Chapitre 3: L'admission

Luna faisait sa routine habituelle en laissant une longue rainure au sol en marchant. Elle ne savait pas exactement depuis combien de temps elle y travaillait, passant des fenêtres qui menaient aux balcons jusqu’au pied de son lit encore et encore, regardant de temps en temps le ciel étoilé offert à Equestria. Elle arrêta sa routine le temps de lever la Lune, puis retourna à ses pensées. Elle se demandait s’il était dans sa chambre, levant les yeux et pensant peut-être à la beauté du ciel. Ugh ! Elle était pire qu’une pouliche découvrant les joies de l’amour !

Elle ne se souvenait pas de la dernière fois où elle avait ressenti cela. Elle le pouvait, mais très peu, comme si cela était arrivé à quelqu’un d’autre. Applejack avait dit oui. Elle pouvait exprimer ses sentiments envers Macintosh et puis…Elle s’arrêta un moment. Il y avait, bien sûr, une chance qu’il rejette ses avances, même avec les gages que lui avait donnés Applejack. Et s’il ne l’aimait pas ? Et si ils préféraient les juments plus petites, ou sans ailes, ou peut-être ne parviendrait-il pas à mettre de côté le fait qu’elle était une Princesse ?

Un coup à la porte interrompit ses pensées.

« Nous avions exigé de ne pas être dérangés ! grogna-t-elle en s’avançant pour ouvrir la porte avec sa magie, s’attendant à voir un garde ou un fonctionnaire avec une demande des plus urgentes mais elle se retrouva nez-à-nez avec le doux sourire de sa sœur. « Tia ? »

« Bonsoir, Luna. Désolée de te déranger, mais j’ai bien peur que nous devons avoir une sérieuse discussion, qui ne peut pas attendre plus longtemps. »

« Bien sûr, ma chère sœur », elle recula pour laisser entrer l’alicorne dans sa chambre. « Qu’est-ce qui te préoccupe ? Discord est revenu à ses mauvaises habitudes ? Chrysalis et ses changelins sont de nouveaux aux portes d’Equestria ? »

« C’est quelque chose de plus près de chez nous », répondit Celestia. Avec sa magie, elle sortit un rouleau et le tint en face d’elle, s’éclaircissant la voix et commençant à le lire. « Réparer les dommages sur le carrelage en marbre, 600 pièces. Compensation pour manque de sommeil, 1200 pièces. Nouveaux fers à cheval, cinquante pièces par sabot. »

Luna regardait sa sœur dérouler la longue liste de dépenses, plus ou moins bizarres. Vraiment ? Un poney qui demandait à réparer les dommages causés par ses longues marches nocturnes dans ses appartements ? Réaligner le télescope à l’observatoire parce que son allure l’avait décalé de trois degrés au centre ?

« 400 pièces pour de la cire de branche-loups ? » explosa finalement Luna en frappant du sabot. « Ma sœur, quels sont ces sottises ? Nous devions parler de quelque chose d’important ! »

« La cire de branche-loups est terriblement sérieuse », répliqua Celestia le visage stoïque, grâce à des centaines d’années d’entraînement pour ne pas montrer ses expressions. « C’est très difficile à trouver et le dernier groupe de soldats à avoir été en chercher a failli y perdre la vie. J’espère que tu comprends que tout cela met un sérieux coup à notre budget pour l’an prochain. En fait, nous pensons même devoir prendre des mesures drastiques et ne plus servir de pancakes au petit-déjeuner pour faire des économies. »

« Tu…tu… », balbutia Luna, avant de cligner des yeux et de regarder Celestia. « Tu te moques de moi », dit-elle, la voix glaciale.

« Bien sûr que oui », fût la calme réponse donnée par l’alicorne. « Je te taquine depuis des siècles, après tout. Je ne vais pas m’arrêter maintenant. Ça t’empêche de marcher et vraiment, j’ai eu des plaintes de gens qui peuvent t’entendre d’en bas. Luna…qu’est-ce qui ne va pas ? Ne dis pas qu’il n’y a rien, parce que si tu le fais, je continuerai à lire cette liste qui deviendra de plus en plus stupide. »

L’alicorne bleu nuit hésitait au moment de se confesser. « Ce…ce que nous faisons.. ; », commença-t-elle d’une voix faible avant de se tourner vers la fenêtre. « Non. Tu n’as pas à t’en soucier. »

« Lulu », réprimanda gentiment Celestia. « Tu sais bien que tu ne peux plus mettre ça sous le tapis. Tout ce qui va se passer, c’est que tu tomberas dessus quand tu t’y attendras le moins. » L’alicorne s’avança pour donner un câlin à sa sœur qu’ignora Luna au départ, avant que celle-ci n’accepte ce geste d’affection alors qu’un long soupir s’échappait de ses lèvres.

