La jeune jument fut incapable de réagir face à cette étrange fleur. Colère, peur, curiosité… elle resta figée, comme ses sourcils dans un froncement incapable de traduire ses émotions conflictuelles. Fleury eut un petit rire sarcastique et regarda la ponette de haut.
“Je dois reconnaître un effort pour le crin rose et la marque enlevée de tes flancs, mais tu aurais pu changer la robe… remarque, les humains n’y verront que du feu. Du blanc, pur et innocent.”
Un froncement de museau tenta de traduire l’incompréhension de la licorne, mais la fleur se mit à gigoter, hilare.
“Tu as raison, ne dis rien, il faut continuer à jouer le jeu… celui de la gentille licorne naïve. A quel moment comptes-tu prendre ton envol ?”
Le visage de l’équidé afficha progressivement un mélange de confusion, de dégoût et de pitié pour cette étrange créature. Tourner les sabots sembla la meilleure solution et elle l’adopta.
“Elle ne t’a pas dit pour la sortie, n’est-ce pas ?” s’écria Fleury. “Celle des basses-fosses ! Tu as vraiment envie de rester ici ?!”
La voix de la petite fleur devint inaudible lorsque la jument quitta la petite caverne, mais ses paroles restèrent. Elle s’enfonça à nouveau parmi les maisons vides en pierre sombre. Des statues sans yeux donnaient l’impression de la guetter dans l’obscurité… De nombreuses pensées se bousculaient dans son esprit et emplissaient un silence seulement troublé par le bruit de ses sabots sur le sol froid.
Elle se mordait le coin de la lèvre. Son regard évitait de regarder les environs, pour se concentrer droit devant elle. Visualiser la maison de Faust. Une grande maison semblable aux autres, mais en retrait et à l’intérieur aménagé. Chaleureuse, comme un feu de joie caché au milieu des ténèbres glacées.
Faust était assise devant la maison de pierres sombres, à regarder les ténèbres jusqu’à voir enfin une petite lueur tremblotante approcher et finalement dévoiler son amie à la robe blanche. Celle-ci vint prendre place à côté de l’humaine, toujours aussi pensive.
“Ça doit faire du bien de pouvoir enfin te déplacer sans avoir mal.”
La jument aux crins roses acquiesça.
“Même s’il y a pas grand-chose à voir ici, n’est-ce pas ?”
L’humaine aux cheveux de feu vit du coin de l’œil les sabots de son amie bouger et, avec un froncement de sourcils, tenta de déchiffrer correctement les signes.
Ami. Seul. Gâteau. Fuir.
Pendant un instant, les yeux de la jeune femme se détournèrent après avoir montré un bref éclat de tristesse. Il y eut seulement le bruit de deux respirations, dans des ténèbres à peine troublées par la magie de la licorne. Celle-ci finit par doucement caresser le bras de son amie et continuer à lui parler sans dire un mot.
Moi. Fuir. Chute. Heureux. Ami. Deux. Seul. Partir.
Faust eut un petit rire et caressa la crinière rose de son amie, avant de passer son bras autour de son cou de nacre et serrer la licorne contre elle. Aucune explication n’était nécessaire, mais exprimer certaines choses l’était.
“J’aimerais partir. Quitter les basses-fosses et…” Elle soupira, abattue. “Peu importe. Il m’est impossible de passer le p-”
Le corps de l’humaine se crispa. Elle se masqua la bouche avec la main et s’écarta vivement de son amie, l’air paniqué. Faust se releva prestement, tourna sur elle-même comme pour chercher une solution du regard et s’accroupit devant la jeune licorne. Cette dernière imprima un mouvement de recul quand les mains approchèrent de son visage, pour se poser délicatement sur ses joues, et fut troublée par le désespoir dans le regard de son amie aux cheveux roux.
“Tu es heureuse ici, non ? On s’amuse avec la pâtisserie et les balades et… et…”
Sa voix finit par s’éteindre, incapable d’ajouter un mot. Les doigts glissèrent sur la fourrure blanche pour aller se perdre dans le crin rose et permettre à Faust d’enlacer son amie. Elle n’attendit pas de sentir des larmes contre son pelage ou d’entendre les sanglots étouffés pour passer ses sabots autour de sa poitrine et tenter de l’apaiser.
La jeune jument pouvait entendre battre cet autre cœur si près du sien. Son regard se perdit dans l’obscurité devant elle, si froide… mais elle y avait trouvé une chaleur incroyable. Celle d’un foyer et d’une amitié capable de rester vive avec des plaisirs simples, susceptible toutefois de s’éteindre dans un quotidien étouffant.
L’étreinte finit quand la licorne repoussa avec douceur son amie, afin de pouvoir lui parler.
Moi. Heureux. Futur. Froid. Sortie. Partir. Ensemble.
