Un peu confuse, la jeune jument n’écouta pas vraiment le flot de paroles lâchées par l’étrange humain très enthousiaste, peut-être trop pour son interlocutrice encore sous le choc de son accoutrement ; difficile de faire abstraction de la ressemblance avec les légendes. Pourtant il parlait de fêtes, de prières, d’espoir et d’un tas d’autres choses, avec un flot continu au point de ne pas sembler respirer.
Toutefois, il finit par se calmer, s’éclaircir la voix et plonger une main dans son épaisse veste, pour en sortir un petit engin courbe en métal.
“Bouchez-vous les oreilles, votre équinité.”
L’objet métallique fut pointé vers le ciel et la jument finit la tête sur la neige, les sabots aux oreilles avant même d’entendre le cliquetis. La détonation resta puissante, mais un acouphène restait préférable à des tympans explosés.
Une colonne de lumière rouge fila dans les airs et explosa avant d’atteindre le plafond de la caverne, comme un petit feu d’artifice. L’humain rangea l’appareil et aida le poney à se relever avec de nombreuses excuses.
“Pardonnez-moi, vraiment, mais je devais prévenir les autres ! C’est une grande journée !” Son excitation était manifeste, au point de le voir sautiller sur place. “On a préparé plein d’activités en attendant que les autres finissent de tout préparer !”
Les pattes de la jument étaient déjà tendues, prêtes à fuir ; la créature bedonnante en face d’elle ne semblait pas percevoir sa pourtant apparente méfiance, trop occupé à rire comme un enfant. Avec prudence, la jeune licorne essaya de se détendre et déglutit ; elle n’avait pas le sentiment d’avoir le choix.
Sa crainte d’être face à un monstre sanguinaire l’avait quittée, mais un comportement aussi enjoué semblait très décalé dans l’environnement froid et austère autour d’eux, surtout de la part d’un être vêtu d’une peau de bête. Quelque chose n’allait pas…
…
Le relief de l’immense caverne parsemée de forêts enneigées recelèrent de nombreuses surprises à la jeune licorne. Tout d’abord, la température finit par la faire grelotter et l’humain lui offrit de quoi avoir chaud ; s’il lui fut offert une peau de bête, cette dernière s’avéra être en matière synthétique. Une tenue intégrale, avec fermeture éclair, comme celle de son guide comprit-elle. Il n’était peut-être pas si barbare, en réalité.
Le pelage recouvert de fausse fourrure d’un rose délavé, elle découvrit ensuite les activités préparées par son étrange nouvel ami, dont l’excitation était comparable à celle d’un poulain lors de sa première Nightmare Night. Et la comparaison vint à la jument lorsqu’elle dû jouer à “accroche la queue du poney”, puis aux chaises musicales, au chamboule-tout et à quelques jeux probablement humains comme de se renvoyer une sorte de bouchon à plumes avec des raquettes. Pour finir, une liasse de feuilles lui fut présentée sur une petite table en plastique.
“Je n’ai pas pu me décider entre des mots croisés et les mots-mêlés, donc j’ai apporté des deux. Choisissez ce que vous préférez, votre équinité. Ou aucun des deux.”
La jument signifia d’un mouvement de tête ne pas vouloir y jouer, avec un léger malaise lorsque l’humain se frappa le front avant de s’étaler en suppliques pour avoir le pardon de sa précieuse invitée. Si jusqu’ici elle avait trouvé son hôte un peu étrange, la jeune licorne commença à comprendre la nature des dangers susceptibles de l’attendre dans cette fosse gelée.
Le village était niché dans une dépression, serré entre de petites collines couvertes d’arbres à épines. Snowdin, dont l’humain ne cessait de vanter les mérites ; à le croire, c’était l’endroit parfait, rempli d’amis, de chaleur et de gentillesse. Cela semblait sincère, mais très partial.
Cependant, de la musique se faisait entendre de très loin et, couplée aux nombreuses lumières colorés, une impression de fête flottait dans l’air quand le duo descendit rejoindre l’endroit.
…
Une pluie de confettis accueillit le duo à son arrivée, lancée par d’autres humains emmitouflés dans des fausses fourrures aux couleurs vives, parfois délavées. Des fausses cornes et ailes étaient parfois cousues, mais la jument n’eut pas vraiment le loisir d’admirer cela dans l’agitation ambiante. Tout autour d’elle, le monde devenait un mélange cacophonique de musique, cris et mouvements indistincts, au point de ne pas lui laisser le choix au sein de cette confusion ; elle se retrouvait poussée sur la place du village et, une fois laissée tranquille, la jeune licorne comprit se trouver sur une estrade.
Tous les regards étaient tournés vers la jument, sans rien arranger à son mal-être grandissant. Les visages humains étaient extatiques, emplis de joie et d’espoir, sous des capuches ornés par endroits de fausses oreilles ou crinière, en plus de quelques cornes. Ils étaient grimés en poneys, tout comme leur ville redécorée, mais la peinture et les guirlandes ne pouvaient pas cacher l’état de délabrement des maisons.
Son guide était toujours à côté d’elle, un sourire enfantin perdu dans sa barbe, et lui fit un signe de tête vers la foule, comme pour l’inciter à parler… Maladroitement, elle essaya de faire comprendre en être incapable, à l’aide d’un sabot agité devant sa gorge.
“Lars, pourquoi le poney parle pas ?” s’écria un humain dans la foule.
“Je crois qu’elle a mal à la gorge,” répondit une humaine pourvu d’un costume de licorne violette.
“Peut-être qu’elle ne veut pas nous parler !” commença à paniquer un simili-pégase jaune délavé.
