Chapitre 8 - Dîner pour trois

Rainbow se réveilla le lendemain matin quand Lero se traîna hors du lit. Elle entrouvrit un œil, remarquant la lumière grisée de l’aube qui passait par la fenêtre. Elle grogna, cacha sa tête sous son aile et plongea sous les couvertures avant de marmonner : « Mmf. Encore cinq minutes. »

La pégase entendit un petit rire. « Prends le temps qu’il te faut. Mais je commence tôt ce matin, donc je dois y aller. »

Elle grommela à nouveau. Les draps et les couvertures, encore imprégnés de la chaleur de leurs deux corps, étaient irrésistiblement confortables. Les pégases ne ressentaient peut-être pas le froid (sinon ils gèleraient à leurs altitudes favorites), cela ne signifiait pas pour autant qu’ils ne pouvaient pas ressentir le confort d’un lit douillet. Quand bien même, elle avait des choses à faire ce matin, et elle devait se rendre à la bibliothèque pour voir Twilight. Elle sortit la tête de sous son aile et cligna des yeux comme un hibou en réaction à la lumière qui pénétrerait son nid de couettes et d’oreillers. Lero était dans la buanderie et enfilait déjà ses vêtements. Rainbow soupira. Elle préférait tellement les jours où ni l’un ni l’autre n’avaient de choses à faire dans la matinée ; où ils pouvaient se lever à leur rythme, passer leur temps à somnoler et se tenir l’un contre l’autre alors que l’intensité de la lumière du jour s’accentuait dans la chambre. Parfois même s’amuser un peu après s’être suffisamment réveillés.

Rainbow se força à s’asseoir, s’étira le dos puis les ailes et cligna des yeux d’un air encore endormi. Il est si tôt… Dois me lever, mais pas envie… Lero jeta un œil par-dessus son épaule. « Tu peux rester au lit, Rainbow. C’est pas parce que je dois me lever tôt que toi aussi. »

La pégase bâilla, se frotta les yeux et battit doucement des ailes pour se réveiller. « Nan, je dois aller nettoyer le ciel après la pluie d’hier. Tout va être humide, et il va encore rester des nuages dont on devra se débarrasser. En plus, il faut que j’aille parler à Twilight pour arranger notre rendez-vous. Tu as bien ta journée de libre demain ?

— Ouaip, dit-il en enfilant sa chemise. Et personne n’a besoin d’un bricoleur, donc je suis libre toute la journée.

— Cool. Oh, euh. » Elle cligna des yeux, son cerveau était encore un peu lent à réagir alors qu’elle regardait la chemise grise quelconque qu’il portait tout en essayant de se souvenir de ce qui lui était passé par la tête. Elle se frotta encore les yeux. « Ah, oui ! T’as bien des habits, genre, un peu plus classes, non ?

— Oh, bien sûr. » Il ricana. « Rarity est venue au spa moins d’une semaine après que j’ai commencé et m’a demandé si j'étais d’accord pour échanger un massage contre un beau costume. Elle a dit qu’elle voulait me soutirer toutes les informations qu’elle pouvait concernant ce que portent les humains, et je me suis dit, pourquoi pas ? J’y ai gagné un très beau costume, si beau que je me suis dit que ce n’était pas correct envers elle. Je voulais le lui payer, mais elle n’a rien voulu entendre et nous nous sommes mis d’accord que je lui devais encore deux séances gratuites au spa. J’avais toujours l’impression de la plumer, mais je n’ai pas réussi à descendre plus bas. »

Rainbow secoua la tête, incrédule. « Wow. Pas étonnant que tu sois si mauvais en marchandage, tu le fais à l’envers. »

Trois massages de la part de l’humain n’étaient en fait pas donnés ; entre la force et la dextérité de ses mains et le fait qu’il soit le seul représentant de son espèce dans ce monde, ses talents s’arrachaient parmi les riches. Aloe et Lotus l’avaient envoyé à Manehattan avant qu’il ne commence au spa, pour y être formé par la célèbre masseuse professionnelle Gretna Bluntclaw, et il avait appris très rapidement. Il avait refusé de faire monter ses tarifs au-delà d’un certain seuil, insistant sur le fait qu’il ne voulait pas que d’une clientèle aisée, mais cela représentait quand même une petite somme. Et puisque c’était effectivement dans les moyens de la plupart des citoyens de Ponyville, son emploi du temps était toujours plein des semaines à l’avance, parfois jusqu’à un mois. Les propriétaires du spa avaient essayé de le convaincre de venir plus souvent, mais il aimait bien les petits boulots de bricoleur avec lesquels il avait débuté et passait quelques jours par semaine à aider les gens en ville.

Lero rit à nouveau. « Ouais, j’imagine. Ça sera une bonne occasion de porter ce costume ; je ne pense pas qu’il soit sorti de mon placard depuis que Rarity me l’a donné, et je l’aime vraiment en fait. »

La pégase étouffa un autre bâillement. « J’ai bien envie de le voir maintenant. Euh, tu as un restaurant particulier en tête ?

— N’importe lequel mais pas la Botte. »

Rainbow rit. « Oh, allez ! Je croyais que tu adorais la Botte ! » le provoqua-t-elle, sachant très bien qu’il n’y avait rien dans ce restaurant qu’il puisse manger.

Il lui lança un regard noir. « Tout ce qui est servi à la Botte est à base de foin. Même les boissons. »

Elle lui tira la langue. « D’accord. Pas de Botte. Ne t’inquiète pas, je sais ce que tu aimes. On se voit cet après-midi ?

— Absolument. » Il se pencha et l’embrassa, écartant les mèches ébouriffées de ses yeux. Ils se sourirent l’un l’autre, et il lui fit au revoir d’un geste avant de sortir de la chambre. Rainbow s’étira encore un peu, puis entendit la porte d’entrée s’ouvrir et se fermer ; elle se força finalement à sortir du lit, quittant la masse confortable de couettes à regret.

Un regard rapide vers le ciel quand elle sortit lui assura qu’elle n’avait pas besoin de s’occuper immédiatement de la météo. Il y avait encore quelques restes de la tempête de la veille, mais ils ne semblaient pas sur le point de se regrouper. Du moins, pour le moment. Et le surplus d’humidité dans l’air n’était pas franchement déplaisant ; il s’estomperait quand elle nettoierait les nuages restants. De plus, aucun autre poney-météo n’était là-haut à travailler à cet instant (probablement parce qu’ils savaient tous que leur chef avait tendance à se lever tard), donc elle n’avait pas à se sentir coupable de passer à la bibliothèque en premier.

Le vol éclair pour traverser la ville vers la bibliothèque finit de réveiller Rainbow, faisant battre son cœur un peu plus vite. Elle atterrit devant le grand arbre creux, remarquant la lumière allumée dans la pièce principale. Rainbow poussa la porte, qui s’avéra ouverte, et passa sa tête à l’intérieur. « Eh, Twilight, t’es réveillée ?

— Oui, je suis là. » Rainbow entra et jeta des regards aux alentours parmi les piles de livres au sol assez grandes pour y cacher un poney. « Là, au bureau ! » La pégase suivit la voix de son amie, la repérant finalement assise à un bureau où tant de livres et de parchemins étaient entassés qu'il se pouvait qu'on les ait volontairement érigés en un fort de papier... Twilight ne prit même pas la peine de lever les yeux du parchemin sur lequel elle écrivait. « Une seconde, s’il te plaît.

— Bien sûr. » Rainbow jeta un coup d’œil aux alentours. La bibliothèque était encore plus en désordre qu’elle avait l’habitude de la voir ; Twilight ne devait pas rigoler du tout quand elle avait dit travailler sur un projet. Le pauvre Spike allait avoir un travail immense à son réveil, et Rainbow se demanda si Twilight avait fermé l’œil de la nuit. « Wow, cet endroit est vraiment en bazar. »

Twilight ignora la remarque, sa plume grattait furieusement la page, s’arrêtant de temps en temps pour la tremper dans l’encre. Finalement, elle posa la plume délicatement sur le bureau et leva les yeux, la lumière violette s’estompant de sa corne. « Bonjour, Rainbow Dash. Eh bien, tu es déjà levée ! »

Rainbow grogna. « Ouais, et toi aussi. Ou bien tu es encore debout ? »

Twilight fit un geste vague du sabot. « J’ai dormi la nuit dernière. Je me suis juste levée très tôt car j’ai eu ce rêve qui m’a indiqué exactement ce que je cherchais ! J’avais juste besoin d’inverser la troisième fréquence de résonance thaumaturgique de…

— Ouh la, Twilight ! » l’interrompit la pégase. « Pas besoin de m’expliquer, car je comprendrais de toute façon pas.

