« Starcrops fait partie de tous ces petits paradis de tranquillité qui parsèment la campagne de Manemoorne. Les paysans y sont accueillants pour l’étranger et solidaires envers ceux de leur société. Je me souviendrais toujours de l’entrée de Luna en ces lieux. Les maisons de formes sphériques, les champs de blé argenté qui s’étendaient et s’étendent toujours aux alentours du village, les faces bourrues et joviales des bat-pony, simples, accueillant leur reine dans une digne liesse, tout cela constituait un univers qui m’était plus exotique que la Terre ou le Soleil. Je crois bien, que, tel que j’étais ce jour-là, en retrait, méfiant et couvert d’un vêtement qui me faisait passer pour un miséreux de leur ordre, je leur inspirais une crainte qui venait tempérer la joie qu’ils ressentaient devant leur reine bien aimée à peine revenue à la raison. Voici à peine un an que je me suis installé ici, et pourtant, je connais mieux le nom, la personnalité et la voix des equestriens, rares en notre monde, que ceux de mes plus proches voisins physique.
Aucun des plébéiens de ce lieu n’a cherché à savoir qui était le fou qui avait construit un bâtiment aussi étrange dans sa conception, et qui était l’être doublement insensé qui avait le cran de l’habiter. Mon ascétisme quasi-permanent m’a privé de leurs conversations, problèmes, il m’a empêché de les comprendre. Aussi ne sais-je rien à propos de leur opinion sur ma personne, et si la tour depuis laquelle j’exerce mon humble profession jette sur leur vie une ombre égale à celle qui règne dans ce bâtiment sans fenêtres. Mon seul contact avec l’extérieur est un commis, un simple bat-pony adolescent que j’envoie pour me ravitailler les jours de marché. Très craintif au départ, l’habitude de son travail le rendit indifférent à ma personne. Nous n’avons pour ainsi dire jamais parlé. Il n’est personne, ici, qui porte en lui un intérêt suffisant aux arts de l’esprit pour que je m’intéresse à lui. C’est ainsi que je m’assure la tranquillité » - Journal de Madscroll
La fête du soir avait laissé Luna sans forces, à tel point qu’il lui fallut un sommeil plus que conséquent pour récupérer cette furieuse énergie que l’on perd à être le centre d’attention d’une soirée de cette envergure. Les invités, pour la plupart d’entre eux, n’avaient guère gardé pour seul souvenir que d’avoir serré le sabot de Luna, et de s’en croire plus précieux par ce seul contact. D’autres ne s’étaient pas remis du camouflet que constituait l’invitation d’un individu assez malpoli pour avoir attaqué les reliefs du festin comme une horde de sauterelle dévasterait un champ de blé. Madscroll, lui, à la fois fier de la grande confiance que lui accordait toujours Luna, mais aussi moralement gêné par les conséquences de cette confiance, s’était attelé à sa mission. Aussi avait-il, en à peine quelques heures, dévoré le traité de Starswirl, et comptait bien faire une nouvelle lecture dans les jours qui suivraient. Après tout, il était retenu plus qu’il ne le souhaitait et une connaissance ardue de l’ouvrage allait se montrer nécessaire pour traiter un sujet de cette envergure. La première lecture l’étonna.
Luna retint son apprenti au palais pendant trois journées. La seconde d’entre elle fut dédiée à la célébration de l’anniversaire de Madscroll, qui correspondait plus au jour où Nightmare Moon avait trouvé l’orphelin sur le seuil de son palais qu’au jour réel de la naissance du bat-pony, lequel resterait sans doute inconnu jusqu’au bout de son existence. Cette réjouissance, pour laquelle Luna avait trouvé deux heures à sacrifier sur son emploi du temps princier, était faite en tête à tête, dans la salle à manger du palais, spacieuse mais vide. Peu de décorations venaient aiguayer l’endroit, en accord avec les gouts de modérations de Madscroll. Seules les lumières du centre de la pièce avaient été allumés, et elles éclairaient le milieu de la table, laissant les deux convives à leur conversation, qui, avec Madscroll, se dirigerait vite vers des recommandations quant à la mauvaise nouveauté de son peuple, et à ses manières grossière. Ils ressemblaient, sous la lumière du chandelier d’argent, à deux êtres supérieurs, l’un mystérieux, l’autre disgracieux, qui tenaient entre leurs sabots un savoir qu’eux seuls possédaient, et qui faisait d’eux des élus sur un monde qui était encore trop jeune pour connaitre la sagacité. Lui, habillé d’une bure noire bordée de rouge, qui était un des vêtements qu’il avait rapporté de son antique cité sous forme de haillon, mais qu’un sabot habile était parvenu à lui rendre une seconde jeunesse. Luna était vêtue, elle, d’une tunique d’argent stylisée avec des motifs aussi précieux qu’anciens.
Lorsque vint le gâteau, et que Luna, autant par facétie que par volonté d’arracher un bon sourire à son élève, et qu’elle entonna joyeusement mais avec tenue le traditionnel Happy Birthday, elle attira discrètement avec ses yeux le regard de son élève sur le glaçage du gâteau. Il indiquait, en lettres de sucre blanc sur fond bleu les même paroles que la chanson, suivi du nom de l’intéressé. Madscroll, comprenant les efforts que Luna faisait pour lui, se forçait à ne pas briser la tendresse presque maternelle qu’elle avait envers sa personne, même si ce genre de célébrations passait pour vulgaire dans son esprit. Dans le cas d’une princesse qui s’essayait à reproduire ce rituel, ça devenait pathétique. Il eut un semblant de sourire qui semblait marquer la dérision plus que la joie. Une demi-victoire pour la princesse de la nuit.