Avec un soupir, Faust se leva et, résignée, fit signe à la jument de la suivre. Cette dernière n’était jamais allée auparavant dans la cave, principalement sur la demande de son amie, pour éviter de tomber dans l’escalier lorsqu’elle avait encore les pattes dans un sale état.
Une fois ouverte, la porte donnait bien sur des marches en pierres froides. Traverser l’embrasure était comme passer dans un autre monde. Quitter le bois et la lumière pour la roche et la fraîcheur. De nombreuses odeurs émanaient de tonneaux et caisses révélés par la lumière magique de la licorne. Du sucre, des épices… des tas de bonnes choses. Et toutes devaient venir d’au-delà de la porte en vieux bois patiné renforcée par du fer forgé rouillé.
La sortie des ruines.
“Le reste des basses-fosses se situe derrière. Et le reste des humains…”
Faust marqua une pause avec beaucoup de gêne sur le visage. La jeune jument aurait eu du mal à dire quel âge avait son amie et voyait juste en elle une figure bienveillante et aimante ; mais celle-ci parut soudainement usée, avec des traits tirés par la fatigue et du regret dans le regard.
La lueur magique faisait danser les ombres sur le visage des deux amies. Il était devenu difficile pour elles de comprendre réellement les émotions de l’autre et les mots leur manquait pour les exprimer.
“J’aimerais te retenir… mais je sais ce que ça fait de se sentir coincée, piégée… je ne veux pas que tu souffres de rester ici.”
Partir. Ensemble.
“Je… je ne peux pas. Aucun humain ne peut.” Faust soupira. “A l’autre bout des basses-fosses se trouve un portail, destiné selon Elle à ceux tombés accidentellement…”
Qui.
Les traits de Faust se durcirent.
“La Reine. Le portail se trouve dans son château… et tu devras probablement l’affronter. Elle et bien d’autres… Tous les humains ne sont pas comme moi et… je crains de ne pas pouvoir t’accompagner. Je ne veux pas les revoir, ni la revoir Elle. Mais je dois aussi te prévenir : selon la légende, la raison pour laquelle nous avons été enterrés ici est dû à la magie qui ne fonctionne pas sur nous. Tu devras être forte si tu veux traverser les basses-fosses… et ne pas mériter d’y rester.”
Moi. Revenir. Ouvrir. Porte. Ami. Passer. Ensemble.
“Oh… j’aimerais. J’aimerais vraiment… mais si cela ne marche pas, je ne t’en voudrais pas. Pars et… et ne reviens pas juste pour moi. Ne reviens que si tu le veux.”
Après un léger silence, la femme rousse se jeta au cou de son amie, les larmes aux yeux. La licorne lui rendit son étreinte. Elles n’avaient pas envie de se dire au revoir.
…
Le bruit des sabots résonnèrent dans le lugubre boyau, progressivement découvert par la lueur magique pâle et tremblotante. Tout était noir et humide. De petits stalactites, comme de petites cornes, faisaient parfois tomber une goutte dans un discret écho.
Prudemment, la jeune jument avança, l’air peu assurée. A quoi s’attendre de l’autre côté de ce long corridor ? Celui-ci semblait pénible à emprunter par des humains, à cause de son plafond plutôt bas ; mais à part quelques stalactites à éviter, la licorne n’eut aucun mal à avancer, jusqu’à voir une lumière briller au bout du tunnel.
C’était celle de cristaux, perdus dans les hauteurs d’une grande caverne. De la végétation avait poussé sur le relief accidenté, au point de couvrir entièrement le sol d’un tapis de fougères. Une immense porte taillée dans la roche se dressait de l’autre côté. Un frisson parcourut l’échine de la jument, sans parvenir à s’expliquer pourquoi ; après une courte hésitation, elle s’avança entre les grandes feuilles vertes et sentit leur caresse sur son cou, puis son dos.
Il fallut seulement quelques pas avant d’entendre un craquement sous son sabot. C’était semblable à du bois mais… la licorne hésita à regarder. Un mauvais pressentiment lui comprimait le cœur…
Des ossements.
La plupart de ses pas déclenchèrent des craquements. Sous la végétation luxuriante se trouvait son terreau, des restes blanchâtres entourés par endroits de tissus détériorés, comme de sinistres linceuls. La jeune jument dut se faire violence pour parcourir ce sinistre champ, le regard fixé sur son objectif : la porte.
Difficilement, la jeune équidé au pelage blanc escalada quelques rochers, afin d’atteindre les larges battants de pierre taillés. Mais quand elle posa les sabots avant sur la dernière plateforme, entre les hautes tiges s’en trouvait une plus petite, avec un visage entouré de pétales jaunes.
