Le problème est soit déjà là depuis le début, soit provoqué par l'arrivée de l'étranger, qui de toute façon le règlera. Je fais les deux.

Le soleil brille chaleureusement sur l'agressive ville de Ponyville. C'est la vraie canicule, les herbes jaunissent, les animaux sont assoiffés, les poneys décèdent dans les rues. Ah non, ils traînent juste des pattes, bavant comme des bêtes sauvages. En effet, la crise sucrière de l'an 1929 – d'on ne saurait quand – touche l'Eu... Equestria. Pourquoi écris-je donc quelque chose qui n'a aucun rapport ? De toute façon cette comparaison n'affectera pas la suite.

Donc Equestria terre des amis est touchée par une immense vague de chaleur et un déficit de pâtisseries partout sur le territoire. Les terrestres, les licornes, les pégases, les créatures équines en général, les animaux en général et toute chose concrète en général souffrent de ce manque effroyable. Cela fait des siècles qu'il y a eu la paix, maintenant le pays est au bord de la guerre civile.

Les dernières réserves de confiseries sont devenues des ressources précieuses et rares. L'harmonie est rompue et tous se bagarrent pour des restes de sucre. Les vétérans, loin des problèmes d'aujourd'hui, regardent de plus en plus souvent le ciel avec effroi, s'attendant au retour glaçant des Windigos, qui serait malgré tout bienvenu.

Un peuple comme celui des poneys ne se plaint jamais quand tout va bien, les princesses sont vénérées et le sirop coule à flot. Mais quand une catastrophe s'abat sur eux, c'est automatiquement vers les "puissants" et les "grands" que la faute est dirigée. Des groupes extrémistes commencent à se former, lentement mais sûrement. Ils divulguent des rumeurs, qui se propagent dans la population tel un ruisseau vicieux qui s'infiltre par les fissures d'une pierre.

Les nobles de Canterlot sont d'abord visés. Arrogants et détestés de la plèbe, c'est naturellement vers eux que la haine est d'abord projetée. Les nobliaux ont encore des masses et des masses de poudre blanche dans leurs caves... les aristocrates ont déménagé dans des maisons de pain d'épice...

Cependant, l'image même de la divine princesse Célestia commence à être ébranlée par les bruits. La bonne jument avait bien tous les arguments contre elle : la capacité de contrôler le soleil donc la chaleur, et un penchant prononcé pour les choses qui détruisent la dentition. D'ailleurs, l'alicorne solaire garde toujours une batte de baseball dans son placard, en souvenir de son adolescence.

Pour que l'histoire soit plus claire, il faut préciser que les betteraves, et même les cannes à sucre, n'arrivent plus à pousser. Les abeilles ont migré quelque part et plus aucun étranger ne foule la terre dorénavant maudite d'Equestria. Ainsi ce pays autrefois si prospère est devenu un véritable enfer sans saveur, frappé en permanence par le sunlight des tropiques.

Accessoirement, dans un certain monde parallèle, Sunset Shimmer et Twilight Sparkle se sont mises en couple. Mais comme ce récit ne se passe pas dans un certain monde parallèle, cette information est inutile. Quoique, il ne faut jamais exclure les possibilités. Peut-être que la canicule est de leur faute.

Ponyville est donc à feu et à sang. À feu à cause de la chaleur évidemment, et sang, car à cause du premier les poneys ont du mal à garder le sang froid. Ils se font tous un sang d'encre – évidemment j'ai écrit leur problème – et ont des coups de sang face aux sangs bleus. Mais il me semble que même si leur sang bout dans leur veine, tous a le sang de navet pour régler le problème. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu'ils se sont habitués à manger des légumes.

