Chapitre II - Les "problèmes" d'AppleJack

- Mon fidèle bras droit, voudrais-tu manger dans ma demeure avec moi ? proposa Pinkie Pie en sautillant partout d'un air enjoué.

- Je ne voudrais pas abuser de votre gentillesse, refusa poliment AppleJack. Et puis, je dois vite rentrer chez moi donner un coup de sabot à ma famille pour les récoltes.

- Mais j'insiste ma chère amie. Tu peux tout de même passer à la maison quelques instants pour boire un verre ? dit alors la terrestre.

- Très bien, puisque vous insistez, soupira la jument orange.

- Génial ! Puis-je t'appeler AppleJack ? demanda la gloutonne, heureuse.

- Bien sûr, je n'y vois pas d'inconvénient.

- Oh, je sens que l'on va très bien s'entendre toutes les deux ! s'exclama-t-elle joyeusement.

- Je l'espère bien, répondit la seconde jument en affichant un sourire sournois.

Mais l'autre ne vit pas ce sourire. Elle conduisit AppleJack jusque chez elle, une maison d'aspect assez banal mais environ deux fois plus grande que celle qu'un habitant terrestre "normal" possédait. Sa façade rose attirait tous les regards. Un étalon couvert de cette même couleur criarde s'avança vers Pinkie.

- Nous avons terminé de peindre votre façade, Madame, dit-il.

- Très bien ! Prenez donc un jour de repos, cela vous fera du bien à tous.

L'ouvrier remercia la ponette et s'en alla prévenir ses collègues. Pinkie Pie et AppleJack se dirigèrent vers la porte d'entrée, une porte très étrange faite de pain d'épices Au regard que lui jeta son bras droit, la rose gloussa :

- Attends-toi à voir beaucoup de choses hors du commun chez moi, AppleJack, prévint-elle en sortant un trousseau de clefs de la poche de sa cape marron.

Elle ne mit pas longtemps à retrouver la bonne clef, la plus petite des clefs en argent, et laissa entrer la terrestre juste avant qu'elle ne rentre à sa suite.

- Laisse-moi te débarrasser de tes sacs, proposa Pinkie Pie.

- Non, merci. Je préfère garder mes affaires et puis je ne vais pas rester très longtemps, se justifia la blonde en remettant en place son chapeau sur sa crinière.

- D'accord, fais comme tu le souhaites, rétorqua la rose en gardant sa bonne humeur. Suis-moi !

Elle sautilla encore, un grand sourire sur le visage, à travers le long couloir, AppleJack à sa suite. Elle n'avait pas menti tout à l'heure quand elle disait avoir beaucoup de tableaux chez elle car, tout le long de ce couloir, de nombreuses œuvres étaient accrochées sur les murs peints en bleu. AppleJack tiqua lorsqu'elle aperçut que le bord des tableaux étaient fait de réglisses.

- Chacune de ces personnes que tu vois là font partie de ma famille. Nous nous passons cette maison de génération en génération, lui expliqua la gourmande. Tiens, voilà ma soeur : Maud Pie. Elle n'habite plus ici, elle est partie explorer le monde. Elle est belle, n'est-ce pas. Et tellement de joie émane de son visage.

Elle était surtout aussi grise et expressive que les cailloux autour d'elle. Même les autres peintures semblaient plus vivantes.

- Oui, elle a l'air très causante, mentit la jument, ironique.

- Oh oui ! Ça tu peux le dire ! se réjouit le Chef.

L'orange avait du mal à croire qu'un tel poney pouvait être la soeur de sa supérieure mais elle ne fit aucun autre commentaire. Elle continua de suivre Pinkie Pie jusqu'au grand salon.

C'était une très grande et très belle pièce. Il y avait au centre deux grands canapés pourpres l'un en face de l'autre, le tout séparé par une ravissante table basse où se tenait un petit bibelot. Une sorte de toupie ou quelque chose dans le même genre. Il y avait également un grand buffet qui, à chaque coin, tenait des bougeoirs. Deux domestiques faisaient le ménage. Quand la maîtresse de maison entra, elle les envoya chercher de quoi boire et manger puis elle s'installa dans un des canapés et fit signe à son bras droit de faire de même sur le canapé en face. Les deux juments revinrent avec un bon nombre d'amuse-gueules ainsi que deux grands pichets de jus de fruits. Quand elles eurent tout disposé sur la table, elles laissèrent les deux ponettes seule à seule.

