Chapitre 1
Douce matinée de printemps. Tout va bien. Calme. La couette est chaude et moelleuse.
« FEU ! »
La pièce tire son obus bruyant, et la douille sort de la culasse. Bon, fini la sieste apparemment. Puisque l’état-major avait décidé de ne laisser dormir personne... ni ici, encore moins en face.
Je me lève de ma couchette, bien à l’abris de la casemate, a moitié enfoncé dans la terre. Bon elle ne ressemble à rien, mais en deux jours c’est pas mal. Il fait sombre à l’intérieur, et une odeur de renfermé flottait. J’enfile ma veste et mon casque en bandoulière sur mon dos, et sort. Toute la batterie rivalise de vacarme à présent ; chaque canon voulant faire le plus de bruit, pour lancer l’obus le plus loin. C’est marrant, on voit vraiment les choses différemment quand on vient de se réveiller. Encore plus par un canon de 80.
Je passe devant les servants, trop occupé a charger l’obus et a transporter ailleurs la douille fumante pour vraiment entendre le chef leur criant dessus, toujours dans le cigare, et me dirige vers la cafeteria de campagne. Enfin, de boue : y en avait partout, et on en retrouvait sur toutes les choses. C’est simple : tu retrouves toujours de la boue sur ton casque comme par magie. Même les plus grands. Dans ta crinière, sur tes sabots, et ta queue (rasé à ras comme l’armée t’y oblige) n’en parlons même pas.
C’est l’avantage et l’inconvénient du printemps : c’est cool car il y a plus de neige et l’hiver est passé, ça nous fait un ennemi en moins ; il ne reste plus que l’état-major, celui d’en face, les ennemis et bien sur cette saloperie de crève qui te prend dès que tu ne mets pas une écharpe. A force de ramper dans des endroits pas possibles, forcément… L’inconvénient, c’est la boue. Ça, on s‘allierait presque avec ceux d’en face pour s’en débarrasser. La neige fond, et a la place d’une belle couche blanche, on a une boue qui paralyse tout, salit et s’introduit dans chaque interstice de votre corps et de vos habits. Raaaa.
Après le doux réveil, le petit déjeuner : de la soupe. La, par contre, c’est une bonne nouvelle. Les gens pensent que c’est l’un des cotes les plus horrible de la guerre, la malnutrition, tout ça. Premièrement, on s’y habitue ; on nous y entraine bien assez avec la bouffe de la caserne. Ensuite, je préfèrerais avoir cette soupe que n’importe quoi au monde. Ça réchauffe, tient bien au corps, et j’avoue c’est plutôt bon. Surtout quand tu reviens de la première ligne et que tu as bouffé des rats toute la semaine. Enfin.
Aujourd’hui, c’est repos.
Je retourne à ma couchette pour écrire quelques lignes comme j’avais l’habitude de le faire, quand soudain un sergent me gueule dessus.
« - Eh, toi là bas! Viens ici. »
Je m’exécute.
« - Oui mon sergent ? » J’étais toujours un peu ensommeillé, mais je faisais tout mon possible pour que cela ne se voit pas ; garde à vous, sabot sur la tempe.
« - Repos. On a besoin d’un éclaireur, celui de la 3e compagnie de la 5e division vient de se faire descendre. Il n’a pas eu le temps de faire son rapport. » Il ne me regarda même, pas, concentré sur sa petite carte illisible et sur ses feuilles. Sa petite moustache bougea à chacun de ses mots, toujours plein d’amour.
« - sergent, c’est que je suis de la 3e compagnie, 2e division. »
« - 'veut pas le savoir ; j’informerai le colonel. Exécution. »
« - A vos ordres… »
J’attends d’être un peu plus loin pour souffler. Pff, je sens le mauvais plan… Enfin. Un ordre c’est un ordre. Je préfère être ici qu’a Stalingrad, je vous le dis. Du moins en éclaireur. Je me demande d’ailleurs comment il a pu se faire avoir, celui que je remplace… certainement un bleu. On engage de plus en plus jeune, comme dans toute guerre qui s’éternise ; je connaissais, c’est la troisième depuis ma naissance. Mon grand-père, (que je n’ai pas connu, imaginez nos espérances de vie…) au moins une dizaine.
**********
Une heure plus tard, je suis déjà en route pour mon secteur. Enfin celui de la 3e compagnie. Enfin bref. Un de la 3e me montre le chemin.
