On s'en souvient tous. C'était partit à une telle vitesse que même les plus ancrés du fandom n'arrivaient toujours pas à réaliser comment une simple chose avait évolué aussi vite, mais surtout aussi loin. Même moi. Tout ça, c'est parti d'un fichu dessin animé avec des petits poneys multicolores fait dans le but de vendre des jouets. Et trois ans plus tard, toute personne possédant une vie aisée pouvait s'offrir son propre personnage favori du show en chair et en os.
Il fallait quand même un certain recul pour faire un constat de tout ce qui s'était passé pendant cette petite révolution. Personnellement, j'appelle ça une révolution. En plus de pouvoir créer n'importe quel être vivant par le clonage, le groupe Reliance avait littéralement changé notre façon de voir le futur. Plus d'abattoirs, plus d'élevage industriel et une meilleure sécurité sur la qualité des produits.
Ce n’est pas rien quand même. Je pourrais en parler jour et nuit sans interruption. La seule conclusion à avoir, c’est que le monde avait changé à tout jamais.
Mais il ne faut pas se mentir. Moi, et même tous les autres bronies, étions plus tournés vers la création et la vente des “manes6” vendus comme des pommes. Évidemment, on se souvient tous du « Flutterstream », qui avait changé pour toujours le fandom de fond en comble. A commencer par l’entourage qui ne regardait pas la série, mais qui les avait obligés à s’y mettre. Pourquoi ? Quelle série ou juste un autre dessin animé avait donné l’envie à un scientifique d’en créer un vivant ? Même Pokémon n’était pas allé aussi loin.
Bons nombres suivaient le stream autant que les réactions. Moi, je rigolais à m'en fracasser la tête contre mon bureau à voir les différents avis, notamment celle d'un Suisse qui, chaque jour, avait une opinion différente. Il pouvait être en admiration comme le lendemain trouver ça scandaleux. Plus lunatique, tu meurs. Je mentirais si je disais que j'avais un avis neutre, on va dire qu'il était divergent. C'était à la fois merveilleux comme dérangeant. On ne savait si cette petite Fluttershy était quelque chose de bien ou pas.
Les évènements suivants furent un peu flous, tout s’est atténué par la suite, même quand on avait eu droit à toutes les manes6. Puis Hasbro s’empara du projet. Dire qu’on s’attendait à ce qu’il fasse ça avec un fan créateur célèbre comme rendre Fluffle Puff canon par exemple. En même temps, avant que la compagnie ne rachète le projet, cette Fluttershy était considérée comme la fan-création la plus coûteuse et la plus réaliste de tous les temps.
Par contre, je me souviens de deux choses. La saison trois allait commencer, mais la série fut secondaire quand on nous annonça que désormais, il était possible d'avoir son propre poney. J'ai failli sauter de joie, comme des millions de bronies, jusqu'à ce que je prononce mon tout premier « ok ta mère » en constatant que seul les amerloques en auraient le privilège. Enfin... Un privilège de 2 000$. Tout de suite, le nombre de demandes allait se réduire avec ce prix, mais ça c'est ce qu'on croyait, car il suffisait d'aller sur YouTube et ses milliers de vidéos où l'on pouvait voir des personnes déballer leurs cartons avec joie histoire de nous faire jalouser correctement.
C'était étrange de vouloir son propre poney alors qu'on avait conscience de la chose dérangeante qu'il s'agissait. Déballer un être vivant comme n'importe quel colis. Sauf que l'envie était plus forte. Pour moi, c'était le cas.
Mais ce qui me choqua le plus, c'était qu'elle parlait. On le savait déjà tous, depuis longtemps, mais je me suis toujours demandé ce qu'il en était du grand public. Pour certains, c'était naturel, pour beaucoup un renouveau dans la façon de voir les choses. Après tout, c'était le premier être vivant capable de parler, pas comme un perroquet qui lui ne faisait que de répéter. Non, là, c'était parler et converser comme n'importe qui, avoir une conscience. Mais Hasbro avait fait en sorte de les « brider », elles pouvaient parler certes, mais n'avaient pas vraiment de libre-arbitre, incapables de prendre des décisions. Elles pouvaient jouer, faire ce qu'on leur disait et ça sans discuter. Du coup, on était plus trop sûr d'avoir affaire à des être vivant aussi intelligent que nous.
Ce phénomène fit aussi apparaître des testeurs, des personnes qui achetaient un poney pour l'essayer et voir si la garantie était efficace, comme tous les jeux vidéos, téléphones portables, machines à purée. C'est là que les choses ont un peu tourné au vinaigre. Au début, on peut voir la personne lui parler et voir si elle répond à tout. Mais très vite, il se met à l'insulter et à la dénigrer avec virulence.
Tout le monde sur la planète voulait massacrer cet homme lorsqu’il colla une gifle à cette Pinkie Pie en larme.
Elle pleurait bien sûr, mais pas une seule fois elle ne s'était rebellée, ni n'avait répliqué verbalement, au lieu de ça elle s'excusait sans cesse et sans raison. Au moins, on était fixés, aucun parent n'aurait à s'inquiéter pour son enfant en compagnie d'une ponette. Par contre, c'est quand les choses se sont répétées jusqu'à porter un nom, le « Happy Pony Slapping », que les autorités ont bougé leurs fesses et interdit ces vidéos, considérées comme de la maltraitance animale.
Et moi pendant ce temps, j’attendais.