Au loin la princesse Twilight Sparkle, incarnation de l'Élément de magie, l'alicorne de l'amitié, la sauveuse d'Equestria, regarde son village sans rien faire, le postérieur sur l'herbe. Les nombreuses crises et menaces qui ont pesé sur le monde lui ont appris une chose cruciale : toujours suivre les conseils sages de son mentor. En tant que nouvelle dirigeante, elle a le devoir d'attendre le prochain qui sauvera le jour.

Cela ne l'empêche pas d'être terriblement inquiète et de réfléchir à toutes les solutions possibles. Elle reste oisive, certes, mais elle reste Twilight. Il faut que j'arrête de trop l'abîmer, parce qu'elle doit rester reconnaissable à mon arrivée. Sachez néanmoins que, pour s'occuper, elle s'est efforcée de relire plusieurs fois une série de livres parlant de la romance entre une terrestre et un batpony.

Mais il y a un autre problème sérieux.

Tous les pâtissiers d'Equestria ont aussi disparu, au grand désarroi des poneys qui voudraient bien des boucs émissaires. En réalité, tous les poneys qui avaient comme talent ou métier de préparer des plats cuisiniers – à ne pas confondre avec ceux qui se chargent de collecter les ingrédients -, sont partis sans laisser de traces. Or en réalité, on s'en fiche complètement. Tout ce que la population veut est du sucre et encore plus de sucre.

Naturellement, Pinkie Pie fait aussi partie des disparus.

Hélas, la situation actuelle a bien besoin d'elle. Tous les poneys de la ville ont assez ronchonné, ils tournent en rond, rides au front, sans jamais rigoler. Dommage que la jument rose ne soit pas là pour les aider. En attendant, sous le soleil torride, tout le monde est de mauvaise humeur, et le mystère reste complet. Et Caramel est encore recherché à Appleloosa.

Les ponyvillois ont commencé à méditer sur le problème. Juste un peu. Hé ho, ce sont des backgrounds ponies qui se contentent de hurler à chaque catastrophe, donc qu'ils fassent preuve de petites réflexions, aussi minuscules soient-elles, peut être considéré comme une exploit. Pour le moment, ils discutent de ce qu'à bien pu dire la fêtarde en dernier.

Certains disent que c'est "Que commence la fête !". D'autres affirment qu'elle a murmuré mystérieusement "Fuyez", ou "Volez", mais personne n'est sûr. Le reste affirme qu'elle s'est exclamée "crème brûlée" et c'est tout.

Loin des délires des poneys ordinaires, Twilight rentre à son château. Comme d'habitude elle voit Spike et le reste de ses amies à la salle de la carte, sauf Fluttershy qui s'est enfermée à double-tour dans son cottage. Aucun individu ordinaire ne sait ce qu'elle fait actuellement.

Spike fait une sieste sur son trône. Il ne fait que dormir depuis un certain temps. C'est d'ailleurs pour le mieux, il faut l'admettre. Éveillé, il se plaint deux fois plus en étant deux-quarts fois moins efficace. Le manque de sucre le rend à la fois grognon et inactif. Il ne dérange personne là, et c'est mieux ainsi. Non pas que je ne l'aime pas, il va juste être un personnage de fond durant tout le long de cette fiction.

Dans le trône à sa gauche, se trouve Rainbow Dash, assise avec les pattes avant croisées et la mine déconfite, oscillant entre l'indignation et la résignation. Quand tout allait bien, elle avait l'habitude de prendre un rapide cube de sucre quotidien, comme la plupart des athlètes. Maintenant elle a remplacé la poudre blanche par du piment rouge à 30 000 sur l'échelle de Scoville. Personne ne sait si c'est efficace.

Mais on peut dire qu'au moins, elle a trouvé un substitut. Quand tout allait bien dans le meilleur des mondes, Spitfire dédaignait le simple carré de saccharose et ne mangeait que ces sorbets géants à la vanille doublé de mascarpone et de café, avec le nappage froid de napalm. Cherchez l'erreur. C'est-à-dire qu'elle n'a pu trouver un autre moyen de se ressourcer, et s'est exilée d'Equestria.