Ça fait trois quart d’heure qu’on marche sur le bord de la route, et il n’a toujours rien dit. Le soleil commence à être haut, quelques nuages blancs flottaient, et les charrettes et autres soldats en tout genre empruntaient la route boueuse. L’herbe des champs étaient vertes, soufflée par la légère brise de la matinée. On entendait toujours le bruit sourd de l’artillerie. Il n’y avait pas beaucoup de monde sur la route pourtant, juste quelques petits groupes de soldats, et une ambulance crachotant. Le ciel bleu parsemé de nuages annonçait une bonne journée. Avec un peu de vent.
Dans ces moments-là, on rêvasse un peu, on réfléchit à tout et a rien. Je tente de briser la glace.
« - Il est mort de quoi, votre éclaireur ? » Je dis ça d’un air de quelqu’un qui veut lancer une conversation ; vous savez.
« - Une mine. Une des nôtres en plus. » Il dit cela sans se retourner, neutre.
On continue de marcher, passant dans un petit bosquet. L’ombre des grands arbres est agréable. Un blindé semble avoir échoué sur le bord de la route ; je remarque cela car l’équipage est penché sur une carte dépliée sur l’avant du véhicule, radio sortie. Ils semblent vraiment paumés, d’après l’air inquiet du commandant.
« -Merde ; c’est moche ça. » dis-je en dépassant les mecs paumés. « Il aurait pu faire attention quand même ».
« -C’était mon ami d’enfance. » Il répondit cela immédiatement.
« - Ah… désolé. ‘Savais pas. »
« - Pas grave ».
Et c’est ainsi que nous quittions le bosquet, quittant la fraîcheur annonciatrice de goutte au nez pour retourner sous le soleil matinal. L’herbe étais maintenant jaune, ou une céréale que je ne connaissais pas. J’ai toujours été nul en agriculture. Je serais incapable de faire pousser une tomate.
Enfin. Encore une heure de marche, et nous arrivons enfin au front. Nous quittons la petite route de campagne pour arriver sur une plus large, en terre. Le cliquetis des blindés couvre la fureur des canons que l’on entend au loin. Qu’est-ce qu’on n’a pas inventé pour se foutre sur la gueule… désolé pour l’expression, mais c’est exactement ce qui m’est venu lors de mon premier combat. Ils ont attendus l’usage militaire pour inventer le moteur ; comme si tous les esprits inventeurs se réveillait dès qu’il fallait trouver un moyen pour exploser, fauché ou abattre le poney d’en face.
Des charrettes passent, des soldats avec ; quelques pégases perdus demandent leur chemin a des sapeurs. Vers la zone du front, le ciel devient gris avec des montées de fumées noires. On dirait un tableau réaliste, vous savez, avec les métaphores et tout la tatsoin. Vraiment, ça me donne envie de dessiner. Mais pas le temps, ce fusil est lourd, j’ai envie d’arriver le plus tôt possible.
Et dire que la journée avait bien commencée…
Dans les tranchés et boyaux, quel peuple ! des poneys a perte de vue ; autant de vue que pouvait permettre des tranchés de deux mètres de larges, parfois d'un mètre seulement. Je passe les péripéties de trouver le chemin, se perdre, suivre les panneaux, faire demi-tour à cause d’un cratère d’obus, encore se perdre… Pour finalement arriver à destination.
La première tranchée. C’est LA première tranchée ou j’arrive. Etant un planqué professionnel, je ne pensais pas passer de l’arrière en première ligne en une matinée. De printemps. Qui commençait bien (à part le réveil un peu brutal, naturellement). Ont pouvaient encore voir les restes des combats passés; des traces de sang devenus noires et effacées sur des tôles, des impactes de balles dans des planches, et même une trace d'incendie d'une casemate.
Les parois sont hautes, le sol boueux. Un arbre semble pourtant défier la guerre toute entière, et se dresse toujours au milieu de la trachée. Des touffes d’herbes ici et là, des trous ou des licornes jouent aux cartes ; activités de tranchée quoi.
On alla voir le capitaine pour qu’il m’envoie zieuter chez ceux d’en face. Wow. J’ai hâte. On entre dans une petite casemate a même la paroi, un peu moins bien foutu que le mienne ; je me dit que c’est plus dur de creuser et de construire quand le sol tremble en permanence. Je comprends. L’atmosphère est enfumée, par la terre sèche et par une odeur fort de tabac. On s’arrête devant une grande licorne, penché sur sa table, cigarette au bec. Il se retourne.