— Oh, oui, c’est assez complexe. » Twilight cilla, ses larges yeux violets se perdirent dans le vide pendant un moment. « Oh ! C’est vrai ! Oui ! Tu devais demander à Lero s’il était intéressé par un rendez-vous ! » L’espoir se dessina sur le visage de la licorne. « Qu’a-t-il dit ?

— Il a dit oui. Donc on est bons ! »

Twilight s’assit en applaudissant des sabots d’un air excité. « Ooooh, je suis si contente d’entendre ça, Rainbow Dash ! » Elle fit un grand sourire à la pégase qui le lui rendit. « Magnifique ! Quel jour vous seriez libres tous les deux ?

— Le grand gars a un jour de libre demain. C’est trop tôt ?

— Non, non, pas du tout ! Demain serait parfait ! » La corne de Twilight se remit à briller et une aura violette entoura une feuille de parchemin vierge à proximité ainsi que sa plume ; toutes deux se mirent à léviter en face d’elle. « Est-ce que six heures vous irait ?

— Ça m’a l’air bien », dit Rainbow amusée, un sourcil levé. Elle ne va quand même pas… eh bien si, elle le note bel et bien. C’est hilarant. « Il n’a pas suggéré de restaurant en particulier, mais il aime bien Chez Crispy, si ça te convient. »

Twilight pencha la tête. « Chez Crispy, c’est ce resto dans la rue Peppermint spécialisé dans les plats pour pégases, exact ? »

Rainbow hocha la tête. « Ouais, c’est ça. On y va tout le temps, lui et moi ; c’est le seul endroit en ville qui sert du poisson. » Dans une ville où la population était principalement composée de poneys terrestres, il n’était pas facile de trouver du poisson. Cela avait été une grande inquiétude pour Lero à l’origine ; les humains avaient besoin d’une source de protéines animales pour être en bonne santé, et le fait que les pégases aient tendance à aimer le poisson avait été un grand salut pour le pauvre gars. Cela avait aussi aidé pour que Rainbow et les autres le fréquentent ; un poney lui avait demandé si son alimentation pouvait le rendre dangereux, et il avait été si visiblement horrifié à l’idée de manger quelque chose qui pouvait parler qu’elle s’était immédiatement éprise de cet étranger si peu conventionnel. Quand elle lui avait demandé si du poisson lui conviendrait, il avait semblé à la fois soulagé et reconnaissant de cette suggestion. Avec l’aide de Rainbow, il avait pris des dispositions pour acheter directement chez le fournisseur de Crispy Carrot, et il allait au restaurant assez souvent. La majorité des pégases de Ponyville fréquentaient également l’endroit, surtout ceux qui ne voyageaient pas souvent. « Et c’est pas juste un repaire de pégases. Je vois souvent des poneys terrestres et des licornes là-bas, les plats sont plutôt bons. »

La licorne se mordilla la lèvre, hésitante. « Mais… c’est pas vraiment luxueux. Tu es sûre ? Je serais ravie de vous emmener tous les deux dans l’un de ces restaurants chics ! »

Rainbow haussa les épaules. « Si tu y tiens. Mais il n’aime pas trop la plupart de ces endroits huppés. » Non pas qu’ils soient nombreux dans une si petite ville. « Je t’ai suggéré celui-là car je sais qu’il l’aime bien, mais si tu veux aller ailleurs il sera très certainement d’accord. »

Twilight tapota le bout de son nez avec sa plume, pensive. « Tu es sûre qu’il l’aime bien ? J’ai pas envie de faire mauvaise impression.

— Mauvaise impression ? » La pégase rit. « Twilight, tu es également son amie depuis qu’il est arrivé ici, tout comme moi. Je pense pas que tu doives t'inquiéter de le décevoir juste parce que tu l'emmènes dans un restaurant qu’il aime au lieu d’un plus classe. »

Twilight hocha fermement la tête. « Très bien, va pour Chez Crispy. Tu aimes aussi, hein ? » Face au hochement de Rainbow, elle gribouilla quelque chose d’autre sur le parchemin. La pégase dut se retenir de rire. Elle pense vraiment qu’elle ne va pas s’en souvenir ? « Je vous retrouve chez Lero demain, alors ?

— On fait comme ça. J’ai hâte d’y être.

— Oh, moi aussi ! » Twilight affichait un large sourire. « Ça fait des lustres que je n’ai pas eu de rendez-vous ! Merci, Rainbow Dash, ça va être tellement amusant ! » La licorne tira son amie dans son étreinte, que Rainbow réciproqua volontiers. Quand elles se séparèrent, Twilight l’embrassa sur la joue, comme elle l’avait fait la veille. Et, cette fois encore, Rainbow sourit malgré elle. Il n’y avait pas beaucoup de poneys à qui elle permettait de faire cela, mais Twilight en faisait vraiment partie.

« Oh, pas besoin de me remercier, Twilight. Ça va être amusant pour moi aussi. » Rainbow aurait parié que son dernier rendez-vous remontait à plus longtemps que celui de Twilight. « Il faut que j’aille m’occuper de trucs pour la météo. On se voit demain !

— J’ai un rencard ! » dit Twilight, souriante, alors que la pégase sortait en trottant.

***

Tard le jour suivant, Rainbow retourna dans sa maison de nuages afin de se préparer pour son rendez-vous avec Twilight. Lero était probablement déjà en train de préparer, les gars mettaient plus longtemps. Elle avait hâte de voir comment il était quand il s'endimanchait ; il était si sexy sans ses vêtements qu’elle voulait vraiment savoir ce que ça donnerait quand il faisait des efforts. Elle allait aussi s’habiller correctement ; Rainbow Dash n’était pas comme Applejack, et elle aimait bien essayer de se mettre en valeur de temps en temps.

Elle plana au travers des pièces spacieuses de sa maison, réalisant qu’elle n’y avait pas passé beaucoup de temps ces derniers mois. Elle l’avait bâtie elle-même, l’assemblant bout à bout dans le style de Cloudsdale pour en faire le manoir qu’elle avait été fière d’appeler chez elle, mais, à vrai dire, son petit ami ne pouvait pas vraiment lui rendre visite ici. C’était l’unique inconvénient de leur relation. Elle ne l’échangerait pour rien au monde, mais elle aurait aimé qu’il puisse venir la voir. Au lieu de cela, elle avait pratiquement emménagé chez lui, et elle se demandait ce qu’elle allait faire de cet endroit, vu que leur relation semblait se concrétiser. Elle pourrait la déplacer au-dessus de chez lui pour être plus près… mais elle passerait quand même la majorité de son temps au sol. Étrange que la pouliche qui avait toujours détesté avoir de la terre sur les sabots finisse par rester aussi longtemps au sol. Eh bien, j’imagine que ce sont les effets de l’amour, pensa-t-elle avec un petit sourire. Elle pourrait peut-être revendre cet endroit à un autre pégase en ville. Problème, la plupart d’entre eux venaient de familles vivant au sol, et n’avaient jamais compris l’attrait de vivre là-haut dans les nuages. Les natifs de Cloudsdale étaient rares ici.

Rainbow haussa mentalement les épaules. Je trouverai bien quoi en faire. La relation qu’elle avait fondée méritait bien quelques changements. Elle pensa à la manière dont il lui souriait, la sensation incroyable de lui faire l’amour et, plus important encore, la certitude qu’il existe quelqu’un en qui elle pouvait avoir une confiance sans limites.

