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TRON : Perfection

Une fiction écrite par Hérode.

Union

Caserne d'entraînement de la Garde noire, 211ème niveau de la tour de la Garde noire, la Grille, emplacement 336428x 289179y. Quartier des recrues, environ 1200 cycles. La jeune recrue Ciel d'Hiver sort de sa veille, et commence à s'équiper. Voilà maintenant près de 4,38 cycles qu'il a quitté sa famille et ses proches pour s'engager dans la Garde noire. Ce jeune programme fut toujours fasciné par les beaux uniformes de la Garde noire à un tel point qu'il s'en serait mis à détester sa tenue noire aux traits bleus, tant il aimait les lignes orange de la Garde noire. Sa passion lui était venue dans sa prime enfance, lorsqu'il venait à peine d'être mis au monde par sa mère.

Dans sa couche, encore nu de toute combinaison, entre deux siestes, il la vit. La navette de Clu. D'abord un point jaune à l'horizon, puis un météore jaune escorté de Recognizers traversant le ciel de la grille et enfin un amas jaune et orange porté par réacteurs qui rétrécit à l'autre bout du ciel. C'était d'abord la couleur orange, alors que tout le reste est bleu, qui avait marqué Ciel. C'était ensuite le bruit puissant et magnifique, parvenu à ses jeunes oreilles, qui l'avait séduit. À partir de ce jour, il n'a plus baissé les yeux, il consacrait son temps à contempler les cieux, à regarder passer les aéronefs, à guetter les Recognizers, à lorgner les hélicos de lumière, à faire les yeux doux au moindre énorme vaisseau de transport, mais jamais la navette ne reparut. On lui avait acheté un Recognizer miniature, il passait des heures à jouer et à arrêter les programmes non conformes. Un autre moment qu'il adorait également, c'était la parade de la Garde noire au centre de la grille tous les 1,095 cycles, juché sur le dos de son père. Admirer le défilé des troupes, des cycles lumineux, chars de lumière, le ballet aérien, et en clôture le char personnel de Clu, au design d'époque mais avec les technologies d'aujourd'hui. Le père de Ciel d'Hiver, un grand programme terrestre à la crinière noire ébouriffée et mécanicien de profession l'avait laissé un jour monter dans un Recognizer en révision. C'est ce jour-là qu'il décida de s'engager dans la Garde noire.

Aujourd'hui son rêve était réalisé, il porte la combinaison aux lignes orange, excelle aux manœuvres, surtout le pilotage, est imbattable au maniement du Recognizer, tireur de précision, a le sabot adroit et vigoureux, et son lancer d'holofer est redoutable. C'est un bon garde, c'est un bon garde noir. Pour l'instant l'heure était à l'équipement pour partir aux exercices avant le déjeuner. Les préparatifs terminés il embrassa l'hologramme de ses parents avant de sortir de sa petite chambre de recrue.

Atteignant rapidement le champ des manœuvres, il toucha toutes les cibles au fusil laser, fit tomber au sol tous les hologrammes de combat et manqua d'établir un nouveau record au parcours du Recognizer, le record en place étant bien sûr le sien. En descendant de son Recognizer il fut interpellé par le commandant de la caserne ; qui avait déjà remarqué Ciel pour ses exploits, et même une fois été reconduit par les sabots alertes du soldat après une permission au club bien arrosée.

« Soldat Ciel d'Hiver ? » Le soldat se mit immédiatement au garde à vous. « Oui commandant Trot Levé ? » « J'ai reçu d'excellentes nouvelles concernant votre performance aérienne lors du concours au cycle 1199. Mes félicitations, vous avez été promu lieutenant d'escadrille ! La cérémonie a lieu demain à exactement 1200,00035 cycles en présence du général Tesler et de sa suite. » « Merci mon commandant, j'y serai mon commandant ! » répondit Ciel sans émotion apparente. « Vous pouvez disposer, lieutenant. » « Bien mon commandant. » Trot Levé s'éloigna de Ciel d'Hiver, qui fixait la queue brossée au crin près de son commandant. Est-ce que la moustache frisée au petit fer venait bien de dire en remuant qu'il allait être lieutenant d'escadrille ? Est-ce qu'il allait enfin avoir une solde et un logement décents, après tant d'efforts ? Oui. Ciel avait du mal à le réaliser, les larmes montaient aux coins de ses yeux jaune ocre, il les essuya machinalement avec un sabot, couvert par sa si belle combinaison orange, qui allait bientôt être décorée par une magnifique barre orange de gallon, quel dommage qu'il ne la verrait pas, mais tant pis, il gardera un hologramme de lui, à côté de celui de père et mère. Il allait aussi recevoir un cycle lumineux de fonction, il aura un peu plus de permissions, il rendra visite à ses parents avec son cycle lumineux tout neuf, plutôt que d'envoyer le sempiternel message tous les 0,024 cycles, histoire de parader et de fêter sa promotion ensemble, et comme il est fils unique, ses parents étaient seuls à la maison depuis qu'il s'était engagé, ils devaient se sentir seuls. Oui, il irait les voir. Il jeta un œil à son Recognizer, sa magnifique machine à lui. C'est grâce à son père qui les aimait, il avait déjà imaginé toutes les figures qu'il pouvait exécuter avec le Recognizer miniature de son enfance.

