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Ragnarök

Une fiction écrite par Nochixtlan.

Chapitre 2 : La Cité Boréale

Comme Quill l’avait prédit, le voyage fut terriblement long, et Loki aurait été bien incapable de dire si cela venait du trajet en lui-même ou bien des capacités absolument effarantes de la licorne à parler durant des heures sans boire une goutte d’eau ou de quoi que ce soit d’autre. Il n’avait pas arrêté de parler, et même s’il avait réussi au début à capter l’attention du coyote, traitant point par point du déroulement de leur arrivée et planifiant leurs futures investigations, mais avait fini par le perdre définitivement lorsqu’il commença à s’adresser à lui-même dans sa barbe, gardant ses réflexions pour lui.

Loki aurait bien aimé profiter d’un peu de sommeil, espérant être en meilleur forme pour son arrivée à Aurora, mais le babil incessant du poney l’en avait empêché, et avait fini par l’exaspérer au point de se demander s’il n’allait pas le jeter par la fenêtre, ou alors l’abandonner sur les quais de Canterlot lors de leur brève escale à la capitale.

Mobilisant tout sa concentration pour détourner son esprit des marmonnements de Quill, Loki avait commencé à observer l’extérieur, regardant les paysages défiler à toute vitesse, comme autant de lignes colorées et animées. Il revit les remparts et les tours élancées de Canterlot, qu’il n’avait jamais réellement prit le temps de détailler, et admira la beauté et la noblesse de la cité perchée à flanc de montagne, sur les murailles de laquelle les hordes démoniaques s’étaient brisées comme des vagues sur un rocher saillant, quelques années auparavant.

Mais la capitale disparut rapidement de son champ de vision, happée par le cadre de bois de la fenêtre.

La seule chose qui put ralentir l’éternel monologue de Quill fut le spectacle grandiose de Cloudsdale, la ville volante, qui se détachait du soleil couchant, les cascades d’arc-en-ciel qu’avaient si souvent vantées Rainbow Dash renvoyant les rayons crépusculaires de l’astre du jour avec un éclat enchanteur. Un spectacle rare, qui ne fit que rappeler à Loki la beauté époustouflante la beauté du pays d’Equestria, comparée à sa Terre d’origine aux trois quarts déboisée et couverte de béton, dont les lumières terrestres avaient eu la prétention de faire concurrence aux étoiles et à la lune et se permettaient de les masquer, excluant la magie de la nature du monde « civilisé ».

Equestria ressemblait réellement à ce fameux jardin d’Eden des anciennes légendes.

Et à la nuit tombée, lorsque les étoiles entamèrent leur ronde céleste sous la surveillance bienveillante de la Princesse Luna, Loki comprit pourquoi le nom de sa destination était « Aurora ».

Au-dessus de la cité planaient de nombreuses aurores boréales qui jetaient leurs reflets irisés sur le sol, et donnaient à l’atmosphère une ambiance magique. Cette fois, Quill fut forcé de se taire, écrasé par la magnificence du spectacle qui se déroulait dans les cieux au-dessus d’Aurora.

Même lorsque le train les amena en plein cœur de la cité, le mirage céleste continuait à danser sous les étoiles et à capter toute l’attention des voyageurs, la série des flèches et des toits contrastant avec leur éclat magique.

L’annonce de la gare d’arrivée du contrôleur les tira de leurs rêveries, et Loki et Quill saisirent leur sac entre leurs dents avant de se diriger vers les quais.

Et là encore, ils furent émerveillés devant la splendeur de ce qu’une affiche de bienvenue surnommait « la Cité Boréale ».

Hypnotisés par l’aurore boréale au-dessus d’eux, aucun des deux compères n’avait remarqué le manteau blanc qui enveloppait la ville, ni les flocons qui continuaient à tomber doucement sur le sol.

