouer aux cartes et discuter jusqu'au matin avec son ami draconequus. Pas même la reine des licornes.

Celestia entrouvrit la porte de sa chambre et passa doucement la tête par l'interstice. Normalement, les gardes n'étaient pas relevés avant une demi-heure, ce qui voulait dire qu'elle avait largement le temps de rejoindre les appartements de Discord, à l'autre bout du château sans tomber sur une patrouille. Mais il fallait tout de même qu'elle se montre prudente, on était jamais à l'abri d'un imprévu, comme sa mère qui avait décidé de lui faire une visite nocturne surprise. Celestia avait eu des réflexes assez phénoménaux d'arriver à bondir dans son lit et à remonter ses couvertures au moment même où sa mère poussait la porte de sa chambre. Elle qui n'avait jamais été très bonne en sport, voilà que d'échapper à la surveillance parentale décuplait ses capacités physiques. Encore un bon point à ajouter à la liste des choses positives qu'il y avait à faire le mur.

A petites foulées, l'adolescente ne fut pas très longue à traverser l'aile est du château pour se retrouver dans les quartiers moins prestigieux. Contrairement aux appartements royaux, cette partie là du palais était encore faite de bois et de pierre, souvenir de l'antique forteresse qui avait abrité les premiers souverains licornes, à commencer par la princesse Platinium elle-même. Celestia se retrouva devant la porte de Discord et frappa trois fois du plat du sabot contre la porte. Cette dernière s'entrebâilla et la jeune jument se glissa à l'intérieur. La décoration de la chambre de Discord avait encore changé mais était-ce vraiment une surprise, connaissant le goût du draconequus pour la modification ? Celestia jugea inutile de retenir où se trouvait tel tableau et où se trouvait tel vase puisque de toute façon, ils auraient pu permuter ou se transformer en statuette de timberwolf le temps qu'elle chasse une poussière de son œil.

Discord était assis en tailleur sur le grand tapis rond qui recouvrait le sol de pierre, l'air concentré devant un jeu de cartes dont la plupart étaient retournées. Il semblait contrarié. Celestia vint prendre place à côté de lui, s'allongeant en travers plus qu'elle ne s'asseyait vraiment sur le tapis. A première vue, Discord essayait de faire une réussite. Et les cartes n'étaient pas avec lui semblait-il.

_T'es en train de perdre ?

_Je gagnerais si les symboles arrêtaient de changer, grommela le draconequus.

Celestia baissa la tête et vit qu'effectivement, un deux de cœur venait de se transformer sous ses yeux en trois de pique. L'adolescente gloussa.

_T'as qu'à arrêter de les modifier alors.

_Je peux pas, se défendit-il. Si je me concentre pour laisser une carte comme elle est, c'est les deux d'à côté qui se transforment.

Le gloussement de Celestia devint un rire gentiment moqueur.

_C'est quand même drôle...un esprit du chaos qui n'arrive pas à contrôler sa propre magie...

_C'est surtout lourd, pesta Discord en voyant un valet de trèfle devenir un roi d'une couleur qui ne correspondait en rien à celles du jeu traditionnel. J'arrive pas à faire durer les choses, ça m'énerve.

_Ca m'étonne de ta part que tu veuilles que les choses durent, avoua une Celestia étonnée.

_C'est pas parce que je suis un esprit du chaos que je n'aime pas un peu de stabilité de temps en temps. Le chaos doit durer un minium de temps avant de changer, sinon, ça n'a aucun intérêt.

_Le chaos, c'est le changement, non ?

_Pas tout à fait. C'est s'affranchir des lois pour évoluer de son propre chef.

_Donc, résuma Celestia, tu veux t'affranchir des lois mais tu imposes deux règles pour nos chasses au trésor. C'est pas un peu contradictoire ?

_Encore une fois Cel, dit le draconequus en reposant la carte qu'il avait en main, abandonnant visiblement tout espoir de terminer sa réussite, le chaos doit durer un minimum de temps. Si je te laissais te servir de ça, expliqua t-il en pointant de sa serre d'aigle la corne de l'adolescente, ou de ça, exposa t-il en désignant cette fois, les ailes de l'alicorne, la partie serait finie en cinq minutes. Et j'aime pas quand les jeux se terminent trop tôt.

Celestia hocha la tête alors qu'elle prenait en sabot le jeu de cartes et commençait à le battre.

Elle avait encore beaucoup de mal à comprendre la logique de Discord. On aurait pu croire, en regardant rapidement, que le draconequus ne suivait aucune logique mais Celestia pour le fréquenter quotidiennement depuis six mois maintenant, savait que c'était faux. Discord avait bien sa logique.