Quelle joie lorsque son père rentra un soir avec le jouet, les yeux de Ciel avaient tellement brillé. En plus de cela son père, ayant remarqué son attrait pour cette machine, l'emmenait à son atelier à chaque fois qu'un Recognizer rentrait en révision. Ciel assistait avec attention aux tests sur les réacteurs, aux contrôles des pièces moteur et électroniques, et bien sûr aux vols de contrôle pour s'assurer que tout fonctionne, ayant même eu une fois le droit de tenir le manche de direction.

Ciel y repensa lors de son entraînement à l'holofer, si intensément qu'il fut distrait et manqua quelques cibles, et encaissa dans le flanc un holofer d'entraînement. Heureusement le millicycle de repas arriva, et il se dirigea donc vers le niveau du réfectoire, impatient de raconter la bonne nouvelle à ses camarades.

Après s'être rapidement servi de l'habituelle synthèse de nutriments, il s'installa à la table de camarades habituelle. Ils parlaient de tout, la qualité du menu laissant à désirer, le récent élargissement de la croupe du colonel Soupe au Lait, le dernier exploit vidéoludique sur Space Paranoids, la conquête d'hier soir au club avec des yeux de déesse, les hologrammes du petit qui grandit à la maison... Ciel écoutait distraitement tout en mâchant sa pitance en attendant de pouvoir raconter sa nouvelle. Le moment vint après que Cobalt, appuyant avec véracité que le colonel Soupe au Lait avait le mari le plus heureux du monde « avec une croupe comme ça ». Ciel prit alors la parole « Sinon vous savez, le commandant Trot Levé m'a dit tout à l'heure que j'allais devenir lieutenant d'escadrille, et ça pas plus tard que demain, pendant la cérémonie de remise des prix avec le général Tesler et tout et tout ! » « Chapeau mon lieutenant ! » « Tu payes une tournée ? » « Il est des nôtres ! » Les sabots trépignent sur la table, on cogne les gamelles entre elles, on félicite et on hennit. Rarement Ciel avait suscité autant d'intérêt, même s'il avait déjà été approché par nombre de programmes pour ses exploits, même courtisé en soirée par d'autres programmes aux intentions manifestes, mais à table il écoutait plus souvent qu'il ne racontait. Il est d'un ordinaire humble, à moins qu'il ne soit juste timide. À peine forcé, Ciel paya un verre d'Orange Sanguine, la boisson du Garde noir à tout le monde. Une fois les gosiers inondés, il était temps de retourner aux manœuvres et de passer aux attendus exercices des blindés avec simulation.

Ciel s'installa avec son drone d'entraînement et son bâton de combat dans la salle d'entraînement voisine à celle des blindés, histoire de profiter du spectacle. Les coups de canon résonnaient à côté de lui alors qu'il échangeait les parades et les frappes avec son drone, les vrombissements des chenilles étaient omniprésents, couvrant un certain nombre des sonorités que les deux combattants pouvaient émettre.

Lors du dernier dixième de millième de cycle d'entraînement, on divisa la section en deux, créant ainsi une équipe orange et une équipe verte, on invita même Ciel à monter sur un des blindés, puisque son entraînement était terminé. Les deux lignes de chars se firent face en attendant le départ donné par le commandant de section. Celui-ci étant donné il résonna une symphonie de coups de canon, des blindés qui se foncèrent dessus, le vacarme assourdissant de leurs chenilles, l'abordage du char ennemi en évitant le laser mitrailleur, la pénétration dans la carcasse du char, la mise hors d'état de nuire de l'équipage, l'application de la couleur orange au char. L'adaptation approximative aux commandes du véhicule, le diriger vers un char vert sans membre d'équipage opérant le canon. Le repérage et la neutralisation du char de Ciel, le brutal passage au rouge du panneau de contrôle du blindage en témoignant. Dépité, il fit pivoter son siège de pilotage et accepta une des rations que l'équipage avait sorti et mâchait en attendant la fin de l'exercice. Il discuta plus ou moins salement des croupes des programmes engagés dans la Garde noire, redit qu'il allait être promu, reçut des félicitations, rit aux éclats avec des énormes vulgarités. Vint la fin des manœuvres, on rangea le matériel toujours dans les vrombissement des chars, petit discours du commandant, saluant le travail d'équipe des verts et la stratégie du char orange n°3. Il en félicita d'autres, énuméra les quelques points à revoir, et on se dirigea vers le réfectoire.

Le repas se déroula calmement sauf pour Cobalt qui se vit remettre un blâme et une convocation dans le bureau du colonel Soupe au Lait, en effet il avait exprimé ses intentions on ne peut plus explicites avec « sa putain de croupe à faire bander les programmes » effacés alors qu'elle passait derrière lui.

Après le repas, c'était quartier libre. On proposa à Ciel une tournée des clubs mais il refusa, il devait être présentable pour sa cérémonie avec le général Tesler, tout de même. On n'insista pas et Ciel retourna dans son petit logement au milieu de logements. Il sera bientôt à l'aise dans le quartier des lieutenants. Pour l'instant il entrait dans son petit appartement et imagina la barre luisante sur ses épaules un instant, puis commença à rédiger un message à destination de ses parents. Il leur rappela combien il les aimait, combien il leur manquait, narrait ses performances de pilotage, décrivant comment il avait eu l'idée de cette figure en jouant avec son petit Recognizer. Il leur raconta enfin qu'il allait être fait lieutenant, qu'il allait leur rendre visite très bientôt. Il remercia ses parents et termina le message, l'envoyant au terminal de vérification et d'envoi, ne fonctionnant que tous les 0,024 cycles, laissant le réseau libre le reste du temps pour les communications entre les troupes de la Garde noire. Il se jeta ensuite dans sa couche, impatient d'être demain. Il entra rapidement en veille.