Elle entra finalement dans sa chambre, et se dirigea immédiatement vers son armoire. Il n’y avait pas grand-chose à l’intérieur, mais il y avait deux ou trois tenues dans lesquelles elle pensait être belle. Elle fouilla, à la recherche de ses favorites. Une paire de chaussettes dorées, ornées de lacets qui remontaient le long de ses pattes postérieures jusqu’à la première articulation, qui étaient presque identiques à celles qu’elle avait portées pour le Gala, sauf que celles-ci étaient faites pour ses sabots arrière. Une sorte de drapé multicolore qui s’accordait avec sa crinière et sa queue, mais qui ne gênait pas ses ailes. Un mince bandeau d’or, évoquant la couronne qu’elle avait gagnée lors de la compétition des Meilleurs Jeunes Voltigeurs, et le tout aussi fin collier qui allait avec. Elle jeta ces divers accessoires sur son lit et trotta vers la salle de bain.

Il lui fallut quelques minutes pour trouver sa brosse ; elle ne l’utilisait quasiment jamais, préférant laisser au vent le soin de lisser sa crinière pendant qu’elle volait. Enfin, elle la repéra, cachée dans un placard qu’elle n’utilisait jamais. Comment as-tu bien pu arriver là ? Fichue brosse. Elle passa son sabot dans l’anneau présent à l’arrière et se mit au travail, grimaçant quand elle tirait sur les nœuds récalcitrants de sa crinière. La pégase souhaita, rien qu’un instant, être une licorne. Les licornes pouvaient se tresser les crins sans avoir besoin d’outils ou de talents qu’elle n’avait simplement pas, et elle pensait qu’elle aurait de l’allure avec sa queue tressée, associant les rayures colorées entre elles. Elle n’avait jamais vraiment vu à quoi cela pourrait ressembler, mais elle imaginait que ça serait du plus bel effet.

Quelques grimaces et tiraillements plus tard, elle en avait fini avec sa crinière et se regardait dans son miroir avec une certaine satisfaction. Étrangement, ses crins semblaient toujours plus longs sur son dos quand elle les brossait. Elle hocha la tête devant son reflet, satisfaite de l’effet qu’avaient les mèches aux couleurs plus froides tombant de son épaule et se mit au travail sur sa queue. Elle était bien plus facile à atteindre, la brosser ne demandait pas les mouvements et contorsions bizarres qu’exigeait sa crinière.

N’ayant plus besoin de la brosse, elle la mit de côté et l’oublia immédiatement. Elle vérifia ses plumes, au cas où, mais elle n’avait pas besoin de faire quoi que ce soit là-dessus. Contrairement à sa crinière et sa queue, ses plumes avaient une forte incidence sur ses capacités aériennes, et elle prenait grand soin de bien les entretenir, les lissant au moins une fois par jour.

Enfiler ses vêtements prit considérablement moins de temps qu’en avait demandé cette satanée brosse. Faire passer les lacets autour de ses pattes arrière lui prit un petit moment (et demanda trois essais avant qu’elle n’y parvienne), mais même ceci fut relativement rapide. Lorsqu’elle eut enfin terminé, elle se regarda à nouveau dans le miroir. Pas mal Rainbow, pas mal. Oh bien sûr, Fluttershy était toujours dix fois plus belle qu’elle sans avoir le moindre effort à faire. Et au moins mille fois plus quand elle s’habillait, mais Rainbow n’était pas jalouse. Elle vérifia ses chaussettes une dernière fois, remua les sabots et plia genoux et chevilles juste pour vérifier qu’elles étaient bien attachées. Rainbow aurait aussi voulu pouvoir mettre celles pour pattes avant, mais elles étaient juste impossibles à mettre seule. Genre, réellement impossible, pas comme si elle avait seulement besoin de serrer les dents et de réessayer jusqu’à y arriver parce qu’elle était géniale..

Elle remua la tête pour chasser ses pensées et contempla son reflet, essayant de voir si elle n’avait pas oublié quelque chose. Plutôt bien foutue, ma fille, pensa-t-elle, satisfaite de la manière dont lui allaient ses jambières et sa cape. Les légers reflets dorés de son front et son cou, selon elle, allaient bien avec sa fourrure cyan et ses yeux magenta. Cette lueur lui rappela vaguement quelque chose qu’elle avait oublié. Mais à quoi ça peut bien me faire penser… Elle fixa l’image un moment, essayant de se rappeler. Oh, exact !

Elle replongea dans son placard, allant jusqu’au fond pour y trouver une petite boîte qui y était restée un bon moment. Elle la posa sur son lit et retira le couvercle, puis resta là à regarder son contenu, se mordillant la lèvre alors qu’elle réfléchissait. Je devrais ? Nan, ça ferait trop. Mais elles vont avec les autres trucs que je porte...

Quelques années auparavant, lors d’une visite à Cloudsdale, Rainbow était tombée sur un joaillier qui vendait des trucs vraiment sympas. Cette boîte faisait partie de ces objets ; un lot de fausses plumes dorées conçues pour se placer parmi les plumes naturelles des pégases. C’était surtout un truc réservé à l’élite ; elles perturbaient le flux d’air en vol et le rendait plus difficile, mais elles donnaient un éclat magnifique à ses ailes. Et, comme le vendeur les avait vraiment bien mises en valeur, en plus d’être mignon et d’avoir flirté un peu avec elle, Rainbow avait fini par les acheter, ce qu’elle avait ensuite regretté. Elle ne les avait en fait jamais portées, elles n’étaient absolument pas pratiques pour un pégase qui travaille. De toute façon, elle n’avait jamais participé à des événements suffisamment habillés pour justifier de les porter et dans lesquels on ne comptait pas la voir voler. Mais bon, ce rendez-vous semblait être une occasion. Elle n’aurait pas trop à voler vu que ses deux partenaires étaient cloués au sol, donc une capacité réduite ne serait pas un problème majeur, et puis elle essayait d’avoir l’air jolie...

D’humeur audacieuse, elle sortit l’une des plus longues de la boîte, déploya un peu son aile, et la déposa parmi les plumes externes qui faisaient à peu près la même longueur. Les petits fils partant du centre de l’extension se calaient contre les plumes adjacentes, la maintenant en place. C'était somme toute assez confortable, comme quand elle les avait essayées au magasin, et elle devait bien admettre que l’or parmi ses plumes cyan lui allait à ravir. Du moins, elle le pensait. Bon… Je vais juste voir ce qu’elles donnent, pensa-t-elle, et franchit le pas en plaçant celles supposées aller sur la droite dans les plumes de son aile droite. Elle déplia et replia son aile plusieurs fois, pour s’assurer qu’elles ne tomberaient pas, et se mordilla à nouveau la lèvre. Oh, et puis zut. Je vais les mettre et demander à Lero ce qu’il en pense ; s’il les trouve ridicules je n’aurai qu’à les enlever et les laisser chez lui. Elle plaça rapidement les autres plumes dans son aile gauche, et retourna jeter un dernier coup d’œil dans le miroir de la salle de bain. La pégase devait admettre qu’elle aimait vraiment l’effet que ça faisait, avec les reflets dorés scintillant dans ses ailes, et espérait vraiment, vraiment qu’elle n’avait pas l’air idiote sans s’en rendre compte.

Ça lui avait pris plus longtemps que prévu, mais elle était très en avance, et se doutait que Lero serait encore en train de se préparer. Elle pourrait traîner chez lui en attendant que Twilight vienne les chercher. Rainbow sauta du nuage, planant lentement en direction de la maison de l’humain afin de ne pas se décoiffer la crinière ou la queue ; elle ne voulait pas avoir gâché tout le temps qu’elle avait mit à se brosser !

Rainbow devait admettre qu’elle était assez curieuse de savoir à quoi ressemblerait le costume de Lero. Son esprit avait combiné une infinité de possibilités, allant de choses très minimalistes qui exposaient la majorité de sa peau rosâtre jusqu’à des toiles de tente l’enveloppant complètement avec juste les yeux visibles, tel un tipi mouvant. Il lui aurait sûrement montré si elle le lui avait demandé, mais elle s’était tellement amusée à se poser ces questions qu’elle préférait laisser libre court à son imagination plutôt que de faire quelque chose d’aussi ennuyeux que de demander.