Encore à gauche, deux sièges vides et plus loin, soit en réalité à l'opposé de celui de la pégase, Rarity pleure. La pauvre licorne, d'habitude si élégante, a la crinière décoiffée et les yeux rougis par ses larmes qui paraissent éternelles. Pourtant, ce n'est pas dans ses habitudes de manger des donuts aux couleurs de Holly Dash, et autres produits imbibés de dioxyde de titane. D'ailleurs, peu après l'annonce de la crise, elle a eu un comportement raisonnable et mature comme Zecora, au milieu de tous les poneys qui se sont lamentés du funeste malheur, y compris les princesses.

D'abord calme et mature, elle a commencé à s'inquiéter en se demandant qu'est-ce qu'elle va manger lors des moments de grands chagrins. Les énormes pots de glace format familial la comblait en ces instants. Mais que peut-elle donc trouver maintenant ? Cette petite crainte s'est changée en véritable angoisse, si bien qu'elle a fini par avoir véritablement besoin de sucre.

Elle s'est mis alors à croquer des glaçons, qui sont à prix d'or, et est allée plusieurs fois voir le dentiste. Ce n'est pas la seule qui a attrapé une pagophagie. Depuis la crise, la médecine a été plusieurs fois sollicitée par les poneys qui se sont mis à consommer n'importe quoi. Selon une étude, ils manquent de fer. En effet, tout le monde a arrêté de manger des légumes depuis quelque temps.

Et les fruits sont devenus à la mode. Je suis bien d'accord avec les poneys : manger des mangues c'est mieux que manger des brocolis.

La chaise à côté de celle de la pleureuse est occupée par Applejack. La terrestre est bien posée dessus, la tête vers le haut, son chapeau recouvrant une partie de son visage. Elle doit être un des rares poneys à qui la crise est avantageuse. Depuis que le sucre est devenu une source rare, la vente de pommes a explosé. Même si son goût édulcoré n'est qu'une maigre copie, il rappelle bien la saveur sacrée du saccharose. La chaleur ne lui pose pas de travail, son endurance naturelle et ses pouvoirs de X-Pony permettent d'avoir des fruits à foison.

Mais elle paraît bien pensive. D'habitude loquace, elle est devenue aussi bavard que son frère, avant qu'il ne s'inscrive à une secte prônant le sacrifice de Flurry Heart pour le retour du sucre. La fermière, d'habitude simple et fonceuse, est devenue plus réfléchie qu'une licorne studieuse. Vous pouvez décider de ce qu'elle pense : médite-t-elle sur l'origine du problème, ou de ce qu'a dit Pinkie avant de disparaître ?

Ces longs paragraphes n'ont duré que quelques secondes pour Twilight. Un coup d'œil a suffi pour voir tout le monde, tandis que vous devez prendre du temps pour comprendre le cadre. Notre alicorne décide de prendre place sur son propre siège.

Quelques instants après, Starlight Glimmer arrive, épuisée après avoir fait des nuits blanches. Comme il n'y a pas de trône pour elle, elle décide de se retenir encore quelques instants et de se placer à côté de Spike. Elle a passé tout le temps à chercher une formule pour créer magiquement du sucre, tout en restant dans la loi.

En effet, plus sombres que le sort d'inspiration manifestation, plus maléfiques que ce qu'utilisait habituellement Sombra pour se brosser les dents, les seuls sorts de confection de bonbons appartiennent à la magie noire. Il est possible de faire des objets ressemblant à des pâtisseries, mais ils ont obligatoirement un goût fade.

Les vénérables alicornes elles-mêmes n'ont pas pu réaliser l'exploit de rédiger un sortilège avec la magie de la paix et de l'harmonie. Si la licorne parvient à le faire, elle mériterait ses nouvelles ailes. En attendant, elle est encore loin.

