L'histoire

« Discord, je peux te demander quelque chose ? »

Le draconequus venait juste de finir de lui montrer ses figures en ski nautique et était en train de se sécher.

« Tout ce que tu veux, ma chère », dit-il par-dessus son épaule.

Elle baissa les yeux vers la couverture sur laquelle elle était assisse. « Eh bien… je suis là depuis trois semaines et… »

Il fit disparaître la serviette et se téléporta à ses côtés. « Oui ? »

« Il y a quelque chose qui me trotte dans la tête et… »

Il s’approcha plus près d’elle. « Oui ? »

« Je… je veux juste savoir… »

Une lueur d’espoir apparut sur le visage de Discord. Allait-elle enfin le dire ? Mais elle posait une question. Toujours est-il que, était-ce enfin le moment tant attendu ?

Elle leva les yeux vers lui. « D’où viens-tu ? »

Son espoir se brisa. « Oh… je vois. Eh bien ma chère, quand un papa draconequus et une maman draconequus tombent amoureux… »

« Ce n’est pas ce que je veux dire. »

Il soupira. « Je sais. Je te préviens tout de même. Ce n’est pas une histoire très joyeuse. »

Fluttershy s’allongea sur son ventre. « Je t’écoute. »

Discord sourit et inspira. « Je n’ai pas toujours été le seul de mon espèce. J’ai eu une maman et un papa comme chaque créature. Il y avait un endroit rempli de draconequus, mais nous étions peu nombreux. J’étais très jeune quand c’est arrivé… »

« Qu’est-ce qui s’est passé ? »

Il fit une pause. « Tout est flou. Je me souviens seulement qu’il y avait beaucoup de neige et de glace. Ça devait être une météo anormale puisque les draconequus ne pouvaient même pas la contrôler. À un moment, j’ai été séparé de mes parents et je me suis réveillé un matin dans une cave. J’ai survécu grâce au chocolat au lait et à la barbe à papa. Notre magie se développe tôt, tu sais. Après un moment, le blizzard s’est arrêté et je suis parti. »

Il fit une autre pause avant de poursuivre. « Je t’épargne les détails. Disons juste que j’ai vite compris que j’étais différent des autres créatures. J’ai cherché partout des autres draconequus mais je n’en ai jamais trouvé. Quand j’ai compris que j’étais le dernier, j’ai essayé de me lier d’amitié avec d’autres animaux, mais soit ils avaient peur, soit ils me trouvaient ridicules.

« Puis j’ai trouvé Equestria et les poneys, et… disons juste qu’ils n’ont pas trop apprécié mon arrivée. J’ai compris que je devais être moi-même et je me suis concentré sur ma magie, en me bricolant une maison dans une cave dans les montagnes. »

« C’est la cave où je suis venue te voir ? » interjeta Fluttershy.

« Oui. Tu sais que Celestia y était déjà venue quelquefois pour voir si je m’y cachais ? Je me suis rendu invisible quand elle venait. »

« Comment savait-elle que tu étais là ? »

« Parce qu’elle m’y a trouvé. Tu sais, avant qu’elle devienne la Princesse que tu connais. Elle m’a vu pratiquer ma magie et elle était assez impressionnée. Elle a dit que je devais utiliser mes talents pour faire le bien. Eh bien… » Il se tritura les doigts. « Elle n’a pas très clairement défini sa définition du bien. »

Il rit légèrement. « J’imagine que j’ai gâché quelques banquets et parades… C’est après que j’ai accidentellement transformé une des routes en savon et que les poneys m’ont traité de monstre que les choses ont dégénéré. Tu sais, je n’aime pas être traité de ‘monstre’. Même Celestia était en colère contre moi. Je me suis mis en colère aussi. Alors j’ai pris le contrôle d’Equestria et… bref, tu connais la suite. »

Fluttershy resta silencieuse pendant un moment. « Qu’est-ce que ça fait d’être emprisonné dans la pierre ? »

Il hésita. « Froid, noir, mais tu as toujours conscience du monde autour de toi. J’ai entendu les commentaires des touristes ! Je n’ai pas une tête d’âne ! »

« Ça fait mal ? La pierre, je veux dire. »

« Euh… pas physiquement, même si j’ai dû faire face aux graffitis et pigeons. Au moins, Celestia avait la décence de me laver chaque semaine ! Si seulement j’avais eu quelqu’un pour me gratter le nez… »

Il s’interrompit et regarda autour de lui.

« Tu étais vraiment seul, n’est-ce pas ? »

Discord baissa les yeux vers elle. « Oui, oui, je l’étais. Mais plus depuis que tu es là. »

Il utilisa sa queue pour la rapprocher de lui, faisant rougir Fluttershy.