Une logique étrange, tordue, obscure mais une logique quand même. Et elle ne désespérait pas de la percer complètement un jour.

Sa deuxième pensée fut pour le surnom que lui donnait Discord et qu'il utilisait de temps en temps, quand ils étaient seuls, comme ici. Cel. Étrangement, ce devait être la première fois qu'on utilisait ce diminutif à son encontre. Ses parents l'avaient toujours appelée Celestia et si sa sœur raccourcissait bien son prénom, c'était en ne gardant que les trois dernières lettres. La seule ponette à avoir jamais tenté de diminuer son prénom de cette façon, c'était Séraphine. Mais son « Cely », c'était un diminutif méprisant, un surnom presque blessant. Discord raccourcissait son nom en n'en gardant que le début, sans faire aucune modification. Et mine de rien, Celestia aimait bien ce nouveau diminutif. Surtout qu'en retour, elle pouvait lui donner du « Dis » si elle le désirait.

_Discord, dit l'alicorne sans cesser de battre les cartes, il s'est passé quelque chose de bizarre avec la fleur. Tu sais le coquelicot que tu m'as offert cet après-midi.

Discord lui fit signe d'expliciter.

_J'ai voulu le mettre dans un vase, poursuivit Celestia en commençant la distribution du paquet, histoire qu'il dure un peu tu vois ? Mais à peine j'avais mis la fleur dans l'eau et hop, le coquelicot a totalement disparu. Je crois qu'il a été bu par l'eau. C'est possible ça ?

_Tout est toujours possible avec le chaos tu sais, répondit le draconequus en prenant possession de sa main et en découvrant ses cartes.

_Je veux dire, tu l'avais enchantée ou quelque chose ?

_Cel, confessa Discord en levant les épaules, j'en sais rien. C'est possible. Tu sais bien que j'ai encore du mal à contrôler mes pouvoirs. J'ai essayé de faire un coquelicot stable, normal, pour qu'il te croque pas l'oreille quand tu l'aurais dans la crinière. Mais si j'ai mal dosé les éléments...va savoir ?

_Les éléments ? demanda l'adolescente, découvrant elle aussi son jeu et avec quelles cartes elle avait devoir composer cette partie.

_Les éléments chaotiques, explicita le draconequus en jetant deux cartes et en attendant que Celestia fasse son choix.

_Y a des éléments du chaos ? s'étonna Celestia en se défaussant de trois cartes et en distribuant des cartes neuves à Discord et à elle-même.

_Y en a trois principaux, expliqua Discord en réarrangeant sa main. Y a le vide, la corruption et l'altération. Plus des tas de petits mais on peut les classer dans ces trois grandes familles.

_Donc le chaos suit vraiment des règles, murmura Celestia en abattant ses cartes, une paire de valets.

_J'irais pas jusqu'à dire ça mais oui, en quelque sorte, répondit Discord en dévoilant un brelan de neuf et en remportant le pli.

_Et comment y marchent ? interrogea l'adolescente en laissant son ami distribuer pour cette manche.

_Sur la matière. Le vide l'efface, la corruption la retourne et l'altération la change.

_La corruption c'est de l'altération, non ?

_Pas tout à fait, précisa Discord en jetant quatre de ses cartes dans la pile de défausse. Avec l'altération, je fais aller un escalier dans le mur. Avec la corruption, c'est déjà plus sur les êtres intelligents. Et quand je dis « retourner », c'est vraiment ça. Tu imagines toutes les qualités et les défauts d'une personne et tu inverses. Le fidèle devient perfide, l'altruiste, égoïste.

_En gros, le gentil devient méchant ? questionna Celestia en laissant tomber sur le tapis un brelan de huit.

_En gros, oui, résuma Discord en lui opposant un brelan de dix.

Souriant, il se préparait à gagner le pli mais Celestia lui renvoyant un sourire abattit ses deux dernières cartes, une paire de dames.

_Main pleine, dit un Discord visiblement impressionné. Bravo.

_Et si la personne corrompue est mauvaise à la base ? demanda l'adolescente en rassemblant les cartes, en coupant le jeu et en recommençant à le battre. Elle devient gentille ?

Les yeux du draconequus se plissèrent sous la réflexion.

_Tu me poses une colle. J'en sais absolument rien. Faudrait tester.

_T'as déjà corrompu quelqu'un ?

Discord secoua la tête de dénégation, l'air presque honteux.

_Tu voudrais pas essayer avec moi ? demanda Celestia sur un ton de défi.