On attendait tous que les petits poneys soient disponibles dans le monde, et on a attendu un sacré moment, juste avant que la saison trois ne commence. Et ils sont pas cons ces ricains, le prix étaient à 2000 euros, plus chers qu'en Amérique. Est-ce que ça en a freiné ? Non. Bien sûr que non. Même notre ami suisse qui depuis le début crachait sur le concept après avoir vu un de ses amis prendre une Fluttershy, n'a pas pu s'empêcher de prendre une petite Twilight.
Lors d'un meet up sur Paris, quelqu'un est venu avec sa petite Applejack. Je ne vais pas mentir, j'ai littéralement fondu de tendresse quand j'ai eu l'occasion de la voir et de lui toucher la crinière. Observer pour la première fois l'un de nos personnages du show pour de vrai, c'est quelque chose d'assez fou. Notre visage passe d'abord de l'incompréhension vers celui de jovial à chaque instant.
C'était comme regarder un épisode de la série pour la première fois : on se dit sans cesse que c'est un dessin animé pour fille, mais on ne peut pas s'en détacher. Avec la jument, ce jour-là, c'était pareil : ce n'est qu'une expérience synthétique fait juste pour le pognon dont on n'est pas très sûr sur sa sécurité sanitaire ou autre, mais on en veut une quand même.
Forcément sur les forums, quand les photos ont été publiées avec des commentaires venant des témoins à 100% satisfaits, contredisant les récalcitrants sur ces poneys, beaucoup plus de monde en voulait un à présent. Rassurant, je me sentais moins seul, mais de là à ce que ça séduise autant de monde en si peu de temps, on pouvait se poser des questions.
Moi aussi je voulais le mien, mais avec un salaire d'intérimaire, c'était perdu d'avance si je ne mettais pas de l'argent de côtés. Tout ce que je pouvais faire, c'était voir les autres se procurer un poney, petit à petit.
J'ai failli abandonner le projet quand notre suisse a vu sa Twilight arriver à sa destination, morte. Mais le service après-vente était d'un luxe inimitable. À ce prix-là en même temps, le contraire aurait été scandaleux. Si tout problème était survenu pendant la livraison, une autre encore plus neuve était envoyée d'office, comme de la vaisselle.
C'était perturbant quand même de voir que la compagnie vendait ces poneys comme des figurines et les changeait si elles arrivaient cassées. C'étaient des êtres vivants qui parlaient, qui devaient peut-être avoir une part d'acuité. Se faire traiter ainsi avait de quoi mettre mal à l'aise, mais visiblement, j'étais l'un des rares à penser ça. Parce que tout ça est devenu d'un naturel effrayant.
En l'espace de six mois, avoir son poney était devenu banal. Avoir un petit poney, c'était comme avoir un chien. J'avais du mal à comprendre, mais tout ça était peut-être compréhensible, les ponettes faisaient tout ce que nous voulions, mais sans plus, ce n'était pas comme si on était avec une personne. Ce qui était considéré comme un miracle il y a quelques mois venait de passer à un autre stade. Désormais, on était revenu à la phase de "c'est quoi la suite ?".
L’humanité dans toute sa splendeur.
Heureusement, j'en connaissais qui bichonnaient leurs Rarity avec amour, eux-mêmes pensaient qu'elles étaient lucides. C'est comme ça que les choses devaient se passer pour moi.
Pourtant, je n'avais toujours pas mon poney, et je préparais mon déménagement sur la côte grâce à un travail bien payé. Un jour, je pourrais enfin m'en offrir un si ce commerce existait toujours. Parce que pendant ce temps-là, Reliance brassait des millions avec leurs implantations d'usines à viande partout sur la planète, délaissant peu à peu le marché des poneys. Tout ce que je pouvais faire encore une fois, c'était de regarder les autres faire joujou.
Maintenant, on avait été beaucoup plus loin dans le fandom, qui à présent, était devenu le plus grand qu'il n'y ait jamais eu. Avant, pour reproduire un épisode ou en imaginer un, on l'écrivait, puis on le dessinait, et parfois pour les plus doués, on l'animait. Tout ça devint dépassé, car aujourd'hui, on prend une caméra, des potes avec leurs ponettes, un décor, et ça tourne. Elles jouaient bien rôle d'ailleurs. Je devais admettre que c'était pas mal.
Mais il y avait le revers du décor.
On ne peut pas le nier, après avoir passé un certain temps dans le fandom, on a au moins une fois déjà lu, vu, ou même pour certain produit du contenu un peu plus osé. En allant droit au but, il suffisait de mentionner le sujet du R34. Quelques personnes s'étaient interrogées sur ce point, de savoir ce qui se passerait pour ceux qui possédaient un poney vivant sur lequel ils avaient fantasmé.
La réflexion la plus dérangeante que l'on se soit posée, mais malheureusement, qui possédait une réponse. La question fut vite répondue mais aussi étouffée par plusieurs faits divers aillant tout un point en commun.
Des articles firent parler d'eux alors que la saison quatre se faisait attendre tandis que la société Reliance était beaucoup plus centrée sur l'agro-alimentaire. Des clients mécontents avaient ramené leurs poneys décédés, réclamant une garantie. Aux prix qu'elles étaient, si une ponette venait à périr sans raison avant deux ans, le temps de garantie, une nouvelle leur étaient redonnées sans payer quoi que ce soit. Hors, on découvrit par la suite que les juments n'étaient pas mortes accidentellement, mais bel et bien à cause d'un déplacement des organes internes sans préciser la cause, parce qu'il n'y avait pas besoin de s'étendre sur le sujet. C'est à ce moment que nous avions eu notre réponse.