Partout autour d’eux, les rues aux pavés masqués par la neige s’éloignaient dans la nuit, éclairées par des lampadaires de fer forgé aux allures de lanterne qui ne manquèrent pas d’évoquer à Loki certains souvenirs terriens de villes comme Prague ou Londres.

Les habitations, étirées en hauteur, témoignaient d’une architecture plus moderne que les maisons à colombage de Ponyville et même Canterlot, dégageaient une certaine noblesse au regard, même pour les plus frustes.

Et partout, même à cette heure déjà avancée de la nuit, des poneys fermement emmitouflés dans leurs épais manteaux continuaient à déambuler, profitant à l’occasion d’une balade nocturne de la beauté de leur cité à ses heures les plus enchanteresses.

Avant de se mettre en quête d’un hôtel où passer les prochaines nuits entre deux séances de recherche, Loki dut attendre que Quill ait fini de se battre avec son propre manteau en tentant de le sortir du sac qu’il transportait. La licorne avait beau avoir planifié leur arrivée et le déroulement intégral de leur bref séjour, il n’en demeurait pas moins un peu lent à la détente. Ou alors flemmard. Un souci auquel il faudrait remédier, se dit Loki.

Une fois le poney engoncé dans son habit, le duo se mit en route.

Plus il en découvrait sur Aurora, plus le sentiment que Loki avait fait une erreur en ordonnant à Rarity de rester à Ponyville s’intensifiait. Nul doute que la styliste aurait adoré cet endroit, bien plus encore que Canterlot dont elle rêvait si souvent. Et il aurait adoré lui faire ce cadeau, sans parler des remerciements qu’elle lui aurait faits.

Marcher l’un contre l’autre dans la neige, ne se chauffant qu’à la chaleur du corps de l’autre, sans dire un mot, profitant simplement du bonheur d’être ensemble…

Avec de telles pensées, le cœur de Loki ne put que se serrer lorsque lui et Swift Quill eurent à croiser un jeune couple de poneys alors qu’ils traversaient un pont enjambant un canal.

Eclairé par les mêmes lampadaires, dont la lumière était reflétée par l’eau qui coulait en dessous, ce petit pont avait tout du parfait cliché du lieu qu’affectionnaient les jeunes amants pour des promenades romantiques au clair de lune, et l’absence de sa propre femme lui sembla encore plus amère.

Alors que le couple s’éloignait, il ne put s’empêcher de les regarder disparaître parmi les flocons, une pointe aigüe de jalousie s’enfonçant dans son cœur.

Quill, avec son talent visiblement inné pour remarquer les plus petits détails, avait noté le malaise qui agitait son compagnon de route. Cependant, il s’abstint de faire un commentaire à ce propos. Il préféra lui tapoter doucement l’épaule et montrer le bâtiment formant l’angle de la rue en tendant le sabot, dont les fenêtres opaques laissaient filtrer une lueur orangée chaleureuse.

- On devrait essayer celui-là, dit-il d’un ton neutre.

L’enseigne de bois décorée d’un motif bleu sinueux indiquant « Auberge du Fleuve » renseigna rapidement Loki quand à la nature de l’endroit. Il acquiesça d’un hochement de tête, et suivit Quill à l’intérieur.

Le tintement d’une clochette à l’ouverture de la porte avertit les tenanciers du lieu de l’entrée de clients, qui s’avancèrent à travers les rangs de tables jusqu’au comptoir. Pendant tout le temps que dura leur traversée du lieu, soit celui de couvrir environ huit mètres en marchant, la plupart des clients installés autour des tables qui encombraient l’auberge dévisagèrent le coyote avec plus ou moins d’aplomb, certains détournant les yeux dès qu’ils apercevaient l’œil unique du canidé, d’autres soutenant son regard ambré chargé de mépris concernant ceux qui le jugeaient sur sa différence.

Quill se posta rapidement devant le comptoir lambrissé et s’adressa à la jument qui se trouvait de l’autre côté, une dame visiblement d’un certain âge et détentrice de biens d’une richesse tout aussi certaine.