"Commençons la réunion de l'amitié, déclare la jument lavande. Ponyville est encore dans le chaos. Les princesses ne donnent pas de réponse et..."

Elle soupire, complètement impuissante, en s'enfonçant dans sa chaise. Elle se sent coupable.

"... je ne peux rien faire ! Je souhaite vraiment aider tout le monde, mais je ne peux pas..."

Elle s'arrête pour laisser ses amies parler. Rarity, au milieu de ses sanglots, lève la tête vers l'alicorne, le visage aussi humide que si elle a plongé dans la mer. Tendant un sabot accusateur vers une divinité invisible, moi en l’occurrence, elle s'écrit dans un ton peu distingué pour une dame :

"Je me demande bien que font les princesses ! Au moins la princesse Luna aurait pu nous réconforter dans nos rêves avec plein de boîtes de glace XXL. Mais elles ne font rien !"

Un silence gêné s'installe dans la salle, troublé par la licorne blanche qui reprend ses larmes. Ce blasphème a été dit dans un élan de rage, une jument comme Rarity n'a pas pensé en le disant. Mais cela montre bien que la situation s'empire de plus en plus. Que va-t-il donc se passer si les seuls poneys d'Equestria qui prennent la peine de se bouger le derrière – du moins prenaient – se brisent ?

Il n'y a ni Fluttershy ni Pinkie Pie pour apaiser cette tension. Starlight a la tête baissée, trop effrayée de redevenir une dictatrice égalitaire si elle dit quelque chose d'assez marquant pour être compris. Et comme si cela ne suffit pas, Rainbow se lève sur ses quatre sabots, en les serrant quand même pour qu'ils rentrent dans le minuscule espace du trône.

Elle a les yeux injectés de sang, de grosses cernes, le teint livide, et pue beaucoup le piment. Elle semble encore plus énervée que d'habitude, déjà que le manque de sucre l'enrage assez. Regardant toute l'assemblée, elle crie.

"Je suis sûre que c'est la faute de Discord ! Ce maudit draconequus s'est pas manifesté depuis la crise. Il a fait du mal à Fluttershy et aux princesses, j'en suis certaine !"

Malgré ses mots forts, elle ne paraît pas crédible avec son ton de poney âgé et bourré, qui boit du cidre pour oublier qu'il ne pourra plus acheter ses éclairs au chocolat quotidien avec son journal de vieux poussiéreux. Mais voir parler une jeune jument comme un retraité ne fait qu'augmenter la tension.

Applejack est plongée dans un nuage de réflexions incompréhensibles, entrecoupé d'expressions de la campagne et de citations vieilles comme le monde. Néanmoins, elle réconforte Twilight qui est dépassée par les événements. Que quelqu'un vous rassure tout en murmurant des mots qui n'ont aucun rapport, la tête ailleurs, est plus effrayant qu'apaisant. Mais sur le moment, l'alicorne écrasée par la colère justifiée de ses amies, se sent un peu mieux.

"J'ai une idée, proposa-t-elle plus confiante. Et si on allait à Canterlot ? Comme ça on pourrait avoir des nouvelles des princesses au lieu d'attendre !

- Mais, darling, répondit Rarity toujours éplorée mais calmée. Nous pouvons aller nulle part ! Il n'y a plus de train qui roule dans tout Equestria !"

En effet, le trafic de train s'est terminé alors que celui de la poudre blanche commence. Les princesses elles-mêmes l'ont interrompu, à cause de la chaleur officiellement. À ce jour, c'est leur dernier ordre donné. Plus personne n'a de nouvelle de l'Empire de Cristal, tout ce qu'on sait est que la princesse Cadence a participé à l'inauguration de l'exposition sur le dernier barbe-à-papa du territoire.

"Nous pouvons aller en marche et en vol, continue la princesse. Une fois je l'ai fait, et c'est beaucoup moins loin que nous imaginons !"