Il rouvrit les yeux peu après, dans un état d'apesanteur et dans une certaine obscurité. Il se positionna de façon à avoir la tête vers le haut et contempla les alentours. Il n'y avait autour de lui que quelques sources de lumières au loin, dont la cité principale de la grille. Il se trouvait tout simplement en suspens au milieu de nulle part, baigné par une obscurité envahissante. Il promena son regard un peu partout devant lui jusqu'à ce que deux Recognizers ne passent en-dessous de lui, éclairant avec leur projecteurs le sol de l'outreterre. Un troisième s'était arrêté au niveau de Ciel, ouvrant son cockpit, un garde noir s'adressa à Ciel à travers son casque « Nous vous attendions, Général » avant de prendre Ciel par un sabot et l'emmener dans le cockpit. Une sorte de trône se trouvait au fond de celui-ci. « Prenez place mon Général » fit un autre garde à l'intérieur. Ciel contempla son reflet un bref instant dans le casque du garde, et il surprit trois énormes barres se déformer et se tortiller sur le reflet de ses épaules. Cependant, c'est à peine s'il écarquilla un peu les yeux et il se concentra plutôt sur le trône qui lui était proposé. Il s'assit et le Recognizer se remit en route, emplissant les oreilles de Ciel du si familier ronflement de la machine. Il était comme bercé par les vibrations de l'appareil, ébloui par les lumières orange et luttant contre le sommeil. Le Recognizer avait rejoint une cité, et se dirigeait en plein vers l'arène. On atterrit après quelques instants de berceuse et Ciel fut invité dans la tribune d'honneur, afin de procéder à la cérémonie d'ouverture des jeux. Assisté par ses deux gardes noirs, Ciel se dirigea d'un pas lent vers la tribune. « Vous devez ouvrir le 5ème cycle de jeux de la cité de Tesler, non Teslapolis » se corrigea le garde « Tout ce que… avez à faire… ouvrir les jeux… notre… leader Clu. » Ciel regarda le garde d'une mine sceptique engourdie. Comme il portait un casque il ne pouvait déterminer si le garde avait omis des mots volontairement ou bien si c'était Ciel qui avait mal entendu. Ciel entendit parfaitement les ovations et les ravages causés au sol par l'acharnement de milliers de programmes attendant le spectacle. Ciel manqua de tomber au sol et poussa un cri de surprise, il ne sommeillait plus, les lumières éclairant l'arène se faisaient fulgurantes et il ne put plus avancer davantage tellement sa vision était troublée. C'est en plissant les yeux douloureusement et presque entraîné par les sabots des gardes que Ciel parvint au balcon de la tribune. Il déferlait sur lui à la fois les coups de sabot de toute la foule et l'intégralité des sources lumineuses de l'arène. Il inspira, s'éclaircit la gorge et voulut se lancer, lorsqu'une douleur lui traversa le crâne. Il se rattrapa au balcon puis glissa par terre, tenant sa tête entre ses sabots. Asséné par la lumière, le bruit et la souffrance, il ferma ses yeux un long moment, puis les ouvrit et se retrouva dans son logement, à la caserne d'entraînement de la Garde noire, ridiculement saucissonné dans sa couverture. Il se débattit un temps avec sa literie, puis constata en vérifiant son cyclomètre qu'il s'était réactivé plus tard que prévu, il doubla la cadence des préparatifs et une fois convenablement équipé et traité avec tout ce qu'il pouvait posséder comme outil esthétique il fila rejoindre la grande place des cérémonies.

Là-bas l'attendaient toutes les recrues de la caserne ainsi que pour l'occasion le général Tesler en personne accompagné par toute sa division de commandement, ses stratèges, ses vice-généraux, ses commandants et sa garde personnelle. Tout ceci formait une masse de troupes particulièrement mise en valeur puisque installée sur l'estrade, surplombant ainsi de manière hiérarchique et spatiale le reste de l'assemblée. Cette dernière était composée d'énormes carrés de troupes parfaitement immobiles et ordonnées, et surtout silencieuses, disposées selon leurs sections dans leurs carrés, composant eux-même des carrés plus vaste. La place était ainsi divisée en quatre carrés, eux-mêmes divisés en quatre carrés dont pas un seul programme ne dépassait, à l'exception d'une place vacante, celle de Ciel. L'apercevant, il la rejoignit en essayant d'être le plus discret possible et adopta la position standard, les pattes perpendiculaires au corps, et la tête légèrement levée, de manière à voir l'estrade et ses occupants notamment.