Il vint un moment dans ce repas où, par désir de changer d’ambiance, passant des petites discussions sans lendemains et aux silences gênés à un sérieux qui était commun aux deux poneys, l’un parce que c’était son état permanent –sauf les rares cas où il devenait cynique-, l’autre parce sa condition de souverain l’exigeait de temps en temps. Madscroll plaça ses coudes sur la table et regarda la princesse de son regard plus que particulier, qu’elle interpréta dans la situation suivante comme un air de gravité. Il commença, laissant sa voix se balader dans la large salle : «Princesse, bien que cette célébration – la deuxième que vous organisez ainsi- me touche sincèrement, il me faut vous communiquer les résultats de mes premières recherches. » Luna soupira. Son élève avait décidément un don pour ne pas faire durer les plaisirs simples de la vie. «N’est-ce pas un peu tôt ? Demanda la princesse avec un sourire forcé. Tu as du à peine avoir le temps de le lire.
-Une dizaine de fois. Répliqua Madscroll avec calme. Luna prit un air d’étonnement.
-J’avais dit que c’était important, pas urgent… Mais, à moins d’avoir des résultats maintenant, ce qui, malgré ton zèle et tes grandes compétences, me semble impossible, tout rapport m’est inutile. Bafouilla Luna, toujours étonnée du grand empressement de son élève.
-Non pas, répondit ce dernier, ce rapport est plus une justification à une demande que je dois vous faire pour faciliter cette tâche que vous m’avez donnée.
-Bien, se résigna Luna, continue.
-Tout d’abord, si vous-même vous avez lu ce livre en entier, vous saurez que ce n’est pas un grand exploit que de l’avoir lu plusieurs fois en un intervalle de temps si court. L'ensembles des paragraphes manquants surpasse largement en nombre celui des existants. Il faut être clair : cet ouvrage est au trois quart incomplet. ». Luna tira une expression perplexe. Son élève était issu d’une élite passéiste qui, si elle n’était pas habituée à la manipulation des sciences modernes, avait pour elle l’amour du travail et un stoïcisme de fer face aux difficultés. Le fait qu’il mentionne le principal facteur de complication de l’affaire signifiait soit qu’il se servirait de cette excuse pour abandonner, mais l’autorité qu’elle avait sur lui le remettrait vite sur ses rails, soit que la tâche était réellement difficile, auquel cas elle n’avait plus qu’à espérer que son élève soit à la hauteur.
Madscroll continua : « Ceci dit, en analysant le peu d’information que nous a laissé le vieux Starswirl, celui ci, sans doute qu’il n’a pas accompli les expériences qui auraient été nécessaires pour que cet ouvrage fusse complet, n’a laissé que des théories. Des théories… contradictoires. Tout d’abord, il s’est visiblement interrogé sur la nature de ce qui l’intéressait, c’est-à-dire, ce qui déclenchait l’apparition de la marque. La doxa de son époque, qui est restée celle d’aujourd’hui d’ailleurs, affirme que la marque apparait dès que le poney a trouvé ce qui le rend unique. Il pensait, lui, à déterminer le phénomène de façon exacte, précise et scientifique, mais encore une fois, le manque de moyen dans lequel son temps l’a laissé à fait échouer son entreprise. Mais, je divague, voici les théories qu’il nous propose : premièrement, il estime dans cette première théorie que le poulain est destiné, dès la naissance, à recevoir une marque en particulier, comme si celle-ci était décidée d’avance par une force supérieure à tous et invisible. Il avoue lui-même que cette théorie est intenable, car, s’il fallait que le hasard ne guide pas le poulain vers ce qui serait sa destinée, il existerait un pourcentage de blanc-flanc très important dans la population equestrienne, ce qui n’est pas le cas.
La deuxième théorie est en fait un complément que Starswirl a fait de sa première théorie. Il estime dans celle-ci, que, en plus d’avoir destiné aux poneys une et une seule marque en particulier, la nature les auraient dotés chacun d’un instinct unique qui les guideraient et les forceraient inconsciemment à aller vers leur destin et à accomplir ce pourquoi ils sont né. Il a appelé ça : La théorie du déterminisme.
La troisième théorie a été imaginée plus tard. Starswirl avait pris sa seconde théorie pour acquise quand il fut témoin pour la première fois d’un cas de la maladie que certains nommes marquéole, et d’autres cutiecelle. Le fait qu’un poney puisse être marqué d’une Cutie Mark qui ne lui était nullement destiné aurait du réduire en poussière sa précédente pensée, mais ce phénomène ayant pour origine un mal physique, il laissa planer une certaine ambiguïté sur ce statut. Mais cela lui fit élaborer une nouvelle théorie. Dans celle-ci, il estimait que l’apparition des marques pouvait se faire plus librement par une pratique active de la compétence désirée, sans prise en compte du milieu ou des talents naturel de chacun. Théorie de liberté totale, c’est ainsi qu’il nomma cette théorie.
Pour ainsi dire, ces théories sont presque un problème que nous pourrions laisser au philosophe. La question de la liberté… ». Madscroll avait prononcé cette dernière phrase avec un sourire mauvais. Luna semblait plus captivée que jamais. Elle connaissait ces détails, ayant elle-même parcourue le livre des yeux. Cependant elle interprétait comme un bon signe le fait que son élève reprenait les uns après les autres -et de façon très synthétique, il faut le dire- les faibles éléments théoriques de Starswirl, montrait qu’il avait soit l’intention de développer un raisonnement dès maintenant, soit qu’il avait besoin d’une aide technique. La princesse, pensive mais concentrée, le regard focalisé sur la physionomie savante de son élève, le laissa continuer : «Mais, à problème de philosophe, laissons le philosophe répondre.
