L'employeur

C'est devant une maison digne des villas de rock star que Rex arrêta le van vers 16h. En tout, on avait parcouru plus de deux cents bornes, et malgré mon envie pressante de m'expliquer avec l'homme pour qui nous travaillions, je n'avais pu résister aux bras de Morphée qui m'avaient pris après seulement trente minutes de route. Niveau physique j'étais littéralement à plat. Mais heureusement, quand Rex m'eut annoncé que l'on arrivait bientôt, toute ma fatigue s'était évaporée ! (Ah... l'adrénaline.)

En tout cas, le mot "millionnaire" était un tout petit peu faible pour ce que j'avais devant mes yeux. La propriété ressemblait à une forteresse : mur en béton de plus de deux mètres de haut, portail en métal avec caméras et interphone, la seule chose que l'on pouvait distinguer était le dernier étage de la villa. Apparemment monsieur Discord n’aimait pas que l'on mette son nez dans ses affaires. (Logique pour un mec qui engage des mercenaires non ?)

-C'est assez... commençai-je en regardant la villa depuis le siège passager du van.

Rex ricana.

-Ouais comme tu dis ! C'est "assez", répondit-il en me tapant amicalement l'épaule.

J'étais content qu'il ait oublié notre petite dispute au sujet de notre "colis" qui dormait toujours sur la banquette arrière. Car même s'il était strict et parfois sans sentiment, il restait un bon ami.

-En tout cas, il a les moyens... ces caméras de surveillance sont de la même gamme que celles des banques et des laboratoires privés, fit Paul en relevant ses lunettes. Elles doivent valoir chacune 10 000 dollars pièce ! s'exclama-t-il.

Je lui rendis un sourire et hochai la tête tandis que Rex s'approchait de l'interphone.

Bizarrement, j'étais stressé par cette rencontre avec mon employeur (qui pourtant n'était pas ma première). "Sûrement le fait que sa maison soit aussi protégée qu'un coffre d'or, et que s'il ne veut pas payer, il n'aura pas de mal à nous "effacer" sans que quelqu'un ne le voie !" pensai-je. À cette pensée mon visage se crispa. Paul qui en bon observateur remarqua mon visage crispé et me fit un clin d'œil, ce qui relevait du miracle tellement il était timide !

Je me reconcentrai, car après que Rex eut parlé avec un des gardes de la maison, le portail s'ouvrit enfin. Lentement mais sûrement je pus découvrir la propriété : jardin avec pelouse coupée court, sapins taillés en forme de spirales, statues en marbre, et enfin allée de gravillons jusqu'à l'entrée de la villa. Tiens la villa parlons-en ! Trois étages, au moins cinquante mètres de long, pour moi il ne manquait plus que les Porsche et les Ferrari à l'entrée ainsi que la piscine olympique et cette maison était digne de mes rêves (si si j'insiste).

Notre van entra enfin dans la propriété sous le crissement des gravillons. Roulant à faible allure, nous pouvions contempler les moindres recoins des jardins : statues avec un homme bizarre dessus, mini-labyrinthe, la surface devait atteindre les trois hectares ! Ce qui en soit était impressionnant car j'avais rarement vu une propriété aussi grande en plein milieu d'un centre-ville. Après encore quelques mètres, nous arrivions enfin devant la porte. Rex arrêta la voiture, puis comme à son habitude, se colla une cigarette au creux des lèvres.

-On y va ? demandai-je en voyant qu'il ne bougeait toujours pas

Il me fit signe que non, puis me montra la porte d'un coup de tête avant d'expliquer :

-Deux de ses gars vont venir prendre la fille et l'emmener. Ensuite, et seulement ENSUITE on sortira.

Je fis la moue et me recalai dans mon siège en attendant que les deux hommes de main arrivent pour prendre la fille aux cheveux roses.

Il fallut attendre dix minutes pour enfin voir arriver les gardes habillés de costards-cravates et de gants blancs en soie (niveau ponctualité on pouvait faire mieux...) Ils me rappelaient malgré moi mon bouledogue et mon patibulaire de TIC, et cela me fit sourire. Ils s'approchèrent de la voiture, puis ouvrirent la porte arrière avant de prendre délicatement Fluttershy qui lâcha un faible gémissement. Apparemment elle commençait à sortir de son profond sommeil. Puis ils repartirent comme ils étaient venus nous laissant seuls dans la voiture.

