Prologue

Les couloirs du château des sœurs princesses étaient totalement sombres. Au loin, seul le bruit de quelques grognements étouffés perçaient le silence de la nuit. L'astre d'argent survolait Equestria de sa lumière blafarde et répandait ses rayons apaisants partout là où la nuit régnait. On aurait pu dormir à la belle étoile si les rues ne grouillaient pas de ténébreuses formes aux yeux d'où émane une aura bleutée.

Le château des deux sœurs princesses, accroché au flanc d’une montagne, surplombait la ville de Canterlot dans l'obscurité de la nuit, reflétant les faibles rayons lunaires. Un bruit retentit dans ce même château, celui d'une porte qui s'ouvrait violemment suivi du pas régulier de sabots martelant le sol de marbre.

Un poney noir aux yeux bleus sans pupilles et aux ailes iridescentes traversait le long hall de travertin décoré de pierres précieuses, se rendant à l'autre extrémité de celui-ci, faisant claquer bruyamment ses sabots sur le sol dur et froid. Ceux-ci étaient troués comme si un ver était venu infester ce poney. Une corne tordue vers l'arrière pointait de son front. Un semblant de crinière et de queue membraneuse pendaient de son encolure et de sa croupe, traversant l'exosquelette qui le composait. Il était habillé d’une armure de plaques, forgée d'un onyx aussi foncé que lui, et une crête de plumes rouges s’étendait de son casque, recourbée vers l’arrière.

Il poussa la porte massive de l'autre côté du couloir, la lumière de l'intérieur vint frapper son visage en face et dévoila deux crocs blancs sortant de sa gueule, ses babines légèrement retroussées face à la forme massive et noire qui se découpait du blanc du trône. Assis sur celui de la princesse solaire, un poney, dont la forme ressemblait presque à celle de l'autre équidé, se tenait là, la tête reposant sur un sabot, accoudé au fauteuil de pierre. Il était beaucoup plus grand que le nouveau venu et possédait une courte crinière verte irisée, sa queue de la même constitution et de même taille reposait contre ses flancs et sa corne était totalement tordue.

Ce devait sans doute être leur roi. Son dos était recouvert d'une sorte d'exosquelette verdâtre et ses sabots étaient aussi troués que ceux du poney précédent. Un autre petit équidé s'occupait de venter le roi, son plumeau scintillant de plumes de phénix laissait émaner de superbes couleurs chaudes.

Le poney noir, ou plutôt la ponette, dont la race était dénommée "changeling", s'avança devant le trône, réprimant l'envie irrésistible de sauter à la gorge du roi, tous les crocs découverts. Au lieu de cela, le changeling vint s'agenouiller à contre-cœur devant son supérieur et se retint de grogner sourdement :

"- Et bien ? Généra l? J'espère que c'est une nouvelle importante pour que tu oses venir troubler ton Roi !" cracha-t-il.

Le changeling soupira intérieurement et releva la tête, le regard noir :

"- Mon...Monseigneur, nous avons retrouvé la Matriarche, comme vous l'avez…

- Cesse donc de l'appeler ainsi ! Cette catin n'est plus digne d'être votre REINE ! LE CHEF ICI C'EST MOI, EST-CE BIEN COMPRIS ?!"

Les pauvres oreilles meurtries de la changeling se couchèrent en arrière. Décidément, Luna semblait avoir un concurrent en terme de voix royale... C'était d'ailleurs définitivement celle de la princesse de la nuit qui était la plus agréable…

"- ... Oui monseigneur, c'est compris…

- Bien, j'espère que tu n'es pas venu me faire perdre mon temps, j'ai des choses bien plus importantes à faire que d'écouter ce qu'une de mes inférieures a à me dire…

- Monseigneur, si je puis reprendre mon début de phrase, nous avons retrouvé la Ma... Chrysalis, comme vous nous l'avez ordonné…

- Bien, j'espère pouvoir enfin débuter mon projet sous peu... Où est-elle ?

- Nous l'avons enchaînée, au cachot quatrième cellule du fond.

- Bien... alors je viendrai rendre ma propre visite à cette chère Chrysalis."