J’estime que de ce côté, même si tout reste encore à faire, ces bases recouvrent une vaste étendue de possibilités, et donc il est plus que probable qu’une des deux soit exacte. Cela résoudrait une bonne partie de l’énigme, car si l’on sait comment la marque apparaît, on saura également quelle conséquence elle a sur le corps. Si la première théorie se révèle exacte, cela signifie que, quelque part, une partie des nerfs ou du cerveau, ou même tout simplement le sang et la chair d’un poney contient des indications sur ce qu’est ou sera sa Cutie Mark, ou encore une forme de magie subtile et inconnue. Dans le cas contraire… Hé bien les conséquences implicites seront nulles, et il ne restera qu’à analyser la Cutie Mark comme un phénomène purement physique, aussi banal que la combustion ou l’évaporation de l’eau.
Pour déterminer laquelle est vraie, ma foi… Pour l’instant, cela ne me semble guère possible.
Starswirl s’est par la suite penché sur la question de la composition physique de la marque. La question était alors on ne peut plus simple : de quoi sont composées le Cutie Marks ? Sont-elles une simple coloration de flanc ou bien est ce que la zone du corps marquée subit des modifications importantes ? Cela était impossible à dire à son époque, manque de moyen, mais aujourd’hui, une seule comparaison au microscope entre un poil normal et un autre marqué suffirait à démarquer une différence. C’est là que je tenais à en venir, Princesse, dit le bat-pony en baissant les yeux, d’un air plus que gêné, j’ai accepté votre mission, mais, je ne puis la réussir sans soutien matériel… ».
Luna avait vu juste et cela suffit à la faire sourire, ce qui amplifiait l’air piteux que venait de prendre son élève. Heureusement pour lui, –et indirectement pour elle aussi- elle avait demandé à quelques membres de la noblesse lunaire, des originaux qui avaient fondé un club scientifique très fermé mais qui prenait un noble plaisir à se faire bien voir de sa Majesté, de commander du matériel en Equestria, effaçant ainsi la suspicion qu’aurait entraîné une demande plus directe qu’on aurait pu mettre en lien avec un envoi de livres sur la Lune et la disparition mystérieuse d’un ouvrage de Starswirl le Barbu. Naturellement, elle lui affirma qu’elle pouvait mettre sans problème ce matériel à sa disposition, à plus forte raison qu’il était là uniquement pour lui. Cependant, Madscroll, aussi reconnaissant que gêné par tant de mesures, souleva devant sa professeur ce qui serait sa principale difficulté technique : «Princesse, vous savez que je prends la route de Starcrops demain à l’aurore, et, vous savez que ne peux ni rester, ayant des invités à accueillir dans trois jours, et cependant, comme je viens de vous le dire, sans matériel…
-Ce n’est pas un problème insurmontable. Si par exemple, à mes frais, ce même matériel était apporté chez toi ?
-Je dirais qu’un tel convoi ne passerai pas inaperçu dans le village, et que la place chez moi me manque.
-As-tu donc maintenant plus peur des paroles des paysans que de leur compagnie que tu peux à peine souffrir ? Quant à la place, j’ai déjà parcouru ta folle tour. Peu de visites, certes, car je n’en n’ai pas le loisir, mais ta bibliothèque du rez-de-chaussée, qui n’est presque jamais occupée et qui n’a jamais connue que ta présence et celle de l’ombre que tu entretiens en permanence dans ces lieux me semble une place apte à accueillir ce don. Je ne pense guère que cela gênera tes invités… Madscroll acquiesça, puis baissa les yeux. Luna ressenti une grande nervosité dans son élève. Un mélange complexe de peur, de mélancolie et de stress.
-Je dois vous demander un autre soutien technique… Dit l’apprenti d’une voix si basse que même cette large salle qui renvoyait si bien les échos des plus bas sons et qui amplifiait les plus petites clameurs ne fut pas parcourue par son soupir. Luna changea d’aspect. Elle prit la posture et le visage des poneys à qui l’on va annoncer une nouvelle funeste. Il va sans dire que son inquiétude était grande.
-Je t’écoute, repris Luna sur le même ton que son élève.
-Princesse, dit Madscroll d’un air solennel, je me demandais… Si vous m’aviez choisi parmis tous vos séides pour cette mission, est-ce à cause de ce qu’il s’est passé dans mon enfance… Quand vous n’étiez… pas vous-même ? La voix du Bat-pony s’était petit à petit enrayée pour à la fin ne ressembler qu’à un vague son rauque qui se perdait dans les cordes vocales de Madscroll, décidément gêné d’accomplir cette demande. Mais il le fallait. Luna comprit instantanément.