Luna rassembla tout son courage et demanda aussi simplement que possible. « Qu’est-ce que ferais si je pensais prendre un nouvel amant ? »

Celestia, à la grande surprise de Luna, ne semblait pas surprise ou prise au dépourvu par la question. « Alors, c’est ça. J’aurais dû le deviner », elle secoua sa tête. « Ça fait vraiment aussi longtemps depuis Swift Spark que j’ai échoué à reconnaître les signes ? »

Bien sûr. C’était son nom. Un mystère de résolu, mais un autre demeurait et toute cette tracasserie pour savoir comment en parler à Celestia semblait inutile, une fois de plus, car elle savait déjà ce qui se passait. « Tu savais », Luna secoua sa tête et soupira, « J’aurais dû le deviner. Je n’ai jamais su te cacher mes secrets. »

Celestia semblait un peu blessée, « Tu l’étais. Il y a longtemps. Et non, je ne savais pas ce qui te contrariait mais je le suspectais. J’espérais que tu viennes me voir avant aujourd’hui mais comme tu ne le faisais pas… » Elle fit une pause, laissant tomber ce sujet. Ces problèmes de confiance seraient un sujet délicat pour les années à venir et ce n’était pas le moment d’en parler. « Alors, tu as un amoureux. Qui est le chanceux étalon ou la chanceuse jument qui t’a tapé dans l’œil ? Je le ou la connais ? Je ne pense pas que ça soit quelqu’un de Canterlot, il ou elle serait un peu trop proche de la maison et les nobles essaieraient d’exercer leur influence. »

Cette fois, c’est Celestia qui commençait à tourner autour de la chambre, jetant un œil au ciel de temps en temps, « Je ne pense pas que ça soit un Wonderbolt. Juste pour être sûre, quand tu dis ‘amant’, c’est pour une nuit de passion ou tu vois plus loin, Lulu ? »

« Tia ! » s’indigna Luna. « « Si c’était juste pour une roulade dans le foin, est-ce nous-est-ce que je m’inquiéterais comme ça ? Ce n’est pas comme si tu savais quelque chose de tout cela », ajouta-t-elle. « Non. C’est...j’espère que… » Elle s’interrompit et baissa la tête pour laisser sa crinière brosser son museau. « C’est plus. »

« Alors, ce n’est pas quelqu’un de Canterlot. » Comme Luna ne répondait pas, Celestia continua son jeu. « Je ne pense pas que ça soit quelqu’un d’Appleloosa, un peu trop dur pour toi. Hmmm. Ton garde a passé beaucoup de temps à Poneyville ces dernières semaines, maintenant que j’y pense », elle sourit vers sa sœur. « Je chauffe ? »

« Je ne suis pas d’humeur à jouer, Tia », grommela Luna. « Si tu viens dans ma chambre pour ça, alors va trouver Discord. Je suis sûre qu’il serait plus réceptif à ces bêtises. »

Celestia soupira et prit une expression plus sérieuse. Elle recula pour enrouler une aile autour de sa petite sœur. « Luna..Lulu. Je suis désolée. Je m’inquiète juste pour toi quand tu t’enfermes comme ça. Venir te taquiner un peu est le meilleur moyen pour que tu me dises ce qui te tracasse. Tu devrais pourtant savoir que tu peux tout me dire. »

La plus petite alicorne fronça les yeux vers sa grande sœur. « Il y eût un temps où je ne pouvais pas », pointa-t-elle, incapable de masquer un goût amer dans sa voix. « Un temps où nous ne cessions de nous disputer et nous savons comment cela s’est terminé. Comment puis-je te parler maintenant si tu ne me prends pas au sérieux ? Ne me traite pas comme un enfant, Celestia ! Je suis aussi vieille que toi ! » Elle frappa une nouvelle fois du sabot et sa voix se fit plus sombre, ainsi que sa crinière.