Elle atterrit sur le pas de sa porte et replia ses ailes, ravie de voir que ses plumes factices étaient toujours bien calées après une telle excursion. À sa surprise, elle trouva Lero assis dans son salon à lire un livre, déjà habillé et prêt. Il leva les yeux quand elle entra et cilla. « Wow, Rainbow. Wow, tu es… sublime.

— Tout comme toi, dit-elle, en relevant les sourcils. Eh, tu pourrais te lever pour que je voie bien ? » Il s’exécuta, posant son livre sur le côté, et elle l’admira vêtu d’un très beau costume. Il était près du corps mais pas particulièrement moulant, fait d’un tissu sombre, bleu intense ou noir, et il l’enveloppait encore plus que ne le faisaient ses habits habituels. La plupart des choses qu’il portait laissaient ses bras nus, parfois le bas de ses jambes aussi, mais cette tenue couvrait les deux, ne laissant que sa tête et ses mains à l’air libre. Les ornements semblaient être faits de fil d’argent, tout comme la rangée de boutons sur son torse. Une petite cape tombait de ses épaules, allant presque jusqu’à ses genoux. La coupe et la couleur du costume faisaient ressortir sa taille et ses larges épaules, le faisant paraître encore plus grand qu’il ne l’était déjà. Il avait même un air intimidant… et sacrément sexy, du moins selon Rainbow. La plume incrustée dans sa tresse lui allait aussi étrangement bien.

« Wow. Tu plaisantais pas quand tu disais que c’était un beau costume. » Elle tiqua, sentant comme un picotement dans ses parties basses. Elle se mordit la lèvre. « Oh, mon gars, tu vas totalement mener la danse quand on rentrera ce soir. »

Lero sourit. « À ce point, hein ? » Elle hocha la tête avec enthousiasme, et il se mit à la regarder de plus près. « Tu es plutôt pas mal non plus, Rainbow. Je ne pense pas t’avoir déjà vue avec la crinière comme ça avant, et j’aime beaucoup comment ces espèces de sandales romaines font ressortir tes pattes. »

Rainbow lui retourna son sourire. Elle n’avait aucune idée de ce que pouvaient être des “sandales” ou des “romaines”, mais ça n’avait aucune importance. Elle savait qu’il aimait ses pattes arrière et ses fesses, c’est pourquoi elle avait choisi ces chaussettes car elles attiraient le regard sur la zone concernée. Certes, elle pensait intérieurement que c’était un peu bizarre, vu que ses pattes étaient trop fines et musclées pour être jolies, mais elle n’allait pas le contredire.

Cette pensée “un peu bizarre” donna à son esprit des idées intéressantes. « Euh, Lero ? Juste une idée. Tu sais, je voulais que tu mènes la danse ce soir, hein ? » Il hocha la tête, et elle continua, « Eh bien… que dirais-tu d’interpréter des rôles ? »

Un sourcil interrogateur se dessina sur son visage. « Eh bien, tu as gagné l’autre soir, donc c’est à toi de choisir. Quel genre de rôles ? »

Elle sentit son visage tiédir. « Bah… tu as l’air assez intimidant habillé comme ça, et je me disais… Tu sais, on pourrait faire semblant d’être comme des personnages. Une mise en scène, quoi ? »

La tête de Lero se pencha. « Je crois que je t’ai comprise, dit-il avec précaution. Quel genre de personnage tu avais en tête ? »

Elle se mordit de nouveau la lèvre. « Bah, genre, tu pourrais être le fils de la vile souveraine. Celui qui fait office de bras droit, et qui fait ses tâches ingrates quand elle est occupée, mais au fond tu n’es pas mauvais. Tu n’es pas tellement heureux de ce que tu fais, mais tu es doué, et c’est ta mère donc tu le fais parce que tu l’aimes. Mais tu as ce petit quelque chose pour l’héroïne… »

Lero rit. « Attends, voyons voir si j’arrive à deviner, hein ? Tu es la noble héroïne, l’ennemie jurée du… de la vile souveraine qui s’est battue pendant des années pour mettre un terme à son infamie, mais tu as finalement été capturée et amenée à sa forteresse. Toi et son fils vous êtes battus pendant un long moment, sans qu’aucun ne prenne le dessus sur l’autre, donc j’arrive au donjon pour jubiler. Mais on se rend compte que l’on était amoureux l’un de l’autre depuis toujours, tu me fais entrevoir la promesse d’une meilleure destinée et d’une paix intérieure, puis nous partageons un moment passionnel avant que je t’aide à t’enfuir de la forteresse ? »

Ce fut au tour de Rainbow de rire. « Haha, je savais pas que tu l’avais lu ! Sinon j’aurais juste dit “on pourrait refaire la scène du donjon de Silverwing !” » Twilight lui avait donné ce livre peu de temps après qu’elle ait fini la série de Daring Do, en lui disant que si elle les avait aimés, elle aimerait probablement les Silverwing, et elle avait eu totalement raison. C’était bourré d’aventure, d’action, de super scènes de combat, de trucs héroïques opposant le bien au mal, et Rainbow avait adoré le personnage principal, la chevalière pégase Silverwing. Elle était juste trop cool. Rainbow avait fait croire à Twilight qu’elle avait sauté la scène du donjon avec Hammer Strike, le fils de la vile souveraine Ebonhorn, mais en vérité elle l’avait relue plusieurs fois. Elle trouvait déjà Hammer Strike sexy à en crever, méchant et tout, bien avant d’arriver à cette scène. Fort, intelligent et honorable, il était en beaucoup de points la version mâle démoniaque de Silverwing. Et wow cette scène dans le donjon était chaude. « Mmh, je suis pas sûre que tu t’en souviennes bien par contre. Silverwing ne se bat contre Ebonhorn que depuis un an, à ce moment. Et tu ne la trahis pas là non plus ; je te convaincs juste de partir et c’est plus tard que tu décides de m’aider. »

Lero eut un petit sourire. « Je ne l’ai pas lu en fait. Il y avait… disons quelques livres dans le même genre d’où je viens. Je ne faisais que généraliser. »

La pégase tiqua. « Wow, vraiment ? C’est flippant de voir à quel point tu étais proche. Et cette scène est vraiment excitante, je pense qu’elle serait super marrante à faire.

— Allez, j’essayerai. » Il se remit à la dévisager. « Comment diable fais-tu pour paraître encore plus sexy avec des vêtements que lorsque tu es nue ?

— Bah, pff, dit-elle, sentant une vague de plaisir se former tout en prenant la pose. C’est parce que je fais des efforts pour l’être. Attends que Twilight soit là ; elle va te sembler également plus sexy.

— J’ai hâte de voir ça alors, répondit Lero avec un grand sourire. Eh, viens par là. »

Rainbow se hissa sur ses pattes arrière pour l’enlacer, ses ailes écartées pour maintenir son équilibre. « Attention à mes ailes, grand gars. Faut pas faire tomber les fausses plumes.

— Je serai prudent. » Ils restèrent ainsi à se tenir mutuellement pendant encore quelques battements de cœur, les doigts de Lero se baladaient lentement dans la crinière de Rainbow. « Tes crins sont agréables. Plus doux que d’habitude. »

Rainbow ricana. « Je les ai brossés. Si tu aimes vraiment, je pourrais le faire plus souvent. » Peut-être que ça ne serait pas aussi dur à réaliser si elle le faisait plus régulièrement. « Eh, tu aimes ces espèces de fausses plumes dorées ? Je suis pas arrivée à décider si elles m’allaient bien ou si j’avais l’air stupide avec. »

Il se recula un peu pour regarder et fit glisser une main dans ses plumes, faisant attention à ne pas déloger les bijoux. « Moi, je pense qu’elles te vont bien. Tu devrais plutôt demander à Twilight, par contre. »

Elle hocha la tête. « Ouais. » Il n’était pas le meilleur juge en ce qui concernait la beauté (il pensait qu’elle était belle, bon sang), mais elle était contente qu’il les aime. Ils se contemplèrent encore quelques instants, ondulant légèrement en une sorte de danse improvisée, et Rainbow reprit la parole. « Eh, tu pourrais me rendre un service ?