- On voudrait deux chambres, s’il vous plaît.

- Bien. Combien de temps restez-vous ? demanda la jument.

- On ne sait pas encore exactement. Mettez déjà deux nuits, nous verrons si nous partons plus tard ensuite, indiqua la licorne.

La tenancière nota les informations nécessaires dans son registre, avant de réclamer son paiement en échange des clés de leurs chambres. En entendant le prix, Loki se jura de ne pas passer une nuit de plus dans cette auberge, et c’est en regrettant amèrement la perte de son argent qu’il grimpa les escaliers finement décorés vers le premier étage, précédé par Quill.

Arrivés devant leurs portes respectives, Loki indiqua à Quill avant qu’il ait eu le temps de dire un mot qu’il désirait se reposer, et comptait aller se coucher rapidement.

- Tu es sûr de ne pas vouloir parler un peu avant ? Tu avais l’air…

- Non, c’est bon, merci. Ca ira.

- Comme tu voudras, fit Quill avec entendement, passant la porte manant à sa propre chambre, avant que Loki fasse de même.

Il ferma la porte directement derrière lui, sans prendre la peine d’allumer la lumière. Il jeta son sac directement au pied de la table de nuit, et se dirigea vers la fenêtre.

Il soupira. Enfin la tranquillité.

Et avec elle le cortège des tristes pensées de celui qui s’en va loin de chez lui, fidèles comme une ombre.

Il tourna le regard vers l’extérieur.

Aurora semblait un véritable paradis, même au milieu de ce jardin des dieux que constituait Equestria. De là où il se trouvait, la lueur des lampadaires ressemblait à un feu de cheminée, dans l’ombre ambiante de la cité nocturne. Un feu comme celui qui avait crépité dans la cheminée de la maison des parents de Rarity, lors de la Veillée Chaleureuse de l’année précédente. Les flocons qui dansaient devant la fenêtre étaient les mêmes que ceux de cette soirée, et l’aurore boréale qui flottait toujours dans l’air continuait à emplir l’atmosphère de sa magie, celle que Loki avait longtemps appelée la « Magie de Noël ».

L’esprit du coyote quitta un instant Aurora, pour retourner aux côtés de Rarity à Ponyville, là d’où il n’aurait jamais dû partir.

Il sembla à Loki que la cité cherchait sans cesse à rappeler sa femme à son esprit.

Il secoua la tête pour chasser ces pensées. Il s’était jadis défendu devant Applejack de toujours vivre dans le présent, préférant demeurer heureux tant qu’il le pouvait encore, sans se préoccuper de l’avenir et laissant le passé pour ce qu’il était. C’était ce qui lui avait permis de tenir face à l’adversité lors de son dernier voyage, lorsque sa sœur adoptive courait un danger mortel loin de lui, accompagnée par une Twilight qui nourrissait de nombreux ressentiments envers lui. Il ne pouvait se permettre de renier sa propre philosophie.

Il tenta alors de s’accaparer l’esprit avec des considérations plus terre-à-terre.

A travers l’atmosphère chargée de flocons, il tenta de deviner où pouvait bien se trouver la bibliothèque de la ville, conformément à ce que Quill avait planifié.

Il s’agissait de se renseigner le plus possible sur l’endroit où ils se rendaient : une terre si peu explorée que la bibliothèque d’Aurora était leur dernière chance d’obtenir des informations concluantes, de par sa localisation extrême dans le Nord d’Equestria. Quill leur autorisait deux jours de recherches, le temps nécessaire à l’établissement d’un itinéraire compris dans ce délai. Autant essayer de s’avancer dans le travail.

Mais parmi les flèches, les toits escarpés et les enseignes éclairées par des lampes, il ne put rien découvrir de significatif.

La fatigue se rappela rapidement à lui, et après avoir bâillé à s’en décrocher la mâchoire, le coyote retourna vers son lit.

