Chapitre 11

Rainbow monta en haut pour trouver Scootaloo en train de se lisser les plumes. Tous les doutes lui demandant si elle pouvait être le poney dont Scootaloo avait besoin s’évanouirent dès qu’elle vit la petite pouliche. En voyant Scootaloo s’étirer pour atteindre les plumes en bas de ses ailes, elle ne pouvait s’empêcher de sourire. Elle remarqua aussi que Scootaloo avait déposé la photo de son père sur la table de nuit, juste à côté de son lit. Au fond de son esprit, elle savait que ses doutes étaient toujours valides, et qu’ils ne disparaîtraient pas uniquement parce que Scootaloo avait l’air adorable, mais à part ça, elle ne pouvait nier le fait qu’elle se sentait mieux qu’il y a à peine trente secondes.

L’avertissement de Luna concernant la discussion avec Scootaloo lui revint à l’esprit, mais elle le repoussa. Scootaloo semblait relativement calme et heureuse, quelque chose de rare en pensant aux derniers jours ; Rainbow ne risquerait pas de briser ce bonheur fragile pour qu’elle puisse avoir une chance de passer une bonne nuit. Depuis sa cachette derrière la porte, elle regarda la pouliche se lisser pendant quelques minutes, jusqu’à ce qu’elle semble en avoir terminé.

« Tu as fini, Scoots ? » demanda Rainbow, brisant avec réticence ce moment paisible.

Scootaloo se tourna rapidement, un peu surprise par cette intrusion, et hocha la tête avant de se blottir dans le lit. Un instant plus tard, elle était sur le dos, la tête bien installée sur un oreille, sortant à peine de sous les couvertures.

« Une histoire ? » demanda Scootaloo.

« Une histoire », répliqua Rainbow. « Alors, qu’est-ce que tu veux entendre ? Sheppard ? Casse-Cou ? Pourquoi pas la fois où j’ai battu une armée de changelins à moi tout seule ? »

« Casse-Cou », répondit la pouliche, attendant avec impatience son moment préféré du coucher.

« Okay, alors c’est parti pour Casse-Cou », dit Rainbow, en commençant à raconter l’histoire de Casse-Cou et la Coupe du Griffon. Elle avait lu le livre assez de fois pour connaître l’histoire par cœur. Elle remarqua que Scootaloo commença à fermer ses paupières au moment où Casse-Cou cherchait l’entrée du temple caché dans la jungle, et comprit qu’il était temps de conclure l’histoire.

Rainbow déposa un doux baiser sur le front de Scootaloo et lui dit bonne nuit, avant de reprendre sa routine habituelle avant de se mettre au lit. Après une rapide douche et un lissage des plumes, elle se blottit dans son propre lit. Rainbow ne pouvait s’empêcher de remarquer qu’il semblait plus vide sans la pouliche avec elle. Toutes deux passèrent une bonne nuit, leur fatigue écartant tous les soucis.

Le petit-déjeuner du lendemain se passa en silence. Scootaloo était clairement nerveuse à l’idée de revoir sa mère, et Rainbow ne savait pas exactement comment la réconforter, alors elle décida de laisser la petite seule avec ses pensées.

« Est-ce que je dois faire ça ? » demanda Scootaloo en se préparant à partir.

Au lieu de répondre avec un « Oui » automatique comme le feraient la plupart des adultes, Rainbow surprit Scootaloo en pensant à sa question. « Non », dit-elle, après une brève réflexion. « Je ne peux pas te forcer à le faire. Si tu ne veux pas y aller, alors je dirai à ta mère que tu n’es pas prête, et on attendra que ça soit le bon moment, quand tu te sentiras prête. Mais je pense que tu devrais y aller aujourd’hui. Tu ne te sentiras pas mieux jusqu’à ce que tu le fasses, et si tu ne veux pas le faire pour toi, tu pourrais peut-être le faire pour moi ? »

« Pourquoi tu me le demandes ? » L’inquiétude s’empara du visage de Scootaloo. « Tu veux que j’aille vivre avec elle ? »

Rainbow secoua sa tête. « Scoots, je veux que tu fasses ce qui te rend heureuse, et je continuerai à te le dire jusqu’à ce que tu y croies. Je te le demande parce que je n’ai pas beaucoup parlé à mes parents quand j’étais petite, et je ne veux pas que tu fasses la même erreur. »

« Si quelqu’un d’autre me demandait de faire ça- »

« Eh bien, ce n’est pas quelqu’un d’autre, c’est moi. »

Scootaloo soupira. « Okay, mais seulement parce que c’est toi qui me l’a demandé. »

« Merci, Scoots. Maintenant viens, il est temps d’y aller. »

Scootaloo grimpa sur le dos de Rainbow et la serra un peu plus fort que d’habitude durant le vol jusqu’à la maison de sa mère.