Celestia grimaça intérieurement devant cette explosion. Elle avait recommencé. Il y avait des jours où elles pouvaient rire et blaguer ensemble comme il y a longtemps, et il y a avait d’autres moments où, comme maintenant, tout ce qu’elles disaient ou faisaient semblaient mettre du sel sur les plaies fraîches. « Je te demande pardon, Luna », dit Celestia en baissant sa tête. « Tu as raison. C’est juste que…il y a des jours où rien ne semble avoir changé, comme si elle n’était jamais venue ici pour t’emmener loin de moi. »

Luna en avait à peine parlé, pointant le fait que cette fuite n’avait pas été la volonté de la Jument Séléniaque, mais c’était une vieille douleur, une qui s’effacerait avec le temps et il n’y avait aucune bonne raison d’en parler à cet instant. « Ça fait moins de trois ans, Tia. Une plaie aussi vieille ne peut disparaître aussi rapidement ». Elle recula de quelques pas. « Je veux que les choses soient comme elles étaient avant, avoir la proximité que nous avons un temps partagée, mais nous devons avoir conscience de ce que nous avons été. » Luna baissa aussi sa tête et pressa sa nuque contre celle de Celestia, laissant échapper sa tristesse dans un soupir. « Tout va bien se passer », murmura Luna, « en temps voulu. Tout ce je demande, c’est que tu respectes mes décisions, comme je respecte les tiennes. »

Celestia hocha la tête, « Tu as raison. Je ferais mieux, c’est promis. » Elle la câlina une nouvelle fois et recula un peu pour lever sa tête. « Alors ? Vas-tu me dire qui est-ce, Lulu ? Qui est le charmant étalon qui t’a tapé dans l’œil ? »

Luna hésita avant de marcher vers son balcon, résistant à l’envie de regarder son télescope qui était, une fois de plus, pointé vers une certaine ferme dans une certaine ville pas si loin. Elle ferma un instant ses yeux et inspira profondément. Tout ce qu’elle avait prévu de faire et de dire s’était effondré il y a peu. Finalement, il n’y avait qu’une seule chose à dire, « Macintosh Apple. »

Les yeux de Celestia s’écarquillèrent, « Macintosh. Celui qu’on appelle Big Mac ? Vraiment ? » Elle semblait chagrinée mais changea vite d’expression pour ne pas faire de la peine à sa sœur. « Désolée, Lulu. C’était très impoli de ma part. Je n’ai juste jamais pensé que l’un des membres de la famille Apple puisse te taper dans l’œil. Ils sont très…rustiques… »

Luna la fixa jusqu’à ce que Celestia s’avance pour s’excuser en lui caressant la joue. « Je suis vraiment désolée, Lulu. S’il te plaît, crois-moi quand je dis que j’essaie de ne pas répudier tes choix. C’est juste que…Macintosh Apple. Tu dois admettre que c’est un drôle de choix, si je puis dire. Tu n’as pas beaucoup passé de temps avec lui. »

« Peut-être pas en personne, mais il passe beaucoup de temps avec ma nuit. Je l’ai entendu lui parler tellement de fois maintenant, partageant ses rêves et ses espoirs qu’il ne peut partager avec les autres. »

« Des rêves et espoirs que tu peux combler ? » Celestia semblait presque sceptique, même provocatrice.

« Oui », lâcha Luna en s’écartant de sa sœur. « Des rêves et espoirs qu’aucune mortelle ne puisse combler, même pas ta chère élève. Macintosh est-il sera-nous serons- » L’étreinte de Celestia interrompit sa lutte pour trouver les mots.

« Calme-toi, Lulu. Je sais que je devrais arrêter d’insister mais le choix de ton amant me concerne aussi pour certaines raisons. Je dois être sûre que ce n’est pas qu’une histoire d’un soir, que tu es…sérieuse en voulant aller plus loin. »

Luna regarda ses sabots avant de répondre, « Je sais qui il est, et ce qu’il est. Le frère d’un des éléments d’équilibre, un ami de ton élève. »

« Et un roturier », ajouta Celestia. « Désolée d’être aussi brutale, mais tu sais comment vont réagir les nobles. »

Luna avait les poils hérissés en écoutant sa sœur. « Ce n’est plus le vingtième siècle, Tia. Nous ne sommes plus obligés d’épouser des nobles uniquement ! Pourquoi nous soucions-nous de ce qu’ils vont en penser ? Quels droits ont-ils de nous dicter nos choix en amour ? »

« Equestria n’est pas une dictature, Lulu. On ne peut pas prendre des décisions sans penser aux conséquences qu’elles auront sur ceux qui nous aident à gouverner. »

« GOUVERNER ? EUX ? » Luna perdit une nouvelle fois son sang-froid et elle sembla grandir en taille et en âge. « Nous les avons vue durant nos audiences nocturnes. Nous avons vu leurs piteuses manœuvres et postures ! Nous les avons vus complotés pour désespérément donner du prestige à leurs noms ! Pourquoi prenons nous en compte leurs opinions ? Ils ne peuvent pas nous atteindre ! »

« Non, tu as raison, ils ne peuvent pas nous atteindre », et maintenant, la voix de Celestia était douce et triste. « Mais ils peuvent le toucher », dit-elle en tapotant le télescope.

