Chapitre 3 : Départ et solitude

4 jours plus tard

[Twilight Sparkle]

Je souris, contente de moi en posant un long parchemin contenant toutes mes notes sur le bureau de la bibliothèque. Des informations triées et remises au propre de ce que j'ai pu apprendre de Lumen et de ce qu'il a bien voulu me dire.

Je repense un peu à ce jour qui aurait pu mal finir : il s’est montré relativement docile pour les soins dont il a besoin, après avoir accepté de relâcher son otage. Rainbow Dash elle, a été examinée juste à côté de lui et a même reçu des excuses pour ce que Lumen lui a fait.

De mauvaise humeur malgré tout, elle ne lui en a pas tenu rigueur en voyant dans quel état il était : recouvert de bandages, pour la plupart souillés, de nombreuses coupures provoquées par son escapade, souffrant et visiblement faible.

Vu les circonstances, étant donné que j'avais été pour l'instant la seule à obtenir sa confiance, je lui avais proposé de rester au château avec moi, ce qu'il avait accepté d'un hochement de tête.

J’avais été prise à part presque aussitôt par mes amies et la princesse Célestia. Toutes s'était montrées des plus réticentes à cette idée, mais ma décision était prise.

Les jours suivant ont révélé un individu lunatique, un peu solitaire, grossier quand il était de mauvaise humeur. Visiblement très intéressé d'apprendre et comprendre les choses qui l'entourent.

Très tôt, dès son arrivée chez moi en fait, il avait demandé si c'était possible de lire des livres à propos de l'histoire et de la société des poneys, afin de comprendre où il était.

Depuis il n'est pas sorti une seule fois du château, arpentant les couloirs livre en main, ou la bibliothèque. De mon côté, à part Rarity et Rainbow Dash, mes amies sont toutes venues me voir en tâchant de l'éviter.

J'ai dû réunir toutes mes forces pour garder patience, j'en ai appris sur lui, mais pas autant que je l’espérais.

Il ne répondait pas toujours, ou se contentait de m'ignorer alors qu'il était plongé dans un livre. J'ai pu tout de même apprendre bien des choses sur son métabolisme ainsi que sur ses caractéristiques physiques, quand il était de ''bonne humeur''.

Les questions sur la société humaine en revanche ont toutes été évitées, et celles concernant son passé le résultat a été immédiat : il avait refermé son livre dans un claquement sonore et avait quitté la pièce sans prononcer le moindre mot.

Vu sa situation, j'imagine qu'on peut le comprendre, s’il vient d'un autre monde… Enfin, ça ne fait qu'une semaine qu'il est là, je trouverai peut-être un moyen de le renvoyer chez lui.

Mais pour l'instant… il pourrait être plus agréable tout de même, faire des efforts pour être plus sociable.

Tout le temps le nez dans un livre, des mèches de ses cheveux noir corbeaux devant le front et passant par paquets, certains d'entre eux devant les yeux lui donnant un air mystérieux. Le regard vous fixant d'un air exaspéré quand vous insistez à lui poser des questions, alors qu'il n'a pas répondu à une seule depuis dix minutes. Il m'agace !

Je me secoue mentalement, à sa place on ne sait pas comment on pourrait réagir, alors ne le jugeons pas.

J'entends la porte de la bibliothèque s’ouvrir, me sortant de mes réflexions. Une jument très élégante, blanche et à la crinière violette parfaitement coiffée, une Cutie Mark faites de trois gemmes bleues, entre.

Rarity a l'air de très bonne humeur au vu de son sourire, suivie de prêts par Lumen qui... Tiens ? il porte autre chose que ses vêtements tachés ?

« Bonjour ma chère Twilight ! » dit la fashionista trottant dans ma direction. « Regarde notre invité, n'est-il pas fabuleux ? »

Sans vraiment avoir eu le temps de répondre, je tâche de détailler le changement : il porte un manteau à manches longues et ouvert sur la poitrine, d'un bleu céruléen qui descend à quelques centimètres du sol, le tout d'une seule pièce. Une deuxième pièce pour le haut de son corps en-dessous : une chemise lui couvrant la poitrine d'un bleu plus sombre, les boutons s'accordant parfaitement avec le tissu. Un pantalon, là encore, d'un bleu sombre et ses fameuses “rangers”, comme ils les appellent. Le tout n'a ni paillettes, ni coutures dorés, ni froufrous, en fait c’est plutôt... sobre, mais élégant et s'accordant bien avec ses yeux.

