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Discors Consentus

Une fiction écrite par Nochixtlan.

Chapitre 13 : Reminiscence

La nuit approchant à grands pas et plongeant la forêt de pins dans une obscurité grandissante, au grand dam de Twilight qui craignait encore un retour du Peuple de l’Ombre, le groupe décida d’installer le bivouac sans tarder.
Loki, malgré sa vision grandement détériorée, possédait encore la meilleure acuité visuelle en conditions nocturnes, et fut donc désigné pour aller chercher de quoi allumer le feu qui illuminerait la nuit, réchaufferait les plats et les cœurs après les horreurs de la journée cendreuse.
Rarity se proposa de l’accompagner, afin de lui offrir de la lumière ainsi que son soutien télékinétique pour transporter les charges. Après tout, elle restait encore la plus puissante des deux licornes, pour une raison qui leur échappait à toutes les deux.
Elle fit scintiller l’extrémité de sa corne, et le duo se mit en quête du bois le plus sec qu’ils pourraient trouver, malgré les protestations de Twilight, qui affirmait à juste titre qu’il s’agissait de prendre des risques inutiles. Le bois de résineux brûlait terriblement mal.
La licorne mauve, elle, s’allonge dans sa tente après qu’elle l’eut installée, laissant seulement sa tête dépasser, à l’instar du reste du groupe. Jusqu’alors, elle avait toujours dormi dans la tente avec Rarity, mais elle espérait que cette nuit ferait exception. Elle avait besoin de Loki autant que lui-même avait besoin de son soutien, elle le savait.
Cependant, elle avait terriblement mal digéré la proposition que lui avait faite ce dernier de l’adopter en tant que sœur. C’était complètement idiot, mais tout ce que la licorne demandait, c’était de la tendresse et un peu plus de considération. Et elle pouvait l’obtenir ainsi.
Mais cela lui restait tout de même en travers de la gorge. Il n’y avait aucun futur en ce monde. La mort guettait derrière chaque arbre, ils l’avaient constaté au sens littéral quelques heures auparavant. Comment pouvait-il refuser son amour ainsi, en plaçant son refus sur des bases aussi bancales que le futur ? C’était idiot. Il se cherchait des excuses.
Twilight dut se faire une raison. Il ne ressentait rien pour elle, à part cet amour fraternel parfaitement hypothétique.
Mais c’était à prendre ou à laisser, et elle avait besoin de réconfort. La peur la tenaillait en permanence. Dans chaque coin d’ombre, derrière chaque pierre, elle voyait les yeux terrifiants et le sourire malfaisant du démon, ainsi que toutes ses promesses d’horreur et de mort. Chaque fois qu’elle fermait les yeux, le Peuple de l’Ombre était là, prêt à la saisir. Et la seule chose qui l’aidait à se sentir mieux, c’était cet ingrat de Loki.
Et pourtant, malgré son hypocrisie et son ingratitude, elle était encore amoureuse. Elle aussi était une parfaite idiote, se morigéna-t-elle.
Elle se souvenait des propos qu’Harmonie avait tenus, alors qu’elle-même et Loki croyaient Twilight encore endormie. Mourir sans jamais rien avoir éprouvé était la preuve d’un échec de vie.
C’était à cet instant même qu’elle avait su qu’il valait mieux éviter Loki, essayer de le dégager de ses pensées, ce qui n’avait pas marché et ne marcherait jamais, lorsqu’il s’était emporté contre sa sœur en disant qu’il ne ressentait rien de particulier pour qui que ce soit. Voir ses espoirs déçus d’une manière aussi crue avait profondément choqué Twilight, et l’avaient plongée dans les affres d’un désespoir toujours renaissant, incapable qu'elle était de mettre ses sentiments de côté.
Au moins espérait-elle avoir bien lu l’honnêteté dans le regard du coyote, qu’il la considérait réellement comme une sœur. C’était déjà ça.