L'ambiance s'est radoucie. Rainbow elle-même a l'air un peu moins nerveuse. Tout le monde est d'accord, mis à part Spike qui ronfle toujours et qui ne va évidemment pas participer au voyage. Mais alors que les juments s'apprêtent à sortir, un papier qui était mystérieusement dissimulé dans le siège de Twilight sans que personne ne se rende compte, tombe comme un cheveu dans une soupe.

Le bout de papier blanc sort Applejack de sa porteuse. De retour à la réalité, la fermière s'en empara et le lit, à haute voix évidemment.

"Ma Twilight d'amour. Rendez-vous dans ton château, sur le trône à 15 heures pile. J'ai apporté des choses... intéressantes, qui te feront oublier l'étroitesse de cette pièce. À bientôt.

Flash Sentry."

La concernée est plus rouge qu'une tomate. Les deux autres juments accourent aussitôt, absolument pas intéressées. Le voyage est visiblement remporté. Seule Starlight reste près de la sortie, pure et innocente, assez pensive.

"En même temps, je me disais que c'était étrange que les toilettes soient occupées..."

***

Cette introduction ne devait pas être si longue. Tant pis. À savoir que la scène précédente, si on suit la logique, se passe en même temps que le prologue, puisque c'est à ce moment-là que mon portail s'ouvre dans le ciel, à la lisière de la forêt Everfree.

Comme j'ai pris le temps de réfléchir, j'ai imaginé à quoi ressemble le portail. Bien sûr la version que vous avez éventuellement envisagée reste bonne. Le portail est invisible, donc cela veut dire que c'est comme si Rosycoeur et moi sommes apparus dans le vide. Mais pour signaler sa présence, il y a quand même quelques étoiles roses qui l'ont accompagné. Que c'est adorable.

Être dans le ciel ne me dérange pas. J'étends mes ailes et je commence à voler, en évitant tout de fois de regarder vers le sol car j'ai le vertige. Problème qui n'en est pas un : pour utiliser mes ailes j'ai dû lâcher la chatte, qui tombe à présent en hurlant.

Elle sait qu'elle va tomber sur les pattes, qui vont être au passage blessées par les épines des arbres ou atterrir droit vers un monstre. J'ai écrit qu'elle ne s'énerve que dans certains cas, celui-ci en fait partie. Non pas d'être précipitée droit vers un danger auquel elle va miraculeusement s'en tirer - parce que si un jour elle meurt, ce ne serait sûrement pas dans une fanfiction absurde - mais parce que je l'ai apportée avec moi. Même si je doit dépenser du temps juste pour narrer son point de vue, cela l'exaspère vraiment.

Elle est en train de m'insulter avec tous les jurons possibles. Moi, je me contente de battre des ailes en la regardant sans rien faire pour l'aider en tant que personnage. Je pouvais utiliser la télékinésie, ou la secourir vite fait en dépassant la vitesse de la lumière, ou encore inverser la gravité de cette terre.

Non. Je n'ai pas envie.

Et puis, savez-vous qu'est-ce que cela impliquerait si je décide d'inverser la gravité ? Un élément de plus, un autre facteur dans l'équation. Je serais obligée de décrire les villes renversées, les poneys qui paniquent, et d'autres longs paragraphes de description. À moins que je décide de ne modifier qu'une partie d'Equestria pour réduire ses habitants à l'état de Shadoks bêtes et méchants, avec ceux les pattes en bas et ceux les pattes en haut.

Ce serait encore plus horrible pour moi.

Finissons la partie sur les réflexions et les émotions de la protagoniste impuissante face au terrible péril qu'encourt son amie, et retournons à la réalité.

Rosycoeur est donc en train de chuter vers la forêt Everfree, continuant à m'insulter, bien qu'elle ait compris qu'elle ne devra rien attendre de ma part. Elle continue néanmoins d'agiter les pattes, pour montrer qu'elle est dans une terrible situation et qu'elle s'affole.