Il ôta sa veste, son cache-œil, son bracelet de cuir, tous des créations de sa femme bien-aimée, et son collier de pierre semi-précieuse en œil de tigre, posant le tout sur la table de nuit, avant de se glisser sous les draps.

En regardant son équipement, il se demanda ce qu’il serait sans sa femme. Elle l’habillait, elle lui brossait le poil lorsqu’il le fallait, veillait à ce qu’il soit toujours bien présentable. Mais surtout, elle lui avait appris le sens de la générosité, le bonheur d’offrir sans limites, et la joie du travail bien fait, ainsi que tant d’autres choses. Même s’il n’avait que peu changé, il estimait que c’était pour le mieux, et sa vie s’approchait alors très près de ce qu’il pensait être le bonheur.

Il n’avait qu’une hâte : se débarrasser enfin de ses interrogations, et retourner auprès d’elle.

Il constata qu’il s’était machinalement poussé vers le bord gauche du lit, afin de laisser le droit libre pour Rarity. Il soupira devant l’inutilité de son geste, et glissa une patte sous sa tête. Il finit par fermer l’œil, et s’endormit.

Au matin, il fut réveillé par les rayons froids du soleil du Nord, et par des coups répétés à la porte de sa chambre. Il se rendit compte qu’il tenait son oreiller serré contre lui. Grognant contre sa propre stupidité, il enfila son cache-œil et boutonna rapidement sa veste en marmonnant à son visiteur d’attendre un instant, puis passa rapidement une patte dans sa crinière pour la remettre en ordre avant de bâiller de nouveau.

En ouvrant la porte, il ne fut pas vraiment surpris de trouver Quill qui attendait dans l’encadrement du battant.

- Tu as une sale mine, plaisanta la licorne.

- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Loki d’une voix rauque et ensommeillée, luttant contre lui-même pour ne pas répondre trop sèchement.

- Il y a qu’ils s’arrêtent de servir le petit-déjeuner dans une demi-heure et qu’on a du pain sur la planche. Je me suis dit que tu n’aimerais pas faire des recherches le ventre vide.

Sans ajouter un mot, Loki récupéra ses clés et ferma la porte a double tour derrière lui, avant de suivre Quill jusqu’à la salle principale, où l’attendait un buffet orné de toasts, de différentes confitures, de croissants et autres victuailles.

Quill semblait en pleine forme. Il était sans doute réveillé depuis bien plus longtemps que le coyote, tout excité par ce qui semblait être le début de leur périple. Cela exaspéra presque le canidé, qui observa le poney engloutir son plateau-déjeuner à vive allure, alors que lui-même mangeait ses toasts badigeonnés de confiture avec un air maussade.

- Toujours pas envie de parler, hein ?

- Non.

- Tu devrais. Ca ira mieux si tu ne gardes pas tout ça pour toi.

- Depuis quand t’es psy ? fit sèchement Loki.

- Je ne l’ai jamais été. Je dis ça comme ça, c’est tout. Si ça peut changer ta mine renfrognée…

- Tant pis, tu vas devoir te la taper encore un moment, dit le coyote en se levant de table, mettant fin à la discussion.

Ce furent les derniers mots qu’ils échangèrent, avant de partir pour la bibliothèque, suivant les instructions récoltées auprès de l’aubergiste.

Loki fut frappé du contraste spectaculaire qu’offrait la cité de jour par rapport à son image nocturne. Chauffée par les rayons du soleil, la neige avait en partie fondu, et il n’en restait plus que quelques taches d’un blanc sale. La clarté du ciel avait beaucoup moins de charme sans les étoiles et les volutes des aurores boréales qui le peuplaient de nuit, et presque plus personne ne déambulait dans les rues.

Un spectacle presque triste à contempler.