Elle passa ses amies en revue d’un rapide coup d’œil. Etaient-elles au courant de cette histoire qui existait entre elle et le coyote ?
Elle se rendit bien vite compte de la bêtise d’une telle pensée. C’était sans doute le cas – après tout, il l’avait bien entraînée à l’écart pour lui annoncer qu’il la rejetait – et elles avaient des problèmes certainement plus importants à gérer que sa simple amourette qui se devait d’être passagère.
Rainbow avait une mine absolument horrible. La douleur ne lui laissait aucun repos réel, et elle était gavée de médicaments toute la journée. Twilight l’avait vu en combattant à ses côtés, elle était moins vive et réactive que d’ordinaire. Ses yeux magenta étaient injectés de sang, des cernes prononcés marbraient son visage, et sa crinière avait perdu de son éclat d’arc-en-ciel. Elle était couchée sur le côté, et regardait dans le vague d’un air triste qui était étranger à Twilight.
Pinkie et Fluttershy n’en menaient pas large non plus. Serrées l’une contre l’autre dans leur tente, tentant de se réchauffer comme elles le pouvaient par la chaleur de leur corps, elles avaient un air déprimé comme jamais Twilight n’en avait contemplé chez un poney. C’était d’autant plus effrayant que Pinkie était touchée. Sa crinière n’avait jamais été aussi raide, aussi plate, et son regard avait complètement perdu l’étincelle de folie qui l’animait.
Twilight en avait presque les larmes aux yeux, tant le spectacle était désolant.
Harmonie partageait elle aussi l’état d’esprit général. Le regard perdu dans le vague, comme tous, elle semblait être perdue dans des pensées qui étaient hors de la portée de compréhension de la licorne. Pensait-elle à Discord, à cause de qui toutes ces horreurs s’étaient produites ? Réfléchissait-elle à une éventuelle destination pour la suite ?

Le silence régna jusqu’à ce que le craquement de la neige sous la cendre annonce le retour de Loki et Rarity au campement, une faible lumière bleutée émanant de la corne de Rarity et de la charge qu’elle transportait.
Depuis qu’il avait essuyé ce coup de griffe qui avait emporté son œil droit, Loki ne s’était pas départi du masque qu’il s’était créé, un mélange de colère sourde et de douleur. Il semblait prêt à sauter à la gorge de n’importe qui, pour n’importe quelle raison, que ce soit un mot de travers ou une trahison de la plus haute importance. Jamais Twilight ne l’avait vu dans un tel état jusqu’alors.
Ils avaient trouvé juste assez de bois pour tenir la nuit, si Twilight parvenait à l’enflammer. Leur recherche avait été courte, car mieux valait ne pas rester seul dans le noir sous les aiguilles de pin. On ne savait pas ce qui pouvait rôder dans la nuit d’encre.

Rarity disposa les morceaux de branches en un cône parfait dans le cercle de pierres qu’avait arrangé Harmonie quelques temps plus tôt, et Twilight s’avança, mettant toute sa force et sa concentration à faire s’enflammer le bois humide.
Au bout de quelques tentatives, le bois commença à fumer, puis s’embrasa d’une flamme magique. Les langues dorées s’élevèrent, perçant l’obscurité environnante d’une douce lueur dorée. Leur chaleur revigora un peu le groupe de fugitifs, mais ne parvint pas à effacer la lassitude qui les opprimait.
Après un repas plus que frugal préparé à la va-vite à partir de conserves, chacun décida qu’il valait mieux que la journée se termine enfin. Le repos serait bienvenu dans ces circonstances troublées.
Twilight appela Loki, et n’eut pas besoin de préciser ses pensées. Le coyote avait parfaitement compris de quoi il retournait, et enjoignit Rarity de prendre place dans la tente d’Harmonie. La licorne répondit d’un hochement de tête, avec un regard appuyé qui lui témoignait son soutien.
Loki vint s’installer auprès de Twilight dans la tente, et la licorne ferma la fermeture éclair qui bloquait l’entrée. La lueur du feu continuait à filtrer à travers la toile, ainsi que sa chaleur.


- Je ne compte pas dormir tout de suite, prévint immédiatement Loki. J’aimerais méditer un peu avant.
- Fais comme tu veux, dit Twilight en se couchant sur le côté, tournant le dos au coyote.