-Tu veux bien sur parler de Nightmare Moon, lâcha-t-elle d’un ton monocorde, comme elle semblait perdue dans ces pensées. Nightmare Moon, qui, dans ton enfance, a fait de toi un individu unique. Elle t’a donnée cette Cutie Mark par des moyens impies et artificiels, faisant de toi l’unique poney marqué de ton espèce. Ecoute-moi attentivement, Madscroll, je sais que tu pourrais croire que je t’ai confié cette mission car tu possèdes une caractéristique qui te rends proche de ton sujet. Sache bien que normalement, je me devrais bien de choisir quelqu’un en fonction de ses compétences et non de son vécu ou de mon jugement vis-à-vis de cette personne. Par malheur ou par chance, tu réunies toutes ces conditions contradictoire, personne sur la Lune, à par toi et moi, n’ayant ou ne s’intéressant aux Cuties Mark. Mais tu dois bien rester conscient que ton cas est unique et isolé. Je sais que ce serait tentant de se servir de soi-même comme exemple, surtout pour un travail de cette envergure, mais ce n’est pas un cas naturel, il est donc inutile pour ton travail de te baser dessus. Et si, pire encore, tu tiens à retrouver les secrets qui ont permis à Nightmare Moon d’accomplir un pareil forfait, souviens-toi que je te l’interdis formellement ! Je n’ai pas passé deux ans à faire oublier cette sombre figure pour qu’elle resurgisse dans le cœur d’une affaire déjà bien irrégulière.
-Tout de même… Cela aurait bien pu servir à quelque chose. Grommela Madscroll, qui avait repris quelques assurances après que le sujet délicat ne fut plus à aborder. Mais vos ordres avant tout. » Reprit-il vivement en saluant rigidement Luna. Il s’éclipsa par une des nombreuses portes qui donnaient vers à peu près tout le complexe de couloir du vaste palais sphérique. Luna le suivait des yeux. La gravité se lisait sur son visage. En contemplant les cadavres du maigre festin d’anniversaire qui jonchaient la table recouverte d’une nappe bleue de nuit précieuse. Elle ne fêtait jamais ses anniversaires par peur de son propre âge (qui avait également tendance à rappeler aux poneys ordinaires qui assistaient à ce genre de cérémonies leur condition mortelle), mais maintenant, elle avait, dans l’exemple de son apprenti, un second grief à opposer à cette fête.
Madscroll ne mit guère que quelques heures à préparer ses affaires, mais il fallut bien attendre le lendemain pour que le matériel promis par Luna –et dont on saura qu’elle avait cette commande deux semaines avant que Masdcroll ne soit au courant- ne puisse être transporté. Le bat-pony, qui s’ennuyait alors et qui ne pouvait poursuivre son travail sans matériel, s’enquit d’écrire à certaines de ces connaissances qu’il allait recevoir chez lui à l’occasion d’un colloque qui réunirait différends écrivains ainsi que lui-même, qui était l’intermédiaire à travers lequel la littérature la plus pointue de la terre venait se déverser dans les lieux de savoir de la Lune. Il procédait toujours ainsi en écrivant, commençant par un brouillon auquel il n’aurait qu’à modifier les noms en recopiant aux connaissances susdites. Ce texte de cette correspondance se présentait sous cette forme :
« Cher ami, Monsieur … , je souhaitais, à l’occasion de notre réunion du surlendemain –il savait que les lettres arriveraient en un jour- vous prier de nouveau de ne point oublier les ouvrages respectifs que j’aurais eu l’honneur de vous commander, et de ne pas omettre non plus de me présenter ceux que vous jugerez bons pour être tenus devant les yeux de gentlemans de la plus haute valeur et de la culture la plus insigne. De mon côté, et comme vous le savez, grâce à la force de mes insupportables reproches à l’endroit de ma patrie, je ne pourrais vous offrir que de vous faire connaitre, sans que vous ne nous connaissiez mieux, car enfin, ce n’est pas dans une étendue grise et morne comme la nôtre que poussent les doux fruits du verbe accompli. Enfin, il me reste à m’excuser par avance pour le certain état dans lequel vous retrouverez meublée ma bibliothèque, qui, n’en doutez pas, sera toujours prête à recevoir des visiteurs dignes de l’apprécier à sa valeur, laquelle, et j’en réponds sur mon honneur, n’a pas perdu de sa préciosité, quoiqu’en une année cela ne semble guère un exploit. »
Il était fier de la lourdeur volontaire et exagérée qu’il avait donné à sa production épistolaire, non pas qu’il avait cet orgueil qui accompagne habituellement celui qui use sans retenue de l’hyperbole, mais il savait que c’était ce seul style qui flattait le mieux les auteurs et les critiques, et qui donnerait sans doute une mine meilleure impression à ces futurs visiteurs, parmi lesquels certains le connaissaient certainement, et ceux-ci s’étonneraient bien de retrouver un fatras d’objets métalliques et scientifiques dans le sanctuaire livresque d’un poney qu’on reconnaissait parmi les plus intransigeant sur l’état des lieux qu’il occupait. C’était bien là le suprême triomphe de Luna sur sa personne. Sacrifier sa vocation pour des enjeux politiques, ce n’était rien pour Madscroll. Il aurait donné cent fois sa vie, et avec un zèle toujours aussi ardent, pour la reine à qui il s’était dédié. Mais que Luna souille ainsi son sanctuaire, sans même qu’il puisse y répondre, il y avait là une blessure certaine dont il ne se remettrait surement pas. Il fit envoyer ses lettres.