Je ne suis pas familière de la mode et de l'apparence pour quelqu'un comme lui, mais je dois avouer que ça lui va très bien.

« Qu'en penses-tu ma chérie ? Ne dis rien Lumen pour l'instant », dit la couturière.

Sur le coup voir l'intéressé hocher simplement la tête un sourire en coin me surprend. Il doit être de bonne humeur lui aussi. Je finis par sourire.

« C'est très joli, ça lui va très bien. »

« Et ça s'accorde avec les yeux absolument magnifiques qu'il a. Je n'ai jamais fait ce genre de vêtement et c'est lui qui m’a demandé ce genre d'aspect. Sur le moment j’étais sceptique, quelques dorures et paillettes auraient été bien. Mais je dois dire qu'il y a un grand potentiel avec ce style sobre, couvrant et classieux. Je me sens inspirée, je lui ai fait deux autres ensembles du même genre, un en noir et un autre d'un rouge flamboyant superbe. Il faudra absolument qu'il te montre à l'occasion. »

Je vois Lumen se frotter la tête et ouvrir la bouche sur ses mots. « Quitte à avoir des vêtements sur commande, j'ai préféré en profiter pour avoir un peu de classe. Cela dit merci beaucoup, j’espère pouvoir payer la dette que j'ai envers toi bientôt », dit-il en s'inclinant très légèrement.

Je vais finir par être jalouse, il n’est pas aussi respectueux avec moi.

Je tâche de ne rien laisser paraître, il est haut et un peu large d'épaules, mais ses vêtements le rendent un peu plus imposant encore, et ça lui donne plus d'allure je l'avoue.

« Tu ne risques pas d'avoir chaud en revanche, d’être aussi habiller ? Pourquoi être couvert de tissus en permanence est si important pour toi ? » demandé-je curieuse, je n'y avais pas pensé avant d’ailleurs.

Il me regarde, puis Rarity qui a l'air intéressée par la réponse elle aussi. « C'est un peu long à expliquer, mais si j'ai chaud, je n'ai qu'à retirer le manteau pour me soulager. Pour les vêtements en général… disons que c’est autant pour nous protéger des changements de température, que pour notre intimité à laquelle nous sommes très attachés… dans les grandes lignes. »

Je vois ses mains glisser sur la surface et disparaître dans des poches sur les côtés du manteau. « Et puis c'est agréable de porter quelque chose d'aussi doux sur la peau. » Un clin d’œil vers Rarity qui glousse.

« Dès que tu as des envies, ou des idées de design pour de nouveaux vêtements, n'hésite pas à venir me voir à la boutique d'accord ? » s’enthousiasma la fashionista en tapant des sabots entre eux. « Bon par contre je vais vous laisser j'ai des commandes pour Canterlot à faire, amusez-vous bien. »

Je la regarde sortir par la porte par laquelle elle est arrivée et la refermer, nous laissant seuls tous les deux.

Un silence pesant s'installe soudain.

Je le regarde à nouveau, sa peau est toujours un peu pâle. C'est peut-être son teint naturel. À le voir il a l'air content, j'ai appris de l’infirmière qui lui a changé ses bandages ce matin qu'il guérit très bien et assez vite. D'ici quelques jours il sera en pleine forme.

« Comment ça va ? » osé-je en espérant commencer une discussion où je pourrais en apprendre un peu plus sur ce qu'il est et d’où il vient.

En espérant qu'il ne fasse pas une autre saute d'humeur.

« Beaucoup mieux qu'il y a quelques temps. » Son regard tombe dans le mien, j'ai toujours un léger frisson me parcourant le dos, ses yeux grands ouverts et fixes me donnant l’impression de voir un animal sauvage. Me scrutant et me détaillant, cherchant à apprendre le moindre secret. « Mais je commence à sérieusement m’ennuyer ici. »

Prise de court. « Je... euh... Si tu veux, tu peux sortir et voir la ville. Rien ne t'en empêchait, je te rappelle. » Tâchant d’être douce et de sourire.

Il acquiesce avec un « Hum » jetant un regard sur les livres. « Ça te dérange si j'emprunte un livre et sort avec ? Je voudrais profiter du Soleil. »

Ça fait si longtemps qu'il ne l'a pas vu, si j'en crois le peu qu'il a bien voulu dire. Il aurait pu sortir avant et en profiter si cela lui manquait autant.