_Cel ! s'offusqua le démon.

_Ca va, je blague, gloussa t-elle en redistribuant les cartes.

_Évite de plaisanter avec ça quand même, lui dit Discord d'un ton un peu sec en prenant connaissance de son jeu. Que ce soit bien clair, je ne te corromprais jamais. Parce que tu es mon amie et que je ne te ferais jamais de mal.

Le regard de Celestia, mi-surpris, mi-ravi, filtra par dessus son jeu de cartes.

_Je ne sais pas si je dois fondre parce que c'est hyper cool de ta part de me dire ça ou te taper parce que t'essayes de me déconcentrer alors que je suis en train de te botter les fesses.

_Sûrement un peu des deux, ricana Discord.

Celestia rit aussi et la partie de poker continua jusqu'au petit matin, toujours entrecoupée des discussions de l'adolescente et du draconequus.

Celestia quitta la chambre de Discord une heure avant l'heure du réveil officiel des princesses royales, pour avoir le temps de regagner ses appartements sans être vue et fermer les yeux quelques minutes pour être endormie pour de bon quand on viendrait la réveiller, histoire de donner le change.

Resté seul dans sa chambre, Discord remarqua qu'à peine l'alicorne partie, il avait recommencé à modifier le jeu de cartes sans même y penser. Quoique jeu de cartes...une seule carte serait plus juste. Le draconequus s'en saisit et l'observa de plus près. La carte qui était originellement celle de la dame de cœur avait changé : à la place de la figure habituelle, se dressait désormais celle de son amie Celestia, sa longue crinière rose entièrement étoilée lui cachant la moitié du visage, débordant presque de la surface blanche.

¤¤¤

Pour un observateur extérieur, la salle de bain de la duchesse Ira, prétendante au trône des licornes, était un modèle de pièce d'eau, le genre qu'on aurait pris pour illustrer le catalogue d'un magasin. Des murs carrelés de blanc, lavabos, grand miroir, l'ensemble était d'ailleurs plus sobre que le reste de l'hôtel particulier.

Cela dit, les spécialistes auraient noté la très grande qualité de l'émail ou la provenance exotique des petites bouteilles de parfum qui reposaient au bord de la baignoire. Ira mettait tout de même un point d'honneur à dépenser son imposante fortune dans des biens de qualité. Cela dit, en ce moment précis c'était plus les monceaux de mousse blanche qui débordaient presque de la baignoire qui attirait l’œil que la salle de bain en elle-même. Si quelqu'un s'était tenu au bord du récipient et avait regardé avec attention les chapelets de bulles, il aurait remarqué le bout de la corne grise qui en crevait la surface.

Pendant encore quelques secondes, tout fut calme à la surface de l'eau, jusqu'à ce que la corne, ainsi que la tête sur laquelle elle était attachée et finalement, l'ensemble de sa propriétaire n'en émerge dans un remous aussi agité que bruyant.

Reprenant difficilement son souffle, crachant à moitié de l'eau savonneuse, Ira en arriva à la conclusion que non, son sort de respiration aquatique n'était toujours pas au point. Le test avait au moins été concluant là dessus.

La licorne, mousse dans les yeux et bulles de savon dans les cheveux, donna un coup de patte pour se propulser contre l'extrémité de la baignoire et se saisir de sa serviette qui l'y attendait. Elle se frotta le visage jusqu'à en dégager toute trace de savon puis versa sur le dos et apposa sa nuque derrière elle. Ce faisant, elle déplaça l'eau chaude de son bain qui vint lui caresser la peau sous sa robe. Elle ferma les yeux de délectation en sentant le liquide brûlant passer tout autour de son corps.

Ira aimait les bains. Pas que pour se laver. Pour se poser, pour réfléchir. Dans une étuve fumante, la licorne avait l'impression que son corps fondait en se mélangeant à l'eau, laissant son cerveau libre de toute entrave. C'était en se baignant qu'Ira avait naturellement trouvé la réponse à une question qui lui restait bloquée en tête. Qu'elle avait fait le point sur un problème qui la taraudait. Qu'elle avait pris beaucoup de plaisir avec ses amants aussi quelquefois. Mais c'était surtout dans cette baignoire que la prétendante au trône découvrait les dossiers de John Colt, son courtier en information personnel, qu'elle pouvait peaufiner le moindre de ses plans, concevoir ses plus brillants stratagèmes et comprendre comment briser un ennemi particulièrement retors.

Oui, Ira avait besoin de sa salle de bain. Ce n'était pas pour rien que la première modification qu'elle ferait une fois reine des licornes serait de rebâtir les salles d'eau à son goût.