Loki la regarda un instant, considérant la tension dans la voix de la licorne, puis se mit dans la position du sphinx qu’il utilisait toujours pour méditer, et ferma la paupière qui lui restait, préférant réfléchir à cela plus tard.
La douleur de son œil crevé le lançait encore. Elle était là, persistante, et les antibiotiques qu’il avait ingurgités en quantités ne l’aidaient guère à se sentir mieux et le rendaient nauséeux. Méditer dans de telles conditions relèverait du défi.
Mais il ne renonça pas. Malgré la douleur, il se concentra à vider son esprit.
Cela fut incroyablement difficile. Il tenta de visualiser son esprit comme un ciel bleu, et dont les nuages représentaient ses pensées.
Ce soir, son ciel était voilé de nuages rouges, un rouge de sang, qui représentait sa douleur. Le coyote chassa les nuages un par un, sans relâche, mais les nuages revenaient toujours.
Au bout d’une demi-heure de bataille mentale contre la douleur, Loki parvint enfin à tous les chasser, et put se concentrer en paix sur sa nouvelle visualisation.
Sur sa régression.

Lorsqu’il ouvrit les yeux de son esprit, il se trouvait à nouveau dans le tipi dans lequel il avait passé sa précédente méditation. Il était de nouveau face à son chef, sa famille, et son clan. Tous, y compris lui-même, étaient couverts des peintures mortuaires rougeâtres qu’il avait réalisées.
Le blizzard soufflait toujours avec rage au-dehors. Les enfants pleuraient, les femmes levaient un regard inquiet et implorant vers Loki et le chef, coiffé de son crâne de loup.
Ce dernier gardait les yeux fermés, et attendait avec patience et sérénité son sort, ainsi que celui de sa tribu.
Loki se souvint de son nom : c’était Metlatonoc, surnommé Traque-Loup. Le crâne qu’il portait en guise de heaume était celui d’un chef loup qu’il avait affronté en duel et vaincu, et dont il avait conservé la tête en guise de trophée. Ce soir, tous comptaient sur lui, car il était le plus à même de sauver son clan.
Devant lui avaient été rassemblées les armes de chacun : poignards, tomahawks, atlatls et macahuitls. Chacun attendait le signal du chef pour s’en emparer, et défendre chèrement sa peau et son clan contre ce qui arrivait au dehors.
Le silence régna encore quelques instants à l’intérieur de la tente en peau de bœuf musqué. La tension était palpable. Loki récita dans son esprit quelques prières aux esprits, afin que l’âme des siens puisse traverser le fleuve de l’Ombre afin de jouir d’une seconde vie au royaume des morts. Les peintures qu’il avait réalisées sur chacun, l’un après l’autre en prévision de ce fatal Mois des Tempêtes. Depuis toujours, lors du retour du printemps, les vents du Nord soufflaient sans relâche, et la neige éternelle des terres glacées tourbillonnait sans relâche, soulevée par des bourrasques d’une puissance inégalée pendant le reste de l’année.
Cette époque était la plus redoutée parmi les coyotes, car la fin de l’hiver signifiait le regain de puissance de leurs ennemis de toujours.

Un hululement guttural déchira l’air, fendant le blizzard comme un coup de cor, reprit rapidement par d’autres.
Metlatonoc ouvrit les yeux. Loki échangea un regard inquiet avec sa femme Xali et son fils Coatepec.


- Prenez les armes, annonça gravement le chef de sa voix profonde.