Soudain, elle voit brièvement une aile jaune pâle, avec des plumes délicates comme un papillon. Elle a alors l'impression de flotter, transportée par un être bienveillant. Elle tourne la tête pour contempler son sauveur...

... et vit qu'à la place de Fluttershy, il y a un minuscule canari qui la transporte, mais qui n'a plus de force pour la maintenir plus longtemps.

Grâce à ma vision de narratrice omnisciente, je constate qu'elle me lance un regard signifiant "T'es sérieuse ?" avant d'être lâchée vers le monde hostile. Je me contente d'utiliser mes pouvoirs pour invoquer une sucette, car j'ai vraiment envie de sucre, et je la mange avec ma psychokinésie.

J'attends que la chatte s'écrase pour descendre à la vitesse d'un avion de chasse et aller près d'elle. J'ai été plus clémente, car elle a atterri sur un doux lit de mousse, entouré des feuilles qui tombent délicatement, et de roses aussi. C'est joli les roses, et elles ont des épines, donc elles ont légitimement leur place dans la forêt Everfree.

Il y a aussi ces belles lueurs vertes qui étincellent au fond des ténèbres de la forêt et qui ressemblent à des lucioles. Naturellement, elles se révèlent être les yeux d'une bande de timberwolves affamés.

Rosycoeur est déjà partie en courant, après que j'ai fait ce constat. Je suis obligée de la suivre, même si je suis extrêmement lente sur le sol. Derrière, les monstres ont bondi, la gueule bavante. Nous avons des mètres d'avance, mais ils sont bien plus rapides.

J'ai des ailes et des pouvoirs, mais je décide de les oublier pour faire du sport, et aussi pour ajouter du drame et des risques à la situation. Je songe un instant que j'aurais pu rendre la scène plus vivante en ajoutant un minimum de dialogues, mais ce qui est fait est fait. À la place je peux les mettre par exemple maintenant.

"T'es tarée, souffle la chatte en continuant de courir. T'aurais pu directement dire que voilà, tu rencontres Fluttershy ! Ça t'aurait en bonus épargné cette scène !"

Je hausse les épaules en galopant. Les timberwolves sont à nos talons et mordent dans le vide, espérant saisir quelque chose. Techniquement, ils vont nous rattraper dans quelques secondes. J'ai néanmoins le temps de répondre :

"Mais ce serait incohérent. Fluttershy est censée être enfermée chez elle à double tour. Même si elle sort il y a genre pratiquement peu de chances qu'elle traîne ici et qu'elle est comme par hasard ici pour te sauver ! Ce serait stupide !"

Je n'ai jamais été très endurante et toute cette agitation m'agace. Je fais volte-face, et je décime une troupe entière de monstres avec un ultralaser / mes pouvoirs de Magical Girl / ma magie très ancienne qui surpasse celle des alicornes / un poireau (Veuillez barrer les mentions inutiles).

Cela nous laisse le temps de respirer, assises près d'un rocher, à côté d'arbres. Vu où nous sommes, nous pouvons au choix rechercher le cottage de Fluttershy ou rejoindre l'habitation de Zecora. J'élimine immédiatement ce dernier choix, qui ne me paraît pas judicieux. En effet, avec sa grande sagesse et ses capacités, la zèbre ne peut nous être utile. Peut-être plus tard.

La marche s'annonce longue. Il fait jour et nous devons nous dépêcher avant que la nuit vienne, avec tous les dangers qui s'annoncent. Heureusement, l'air est pur et doux. Je laisse Rosycoeur souffler un peu, car je l'ai mise dans un état lamentable. Boue, poussière, bardanes et autre végétation peuplent sa fourrure.

Je lui dis qu'on va sortir de cette forêt pour aller chez la pégase. La chatte n'était pas du même avis et souhaite juste se rouler en boule pour s'endormir. Naturellement, il y a une différence entre la volonté et les actes. Ainsi, elle se retrouve obligée de marcher à mes côtés.