Donc, le lendemain, après une courte nuit de sommeil, Madscroll se rendit auprès du convoi, après un au revoir furtif avec Luna. Celle-ci était inquiète, tout d’abord à cause de l’habitude qu’elle avait prise d’infantiliser son élève, ensuite car elle s’interrogeait sur la légitimité du choix qu’elle venait de faire vis-à-vis de lui. Le convoi était constitué d’un camion, maintenu en l’air par la puissance des ailes de deux bat-ponies robustes, tandis qu’un chariot richement stylisé et paré d’ornements d’argent était à terre, tiré par deux autres représentants de cette espèce. Madscroll soupira devant toute cette pompe et ce déploiement inutile de luxe. Sa mine se renfrogna encore quand il se rendit compte qu’il ne voyagerait pas seul sur le char. En effet, un bat pony, un garde de haut rang au vu de son armure violette stylisée sur un style semi-gothique qui s’accordait à merveille à l’aspect du char. Large d’épaule, la crinière grisonnante mais impeccablement coiffé. Un monocle d’argent porté à son œil gauche avec élégance soulignait des manières dignes d’un personnage de haute naissance. Il souriait et portait son casque au sabot. Ses yeux de créature nocturnes se tournèrent dans la direction de Madscroll. Celui-ci reconnu dans la personne de ce géant au port classieux le garde Strongeye, qui avait récemment fait l’objet d’une promotion de la part de la reine pour service rendu à la couronne dans une affaire de nobles rebelles que Luna avait faits bannir sur le Soleil.
Le capitaine avait certes de la tenue, mais il pouvait être qualifié de noble au même titre que tous les suces-faveurs, qui, il y a moins d’une semaine, avaient grouillé à la cérémonie d’ouverture du musée. Rien que pour avoir fatigué et stressé Luna plus qu’elle n’en avait l’habitude, Madscroll avait le sentiment qu’il pourrait difficilement sympathiser avec une telle figure, symbole du monde nouveau, qu’il croyait d’ailleurs avoir entrevue le soir de l’inauguration. Sa présence pour le moment injustifiée inquiétait grandement Madscroll, déjà nerveux car il avait en tête toutes ses folles idées et théories au sujet de son étude actuelle. Le colosse sur le char lui fit une gracieuse révérence.
« Gentlemen, dit Strongeye en s’inclinant d’une façon fort polie, si vous pouvez me faire l’honneur de monter à mes côtés, je vous dirais qu’on a fait de moi votre gardien pour ce voyage .
Madscroll, qui, fier de sa bure et de sa position vis-à-vis de Luna, n’avait aucune considération pour ce dandy militaire, qui savait malgré tout se révéler féroce. Il ferma son œil, celui qui était à moitié clos, pour se donner plus de contenance et cacher sa disgracieuse infirmité de visage. Il monta avec une dignité toute vaniteuse et noble, qui tranchait avec son comportement habituel. Puis il répondit :
-Gardien ? Pour un simple transfert de meuble ? Il me semble pourtant que vous soutenez des capacités qui feraient de vous un sergent au moins aussi prestigieux que le capitaine de la garde de Canterlot.
Le chariot se mit en marche.
-Ah ! répondit Strongeye. Monsieur me surestime, mais je ne suis jamais plus à l’aise que dans mes missions d’escortes, quant aux equestriens, je leur laisse le bonheur de leurs belles armures rutilante. Mais, ordre de sa majesté, dont vous êtes proche, de vous mettre sous bonne garde pour un tel déplacement.
Madscroll, qui n’aimait déjà pas l’idée de voyage, s’empourpra. Il rouvrit son œil et se retourna avec violence vers ce garde prétentieux :
-Ah ! Monsieur doit à coup sûr prendre ces vacances en se servant de mon transport pour s’avancer sur son voyage, tout en me protégeant sur les vingt-sept terribles kilomètres qui me séparent de chez moi ! Quel périple ! Homare lui-même n’en aurait pas écrit autant !
Strongeye prit le sarcasme avec une bonne humeur qui ne fit qu’enrager encore plus le pauvre Madscroll, qui ne tolérait que peu la compagnie, ne supportait surtout pas celle d’un parvenu et d’une brute.
-De plus, la princesse ne m’a pas informé de cette décision de protection. Expliquez-vous, où mes sabots me porteront de nouveau au palais, où j’irais chercher l’explication de votre arrogance. ».
Strongeye soutint ces violentes attaques avec un sourire des plus insupportables. Il détacha soigneusement son monocle de son œil, le rangea sous son armure, d’où partait la chaine qui pendait du rond de verre marqué d’argent. Cela fait, il plaça soigneusement son casque sur sa tête, un de ces terribles casques qui copiait par ses motifs les membranes des ailes des bat-ponies. Il prenait bien son temps, sans tenir compte des menaces de Madscroll. Menaces qu’il ne pouvait même pas tenir, vu la vitesse actuelle du char. Le bat pony à la bure tourna son regard vers les pics des gratte-ciels de Maremoon, qui formaient cette formation répétitive et sans beauté qu’il haïssait plus que tout. Mais, contrairement au capitaine, les tours ne raillaient pas, et les voir défiler lentement sous un ciel de jour naissant procurait un certain calme. Le camion aérien les devançait toujours d’une dizaine de mètres.
Quand Madscroll se décida enfin à reporter son regard sur l’orgueilleux capitaine. L’élève de Luna, appuyé à une poignée située au-devant de lui, reprit la parole, en tentant avec peine de cacher son mépris :
« Bien, capitaine, je suppose que vous mourrez d’envie de rendre ma route agréable, et, si vous me connaissez, comme votre sourire semble l’indiquer, dites-moi donc d’où vous avez entendu parler de moi.
-Ma foi, ce n’est guère difficile de s’en rappeler. Votre ruade de la fameuse soirée vous a rendu plus fameux après des nobles que tous les mérites militaires que j’ai patiemment accumulés. Vous prétendez avec ironie que mon courage est digne d’Homare, hé ! Moi je prétends que votre audace à dévaliser un simple buffet est une brutalité digne d’être comparée à celle de ces fameux héros de la Matière de Cervidas, dont la Lune vous doit, il me semble, la connaissance.