Rex prit son 44. Magnum et le rangea dans son holster de poitrine avant de sortir de la voiture.

-Tout le monde descend, déclara-t-il en mettant ses lunettes de soleil.

Paul et moi sortîmes, puis le suivîmes vers la grande porte en métal noir.

-Pourquoi tu as pris ton arme ? demandai-je surpris de ce geste.

Le garçon aux cheveux bruns haussa les épaules et répondit en laissant échapper un nuage de fumée :

-Bah, on ne sait jamais, on a un métier à risque après tout.

J'allais continuer notre conversation quand la porte s'ouvrit enfin. Devant nous se tenait un majordome qui nous "pria" de le suivre et qui demanda à Rex de bien vouloir laisser sa cigarette dehors ce qui agaça le concerné qui finit par la jeter sur le gravas. Nous déambulâmes alors dans les nombreux couloirs de la demeure jusqu'à enfin nous arrêter devant une porte avec des ornements en or. L'homme de main nous ouvrit la porte et nous laissa entrer avant de la refermer derrière nous. En face de nous, un grand bureau avec des tas de feuilles et de dossiers.

Je m'attendais à voir Mr.Discord derrière son bureau, mais je fus surpris de voir un homme débouler par une porte dérobée du mur gauche.

-Alors mission accomplie messieurs ? demanda-t-il avec un grand sourire.

L'homme était assez grand, mince et portait un short avec un T-shirt sur lequel était marqué "Money Power". Je sus par intuition que ce gars n'était pas commun, rien que dans sa façon de parler : rapide et assez innocente. Le millionnaire s'assit sur le bord de son bureau, et nous montra une cafetière.

-Du café ? Je crois que vous devez être complètement à plat après cette.... DURE journée de travail ! s'exclama-t-il en versant du café dans quatre tasses.

Je vis que Rex voulait refuser l'offre, mais il n'en eut pas le temps, car déjà l'homme continuait :

-Mon dieu ! Je vous dois une fière chandelle ! Ou plutôt une grosse somme d'argent ! s'exclama-t-il, mais je peux lire sur vos visage que vous n'en aurez pas besoin ! ricana-t-il.

"Pardon ?" pensai-je. Rex eut sûrement la même réflexion que moi car sa mâchoire se décrocha au sens propre du terme, alors que Paul avait un regard anxieux à l'idée de ne pas être payé. Discord qui vit nos têtes, partit dans un fou rire, puis s'avança vers nous avec les quatre tasses de café.

-Je plaisante voyons ! "Tout travail mérite son dû" ! expliqua-t-il en nous donnant les tasses avant de tapoter amicalement mon épaule.

Malgré ses "sages" paroles et son humour décalé, je ne lui fis aucun sourire.

-On n'est pas là pour boire un coup, fit gravement Rex. Où est l'argent ? On n'a pas que ça à faire.

Je savais qu'il se retenait de mettre une droite à notre bien-aimé employeur, tout son visage était serré de crispation. Discord envoya balader la question d'un geste de main et nous emmena dans des fauteuils en face d'un écran géant.

-Allons allons ! Ce n'est pas poli de refuser un café ! De plus, j'aimerais discuter un peu plus sur cette gentille mission que vous avez effectuée pour moi. ("Gentille" était peu être un peu exagéré non ?)

Il nous plaça dans les fauteuils en cuir noir, puis s'affala dans un canapé, avant de remuer son café sans rien dire. Un long silence s'installa, et même Rex ne vint pas le briser tellement il était dépassé par la situation.

-Je... J'aurais une question sur la fille que l'on a ramenée, commençai-je timidement.

Le visage de l'homme s'illumina et un sourire fendit son visage. Il devait s'être préparé à cette question. Mes coéquipiers de leur côté étaient toujours dans... le flou.

-Ahhh la fille. Fluttershy. Très beau nom ! Et son visage est aussi parfait que mon jardin...

Discord me débita des centaines et des centaines d'adjectifs sur la fille en question si bien que je perdis le fil et que je dus le couper :

-Vous ne répondez pas à ma question.

L'homme partit dans un fou rire puis but son café.

-Quel sot je fais ! Bien sûr oui ! Bien sûr ! Et quelle est cette question ?