Faisant taire mon questionnement, je lui amène par magie un livre sur les comportement et la gestuelle des poneys en société, qu'il avait entamé très tôt ce matin, avant l'arrivée de Rarity.

Je le vois hésiter en avisant l'aura de ma magie, avant de lentement saisir l'ouvrage.

« Je te remercie Twilight... » Je le vois alors sortir sans un mot de plus, ni me laisser l'occasion de lui parler ou de l'accompagner. Il a apparemment besoin d’être seul pour le moment, peut-être que ça changera avec le temps.

Et pourvu surtout qu'il n'y ait pas d'incident avec lui, Célestia a été très claire sur ce point.

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[Lumen]

Je finis de descendre les escaliers devant le château.

« Enfin dehors... Ça fait un bien fou », me dis-je à voix basse.

C'est vrai que j'aurais pu sortir bien avant, mais entre ma convalescence et le fait de porter des haillons puant plus le sang que la lavande, ça ne donnait pas vraiment envie de se montrer.

Je lève la tête et admire longuement le ciel, j'ai encore du mal à croire que je suis dans un endroit pareil, mais bon. Même si c'est pas pour longtemps, autant en profiter un peu avant de me faire enfermer sous prétexte que je suis un monstre aux yeux de ces… poneys.

Ou de retourner... chez moi.

Cette pensée mise à part, je me regarde avec ces nouveaux habits, sous le charme je dois avouer.

Je fais ressortir mon pendentif sur le dessus de la chemise pour qu'elle soit en évidence, de toute façon j'ai toujours mon couteau si quelqu'un essaye de me le prendre.

Quand j'y pense, ça me fait un peu ressembler de loin à un personnage de jeu d'entre-guerre que j'aime beaucoup, il a le même genre de vêtement. J'ai un peu fait exprès de demander ce style, ça me plaît et faut dire que cette petite couturière sait y faire. Elle n'a jamais vu quelque chose comme moi et pourtant, en à peine quelques mesures et un essai pour voir ce que ça pourrait donner, elle a su me faire quelque chose sur mesure sans le moindre défaut, bluffant je dois avouer.

Je sors mes écouteurs, les enfile et me mets un peu de musique... Du blues tiens, des airs plein d'émotions, les notes passent à travers vous, emportent ce qui assombrit l’esprit et alourdit le cœur. Un filtre pour l'âme, l'apaiser quand elle est tourmentée, pour ne laisser qu'une douce mélancolie après l'avoir longuement écoutée.

Ça m’aidera à ignorer les regards pesant sur moi pendant ma sortie.

Voyons s’il y a un coin isolé sans poneys, histoire de lire sans être observé ou de devoir répondre à tout un tas de questions ennuyeuses comme avec Twilight.

Sans entendre autre chose que les notes de la musique, mon passage dans ce petit village se fait remarquer... Forcément je pouvais pas y échapper.

C'est la première fois que je sors depuis que je suis arrivé, et la plupart n’ont qu’entendu parler de moi, et sans doute pas dans de bons termes.

Ils sont presque tous souriants, et semblent plutôt dans la joie de vivre en général. Mais en me remarquant la plupart s'éloignent, m'évitent ou me fixent comme intimidés.

Ceux qui croisent mon regard baissent les yeux bien vite, je remarque qu'ils sont, autant par le pelage que par la crinière, de couleur très varié. Certains ont des cornes, d'autres des ailes et certains n’ont rien de visible, en bref ça me rappelle ce que j'ai déjà lu, mais le voir me surprend quand même.

Je suis vraiment dans un monde bizarre.

Les maisons varient en taille, disséminées, et de construction somme toute simple et pittoresque si l’on peut dire. Un vrai petit village de campagne en fait.

Si ce que m'a dit Twilight est vrai, la façon dont je suis arrivé n'est pas du domaine rassurant pour eux j'imagine...

Tous ces yeux sur moi, à m'observer...

Traînons pas dans le coin, pas envie d’être une bête de foire.

Je préfère ignorer ce qui m'entoure et errer un peu dans le coin, espérant trouver un endroit tranquille avant de fatiguer. Même si je guéris vite et bien, je suis toujours un peu faible, et je préfère éviter de trop en demander à mon corps pour l'instant.

Je déniche un parc, mais des petits semblent y jouer, certains ne tardent pas à porter leur attention sur moi – un peu comme la plupart des adultes rencontrés sur mon chemin en fait. S'enfuir ou s'approcher prudemment.