Loki s’avança le premier vers la pile. En tant que shaman, il savait qu’il avait le droit à la préséance, et au choix des armes. Il saisit son macahuitl aux dents fabriquées en éclats de jade entre ses crocs, et attendit la suite.
Cette arme avait été fabriquée et donnée à Loki en guise de cadeau de mariage par le frère de Xali, qui avait été emporté quelques années auparavant par la même menace qui menaçait aujourd’hui.
Le travail réalisé était digne d’un orfèvre. Le manche de bois poli était entouré d’une sangle de cuir épaisse, qui permettait une bonne préhension et de ne pas se blesser aux gencives. Le plat de l’arme était gravé d’un motif reprenant de nombreuses spirales, symbolisant l’Arbre Monde, et les tranches de la plaque de bois était incrustée de dents de jade recourbées vers l’arrière, afin de causer un maximum de dégâts en un seul mouvement, le poids de l’arme brisant les os et les dents arrachant les chairs. de plus, l’équilibrage avait été réalisé de main de maître, ce qui facilitait grandement son utilisation sur la durée sans se fatiguer.
Xali eut le choix suivant, et récupéra son poignard, à l’origine une côte affûtée de bœuf musqué et sculptée de petites dentelures sur le bord intérieur.

Lorsque chacun eut sélectionné son arme de prédilection et que la pile avait disparu, le chef au crâne de loup saisit sa propre masse à l’extrémité de pierre après avoir fait craquer ses cervicales, et ordonna :


- Dehors. Et battez-vous pour le clan, pour votre famille. Pour vous.

Loki lança un dernier regard à sa famille. Le regard de sa femme était empreint de détermination, et d’une rage sourde qui ne demandait qu’à faire surface.
Il lui trouva un air familier. En ce moment précis, il sentit qu’il la trouvait plus belle que jamais. Ces yeux en amande d’un bleu glacé lui rappelaient quelque chose, ainsi que sa grâce et son allure élancée. Il contempla ce qu’il pensait être une dernière fois cette beauté farouche, son cœur se serra. Il tourna son regard vers son fils.
Coatepec était perdu, et effrayé. Comme chacun le faisait avec ses propres enfants, Loki le serra contre lui.


- Sois fort, Coati. Et n’oublie pas, si l’un d’eux entre, tu passe sous la toile et cours aussi vite que tu peux.


Préférant ignorer les larmes de son enfant, le shaman se détourna, laissant sa compagne embrasser tendrement le fruit de ses entrailles. Loki gardait les yeux rivés sur Metlatonoc, attendant les prochains commandements.
Le chef quitta la tente, le poil hérissé, et Loki lui emboîta le pas.

La neige tourbillonnait avec violence dans les airs, rendant la visibilité excessivement mauvaise. Cela n’était pas une si mauvaise chose, de prime abord, car Loki connaissait ses adversaires et savait qu’ils y voyaient aussi mal qu’eux.
Cependant, il savait également que ceux qui s’apprêtaient à fondre sur la tribu des coyotes étaient de véritables monstres rompus au combat, et de surcroît entraînés au combat en temps de blizzard. Les chances de survie de son clan étaient infimes. Si jamais les coyotes ne bénéficiaient pas d’un rapport de force de plus de deux contre un, c’en était fini du clan Traque-Loup.


Conformément aux instructions qu’il avait toujours reçues depuis sa plus tendre enfance, Loki traversa le camp à toute allure, allant dans la direction opposée à celle d’où provenaient les hurlements, vers le Sud, en coupant par les bois. Il décrivit une large boucle, et revint par le flanc Est, contournant le camp d’une bonne centaine de mètres.
Là, il s’aplatit dans la neige, et rampa aussi discrètement qu’il le put.
Il trouva bientôt ce qu’il cherchait : une silhouette massive apparut dans les tourbillons de neige.
Semblable à un coyote, mais plus trapue et dotée d’une tête plus imposante, elle guettait dans la direction du campement.
Elle remuait la queue, couverte d’une épaisse fourrure broussailleuse comme le reste de son corps, sous l’excitation du carnage à venir. Loki savait qu’elle attendait un signal.
Il s’approcha encore, le hurlement du vent couvrant le bruit de ses pattes.
Plus près, toujours plus près… Il marchait contre le vent, et était indétectable par sa cible. Celle-ci charriait une terrible odeur de fauve, additionnée d’un odieux effluve de charogne. Une odeur bien caractéristique de son espèce.
Loki devait faire attention. Cette opération se ferait au millimètre près, car sa cible était bien plus grande que lui, le dépassant de facilement deux têtes. Il n’avait pas le droit à l’erreur.
Dix mètres le séparaient encore de la créature, qui agitait encore nerveusement la queue.
Cinq mètres.

