« Cette venue à Manemoorne est la seconde dans mon existence. La première fois que j’ai dû mettre les sabots dans cette ville sans saveur et sans intérêt, c’était pour le retour de Luna. Quel monde je découvrais alors ! Des gens de postes bouffis d’importance se bousculaient devant ce qu’ils considéraient comme un bon spectacle. La princesse de la nuit, disparue depuis mille ans, et la chose qui l’accompagnait. La chose, elle aurait pu être secrétaire royal, elle aurait pu être importante. Mais non. Le tas de lèche-sabots que constituaient ces hypocrites me donna une excuse en or pour ne pas avoir à me mêler des affaires de la capitale, où rien n’est similaire à l’ancien monde. La princesse m’y a fait rappeler sous prétexte de lui servir d’aide. Je vois bien que cette demande constitue la énième tentative de Luna pour m’introduire dans ce milieu mondain. Qu’importe, ce sera un énième échec.
Si la capitale en elle-même est déplaisante, le palais de mon ancien professeur n’est pas dénué de charme. Son architecture ronde fend agréablement les gratte-ciels de la grise Manemoorne. Ce lieu serait parfait si l’agitation due à la future inauguration du musée –retardée par la fameuse affaire- ne peuplait pas les couloirs de ces banquiers en rubans et de ces officiels en smokings. Au moins, la bibliothèque reste peu fréquentée, et elle est assez bien fournie. Je me plais aussi, à mes heures perdues (très nombreuses, en ces temps de langueur), à aller visiter le chantier du futur observatoire. J’admire réellement les ouvriers qui y travaillent. A l’instar des bat-ponies qui peuplent la campagne qui m’est si chère, ils ont la louable vertu de parler que lorsqu’ils ont quelque chose à dire. En d’autres termes, ils ne m’adressent pas la parole, et je ne la leur adresse pas. C’est un contrat passif qu’il m’est très agréable de respecter. Dommage que tous les poneys ne soient pas comme ceux-là… » -Journal de Madscroll
Les salles du palais de Manemoorne, marquées de leur éternelle couleur bleue de nuit, laissaient passer un flot de bat-ponies mieux habillés les uns que les autres. Des familles importantes, des familles riches, et parfois des familles qui réunissaient ces deux caractéristiques, entraient pour admirer en cette soirée ce bel évènement que tous attendaient avec impatience : l’ouverture du musée royal de Manemoorne. Celui-ci était intégré au nouveau palais de Luna, en plein milieux de la vieille Manemoorne, la capitale de la Lune. Cette céremonie était porteuse d’un espoir de changement de la civilisation des bat-ponies, habitants de la Lune et sujets de Luna. En effet, ce peuple, sans identité culturelle, allait trouver à travers les caprices de leur nouvelle reine les marques d’un passé qui n’était pas le leur, mais qu’il était nécessaire de construire pour qu’ils aient une quelconque existence temporelle. En fait, il n’est pas abusif d’affirmer que cette civilisation a réellement émergée après le retour de Luna, Nightmare Moon, n’ayant, par un concours de circonstance compliqué, pas régnée sur la totalité de la surface de la lune. Et, bien que les bat-ponies s’organisèrent, ils ne furent guères productifs en milles années.
C’était un peuple mou et mathématique qui aurait eu besoin d’un chef fort, et qui à la place se dota d’un conseil modéré en tout. Mais le retour de Luna vint à lui comme une nouvelle chance, une seconde jeunesse. Avides de nouveauté et pressés d’achever un système politique qui n’avait ni cohérence, ni efficacité, ils la placèrent sur le trône. Symboliquement d’abord, puis, lui laissant quelques libertés, les grands de la Lune se rendirent compte avec une certaine honte qu’elle avait l’expérience de leur apprendre leur travail. Il faut dire qu’ils ne savaient, au départ, quasiment rien de la princesse de la nuit. Elle était tout au plus un vieux personnage de conte paysan.