Hasbro avait eu les yeux sur le côté obscur du fandom depuis longtemps. Ils avaient prévu le coup, retirant ainsi une envie malsaine à des individus ne sachant pas faire la différence entre la réalité et la fiction. En plus de cela, si une personne venait à recommencer, ce n’était pas juste son triste méfait qui était révélé afin de lui donner la honte ultime qu’il méritait, mais aussi un allé simple et direct pour le tribunal avec des accusations de maltraitance animale aggravée. De quoi en refroidir plus d’un.
Dommage que ces évènements aient entaché PonyCell SA et Reliance. On a failli voir disparaître cette partie de l'industrie pour ne pas entacher Hasbro plus que ça. Puis cela n'empêchait pas quelques détraqués de continuer à enfreindre les règles, montrant leurs macabres galipettes sur des sites plus que douteux, avec un message bien visible du genre "Was that not your dream Bronies?".
Il était clair que dans ma position, je pouvais dire adieu à mon futur poney. L’industrie s'essoufflait trop vite, le temps que je me procure la somme, elle n’existerait plus. Hors de question d’en prendre une “d’occasion” si c’était pour l’avoir qu’un certain temps sachant en plus qu’elle avait déjà eu un propriétaire. Merde, encore quelques mois et j’avais mon budget.
Puis quand on croyait que tout allait se terminer, ce fut une nouvelle baffe en pleine figure pour toute la communauté lorsque la saison suivante sortit enfin. Cette saison quatre, beaucoup l'avaient vue comme morte avant d'être née, marquant la fin d'un mouvement internet n'ayant jamais été si loin, un bon souvenir. Le double épisode d'ouverture n'était pas si mal, mais ce qui nous avait tout surpris, ce fut dans le générique de fin que nous vîmes une nouvelle fois notre cœur faire un looping.
“Get you’re BonBon now !”
Cette ponette au pelage crème n'était pas montrée seulement sous une image, ni une photo, mais dans une vidéo où on la voyait sur tous ses angles en train de jouer au ballon avec une petite fille, manger des bonbons et s'amuser avec une autre jument mise volontairement sous pixel qui, pour toute tentative de mystère, ne cachait pas grand chose à cause de la couleur menthe qui était bien visible.
La surprise ne s'arrêta pas ici. Absolument tous les bronies du monde se ruèrent sur le site internet officiel de Ponycell SA. Celui-ci était fermé, mais indiquait un autre site où se rendre afin d'y effectuer ses achats.
Ce lien menait tout droit sur Equestria Daily.
Ils avaient créé tout une section rien que pour la vente de poney en chair et en os. Les modèles étaient présentés comme des chaussures, avec bien sûr les six héroïnes de la série. Puis il y avait cette BonBon, suivie par d'autres silhouette équestre en noir avec marqué "soon" en gros dessus.
Nul doute que la société avait relancé le marché en mettant des backgrounds ponies, mais ce qui interrogea tout le monde, c'était de savoir pourquoi est-ce que la vente se faisait sur le site officiel des bronies alors que Hasbro avait un œil mauvais sur cette communauté. On trouva rapidement un article sur les faits, de divers événements s'étant déroulés entre la saison trois et quatre. Trop occupé à fournir de la viande dans le monde entier, le directeur de Reliance avait en tête d'abandonner la vente de petits poneys même si Hasbro avait presque les rennes sur la firme à poneys devenue secondaire depuis longtemps, surtout qu'elle était en déclin. Mais cela aurait été fait avec un grand regret, sachant que c'était en partant de cela que l'entreprise s'était fait connaître.
On interrogea donc des bronies dans le secret le plus total pour savoir ce que seraient leurs envies si jamais Ponycell SA venait à évoluer.
À l'unanimité, "plus de poney" était ce que tout le monde répondait sans réfléchir.
Il restait donc une possibilité que la vente de poney ne meurt pas, qu'elle soit relancée. C'est alors que la question de prendre un nouveau directeur pour cette partie de la société revint en tête, avec de préférence, des connaissances accrues dans le fandom, sachant parfaitement ce que les autres bronies voudraient voir sur le marché.
L'homme choisit portait deux noms comme tout le monde, mais on le connaissait plus sous celui de Sethisto.
Le combat fut rude pour qu'un bronie puisse atteindre un tel rang, Hasbro avait été très récalcitrant au départ. Mais le géant à jouer se rendit à l’évidence et finit par accepter que le fandom était au final une bonne source de revenu. Et comme l'argent appelle l'argent...
C'était peut-être ça la révolution au final : qu'une grande firme de jouets donne enfin de la reconnaissance à son fandom jusqu'ici très controversé.
La stratégie sur le marketing était, quant à elle, digne d'un coup de poker des plus remarquables alors qu'à vue d'œil, il était simple, pour ne pas dire évident. À chaque fin d'épisode, on dévoilait un nouveau poney prêt à se vendre, parfois plusieurs. Ce fut sans surprise que nous vîmes Lyra en vente dès la fin de l'épisode trois, assez étrange alors que celui-ci ne montrait aucun background.
Seulement quelques jours d'attente suffirent pour voir apparaître des photos et vidéos en masse mettant en scène les deux ponettes parler et jouer ensemble. Rien de plus. Tout le monde, même moi, étions sûr de voir le fameux shipping se reproduire en vrai, mais une nouvelle fois, Hasbro avait posé ses conditions. Quand on demandait à l'une de faire un bisou sur la bouche de l'autre, elle le faisait, mais seulement sur la joue. Il était impossible de leur en demander plus, quelle que soit la manière possible allant même jusqu'à les menacer. Ça finissait toujours avec un bisou sur la joue.