Pour autant aujourd'hui, pas d'enveloppe craftée sur le bord de la baignoire. Aucun besoin puisque John Colt en personne adossé contre la porte entrebâillée, depuis le couloir, s'entretenait avec sa patronne.

Colt avait rechigné à se montrer en plein jour, ce qui violait complètement l'accord tacite passé entre lui et Ira de ne fixer leurs rendez-vous que la nuit, mais la duchesse avait insisté. Passe encore que ça lui pique qu'ils se voient en milieu de journée, - après tout, c'était Ira qui le finançait - mais elle aurait quand même pu éviter d'aller prendre son bain au même moment.

Colt n'avait eu le temps d'entrapercevoir que la patte arrière de sa patronne avant qu'elle ne disparaisse dans sa salle de bain où elle barbotait maintenant depuis plus de vingt minutes. L'étalon aurait encore préféré patienter dans le petit salon ou partout ailleurs, il n'était pas à un gros quart d'heure près en réalité, mais il y avait une grosse différence entre tuer vingt minutes en lisant quelque chose et en s'occupant l'esprit, plutôt que de rester stupidement planté devant une porte.

Impossible de s'éloigner toutefois puisque brusquement, de la salle de bain, pouvait s'élever la voix d'Ira, qui réclamait des précisions ou des éclaircissements sur les dernières découvertes de Colt. Après la réponse du courtier, la duchesse restait silencieuse pendant de longues minutes avant que sa voix ne fende à nouveau l'air. La toute dernière phrase de Colt, concernant le passé politique du roi Hélios avait condamné la duchesse Ira à un mutisme tellement long que l'étalon commençait à se demander si elle ne s'était pas noyée. Mais finalement :

_Et donc, reprit la voix de sa patronne, vous êtes sûr que Hélios a appartenu au Socle ?

_Sûr et certain mademoiselle, répondit Colt. Il a été dans les premiers adhérents du parti, quand c'était encore un groupuscule de rien du tout. Il l'a quitté assez rapidement d'ailleurs, au bout d'un an. Les archives du Socle ont été détruites à la chute de Lucimare mais j'ai pu retrouver des copies. Tout n'a pas été dupliqué mais c'est marqué noir sur blanc. Il a bien été membre.

Ira fronça les sourcils et se laissa chuter dans la baignoire, jusqu'à ce que l'eau – ou plutôt la mousse – n'arrive juste en dessous de son museau.

Si le Nouveau Socle des Alicornes Patriotes, dit le Socle dans le langage courant, était le parti politique de l'Elysium le plus connu (et sans doute le seul) en dehors des limites de la montagne, ce n'était pas tant à cause de ses idées qu'à cause de son leader, l'occultiste Lucimare. L'Elysium avait beau être isolé du reste d'Equestria et les alicornes y vivre presque en ermites, le coup d’État de l'occultiste et la période de dictature qui en avait suivi, il y a un peu plus de sept ans avait fait beaucoup de bruit. Personne ne savait très bien ce qui s'y était passé, et même Ira qui avait pourtant mis Colt avec des ressources presque illimitées sur le coup avait globalement fait chou blanc.

On savait que Lucimare avait pris le pouvoir et régné sur la République alicorne durant une petite semaine avant que le peuple ne se soulève contre elle pour la tuer et jeter ses partisans au Tartare. Et c'était à peu près tout.

L'Elysium avait ensuite fait en sorte d'effacer tout ce qu'ils pouvaient sur l'alicorne folle. La seule chose qu'ils n'avaient pas pu stopper, c'était les rumeurs des actes horribles que Lucimare aurait commis en seulement six jours : les histoires de massacres de masse, d'assassinats à grande échelle, d'exécutions sommaires à la chaîne.

Des rumeurs qui s'étaient propagées jusqu'au delà des confins de l'Empire zèbre disait-on.

Le reste, l'histoire des draconequus tenait de la légende pour beaucoup. Ira elle même, malgré son enthousiasme originel était restée plutôt sceptique avant que ses travaux de recherche, ces six derniers mois ne confirment bien la théorie des démons du chaos. Elle s'était alors plongée dans les codex les plus noirs et les plus obscurs de la magie alicorne, achetés à prix d'or à des gens peu recommandables. Elle s'était usé le cerveau sur des traductions lacunaires et sur des récits irrationnels. Mais elle touchait au but, elle le sentait.

Elle avait d'ailleurs retrouvé la trace d'un des trois draconequus de Lucimare. Ou plutôt un nom correspondait : Alkhali.