Un martèlement soutenu se fit entendre, prenant de l'ampleur à chaque impulsion. Il provenait des sabots des gardes noirs frappant le sol de manière synchrone, procurant un effet de grandeur et de puissance infinies pour tout observateur proche du rassemblement. Se levant de l'arrière de l'estrade où il était invisible, un programme au teint gris presque inquiétant s'approcha du bord de l'estrade et contempla les troupes. Sa crinière noire et parfaitement brossée, déposant un regard d'autorité et de crainte partout où ses yeux impassibles portent, il arbore une fière barbe noire sur son menton excessivement carré. C'est lui. Le général Tesler. Il éleva un sabot et le fit passer au-dessus des rangs, ramenant rapidement le silence. « Salutations programmes, et bienvenue à la cérémonie de récompense du concours du cycle 1199 » Son visage était projeté sur un écran au-dessus de lui, en même temps que sa voix résonnait dans toute la place. « Au nom de notre grand leader Clu nous allons immédiatement passer à la remise des prix et des grades pour chaque garde s'étant illustré durant les exercices. Les programmes suivant sont promus gardes de première classe : garde Lame Élégante, garde Gracieuse Portée, garde Rasade, garde... » Ciel n'écoutait plus le général, il croulait sous la pression, et se donnait un mal fou à ne pas le laisser transparaître. Malgré tous ses efforts il était clairement visible qu'il tremblait comme une feuille, il bougeait également nerveusement la tête, brisant l'harmonie avec les autres programmes alentours. « Sont promus lieutenants les programmes suivants : » C'était le moment, le moment où il allait briller, où il allait recevoir sa jolie barre des sabots du général Tesler lui-même, chose pour laquelle il n'était pas vraiment préparé. Lorsqu'il fut appelé il fit des efforts suréquins pour cacher sa nervosité et monta sur l'estrade. Sur cette dernière se tenaient déjà tous les précédents appelés, figés dans une position encore plus fière que les programmes du niveau inférieur, l'escadron de commandement de Tesler ainsi que tous les commandants de la caserne, dégageant une réelle aura de domination sur tous les gardes présents sur la place. « Avec toutes nos félicitations Ciel d'Hiver », dit Tesler d'une voix sereine. « J'ai l'honneur de vous promouvoir lieutenant d'escadrille. » Il prit une des barres contenues dans un coffret tenu par un garde adjacent et la fixa à l'épaule de Ciel. Il fit de même pour l'autre épaule et fendit son visage d'un large voire jovial sourire et contempla le programme qu'il venait de décorer. « M-merci mon général », répondit Ciel, déstabilisé. Il rejoignit les autres programmes promus à son grade alors que Tesler appela un autre programme à décorer et lui répéta la même chose. Tesler décora un bon nombre d'autres programmes avant que Ciel ne fût las de tenir la pose. Il regarda autour de lui, il se trouvait sur l'estrade, dominant tous les programmes se trouvant devant lui. Derrière lui l'une des plus hautes branches de commandement de la Garde noire. Tel un gardien, Tesler séparait les programmes commandant des programmes commandés, autorisant pour l'occasion des programmes à rejoindre les rangs des plus hauts gradés. Ciel avait une bonne vue sur les rangs de gardes présents en-dessous de lui, les quelques trous des promus attirant son regard, il faisait aller ses yeux de l'un à l'autre, en basculant furtivement sur les grandes lignes orange couvrant les murs et le plafond de l'immense place. L'attente commençait à se faire longue, les trous étaient assez nombreux mais cela ne l'occupait plus, la situation lui était devenue totalement inintéressante.

Heureusement le général finit par remercier l'ensemble des programmes, à commencer par ses commandants en second et en finissant par une référence à notre grand leader Clu et ce fut tout, la cérémonie était terminée. Les rangs se rompirent rapidement, Ciel chercha du regard ses camarades, ce qui ne fut pas une tâche facile pour la simple raison que tous les gardes noirs en armure sont parfaitement identiques les uns aux autres. Il les chercha vaguement un court instant avant qu'ils ne l'interpellent. Arrivé à leur hauteur, l'un d'eux proposa un repas en ville en l'honneur des nouveaux officiers. Ciel savait que son capital crédits allait en pâtir mais il n'en fit rien, il pouvait bien se le permettre maintenant.

L'endroit ressemblait plus à un banal café qu'un restaurant de qualité mais Rayon Protecteur a assuré qu'ils servaient les meilleurs sandwiches au foin de la ville. Et effectivement, Ciel n'avait jamais mangé un tel sandwich aussi délicieux, et puis le café était très agréable et la serveuse plutôt mignonne. On s'attarda longuement, on recommanda une énième tournée d'Orange Sanguine, les blagues les plus crasseuses commençaient à se multiplier. Les esprits s’échauffèrent lentement et comme il se faisait tard, on alla au club le plus proche. Il n'y avait plus que de l'Orange Sanguine qui se buvait à ce moment-là, mais il était encore trop tôt pour ramasser les programmes ivres morts. Tout le monde dansait ou savourait une autre boisson à une des tables autour de la piste de danse. La musique était plutôt bonne, et forcément trop forte pour tout programme normal. Ciel sirotait son deuxième cocktail au milieu de ses amis, lorsqu'un revint avec un programme sublime à la crinière blond platine répondant au nom de Myrrah. La conversation se tourna sur elle quelques temps jusqu'à ce que Cobalt fasse remarquer que Ciel n'était jamais rentré un soir avec un programme. Il expliquait que c'était tout simplement pour ne pas avoir de problèmes avec le commandant, ce à quoi les autres répondirent qu'il serait temps pour le lieutenant de changer cela.