Il n'était donc pas possible de voir une Vinyl en couple avec Octavia quand les deux juments sortirent d'un seul coup à l'épisode suivant.
J'étais partagé sur ce point. D'un côté, cela aura permis de ne pas voir des clichés et des vidéos allant un peu trop loin dans le contexte, mais de l'autre, c'était assez dérangeant de voir qu'il était possible de brider un être vivant à ce point.
Mon envie d'avoir un poney se mit à grandir de nouveau, surtout que dès à présent, j'avais les moyens. C'était triste d'un côté. Normalement, on économise pour avoir une nouvelle voiture ou un appartement, mais moi et beaucoup d'autres, c'était pour un petit poney rond et coloré.
Et j'ai foncé quand l'épisode Rainbow Falls est sorti, mettant à disposition le trio des Wonderbolts : Soarin, Fleefoot et Spitfire.
Entre-temps, plus d'une dizaine de poneys étaient en vente, dont Thunderlane qui fut officiellement le premier étalon à voir le jour venant de la firme. Beaucoup avaient spéculé sur BigMac, mais suite à la grogne qui se faisait sentir, il sortit à l'épisode des Apples. Les personnages sortant en rapport avec l'épisode étaient rares. Bien sûr, pour Maud Pie et Coco Pommel, on ne vit pas les personnages en question apparaître dans le catalogue. C'était drôle dans un sens, à chaque épisode, on avait une nouvelle vague de plaintes, tout ça parce que les gens voulaient absolument leurs poneys favoris.
Il y en avait beaucoup, plus que PonyCell SA l'avait espéré. Le chiffre d'affaire révélé sur Equestria Daily, devenu en quelques jours le site le plus consulté hormis les réseaux sociaux comme Facebook ou Youtube, ne montrait que du vert. Et toutes ces plaintes prouvaient à quel point le procédé marchait.
J'avais commandé ma Spitfire. Contrairement à avant, il y avait plus d'options comme par exemple la taille de la crinière et de la queue, le pelage plus clair ou foncé, mais aussi la taille générale que l'on pouvait changer légèrement. Il était possible d'avoir des poulain maintenant. Par contre, le prix variait, allant de 1500 euros pour les tailles inférieures comparables à celle d'un chiot, jusqu'à celle d'un poney de plus d'un mètre, pour presque 3 000 euros.
Je me suis contenté de la taille normale, à 2000 euros. Pour ce prix, j'avais le droit à un service après vente, à de la qualité sous garantie et aussi à une jument avec une espérance de vie doublée, allant de 12 à 16 ans si on s'en occupait sainement. Par contre, le délai de livraison était de plusieurs semaines. Il y avait bien un laboratoire PonyCell SA dans le coin, mais le temps de création comptait à lui seuls les trois quarts du temps. La demande explosait aussi, ajoutant du temps d'attente en plus.
J'avais rêvé d'assister à la fin de la saison quatre avec une ponette dans mes bras comme j'ai pu le voir à un meet up sur Rennes, je pouvait me gratter.
Au dernier épisode, on vit deux nouveaux modèles sortir, Celestia et Luna, pour la modique somme de 5 000 euros chacune. Oui, "modèle", ce mot était officiellement celui désigné pour les appeler ainsi, faisant monter d'un cran le malaise qui me rongeait depuis que j'avais cliqué sur "Buy", cette impression d'avoir acheté un être vivant mais qui était appelé par tout le monde comme des objets.
On sait que c’est malsain, que derrière ce marché se cache un sentiment qui ne ruine pas uniquement notre compte en banque, mais aussi notre humanité.
Le prix des Princesses était excessif, mais compréhensible quand on dévoila la difficulté de création. De plus, leur taille était à l'échelle des autres produits, c'est-à-dire que Celestia devait facilement atteindre une demi-taille adulte, et Luna un peu plus petite que sa sœur. Leurs crinières n'étaient pas gazeuse, mais extrêmement fine pour donner cette impression de transparence qui flottait, et les paillettes devaient se mettre avec une bombe aérosol spéciale. Il fallait être riche pour en avoir, être extrêmement attentionné pour s'en occuper et encore plus riche pour l'entretenir en cas de problème. C'était des produits de luxe.
Je pensais que de recevoir enfin son poney avait le même effet que de regarder un épisode pour la première fois, ou du moins, l’épisode qui nous faisait aimer la série, enlevant ce sentiment de culpabilité qui régnait en nous chaque fois qu’on avait les yeux sur ce dessin animé.
Et j'ouvris le carton qui attendait sagement devant la porte de mon appartement.
Et je la vis.
Et je ne sentis rien venir.
Je l'avais trop imaginé, voir mon personnage préférer en vie devant les yeux, à mes réactions, à mes appréhensions et à la joie que j'aurai en la voyant pour de vrai. Elle était là, en boule, son petit museau entre ses deux sabots minuscules. On aurait presque dit que j'avais affaire à une pouliche, venant tout juste de naître, mais qui ne donnait pas le moindre signe de vie. Je connaissais le système bien sûr : les poneys étaient dans une semi-hibernation pour ne pas endurer les conditions pouvant être trop rudes et trop perturbantes durant le voyage.