— Bien sûr. Que veux-tu ?

— Bah, tu sais que je peux être assez maladroite parfois. »

Il haussa les épaules. « Un peu, mais tu n’es pas méchante.

— Peu importe. Le truc, c’est que c’est un peu intimidant d’essayer de courtiser un groupe qui est déjà en relation. J’ai juste pas envie que Twilight ait à gérer ça et moi derrière qui vais être une vraie plaie à la fois, donc si je m’emballe, tu pourrais juste, genre, me le dire ?

— Bien sûr, Rainbow, je peux faire ça.

— Merci. » Elle posa sa tête contre son torse, toujours à danser sur place.

Quelques instants plus tard, ils furent tous deux surpris par de petits coups à la porte.

Ils restèrent immobiles pendent un court instant, se fixant l’un l’autre. Puis les deux se mirent à rire. « On dirait que Twilight est un peu en avance, observa Rainbow. Je vais aller ouvrir. » Elle se remit à quatre pattes, se dirigeant vers la porte en un trot rapide. Twilight se tenait à l’extérieur, un sabot levé pour frapper à nouveau. La licorne écarquilla les yeux.

« Oh, Rainbow Dash ! Bonsoir ! » Twilight remuait nerveusement. « J’ai pensé que je pourrais venir un peu plus tôt et attendre ici que Lero soit prêt. J’imagine qu’on a eu la même idée ! »

Rainbow rit. « Ouais, faut croire ! Il est déjà habillé par contre. » Elle examina la tenue de son amie. Ça avait l’air assez vieux, mais pas si mal ; des trucs que Twilight devait probablement déjà avoir quand elle était étudiante à l’Académie de Magie. Ce qui attira vraiment l’œil de la pégase fut le filigrane complexe que Twilight portait autour de sa corne. Rainbow n’avait jamais rien vu de tel.

Twilight remarqua le regard de Rainbow et baissa timidement la tête. « Ça te plaît ? »

Rainbow haussa légèrement des épaules. « Ouais, c’est plutôt cool. »

La licorne sourit. « Une idée de Rarity. En partie. Enfin, c’est basé sur quelque chose que j’expérimentais pour améliorer mon potentiel magique. Elle a aimé l’apparence et a proposé d’en faire une réplique inerte à but décoratif. » Son sourire devint hésitant. « Tu es belle, Rainbow. »

Rainbow fit un large sourire. « Tu trouves ? » Elle déploya ses ailes, exhibant ses plumes dorées. « Elles font pas exagéré ? Genre, un peu ridicule ?

— Ridicule ? » La licorne semblait surprise. « Non, pas du tout. Je suis même surprise que tu les aies.

— Eh, ouais, on est deux alors. » Rainbow réalisa soudain qu’elle faisait attendre son amie sur le pas de la porte. « Oh, pff, entre. Désolée. » Elle se décala, laissant entrer Twilight en s’excusant du regard. La licorne franchit la porte avec un sourire et s’arrêta au bout de quelques pas.

« Oh la la, dit-elle le souffle à demi coupé, observant Lero avec des yeux violets écarquillés. Je ne t’avais jamais vu aussi bien habillé auparavant. »

L’humain fit volte-face, d’un mouvement étonnamment gracieux étant donné la largeur de son torse. « Tu aimes ? »

Twilight hocha la tête, admirant la cape qui s’élançait derrière lui. « Oui, ça te va très bien. »

Il lui fit un grand sourire. « Merci, Twilight. Je peux en dire autant de toi. » L’humain jeta un coup d’œil rapide vers une horloge au mur. « Eh bien, Mesdames, il semblerait que nous soyons tous prêts. Ça vous dirait d’y aller un peu plus tôt ? »

Twilight gigota un peu sur place. « À vrai dire, je pensais que j’allais devoir attendre plus ou moins une demi-heure le temps que tu sois prêt, Lero. Mais si tu veux y aller maintenant, ça me va. »

Ils se tournèrent tous deux vers Rainbow Dash. Elle leur rendit un regard inexpressif. « Quoi ? »

Lero ricana. « Tu veux qu’on aille manger un peu plus tôt ? »

Rainbow cilla. « Oh ! Ouais, pourquoi pas ? »

Twilight se balança à nouveau. « Eh bien, si on y va maintenant, mmh... » Sa corne brilla et le petit sac qu’elle portait à sa hanche s’ouvrit. La licorne fit léviter une paire de fleurs de lavande, l’une d’entre elles volant doucement vers Lero et la deuxième vers Rainbow.

La pégase sourit. « Merci, Twilight, elles sont vraiment jolies ». Elle pencha légèrement la tête, et la fleur se logea délicatement dans sa crinière juste devant son oreille. Elle regarda Lero alors que la deuxième fleur glissait vers lui.

L’humain attrapa la fleur avec précaution entre ses doigts et la cala derrière son oreille, à l’opposé de l’endroit où était la plume cyan. Il lança un regard mesuré à Rainbow, cherchant son accord, et elle hocha la tête. Elle ne se souvenait pas de lui avoir dit qu’il était supposé mettre la fleur de l’autre côté lors du premier rendez-vous, mais il le savait ou bien l’avait deviné. Il lui fit un léger sourire, la remerciant de lui confirmer qu’il avait bien agi.

Twilight ne remarqua pas le manège, qui avait de toute façon pris moins d’une seconde. Elle se détendit intérieurement ; Rainbow savait pourquoi. Quand on offre une fleur à quelqu’un, il y a toujours cette petite crainte qu’il la refuse, même à ce niveau de la relation. Pour la licorne, c’était une confirmation que Rainbow et Lero étaient intéressés pour la faire entrer dans leur cercle. Twilight fit un large sourire. « Alors, on y va ? »

Le trio descendit la rue en se racontant des blagues tandis que Twilight commençait à se tranquilliser. Rainbow nota plusieurs regards désapprobateurs de la part des autres poneys dans la rue alors qu’ils remarquaient les fleurs dans les crinières de Lero et Rainbow, ainsi que la plume dans la tresse de Lero, mais elle les ignora. Si l’un d’eux avait quelque chose à redire, elle serait ravie de lui flanquer une raclée, mais tant qu’ils ne disaient rien elle s’en fichait. S’ils s’en prenaient à Lero, ils auraient affaire à elle.

La chef de table de Chez Crispy, de l’autre côté, les accueillit avec un sourire qui étincela de plus en plus à mesure qu’elle remarquait les fleurs et la plume. « Eh, Gem, comment va ? demanda joyeusement Rainbow.

— Pas mal, Rainbow Dash, pas mal. » Sky Gem jeta un coup d’œil rapide dans la salle. « Une table pour trois ?

— Ouais. » La pégase plus âgée mena le trio vers une table libre, tranquille dans un coin sans voisins immédiats, et les laissa avec leurs menus.

Twilight se racla la gorge et lança un regard avisé sous la table. « Alors, Lero… est-ce que ta famille a beaucoup d’ennemis ? »

L’humain tiqua et échangea un regard confus avec Rainbow. « Euh… des ennemis ? »

La licorne gigota nerveusement. « Oui… des adversaires, des rivaux, des trucs du genre. »

Lero la fixa pendant une seconde avant de regarder Rainbow qui lui retourna un haussement d’épaules perplexe. « Euh, non, je suppose qu’ils n’en ont pas. N’en avaient pas. Ils en ont peut-être maintenant, j’en ai aucune idée. Ça me semble peu probable cela dit. »

Rainbow s’éclaircit la voix. Elle savait que Lero n’aimait pas particulièrement qu’on lui rappelle qu’il n’avait aucun moyen de contacter sa famille. « Euh, Twilight... »

Twilight l’ignora et continua avec la subtilité d’un taureau, un sourire presque désespéré sur le visage. « Oh ! Bien ! C’est bien ! Alors, est-ce que v-vous les avez exterminés, du coup ? » La licorne jetait des coups d’œil furtifs à quelque chose sous la table.