Loki s’élança, et bondit. Il abattit son arme d’un coup sec et violent sur la nuque de son ennemi, qui poussa un jappement de douleur. Le coyote acheva sa victime en lui cisaillant la gorge sous son épaisse fourrure.

Il fit quelque pas en arrière pour observer son œuvre.
Il venait d’ôter la vie. Ce n’était ni la première fois, ni la dernière, et il n’éprouvait pas le moindre remords. Il l’avait fait pour protéger les siens, il n’avait pas à regretter son acte.
Le cadavre de la louve qui gisait à ses pieds était la preuve qu’il ne reculerait devant rien pour protéger ce qui lui était cher.
Un autre hurlement résonna, et un concert d’aboiements furieux suivit. Le chef des assaillants avait donné l’ordre d’assaut.
Loki courut du plus vite qu’il put, continuant sa remontée inexorable. Mais il arrivait trop tard.
Les loups étaient déjà aux prises avec les siens. Apparemment, ils étaient beaucoup plus proches du camp que ce que Metlatonoc avait envisagé.
De là où il était, il put compter six loups, dont un plus gros que les autres et coiffé d’un crâne d’une créature que Loki ne parvint pas à reconnaître, probablement le chef des assaillants, aux prises avec le chef de son clan. Contre les huit coyotes du clan Traque-Loup, la bataille était jouée.
L’un des loups, un mâle dans la force de l’âge, saisit un coyote qui jappa de douleur entre ses mâchoires, et le secoua de droite et de gauche si violemment que le malheureux n’eut même pas le temps de crier avant que sa colonne vertébrale ne soit réduite en morceaux. Le loup se débarrassa de sa victime en la jetant au visage d’un autre coyote, qui fut rapidement passé au fil de la lame d’un second loup.
Loki repéra vite une forme familière qui ferraillait avec une louve relativement chétive.
Sa femme.
Il bondit dans la neige pour aller lui porter secours. Il esquiva d’un bond l’assaut d’un énorme loup, et se rua sur le flanc de la louve qui menaçait son aimée, tailladant sa chair à grands coups de macahuitl.
La louve s’effondra vite, son sang et ses entrailles qui se répandaient sur la neige fumants dans l’air glacé. Loki eut à peine le temps de se retourner pour esquiver la charge d’un troisième loup, qui s’effondra après que Xali lui eut planté son poignard dans l’œil gauche en un gracieux mouvement d’esquive.
Les coyotes restants étaient en mauvaise posture. Quatre d’entre eux avaient été tués, et l’un était encore enserré dans l’étau des mâchoires de deux loups qui l’avaient écartelé vif, mettant ses boyaux à nu.
Metlatonoc était en train de ferrailler avec le chef ennemi, le plus gros de la meute.
Cela ne faisait que trois loups.
Il en manquait un.
Un aboiement féroce résonna dans son dos. Le loup manquant venait de surgir de derrière la tente du chef, et s’était rué sur Xali qui ne put rien faire pour l’éviter. Le monstre la plaqua au sol, et saisit la nuque de la femelle entre ses crocs. Avant que celle-ci ait pu pousser un cri de douleur, la bête tira d’un coup sec, et sépara la tête du reste du corps.
Un flot de sang fumant jaillit des artères de la défunte, et son corps s’immobilisa après un dernier spasme.
Loki bondit sur l’agresseur, essuyant une giclée de sang au passage, et asséna un violent coup de macahuitl dans le crâne de son ennemi. L’arme resta plantée dans le crâne du loup, qui s’écroula en roulant des yeux.
Le blizzard commençait à perdre de son intensité, augmentant le rayon du champ de vision du coyote. Il discernait à présent le bois qui s’étendait à une centaine de mètres au sud du camp, et aussi la totalité du champ de bataille.
Les deux autres loups s’approchaient de Loki à pas lents, leurs crocs longs comme des couteaux mis à nu. Derrière eux, le coyote pouvait voir leur chef battre Metlatonoc à mort avec sa propre masse.
Il laissa libre cours à son instinct, et prit la fuite, aussi vite qu’il le put, en priant pour que les enfants feraient de même.
Il courut, sur quelques centaines de mètres, avant de se retourner pour vérifier si les loups le suivaient.
Il était libre. Les trois loups survivants avaient pénétré la tente ou se trouvaient les petits.
Il vit quatre petites ombres s’extirper de l’enceinte de peau, les quatre enfants de la tribu. Il se demanda lequel était Coatepec.
Il vit la gueule garnie de crocs d’un loup surgir de sous un pan de la tente, et se débattre pour passer. Les deux autres, le chef et un autre de ses hommes, quittèrent le tipi et s’élancèrent à la poursuite des jeunes coyotes.
Les loups étaient plus gros, plus puissants, plus endurants, et les coyotes qui avaient de lourdes difficultés à courir dans l’épaisse neige du fait de leurs courtes pattes n’avaient aucune chance. Dans un unique claquement de mâchoires, deux des enfants du clan perdirent la vie, broyés entre les crocs massifs des loups.
Le troisième fut rapidement rattrapé par le loup auparavant coincé sous la tente, et son cadavre disloqué fut projeté dans les airs avant de s’écraser lourdement dans la poudreuse.
Il en restait un, qui avait disparu aux yeux de Loki.
Il vit une petite silhouette quitter lentement et discrètement la tente, profitant du fait que les loups étaient encore concentrés sur leurs précédentes victimes pour filer en douce.
Coati.
Cet enfant n’en avait toujours fait qu’à sa tête. Loki avait bien tenté d’en faire le prochain shaman du clan, mais lui préférait devenir un chasseur, et avait toujours suivi les traqueurs de la tribu dans leurs expéditions, apprenant à être silencieux comme une ombre. Cela allait peut être lui sauver la vie.
Puis Loki vit le chef des loups s’emparer de la masse de Metlatonoc. D’un seul coup, sans états d’âme, il abattit l’arme sur Coatepec, le réduisant en une fraction de seconde à l’état d’une bouillie sanguinolente.