"T'as la téléportation, nan ? demande-t-elle en sachant la réponse et pourquoi je ne veux pas. Mais pk Fluttershy est enfermée chez elle ?

- Je t'expliquerai plus tard, assure-je. ... Mouais, le langage SMS fait vraiment moche."

Malgré la dangerosité de cet endroit, rien de majeur ne trouble notre avancée, excepté quelques plantes qui ne sont pas à l'état de légumes et qui sont réduits en poudre. Nous faisons parfois des pauses, où la chatte s'abreuve dans quelques ruisseaux louches, pendant que j'attends passivement.

Il est 16 heures 43 minutes et 12 secondes. Nous sommes effectivement l'après-midi, et la canicule qui touche les poneys n'est pas à son apogée. À midi tout le monde s'enferme chez soi. Cela n'empêche pas d'avoir terriblement chaud. Par souci de réalisme, je vois Rosycoeur suer beaucoup. Chaque poil de son être à sa propre goutte d'eau et son propre brin de souffrance. Je sifflote à côté, en enfilant une écharpe, puisque les écharpes sont toujours classes, avant de la retirer. Je n'ai pas l'habitude d'avoir quelque chose autour du cou.

Finalement, après avoir ostensiblement contourné Ponyville, nous apercevons une charmante maison, entourée d'une petite rivière et surmontée d'un toit de feuillage. Avez-vous sérieusement pensé qu'une jument aussi timide et fragile peut habiter à côté d'une forêt si sauvage et hostile ? Vous êtes cruels.

La maison est d'habitude ensoleillée, avec des petits oiseaux qui chantent et des rongeurs qui s'aventurent dehors. Désormais, elle est trop illuminée et aucune âme qui vit rôde autour. Les fenêtres et la porte sont barricadées d'une façon désordonnée, propre aux dessins animés, pour donner un effet de ruine et de malheur sur la zone. Ce n'est pourtant pas compliqué de clouer les planches de manière droite... mais il est vrai que je ne l'ai jamais fait.

"Tiens, tu y vas, dis-je à Rosycoeur.

- Moi ?! Tu peux y aller toi ! s'exclame-t-elle.

- Voyons, déjà que les poneys ont peur en voyant un simple humain, comment vont-ils réagir en me voyant, moi ? Les chats ils en ont l'habitude.

- Pfff... un félin rose bonbon ? Sérieusement ?"

La chatte cherche encore quelques prétextes que je n'écris pas, même en sachant que son destin est tout tracé. Elle n'est pas d'humeur à avoir d'interactions sociales avec d'autres personnages, et voulait juste dormir et se réveiller du rêve qu'elle n'a pas. Résignée, elle s'avance vers la porte et la toque un peu.

"Hello ? Je p... ?

- CASSEZ-VOUS JE N'AI RIEN À VOUS DIRE !"

Elle est littéralement propulsée en arrière. Elle est ébahie par une telle force vocale, qui égale la sienne. Peut-être même plus. Soudain, elle devient plus intéressée par cette aventure. Elle est si éblouie qu'elle commence à faire des choses qu'elle n'a pas l'habitude de faire. S'asseyant devant la porte, elle fait un adorable miaulement avec un regard rempli d'étoiles au sens figuré.

C'est un petit cri si mignon, digne des mèmes de chatons sur Internet, qui ferait fondre n'importe qui. Si je pouvais l'entendre, je m'effondrais, totalement émue jusqu'aux larmes. Ici, je suis juste satisfaite d'avoir trouvé un moyen pour avancer le scénario.

La porte s'ouvre un peu et dévoile par la fente une Fluttershy qui semble avoir pris dix ans. Elle a des cernes et sa belle fourrure jaune semble avoir grisé. Ses yeux fatigués s'illuminent quand ils se posent sur la chatte. Elle pousse encore un peu la porte, sans trop oser sortir.