Rainbow en avait assez. « Twilight, mais qu’est-ce qu’il y a enfin ? D’où tu sors des trucs pareils ? » Elle plongea la tête sous la table, remarquant un petit bout de parchemin flottant entouré de l’aura télékinésique de Twilight, dont la corne ne scintillait pourtant pas. La pégase tendit un sabot et saisit le parchemin, annulant le sort qui le maintenait en l’air. Ignorant le couinement de désarroi de Twilight, Rainbow sortit le parchemin de sous la table pour le regarder de plus près. « Ennemis de la famille… querelles… Bon sang, Twilight, on aurait dit que tu parlais à Gilda de son quotidien ou un truc du genre ! » Twilight essaya de récupérer sa liste en usant de sa corne tout en tirant dessus, mais Rainbow avait plaqué le bas du rouleau contre la table de ses deux sabots avant et continuait de lire. « Ma pauvre, il ne vit pas dans une grotte, tu sais ça ! » La note suivante la rendit si incrédule qu’elle dut la relire une deuxième fois. La pégase émit un bruit étouffé, luttant pour ne pas rire. « Quelle taille fait ton trésor ? » s’exclama-t-elle finalement, arrivant à peine à refréner ses rires. Rainbow fit un sourire à Lero en lui faisant des haussements de sourcils exagérément lascifs. « Eh bien, disons qu’il est pas si gros, mais assez pour faire le travail ! »

Twilight émit un grognement embarrassé, son visage devenait rouge vif sous sa fourrure lavande. Elle réussit finalement à reprendre le parchemin à Rainbow, et Lero jeta un regard désapprobateur à la pégase. « Rainbow. Tu te souviens de ce que tu m’as demandé avant qu’on parte ? Ça s’applique là tout de suite. » Rainbow s’immobilisa, ne se rappelant que trop tard de sa requête. Oh. Génial. Belle façon de passer pour une idiote et d’embarrasser ta compagne, Rainbow ! C’était l’une des raisons qui faisait qu’elle était si nulle pour faire la cour. L’humain se tourna vers Twilight, qui fixait la table, le visage toujours écarlate. « Twilight ? Ça va ?

— Bien », dit Twilight d’une petite voix. Oh, mince, pensa Rainbow, chagrinée, je voulais vraiment pas l’humilier comme ça.

« Je suis curieux, dit gentiment Lero, d’où viennent ces questions ? Elles ne semblent pas… très locales. »

Twilight renifla, levant les yeux derrière sa mèche rose. « Eh bien… ça m’a demandé des recherches, mais j’ai trouvé ce livre... »

Rainbow était intriguée maintenant. « Quel genre de bouquin te conseillerait de demander ça ? »

La licorne renifla à nouveau. « C’est… je… il n’y avait qu’un seul livre sur les pratiques de cour inter-espèces… et il ne contient pas de sections sur toutes, juste celles qui sont les plus éloignées des poneys. Griffons, dragons, serpents de mer, quelques autres. Il y avait même un tout petit chapitre sur les trolls qui disait “n’essayez même pas”, mais je n’ai rien pu trouver d’assez proche des humains et j’ai pensé...

— Oh. » Rainbow cligna des yeux. « Ouais, je pige, ces questions viennent...

— Des chapitres sur les griffons et les dragons, oui, l'interrompit Twilight. Je pensais qu’elles pourraient être justes, vu que les griffons sont omnivores et que les dragons sont patriarcaux, et, vu que Lero m’a dit que les humains sont omnivores et patriarcaux... » Elle n’acheva pas sa phrase.

« Ah, je crois comprendre. Tu cherchais un équivalent équestrien de la société humaine, c’est ça ? demanda Lero.

— Oui, dit Twilight, en fait, à y repenser maintenant, aucune n’est vraiment proche, mais c’est tout ce que j’ai pu trouver...

— Et tu voulais un point de référence, exact ? » La voix de l’humain était douce. Il regarda Rainbow et lui fit un clin d’œil.

Rassurée à l’idée que son petit ami allait probablement rattraper son dérapage (un à-côté des relations qu’elle n’avait jamais considéré auparavant), Rainbow sauta de son siège. « Eh les gars, je vais aller au petit coin rapidos. » Elle voulait donner un peu de temps à Lero pour qu’il essaye de rasséréner Twilight.

Twilight hocha la tête, et Lero lui refit un autre clin d’œil discret. « Attends, dit-il à la licorne, il y a un chapitre pour courtiser des dragons ? Comment ça peut bien marcher ? »

La licorne releva la tête, enfin. « Oh, tu n’es censé le faire qu’avec de jeunes adultes fraîchement sortis de l’adolescence. S’ils sont plus jeunes, ils n’ont pas le développement émotionnel pour une relation, s’ils sont plus vieux, disons que ça devient délicat. Et pas qu’émotionnellement ! Mais à cette période donnée, ils sont à peine plus grands qu’un poney adulte, et comme un jeune dragon adulte est de l'âge d’un vieux poney, ils ont assez d’expérience sur la vie pour… » Rainbow perdit le son de la voix de Twilight alors qu’elle s’éloignait en trottant. La pégase secoua la tête, un peu amusée. Wow, demande-lui d’enseigner et elle se requinque tout de suite. Bien vu, grand gars.

Rainbow tourna dans le couloir et s’appuya contre le mur. Elle n’avait pas réellement besoin d’aller aux toilettes ; ça n’avait été qu’une excuse pour sortir des pattes de ses amis pendant un moment et laisser Lero détendre l’atmosphère. Derrière elle, elle entendit une voix s’élever. « Oh, bonjour, ma chère. J’allais justement à votre table pour voir si vous étiez prêts à passer commande, dois-je encore patienter ? »

La pégase se retourna pour voir Gem lui sourire. « Euh, ouais, vaut mieux attendre encore deux minutes. » La jument acquiesça et s'apprêta à partir, mais Rainbow l’arrêta. « Eh, Gem, tu n’as pas eu l’air surprise quand on est arrivés... » Rainbow laissa la phrase en suspens, incertaine de la manière d’aborder la question qu’elle voulait poser.

« Oh, bien sûr que non, ma chère ! Lero et toi venez ici tout le temps ! C’est pas vraiment une surprise de vous voir arriver, et je suis toujours contente de voir une troisième cliente. » Elle sourit d’un air malicieux. Rainbow était sur le point de clarifier la situation quand la serveuse continua : « Désolée, je te taquine. Mais honnêtement, non, je ne suis pas surprise du tout, parce que je vous ai vus ensemble si souvent. » Elle fit un clin d’œil. « Certaines d’entre nous, dont Crispy, savions ce que vous ressentiez l’un pour l’autre depuis un moment déjà. Probablement depuis plus longtemps que vous, je serais prête à le parier. Je suis heureuse que vous l’ayez enfin admis ! Et je suis heureuse de voir cette brillante jeune dame vous faire la cour à tous les deux ; vous êtes vraiment mignons ensemble. » Gem regarda aux alentours avant de se rapprocher et de murmurer d’un air conspirateur. « Alors, depuis quand est-ce que tu as vraiment commencé à lui faire la cour ? »

Rainbow la fixa d’un air choqué, ce qui fit ricaner l’autre pégase. « Euh, un peu moins de deux mois maintenant, dit-elle, gênée, et Gem hocha la tête, son sourire reflétant sa satisfaction. Attends, tu savais ? Sérieusement ? » Gem acquiesça de nouveau, gaiement. « Et ça ne te pose pas de problème ?