D’un bleu pastel éclatant, crinière impeccable orange et yeux violets, il me regarda avec précaution. Des fois qu’on enverrait un bon élément au casse-pipe, je me disais ;
« -Qu’est-ce qu’il nous a dégoter le père machin, la ! Enfin, ça fera l’affaire ».
Génial. Pourquoi j’espère encore un peu de bonté de mes supérieurs ? Surement à cause de ma philanthropie. Il reprend.
« - Bon, assigne-le au poste. Aller, reste pas planter comme un pot a merde ! » Il s’énerve sur sa deuxième phrase pour aucune raison. Il retourne sur sa carte, crachant sa fumée, l’air constipé.
Quel drôle de bonhomme. Acariâtre de naissance ou travaillé par la guerre? Vu son niveau, surement les deux. Et puis, tous, ici, avons connu une guerre a notre naissance, que ce soit le vieux de cinquante balais avec sa bouteille, ou le jeune d'à peine ... dix-huit ans?
On sort. Je ne m’attends pas à ce que cela se passe aussi vite. Mon pote a l’air d’y être habitué. Moi je ne le serais jamais. Mais faut le comprendre, ce pauvre vieux : rester des jours sous un bourdonnement permanent, forcément, tu deviens irascible. Combien de sergents, de commandants, de lieutenants tout fraîchement sorti des écoles d’officiers se sont fait détruire par une petite semaine de « vacances » en première ligne, comme on dit. ‘Heureusement’, c’est majoritairement les meilleurs qui sont envoyés le plus souvent au front. Avant ça m’énervais. En fait, c’est peut-être mieux de garder les mauvais loin de l’action. Mais c’est eux que vont se taper les générations futures…
Putain de guerre.
**********
Dans le dictionnaire du soldat, à éclaireur : « poste punitif, ou pour volontaire masochiste et suicidaire servant à utiliser la tonne de cocarde d’éclaireurs que l’Armée a produit dix fois trop ». Maintenant il y a la reconnaissance aérienne. J’ai jamais compris pourquoi l’armée refusait d’employer les pégases comme cela, au début de la guerre. Enfin ; si ça vous intéresse… bah tant pis, j’ai pas le temps-là.
J’ai pas le temps car ces ‘saloperies’ de ronces me griffent les sabots ; c’est juste à la limite entre le ‘pénible’ et le ‘douloureux’. Raaa. Dans quelle galère je me suis embarqué ?
Dans une galère qui vas changer ma vie… C’est fou.
Donc, je rampe dans la boue, montant une pente, dans un bosquet semblable à celui que j’ai traversé ce matin. Maintenant que j’y pense, ce serait marrant s’il y avait un éclaireur, ce matin. OU, mieux : au sommet de la colline que je vais atteindre bientôt, je me retrouve sur le même chemin que ce matin. Ah : ça, ce serait vraiment con. Invraisemblable, mais hilarant.
Mais non : aucun rebondissement épique, fantastique ou tragique. Juste des arbres.
Je décide, après quelques instants de pause, de me lever sur mes quatre sabots. Personne ne pouvant me voir, je suis tranquille. Ça fait 500 mètres que je rampe comme une chenille maintenant, c’est bon non ? J’ai assez bouffé de ça a la caserne.
Fusil sur le flanc, je descends le versant en faisant attention aux racines traîtresses. Parvenu jusques en bas, je me mis en route, tout droit. La foret est belle en ce milieu de journée, et les oiseaux chantent, ignorant tout des horreurs se passant à quelques kilomètres. On entend toujours l’artillerie tonner, mais dans le lointain. Jamais je ne pensais ne plus les entendre un jour.
Après deux heures de marche, je fis une halte. De quoi manger un morceau et boire un peu. C’est marrant, toujours aucun ennemi. Mais où est ce qu’ils sont ? J’espère que l’on ne tire pas dans le vide, ou qu’ils sont tous mort de … bah je sais pas, d’ennui ? De lassitude ? Je mangeais mon sandwich (que j’avais réussi à obtenir contre une vielle montre, trouvé au beau milieu d’un chemin ; l’argent ? personne ne connait, ou ne s’en sert) en essayant de différencier l’ennui de la lassitude. Je m’arrête lorsque je ressentis l’un de ces deux mots.