"Oh... pauvre créature... Ils t'ont abandonné ? Ne t'inquiète pas, il y a de la nourriture chez moi et un peu de fraîcheur. Tu peux venir !

- Okay senpai !"

Fluttershy, qui s'apprête à retourner à l'intérieur, s'arrête. Malgré sa capacité à comprendre les animaux comme les poneys, elle sait faire la différence entre le langage équin et animal. Elle demeure surprise pendant quelques instants, avant de constater qu'elle bloque le chemin. Bafouillant des excuses, elle s'écarte pour laisser Rosycoeur entrer la queue haute.

"Ces jours sans parler à des poneys ont dû me faire ça..." murmure la pégase pour elle-même.

La féline est vraiment satisfaite. Elle va être dorlotée par une gentille jument ! Bon, pour seulement quelque temps, car elle n'est littéralement pas faite pour être un animal de compagnie, mais en attendant, ce devait être un véritable régal. Au revoir débuts de fictions jamais publiés et surtout jamais achevés ! Au revoir auteure impitoyable !

Je peux très bien la laisser se reposer et continuer ma route vers Ponyville. Cela me donne de ce fait une possibilité intéressante de scénario. Hélas pour elle, ce n'est pas ce que j'ai prévu. Je me téléporte donc à l'entrée de la chaumière, alors que Fluttershy s'approche de la sortie pour fermer la porte.

Surprise et effrayée, celle-ci glapit. La jument la maintient, un peu étonnée de voir un objet faire un son. Après l'avoir calmée avec des mots doux, elle me voit et sursaute de peur en poussant un petit cri. Je dois bien faire une et demie fois la taille de la porte Néanmoins, elle a assez de courage pour ne pas se réfugier dans l'ombre et la sécurité de son habitation, à moins qu'elle soit figée de terreur ?

"Hi." dis-je.

Elle ne répond rien, se contentant de me fixer sans trembler, seuls ses yeux exorbités trahissent la peur. La chatte, derrière, grimpe sur le dos de sa nouvelle bienfaitrice, sans que cette dernière soit dérangée par sa masse assez imposante et son volume plus grand que celui des félins domestiques habituels. Rosycoeur me contemple avec des yeux lassés. Pourquoi lui ai-je fait espérer ?

Du point de vue de la logique, elle a toutes les raisons du monde de me laisser tomber, de faire comme si elle ne ne me connaissait pas. Or ce point de vue ne s'applique que sur cette fiction depuis le début. Si tout ce qui s'est passé est pris en compte, c'est beaucoup plus compliqué. La loyauté de Rosycoeur est extrêmement douteuse – si bien que même ses plus proches amies évitent de lui accorder la confiance -, mais à mon égard...

Évidemment, je peux techniquement faire ce que je veux. Techniquement, et uniquement dans le domaine de la création si j'en ai les capacités.

Donc simplifions tout cela en disant, qu'après un soupir consterné, la chatte décide de m'aider. Elle saute par-dessus la tête de Fluttershy, qui est trop interdite pour réagir. Se plaçant bien droite devant celle-ci, la regardant bien dans les yeux, elle déclare d'une haute de voix :

"T'inquiète ! Elle est avec moi !"

La pégase semble encore tendue, même si elle paraît soudain moins inquiète. Effectivement, c'est étrange de la voir si courageuse, mais il ne faut plus s'étonner vu des événements. Toujours est-il qu'elle éprouve encore une pointe de crainte et a des pensées (ce) que je ne suis pas censée savoir, car oui, elle a payé une certaine chose...

"Si cette petite chatte le dit, murmure t-elle, elle doit avoir raison. Quel est ton nom d'ailleurs ?

- Rosycoeur pour vous servir !

Après une hésitation, elle lève la tête vers moi.

"Et... et vous ?

- Appelez moi HH."