— Aucun. Je sais qu’il y a des poneys pour qui c’est gênant, mais qui se soucie d’eux ? C’est qu’une bande de rabat-joie. » Rainbow rit de cette remarque. Gem continua, plus sérieusement : « Ne leur prête pas attention. Il y en a qui n’aiment pas Lero, tu les connais quasiment déjà tous probablement. » La jeune pégase hocha la tête. Malgré les efforts sincères de l’humain pour s’intégrer dans la société d’Equestria, il y avait quelques habitants à Ponyville qui ne l’aimaient tout simplement pas. La plupart des autochtones avaient une attitude comparable à celle d’Applejack ; ils s’entendaient bien avec, et le trouvaient sympathique, mais ils n’arrivaient juste pas à le comprendre. Même certains de ses clients au spa pensaient cela, mais ça n’avait pas l’air de vraiment le déranger. « Et il y a ceux qui détestent carrément les poneys qui courtisent autre chose qu’un poney. » Sky Gem tendit le cou pour observer la salle, puis se tourna pour regarder Rainbow. « Écoute, mon sucre ; si quelqu’un vous cause le moindre problème à tous les trois pendant que vous êtes là, tu me fais signe, d’accord ? Je m’en occuperai. »

Rainbow se sentit emplie de gratitude. « Merci, Gem. Tu es géniale. » Elle rigola. « Eh, ça serait peut-être bien de ne pas se bagarrer dans le restaurant favori de mon petit ami. » La pégase ressentit un étrange amas d’émotions la submerger, réalisant que c’était la première fois qu’elle désignait Lero comme son petit ami à voix haute.

« Que le ciel nous en garde, dit la serveuse avec émotion. J’ai vu ce que tu es capable de faire quand tu es contrariée, ma chère. Et vu ce que ta petite amie ici présente peut également faire, imagine le résultat. Vous deux qui défendez l’honneur de votre étalon ? Bonté divine, on devrait reconstruire le restaurant après ça ! »

Rainbow ne put s’empêcher de rire. « Ne t’en fais pas, Gem. J’aime bien cet endroit aussi, je vais pas me comporter comme si on était dans un bar à sel d’Appleloosa ou un truc du genre.

— J’apprécierais. »

L'athlète jeta un coup d’œil vers sa table. Twilight était souriante et avait l’air bien plus détendue. « Aucun souci, Gem. Je vais y retourner, vous pourrez probablement passer d’ici peu. » Rainbow retourna à la table, et y fut accueillie par les sourires de ses deux amis. « Re, tous les deux. » Elle sauta sur sa chaise et se tourna vers Twilight. « Désolée, Twilight, je me suis un peu emportée.

— Oh, pas de problème ! J’ai été aussi un peu bête. » Twilight embrassa Rainbow sur la joue et rit, ce que la pégase interpréta comme un bon signe.

Leur rendez-vous se déroula à merveille après ça, tous trois faisant des blagues et se racontant des histoires. Ils étaient au beau milieu d’une conversation animée au sujet des types de gouvernements (Rainbow avait la tête qui tournait légèrement à cause de tout ce qu’elle venait d’apprendre en se contentant d’effleurer la conversation de ses deux amis). Ils avaient presque fini leurs repas, mais n’avaient pas vraiment envie de partir pour le moment. Rainbow avait repéré quelques regards blessants de la part d’autres clients, mais elle ne pensait pas que Lero ou Twilight les avaient remarqués. Elle avait rendu un regard tout aussi noir à chaque fois qu’elle en avait remarqué un, ce qui avait eu pour effet de rapidement détourner l’attention de ces poneys ailleurs. Elle aurait probablement dû avertir Gem, mais bon, ils l’avaient cherché, puis c’était pas comme si elle avait démarré une bagarre, hein ?

Une masse rose à la limite du champ de vision de Rainbow attira son attention hors du débat entre Twilight et Lero. Elle pivota sur son siège et vit Pinkie Pie lui faire un large sourire. Le poney terrestre au pelage rose sautilla jusqu’à leur table. « Eh, les amis, quoi de neuf ? Oooo. » Les yeux de Pinkie s’écarquillèrent. « Oh, oh, est-ce que c’est un rendez-vous ? Oh, c’est génial ! Dashie, je sais que tu es célibataire depuis, genre, toujours et maintenant tu l’es pas et c’est juste incroyablement superbement fantastique ! » Pinkie bondissait sur place à côté de la table. « Et vu que c’est le premier rendez-vous de Twilight avec vous, ça me permettra de m’en souvenir ! On pourrait faire une fête pour l’anniversaire ! Enfin, en supposant que vous soyez encore ensemble dans un an, mais ça sera probablement le cas car vous avez l’air si heureux ! Oh, Rainbow Dash, quand est-ce que toi et Lero vous êtes mis ensemble ? »

Rainbow jeta un coup d’œil à Lero, qui semblait un peu pâle face à cet assaut verbal. Elle rigola. « Ça fait, quoi, deux mois environ, hein grand gars ? »

Lero se reprit. « Ouais, environ. »

Pinkie rayonna. « Oh, perfecto ! Wow, vous avez été tout furtifs et secrets, je le savais même pas ! D’accord, si vous vous souvenez du jour, dites-le-moi pour que je puisse faire une fête pour vous aussi ! »

Rainbow donna un petit coup d’aile à Lero et lui fit un clin d’œil. Il avait toujours l’air un peu dépassé quand il parlait avec Pinkie, ce que la pégase trouvait hilarant étant donné son habituel calme apparent. « Bien sûr, Pinkie, dit-elle à son amie, j’essayerai de me souvenir du jour exact et je t’en reparle.

— Merci, Rainbow Dash, ça serait vraiment super d’enfer ! » Pinkie haleta soudainement. « Oh ! Désolée les filles et le garçon, mais j’ai une fête urgente à laquelle je dois aller, donc je dois partir ! À plus ! » Pinkie disparut dans une traînée rose.

Lero eut un temps d’arrêt, puis fronça les sourcils. « Attends… Comment est-ce qu’elle connaît les perfectos ? »

Rainbow inclina la tête et échangea un regard avec Twilight. « Attends, c’est vraiment un mot ? Je pensais que c’était juste quelque chose que Pinkie disait quand elle était Pinkie. Tu vas me sortir ensuite que “lokey” est un vrai mot aussi ? »

L’humain rit. « Euh, en fait, ouais. Loki est le dieu malfaisant de la mythologie nordique.

— Sérieux ? » Rainbow cilla. « Wow, je me demande combien d’autres mots insensés que Pinkie utilise ont en fait un sens.

— Quel genre de malfaisant ? » demanda Twilight, visiblement curieuse d’après l’expression sur son visage.

« Quoi, tu veux dire Loki ? » La licorne hocha la tête. « Euh, c’est un peu une longue histoire... »

Twilight regarda Rainbow d’un air implorant, et la pégase haussa les épaules. « Bah, on est pas vraiment pressés, dit Rainbow, et puis, ces histoires à propos des dieux Grecs étaient plutôt cool. Même si certains étaient vraiment de gros abrutis. » Elle avait réussi à le faire parler des légendes d’où venait son nom (et il y en avait beaucoup) ; elle se souvenait qu’elle aurait aimé qu’Odyssée vainque Poséidon ou un truc du genre. La plupart de ces divinités lui paraissaient vraiment méchantes, surtout Zeus le chef des dieux. Et cette brute d’Arès. Le seul qu’elle aimait vraiment était Héphaïstos. C’était bizarre que tous les méchants soient des hommes ; elle se serait attendue à ce qu’Arès, au minimum, soit une femme.

Lero haussa les épaules. « Eh bien, si vous voulez toutes les deux entendre des histoires de ce genre, j’en ai une qui va probablement vous amuser. »

Quelques minutes plus tard, Rainbow et Twilight riaient toutes deux. « Attends… donc il est la mère de Sleipnir ? Haha, c’est excellent ! » s’exclama Rainbow.

Twilight s’essuya les yeux. « Il faut un drôle d’esprit pour perturber le travail de quelqu’un en séduisant le cheval. Un esprit vraiment pervers. » Rainbow frémit à l’observation de Twilight, riant toujours.

Lero parut un peu surpris par la réponse. « Je dois l’admettre, je ne pensais pas que vous trouveriez ça aussi drôle.