Ainsi, dépêchés par cette première historique, se bousculaient gracieusement les bat ponies importants de Manemoorne, et leurs bavardages insignifiants faisaient vibrer toutes les arches du palais, qui, rond comme une planète, brillait seul au milieu d’une Manemoorne aveuglée par la couverture de la nuit. Ils se glissaient partout, et en particulier vers Luna, reine et maîtresse de cérémonie, qui tentait de faire paraitre un sourire qui ne soit pas forcé, sans succès. Luna, magnifique dans sa robe de soirée, gênée à l’idée d’être entourée de tant de monde, d’être admiré par tant d’yeux ! Pourtant, l’effet de sa coiffure dégagée, qui laissait planer les étoiles platines de sa crinière et la robe argentée et décorée avec force détails visaient bien cet effet. Même si ce n’était qu’une marque de bienséance, autrement dit une façon polie d’imposer le respect a ceux qui parlent ce langage si codifié, celui des hautes classes.
Un sentiment d’exaltation l’avait d’abord prit en voyant tout ce monde agglutiné à ses portes, seulement quelques heures avant l’ouverture de la cérémonie tant attendue. Elle avait veillée avec soin sur tout. La propreté du premier hall, le plus grand, tout d’un bleu royal tapissé, et qui laissait voir une tête de licorne noire sur fond blanc sur les vitraux de cette pièce rectangulaire, tentant d’imiter sa chère Canterlot. La fontaine du second hall, qui contenait les escaliers menant vers tous les coins du palais, n’était pas bouchée ni souillées. Les larges nappes albâtres qui soutenaient les plats d’étains qui contenaient eux-mêmes les tant désirés petits four, réconforts suprêmes des épuisés et des solitaires qui participent à ce genre de soirées. Puis l’instant fatal était venu et l’heure fit entrer les invités dans le palais, comme l’eau qui se déverse quand un barrage cède.
Elle serrait les sabots, imitant inconsciemment sa sœur qu’elle avait vue au Grand Galloping Gala, l’année passée. Elle était restée soigneusement dans son coin, verte de jalousie que sa sœur puisse être respectée par tant de monde. A présent qu’elle expérimentait ces hommages, elle ne souhaitait qu’une seule chose : que cela finisse.
Mais laissons-là ce symbole national pour nous focaliser sur le sujet de notre récit. Alors que Luna étouffait entre sabots moites et conversations sans grand intérêt, le quartier des garde du palais avait lui aussi reçu son propre invité d’honneur, qui avait eu la délicatesse de ne pas demander à personne avant de s’incruster. En effet, dans ces couloirs plus larges mais plus petits que ceux qui accueillaient la cérémonie, s’était approchée une silhouette inquiétante. Un bat pony adulte, portant une longue bure noire qu’un nœud papillon rouge rendait drôle ou plus inquiétante encore la tenue du quidam. Sa longue crinière lui descendait jusque genoux, et elle semblait avoir connu bien des hivers, ceci dit sans avoir connu de peigne non plus. Le regard même de cet individu faisait frémir. Un de ses yeux, le gauche, était grand ouvert, et, de nervosité, semblait se poser sur tout ce qui bougeait. Le droit était à demi-fermé, ce qui laissait l’impression d’avoir devant soit un poney blasé et paranoïaque en face de soi.
Les pauvres gardes, alertes et armés comme il est légitime de l’être en une telle occasion quand on exerce le métier de garde, avaient connu un mouvement de panique, avant de se calmer en reconnaissant dans cet effrayant bat pony la personne de Madscroll. Madscroll était, à n’en pas douter, un individu unique, à plus d’un aspect. Son histoire, la suivante, était aussi tragique qu’incroyable. Il était le dernier descendant d’une ancienne population de bat-ponies qui avaient suivie Nightmare Moon, formant une société sectaire sous les montagnes de la Lune. Nightmare Moon avait, avec les intellectuels –assez nombreux, étonnement- de cette société, formé un conseil d’élite dont le seul but était la production d’armes magiques destinées à servir pour une invasion lors de son retour en Equestria. Il se trouva alors que Nightmare Moon prit la décision de marquer les membres de ce même conseil. Le peuple des bat-ponies était dénué de Cuties mark, elle en ajouta à ses séides les plus compétents, déformant la nature de leurs êtres par une magie noire teintée d’ambition et de violence. Mais, de générations en générations, le peuple de la reine de la nuit se lassa de sa monomanie de vengeance et ils quittèrent peu à peu la cité pour se mêler aux autres populations de bat-ponies de la Lune. Le dernier restant fut un poulain, sans doute abandonné par ses parents avant leur départ sur le seuil de la citadelle de Nightmare Moon. Elle l’éleva comme elle le put, de façon sévère et intentionnée, considérant son élève comme la dernière occupation qu’il lui restait, après avoir échoué à préparer son invasion.