J'avais qu'à la toucher, et tout se ferait tout seul. J'avais vu en vrai l'un de mes amis en réveiller une quand le phénomène n'en était qu'au mane6. En touchant son pelage, je ne sentis pas de différence. J'avais imaginé que son pelage soit plus doux que les autres que j'avais pu caresser, comme si c'était une peluche toute neuve. Je mentirais si je disais que mon cœur n'avait pas explosé de tendresse à la seconde où mon regard avait croisé avec le sien. De grands globules dorés m'adressant un sourire que je rendis presque automatiquement.
Je lui fis ensuite visiter mon appartement de trois pièces afin de lui présenter son chez soi, la peur au ventre que cette Spitfire se sente trop enfermée. Mais machinalement, elle disait pouvoir s'entraîner afin de devenir la meilleure voltigeuse du monde. Elle avait les mêmes mimiques que son personnage du show, c'était à la fois amusant comme triste. Bien sûr, les pégases sortant de PonyCell SA ne pouvaient pas voler.
Pourtant contre toute attente, tandis qu'elle était allongée sur mes genoux alors que nous étions posés devant un épisode la représentant, je m'amusais à prendre l'un de ses appendices pour l'étirer. C'était bien fichu : des plumes parfaites, un membre articulé et qui pouvait bouger à sa guise. Ses ailes étaient, par contre, trop petites pour qu'elle puisse décoller du sol, et pas besoin de s'amuser à la jeter au-dessus du lit pour tenter quoi que ce soit. Spitfire s'amusait à tourner en rond dans le salon, lunette de vol sur les yeux (les mêmes que la série, fournie avec la ponette) en battant des ailes.
J'avais une appréhension. La jument se comportait tout le temps comme une pouliche dans sa façon de parler, avec parfois des manières dignes de la capitaine des Wondrerbolt quand elle s'amusait à jouer son propre rôle. J'avais peur qu'elle ne se rende compte que quitter les sabots du sol un jour par ses propres moyens lui serait impossible. Je lui ai soufflé une fois, mais elle n'en fit rien. Pendant un instant, j'avais l'impression d'avoir affaire à un animal à qui on avait fait avaler un enregistreur répétant des paroles bien définies suivant la situation.
Mais elle savait lire, avait beaucoup de vocabulaire, et un connaissance très accrue en météo. Je l'ai su d'abord en lisant le mode d'emploi, définissant bien mon "produit" comme un chat intelligent. Il mentionnait en rouge que nous, Cher Client, n'avions pas à nous inquiéter sur les envies de notre achat, et que jamais elle ne déprimerait de ne pas pouvoir quitter le sol. Un bon point certes, mais encore une fois effrayant si on se disait qu'il était possible de pouvoir manipuler les pensées d'un être vivant.
Avoir l'une de ces ponettes, c'était un accès au bonheur qui démarrait à la vitesse d'un diesel. Au début, on se pose beaucoup de questions, jusqu'à par moment regretter son achat. Mais très vite, après quelques moments d'amusement et de tendresse, en passant par les fous rires, ces questions s'effacent. J'avais fait sensation sur ce passage par ailleurs. D'elle-même, la mini Spitfire avait mis le sabot sur ma paire de Ray Ban, beaucoup trop grandes pour elle, puis s'amusait à commander fermement ma peluche Rainbow Dash qui était presque aussi grande qu'elle. 500 000 vues sur Youtube, c'était beaucoup plus drôle d'en voir une le faire avec une vrai Rainbow. La capitaine avait beau hurler sur la peluche et bien évidemment, celle-ci ne faisait rien.
Par curiosité, j'étais retourné sur Equestria Daily afin de voir comment les choses avaient évolué. Dire qu'avant j'y allais pour faire le plein de fanart, mais maintenant que j'en avait un de vivant... Avant même de cliquer sur l'onglet de vente, une fenêtre pop up s'afficha sur mon écran avec marqué en rouge "Make and get you're OC now".
Vous vous souvenez du fameux Pony Creator ? Sethisto lui oui. Il avait contacté le créateur du mini jeu en flash sous les accords d'Hasbro et de Reliance pour mettre au point un système permettant aux acheteurs de faire eux-mêmes leurs poneys. On pouvait le faire sur-mesure, sur tous les angles, même ajouter des cicatrices. Et pour les plus offrants, il était possible de faire des demandes spéciales, sur le comportement ou d'autres détails. Des demandes dont je découvris le fond de la réelle utilité bien plus tard. Dans tout ce système, si un OC était original, il avait la possibilité d'être vendu à d'autres acheteurs, donnant ainsi l'occasion au créateur de toucher un petit pourcentage à chaque vente. On hissa Sethisto au rang de génie en maître du marketing de la décennie après ça.
Cela permit à plus de personnes d'avoir leur propre poney, car moins il avait de détail, moins il était cher. Un poney de petite taille avec une couleur monochrome pouvait coûter seulement 500 euros. Par contre, dans le catalogue d'OC, quelqu'un parvint à créer Chrysalis, au détail près, avec une taille faisant celle de Celestia. Les vendeurs étaient gourmands par contre, profitant de la complexité du modèle, il fallait 8 000 euros pour être prêt à s'en offrir une.
Mais la jument qui s'était vendue le plus était Fluffle Puff bien sûr. Même si elle ne savait dire que "Fbllbllf" et tirer la langue, cette chose toute douce avait à elle seule fait la moitié des ventes sur le marché des OC, dépassant presque ceux de la vente des poneys canon.
Je n'avais jamais ri autant en voyant une vidéo d'un meet up au USA où l'on voyait uniquement que des fans de Fluffle Puff avec dans leurs bras la ponette en question. Imaginez une vingtaine de poneys faisant tout en même temps des "Flflfbbflll" et des "GASP". Même Spitfire avait rigolé, même la Maud Pie d'un ami aussi.