Elle avait tout d'abord vu ce mot griffonné par un sabot malhabile sur un codex de magie chaotique. Elle n'y avait pas fait attention à l'époque, pas plus qu'à autre chose. Et un jour, par le plus grand des hasards, alors qu'elle réfléchissait en contemplant un planisphère qui se trouvait dans sa chambre, le regard de la licorne avait été attiré par un point minuscule, situé au beau milieu d'Agrabay, ce grand pays fait de sable et de dunes, aux frontières sud-ouest d'Equestria.

Elle avait vu inscrit « Madina Al Khali ».

D'après son majordome Alfred, qui avait passé quelques mois au service d'un cheik chameau et qui connaissait donc la langue du désert, le nom signifiait littéralement « la ville vide ». Et les premières recherches d'Ira sur cette Madina Al Khali semblaient se recouper avec d'autres récits effrayants liés à cet endroit, sur une malédiction, sur le fait que les rares qui tentaient l'expérience de s'y rendre étaient retrouvés fous...quand ils étaient retrouvés.

Et surtout que Lucimare elle même s'y serait rendue, pour ses recherches en occultisme, avant qu'elle ne prenne le pouvoir.

Ira était sur le point de monter une expédition pour Agrabay. Elle voulait se rendre elle-même à Medina Al Khali pour voir la ville vide de ses propres yeux et en ressentir l'énergie magique. Son instinct lui glissait à l'oreille que c'était là bas qu'elle trouverait la clé pour dompter les draconequus et ceindre la couronne des licornes sur sa tête. Sa caravane était prête à partir par ailleurs.

Il lui manquait encore à régler deux trois choses puis elle se mettrait en route dans les jours à venir. Au pire, elle se disait que si elle ne trouvait rien du tout, le désert changerait agréablement de la neige.

Ira souffla par les naseaux pour dégager de la mousse de son museau. Hélios au Socle.

C'était surprenant.

Elle voyait assez mal le roi des licornes militer pour ce parti. L'alicorne passait pour quelqu'un d'assez modéré, à des siècles des idées radicales prônées par le groupuscule de Lucimare.

En fait, à force de l'étudier, Ira se trouvait personnellement plus en phase avec les idéaux du Socle qu'elle ne l'aurait cru : un amour profond de sa propre espèce, un soin particulier porté à la lutte contre l’abâtardissement , la volonté de l'avènement de la race des seigneurs...si ce n'était que le Socle avait été un parti pro-alicorne et non pas pro-licorne bien entendu. En fait, il n'y avait qu'un point sur lequel Ira avait plus envie de pouffer qu'autre chose quand elle avait lu les traités politiques de Lucimare : le fait qu'elle place les alicornes à la robe jaune en haut de la pyramide raciale. La théorie de l'occultiste voulait que la couleur du pelage soit déterminée par la pureté du sang et que plus l'on s'approchait du spectre jaune, plus l'on avait le sang pur et donc, que l'on était naturellement destiné à dominer les autres.

C'était n'importe quoi. Ira avait assez étudié la chose pour savoir qu'il n'y avait rien de vrai dans cette théorie. A cet égard, elle même qui descendait de la princesse Platinium et qui devait avoir le sang le plus bleu dans tout Equestria depuis la mort du roi Aurum, avait la robe grise et non pas jaune.

Le plus drôle était surtout, que Lucimare elle même n'avait jamais eu la robe que couleur souffre, loin du jaune or qu'elle considérait comme le nec plus ultra de la pureté raciale. Ca ne l'avait jamais empêchée de ne pas en démordre sur le lien entre couleur du pelage et qualité du sang cela dit.

Ira se laissa aller à étirer ses pattes dans l'eau brûlante. Elle avait peut-être assez trempé comme ça. Il était temps de sortir. Joignant le geste à l'idée, la licorne se redressa dans sa baignoire avant de s'en extraire, dressée sur les pattes arrières.

Elle chancela un peu jusqu'à prendre appui sur le rebord de la baignoire et à s'y asseoir. L'eau coulait le long de son pelage, inondant le grand tapis de bain posé au sol. Ira sépara sa crinière à même les sabots, rassemblant ses cheveux acajous en une sorte de chignon malhabile. Puis elle vit venir à elle des serviettes et s'en frotta vigoureusement le corps.

Quand elle s'estima assez sèche, elle enroula sa crinière dans une serviette sèche, se confectionnant une sorte de turban et glissa son corps encore humide dans un luxueux peignoir. Ce ne fut qu'une fois parfaitement apprêtée que la duchesse releva la bonde de la baignoire, laissant la mousse et l'eau encore brûlante partir dans les canalisations. Elle tira ensuite la porte pour retrouver Colt.