Ce poulain était rempli de tares, tant physiques que morales, sans que son professeur ne sache s’il était né ainsi ou si la magie noire qu’elle lui enseignait l’avait transfiguré. En plus de ses yeux qu’il ne savait jamais tenir ouverts, de sa crinière folle et d’une nervosité maladive, il entretenait une paranoïa constante et une imagination malsainement constructive. Elevé dans la discipline et les connaissances des arts obscurs, il témoignait un zèle sans limite pour Nightmare Moon, qu’il considérait plus comme un professeur que comme une mère. Devant les progrès du petit, celle-ci décida de lui octroyer ce qui serait le marqueur du commencement du drame dont nous allons faire part ici. La dernière Cutie Mark magiquement acquise par un Bat-pony. Le processus altéra encore l’esprit dément du poulain, fier malgré tout d’apercevoir sur son flanc deux rouleaux gris croisés.
Le retour de Luna le prit au dépourvu sur le seuil de ses trente ans, et, même si celle-ci le reconnaissait toujours comme son élève, il avait du mal à voir en elle son professeur. Son esprit quelque peu pervertie avait appris à adorer l’aspect tout puissant de Nightmare Moon, s’opposant complètement à la compassion nouvelle et inconnue dont Luna faisait maintenant preuve. Elle et lui quittèrent la cité, elle le cœur léger et toute impatiente de renouer des liens avec son peuple, lui dépité et empli de tristesse à l’idée de laisser tous les ouvrages de sa jeunesse en abandonnant la cité sous la montagne. Luna lui permis cependant de prendre quelques ouvrages, qu’elle considérait comme inoffensifs. Le nouvel esprit de la souveraine se méfiait de l’influence maléfique de ce qu’elle avait laissé là-bas, et quelques affaires qui arrivèrent à l’avenir lui donnèrent raison. Luna fit un retour en triomphe à Manemoorne, passant préalablement par la campagne de la Lune et constatant par la même que son retour était apprécié par la plèbe comme par les hautes castes. Son arrivée à la capitale fut l’occasion d’être hébergée, elle et son élève, par les grandes familles, et, utilisant cette période à son potentiel plein, elle s’assura une place solide au pouvoir, décida de la construction de son palais et des réformes qu’il fallait entreprendre. Son élève s’intégra bien mal à la populace, et, copiant son professeur, il s’imprégnait de la littérature des palais -alors constitués à majorité de livres equestriens-, découvrant avec fascination un univers entier et nouveau à travers ces livres, il décida de la voie qu’il suivrait dans sa nouvelle vie. Il refusa l’offre de Luna, qui lui accorda d’être son secrétaire, ce qui sous-entendait bien sur un confort matériel agréable et une place de choix dans la société. Or, il ne supportait pas cette société, qui cultivait des valeurs trop différentes des siennes.
La vérité était frappante et tragique. Il avait été élevé dans un monde qui était déjà mort bien avant sa naissance, et il avait pleinement acquis ses rudiments, comme les racines d’un arbre qui se cramponneraient de toute leur force sur une falaise prête à s’effondrer, mais sur laquelle le destin l’a obligé de pousser. Les livres et les arts seuls ressuscitaient l’essence de la vie secrète qu’il avait vécue et qu’il regrettait. Il avait ainsi mis au point son projet. Il demanda l’autorisation à Luna d’habiter dans un petit village peu fréquenté et rural, d’y construire une librairie dont il avait lui-même dessiné les plans –c’est-à-dire que la bâtisse était plus chaotique que l’esprit de Discord-, et des moyens pour qu’il entre en contact avec les intellectuels terriens, d’Equestria et des toute les autres cultures. Luna, déçue mais n’oubliant pas les liens qu’elle –ou plutôt l’autre elle- avait créé avec cet original malgré lui, accepta, à condition qu’il mette à disposition tout ouvrage demandé par la princesse, qui comptait bien utiliser cette occasion pour faire de son élève un pont entre les cultures et un acteur de la culturation de cette société trop rigide qu’était la bureaucratie de Manemoorne. Elle entretiendrait donc cette librairie, Madscroll comptait bien organiser des colloques, mais avant tout constituer des réseaux avec les intellectuels equestrien, les vrais et pas les pseudo-philosophes qui venaient exhiber leurs museaux sur les écrans. Choisissant ses liens dans l’intelligence, il se fit un nom parmi les auteurs des deux planètes, et il était devenu quasiment indispensable de passer par lui pour être lu sur la lune. C’est lui qui avait fait la bibliographie initiale de la bibliothèque royale de Manemoorne, laquelle est toujours fréquentée comme un temple du savoir.