C'est donc un Ciel d'Hiver plutôt perdu qui s'élança sur la piste en cherchant du regard d'éventuels coups, de préférence beaux, et seuls. Afin de paraître naturel il esquissait quelques pas de danse, en jetant çà et là un coup d’œil.

Installée de l'autre côté de la piste de danse, sirotant son cocktail, Soupe au Lait l'observait avec un sourire sournois. C'est peut-être à cause de l'alcool, mais Soupe au Lait trouvait Ciel particulièrement attirant à ce moment-là, et elle guettait chaque moment où Ciel lui montrait sa croupe. S'impatientant, elle se leva, dansa vers lui et le colla dangereusement. « Bonsoir Ciel », fit-elle dans son dos. « C-colonel ?! » s'exclama Ciel de manière presque indiscrète. « Allons, tu peux m'appeler simplement Soupe au Lait. Alors qu'est-ce que tu fais ici ? » « Hum, en fait je fête ma promotion avec les copains de la garnison. » « Je vois... Et ils ne dansent pas ? » « Non, ils sont trop occupés à boire et à parler avec leurs conquêtes du soir. » Soupe au Lait réfléchit quelques secondes et finit par dire : « Et si on les rejoignait ? » Ciel réalisait mal ce que cela impliquait, mais au lieu de réfléchir sur la question il se mit rapidement en direction de la table de ses camarades, suivi par Soupe au Lait.

Les cris qu'ils poussèrent en voyant Ciel accompagné de Soupe au Lait témoignèrent de l'importance de l’événement, on manqua de l'applaudir. On demanda immédiatement ce qu'elle voulait boire. Elle prit ce qu'elle prenait d'habitude, c'est-à-dire un Feu de la Rampe. La vie de chacun se révéla au fur et à mesure que les verres se vidaient. Certaines choses heureusement ne seraient pas retenues compte tenu de l'état de certains interlocuteurs. On retiendra uniquement le mari infidèle de Soupe au Lait, venu au club dans l'unique but de se venger. On rit de bon cœur de la situation, les contacts se faisaient plus langoureux, il fut alors décidé qu'il était temps de rentrer. On proposa des hébergements ici et là, et Ciel, sur invitation de Soupe au Lait, alla passer le reste de la soirée chez elle, et grimpa donc dans son module de transport.

Le trajet se déroula sans événement majeur, hormis Soupe au Lait multipliant les gestes familiers envers Ciel, ce qui lui sembla être bon signe. La propriété de Soupe au Lait était quant à elle vraiment charmante. Dès son arrivée Ciel put contempler une petite cascade s'écoulant du premier étage dans un bassin en contrebas. À l'intérieur il put profiter du merveilleux salon avec sa cheminée où dansaient aléatoirement des flammes bleues, un bar dans un coin du salon, procurant un large espace où Ciel fit quelques pas, avant que Soupe au Lait ne le jette sur le vaste canapé et que sa tête ne heurte un des accoudoirs en verre et ne se désactive sur le coup.

Le lendemain il avait bien sûr un sacré mal de crâne et s'était réactivé tardivement. Son museau s'emplit d'une douce odeur de pancakes, et il se dirigea presque inconsciemment vers le bar, derrière lequel l'attendait une Soupe au Lait tout à fait maternelle finissant de cuire un pancake. « Il faut que l'on mange vite, on est déjà en retard pour la caserne », fit-elle en déposant le pancake sur la pile fumante. « Si tu m'avais réveillé plus tôt au lieu de faire tout ça on y serait déjà », répondit Ciel en se versant un café. « On méritait mieux que des pauvres tartines après cette nuit non ? » fit-elle d'un ton aguicheur. « Mange au lieu de dire des bêtises. » Elle rit en entamant un pancake. Ils finirent leur petit-déjeuner sans vraiment se presser et filèrent dans le module de Soupe au Lait en direction de la caserne. La journée se déroula sans événements majeurs et à la fin de celle-ci Ciel retrouva ses quartiers, avec son bracelet de cycle lumineux sous la patte. Il le déballa immédiatement sans même remarquer le message de ses parents. Il se voyait déjà multiplier les dépassements de véhicules du freeway, remporter des courses illégales, faire des figures plus impressionnantes les unes que les autres... Il y pensa fort, en effet venait le temps des cycles de formation et d'entraînement, qui à l'inverse d'être dur pour Ciel, est extrêmement ennuyeux et lassant. Il grisa quelques instants avant d'enfin voir le message. Il en avait vraiment besoin, il aurait besoin des mots réconfortants de ses parents pour traverser ces cycles interminables.

Vint la fin des cycles de formation et d'entraînement. Grâce au temps libre que Ciel a pu se dégager en finissant ses exercices en avance, ils passèrent plus rapidement que redouté. Il était temps de rendre visite à papa et maman. Il se rua à l'extérieur de la caserne et se lança vers la maison de ses parents, dans la ville juste à côté. Ça le rendait un peu triste en un sens, le trajet à parcourir est plutôt court et même s'il a déjà eu l'occasion de chevaucher son merveilleux cycle lumineux orange et de faire quelques folies avec, ça l'embêtait de ne pas pouvoir en profiter longtemps sur le freeway. Mais bon au moins il allait revoir ses parents, donc au final il ne perdait rien.