“Les humains sont moins sucrés que les pâtisseries de ton amie, tu sais ? Ici, c’est tuer ou être tué.”
Le museau de la licorne se fronça et elle se hissa pour enfin faire face à la porte. Des inscriptions y figuraient, dans le langage humain.
“C’est un avertissement. Créature, derrière ces portes vit le peuple des basses-fosses. La magie ne te sauvera pas. La pitié non plus.“ Fleury marqua une pause, un sourire au coin de ses lèvres végétales. “Tu as peur de te salir les sabots ? J’ai hâte de voir comment tu vas t’en sortir… pour toi ça va être du gâteau, non ?”
Avec un rire sinistre, la plante regagna la terre et disparut, pour le plus grand soulagement de la jeune jument. Un soupir suffit à l’exprimer et ne plus penser à cette rencontre ; son regard puis sa magie se concentrèrent sur les portes pour les ouvrir, non sans effort. Le visage de la jument afficha des traits tirés par la concentration, puis de la surprise lorsqu’une bourrasque de vent gelé lui ébouriffa le crin.
…
Il semblait improbable d’avoir un climat à l’intérieur des basses-fosses et pourtant la jeune jument entra dans un paysage enneigé, au milieu d’une sombre forêt de pins. Le bruit de ses sabots fut étouffé par le lit de blancheur glacée, sur lequel elle progressait en silence, à contempler les arbres gigantesques flanqués de chaque côté d’un probable sentier, sous la couche neigeuse.
La licorne pouvait observer avec une certaine fascination les flocons tomber en petites quantités tout autour d’elle. Quelques uns se perdirent dans sa crinière ou disparurent sur son pelage immaculé. Si elle avait l’impression de se trouver à l’extérieur, derrière le léger rideau blanc le plafond de la caverne était visible, avec de nombreuses agglomérations de cristaux lumineux, à la façon de soleils miniatures capables de rendre l’endroit clair comme lors d’une journée nuageuse. Mais surtout, l’endroit apparut comme immense, démesuré. Des stalactites à l’allure minuscule depuis le sol couvrait une grande partie de la paroi et l’air glacé devait transformer l’humidité du plafond en cristaux de glace.
Fascinée, la nouvelle venue dans ces terres gelées ne remarqua pas la silhouette au milieu du chemin. A peine arrivée dans son nouvel environnement, sa présence fut repérée et quand elle vit enfin la forme humaine au loin, la jument déglutit et avança avec conviction, le visage dur. À son approche, elle remarqua la tenue sombre de l’humain et sa carrure imposante, loin de son amie Faust, plutôt fine. Les histoires de guerriers vêtus de peaux de bête lui revinrent, car il apparut un être vêtu intégralement pour se protéger du froid. Seul son visage était visible, mais en partie car il avait une barbe dans laquelle ses lèvres se fendirent en un large sourire.
“Bienvenue à Snowdin !” lâcha-t-il avec enthousiasme de sa voix grave et profonde. “Vous êtes bien un poney, n’est-ce pas ? Vous ressemblez aux description des légendes… Je n’arrive pas à y croire…” Il s’agenouilla brusquement, pour se prosterner “Les Saintes Alicornes ont entendus nos prières !”
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Les deux chapitres (comme quasiment toute la fiction) a été écrit à la suite et relu plusieurs fois ; mais le premier chapitre pose plus l'ambiance et le personnage est plus en retrait quand celui-ci est plus dans l'action. Vu que la narration est orientée sur le ressenti, il est pas impossible que le premier soit plus "faible" en terme d'investissement.
Ah oui, le chapitre... Désolé. Il était agréable et j'ai la drôle d'impression qu'il y a une amélioration au niveau de la narration... Peut être que je me trompe.
En effet, Faust a une relation différente de celle avec Toriel, même si ça reste à interprétation. La plupart des personnages sont d'ailleurs des sortes de mix réinterprétés de plusieurs personnages, pour mieux coller à l'histoire et ne pas juste faire "version humaine de Toriel", donner quelque chose d'unique mais de reconnaissable. Du moins, je l'espère !
C'est sûr que c'est plutôt ouvert mais vu les fictions à priori sympathiques mais qui prennent des libertés sur le cadre dans lequel elles se déroulent, il a semblé logique que le tag "normal" soit pour les fictions dans le ton du show, sans être pour autant du "slice of life".
D'ailleurs note sur le tag Normal : en réalité absolument personne sur ce site ne sait à quoi il sert.
Je comptais dors et déjà prendre un peu de temps, ce week-end, pour lire un peu, ne serait-ce que pour remercier ceux qui ont pris le temps de commenter ^^
cette fiction et j'espère que tu lira aussi mes futur fiction
P.S: "bordel d'ours" est mon expression pour les choses qui m'agassent,
qui me surprend, etc... .