Loki voulut hurler. Mais s’il le faisait, les loups risquaient de le repérer, et de se lancer à sa poursuite.
Il fit volte-face, et courut à travers les arbres desséchés et gelés.
Il courut, courut à en perdre haleine, à en ressentir une douleur abominable dans les pattes. L’air froid lui brûlait les poumons, et ses muscles tiraient et le faisaient terriblement souffrir.
Mais ce n’était rien face à la douleur qui lui rongeait le cœur, et faisait ruisseler les larmes sur ses joues encore tachées du sang des loups.

Il ouvrit les yeux. Il était de nouveau dans la tente perdue au milieu d’une forêt de pins sombre.


- Loki, tout va bien ? s’enquit Twilight, inquiète.


Il se rendit compte qu’il était en sueur, et que sa respiration s’était accélérée et alourdie. Il retrouva peu à peu les sensations de son corps, ainsi que la douleur de son œil perdu.


- Oui, oui je crois que tout va bien.
- Tu en es sûr ? Ca fait bien cinq minutes que tu es comme ça. Tu m’as fait peur, j’ai cru que tu faisais un malaise ou quelque chose comme ça. J’ai essayé de te secouer mais ça n’a pas marché.


Loki fut étonné des propos de la licorne. Sa méditation avait-elle était si profonde que cela ?
Cela n’était guère étonnant. La situation était si dramatique que rien n’aurait pu l’en tirer.

Il laissa les émotions retomber. Il était complètement désorienté.
Le coyote se laissa choir sur le sol.
Il n’en revenait pas d’avoir vécu tant d’atrocités, dans une vie qui pourtant ne semblait pas si lointaine.
Il n’en revenait pas d’avoir tant vécu, tout simplement.
Il avait eu femme et enfant, et avait regardé les deux se faire massacrer par des loups. Des loups gigantesques, qui ne provenaient pas de ce monde.
Il en était persuadé, son passé provenait d’un autre monde, et sa vie ne s’était pas terminée avant qu’il ne réapparaisse sur ce monde qui connaissait l’Apocalypse.