N’ayant presque rien écouté des indications de la tenancière de l’aubergiste, Loki dut se fier à Quill pour ne pas se perdre dans le dédale des rues et des allées d’Aurora, confiant dans les capacités d’analyse rapide de Quill pour ne pas se tromper dans l’itinéraire.

Ce dernier essaya tant bien que mal d’engager la conversation tout le long du chemin, mais ne put obtenir à chaque fois qu’une réponse brève et sous-entendant qu’il n’avait aucune envie de dialoguer. Au bout du troisième essai infructueux, la licorne abandonna l’idée, et se résolut à marcher en silence.

Il mena leur duo jusqu’au pied d’un bâtiment au style visiblement plus ancien que ceux qui l’entouraient, sans doute construit bien avant les divers appartements qui l’entouraient. Il était coiffé dans sa hauteur d’une flèche effilée aux tuiles de basalte, et la façade était sculptée de bas-reliefs évoquant la richesse des temps anciens, dans le même ton que la lourde porte en bois de pin incrustée de fer forgé qui fermait l’entrée de la bibliothèque.

D’une simple poussée magique, Swift Quill ouvrit la porte, et permit au duo d’entrer.

L’intérieur était tout aussi grandiose que la façade le laissait présager. Les étalages s’alignaient autour de tables d’études éclairées par des lampes au style ancien, et les lambris finement sculptés renvoyaient la lumière ambiante avec des reflets dorés, parfois coupés par les ombres des quelques poneys qui s’affairaient entre les rayonnages.

Privilégiant rapidité et efficacité, Quill se dirigea sans attendre vers l’imposant bureau de la bibliothécaire, et demanda directement où se trouvaient les ouvrages consacrés au Grand Nord au-delà d’Aurora. La réponse vint rapidement, et la jument les mena au premier étage, jusqu’à une aire entièrement consacrée à ce thème, via un escalier en colimaçon. La licorne remercia chaleureusement la documentaliste, puis tourna son regard vers les multiples trésors de connaissance que recelait l’endroit. Désignant la partie droite de l’aire du sabot, il annonça qu’il fouillerait ce côté en premier, laissant la moitié gauche aux bons soins du coyote.

Loki passa rapidement en revue les différents thèmes traités, à l’aide des plaquettes dorées qui les annonçaient : éthologie des peuples du Nord, art des peuples du Nord, histoire du Nord.

Le coyote n’aurait jamais pu rêver mieux.

Il saisit le premier livre qu’il trouva, et le posa sur une table d’étude, rapidement rejoint par son compère et un livre traitant de la géographie du Grand Nord.

Après s’être fournis auprès de la bibliothécaire en papier et en plumes, ils se lancèrent dans l’étude acharnée des ouvrages qu’ils avaient sous les yeux, notant de temps à autres les informations qui leur semblaient les plus importantes.

Après de nombreuses heures de recherches, entrecoupées seulement d’une pause aux environs de midi pour déjeuner dans le snack le plus proche, Loki dut se rendre à l’évidence : toutes les informations qu’il avait engrangées ne le menaient pas bien loin. Les informations qu’il avait obtenues n’étaient que très fragmentaires, et se contredisaient les unes les autres au gré des publications. Bien qu’il en ait appris assez long sur les relations que les poneys entretenaient avec les loups, Loki n’avait pu obtenir que peu d’informations précises sur les loups eux-mêmes, et encore moins sur les coyotes, dont il était fait mention régulièrement mais sans jamais apporter d’éléments concrets sur la compréhension de leur peuple.

Loki savait tout juste qu’il existait au moins dix clans loups, placés sous l’autorité d’un Haut Roi, mais ces informations étaient âgées de plusieurs siècles, et il était probable que les choses aient quelque peu évolué depuis lors.

En revanche, il avait découvert une histoire intéressante : celle de la Guerre des Mille Chandelle, nommée ainsi en hommage aux étoiles qui avaient brillé plus intensément que jamais en cette période, étant alors les garantes de la survie du peuple d’Equestria.