— Quoi, parce qu’on ressemble un peu à des chevaux ? » Twilight ricana de nouveau. « Vois ça à l’envers alors. Une ponette qui dérange un ouvrier en se transformant en un singe mâle pour séduire la singe femelle qui aide cet ouvrier. »

Rainbow renifla. « J’sais pas, Twi. Je trouve que séduire un cheval est bien plus pervers que de séduire un singe. Les singes sont marrants, les chevaux sont juste flippants. Cette petite tête sur un grand corps, avec des yeux tout petits riquiqui bieeen trop sur le côté ? Flippant.

— Vous avez vraiment des chevaux ici ? demanda Lero, j’en ai pas vu la moindre trace ! »

Twilight acquiesça. « Oui, ils sont plutôt rares, mais ils existent bel et bien. Ils semblent être les vestiges d’une ancienne espèce qui n’a jamais acquis la moindre magie. Il y a beaucoup de débats sur leurs similitudes avec nous. La plupart des poneys sont de l’avis de Rainbow Dash, donc ils sont souvent peu visibles dans les villes équestriennes en dehors des zoos. » La licorne haussa les épaules. « Ils ne sont pas intelligents, et considérés comme un peu dérangeants.

— Mmh. Je me demande bien pourquoi ?

— Leurs expressions, principalement. Ou du moins, c’est ma théorie. » Twilight haussa à nouveau les épaules. « La même raison qui fait que nous sommes plus à l’aise avec toi qu’avec eux, bien que les structures de nos corps soient si différentes. »

Rainbow se trémoussa sur sa chaise. « Euh, les gars ? On peut changer de sujet ? » Les chevaux l’avaient toujours mise mal à l’aise, et ce n’était pas qu’à cause de leurs visages inexpressifs. Ils avaient quelque chose qui la gênait d’une manière qu’aucune autre créature ne le faisait. Montrez-lui un griffon, un buffle, un âne, une antilope… n’importe quoi qui puisse parler, elle n’aurait pas de problème avec ça, mais juste pas un cheval.

« Oh, bien sûr, Rainbow. » Lero tendit la main et caressa sa joue pour s’excuser. Elle pencha légèrement la tête, acceptant le geste. « Désolé, je ne voulais pas t’embêter. »

Ils furent interrompus par l’arrivée de deux autres poneys. « Très chers ! dit Rarity sans préambule, Pinkie Pie nous a croisées dans la rue, et nous devions passer pour vous dire bonjour ! Je vous prie de nous excuser si l’on vous dérange ! » L’élégante licorne au pelage blanc affichait un sourire ravi. Fluttershy, qui restait silencieuse derrière son amie grandiloquente telle une ombre au crin rose, hocha la tête pour signifier son accord.

« Oh, je ne pense pas que tu déranges, Rarity, dit Twilight, jetant de petits coups d’œil à Lero et Rainbow pour demander confirmation. On ne faisait que discuter. »

« Eh bien, je suis ravie que nous ne vous interrompions pas, alors ! » Rarity examina Lero du regard. « Et je suis si heureuse de voir que tu mets enfin ce costume, Lero, mon cher ! Je commençais à m’inquiéter que tu ne l’aimes pas ! »

L’humain rit. « Je t’ai dit à quel point je l’aimais quand tu me l’as donné, Rarity. »

La licorne remua un sabot hautain. « Oui, et ensuite tu ne l’as jamais porté. Je te l’avais dit, il te donne très bonne allure si je puis me permettre ! Et j’ai mis tellement de temps à le faire. Tu devrais le mettre plus souvent ! Tout le monde mérite de briller de temps en temps ! » Elle le regarda de plus près. « Oh, et ces fleurs vont parfaitement avec ! Oh, attends, ce n’est pas une fleur... » Elle regarda la plume tressée dans la crinière de Lero, dévia sur les ailes de Rainbow, puis à nouveau sur la plume, et inspira subitement. « Rainbow Dash ! Cette plume serait-elle à toi ? »

L’athlète regarda nerveusement ses compagnons, recevant un clin d’œil de Lero et un sourire encourageant de Twilight. « Euh, en fait, ouais.

— Oh ! » Rarity s’assit sur ses flancs, serrant ses sabots avant contre son torse et regardant au plafond d’un air théâtral. « Que c’est incroyablement romantique ! Je ne t’en pensais pas capable !

— Attends, tu connais cette tradition ? demanda Rainbow.

— Mais évidement, ma chère. J’ai lu plus d’une histoire de romance prenant place dans les anciennes villes des pégases. » Elle soupira joyeusement. « Oh, comme j’aimerais que les licornes aient une tradition qui soit si tendrement personnelle. S’échanger des bagues de cornes est déjà assez romantique, mais donner à son amant une part de soi-même comme ça ? Oh la la. » Les yeux bleus de Rarity débordaient d’émotion. « Comme je l’ai dit, je ne t’en pensais pas capable ! »

Rainbow se frotta le cou, plutôt gênée, mais ne put retenir le sourire sur son visage quand elle regarda Lero. « Ouais… Moi non plus d’ailleurs.

— Jusqu’à ce que tu rencontres la bonne personne ! » Rarity inspira profondément et faillit s’évanouir. « Oh, c’est vraiment comme une tendre histoire d’amour ! » Elle regarda Rainbow de plus près. « Oh, mais regarde-toi ! Sont-ce donc des plumes d’or ?

— Je t’avais dit qu’elles étaient superbes », murmura Twilight dans son oreille.

Rainbow étendit une aile. « Ouais. Je sais même pas pourquoi je les avais...

— J’aurais aimé que tu m’en dévoiles l’existence plus tôt, ma chère. Elles auraient été parfaites avec ta robe du Gala. » Rarity cligna des yeux. « Oh, Twilight, je suis tellement désolée, je ne voulais pas t’ignorer ! J’ai été distraite par tes compagnons ; félicitations, ma chérie.

— Merci, dit timidement Twilight, jetant un œil à Rainbow et Lero. Je m’estime vraiment chanceuse qu’ils aient accepté que je les emmène dîner ce soir.

— Pff, la réprimanda Rainbow. Tu dis ça comme si on avait pas passé un bon moment nous aussi, Twilight.

— En effet, rajouta Lero, ce fut une superbe soirée pour moi, également.

— Oh la la, s’exclama exagérément Rarity, je m’en veux encore plus de vous interrompre à présent ! Je débarrasse le plancher. Mais ! La prochaine fois que vous comptez sortir tous les trois, vous devriez d’abord passer à la Boutique ! Vous êtes tous ravissants, mais vous pourriez l’être encore plus si je vous aidais à vous coordonner ! Ça sera sublime ! Tada ! » La fashionista se tourna pour sortir de manière théâtrale.

Fluttershy s’arrêta avant de suivre son exubérante amie. Elle fit un doux sourire au trio, à peine visible derrière sa longue crinière rose. Rainbow sentit une toute petite pointe de jalousie ; Fluttershy était une amie qu’elle connaissait depuis son enfance, mais la jument l’avait toujours rendue mal à l’aise. Elle était probablement la plus jolie pégase que Rainbow ait jamais rencontrée dans sa vie, mais elle avait toujours l’impression que Fluttershy ne réalisait pas à quel point elle était belle. C’était difficile d’être jaloux d’une jument qui pensait clairement ne pas être belle. Et, bien sûr, sa personnalité rendait impossible le fait de lui en vouloir, comme elle le démontrait. « Vous avez l’air si heureux ensemble », observa Fluttershy, d’une voix à peine audible qui semblait se cacher derrière les autres bruits de la pièce. Elle ferma les yeux, son sourire resplendissant d’une joie sincère. « Oh, ça me rend toute chose d’être dans une pièce emplie de tant de bonheur. » Elle rouvrit les yeux. « J’espère que vous passerez tous une merveilleuse soirée. » La pégase se tourna silencieusement et suivit Rarity vers la sortie.

Rainbow sourit, ravie de la réaction de ses amies. Elle regarda ses compagnons, et vit des sourires similaires au sien. Eh bien, pensa-t-elle, du moment que mes amies sont contentes, les autres peuvent tous aller se jeter dans un puits. Son sourire s’accentua. On est heureux, nos amies sont heureuses pour nous. C’est tout ce qui importe, non ?