Avant qu’ils ne se quittent, Luna décida de ne pas couper tous les liens qu’elle et son élève avaient développés de façon indirecte. Sacrifiant une partie de ses pouvoirs d’alicorne, elle permit de créer entre elle et lui une voie de communication télépathique, leur permettant de ne jamais se prendre au dépourvu, et surtout, parce qu’une part d’elle-même voulait absolument protéger ce bat pony pas comme les autres. Elle l’avait récemment rappelé pour qu’il compose le discours d’ouverture et qu’il assiste à celle-ci. Madscroll avait bien sur senti l’embrouille. Il savait que la princesse voulait le pousser à avoir des contacts avec son peuple. Et bien c’était raté, car après avoir respecté sa part explicite du contrat et rédigé un discours pleins de sous-entendus virulents et extrêmement subtils à l’égard de l’inculture des hautes classes de la Lune, après avoir écouté, le sourire aux lèvres, Luna prononcer ce discours, il fit une razzia sur les petit fours, qu’il engouffra à pleins sabots dans ses poches avant de venir les manger ici, devant les gardes, qu’il narguait par la même occasion. Il aimait le bruit sourd et lointain des convives qui s’indignaient peut être de ce qu’un fou était passé en tornade sur les amuse-gueules, au prix de toute bienséance. Cela le fit ricaner.
Ce petit rire donnait la chair de poule à un des gardes, et un autre, trop dégouté de voir cette engeance à laquelle il n’était pas parvenu à s’habituer, même après l’avoir croisée mainte fois la semaine qui précédât la cérémonie, manger impunément devant ceux qui restaient aux rations militaires lunaires – de bien piètre qualité, cela va sans dire- alla chercher son supérieur pour convaincre l’invité impromptu que l’endroit était réservé aux militaires. Ce que le supérieur en question fit, laissant Madscroll quitter le couloir en question sous prétexte que son aspect exotique déconcentrait des forces armées qui n’étaient pas en service. L’intéressé s’en alla, de toute façon déconcentré depuis peu par une sensation assez désagréable. Luna était en ce moment même mal à l’aise, et il le sentait. Il sentait qu’elle avait une certaine honte du récent comportement de son élève devant la foule des bien-nés. Il y avait également un peu de tristesse et de frustration dans cette émotion qu’il percevait, mais qu’importe, il n’avait pas à se représenter dans cette salle, il ne le voulait pas surtout.
Madscroll, à cette heure alors trop perdu dans ses pensées pour travailler et trop éveillé pour s’endormir –les bruits de la fête étaient alors trop gênants pour ce genre d’activité- se rappela que Luna avait fait recevoir, deux semaines plus tôt, un chargement de livres qu’elle avait rapatriée en personne d’Equestria. L’intérêt que portait Madscroll aux ouvrages lointains n’était pas inconnu à la déesse qui avait été son mentor, et il est fort probable que ce chargement ait été l’argument le plus pesant dans la tentative de le faire venir à la capitale. Tout ceci plaisait bien au bat pony marqué, qui allait pouvoir savourer sa récompense dans un temple de la lecture dont il avait lui-même posé les fondations littéraires : la bibliothèque royale de Manemoorne.