« Tu sais que je ne sais même plus à quoi ils ressemblent ? » dit-il soudainement. « Mes parents. Je n’ai aucun souvenir d’eux. »

Fluttershy baissa sa tête. « Je n’ai pas de parents non plus… »

Il la regarda avec de grands yeux. Pendant toutes ses années passées à l’espionner, comment avait-il pu passer à côté de ça ?

« Qu’est-ce qui s’est passé ? »

Sa lèvre trembla. « Je n’ai jamais connu mon père, et ma mère est morte il y a quelques années. » Elle le regarda. « J’imagine qu’on a plus de choses en commun qu’on ne le pense. »

« On ? »

« Tu vois… » Elle regarda ses sabots. « J’étais très timide quand j’étais petite et je pouvais à peine voler. Tous les autres poneys se moquaient de moi. »

Il s’étouffa. « Ils se moquaient de toi ?! Dis-moi leurs noms ! Je les ferai souffrir ! »

Elle gloussa. « Ne fais pas ça. C’est du passé maintenant. Bref, je sais ce que c’est d’être… différent. Et je sais à quel point on peut se sentir seul. » Elle fit une pause. « J’ai aussi failli être changée en pierre par une cockatrice. »

« Quoi ?! Comment tu t’es échappée ? »

« Eh bien… mon regard… »

Il cligna des yeux. « Sérieusement ? Tu as fait baisser les yeux à une cockatrice ?! »

« Euh… oui. »

Fluttershy couina alors qu’il enroula ses bras autour d’elle. « La beauté, la grâce, le talent et un regard qui défie les lois de la nature ?! Tu es incroyable, tu le sais ? »

Elle essaya doucement de le repousser. « Discord, s’il te plaît… »

« Tu ne m’as pas écoutée, darling ? J’ai dit que tu étais parfaite ! »

Ses joues prirent une teinte rouge. « Discord… »

« Il y a quelque chose dans ton oreille ? » Il mit sa griffe à l’endroit indiqué. « Voyons voir… »

« Discord, qu’est-ce que tu… ? »

Elle émit un petit cri alors qu’il en sortit une rose.

« Eh bien, regarde ça ! Normal que tu ne puisses pas m’entendre ! Hmm, presque aussi belle que le poney d’où elle sort. »

Fluttershy regarda la fleur qu’il déposa délicatement dans ses sabots.

« C’est charmant », dit-elle en inhalant le doux parfum.

« Ce n’est rien comparé à toi. Après toi, qui pourrait rivaliser avec ta beauté ? » Elle se raidit lorsqu’il posa ses mains sur ses épaules et murmura dans son oreille. « Absolument rien au monde. »

Elle rit nerveusement. « C’est très flatteur mais… »

« Allons, ma chère. Pourquoi crois-tu que je veux autant te faire mienne ? »

« Mais j’ai déjà accepté de… »

« Tu vois ce que je veux dire, et c’est pour ça que je te le demande encore. Est-ce que tu m’aimes, Fluttershy ? »

Et voilà. Elle aurait dû savoir que ça arriverait. Il avait été de plus en plus persistant récemment. La nuit dernière, il avait préparé un dîner aux chandelles avant de lui demander. Elle se tourna pour lui faire face sans savoir quoi dire. Elle ne savait pas ce qui n’allait pas chez elle. Normalement, elle aurait dit non immédiatement, mais ça devenait de plus en plus dur pour elle de le dire. Le regard plein d’espoir sur son visage rendait les choses encore plus difficiles. Elle regarda la rose. C’était gentil de sa part, et le pauvre avait été seul toute sa vie. Comment pouvait-elle le rejeter après avoir entendu ça ?

Était-ce pour cela qu’il lui avait dit cela ? Prenait-il avantage de sa pitié ? Est-ce que tout était vrai ? Il ne lui mentirait pas, n’est-ce pas ?

Vrai ou pas, Fluttershy savait qu’il était seul et qu’il semblait tenir à elle, mais elle ne pouvait pas le faire. C’était comme dire « je le veux » à l’autel. Et elle n’était pas prête.

Fluttershy ferma ses yeux et se tourna vers lui. « Non, Discord. »

Le draconequus s’en alla. Fluttershy vit son œil s’agiter.

« Tu vas bien ? »

« Oh, ne t’inquiète pas pour moi ! Je vais bien ! » Il serra les dents. « Je me porte comme un charme ! »

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« J’étais à ça ! » cria Discord vers son miroir. « À ça ! J’ai essayé d’être gentil, je lui ai parlé de mes secrets, je lui ai dit et redit qu’elle était la plus belle créature sur cette planète et elle me rejette encore et toujours ! » Il frappa la glace. « Qu’est-ce que je fais de mal ?! » Il regarda son reflet, attendant une réponse, mais elle continuait de copier ses mouvements. Il laissa échapper un soupir.