“C’est p’t-être rien qu’un animal,” ajouta avec colère un visage joufflu entouré de fourrure rose bonbon.
“Blasphème !”
Des cris commencèrent à fuser un peu partout et la fête vira rapidement au cauchemar. L’humain barbu, du nom de Lars, essaya d’apaiser les tensions, mais il était déjà trop tard. Des cris, des coups, des larmes. La petite place devint un champ de bataille sous les lumières joyeuses et la musique enjouée, entre des humains en costume de poneys.
Dans le chaos, on remarqua à peine la disparition de celle à l’origine de la cohue. Elle esquiva avec une agilité insoupçonnée les coups perdus et les tentatives désespérés de se saisir de l’objet de leur colère comme de leur vénération.
Le souffle court, la jument parvint à reprendre ses esprits dans une petite ruelle, entre deux maisons. Ses sabots pataugeaient dans la boue et une odeur nauséabonde se faisait sentir, à cause d’un tas d’ordures proche. Impossible de calmer les battements furieux de son cœur ou les tremblements de ses sabots, mais la cacophonie de la place principale était encore audible ; elle reprit sa fuite, avec l’espoir de ne pas être vue.
…
Le silence des bois fut un réconfort, mais le clapotis du cours d’eau longé par le chemin se montra encore plus apaisant. La licorne au crin rose ne savait pas où elle allait, sinon le plus loin possible de ces humains. Le froid était la seule raison pour laquelle la fausse fourrure lui recouvrait encore le pelage, sinon il aurait fini perdu dans la neige, avec le village, livré à son triste sort.
Seulement, les humains n’en avaient pas fini avec elle. Après une ou deux heures de marche, le chemin le long de la rivière arriva en vue d’un nouveau boyau, pour accéder à une autre partie des basses-fosses, mais aussi de quelqu’un assis sur un tronc d’arbre, au bord de la route enneigée.
Lars.
Le regard de la jument dut être assez éloquent, car son interlocuteur comprit immédiatement la question.
“Je connais quelques raccourcis.”
La licorne aurait pu continuer sa route, ne pas s’arrêter plus longtemps sur l’accès de folie dont ces humains avaient été capables. Seulement… ce n’était pas la faute de Lars. Et elle ne pouvait pas les blâmer d’avoir eu des espoirs, des rêves, enfermés dans cette fosse gelée. Assise à ses côtés, la jument aux crins rose laissa son interlocuteur à la barbe noire sortir de la tristesse visible à ses traits tirés.
“Tu n’es pas venue pour nous libérer, n’est-ce pas ?”
Timidement, un non hésitant de la tête répondit à la question, dans l’appréhension d’une nouvelle réaction de colère ou de désespoir. Mais il y eut juste un soupir.
“Désolé. Tu es comme nous, hein ? Perdue dans les limbes…”
Il marqua une pause. Même si la petite jument avait eu des mots, le silence semblait la seule chose de circonstance.
“Nos ancêtres ont rapidement cessé de croire à un moyen de sortir d’ici. Ils ont erré dans les basses-fosses, résignés à y passer l’éternité… puis il y a eu la Reine. Grâce à Elle nous avons pu bâtir des villes, regagner un peu de notre gloire... mais elle voulait rester ici et régner. Et cela peut paraître fou mais… j’aimais ça.”
Sa voix était plus basse, presque coupable. Le rouge se devinait sur ses joues.
“Quitte à rester prisonnier et passer ma vie ici… j’avais un objectif. Quelque chose à quoi me raccrocher. C’est pourquoi, quand Elle a été détrônée… on a été beaucoup à vouloir croire en quelque chose. Qu’on pouvait s’améliorer, être sauvés mais… même si on a tout fait comme des poneys, jusqu’à nous habiller pour vous ressembler… on ne s’est pas changé pour autant. Toujours les mêmes…”
La jument pouvait sentir la détresse dans la voix de Lars. Il avait fait beaucoup d’efforts pour l’amuser et la faire se sentir bien. C’était à son tour de lui rendre sa gentillesse. Délicatement, elle lui caressa la main du sabot et lui offrit un sourire plein de compassion, comme si sa peine lui était familière. Celle des désillusions.
L’humain renifla, les larmes aux yeux, l’air troublé.
“Je… je ne devrais pas te retenir plus longtemps. Tu as une chance de t’en sortir, un espoir auquel t’accrocher… et je dois faire de mon mieux pour en donner un au moins. Si un jour on veut sortir, il va nous falloir changer… et plus qu’avec des tenues de poneys.”
Avec un nouveau sourire, la petite licorne se remit sur ses sabots et porta son regard vers le corridor, à une centaine de mètre d’elle. Cependant, Lars se racla la gorge, mal à l’aise.
“Avant que tu ne partes… ce n’est pas nous qui avons détrônés la Reine, tu sais. Enfin, je veux dire que…” Il hésita, les mots étouffés par la peur. “Méfie-toi. Certains… certains veulent la liberté à tout prix… quitte à la prendre par la force…”
Quelque chose d’autre n’arrivait pas à franchir ses lèvres, mais son interlocutrice silencieuse mit fin à ses difficultés avec un nouveau sourire, avant de se retourner et reprendre la route. Avec une teinte d’amertume et de crainte dissimulée dans sa barbe, Lars lui fit au revoir de la main, avec le souhait de ne rien lui voir arriver.
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Et les gars habillés comme des poneys (je suppose... ) et qui se bagarraient sur la place publique de Snowdin, ce ne sont pas des bronys par hasard?
@supersonic Il est un peu des deux mais en même temps son propre personnage ! C'est tout l'intérêt de remplacer les monstres par des humains, c'est créer de nouvelles choses !
bien la référence au brony