En effet, cette guerre avait opposé les loups aux poneys, et s’était déroulé majoritairement de nuit, lorsque les loups étaient plus difficiles à repérer pour les poneys alors que les canidés voyaient comme en plein jour. C’était à cette époque que la Garde de Nuit de Luna avait été créée, un corps spécialisé dans les combats nocturnes, aidés par une luminosité accrue des luminaires célestes provoquée par la princesse Luna.

La guerre avait commencé près de 1500 ans auparavant, alors que Discord avait été vaincu depuis plusieurs siècles et que les loups vivaient encore en territoire equestrien. Les chroniques faisaient états d’attaques massives des villages situés à la périphérie d’Equestria, les loups profitant de leur nombre, de leur force et de leur avantage nocturne pour surprendre les défenses d’Equestria. Les villages les plus isolés tombèrent l’un après l’autre aux pattes griffues des loupes.

Bientôt, les attaques devinrent tellement fréquentes et la peur du loup tellement répandue que Luna fut adorée presque comme une déesse, elle qui avait pour devoir de garder la nuit et de protéger ses sujets des monstres qui hurlaient dans le noir.

Devant la fréquence des attaques, les princesses régnantes n’eurent d’autre choix que de déclarer une guerre ouverte aux loups, et de mettre en place une stratégie à grande échelle. A chaque attaque, Luna et ses armées se précipitaient sur les traces des loups, entraînant les troupes de Celestia dans leur sillage et les lançant contre les canidés qui se reposaient de leurs massacres nocturnes. Chaque attaque était ainsi suivie de représailles rapides et sans pitié. Mais les loups ne renonçaient pas, et ils changèrent de tactique. Plutôt que de progresser lentement vers l’intérieur des terres, leurs forces se dispersèrent en petits groupes, et commencèrent à frapper directement derrière les lignes équines. La défense prise au dépourvu fut longtemps incapable de faire face à la nouvelle politique des loups, qui décidaient de faire aussi peu de prisonniers que possible, gardant le strict nécessaire dont la chair irait alimenter les troupes, et qui incendiaient systématiquement le moindre village, massacrant jusqu’au dernier enfant s’il le fallait. Une politique de la terre brûlée retournée contre Equestria. Ils tentaient d’isoler les forces d’Equestria, avant de lancer des attaques massives et de les annihiler une fois pour toute.

Cependant, les armées princières surent s’adapter à ce changement. Celestia fit évacuer les villages, espérant affamer les loups, et retourna leur propre tactique contre eux, frappant à son tour là où les défenses étaient faibles. Les loups n’eurent d’autre choix que de se retrancher en terrain déjà conquis pour consolider les défenses, et la guerre se stabilisa, les conflits se déroulant loin des populations survivantes des deux partis.

Le coup final ne fut porté aux loups que lorsque Celestia se résolut à demander l’aide des griffons, en échange de terres et de sommes exorbitantes. La mort commença à pleuvoir depuis le ciel sur les hordes des loups, qui devaient alors faire face à des guerriers aussi résistants et féroces qu’eux mais en plus dotés d’ailes qui leurs permettaient de frapper où bon leur semblait. Le carnage fut tel qu’Aesir Sang-de-Dragon, le chef de la horde canine d’alors, demanda la fin des combats, et accepta les conditions que les princesses lui imposèrent : l’exil de son peuple loin d’Equestria, et l’interdiction de jamais y revenir. Tout loup trouvé derrière les frontières d’Equestria à partir d’une certaine date se verrait rapidement jugé et pendu.

Mais malgré le départ des loups, près de trente ans après le début de la guerre, d’autres refusaient de voir celle-ci se terminer. Les coyotes, qui jusque là n’avaient fait que profiter des raids des loups en grappillant quelques miettes, prirent la place de leurs imposants cousins et commencèrent à mener à leur tout des raids contre Equestria, pillant, tuant et violant comme l’avaient fait les loups. Bien que moins expansifs et belliqueux que les loups, Celestia et Luna ne pouvaient tolérer ces parasites insaisissables, préférant s’attaquer aux faibles et aux enfants à la faveur de la nuit afin de s’éclipser dès que le danger survenait.