Misty ouvrit la porte et les accueillit avec un sourire chaleureux, si ce n’est nerveux. Scootaloo regarda le sol et trotta lentement vers l’endroit qu’elle avait un jour appelé sa maison.

« Je t’attends juste là », dit Rainbow, pensant qu’il valait mieux rester hors de ça.

Rainbow attendit dehors durant ce qui sembla être une éternité. Elle était nerveuse, mais ne savait pas pourquoi. Si Scootaloo voulait rester avec sa mère, ce serait une bonne chose, non ? Sa mère savait comment élever une pouliche. C’est vrai qu’elle avait fait une grosse erreur, mais une seule erreur ne doit pas gâcher une vie. Les enfants doivent rester avec leurs parents, non ? Ce n’était pas comme si elle ne reverrait jamais Scootaloo ; les choses reviendraient comme avant, et ça serait bien.

Mais si bien ne serait pas assez ? Aussi difficiles et déchirants qu’avaient été les derniers jours, Rainbow ne pouvait pas dire que ça n’en valait pas la peine. Pendant toute sa vie d’adulte, Rainbow avait été seule et faisait les choses par elle-même. Toute sa vie était dédiée à avoir ce qu’elle voulait. Elle avait pris un travail dans l’équipe météo pour avoir le temps de dormir et de s’entraîner pour les Wonderbolts. Elle avait déménagé à Poneyville parce que Fluttershy y vivait, et aussi pour oublier son passé à Cloudsdale. Elle avait pris une tortue (terrestre) comme animal de compagnie il y a longtemps, mais à part lui donner de la salade deux fois par jour et l’emmener voir les autres animaux le mercredi au parc, il ne posait pas trop de contraintes. En fait, c’était pour cela qu’elle aimait Tank, il pouvait prendre soin de lui seul, et le faisait la plupart du temps.

Alors, en théorie, l’idée qu’elle devrait changer son mode de vie pour prendre des décisions avec quelqu’un d’autre devait la terrifier. Et ça le faisait, mais penser à Scootaloo blottie contre elle repoussait ses peurs.

Pendant qu’elle luttait avec ses émotions, elle se rappela ce que Pinkie lui avait un jour dit. Si tu n’es pas sûre de quelque chose, lance une pièce. Pile pour quelque chose, face pour l’autre. Et quand la pièce tombera, tu sauras ce que tu ressens parce que tu seras soit excité soit déçue. Rainbow Dash n’y croyait pas vraiment. La vie était trop compliquée pour être réduite à un simple jeu de hasard, et à une pièce, mais elle en avait une avec elle, et ce n’est pas comme s'il y avait quelque chose d’autre à faire.

Elle sortit une pièce de son sac et la tint entre ses dents. Pile ? Scootaloo resterait avec moi. Face ? Je lui dis de rester avec sa mère. Elle lança la pièce en l’air, la regardant osciller. Elle s’apprêtait à voir le résultat quand la porte s’ouvrit, laissant voir une Scootaloo et Misty apparemment très émues. La pièce retomba au sol tandis que Rainbow regardait les deux ponettes.

« Eh bien ? » demanda Rainbow, se frappant mentalement pour n’avoir pas su dire quelque chose de plus éloquent.

« Et si tu montais en haut pour voir si tu veux prendre quelque chose avec toi ? Je vais parler à Rainbow », dit Misty d’une douce voix à Scootaloo. La pouliche hocha la tête sans un mot et disparut à l’étage.

« Ça veut dire… ? » demanda Rainbow une fois seule avec Misty. Misty acquiesça, les yeux humides.

« Je suis désolée », dit Rainbow.