Ce dernier qui se trouvait adossé à cette même porte fit un pas en avant, moitié bond, moitié grand écart pour ne pas basculer en arrière. Au vu de la surprise dans son regard, Ira aurait pu parier que le courtier en information ne s'attendait pas à ce que sa patronne sorte en peignoir de sa salle de bain.

Ira ne put s'empêcher de noter que Colt s'était naturellement retranché dans l'ombre du mur, ce qui dissimulait grandement son visage. Qu'il l'ait fait de manière consciente ou non, l'espion avait une fois de plus réussi à cacher sa véritable apparence à sa patronne, même en plein jour. Colt était décidément très fort.

Frictionnant sa serviette-turban sur sa crinière, la duchesse s'avança dans le couloir jusqu'à une des grandes fenêtres et regarda à l'extérieur. Canterlot, comme tout Equestria était recouverte par le banc de la neige. Quand elle voyait ce spectacle, Ira sentait quelque chose au fond d'elle qui aimait profondément ce paysage, comme si la pouliche de son âme d'enfant voulait sortir jouer à faire des poneys de neige et des fortins, des batailles de boules de neige et de la luge dans les rues. Mais à presque trente ans, la licorne était assez adulte pour ravaler ces caprices idiots. Elle avait un trône à conquérir et ce n'était pas en se laissant aller à la sensiblerie qu'elle y arriverait.

_Colt, dites-moi, demanda Ira sans se retourner, est-ce que vous pensez qu'avec les informations que vous avez trouvé, nous pouvons faire tomber Hélios ?

_C'est assez maigre mademoiselle la duchesse, répondit honnêtement l'étalon. Hélios a fait partie du Socle mais je ne suis pas sûr qu'ici la moitié des poneys sache ce que c'était vraiment. Déjà que l'essentiel de la vie de Lucimare est un mystère pour moi alors que je suis loin d'être le moins au courant d'Equestria...j'imagine que si vous rendiez l'info publique, ça ferait plus de mal à l'Elysium qu'ici.

Ira pinça les lèvres. Là où Colt avait raison c'était qu'Equestria se fichait de ce qui se passait à l'Elysium où la réciproque était tout aussi vraie. Qu'on révèle qu'Hélios ait adhéré au parti de Lucimare, ca provoquerait peut-être l'émoi chez les politologues ou les férus d'Histoire mais les trois quarts des poneys s'en moqueraient comme de leur premier fer. C'était rageant d'avoir tant investi pour obtenir une information qui au final, ferait l'effet d'un pétard mouillé.

Des exclamations arrachèrent la duchesse à ses réflexions. Elle tourna la tête sur le côté pour voir son majordome Alfred, qui tentait piteusement de barrer la route à un étalon.

_Monsieur supplia le domestique, puisque je vous dis que mademoiselle est dans son bain et...

L'intrus poussa sans ménagement le majordome du sabot, révélant sa robe crème, sa crinière bleue et sa petite moustache. Ira n'eut aucun mal à reconnaître le marquis Nobilitas, même s'il s'était un peu laissé poussé les cheveux depuis leur dernière entrevue au club de la Corne d'ivoire, voici six mois.

_Ira, l'aborda sans manière la licorne, je vois que tu es sortie de ton bain. Et que tu es avec un ami, avisa t-il en remarquant John Colt.

_Je ne suis pas l'ami de mademoiselle la duchesse, répliqua le courtier, je suis son employé.

_Si c'est le titre que tu donnes à tes gigolos Ira...déclara le marquis en levant les épaules.

Le mépris affiché dans le ton déplut à Ira autant qu'il ne la surprit.

Elle avait l'habitude d'un Nobilitas assez conciliant face à elle, respectueux, voire un peu veule. Et voilà qu'il lui crachait des insultes au visage. Le petit marquis avait pris de l’assurance en six mois. Mais derrière ses grands airs, Ira descellait toujours le petit nobliau de robe, perdu dans un monde qui n'était pas le sien. Nobilitas était fait pour suivre et non pour commander.

Ira se ferait un plaisir de le lui rappeler très bientôt.

_Monsieur, affirma Alfred avec plus de conviction, je vais devoir vous demander de partir et de laisser mademoiselle en paix !

_Ca va Alfred, dit la licorne en levant son sabot droit devant elle. Vous pouvez redescendre vous occuper de ce que vous entiez en train de faire. Je m'occupe du marquis.

Le majordome eut un signe de tête affirmatif et repartit au rez de chaussé de l'hôtel particulier.