Il avait à peine franchi le portail de la modeste propriété de ses parents qu'il les vit déjà attendre sur le palier. Étant donné le bruit qu'il avait fait jusque-là, ce n'est pas étonnant qu'ils soient sortis pour l'accueillir. Ciel stocka son cycle dans le bracelet et l'accrocha à sa combinaison, avant de trotter vers les programmes aimés. Au premier instant ils ne se dirent rien, ils se prirent entre les pattes et se serrèrent pendant un instant d'éternité. Il y eut ensuite un long échange de regards fixes à la limite du pathétique avant que la mère ne déclare. « Mon fils a tellement grandi. » « Eh bien, comme tout les programmes j'imagine... » répondit Ciel. « En tout cas il a encore son humour », dit son père en riant « Allez restons pas plantés là, on rentre. » Ils entrèrent ainsi dans la demeure familiale.

Tout était exactement comme Ciel se souvenait à un détail près, le motif des murs du salon. À son air contemplatif sa mère réagit. « On a changé le thème mural, ça te plaît ? » « À vrai dire oui, mais entre celui-ci et l'ancien je préfère celui d'avant », dit Ciel. « Ah ? » fit sa mère. Son père arriva derrière eux, voyant la conversation déjà engagée, il demanda à Ciel et à sa femme ce qu'ils voulaient boire. « Oh euh je ne sais pas, vous avez encore ce que vous aviez servi aux 100 cycles de Fragment de Paix ? Il était délicieux ce machin », demanda Ciel « Oh tu veux dire l'élixir de singularité ? Bien sûr qu'on en a ! » s'exclama le père. « Je crois que je vais me contenter d'un verre de vague bleue chéri. » « C'est toi qui vois », fit le père en disparaissant dans le frigo. « Tu sais Ciel, ton père et moi attendions que tu sois accompagné. Pour le coup nous somme déçus. Tu sais à ton âge on faisait déjà plein de sorties ton père et m- » « Roh allez il est encore jeune notre Ciel ! Rappelle-toi notre ancienne voisine, cette bonne Lueur du Matin. Il a bien fallu attendre jusqu'au cycle 922 pour qu'elle se trouve quelqu'un ! Elle donne plus de nouvelles d'ailleurs », interrompit le père et apportant les boissons. Interrogé sur sa vie à la caserne, Ciel raconta son quotidien. Les entraînements, les supérieurs hiérarchiques, les repas à la substance douteuse, les discussions avec les copains, les sorties au club, sa promotion, la sortie au Club, Soupe au Lait. Sur ce dernier détail les parents s'étaient attendris. Poursuivant, Ciel expliqua que ce n'était que l'affaire d'un soir, et les parents parurent désappointés. Un passage en revue des nouvelles des proches de la famille et l'on commença à manquer de temps. Son père se mit ensuite à parler de diverses anecdotes de son atelier, notamment celle où Sabots Débiles bloqua la direction d'un véhicule en révision et l'envoya couler dans la jetée à proximité immédiate de l'atelier. Ils rirent de bon cœur et le cyclomètre sonna les 1200,02235 cycles. Il fallut alors penser à se séparer pour ne se revoir que dans 0,021 cycles au mieux, ce qui était déjà plus enviable que les 4 cycles sans aucune visite à aucun moment à cause de l'engagement de Ciel, donc au final ce n'était pas si mal. Malgré tout, Ciel et d'une certaine façon ses parents tentèrent de faire prolonger l'instant présent, ils se regardaient mutuellement, ils ne parlaient pratiquement plus. Ciel coupa à contrecœur ce moment en déclarant qu'il était l'heure. Ses parents hochèrent la tête et ils se dirigèrent tous les trois vers l'entrée de la maison.

Ciel déploya directement son cycle lumineux, tourna sa tête vers son père et sa mère et leur dit : « Bon eh bien, à la prochaine. » « Au revoir mon fils », fit humblement le père avant d'éclater de rire. La mère s'était quant à elle serrée contre son mari, et ajouta à son rire : « Reviens vite voir, on essayera de toujours avoir de l'élixir de singularité pour toi ! » « Hé j'espère bien ! » fit Ciel en mettant les gaz.

« Un ordre de mission ? » « Oui lieutenant, vous êtes dans la Garde noire je vous rappelle. Comme l'indique cet ordre vous êtes attendus vous et votre section à 1200,2535 cycles pour une mission à Condapolis, rompez lieutenant », fit le commandant Trot Levé. Ciel était à moitié contrarié, cette mission perturbait le projet de revoir ses parents, mais bon ce n'était qu'une mission de surveillance, donc qui ne devrait en théorie pas poser de problème, mais qui mettait définitivement à mal son entrevue future avec père et mère.

Le temps de leur écrire un message et de s'assurer d'être au meilleur de ses capacités pour la mission, il se plongea dans sa couche afin d'être solidement revigoré et prêt à tout pour ce qui l'attendait.

Condapolis, plus grande citée des Isos, s'anime comme chaque jour peu à peu au sortir de la nuit.

Un cycle lumineux était déjà lancé sur un axe routier, lorsqu'une vague de Recognizers mit en place un barrage en s’abattant brusquement, détruisant au passage le cycle qui se trouvait en-dessous. Après les Recognizers vinrent les chars, qui par milliers encerclèrent la ville en totalité, braquant leurs canons sur les immeubles bleutés.