On avait aussi le droit à d'autres OC aussi célèbres les uns que les autres, comme par exemple Nix, Little Pip, Button Mash, Snow Drop, et beaucoup d'autres. Mais on avait aussi Button Mom. Jusque-là rien de scandaleux si on oubliait les mauvaises blagues jusqu'à ce que d'autres suivent en allant de plus en plus bas dans le controversé : Backy, Mangos, Atryl, Suirano, Skipsy.... Zajice, et j'en passe.
Ce qui était dérangeant, ce n'était pas seulement la présence de ces personnages, mais également leurs prix qui étaient doublés. Rien n'indiquait pourquoi, surtout que sur les images, rien ne montrait quoi que ce soit de différent. Mais je n'ai pas mis longtemps à le savoir, il suffisait d'aller sur les Tumblr de chaque créateur. C'est à ce moment que je compris à quoi servaient les demandes spéciales.
Je ne voulais pas imaginer ce que ces propriétaires faisaient de leurs poneys spéciaux. Je ne compris pas pourquoi Hasbro a pu autoriser cela. Mais une fois de plus, c'était parfaitement justifiable. Un autre tableau des chiffres d'affaire montrait que la vente de ces poneys spéciaux, qu'ils soient canon ou pas, faisaient à eux seul le tiers du chiffre d'affaire. Ce marché restait toutefois discret, et au moindre problème, on étouffait le méfait à coup de liasse de billets.
Je m'attendais à une vague de protestation et de procès, mais qui oserait attaquer la société la plus riche au monde en même temps ? Même avec le meilleur avocat, Reliance était devenu intouchable, Hasbro parvenait à conserver sa prospérité et PonyCell SA faisait plus de chiffres d'affaires que n'importe quelle autre société de jouet.
Une part d’humanité s’ébranla à cette époque.
J’avais moi aussi oublié ce marché étrange, pas parce que je l’avais accepté, mais à cause d’une chose que je vis en allant à la plage. Un autre heureux propriétaire de pégase avait décidé lui aussi de faire dégourdir les sabots de sa ponette, sauf que sa Cloudchaser n’avait plus besoin de toucher le sol.
Elle avait des ailes plus grandes, battant à une vitesse que j'aurai crue plus rapide, sans le moindre signe d'effort difficile. Lorsque je me baissai vers ma petite Spitfire, je vis sur son visage pendant l'espace d'un instant un rictus de tristesse. Mais comme si de rien n'était, comme si un choc électrique lui avait effacé ce sentiment, elle se remit à sourire et galoper vers elle afin de lui parler, toujours avec son ton de capitaine. Le pire, c'est que cette Cloudchaser plus évoluée jouait également son rôle et se pliait à ses ordres, faisant au passage rire le propriétaire de cette jument.
Cet homme m'expliqua alors que PonyCell SA avait fait de nombreuses recherches sur la manière de faire voler un poney grâce au chiffre d'affaire ingénieux. En allant une fois de plus sur internet, j'appris qu'ils avaient fait également de même pour les licornes qui pouvait désormais créer des petits champs magnétiques capables d'allumer ou d'éteindre n'importe quel appareil.
Les licornes avaient donc une plus grande corne, leurs donnant plus de classe. Quant aux pégases, ils avaient une silhouette plus affinée, des ailes plus grandes et un corps plus léger. Même les terrestres avaient eux aussi leur lot de nouveautés avec une ossature plus solide et une force accrue.
Dès ce moment, on ne voyait plus ces poneys comme juste des animaux domestiques ou malheureusement pour ses plaisirs personnels, mais comme des outils et des objets pour la vie de tous les jours. À ce stade, j'aurais appelé ça des collègues, mais vu comment on traitait certain poney sur des chantiers par exemple, portant en cutie mark la marque d'une compagnie, c'était plutôt des esclaves. Un exemple typique : une fois, je vis sur une construction un grand nombre de terrestre, tous en rouge avec "Loxam" sur chaque flanc.
C'est pratique, ne coûte pas grand chose à long terme et peut accélérer un chantier. Cette méthode fut dénoncée dans les premiers temps, mais les poneys ne semblent pas se plaindre, ce qui n'était pas étonnant. Puis les chantiers étaient sous contrôle, signalant sévèrement le moindre problème de maltraitance ou de manque de soin lors d'un accident.
Des poneys étaient loués pour porter des objets, livrer des colis en passant par les airs ou pour aider des personnes à mobilité réduite en allumant les lumières. Ils étaient mignons, gentils et utiles. Qui aurait imaginé qu'un jour, ce serait des poneys qui aideraient les gens dans la vie quotidienne ? Tout le monde avait pensé à des robots, sans exceptions.
En l'espace de deux ans, PonyCell SA était passé d'un laboratoire miraculeux à l'entreprise la plus demandée au monde. Toutes les autres sociétés demandaient des poneys, multipliant par quatre la demande et le chiffre d'affaires, faisant de Sethisto l'homme au revenu annuel le plus élevé de l'année 2014 et probablement celle de 2015. Il devint rapidement l'homme le plus riche du monde quand on vit son compte en banque faire douze chiffres.
La société était si riche qu'elle pouvait se permettre de faire des échanges gratuits avec les propriétaires possédants des modèles anciens. Un peu débile quand on y pense, Apple ne propose pas d'échanger ses nouveaux iPhones contre les anciens à chaque fois qu'un modèle sort. Mais Sethisto tenait tellement à son fandom qu'il trouvait ça normal que les bronies aient un poney qui vole, soit fort ou soit magique.