-He bien, pourquoi elle était en laboratoire, pourquoi vous vouliez la récupérer. Et surtout qu'est-ce que vous comptez en faire ? déclarai-je.

Le millionnaire jeta sa tasse de café vide dans sa cheminée qui se brisa en mille morceaux, puis répondit :

-C'est très simple ! Elle était en laboratoire, car elle possède un petit plus que nous autres n'avons pas ! Je voulais la récupérer car vois-tu monsieur Tirek est mon principal rival sur le marché de l'armement. Et le fait qu'il puisse mettre la main sur une magie comme celle que possède Fluttershy est tout à fait inconcevable ! Tu m'imagines !? Moi. Perdre toutes mes actions juste parce que MONsieur aurait kidnappé et puisé dans les pouvoirs d'une fille ! Certainement pas ! s'offusqua-t-il.

-De la magie ? demandai-je de peur d'avoir mal saisi le mot.

L'homme parut choqué par ma question et tout en prenant la télécommande de l'écran géant s'exclama :

-Bien sûr ! Tu n'es pas au courant !? Toute la ville en a parlé ! Doux Seigneur ! Comment peut-on être au courant de rien quand le monde est au courant de tout !? (c'est d'une logique implacable.)

-Pas pour tout le monde, fit une voix.

Je tournai la tête vers Rex qui était maintenant levé et qui m'invitait du regard à en faire de même.

-C'est fini. On a fait le job. Donc maintenant on passe au paiement. Les explications je m'en tape, déclara-t-il froidement.

Le visage de Discord ne cilla pas et l'homme reprit :

-Votre argent est déjà versé sur vos trois comptes. Et j'ai un autre contrat à vous proposer. Donc si vous voulez bien rester et regarder cette magnifique vidéo, sourit-il en allumant l'écran noir.

Mes deux amis hésitèrent, puis finalement se rassirent pour regarder la vidéo.

Elle démarra enfin, et dévoila une plaine avec un amphithéâtre à ciel ouvert où l'on pouvait voir trois filles en train de chanter devant une assez grande foule. Après quelques minutes de vidéo, on vit un deuxième rassemblement de filles en face de la scène un peu plus loin. Puis encore après on assistait à un fait complètement... fou. Par un miracle ou plutôt par "magie", les filles du deuxième groupe s'étaient transformées en "humains-poneys" ? Puis il y eut un bouclier, puis une explosion... c'était dingue.

À la fin de la vidéo, Discord éteignit l'écran et nous regarda avec un immense sourire.

-C'est fou n'est-ce pas ? Pourtant c'est bien réel. Je ne sais pas où vous étiez quand cela s'est produit, mais vous avez raté le "show" de votre vie. Au moins Tirek lui ne l'a pas loupé ! déclara-t-il.

Mes coéquipiers et moi ne répondîmes rien pendant plus de trois minutes... avant qu'enfin Rex reprenne la conversation.

-Et donc notre prochaine mission ?

-Très simple ! Tirek veut ces filles, votre objectif est de me les ramener pour qu'il ne puisse pas mettre la main dessus. Elles vous croiront puisque cette douce Fluttershy viendra avec vous ! Et après ça nous pourrons chanter et danser sous ce beau soleil d'été ! répondit Discord en mimant des pas de danse.

Rex se leva furibond et s'énerva :

-Vous pouvez rêvez ! Le baby-sitting n'est pas de mon ressort et encore moins vos histoires de magie et de machins ! Vous vous passerez de nous ! Déjà que l'on a la police fédérale aux fesses, on va certainement pas replonger maintenant !

L'homme d'affaires le regarda s'énerver sans rien dire, puis quand il eut fini, me désigna du doigt.

-Je ne crois pas que Riley soit de votre avis mon cher.

-Je... Quoi ? Heu non ! Enfin... m'embrouillai-je.

Car d'un côté c'était bien vrai, je voulais aider ces filles, ne serait-ce que pour les connaître un peu plus. L'aspect marketing de Discord m'importait peu. Je préférais voir les amies de Flutershy avec un millionnaire fou plutôt qu'avec un patron d'entreprise psychopathe. Et puis j'avais un compte à régler avec ce Tirek, on ne me faisait pas sauter du 15ème étage d'un immeuble sans conséquence !

Rex et Paul me regardèrent et comprirent mes pensées.

-Alors tu nous lâches ? demanda Paul avec de l'émotion dans la voix.