Arriva enfin un immense vaisseau noir et orange, le vaisseau de commandement.

À son bord se trouvait le général Croisé, qui du haut de son pupitre de commandes, ordonna un blocus immédiat de la ville et le tir à vue sur les fuyards, ce qui fut le cas sur tout véhicule venant de l'axe de communication routier, tout cycle approchant du barrage étant instantanément détruit par un tir de char.

Il fallut peu de temps pour que le centre de la ville bouillonne, que tous les habitants ne se massent dans les rues pour regarder curieusement toutes ces masses orange qui avaient poussé tout autour d'eux.

Ceci profita au discours de Croisé qui résonna dans toute la ville, tout en affichant sa tête sur l'écran géant de tous les immeubles.

« Votre attention Isos, vous avez été reconnus par le grand Clu comme imparfaits. Vous allez par conséquence subir l'éradication jusqu'au dernier, veuillez rester tranquilles jusqu'à la fin de la procédure. Votre coopération sera appréciée. » Il n'en fallut pas plus pour semer la panique générale. Tous les programmes taillèrent la foule devenue difforme, chaotique. Certains programmes restèrent figés sur place, sans doute incrédules à la situation qui leur était présentée. La majeure partie des programmes quant à elle se rua à travers les rues, se heurta aux murs et piliers, tomba, fut piétinée ou alors parvint au niveau des chars barrant les seules issues de la ville. À ce niveau il ne fallait pas espérer survivre. Les gardes noirs et leurs blindés faisaient impitoyablement feu sur tout programme s'approchant de trop près. Les poussières d'Isos recouvrirent bientôt une importante surface du sol.

En survol au-dessus de la ville afin de s'assurer qu'aucun aéronef ne tente de s'échapper patrouillaient d'innombrables Recognizers, rendant le ciel nuageux comme porteur d'une pluie de feu, et cela était presque mieux pour Condapolis qu'il pleuve du feu. À bord d'une de ces flammes volantes se trouvait Ciel, transmettant rapport sur rapport au vaisseau de commandement, qui lui répétait sans cesse de continuer la patrouille, avant que Ciel ne communique un nouveau rapport et qu'on lui dise à nouveau de continuer de patrouiller. Profondément ennuyé, il envoya de moins en moins souvent des rapports, pour au final ne plus rien envoyer du tout, et comme il ne voyait décidément rien de suspect aux alentours, il quitta son secteur de surveillance pour voir si Condapolis était plus belle ailleurs. Il survola un barrage où l'on refoulait les derniers programmes désespérés, un autre et enfin parvint à proximité d'un vaisseau sur le point de se connecter avec un immeuble de la périphérie de la ville. Admirant le déplacement d'une certaine manière magnifique de l'engin qui s'emboîtait parfaitement avec l'immeuble, il sursauta lorsque le vaisseau envoya une décharge dans le bâtiment, réduisant dans un vacarme infernal tout bâtiment et programme à proximité immédiate. Un peu déstabilisé, Ciel se redressa et chercha du regard des vaisseaux similaires au loin. Il en aperçut une douzaine, dont un activa le même mécanisme et vaporisa la zone attenante. Instinctivement Ciel fit son rapport au vaisseau de commandement et se remit à traquer d'éventuels vaisseaux cherchant à forcer le blocus. Une formidable explosion, puis une autre, et enfin les derniers bâtiments disparurent ainsi que leurs occupants. Survolant les ruines Ciel remarqua soudain une lumière étrange au sol. Ne voyant aucune unité au sol Ciel décida de se poser et de voir de quoi il en retournait. Équipant son holofer et son bâton de combat, Ciel sortit de son Recognizer et trotta, aux aguets, vers le lieu où il avait vu la lumière. Entre deux tas de décombres, il vit un fragment de bâtiment miraculeusement conservé au milieu duquel gisait un Iso visiblement inconscient, ou plutôt une Iso au vu des crins de sa tête. Ciel s'approcha d'un pas prudent vers elle, lorsqu'un bruit derrière lui lui fit tourner la tête, mais trop lent il eut à peine le temps de sentir le fulgurant coup de sabot dans la nuque avant de tomber au sol. « REGARDE AUTOUR DE TOI » lui hurla-t-on. « REGARDE ! » Malheureusement Ciel était trop occupé à gémir sur le sol et était incapable de faire n'importe quel mouvement. Aussi il fut soulevé sans qu'on le touche et on lui ouvrit les paupières de force. « REGARDE CE QUE TON CLU A FAIT. » Tout n'était que champ de ruines à perte de vue, parsemé de particules bleues çà et là, et au loin la Garde noire apportant sa couleur de feu au tableau. L'interlocuteur parut dans le champ de vision de Ciel, un programme visiblement âgé, portant une barbe poivre et sel, à la corne scintillante et aux ailes déployées de rage. « Détruire une ville aux programmes innocents, voilà ce qu'a fait Clu. » Incapable de répondre, Ciel continua de scruter ce qu'il voyait devant lui et aperçut un, puis trois puis d'innombrables membres, pattes, voire têtes d'Isos jonchant le sol des restes de Condapolis, mystérieusement non décomposés entièrement en fine poussière bleue. Il vit en ultime horreur une tête aux yeux pointés droit sur lui, et dont la bouche sembla laisser échapper un dernier râle. Les larmes commencèrent à abonder dans les yeux de Ciel, dont l'ouverture forcée n'aidait pas à arrêter ses pleurs. Le programme lâcha prise et Ciel s'effondra au sol dans un sanglot, émit plusieurs sons aigus incohérents avant de tourner son regard rougi vers celui du programme qui s'approchait. « M-mais qui êtes vous... » chuchota Ciel. « Je suis Synn. » Un déclic se fit chez Ciel, et il se mit à se prosterner d'instinct devant lui. « Viens ici, j'ai une Iso à sauver », fit Synn en lui tournant le dos et en se dirigeant vers l'Iso inconsciente. Il la souleva à l'aide d'une aura magique et alla vers le Recognizer de Ciel, lui faisait ainsi à nouveau face. Ciel regarda simplement Synn monter à bord de son appareil, déposer délicatement le corps de l'Iso et s'installer au poste de pilotage.