Luna leur donna la chasse jusque dans leurs terriers, accompagnée des griffons. A côté des loups, les coyotes étaient de piètres adversaires en bataille rangée. Cependant, ils affectionnaient particulièrement la guérilla, et furent terriblement longs à débusquer, une nouvelle poche de résistance se formant alors qu’une autre venait d’être anéantie.

Il fallut aux armées de la Nuit environ quatre ans pour traquer les derniers coyotes et les chasser d’Equestria, en les soumettant aux mêmes closes que les loups.

Ainsi, après la disparition du dernier peuple carnivore d’Equestria, la population put à nouveau dormir sur ses deux oreilles, sans la crainte qu’un carnivore viendrait l’enlever dans son sommeil. La peut du loup finit par s’estomper, et avec elle la crainte de la nuit, mais également la reconnaissance des poneys envers Luna, qui les avait si bien protégés durant la guerre, aboutissant à la naissance de Nightmare Moon, démon né de l’ingratitude des poneys à l’égard de leur princesse.

Loki avait trouvé toutes ces informations bien évidemment formidablement intéressantes, mais il gardait la déception de n’avoir rien appris de plus sur son peuple. Comment vivaient-ils ? Quels étaient LEURS rapports avec les loups ? Rien ne permettait à Loki d’expliquer son étrange souvenir du massacre de sa tribu.

Et pourtant, une nouvelle envie le tenaillait. Celle d’aller découvrir ce qui se cachait derrière cette porte portant une plaque dorée gravée du mot « Réserve ».

Il était persuadé que nombre de documents importants, non triés ou tout simplement inclassables s’y trouvaient, et parmi eux des ouvrages qui traitaient de son peuple. Il avait été sèchement rabroué lorsqu’il avait demandé gentiment l’autorisation d’y entrer à la bibliothécaire, ce qui n’avait fait qu’accroître sa curiosité sans le dissuader d’un poil d’entrer dans ce lieu plein de promesses.

Confiant en ses coussinets, il attendit le bon moment pour fureter silencieusement jusqu’à la porte, prétextant auprès de Quill qu’il allait simplement prendre l’air, histoire de faire une pause. Il ne le mit pas au courant de son idée, car, après tout, quel meilleur menteur que celui qui croit connaître la vérité ?

S’assurant que personne ne regardait dans sa direction, il se glissa en silence jusqu’à la porte, amortissant son poids au maximum en faisant jouer les articulations de ses pattes, puis tourna doucement la poignée de la porte de la réserve, avant de disparaître à l’intérieur et de fermer la porte tout aussi silencieusement.

Il faisait sombre dans la pièce, qui semblait n’être percée d’aucune fenêtre, et dont l’odeur de poussière fit toussoter Loki. N’y voyant absolument rien, il tâtonna un instant près du cadre de la porte, avant de trouver l’interrupteur qui actionnait l’éclairage.

Les lampes du plafond s’allumèrent instantanément, et inondèrent la pièce de lumière, révélant les gigantesques rayonnages d’ouvrages anciens à l’œil de Loki.

Il crut entendre un frottement venant d’un coin de la pièce.

Un bruit de verre brisé retentit.

Puis le bruit d’une galopade, ainsi que de nombreux raclements affolés, et enfin un claquement de porte.

Loki courut vers la source des bruits. Qui venait-il de surprendre ?

Il fila vers le coin de la pièce où il avait entendu le bruit, puis se pétrifia un instant de stupeur.

L’intrus avait fait chuter sa lanterne, qu’il utilisait pour prospecter parmi les étalages de livres sans alerter quiconque aurait pu se trouver dans la pièce en même temps que lui, et l’huile enflammée se propageait jusqu’aux livres aux pages sèches, qui s’enflammèrent instantanément.