Et il laissa échapper un rire sombre, sourd. Tandis qu'il se levait vivement du trône, l'autre changeling était déjà partie à l'autre bout de la salle, attendant son Roi.

*

À l’approche des cachots, une odeur de pourriture envahissait déjà les naseaux froncés des changelings. Les pleurs et les gémissements étaient la seule forme de bruit dans les cellules et ceux-ci cessèrent quand les pas des poneys-insectes retentirent. Dans une des cellules, il y avait une jeune ponette noire aux taches blanches. Sa crinière, ressemblant curieusement à celle de Vinyl Scratch, était auparavant blanche et bleue, et maintenant sale, ternie et pleine de crasse. Elle fixa un moment d’un œil noir les arrivants et retourna au fond de sa cellule, ne comptant même plus les jours où elle y était enfermée. La générale, accompagnée du Roi, arriva enfin à la cellule de la reine déchue, Chrysalis.

Celle-ci était enchaînée, les pattes avant collées au mur par des menottes et un boulet était accroché à ses pattes postérieures, sa crinière déchirée en lambeaux pendait piteusement devant ses yeux et un mince filet de sang coulait de sa bouche. Une de ses ailes était cassée, horriblement retournée dans le sens contraire de l’articulation, sa respiration était faible et elle semblait inconsciente.

C’est ce que comprit le roi et il s’approcha le premier dans la prison pour assener un coup de sabot bien placé dans la mâchoire de l’ancienne reine, ce qui arracha un hoquet de surprise et de pitié à la générale, voyant sa reine traitée ainsi.

Chrysalis se réveilla en sursaut, toussant et tentant de se défaire de ses menottes, elle fut calmée par un autre coup de l’autre patte du roi, envoyant sa tête cogner contre le mur, la sonnant un moment, manquant presque de s’évanouir une seconde fois. Du sang fut projeté de sa bouche, toussant de plus belle et peinant à ouvrir les yeux, elle finit par se tourner vers son ancien sujet qui la regardait d’un air désolé et plein de pitié. Seul le roi conservait un regard dur, faisant face à la pauvre prisonnière :

"-Bien, tu es bien réveillée on ne voudrait pas avoir une comateuse dans nos cellules n'est-ce pas ? Il faut que tu sois en parfait état, sinon, notre projet ne verra jamais le jour... Sais-tu au moins ce que nous souhaitons faire ?"

Elle ne dit rien, ne fit rien, fixant le Roi dans un combat de regard sombre et la tête bien haute. Même en état critique, elle gardait un air digne, peu importait la situation :

"-Dommage, je pensais que tu serais un minimum perspicace et... plus bavarde aussi..."

Et, comme pour accompagner ses derniers dires, il envoya un troisième coup de sabot, cette fois dans le ventre de la Reine, la faisant vomir et se tordre de douleur sous l'impact.

"- La seule chose que je puisse dire, c'est que tu vas nous être de la plus grande utilité, sens-toi plutôt flattée de pouvoir servir une dernière fois à mon peuple..."

Son peuple ? Il lui avait volé son armée, ses changelings, ses enfants. Ceux qu'elle chérissait tant, elle ruinerait tous les couples du monde juste pour pouvoir tous les nourrir. Elle jeta un ultime regard humide de larmes dans la direction de son ancien sujet, la générale, croisant son regard désespéré. Se résignant à abandonner toute tentative de rébellion, elle soupira en se laissant pendre aux chaînes, s'avouant vaincue devant le roi auto-proclamé... Pour l'instant...

Satisfait de sa découverte et du projet déjà débuté, il s'en alla reprendre sa place sur son trône. Ce qu'il ne vit pas tout de suite était l'absence de sa générale. Elle était restée au cachot, même après le départ du roi. Son casque à terre, révélant le même visage que tous les autres poney-insecte, elle s'était enfouie contre leur ancienne reine, ayant passé ses sabots autour de sa taille comme un enfant enlace sa mère pour y chercher un sentiment de sécurité. La matriarche, elle, répétait sans cesse que ce n'était pas leur faute et qu'un jour, elle reprendrait le titre qui lui revenait de droit.