Synn voyant Ciel d'un air absent, descendit du poste et lui cria : « Allez reste pas planté là, monte ! » Ciel reprit ses esprits et se précipita à l'intérieur du Recognizer. Synn fit décoller l'engin en direction de l'outreterre, en gagnant de la hauteur afin d'être dissimulé de la Garde noire dans la couche nuageuse. Malgré cette précaution le contrôle du vaisseau de commandement prit contact par intercom. « Unité aérienne 502, vous êtes sorti de votre périmètre assigné. » « Je suis à la poursuite de fuyards », répondit Synn de manière assez posée. « Bien reçu unité aérienne 502, n'oubliez pas de faire votre rapport. » Synn souffla et tenant d'un sabot le guidon du Recognizer, il appliqua l'autre sur la surface vitrée du cockpit. Des glyphes incompréhensibles se mirent à glisser autour du sabot, Synn en toucha trois de manière précise et sûre, en toucha deux autres et agita son sabot en demi-cercle avant qu'un Recognizer en tous points semblable à celui qu'il pilotait apparaisse derrière lui, et que le sien ne prenne des couleurs bleues à la place. Derrière, le Recognizer orange décrivait des cercles au rayon plus ou moins large.

De son côté du Recognizer, Ciel tenait compagnie à l'Iso, qui se trouvait encore dans un état d'inconscience. Il remarqua sa bouche légèrement entrouverte et ses yeux clos, ce qui conférait à l'Iso une vue tout à fait adorable, dont Ciel se gardait bien de toucher, d'une part à cause de ce qu'il avait bien pu entendre sur les Isos, et d'autre part à cause de son remord suite au massacre auquel il avait pris part.

Le Recognizer bleu se posa au pied d'un imposant massif rocheux. Après avoir fait s'abaisser le cockpit, Synn demanda l'holofer de Ciel. « Il faut que j'efface les programmes de localisation. » « Et qui vous dit que je vais simplement vous le donner ? » répondit Ciel en soupirant à moitié. « Si tu ne me le donnes pas, je le prends de force. » Ciel considéra l'affrontement avec Synn en saisissant son holofer, mais finit par simplement lui donner. Après avoir opéré les changements sur le disque, Synn le rendit à Ciel et transporta l'Iso à l'aide d'une aura magique vers une grotte, que Ciel n'avait pas remarqué jusque-là.

Abrité dans la grotte, Synn prit l'holofer de l'Iso et commença à chercher ce qu'il n'allait pas, en diffusant le code contenu dans la cavité. Ciel s'était approché et regardait tel un poulain les milliers de points lumineux emplissant la grotte, où il remarqua quelques machines plus ou moins inachevées et des équipements de vie rudimentaires, comme une couche ou bien un siège posés à même le sol. Synn s'approcha d'un point rouge et l'écrasa entre ses sabot, faisant jaillir une gerbe d'étincelles. Il en écrasa un autre, puis il réarrangea quelques points dans l'espace. Il fit retourner le contenu de l'holofer dans son réceptacle et le replaça sous le sabot de l'Iso.

Celle-ci reprit connaissance quelques instants plus tard. Demandant ce qu'il s'était passé, ne se souvenant que des cris des autres Isos et des détonations juste à côté d'elle. Synn lui expliqua calmement la situation. Elle resta un moment incrédule, puis tomba en sanglots dans les pattes de Synn. Se sentant mis à l'écart de la situation Ciel essaya de se faire oublier de l'autre côté de la cavité. Il voyait en cette Iso la preuve même de sa responsabilité du massacre. Encore n'y aurait-il pas eu de preuves résiduelles ou de survivants peut-être n'aurait-il plus jamais pensé à Condapolis, mais plus il regardait l'Iso plus son cœur se serrait.

Après des pleurs interminables, l'Iso parvint à se contrôler et à récupérer ses esprits. Ciel se rapprocha d'elle, lorsqu'elle le vit elle voulut le ruer de coups, mais elle n'en fit rien l'instant où elle vit son regard. « Je crois... Je crois que j'ai besoin d'être seule », fit-elle en s'installant à bord d'un quadricycle. Elle se mit en place, fit chauffer le moteur et Ciel l'interpella. « Attendez, comment vous appelez-vous ? » « Je suis Zéphyr ! » dit-elle avant de fermer l'habitacle et de foncer à travers l'outreterre.

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