Madscroll était réellement surpris de cette réponse.
-Vous avez lu l’œuvre de Gildass ? Demanda-t-il en ne cachant pas ses émotions, qui commençaient à tourner vers une brusque sympathie pour ce garde qui pouvait se révéler quelque peu cultivé.
-Hé ! Mais les épopées sont ma spécialité, monsieur. C’était d’ailleurs, je le confesse, dans l’espoir de vous rencontrer et de vous remercier de ce que vous avez fait pour notre connaissance des cultures de la Terre que je m’était porté volontaire pour cette mission. Au fait, rassurez-vous, il s’agit plus de surveiller le matériel que votre personne. Seulement, ayant été invité à la cérémonie d’ouverture, j’espérais positivement vous y rencontrer. Ce projet, au vu des évènements de la soirée, n’a pas abouti. Alors, n’ayant pu vous rencontrer dans un contexte raisonnable, me voici qui vous parle après avoir imposé ma présence sur votre char.
Cette vérité, dite si franchement, eu blessée Madscroll dans sa gravité si son interlocuteur semblait être inculte. Or, l’interlocuteur disposait d’une certaine somme de connaissances et sa réponse se révélait un peu spirituelle. Pour une des rares fois de sa vie, Madscroll éclata d’un rire formidable et franc.
-Ah ! Véritablement, capitaine, si de telles pensées sont réellement les vôtres, permettez-moi de m’excuser de la brutalité avec laquelle je vous ai abordé, mais vous auriez dû directement vous présenter comme quelqu’un qui partage quelques affinités avec mon travail.
-Excusez-moi de ne pas avoir procédé ainsi, dit Strongeye, dont le sourire s’était encore étiré depuis que son interlocuteur lui répondait en termes plus courtois, mais vous devez savoir que l’on est toujours nerveux de se présenter à quelqu’un à qui l’on est reconnaissant sans le connaitre, et, malgré toute la discipline à laquelle je suis habituée, j’avoue avoir eu la faiblesse d’avoir été soumis à une pareille émotion. ».
Ils quittaient alors la ville par un des versants les moins pentus de l’endroit, et sur lequel on avait fait une route qui menait directement à la destination du bat-pony que nous connaissons. Celui-ci mena une discussion d’un intérêt certain, sans qu’il n’en résultat pour autant des réflexions assez passionnantes pour être mémorables. Le capitaine Strongeye était juste un lecteur qui avait aimé une brassée de récit de combats militaires et fantastiques. Mais si cette conversation n’eut point le mérite d’être enrichissante, au moins fit elle passer le temps. Le trajet dura trois quarts d’heures, et s’il fut si long, c’est que le convoi aérien redoublait de prudence, connaissant bien le contenu de leur véhicule, ainsi que sa fragilité. Ce fut une demi-heure de poussières grises et blanches qui s’étalaient en plaines, laissant au loin un massif montagneux exhiber ses pics qui semblaient inatteignables à une telle distance.
A la plaine succédèrent les champs du village de Starcrops, lieu de résidence de notre héros. C’était alors un lieu banal, typique de tout ce qui se faisait de rural sur la lune. Un anneau de poussière, sur lequel on faisait pousser, par des pratiques agricoles admirables, une espèce de blé à tige grise propre à l’environnement lunaire. On en tirait une farine sucrée sur laquelle se basait presque toute l’alimentation basique de la planète. Au centre de cette organisation agricole se trouvait le village en lui-même avec ses habitations de forme sphériques en pierre grise parfaitement lisses. Le village en lui-même ne comportait que trois ou quatre rue (nous hésitons sur le nombre car l’organisation des lieux était alors bien vague) ainsi qu’une place publique qui était resté déserte jusqu’à ce que l’apprenti de Luna jeta son dévolu sur le pacifique village.
En refusant de fréquenter la noblesse et ses codes qu’il jugeait mauvais, Madscroll avait décidé de vivre à la campagne sans trop s’éloigner de son professeur. Il demanda à Luna qu’on lui bâtisse une tour dont il avait lui-même tracé les plans sur cette place que nous avons évoquée. Cette tour était l’un des nombreux produits de l’esprit dérangé de Madscroll, aussi son aspect était fortement empreint de déraison. On décelait trois parties depuis l’extérieur du bâtiment : une tour principale et deux annexes qui étaient de même taille que celle-ci et qui lui était relié au niveau du premier étage. Le tout avait une forme cylindrique et il était curieux de voir un rez-de-chaussée à la circonférence plus réduite que le premier étage, ainsi qu’un second étage moins étendu que le rez-de-chaussée. Beaucoup de poneys s’étaient demandé si derrière le fait que ce bâtiment surréaliste tenait debout ne se cachait pas quelques artifices magiques. Ils n’étaient pas loin de la vérité. Ce qui frappait ensuite, c’est que ce bâtiment n’avait pas de fenêtres, ce qui avait fait affirmer aux villageois toute sorte de fables et de contes horribles quant aux pratiques qui se déroulaient dans cette tour close. Il avait fallu que ce soit un habitant du village, un jeune bat pony qui portait le simple et misérable nom de Lackey, et qui faisait des courses pour le sombre maitre en bure, qui avait certifié qu’il n’y avait rien d’autres que des livres dans cet antre qui générait craintes et fascinations.