-Laisse Polo (car c'était son surnom), il veut la jouer solo, il la jouera solo ! fit Rex en prenant le blondinet par l'épaule. Au plaisir de ne jamais vous revoir ! lança-t-il à Discord avant d'ouvrir rageusement la porte et de la claquer derrière lui.

Honteux je baissai la tête. Je connaissais le tempérament de Rex, et vu comme il était, il était plus malheureux qu'énervé et c'était d'ailleurs pour cette raison qu'il était vite parti... les "au revoir" sentimentaux ne faisaient pas partie de son personnage. Il préférait partir en colère et ensuite revenir après avoir digéré, plutôt que de parler directement. En plus la rencontre avec Discord n'avait pas apaisé son humeur... J'espérai seulement qu'il ne me ferait pas la tête trop longtemps. "Quel con je suis parfois...." me réprimai-je intérieurement.

-Oh ! Ne déprime pas mon petit Riley ! Tu vas voir on va s'amuser ! fit Discord en me tapant sur l'épaule, Déjà on va dîner dehors et profiter de la piscine, et demain TU iras chercher mes protégées ! C'est pas super comme emploi du temps ? demanda-t-il en me regardant avec un sourire.

Je soupirai et me levai enfin avant de regarder l'homme dans les yeux. Ce mec était timbré, mais comparé à ce que j'avais vu dans la vidéo il était normal (c'était ça le pire).

Je refoulai mes idées noires et répondis :

-Ouais c'est sûr. Ça va être "super", sauf que je n'ai plus de voiture, et qu'au niveau équipement tout était dans le van. Et quant à la fille, vous me laisserez m'entretenir avec ? demandai-je.

-Pour les équipements compte sur moi ! répondit-il avec un sourire sournois, Et pour la fille... laisse lui le temps ! Tiens en parlant de temps ! "Le temps c'est de l'argent", alors toi et moi, on va aller t'acheter une belle voiture !

Sur cette phrase, il me prit par l'épaule et m'emmena avec lui. Pas de doute j'étais désormais dans une histoire assez... folle ? Improbable ? "Magique" ? Je n'eus le temps d'y réfléchir car déjà Discord me débitait des noms de voiture de luxe et d'armes en tous genres.

Je ne savais pas dans quelle direction j'allais, mais en tout cas, je ne pouvais plus faire machine arrière...

Épilogue :

Du haut de l'immeuble qui se trouvait en face de la seule villa de la ville, un homme en manteau noir attendait que les portes de la propriété s'ouvrent pour passer à l'action. Il était allongé sur le dernier étage du bâtiment en béton, et avait une splendide vue sur tout la villa.

Après quelques minutes d'attente, les portes s'ouvrirent enfin et dévoilèrent un van noir. L'homme regarda partir le van de la propriété et le suivit du regard avec un grand rictus. Il sortit son appareil photo au zoom super puissant et photographia la plaque d'immatriculation. Puis il reporta son regard vers la villa et la prit en photo elle aussi.

Puis tout en rangeant son appareil, repartit en direction de la porte qui menait aux escaliers intérieurs de l'immeuble. Alors qu'il passait la porte, il sortit son portable et composa un numéro qu'il connaissait par cœur. Le temps que la numérotation se fasse, il porta son regard sur un homme mort allongé avec une balle en pleine tête qui gisait près de la porte de sortie sur le toit.

Malgré sa discrétion, il avait quand même eu quelqu'un dans les pattes... mais ce n'était qu'un dégât collatéral sans importance.

L'appel fut enfin accepté à l'autre bout de la ligne, et une voix grave engagea la conversation :

-Apportez-moi une bonne nouvelle Dekker, j'en ai plus qu'assez d'être entouré d'incapables, grogna la voix.

-J'ai localisé vos fauteurs de trouble ainsi que l'endroit où ils ont emmené la fille. Quelles sont mes nouvelles instructions ?

-Descendez-les moi ! Vous passerez au reste plus tard.

Sur cette phrase, l'homme à la voix grave raccrocha. Dekker rangea son téléphone portable enjamba le corps de l'homme mort avant de mettre son casque audio sur ses oreilles et de partir en sifflotant. "Enfin un peu d'action..." pensa-t-il alors qu'il avait déjà choisi lequel des trois mercenaires tuer en premier.