« Sois patient, Discord. Les choses avancent. Elle dirait éventuellement oui. Tu dois juste continuer comme ça. »

Le jour suivant, lorsque Fluttershy nourrissait les oiseaux, elle leva les yeux au ciel et vit les mots suivants : Est-ce que tu m’aimes ? Discord apparut deux secondes plus tard avec un bouquet de tulipes dans sa patte. Pendant un instant, elle ne fit rien à part balader son regard entre lui, les tulipes et le message. Puis elle secoua solennellement sa tête.

Le soir, Discord posa deux chaises longues sur le balcon et créa un feu d’artifice. Fluttershy était éblouie jusqu’à ce que la même question explose dans le ciel. En regardant son visage, elle faillit se forcer à dire oui, pendant que sa conscience disait non, mais n’eut pas le courage de prononcer un seul mot. Lorsque qu’elle se tourna hors de lui, Discord n’entendit pas sa réponse et s’affaissa d’un air triste dans sa chaise.

Le matin suivant, elle trouva un autre bouquet de tulipes avec une boîte en forme de cœur au pied de sa porte. Sur le bouquet, elle trouva une note : Les plus belles fleurs pour la plus belle des poneys. Elle s’assit sur son lit et ouvrit la boîte, remplie de chocolats avec un autre message : Est-ce que tu m’aimes ?

Elle soupira et laissa tomber le papier au sol. Discord se matérialisa devant elle, les bras croisés et son visage rempli de frustration.

« Combien de temps devrais-je encore attendre ? »

Elle le regarda, paniquée. « Discord… »

« Combien de temps ?! »

Fluttershy buta sur les mots. « Je… je… »

« Tu ne sais plus parler à tel point que tu ne sais même plus dire un ‘non’ poli ? »

« Discord, je suis désolée, mais… »

« Je suis désolée, je suis désolée ! » dit-il en imitant sa voix. « Combien de fois vas-tu me dire ça ? Jusqu’à mon deux-millième anniversaire ?! »

Les larmes montaient dans ses yeux. « Je ne veux pas… c’est juste que… »

« Tu ne te plais pas ici ? »

« Non, je… »

« Le château est trop aéré ? »

« Euh… »

« C’est mon haleine ? »

« Euh… »

« Oh, j’ai compris ! C’est mon apparence, n’est-ce pas ?! Ou peut-être mon âge ! Tu préférerais un jeune et bel étalon, hein ?! Je suis trop différent pour toi, c’est ça ? »

« Discord ! » cria Fluttershy. « Ton apparence n’a rien à voir avec ça ! »

« Alors quoi ?! » demanda-t-il. « Je te donne tout ce que tu veux, j’ai ravalé ma fierté pour toi, et t’ai dit des choses que je n’ai jamais dites à personne ! » Il prit le bouquet. « Pourquoi ? Pourquoi tu me rejettes toujours ?! »

« Parce que tu me traites comme une prisonnière ! »

Il se décomposa en entendant ces mots. Fluttershy prit une grande inspiration et s’avança vers la fenêtre.

« Je comprends que tu ne veuilles pas que je parte et que nous avons un accord, mais… si tu étais vraiment mon ami, tu ne me garderais pas comme un oiseau en cage. Tu as tout fait pour me rendre heureuse, mais tu me refuses toujours la seule chose que je veux. » Elle regarda certains des oiseaux qui essayaient de voler vers la forêt mais se retrouvaient stoppés par le champ de force. « Maintenant, je traite mes amies de la même façon. »

Elle baissa les yeux de honte. Discord continua de contenir sa colère.

« Eh bien, tu m’as refusé la seule chose que je veux, et c’est… »

Sa frustration disparut en voyant les larmes qui coulaient sur ses joues. Il s’approcha prudemment derrière elle.

« Je suis désolé », dit-il doucement. « Je ne voulais pas te… »

Il toucha légèrement sa crinière, mais elle le repoussa.

« Fluttershy… »

Elle lui fit face. « Je veux les laisser partir. »

Il cligna des yeux. « Quoi ? »

Fluttershy reposa son regard sur les animaux dehors. « Ce serait égoïste de ma part de les garder ici. Ils ne sont pas là parce qu’ils ont besoin de moi. Je pensais que c’était le cas, mais… je les voulais juste pour moi-même. »

Discord posa sa griffe sur son épaule. « C’est pour ça que je les ai amenés ici. Pour toi. »

« Et maintenant, je veux que tu les relâches. »

« Mais… ne te rendent-ils pas heureuse ? »

« Regarde-les. » Elle pointa du sabot les oiseaux becquetant le mur invisible. « Ils ne veulent pas rester ici. C’est pour ça que tu dois les relâcher. »

Il la regarda un moment, en essuyant ses larmes. « Tu es sûre que c’est ce que tu veux ? »

Elle leva les yeux et hocha la tête.