C’est au-devant de cette tour que le cortège s’arrêta, que Strongeye serra le sabot de celui qu’il avait tant voulu rencontrer avant de partir, et que les bat-pony qui avaient maintenu le camion en l’air et qui l’avaient posé attendaient silencieusement que leur supérieur daigne leur ouvrir la porte pour que le matériel soit enfin déchargé. Madscroll, pressé de retrouver sa chère solitude afin de mettre en ordre ses pensées et de continuer sa mission, leur ouvrit prestement la porte. Lui, resta encore quelques minutes, et, regardant le ciel, cru bien pouvoir dire, grâce à la position du soleil et de la terre, qu’on devait être aux alentours de neuf heures du matin. Il fut vite rappelé par les prolétaires qui devaient déposer l’attirail scientifique de sa majesté qui ne savait guère comment exécuter leur besogne dans le noir et qui s’excusaient de point avoir réussi à trouver l’interrupteur. Cela n’avait rien d’étonnant. Nous avons déjà dit que Madscroll était le dernier tenant d’un monde mort, mais nous n’avons pas précisé à quel point son obsession était exaltée. C’est par une investigation de l’intérieur de sa tour que nous saurons à quoi nous en tenir.
Tout d’abords, si la malheureuse main d’œuvre n’avait point trouvé d’interrupteur, c’est qu’il n’y en avait pas. L’électricité, qu’on utilisait partout sur la Lune, n’avait une part d’utilité que très relative dans ce bâtiment. Le libraire fou, car c’était une librairie, sans enseigne ni indication aucune, que contenait cette tour. Le libraire fou, donc, s’éclairait entièrement à la torche, et évacuait la fumée en ouvrant la porte. Il alluma au moyen d’une allumette une torche qui se situait sur un large pilier au centre de la pièce, et qui soutenait le premier étage. La lumière révéla une bibliothèque dont les rayons avaient été sculptés dans la roche, à même le bloc qui faisait le premier étage. Ces rayons soutenaient d’un côté un escalier, qui, taillé contre le mur et épousait la courbe de celui-ci, menait au premier étage. Ils foisonnaient de livres aux reliures de cuir, de velours, parfois même de métal, et aucun d’entre eux ne pouvait être décrit comme commun. Ils contenaient également, par endroits, des réserves de torches et de bougies et les espaces qui séparaient deux rayons étaient souvent dédiés à recevoir un des deux objets afin qu’on y puisse mieux voir. Un chandelier de fer, sur lequel étaient empalées plusieurs bougies usées, achevait de donner de la clarté à cette grotte artificielle. Autour du pilier central, divers plans de travail d’une facture simple et sans éclat laissaient voir des parchemins griffonnés, des plumes usée ou prêtes à l’emploi, des pots d’encre bouchés qui dénonçaient silencieusement les tentatives avortées de Madscroll de s’essayer à l’écriture. L’espace entre ces plans et les rayons était tout de pierre fait, et son état de propreté actuel indiquait que cela faisait des éons qu’un balai n’avait pas embrassé ce sol.
Ainsi, le peu de lumière apportée à la salle permit aux bat-ponies, plus surpris qu’autre chose, de décharger leur matériel tandis que Madscroll montait à l’étage pour apporter également de la lumière aux autres salles. Le premier étage était, comme l’apparence extérieure du bâtiment le confirmait, plus vaste que le rez-de-chaussée. L’escalier qui y menait faisait un trou dans le sol de cette vaste salle ronde et désespérément vide. Des supports pour torches en fer rouillé étaient suspendus aux murs, et Madscroll les alluma les uns après les autres, quelque peu stressé par le bruit des camionneurs qui déchargeaient en bas. Une vaste table ovale en bois ciré soutenait des bougeoirs précieux, et se trouvait entourés de chaises faites du même bois, et qui reprenaient sordidement les motifs des membranes des bat-ponies chers à la garde de Luna. Sur le mur, deux portes, qui était séparés par la distance d’un tiers de la circonférence du cercle qui constituait l’étage, conduisaient respectivement aux annexes, c’est-à-dire à la réserve, où Madscroll stockait matériel d’écriture et nourriture, puis les chambres d’amis, où il logeait ses invités quand il en avait. C’était la seule partie du bâtiment qui disposait de l’électricité, et d’un soin de propreté impeccable quand des hôtes allaient arriver. Sur les murs de ce second étage, des tableaux représentants des paysages lunaires étaient accrochés, et l’effet que produisait la lumière diffuse sur leur couleur était mystique et hypnotisant. C’était d’une poésie décadente que chantaient ces coups de pinceaux attachés au mur, et ils la déclamaient dans le doux mystère d’une chaleur de clair-obscur.
Sur le mur, était taillé un escalier aussi unique que l’esprit du seul poney qui était le seul à l’emprunter. Il commençait par de petites marches, et, plus celles-ci montaient haut, plus elles étaient longues et se tendaient vers le centre de la pièce. Cette spirale gracieuse, qu’il avait nommé : «l’escalier Crescendo » menait à une porte de planches brutes et rouillées qui conduisaient à la mansarde où Madscroll passait ses nuit, et où il conservait les quelques rares ouvrages qu’il avait rapportés de la cité dans laquelle il avait servi Nightmare Moon. C’était donc sous cette mansarde qu’il recevrait dans deux jours les invités qu’il attendait. Le temps de faire le tour des éclairages, de vérifier la propreté des chambres d’amis, et de se plonger dans quelques réflexions sur son avenir brumeux, les prolétaires du camion avaient fini leur besogne, et signalèrent avec respect leur départ au maître des lieux. Madscroll les congédia sans cérémonie aucune, referma la porte, et se dirigea droit vers le coin de la bibliothèque où ils avaient déposé le matériel, non pas en l’entassant, mais en le déployant avec soin et habilité, ce qui, en un intervalle de temps si court, laissait présager que ces ouvriers étaient bien plus qualifiés que la moyenne.