Je me suis assis sur une vielle souche, mon casque, fusil et LOURD sac, libérant mon dos devenu martyr ; au moins, avec tout ce dont on se trimbale. Je lève ma tête, et observa la foret. Plus aucun son de guerre : elle régnait en maîtresse sur tout ici. La lumière était magnifique, l’air frais rafraîchissait mes poumons, la brise agitait les feuilles dans les arbres. Pour un peu, je faisais la sieste. Mais l’idée de me retrouver avec un éclaireur ennemi, ou en pleine attaque me força à continuer ma tâche divine, ma mission sacrée que d’aller voir comment l’ennemis faisait cuire ses saucisses. Ils les retournaient comment ? Avec quoi ? Tout l’état-major se questionnait jour et nuit.
Je ris de ma connerie et continue mon chemin. Une heure de plus.
J’arrive dans une petite clairière. Un trou de 20 mètres dans la foret profonde. Je m’embusque d’abord pour constater ma solitude, qui commençait à devenir agaçante. Je m’attends au moins à UN ennemis… Non ? Personne ? Je rentre dans la clairière, et m’arrête au milieu. Une dalle, de 3 mètres environ, repose sous mes sabots ; des runes, des symboles, des je-ne-sais-pas-quoi partout dessus ; ronde, elle semble là depuis des siècles.
Bon. Je fais quoi. Bah je continue, tiens. Je ne suis pas là pour faire de l’archéologie. Je dépasse donc la dalle, et m’enfonce de l’autre côté de la clairière. Retour à la fraîcheur. J’avais une écharpe ; vous savez, pour éviter la goutte.
C’est comme ça que ça a commencé.
Au bout d’une heure, marre : RIEN. Pas une présence ennemie, un cadavre, un mégot, une empreinte, ou une division d’élite fanatique, peu importe… Mais là, juste RIEN. Je fis une pause. Franchement, je ne comprenais rien. On m’avait dit d’aller las bas, sans aucune autre indication que la direction ? C’est justement moi qui devais les apporter, ces informations. Cette histoire devenait vraiment gênante ; je n’avais rien demandé !
Demi-tour du coup. Hey, quand y a rien, y a rien. Ils sont peut-être partis ? Et je n’ai pas vu de mines. A quel moment j’en ai vu ? Ou il a bien pu aller se fourrer pour arriver à se faire péter comme ça… Incroyable. Je me dis alors qu’il y a plus con que moi. Me serais-je trompé ? Extraordinaire, non ?
J’arrive à la clairière, au bout d’une quarantaine de minutes cette fois ci. Je veux rentrer, j’en avait plein le dos ; comme le soir d’une journée fatigante d’école. Mais je perds brusquement mon sourire.
Et il y avait de quoi : la dalle n’est plus là. QUOI ? Comment ça ? C’est la même clairière, j’en suis sûr : cette forme de patate, ce petit arbre ici, le rocher, la. Le… L’autre côté de la clairière a changé : je ne vois plus le buisson que j’ai littéralement piétiner pour arriver ici à l’aller. Et la foret de ce côté-là semble méconnaissable.
Je panique un peu, vous imaginez : plus rien ne tourne en rond. Je m’assois par terre, enlevant casque et sac, et retourna dans tous les sens le problème ahurissant devant lequel ma raison semblait défaillante. Non, c’est bien la même clairière… Si ? Non ? Peut-être ?... Il y a plusieurs clairières identiques ? C’est la pierre au milieu, qui m’a troublé ? Je divague ?
Je fais taire mon cerveau au moment où il dit le vague que le jeu de mot ordonnait. Je cri. Je me sens stupide que ce soit ce jeu de mot pourris qui me casse les nerfs. La fatigue de la journée de m'aide pas. Enfin ; on ne le mettra pas dans la version officielle. On dira : « Accablé par le désespoir, il cri de rage et de folie ». En moins pompeux.
Bon. Il faut faire quelque chose. Je décide de reprendre la direction de l’ennemis. Maintenant que je suis ici… Et puis, si j’y retourne et que je reviens ici… Non. Ça ne peut pas marcher comme ça. Avec l’espoir que la situation devienne plus claire, je rebrousse chemin, vers la partie de la foret que je connais, dans la direction d’un ennemi apparemment en vacances.
Il fait beau, le soleil est chaud en ce milieu d’après-midi, et le temps commence à se rafraichir. Les arbres commencent à peine à prendre une teinte plus orangée.
Quelle journée...
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Je l'ai abandonné suite a certains commentaires
Mais je ne pense pas lire ta fic... pas dans l'immédiat en tout cas.