On disait beaucoup de choses sur lui, qu'il voulait un monde où humain et poney vivent en harmonie. C'était le cas ou presque, les hommes dominaient encore le monde et les poneys alors que ces derniers parlaient et savaient faire des tâches complexes, n'en était pas encore à avoir pleinement un libre-arbitre. À la fois ingénieux comme terrifiant.
J'avais donc toutes les raisons de changer ma Spitfire. Après tout, une Spitfire qui ne vole pas n'en est pas vraiment une. Sauf que cette idée m'était extrêmement difficile à envisager. Je tenais à la jument pas parce qu'elle était mon personnage préféré, mais parce que j'avais partagé des souvenirs avec elle, avait des habitudes qu'aucune autre jument n'avait, qu'elle avait développé en vivant à mon rythme. J'y tenais beaucoup sentimentalement, comme un propriétaire qui tenait à son chat.
Devais-je donc attendre que celle que j'ai décède ? Horrible façon d'envisager les choses. En prendre une deuxième était plus probable mais onéreux, surtout que l'une d'entre elles ne me servirait plus à rien. Non, ça me coûterait trop cher à l'entretien et en nourriture. J'allais devoir revenir à la première option si je ne voulais pas l'échanger, c'est-à-dire vivre plus d'une douzaine d'années sans pouvoir bénéficier des bienfaits d'avoir son poney utile.
Et mon entourage me le faisait bien comprendre, pas seulement par des remarques. À mon travail, c'était une jument terrestre qui portait la matière que je fabriquais, et un pégase qui m'apportait les consignes à travers des lettres, m'évitant alors la traverse d'une usine de plusieurs hectares. Si seulement Spitfire pouvait faire pareille avec le courrier du matin...
Autre chose, encore plus fou, m'incitait à échanger ma ponette. Imaginez : votre pégase est harnaché à de longues cordes et vous permet de surfer sur l'eau à une vitesse considérable en vous tractant, presque aussi vite qu'un voilier de compétition. Plus besoin de se plier aux contraintes de la météo, même quand le vent était nul. Le rêve ultime pour un gars comme moi était enfin accessible.
Le choix devenait de plus en plus dur.
Il a fallu que je voie quelqu'un sur Lyon pour me convaincre. Ce quelqu'un était le seul que je connaissais à avoir la même jument que moi. La sienne était tellement mieux, en tout point. Son ossature la rendait légèrement plus grande, ses grandes ailes étaient pointues même replié, sa silhouette plus fine qui enlevait cette allure plus pataude que trimbalait ma Spitfire.
Je n’étais pas étonné de voir les deux juments converser, sans jamais se dire une seule fois qu’elles étaient les même de nom, qu’elles étaient issue du même personnage, que l’une n’était pas jalouse de l’autre sur ses capacités en tout point supérieures.
Je lui posai plein de question, sur les procédures d'échanges qu'il avait faites, s'il y avait des risques de fugue, des contraintes aux niveau de l'entretien sur ses ailes. La première question était la plus intéressante de toute à mes oreilles. Il me disait que l'échange se faisait immédiatement, en quelques heures. Je ne sais pas si je devais trouver ça dégoûtant, ayant une idée de ce qu'ils feraient de l'ancien corps. Mais au final, ma Spitfire serait toujours là. Et puis au point où on en était...
Rien que cette réflexion était une preuve de plus comme quoi l'humanité s'était une nouvelle fois perdue. On jouait avec des être vivants aillant des pensées, pas de libre-arbitre mais des sentiments presque humains. Un animal ne disait pas mot pour mot "je t'aime beaucoup" à son maître, et il n'était pas aussi fidèle. Mais nous pourtant, on les avait réduits à l'état d'outil que l'on remplaçait comme un marteau cassé une fois hors-service. Les organisations animales faisaient des gros yeux sur eux, mais s'en accommodaient.
Le monde avait changé encore une fois, mais pas sûr que ce soit en bien.
Je pris la plus terrible des décisions en allant échanger ma Spitfire avec une nouvelle. Seul son corps allait changer, mais en donnant la ponette à la ferme, je perçut dans son regard une terreur inexpliquée. Je ne sais toujours pas pourquoi je suis revenu sur mon choix lorsque je sentis ses petites pattes s'accrocher plus durement que jamais à moi. Elle savait ce qu'il l'attendait. Quand je demandai aux personnes sur place si j'allais retrouver ma jument comme avant, ils me répondirent que je n'avais pas à m'inquiéter.
C'était faux, totalement faux. On me redonna Spitfire... Dans un carton, avec les bonnes aptitudes certes, mais pas avec les souvenirs. La scène de première fois où on croise les regards se reproduisit en fait, alors que normalement, elle m'aurait reconnu, elle aurait dû sortir du carton en volant et me sauter au cou.
Que s'était-il passé ? Une erreur ? Un mensonge ? Peu-importe, il était trop tard. Quand je ne demandai aux personnes sur place pourquoi la jument en question ne le reconnaissait pas, ils me redirent de ne pas m'inquiéter, qu'il fallait laisser du temps.
Pour que les choses redevinrent normales, il aura fallu plusieurs mois, autant que lorsque j'avais l'ancienne Spitfire. Il y avait le fait qu'elle puisse voler en plus, mais il n'y avait plus ces souvenirs qui faisaient la jument dont je m'étais occupé. Elle était trop parfaite, pas de défaut, ni de chose à lui apprendre. Même les moments d'amusement n'avaient plus cette saveur si appréciable.