Luna avait bien prévu son coup d’avance, mais en plus elle avait fait preuve de sagacité dans le choix des appareils laissés à son élève. Ils étaient tous d’un usage ou manuel, ou magique, et ne nécessitaient guère d’électricité pour fonctionner. Il y avait, parmi ces appareils, plusieurs microscopes, ayant chacun une précision différentes, et des options de vision parfois inédites (certains permettaient de voir la magie plus que la matière). Des petits scanners, qui fonctionnaient par magie, et dans lesquels ont avait pas même la place pour y mettre le sabot. L’intention de la princesse quant à la manière de travail que devait adopter son élève était claire. Elle attendait de lui qu’il travaille avec de petits échantillons. Mais malgré tout ce déploiement de technologie, Madscroll était perplexe. Tout cela pour examiner de près trois poils de flancs et les comparer à trois normaux, c’est dérisoire. Il valait mieux… Il s’arrêta brutalement dans ses pensées. Il repensa à la fin de la conversation qu’il avait eue avec Luna hier. Une violente vague de mélancolie, jamais ressentie auparavant, l’assaillit en une seconde.
Il s’assit devant un des cartons qu’on avait déposé, lequel contenait une réserve de tube à essais dont il n’aurait surement pas usage. Il les remua délicatement, juste pour apprécier la mélodie dissonante du verre qui touche le verre, tout en réfléchissant : La princesse a eue tort de me confier cette responsabilité. Oh ! Je ne devrais pas juger, il est vrai, mais cette marque qui tyrannise mon flanc comme mon esprit n’a pas l’air d’avoir inscrit sur ma vie une trace de bon augure. Après tout, je suis le seul sur cette planète à disposer du sujet dont je dois traiter, et je ne puis le faire, car apparemment tous ces motifs sur mon flanc ne sont que des résultats de voies artificielles. Oui, mais, l’apparition de la marque en elle-même a dut être similaire avec l’apparition d’une marque chez un terrien ordinaire. Si la princesse avait encore conservé quelques souvenirs de Nightmare Moon… Non, je ne dois pas y penser. Quant à demander à la princesse si elle voudrait servir de sujet… C’est ridicule. Il fixa de nouveaux les appareils. Tout ce que je puis faire avec cela, c’est constater de quels atomes et de quelle magie sont faites ces marques, et là, je compléterais vite une partie de l’ouvrage. Mais justement, ce serait inutile. La question principale reste la même. Pourquoi la Cutie Mark, et pourquoi celle-là plutôt qu’une autre ? Nightmare Moon pensait-elle exactement à ce motif lorsqu’elle fit apparaitre ces deux rouleaux sur moi ? Ou est-ce que c’était inscrit dans mon sang ? Cela me permettrait de tout dire, et ce cauchemar de réflexions s’arrêterait là. Ah non, c’est vrai, après avoir dit « pourquoi », il faudrait continuer sur «comment », et je devrais savoir si la marque influence le talent ou si elle n’est qu’un marqueur pour mieux reconnaitre l’artisan et le rattacher à son art.
A cette réflexion, il sortit son sabot du carton, et se frappa la tête avec. Mais non, c’est simple cela, si ces microscopes détectent la magie, il suffira que je compare le poil de la zone où je suis marqué, mon poil non-marqué, et le poil d’un bat-pony standard. Nous ne sommes guère éloignés des terriens sur le métabolisme, la comparaison pourra facilement se tenir. Si la cutie mark est magique, et que cette magie influence le reste du corps, c’est qu’elle amplifie le talent. Si elle n’en a pas, elle n’est qu’un marqueur. Mais si Nightmare Moon m’a marqué, je pense que la première théorie est plus raisonnable. Qu’importe, je ferai les analyses, pour que celle que je croie juste soit vraie, il faut qu’il y ai magie sur mon poil marqué et non-marqué, et qu’il n’y en ai pas sur un échantillon prélevé sur un membre lambda de notre espèce. J’en piquerai discrètement à Lackey lors de son prochain passage. Cette analyse faite, un tiers du mystère sera résolu. Même deux ! Car comme ça je pourrais dire de quelle magie et de quels atomes se constituent la cutie mark ! Mais … Patiente, d’abords, mes invités, après, j’aurais tout mon temps.
Il allait se lever, content d’avoir troqué son esprit littéraire habituel contre l’esprit scientifique qu’il s’était forgé auprès de Nightmare Moon. Il regarda sa Cutie Mark avec fierté. Après tout, ces deux rouleaux ne signifiaient-ils pas que tous les savoirs étaient à sa portée ? Cependant, alors qu’il allait vérifier les derniers détails pour que ses visiteurs puissent être accueillis, il buta accidentellement dans un autre carton, lequel se renversa et laissa tomber au sol une caméra à sabot perdue dans une avalanche de polystyrène. Il était dès lors impossible de dire si Madscroll avait pris un air grave ou terrifié. Un tel objet confié par Luna ne pouvait signifier qu’une seule chose : elle attendait à ce qu’il observe et enregistre un phénomène que seule l’image permettrait de voir. Disons, l’apparition d’une Cutie Mark, par exemple.
Madscroll en avait dès lors la certitude. Il avait besoin d’un cobaye.
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