Il entra dans la vaste salle comme en un saint des saints. Cinq étages de rayons remplis de savoir, de théories, de fruits gorgés d’imagination et de génie s’empilaient sur une formation rectangulaire classique confinée dans le bleu des murs du palais et éclairée par six imposant lustres de cristal qui laissaient tomber six auréoles sur les plans de travail aux milieux de la salle. Cette vision merveilleuse imprima un sourire pour le moins inquiétant sur le visage de Madscroll, mais ce n’était dû qu’à sa physionomie étrange. Il était réellement heureux de voir que son idée avait fructifié à ce point. Le documentaliste s’était visiblement absenté, soit pour participer à la fête, soit au contraire il était parti, ne souhaitant pas faire tache parmi la noblesse. Qu’importe, Madscroll connaissait son métier, et il était on ne peut plus ancré dans son milieu en cet instant. Il alla tout de même consulter les archives récentes, ce qui nécessitait un examen du bureau du dit documentaliste absent. Madscroll s’approcha lentement du bureau de bois ciré qui était situé en face des tables centrales de la salle, faisant résonner ses sabots à travers la bibliothèque déserte. Un seul coup d’œil derrière le bureau suffit à lui faire comprendre qu’il n’aurait pas à chercher son bonheur bien longtemps : sur un chariot en métal, reposaient des livres que l’on devinait anciens. Leur couverture de cuir épais commençait à partir en lambeaux, le papier jauni par les âges laissait entrevoir l’aspect vénérable de la sagesse qu’ils renfermaient. Un d’entre eux, dont la tranche était sertie de quatre saphirs et dont le cuir était vert comme l’algue, attira particulièrement l’attention du bat-pony. Il le saisit délicatement du sabot, le prit comme une relique et contempla la couverture. Elle était écrite en fil d’or : « De L’Essence des Cuties Marks, traité biologique par Starswirl le Barbu ».
Madscroll resta abasourdi un long instant. Deux choses le marquaient avec ce livre, dont la couverture seule avait ébranlée l’attitude cynique qu’il s’était promis de conserver toute la soirée. La première était évidemment le lien entre l’auteur et le livre. Madscroll savait que l’illustre Starswirl n’avait pas laissé un héritage très visible, même s’il restait le plus important en matière de magie. En fait, il avait refusé que l’on recopie ou publie ses ouvrages. Des renseignements qu’il avait acquis au cours de ses colloques littéraires lui avaient appris que même Celestia refusait de contredire cette ultime volonté que le plus grand magicien de tous les temps avait formulée sur son lit de mort. Autrement dit, non seulement tous les ouvrages du magicien étaient écrits à la main, et surtout uniques. Comment Celestia avait-elle put céder un tel ouvrage à sa sœur ? Cette bibliothèque commençait à peine à être importante, et Canterlot gardait jalousement ses ouvrages. La seconde chose qui le fit réagir vis-à-vis de cette couverture était le titre. Un ouvrage de biologie, d’accord, mais le sujet des Cuties Mark était complètement hors de toutes les problématiques lunaires. Quand il pensa à ce détail, il sentit une vague de profond dégout l’envahir. Est-ce que Luna avait passé commande de cet ouvrage juste pour lui faire prendre conscience de quelque chose ? Il savait qu’elle le priait toujours implicitement dans ses demandes de quitter sa tour d’ivoire et de faire comme si son enfance avait été normale, comme si la marque qui battait ses flancs n’était qu’un simple tatouage. Si cet ouvrage lui était destiné, ce qui était surement le cas, cela réveilla en lui une nausée infernale. La haine de l’individu unique contre une normalité à laquelle il ne pourra jamais prétendre.
Visiblement, il avait pensé trop fort, car il sentait que son professeur avait capté ses émotions à travers le lien qui était le leur, et à présent il sentait qu’elle se dirigeait vers lui, une peur panique au ventre. Calmement, attendant l’arrivée de Luna avec un stoïcisme exemplaire, il s’assit longuement derrière le bureau, commençant la lecture de l’ouvrage. On disait le vieux Starswirl négligé et hyperactif, pourtant, rien dans son écriture ne semblait donner raison à ces rumeurs, le vieux avait écrit sans calligraphie inutile, reliant ses lettres correctement. Peut-être que cela se corsera avec la théorie… Mais à peine eu-t-il abordé cette pensée que Luna débarqua en trombe dans la bibliothèque, rouge d’effort et de sueur. Elle avait quitté ses invités précipitamment et galopé dans les couloirs de son palais pour rejoindre son élève. Celui-ci, tandis que Luna reprenait son souffle, ferma lentement le livre et se leva en gardant un sabot dessus, il mit le second sur son cœur et déclara de façon solennelle: « Votre Majesté, je vous prie de m’excuser de mon comportement lors de la soirée que vous avez organisée et… Luna raccourcit ces excuses artificielles.