Les yeux de Luna s’écarquillèrent en comprenant le message, « Ils n’oseraient pas ! Mêmes les plus égocentriques n’oseraient pas interférer dans nos affaires ! »

« Tu es prête à parier ta vie dessus, Lulu ? C’est ce que tu vas faire si tu continues ainsi. Macintosh, et je le dis de la plus gentille des façons, n’est pas un poney spécial. Il n’est pas un grand héros, pas un élément d’équilibre, pas un noble. Je ne peux pas le protéger aussi facilement que Twilight. Tu pourrais le protéger chaque jour, à chaque heure ? »

Luna fronça les yeux, et serra les dents. « Ce n’est pas à toi de prendre cette décision. C’est la mienne. Macintosh n’est pas un idiot, il connaît les risques et les conséquences d’être impliqué avec quelqu’un comme nous. Tu ne choisiras pas pour lui, Celestia, moi non plus, mais je te promets ça ; si un accident doit lui arriver, si il doit mourir dans un étrange accident à la ferme, si il doit y perdre la vie, ou être frappé par un éclair… » sa voix se fit plus sombre et furieuse à chaque mot. « Alors je maudirais les nobles de cette ville et je ne les pardonnerais jamais. Ils comprendront la terrible erreur qu’ils auront faite ! »

Celestia ne dit rien, et tourna son regard vers Canterlot, le silence s’étirant jusqu’à ce que Luna bouge un peu et enlève une tâche imaginaire sur le télescope.

Celestia prit une longue inspiration, puis soupira doucement. « En tant que Princesse Celestia, je sais quoi dire. Je devrais t’avertir, te dire d’être très prudent sur le chemin sur lequel tu t’engages, ce que tout cela pourrait coûter et l’impact sur Equestria. Je devrais te rappeler qu’à part le désir, tu n’es pas une jument normale et que tu ne peux pas t’en défaire. Ils ont les yeux sur nous, toujours, et aucun d’entre eux n’est gentil. Mais entre nous, quand il n’y a que Tia et Lulu…alors, je te souhaite tout le bonheur du monde, Lulu, vraiment. Tu veux prendre un amant ? Un roturier ? Fais ce qui te rend heureuse. Je te soutiendrais sans hésiter. Macintosh est un bon étalon, les Apples sont forts, courageux, comme ils l’ont toujours été. Il fera un très bon consort pour toi et », Celestia fit une micro-pause, faisant un clin d’œil à sa sœur, «dois-je l’ajouter, il a un fessier délicieusement ferme. »

« TIA ! »

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Le Prince Blueblood pouvait à peine en croire ses oreilles. Comme si ce n’était pas assez que Celestia avait élevé cette stupide licorne appelée Twilight Sparkle au rang de Princesse mais maintenant, Luna pensait faire de même avec un fermier ? Quel chance pour lui de s’être avancé sur le balcon de sa suite, situé juste en-dessous de celui de la Princesse de la Nuit. Il n’aurait jamais imaginé être témoin de cette conversation.

Un fermier ? La Princesse Luna pensait sérieusement souiller le sang royal avec un fermier ? Pourquoi pas couronner une mule ou un zèbre dans ce cas pour qu’on en parle plus ? Ça ne pouvait tout simplement pas être accepté, ou même toléré ! Il était sûre que s’ils se plaindraient auprès de Celestia, avec toute la noblesse rassemblée, elle renierait sa sœur !

Luna devait comprendre que certaines choses étaient intolérables de nos jours et qu’une Princesse qui courtise un poney de ferme était l’une d’entre elles.

Il regarda le balcon, l’œil dirigé vers les deux alicornes qui discutaient, leurs voix plus douces maintenant que Luna s’était calmé. Bien sûr, si Luna refusait d’écouter la voix de la raison, il faudrait prendre d’autres mesures. Pas quelque chose d’aussi sale que l’assassinat, non non. Il y avait bien d’autres moyens de dissuader quelqu’un d’avoir ce genre d’idées.

« Toi, poulain », dit-il en regardant par-dessus son épaule le jeune licorne qui était occupé à plier ses habits et à les ranger dans sa penderie. « Trouve-moi Red Tape et dis-lui que le Prince Blueblood veut le voir. Tout de suite. »