_On peut parler en privé ? questionna Nobilitas.

_Dans ma chambre, affirma Ira en y trottant et en lui tenant la porte.

Tandis que Nobilitas entrait dans les appartements de la duchesse, Colt jeta un œil interrogateur à sa patronne qui lui confirma d'un petit coup de museau que tout irait bien. Puis, elle passa à son tour la porte et la ferma derrière elle.

Planté au milieu de la pièce, Nobilitas regardait la chambre avec un petit sourire.

_On a passé du bon temps ici, pas vrai ? Plus que dans le grenier où tu t'amusais à m'étrangler en tout cas.

_Qu'est-ce que tu veux ? demanda la duchesse à Nobilitas, sans mettre une once de chaleur dans sa voix.

_Te voir. Et aussi te dire de te tenir prête.

Ira leva un sourcil.

_Prête à quoi ?

_A troquer la serviette que t'as sur la tête pour une vraie couronne, répondit Nobilitas en allant s’asseoir au bord du lit d'Ira et en y tapotant sur la surface de son sabot, invitant la licorne à faire de même.

Ira s'approcha de son lit mais ne s'y assit pas.

_Donc tu continues à me soutenir ?

_Je te l'ai dit il y a six mois, j'ai trop investi là dedans pour te lâcher. Même si notre dernier rendez-vous a été un peu...brutal au moment de se dire au revoir - d'ailleurs faut que je pense à te transmettre la note de réparation de la bibliothèque du club - je n'ai jamais cessé de croire en ta cause Ira.

_C'est très aimable à toi.

_Ira, affirma t-il en prenant un air plus dur, je suis sérieux. D'ailleurs, si je suis ici, c'est pour te dire que dans huit jours, tu seras reine des licornes.

_Pardon ?

Nobilitas ouvrit la bouche pour répéter mais Ira l'arrêta en pleine action :

_Je voulais dire : pardon, tu es en train de me dire que dans une grosse semaine je me retrouve reine des licornes parce que tu l'as décidé ?

_Parce que j'ai passé ces six derniers mois à préparer un coup d’État d'envergure, rectifia t-il. Et que dans huit jours je le mets en place.

Ira se laissa tomber dans son fauteuil préféré. Elle n'avait pas du tout imaginé que pendant qu'elle examinait le passé de Lucimare et le moyen de se rallier les draconequus, son ancien amant lui, peaufinait un coup de force. C'est vrai qu'au moment de leur séparation, il avait dit vouloir faire triompher leur cause par des moyens plus classiques mais tout de même...

_Je peux avoir les détails ?

_Non, répondit simplement le marquis. Tu n'auras aucun autre rôle à jouer que de t’asseoir sur un trône qui sera vide, je pense que tu n'as pas besoin de plus d'informations que ça.

_Nobilitas, le prévint-elle, si je deviens reine...

_Ah j'ai oublié de te dire, bien sûr, tu seras reine et moi, je serais vice-roi. A pouvoir égal. Et peut-être même un peu plus égal pour moi que pour toi.

Ira marqua un temps d'arrêt, battant des cils d'un air stupéfaite.

_Ce n'était pas du tout prévu ça, persifla la licorne.

_Je t'apporte le trône sur un plateau d'argent, je mérite bien une récompense.

_On s'était mis d'accord sur une rente et un titre, lui rappela t-elle. Jamais que t'aies un quelconque pouvoir.

_Mon coup d’État Ira. Mes plans. Mes récompenses.

Le ton était posé et calme. Nobilitas ne fanfaronnait pas. Il était en position de force et exposait des faits. La duchesse serra rageusement les sabots. Elle devait faire preuve de tout son self-control pour ne pas jeter quelque chose à la figure de son ancien amant.

_Nobilitas, siffla t-elle entre ses dents, tu es...

_En charge de tout, oui, gloussa t-il en se relevant. Et je t'en prie, ne fais pas cette tête. Tu vas l'avoir ton trône, c'est juste qu'il te faudra prendre en compte les idées d'un vieil ami avant les tiennes, c'est tout.

Il s'avança jusqu'à la duchesse et lui sourit.

_Sois pas mauvaise joueuse Ira. Ca restera dans l'esprit du partage de la Veillée Chaleureuse, non ?

_Tu oses comparer le trône avec un cadeau de la Veillée Chaleureuse ? balbutia la licorne, ses lèvres tremblant de colère.

_C'est qu'un genre de hochet le pouvoir, tu sais. Mais je pense qu'on va bien s'amuser à le faire sonner tous les deux. Surtout moi.