-Arrêtes Madscroll, ça me fait vraiment mal de savoir que tu n’admets pas la vérité, surtout quand nous la connaissons tous les deux… -elle tira une chaise par magie et s’affala dessus- Tu n’étais pas censé trouver ce livre maintenant. C’était censé être ton cadeau d’anniversaire. Le bat-pony se renfrogna.
-C’est un présent…. Particulier.
-J’ai plus de raison de te le confier que tu ne le crois. Tu as commencé à le lire ?
-J’avais à peine ouvert la première page, votre majesté.
-Alors tout va bien, soupira Luna avec soulagement. Je vais t’expliquer quelque chose… Qui changera sans doute nos deux existences. Madscroll, le faciès figé, se rassit lentement.
-Vous m’inquiétez, majesté.
-C’est ce que je vais te révéler qui te diras si tu dois faire pareil cas de mes nouvelles. La princesse se redressa. Connais-tu la princesse Twilight Sparkle ?
-Il me semble bien l’avoir entraperçue dans ce palais…. Lors de la fameuse affaire. ». Luna fronça les sourcils, visiblement l’évocation des évènements qui avaient amenés la princesse de l’amitié sur la Lune. Luna reprit : « Bien. Saches-donc que cette princesse n’était qu’une licorne il y a moins d’un an. Je me suis toujours demandé comment elle avait réussi pareil prodige. Je me doutais que ma sœur Celestia y était pour quelque chose, mais n’a jamais rien voulu me dire. Finalement, Twilight me révéla elle-même comment elle obtint son nouveau statut. Elle avait compris une vérité primaire sur l’amitié, à laquelle est dédiée sa cutie mark…
-Permettez-moi de vous interrompre majesté, dit précipitamment Madscroll, en quoi cette… intrigue de cour me concerne ?
-Celestia a fait de son élève favori une pièce puissante sur l’échiquier politique que je partage avec elle. Mon royaume est naissant, mais je ne peux pas laisser de signes de faiblesse. Twilight obtint sa condition à travers la résolution d’une formule que Starswirl en personne n’avait pas résolue. J’ai besoin de mon propre élève à mes côtés, comme ma sœur… Les deux yeux de Madscroll s’ouvrirent en grand, laissant pour la première fois de son existence une impression de symétrie sur son visage.
-Vous voulez faire de moi un prince ?! Hurla le bat-pony. Luna lui fit signe du sabot de se taire.
-C’est un secret, tout cela doit se faire dans l’ombre.
-Comment comptez-vous faire cela ?
-Si tu avais eu le temps de feuilleter ce livre, tu te serais vite rendu compte que Starswirl a laissé beaucoup de blancs dans son texte, et ce n’est pas volontaire. Le vieux fou avait tenu à tout expliquer au sujet des Cuties Marks, leurs origines, leur conséquence, la façon exacte et scientifique dont elles apparaissent. Il s’agit d’un des nombreux sujets à propos desquels il fut mis en échec par le peu de connaissances scientifiques et magiques de l’époque. Tu devras trouver les réponses qu’il n’avait pas trouvées.
-En quoi cela fera de moi un prince ? Je ne suis ni poney, et encore moins licorne.
-Cette expérience est censée transcender ton esprit. Dans ton cas, je suis bien consciente qu’il ne te poussera pas de corne, mais il me semble t’avoir transmis d’autres moyens de pratiquer la magie…
-Les glyphes et les enchantements ne sont que des cataplasmes comparés à la magie des licornes. Votre projet est fou.
-Madscroll, soupira l’alicorne de la nuit, moi, Luna, reine et dirigeante suprême de la Lune, vous ordonne, au nom de ma loi et de votre obéissance à la couronne, à accomplir cette mission.