- Qu'est ce que ça fait du bien d'être de nouveau chez soi et pouvoir manger, souffla Pinkie en s'attaquant à un gros morceau de fromage.

- Vous n'avez pas arrêté de manger lorsque nous étions à la réunion des trois clans, rappela AppleJack.

- Ce que tu peux être observatrice mon amie, rigola-t-elle.

- J'ai une question à vous poser, dit AppleJack en croquant dans une tomate-cerise.

- Je t'écoute, que veux-tu donc ? Encore plus de choses à manger ? supposa Pinkie Pie.

- Non, il y a suffisamment de nourriture sur la table et je n'ai pas très faim, répondit la blonde en regardant du coin de l’œil les trop nombreux plateaux qui encombraient à présent la table. Je voudrais juste savoir pourquoi avez-vous voulu que je passe chez vous, Chef.

- D'accord cesse donc de me vouvoyer, je n'aime pas ça, et puis j'ai pensé que c'est normal que je t'invite chez moi : tu es mon bras droit alors je voudrais que toi et moi sommes amies, expliqua Pinkie entre deux gorgées de jus.

- Jamais je ne pourrais vous tutoyer et je ne sais pas si nous pourrons être amies, soupira la terrestre.

- Et pourquoi en serais-tu incapable ? interrogea la jument rose-bonbon. Il n'y a rien d'impossible en ce bas-monde.

- Bien sûr que si, il y a beaucoup de choses impossibles sur cette terre. Et mélanger nos classes serait une grosse et terrible erreur. Ce serait comme mélanger les licornes, les pégases et les terrestres ensemble, s'expliqua AppleJack.

- Je ne comprends pas très bien, avoua la gloutonne.

- La seule chose à comprendre dans ce que je tente de vous expliquer c'est que mélanger les terrestres "riches" et les terrestres "pauvres" serait mauvais et mal vu, dit le bras droit.

- Oui, j'ai bien compris ceci mais je ne comprends pas pourquoi tu penses ceci. Moi je dis que si tout le monde se mélangeait cela serait mieux ! assura Pinkie Pie. Je pensais justement à changer notre parti si hiérarchique par un parti plus égalitaire : le communisme.

AppleJack prit soudain un air effrayé aux mots de la jument, ses oreilles se plaquant vers l'arrière :

- Mais vous êtes complétement folle pour faire ce genre de choses ! s'exclama-t-elle.

- Pourquoi ça ? questionna Pinkie Pie. Je pense que ça sera mieux pour tout le monde.

- Seulement pour les pauvres ! assura la jument orange. Les riches, eux, ne voudront pas se rabaisser à notre niveau. Déjà que nous sommes constamment mis en dessous des licornes et des pégases...

- Et si tu te trompais ? suggéra la rose.

- Je ne me trompe jamais ! Et puis, ma grand-mère m'a raconté qu'avant le Chef Zbairi il y avait le Chef Recto qui avait lui aussi tenté d'installer le communisme mais les riches se rebellèrent et le condamnèrent à mort, raconta la ponette. Vous ne voudriez pas ça ?

- Non, non pas du tout mais je pense bien instaurer ce parti mais plus stratégiquement que ce Recto, déclara la gourmande.

- Faîtes comme vous le souhaiter, je vous aurai prévenue, soupira la terrestre.

- Dis-moi, c'est normal que tu sois aussi pessimiste ? On dirait que tu portes tous les malheurs du monde sur tes épaules, dit Pinkie après un blanc.

- Oui, on peut dire ça, souffla à demi-voix AppleJack en évitant le regard de sa supérieure.

- Hé ! AppleJack ! fit la rose d'une voix plus clame et inquiète que l'ordinaire. Dis-moi ce qui ne va pas, je peux faire quelque chose ?

- Je ne sais pas si vous pouvez changer quelque chose à ma situation. Non, vous ne pouvez rien faire. La seule chose qui peut arranger mes affaires c'est de travailler encore et encore... rétorqua la jument.

- Explique-moi ce qui ne va pas, répéta l'autre.