Le marquis s'éloigna à petits pas d'Ira. Mais juste avant d'ouvrir la porte de sa chambre et de partir, il s'immobilisa et s'adressa une dernière fois à la duchesse.

_On verra peut-être à reprendre nos activités nocturnes. Oublie juste les histoires d'étranglement d'accord ? Ça m'excite moyen.

Puis, toujours nanti de son petit sourire, il quitta la chambre, laissant Ira seule avec sa colère.

L'espèce de sale petit...Ira dut se maîtriser pour ne pas ruer dans quelque chose.

Elle n'était pas sous les combles, tout avait de la valeur ici. Et sous son crâne, des idées contraires s'affrontaient. Elle était à la fois réjouie et excitée de se dire qu'après autant d'années à attendre, elle serait enfin reine, elle était furieuse contre Nobilitas de la traiter avec autant de mépris, en colère contre elle-même d'avoir perdu le contrôle face au marquis voici six mois et de l'avoir finalement poussé à prendre l’ascendant sur elle, malade à la pensée d'avoir un pouvoir amputé, inquiète à l'idée que le coup d’État de son ancien amant échoue et ne la prive pour toujours du trône...

Elle prit soudainement conscience du fait qu'elle s'était levée et qu'elle avait fait les cent pas en réfléchissant. Et qu'elle était arrêtée devant son grand planisphère, accroché au mur. Le monde s'offrait à elle, résumé par de l'encre noire sur du parchemin. La corne de ses sabots courut la surface de la carte jusqu'au sud-ouest d'Equestria, franchissant les lignes représentant les frontières d'Agrabay, et s'arrêtant sur ce petit point minuscule qu'elle relut encore une fois. Medina Al Khali. La ville vide. Là où se recoupaient toutes ses recherches sur Lucimare. Là où elle avait une chance de soumettre les démons du chaos à son autorité.

La licorne fut un rapide calcul de tête. Il y avait environ deux jours et demi de trajet aller et autant pour le retour. Soit cinq jours de voyage. Comptons quatre pour explorer Medina Al Khali à fond et comprendre au moins comment Lucimare s'était attaché la loyauté des draconequus, à défaut d'y réussir soi-même, ce qui montait le total à neuf. Elle serait donc revenue le lendemain du coup d'Etat de Nobilitas, prête à assurer le pouvoir s'il réussissait avec peut-être un atout majeur pour chasser l'ambitieux marquis loin de Canterlot, et loin de tout et lavée de tout soupçons si son ancien amant échouait dans son coup de force.

Si elle partait maintenant elle avait le délai idéal en somme. Non en fait, il ne se posait qu'une seule question avant de mettre en branle immédiatement l'expédition. Ira franchit la porte de sa chambre et alla demander à son courtier en information, qui patientait toujours dans le couloir :

_Colt ! Vous parlez le chameau ?

Suite au hochement de tête un peu surpris de son employé, Ira se laissa dessiner un franc sourire sur son visage.

Dix jours au soleil d'où elle sortirait forcément gagnante. Peut-être que cette année, les cadeaux de la Veillée Chaleureuse tombaient un peu en avance en fait.

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BroNie
BroNie : #48160
supersonic17 juin 2017 - #48157
ok est qu'elle sont les autres petite catégorie stp


Je réponds à ta question un peu plus tard dans la fanfic :)
Il y a 6 mois · Répondre
supersonic
supersonic : #48157
BroNie16 juin 2017 - #48154


Pas de site. J'ai juste analysé les pouvoirs de Discord, que j'ai découpé en catégories.
ok est qu'elle sont les autres petite catégorie stp
Il y a 6 mois · Répondre
BroNie
BroNie : #48154
supersonic16 juin 2017 - #48152
Très bonne fic sur le passé des dirigeantes d'equestria et sur discord,
Comment a tu trouve les noms des éléments chaotiques et sur qu'elle
Site si il y en a un bien sur, que le chaos soit avec toi.


Pas de site. J'ai juste analysé les pouvoirs de Discord, que j'ai découpé en catégories.
Il y a 7 mois · Répondre
supersonic
supersonic : #48152
Très bonne fic sur le passé des dirigeantes d'equestria et sur discord,
Comment a tu trouve les noms des éléments chaotiques et sur qu'elle
Site si il y en a un bien sur, que le chaos soit avec toi.
Il y a 7 mois · Répondre
crystaltiger18
crystaltiger18 : #30740
Ho trop bien je kiffe cette fic ! Elle est trop bien écrite! J aurais jamais penser en retrouver une aussi bien apres la légende de l harmonie !
Il y a 2 ans · Répondre

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