Elle avait gagné. Elle avait espéré ne jamais en arriver là, mais il n’y a que le langage hiérarchique que son apprenti comprenait.
-Bien… Votre Majesté. Je vous écoute.
-J’ai fait commander des ouvrages rares à la bibliothèque de ma sœur, à Canterlot. Un espion à ma solde a glissé à ma demande ce livre, que j’ai donc volé à ma sœur. Je t’ai fait venir avec l’excuse de l’écriture du discours de cette cérémonie. J’avais l’intention de te faire rester jusqu’à après-demain, jusqu’à ton anniversaire pour te remettre cet ouvrage. Maintenant qu’il est entre tes sabots, je t’ordonne de percer le secret des Cuties Marks. Elle prononça cette dernière phrase comme une sentence.
-Majesté, répondit Madscroll, le souffle coupé, et si… malgré une réussite, je décevais vos espoirs ? Si cette quête n’aboutissait sur rien ?
-Alors l’échec sera mien. Réussis, et tu auras la magie d’un prince, le pouvoir d’un prince… L’influence d’un prince.
-Votre Majesté… J’accepte ma mission, bien que je ne désire nullement aucune de ces choses que vous m’avez promises. Pourrais-je juste vous demander quelque chose ?
Luna, le cœur serré par l’autorité qu’elle manifestait contre son élève, ne put rien dire et hocha la tête pour lui donner son accord. Il reprit : « Si j’obtiens tout cela, je ne pourrais plus vivre comme avant, n’est-ce pas ? » Luna détourna la tête et soupira. Elle avait privé cet innocent d’enfance, son autre elle avait déformé son esprit, et maintenant elle exigeait un autre immense sacrifice de la part de cet individu dont la vie était pétrie de souffrances inconscientes. Elle devait le faire, et rien que pour cela, elle se haïssait.
-Tu devras être présent pour me soutenir. Pardonne-moi, j’avais espéré te tenir loin de la cour et te garder une place où tu pourrais mener une vie paisible enfin… et aujourd’hui je viens d’exiger ton aide alors que j’avais juré de te défendre. Tu es le seul en qui j’ai entièrement confiance pour l’avenir de la Lune… ».
Luna était vieille, elle savait retenir aisément ses émotions même si celle-ci était forte. Elle venait de briser pour la troisième fois la vie de celui qu’elle considérait comme son fils. Elle se releva lourdement, salua de la tête son élève en essayant de reprendre un air confiant et souriant, non seulement pour lui, mais pour ses invités qu’elle avait quitté de la plus impolie des manières.
Madscroll la regarda sortir tout en maudissant la cour et la façon dont elle avait modifié son professeur. Au fond, il avait toujours souhaité, en bon apprenti de Nightmare Moon, que Luna devienne plus autoritaire. Ce soir il s’était rendu compte qu’elle était mentalement trop fragile pour cela et que son milieu d’enfance n’était plus de son côté. Il l’avait habillement esquivé pendant presque deux ans, mais là, il n’y échapperait pas, il entrerait à la cour, ou il désobéissait à son suzerain, ou pire encore, il échouerait ! Il écarta toutes ces désagréables pensées de son esprit et commença sa mission à l’instant. Il ne put s’empêcher de maugréer tout en ouvrant le livre incomplet : « Tu parles d’un cadeau d’anniversaire ! ».
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Vers la fin il y a quand même une phrase qui m'a laissée perplexe "la façon dont elle avait modifié son professeur", est-ce que ce elle désigne Madscroll et est donc une faute ?
Bon, autrement c'est très bon ! J'aime beaucoup ! Je suis curieuse de connaitre la suite ! Pourquoi j'ai aimé ? Parce que c'est cohérent avec le canon (sauf cette histoire que Luna vieillit : Luna et Célestia sont des déesses, immortelles, elles ne peuvent donc être affaiblies par le vieillissement) ! Je suis quand même un peu étonnée que Luna soit toujours jalouse de sa soeur, mais après tout rien ne dit que ce n'est pas le cas !
L'affaire dont parle ton introduction m'intrigue beaucoup, je n'arrête pas de me poser des questions sur ça et sur le contenu de ce livre ! J'ai hâte de voir ce que tu nous prépares !