Un ciel de plomb tombait sur les montagnes, bien loin de Canterlot. Célestia s’avançait, seule dans la grisaille. Il n’y avait ni sentier ni piste au milieu des rocailles, cependant elle marchait sans hésitation, la tête haute, le visage fermé. Devant elle, entre deux bras de pierre descendus des sommets, la gueule sombre d’une caverne s’ouvrait. L’alicorne blanche s’arrêta un instant, inspira profondément, puis s’engagea en silence dans la grotte.
Une vague lueur baignait le boyau obscur, venue du fond. Une odeur répugnante de charogne et d’immondices s’élevait, plus forte à chaque pas, cependant la princesse continuait d’avancer, se retenant de froncer le museau. Le passage s’ouvrit bientôt sur une salle mal éclairée, encombrée d’un fouillis infâme de détritus de toutes sortes. La roche qui couvrait le sol et les murs était lisse et luisante, comme polie par des années de frottements. Où que l’alicorne tournât la tête, l’abominable puanteur la prenait aux naseaux, impossible à ignorer.
- Je suis là, finit-elle par lancer d’une voix rude. Où êtes-vous, sorcier ?
Elle savait qu’il était là, bien sûr. Jamais elle n’avait trouvé la caverne vide, comme si son occupant connaissait à l’avance le jour de sa visite. Dans un coin de la grotte, une forme grisâtre s’agita et s’avança vers elle.
- Cela faisait longtemps, princesse du soleil, siffla-t-elle d’une voix éraillée. Mieux valait ne plus trop tarder, n’est-ce pas ? Cela commence presque à se voir.
- Il suffit, trancha l’alicorne. Je ne suis pas venue pour bavarder.
- Oui, ne perdons pas de temps, répondit l’autre.
Au dessus du mufle grisâtre et râpé, une lueur perverse de convoitise et d’excitation s’était allumée, obsédante et maladive. Célestia savait qu’il n’y avait plus à parler. Elle inspira malgré l’odeur nauséabonde, leva sa corne et ferma les yeux. Dans un halo doré qui illumina un instant la grotte, une forme pâle apparut au sol, devant elle ; celle d’une jeune jument au pelage clair, au visage blême, endormi dans la mort. Aussitôt qu’ils la virent, les yeux du chien s’illuminèrent encore un peu plus. Sans la moindre gêne, il se pencha, avide, pour renifler au plus près la crinière de la malheureuse. Célestia détourna le regard, dégoûtée.
- Comment s’appelait-elle ? siffla-t-il entre ses canines.
- Vous ne méritez pas de le savoir, rétorqua l’alicorne.
Un rire gras et malsain monta de la gorge du chien.
- Et vous, que croyez-vous mériter ? ricana-t-il. Mais ce n’est pas grave, je lui trouverai un nom moi-même. Que dites-vous de… White Doll, par exemple ? Cela me semble parfaitement approprié.
Il se pencha à nouveau sur le corps étendu à ses pattes pour en renifler l'encolure et en palper les membre, en proie à une excitation croissante. Célestia détourna à nouveau le regard, frissonnante, dégoûtée face à ce corps innocent qu’elle livrait elle-même à l’horreur. Elle s’en sentait malade.
- Vous avez ce que vous voulez, à présent, fit-elle d’un ton brusque. N’oubliez pas pourquoi je suis là.
Le chien leva aussitôt la tête, comme ramené à la réalité. Un nouvel éclair brilla dans son regard jaunâtre. De sa lourde démarche canine, il laissa là le corps et rampa vers le fond de la grotte, où pendait un grand rideau sombre. Derrière se dressait une longue table de bois vermoulu, jonchée d’une jungle de tubes, de tuyaux et d’alambics, dont il sortit une fiole de verre bruni. Avec un sourire carnassier, il revint la tendre à Célestia. La princesse du jour fit l’effort de soutenir son regard pendant quelques secondes avant de faire disparaître l’objet. Dans un rictus mauvais, le chien sortit alors de la poche de la loque qui lui servait de veste un éclat de pierre acéré, avant de s’en retourner vers le fond de la grotte, où il écarta le dernier pan de tissu qui masquait le mur. L’alicorne blanche détourna à nouveau le regard.
- C’est inutile de ne pas regarder, ricana le chien. Vous savez très bien ce qu’il y a là.
Un bref crissement de pierre s’éleva, juste assez fort pour remplir la grotte. Quand il s’éteignit, Célestia leva les yeux.
Sur le mur, une longue succession de traits blanchâtres s’alignaient, tracés au silex sur le roc de la paroi. Des dizaines, une cinquantaine peut-être, tels les cicatrices de chacun de ses passages ; autant de marques de son horrible commerce, auxquelles s’ajoutait à présent une nouvelle, griffée à vif sur la pierre.
En dessous, une autre série de marques s’étirait, moitié moins longue mais au moins aussi insoutenable au regard. Encore en dessous, deux autres griffes brillaient, début d’une nouvelle et horrible série. Avec un haut le cœur, le princesse du jour fit volte face. Dans la puanteur et les ombres, sous les éclats de rire du sorcier, elle quitta la caverne, dents serrées, oreilles plaquées en arrière. Juste avant de sortir, elle aperçut du coin de l’œil la forme fantomatique du corps de la jeune jument, traîné vers le fond avant d’être englouti par le noir.
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Elle est bel et bien morte ; Célestia a remplacé son corps par un hologramme magique pour pouvoir le voler
Sinon j aime bien ce point de vue ca change des autres.