Loki n’avait pas le temps de réfléchir plus avant. S’il ne sortait pas vite, les flammes allaient le prendre au piège, et menaçaient l’intégralité de la bibliothèque.

Il sortit en trombe, et se mit à hurler :

- Au feu ! Il y a le feu à la réserve !

Grâce à l’efficacité d’une bande de pégases qui s’improvisa en tant que pompiers et aux pompiers d’Aurora eux-mêmes, l’incendie fut rapidement maîtrisé. La garde royale stationnée en garnison ouvrit un début d’enquête, qui permit d’innocenter Loki assez promptement : des poils argentés qui ne correspondaient pas à ceux du coyote avaient été retrouvés près du point de départ du feu, coincés dans l’anse de la lanterne, et des traces profondes de griffes avaient été mises en évidence sur une porte menant dans les sous-sols du bâtiment. La garde avait bien entendu fouillé l’endroit, sans toutefois être capable de retrouver le responsable. Tous les doutes restaient permis sur l’identité réelle du coupable, si ce n’était qu’il ne s’agissait ni de Loki, ni d’un poney.

Malheureusement pour Loki et Quill, la bibliothèque et sa réserve carbonisée constituaient une scène de crime, et son accès était interdit pour toute la durée de l’enquête. Ils devraient faire avec les maigres informations qu’ils avaient pu amasser.

Heureusement, Quill avait eu le nez fin, et l’esprit suffisamment agile pour constater rapidement que les différentes cartes que proposaient certains ouvrages de ce qu’il appelait déjà Wulfangar – la terre des loups – par souci de précision, n’étaient pas forcément cohérentes les unes avec les autres. Il les avait donc recopiées, espérant être capable d’en recréer une permettant de décrire Wulfangar avec un maximum de précision.

- Mais tu n’as rien vu de spécial, avant l’incendie ? demanda la licorne sur le chemin du retour.

- Rien que les enquêteurs n’aient pas repéré. Une lanterne cassée, des poils gris-blancs et des traces de griffes.

- Quel genre ?

- Le genre que je ne connais pas, répondit Loki. C’est profond, donc je dirais des griffes assez fines mais très pointues, pas vraiment comme celles d’un loup. Et pourtant, les pattes qui les ont faites sont énormes, peut-être deux fois plus grosses que les miennes. A vue de nez, ça pourrait bien être un loup, même si je parierai plus sur un chat.

- Un chat ? Un sacré gros matou alors !

- Ouais. C’est un peu stupide, mais je ne vois que ça.

- Ce n’est pas si idiot que ça. Il me semble avoir entendu que le coupable s’était enfoui par un soupirail du sous-sol, non ?

- C’est ça. Et je te vois venir, un loup n’aurait pas pu faire ça, pas assez souple et tout le tralala. Mais quoi d’autre alors ?

- J’en sais rien. C’est toi le carnivore, c’est toi qui devrais mieux connaître ce genre de bestioles.

- Quel préjugé à deux ronds…

- Je plaisante. N’empêche qu’on est salement embêtés maintenant.

- Que comptes-tu faire ? demanda Loki.

- On n’a plus rien à faire ici, je pense. J’ai repéré une ville tout près de la frontière, un village fortifié en fait, du nom d’Ultima. Ils doivent bien connaître leurs voisins, on pourra peut être avoir quelques infos supplémentaires là-bas, et ça nous servira de « base de lancement ». Il faut juste qu’on regarde ensemble les cartes, histoire de voir par où tu as envie de passer, une fois qu’on sera là-bas.

- Ca me va. Quand partons-nous ?

- Demain matin. Ce n’est pas tout près, et le voyage ne sera pas non plus de tout repos.

Quill se fendit d’un sourire étrange.

- J’espère que t’aimes le camping, dit-il d’un air narquois.

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