Twilight s’allongea contre lui, et frotta doucement sa joue contre son cou, pour essayer de le réconforter, sans trop savoir ce qu’il s’était produit pour le mettre dans un tel état.
Elle ne pouvait pas voir son regard, se trouvant du côté droit du coyote, mais ses oreilles affaissées et son expression faciale générale lui indiquaient que le désespoir le rongeait, lui aussi.
Elle le sentit tressaillir contre elle. Sa poitrine avait eu un bref soubresaut.
Il pleurait.

Twilight releva la tête, et tenta d’apercevoir l’autre œil de Loki. Il détourna la tête pour l’en empêcher, ne lui laissant plus aucun doute sur la question.


- Qu’as-tu vu, Loki ? demanda-t-elle avec inquiétude.
- Rien, oublie, articula-t-il d’une voix étranglée.

Twilight insista encore, en le poussant doucement du bout du museau.


- Loki, ton idée d’adoption va dans les deux sens. Si je suis ta sœur, je suis en droit de savoir ce qui ne va pas, pour te réconforter.


Loki ne répondit pas.


- Parle-moi, Loki, dit-elle di ton le plus rassurant qu’elle pouvait.

Après avoir poussé un soupir entrecoupé d’un sanglot, Loki consentit enfin à raconter à Twilight les horreurs qu’il avait contemplées durant sa méditation.
Son récit était entrecoupé de sanglots, et il dut s’interrompre plusieurs fois, notamment dans les passages résumant le combat contre les loups.
Un tel récit horrifia Twilight. Elle fut encore plus chamboulée de la conclusion qu’en avait tirée Loki, qui ne perdit pas de temps avant de l’en informer.
Comment pouvait-on vivre une telle atrocité en une seule vie ? Voir sa famille détruite autour de soi devait être une expérience effroyable, et elle semblait l’être à tel point que même dans cette vie qui était totalement différente, Loki en souffrait terriblement. Ce retour en arrière avait fait revivre des souvenirs et des sentiments qu’il avait eu la chance d’oublier lors de sa « remise à zéro » d’il y a plus de vingt ans, et ce brusque retour de situation lui faisait l’effet d’une claque sentimentale. Plus que jamais, Twilight le sentait, il avait besoin d’affection.
Elle se pelotonna contre lui, envoyant ses pensées les plus positives vers lui, plutôt que des mots qui n’auraient pas eu beaucoup de sens.

Le coyote se colla un peu plus contre la licorne, s’enroulant un peu plus sur lui-même.
S’était-il comporté ainsi avec Xali ? Comment était-il tombé amoureux d’elle, pour commencer ? Comment vivait-il avec sa famille et son clan au quotidien ?
Cette méditation, en plus de faire renaître d’anciennes douleurs, avait soulevé encore une fois plus de question qu’elle n’avait apporté de réponses, mais elles étaient mineures. Il savait à présent qu’il venait bel et bien d’un monde différent de celui-ci, un monde peuplé de créatures semblables à lui-même et aux poneys. Se pouvait-il qu’il ait vécu à Equestria et en ai perdu le souvenir ?
Ses pensées s’envolèrent vers Rarity. Il éprouvait des sentiments pour elle, il en était sûr, mais étaient-ils réels ? Ne se trouvait-il pas dans le même cas que Twilight ? Et si telle était la vérité, ne serait-il pas terriblement hypocrite de sa part de vouloir obtenir l’affection de Rarity ?

Loki s’en voulait de faire un tel coup à la licorne qui dormait contre lui. Il ne voulait pas la faire souffrir plus qu’il ne le faisait déjà. Il valait mieux qu’il laisse les choses évoluer d’elles-mêmes.
Il passa une patte au-dessus de Twilight, et la serra un peu plus contre lui, avant de fermer l’œil et de chercher le sommeil.


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