Je soupire longuement, l'épais bouquin toujours dans la main droite, bien décidé à les ignorer et m'éloigner de tous pour le moment.

La plupart des habitants n'insistent pas dans leur tentative de m'approcher à force de les ignorer.

Tant mieux je ne suis pas vraiment d'humeur.

Ce n'est qu’après plusieurs chansons, me faisant même aller sur un répertoire de jazz enjoué, que je finis le long d'un chemin en périphérie du village, un peu sinueux. L'orée d'une forêt sur ma droite, je remarque au bout, une petite maison nichée dans un arbre, en haut de ce qui semble être un petit monticule de terre.

Plutôt qu'approcher de la maison, j'avise sur la droite un endroit dégagé, le chant des oiseaux et des petits animaux dans les arbres.

Voilà un endroit vraiment sympa.

Je coupe le baladeur, et m'éloigne de la route pour m'installer les jambes croisées au pied d'un des massifs noueux, un peu à l'ombre, le dos appuyé contre le tronc.

La terre est douce et chaude, l'herbe verte touffue, l'odeur de la nature... je l'avais presque oubliée. Le roulis de l'eau de la petite rivière un peu plus loin, le vent caressant doucement la peau et le Soleil... Celui ou celle qui vit ici est vraiment dans un coin tranquille et plein de vie.

J'ouvre le livre, cherchant l'endroit où j'en étais. Ce n'est pas forcément le contenu mais l’ambiance dans laquelle je suis que je cherchais... Le calme... et la paix.

Avant de pouvoir me plonger dans ma lecture, des mouvements attirent mon attention quelques instants après que je me suis installé.

Qu'est-ce que… ?

Je vois tout un cercle de petits animaux s'attrouper autour de moi, des écureuils, des lapins et plein d'autres créatures à fourrure dont je ne connais pas les noms avec certitude.

Ils me regardent avec curiosité, je lève les yeux au bruit de battements au-dessus de moi et avise tout une flopée d'oiseaux variées, sur les branches de l'arbre. Tous leurs petits yeux dans ma direction.

Allons bon, même les animaux s'y mettent ?

Ce qui me frappe le plus après coup c'est... qu'ils ne semblent... pas avoir envie de fuir.

Je ne les effraye pas ?

Un des lapins sautille et vient se poser sur ma cuisse, me regardant avec attention.

J'ose après de longues secondes durant lesquelles nous nous observons tous deux, approcher lentement ma main, paume ouverte, au-dessus de sa tête.

Il se crispe, s'abaisse, visiblement un peu apeuré.

Finalement au contact de ma main lui caressant doucement le haut de la tête, il semble se détendre, ses oreilles redevenant droites, je les effleure du bout des doigts doucement.

C'est doux... Mignon cette petite boule de poil en fait.

J'entends des petits bruits des animaux autour, comme une exclamation alors qu'ils viennent tous autour de moi, sur moi, dans les plis de mes vêtements, les oiseaux devenus silencieux juste avant de toucher le petit lapin, reprenant leur chant plein de joie.

C'est… impossible, je dois rêver, ou je suis vraiment devenu fou.

J'ai très souvent, depuis mon arrivée dans ce monde bizarre, pensé ça... Mais je n'aurais jamais imaginé pouvoir être bluffé à ce point. Ils n’ont pas peur des humains ?

Bien sûr que non andouille, ils en ont jamais vus.

J'ai donc des animaux de la forêt, que je pensais ne jamais revoir vivant ailleurs que dans un film, tout autour de moi. Profitant de caresses ou simplement que je sois un endroit confortable pour se prélasser en ce jour radieux...

J'ai du mal à comprendre le pourquoi du comment mais c'est arrivé. Leur présence me fait du bien... Je me sens moins... infâme, moins monstrueux... Tellement mieux d'un coup.

Je réprime comme je peux les larmes me montant aux yeux, sous le coup d'une émotion particulièrement forte qui me prend aux tripes.

J’espère vraiment que ça ne va pas s’arrêter tout de suite, j'ai bien l'intention d'en profiter autant que possible.

Je tâche, sans trop déranger ceux qui sont installés, de me mettre dans une position confortable, retenant difficilement un sourire idiot.

Je me plonge finalement dans ma lecture. Quel que soit le sujet, il ne m'a jamais parut aussi agréable d’étudier qu'en cet instant… unique.