- Le soleil est en train de se coucher et je n'ai rien fait de la journée, se lamenta-t-elle. Ce n'est pas comme ça que je vais ramener de l'argent à ma famille. Depuis le décès de nos parents, mon grand frère et moi devons beaucoup travailler pour récolter assez d'argent pour payer le loyer et acheter de quoi nous nourrir. Nous nous tuons à la tâche. De plus, nous devons acheter les soins pour soigner notre petite soeur qui est très malade. C'est pour ça que j'ai essayé d'être votre bras-droit par tous les moyens. En faisant cela je gagne un peu plus d'argent et c'est pour cela aussi que je dis que nous ne pouvons pas être amies. Regardez le palace dans lequel vous vivez ! Jamais nous n'aurons assez d'argent pour nous acheter une maison telle que celle-ci, même avec tout l'argent que nous accumulerons dans notre trop courte vie.

La jument orange baissa la tête pour cacher ses larmes naissantes.

- Je reviens, lui dit Pinkie Pie en quittant la pièce.

Quand elle fut sûre et certaine que Pinkie n'allait pas revenir tout de suite, AppleJack quitta son canapé et, un sourire aux lèvres, commença à fouiller dans la pièce. Elle s'approcha d'une des commodes et regarda dans les tiroirs mais il n'y avait rien d'autre que de la nourriture abandonnée. Elle regarda sur le buffet et découvrit une montre en or derrière un cadre. Elle le jaugea du regard un court instant et le prit, le mettant dans sa sacoche. Puis, elle retourna à sa place, rejouant la comédie, alors qu'elle entendait des bruits de pas. La porte s'ouvrit sur une Pinkie Pie qui tenait un petit sac de toile entre les dents.

- Voilà ! Accepte cet argent. Je pense qu'il y a assez de sous pour soigner ta petite soeur et payer ton loyer, dit la gloutonne en lui souriant joyeusement.

AppleJack, qui faisait mine d'être étonnée, jeta un coup d’œil dans la bourse puis répondit :

- Vous... Vous êtes sûre ? Vous me donnez cet or ? Pour moi ?

- Bien sûr. Je ne veux pas te voir plonger dans ton propre chagrin.

Jouant parfaitement son rôle, la terrestre sourit à son Chef de toutes ses dents et laissa place à de fausses larmes de joie, la laissant croire que c'était la première fois qu'un poney était aussi gentil avec elle.

- Merci beaucoup pour votre bonté. Oui, merci, merci, merci ! Je cours vite acheter les médicaments pour AppleBloom et payer le loyer.

- Mais ce n'est rien voyons. Ça me fait plaisir de te revoir sourire, rétorqua la rose, naïvement en regardant son bras droit partir au loin.

- Je ne pensais pas l'avoir aussi facilement, ricana l'orange mentalement. Si elle a assez d'argent pour s'acheter toute cette bouffe alors c'est qu'elle cache son or quelque part dans sa maison. J'y retournerai bien de nuit.

Enfin, alors qu'elle planifiait déjà un plan pour voler son Chef, AppleJack atteignit sa maison, la plus éloignée du village. Elle était très simple, dressée sur une petite colline où derrière s'étalaient des centaines de pommiers qui appartenaient à sa famille depuis des générations. Dans sa maison, elle retrouva sa grand-mère endormie dans sa chaise à bascule ayant l'air heureuse, une petite soeur en parfaite santé ainsi qu'un grand frère en train de préparer de bonnes crêpes, divers aliments s'étalant sur la table de la cuisine. A l'arrivée de sa grande soeur, AppleBloom s'exclama :

- Grande soeur ! Comment ça s'est passé ta réunion ?

- Assez bien, répondit vaguement la blonde. Je vous rejoins après, je dois déposer quelque chose dans ma chambre.

- Encore de l'argent !! s'indigna la pouliche.

L'autre jument lui jeta un regard sévère.

- En quoi ça te regarde ? trancha-t-elle. Et tu n'as pas à fouiné dans ma chambre.

- Mais qu'est-ce que tu comptes faire avec ça ? lâcha la petite.

AppleJack ne lui répondit pas. Elle monta à l'étage et sortit la clef de sa chambre de sous le petit tapis en face de sa porte. Il fallait trouver une nouvelle cachette mais elle y réfléchirait plus tard. Pour le moment, elle entra dans son antre, et de sous son oreiller, elle sortit une cassette dans laquelle se trouvait beaucoup d'or et d'objets volés. Elle y ajouta la montre et les sous de Pinkie Pie et l'avare embrassa son trésor comme une grande soeur aurait du le faire avec sa petite soeur.

Tout l'or du monde, voilà ce qu'elle voulait.