Ce sentiment de vide n'était pas dû juste à ce manque de nostalgie, mais parce que je me rendis compte que j'étais humain. Depuis ces dernières années, on nous avait fait vivre un rêve en donnant vie à nos héros préférés, jusqu'à rendre la vie de tous les jours plus facile que jamais. On avait prouvé à Dieu que nous avions un peu de son génie créatif en nous. Pourtant, on en redemandait autant. À chaque nouvelle chose, nouvelle amélioration et révolution, on en redemandait encore.
Nous sommes éternellement insatisfaits. Nous voulons remplir une coupe vide qui est percée, quoi que l'on fasse.
Le site Equestria Daily reçoit actuellement des plaintes venant tout droit d'un autre fandom : Pokémon. Bah oui, si Reliance avait la capacité de faire des poneys pouvant parler, voler, porter et contrôler des champs magnétiques, alors pourquoi pas des animaux venant d'un autre monde. Forcément, cela allait faire monter le nombre de clients d'un cran, un continent entier. L'Asie, rien que ça.
Un rêve vieux que plusieurs décennies allaient se faire, révolutionnant le monde encore une fois. Et après ça, peut-être autre chose surtout les fans de dragons. Il y a quelques mois, j'aurais sauté de surprise. Aujourd'hui, j'essayais de me dire que ce défaut de l'humanité n'allait pas me faire tomber dans une insatisfaction continuelle, faisant semblant de vivre une vie épanouie avec ma Spitfire parfaite.
Trop de bonheur d'un seul coup, ça casse l'envie d'un seul coup aussi. Sans s'en rendre compte, les gens avaient touché de près à la perfection, à un fantasme devenu réel. Ce qui se passe par la suite, ce qui m'est arrivé, était prévisible. Dans la vie, le but de chaque être humain est d'atteindre un objectif, principalement celui du bonheur. Chez beaucoup de gens, il s'agit de vivre avec ceux qu'on admire comme par exemple : un personnage qui nous a fait rêver.
PonyCell SA l’avait fait, vendant du rêve au plus offrant. Mais le résultat était là, on avait autant de plaisir à avoir ces poneys qu’un chien ou un chat, même si celui-ci parlait et nous aidait dans la vie de tous les jours.
C'était laid. On avait sa Twilight comme télécommande pour la télévision, un BigMac comme table basse pour poser son verre de whisky et sa Rainbow Dash comme climatiseur en battant les ailes. On avait donné la vie à ces poneys, la parole et de la dextérité. Était-ce une raison pour en faire des objets ? Une condition qui leur était imposée, celle de nous servir quoi qu'il leur en coûte. Il n'y aurait eu aucune problème si on avait eu affaire à des robots. Car oui, il y avait un problème, je n'arrivais pas à m'enlever l'idée que ces êtres pensant étaient traités ainsi. Je n'en ai pas dormi des semaines entières, même avec Spitfire pour me donner le lot de tendresse que ferait un chat qui sentait que son maître n'allait pas bien. De plus, elle me posait des questions, elle voulait résonner, m'aider à réfléchir.
C'était terriblement dérangeant.
Et moi, je la voyais toujours comme un objet, parce que tout le monde le disait, ne se posait pas de question. Des questions que j'ai posées à tant de gens, que ce soit dans des débats, des forums, à des amis. Il n'y avait rien à faire, le monde avait accepté ce fait, que les poneys et dans peu de temps des Pokémons, seraient à notre service.
On avait imaginé qu'un jour ces êtres prendraient conscience de leurs situations et se révolteraient, que ce soit avec ou sans succès. Mais plus je regardais Spitfire ne faillant pas à la moindre de ses tâches, plus cette idée devenait inconcevable. Cette gentillesse sans limites que ces poneys nous donnaient ne pouvait pas se retourner contre nous.
Quand les Pokémons et autres créatures de rêve vinrent sur le marché, il y eut de la joie, mais beaucoup moins grandes que la première fois où l'on vit ce concept arriver avec les poneys. C'était déjà trop tard, l'humanité avait déjà eu sa satisfaction et n'aspirait plus qu'à chercher plus encore alors que la perfection était partout autour d'eux.
La quête d'un bonheur sans limite n'avait aucune fin, et n'était qu'éphémère pour ceux qui l'approchaient, mais ne donnait qu'au final de la déception.
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Mais malgré cela, beau travail de rédaction.
Juste une question, MAIS BORDEL, QUE FAIT BRIGITTE BARDOT ?!
Plus sérieusement j'ai du mal avec se genre d'histoire qui montre l'humanité sous un jour entièrement noir.
Je veut dire, oui les hommes on fait des choses si horrible qu'il faudrait inventer de nouveaux mot pour dépeindre toute l'horreur dont ils son capable. L'inquisition, l'esclavage, les génocide et j'en passe.
Mais il ne faut pas oublier que à chaque fois, d'autre hommes se sont levée pour combattre ses horreurs.
On va peut être me dire que je suis naïf, mais je croie aussi en la bonté de l'homme. Même si je suis souvent déçu.
Pour résumer, je trouve cette histoire malsaine, mais après coup pas autant que ça le devrait, car le manque de réaction fasse à la commercialisation d'être pensent à nôtre époque rend cette fic complètement surréaliste.
On ce dit qu'un tel chose ne pourrait pas arriver de nos jours... n'est-ce pas ?
Edit: je croie que mon commentaire était un peu hors sujet. faut dire aussi qu'a 1h30 du matin on n'a pas la même logique qu'a disons 10h. Casse pas la tête mec.