Prologue

Clop clop

Apple Bloom faisait les cents pas dans le salon richement décoré, regardant ses sabots attentivement, espérant que cela l'occuperait assez longtemps. Mais marcher n'était guère distrayant, surtout quand on le faisait tous les jours. Elle avait essayé de faire exprès de trébucher, pour mettre plus d'action, cela faisait mal et Applejack (le poney qu'elle aimait le plus au monde) la grondait pour quelques banales égratignures. Elle avait essayé de courir dans la salle, mais le carrelage était trop glissant. Donc, elle était réduite à marcher, marcher et encore marcher.

Clop clop

Sortir pouvait l'occuper, mais pas moyen de le faire sans que l'on crie "Hé mais c'est Apple Bloom !", "Oh! C'est la descendante des Ciders !". Et puis, elle ne devait fréquenter que des poulains gâtés, stupides et arrogants pour ne pas salir sa réputation paraît-il. La réputation ! Un mot répugnant pour elle.

Clop clop

Elle jetait quelquefois un regard noir à ses horribles jouets qu'on lui avaient offerts. Pas question de s'amuser avec ces niaiseries. Bien sûr, c'était Applejack qui les lui avait donnés. La volonté était là, mais la jument orange ne la voyait suffisamment pas pour savoir ses goûts, qui changeaient à chaque visite.

"Les jouets, c'est pour les bébés ! s'exclama Apple Bloom en s'arrêtant. Les pouliches doivent avoir de la compagnie !"

S'énerver et se plaindre était presque quotidiens chez elle. Bien qu'elle savait pertinemment que cela ne servait à rien, cela lui faisait un grand bien. Elle reprit sa marche solitaire en regardant ses pattes. Si seulement il y avait un domestique à la maison pour pouvoir bavarder ! Malheureusement, seule la doyenne de la famille, Granny Smith, s'occupait des achats. Or celle-ci était à l'hôpital, trop vieille et trop hantée par des hallucinations pour se déplacer. L'avantage seulement était la fin des cadeaux hideux, mais ce n'était plus la préoccupation de la pouliche.

Clop clop

Soudain, elle s'arrêta. Elle avait entendue un bruit qu'elle reconnaîtrait entre mille : celui d'une porte qui s'ouvre. Apple Bloom, euphorique, manqua de sauter et de s'écraser sur le plafond -bien que très haut- tellement sa joie était intense. C'était l'une des rares fois où Applejack retournait temporairement dans l'appartement de Manehattan la voir. La pouliche courut jusqu'à la jument qui venait à peine de rentrer et se jeta sur elle. Cette dernière écarquilla ses yeux verts émeraude d'un air ahuri. Mais comme toujours, elle lui pardonna son manque de courtoisie. Sa sœur lui posa toute sorte de questions. Comment s'était passé l'installation d'une production de cidre à Cloudstade. Comment va Granny Smith. Et surtout, quand est-ce qu'elle la verrait la prochaine fois.

"L'usine a été bien installé, répondit calmement Applejack, ce serait un déplorable échec si une courtoise licorne violette ne nous a pas jeté un sort pour marcher sur les nuages ! Granny Smith a toujours ses visions, mais le médecin nous garanti que la guérison est proche. Et je te verrais...

- Quand ? Quand ?

- Désolé, ma chère sœur... Dans l'Empire de Crystal, on nous a fait une offre, beaucoup trop intéressante selon notre frère pour refuser. J'avais voulu que tu m'accompagne, mais l'honorable Princesse Cadence avait trop de soucis en tête pour que je lui confie ta garde pendant notre travail. Je serai absente... pendant trois mois."

Apple Bloom faillit s'accrocher à elle en la suppliant de rester en pleurant à grands flots, mais elle se retint de justesse. Elle se mit juste à murmurer un "je comprend" tremblant. Trois mois... pour elle, une visite par semaine était insuffisante, mais trois mois... En voyant son air dépité, Applejack essaya de la rassurer.

"Ne t'inquiète pas, je t'enverra de la compagnie. J'en parlerai à Granny Smith."

La pouliche la regarda avec espoir. De la compagnie, c'était justement ce dont elle avait besoin! Après s'être embrassées, la jument orange lui dit au revoir et partit.