Misty secoua sa tête. « Non, vous n’avez pas à l’être. Ma fille va là où elle se sent en sécurité et aimée ; c’est tout ce qu’un parent peut vouloir pour son enfant. J’ai du travail à faire avant que Scootaloo me fasse à nouveau confiance, mais ça ne dépend que de moi. Vous étiez là pour Scootaloo quand je ne l’étais pas, et maintenant, vous lui offrez une maison pour tout le temps dont elle en a besoin. Je ne pourrai jamais vous rendre la pareille. »

Rainbow ne savait pas quoi dire. « Je vous promets que je prendrai bien soin d’elle », fut la seule réponse qu’elle parvint à dire.

« Je sais que vous le ferez », répondit Misty.

Les deux poneys restèrent ainsi pendant quelques minutes en attendant que Scootaloo réapparaisse. Les mots étaient de trop ; que peut-on dire dans ce genre de situation ? Heureusement, Scootaloo revint, son sac plus chargé qu’à l’aller. La tête baissée durant tout le trajet, Scootaloo sortit de chez elle et se mit à côté de Rainbow.

« Je pense que le moment est venu », dit Misty en essayant de cacher ses larmes.

Scootaloo marmonna quelque chose d’inaudible et grimpa sur le dos de Rainbow. « On peut y aller ? » murmura-t-elle dans l’oreille de Rainbow. La pégase hocha la tête et agita ses ailes pour se préparer au décollage. Elle acquiesça vers Misty et prit les airs, refusant de regarder derrière elle ; Rainbow ne voulait pas avoir l’image de Misty regardant sa fille s’en aller sur la conscience.

Les deux pégases arrivèrent rapidement à la maison de Rainbow. Scootaloo n’avait pas dit un mot durant tout le vol ; lorsqu’elle la fit descendre de son dos, Rainbow pouvait voir que la petite était peinée.

« J’imagine que ça n’a pas été facile pour toi. Tu tiens le coup, p’tite ? » demanda Rainbow en laissant Scootaloo déposer ses sacs de selle.

Les mots de Scootaloo sortirent d’elle comme s'ils n’attendaient qu’un signal pour se déverser. « Je… je ne sais pas. Maman a dit qu’elle était désolée, et je voulais lui pardonner, mais chaque fois que je la regardais, j’étais en colère, et tout dans la maison me rappelait lui, et maintenant que je suis ici, je devrais être heureuse mais je ne le suis pas, et c’est pas juste pour toi, parce que tu n’aurais pas dû prendre soin de moi, mais je n’ai nulle part ailleurs où aller. » Elle s’interrompit pendant un instant avant de regarder fixement le sol, « je suis une horrible pouliche… rien de tout cela n’arriverait si je pouvais lui pardonner. »

Rainbow sentit son cœur se serrer. Elle s’assit près de la pouliche orange et la regarda droit dans les yeux. « Scoots, tu n’es pas une horrible pouliche. Tu es une pouliche merveilleuse qui a dû faire face à des choses horribles. Je ne veux plus que tu t’inquiètes pour moi. Je dis la vérité quand je dis que je t’aime, et ça veut dire que si ma petite sœur cherche un endroit où dormir, je préfère que ça soit ici que nulle part ailleurs. Je ne sais pas trop comment ça va marcher, mais tu es la chose la plus importante à mes yeux. Et c’est la pure vérité. »

« Mais tu ne devrais pas avoir à prendre soin de moi. Ce n’est pas ton travail. »

« Tu préfèrerais aller vivre dans ta cabane ? » dit Rainbow en essayant de détendre l’atmosphère.

« C’est pas drôle », marmonna Scootaloo.

« Je pense que c’est un peu drôle », grimaça Rainbow. Son sourire disparut pour être remplacé par une expression plus sérieuse. « Et si tu me laissais m’inquiéter de mon travail ? Là maintenant, je dirais que mon travail est de prendre soin de ma petite sœur, parce que c’est ce que font les sœurs. »

Scootaloo leva les yeux vers la pégase. « Tu es vraiment la meilleure sœur du monde. »

Rainbow câlina affectueusement sa petite sœur. « La plupart des poneys ne choisissent pas leurs familles ; tu es coincée avec celle que tu as. J’ai eu de la chance, parce que la pouliche la plus cool du monde m’a choisie moi pour être sa grande sœur. »

Scootaloo sourit et câlina sa grande sœur, un sentiment de sérénité la traversant pour la première fois depuis des mois. « J’ai eu de la chance quand elle a dit oui. »

FIN