Chapitre 1: Espoir

Elle arpentait sa chambre. Elle avait compté chaque pas effectué dans cette chambre. Devrait-elle le faire ? Cela ouvrirait bien des portes, dont certaines qu’elle n’était pas certaine à avoir envie de faire face. Il y aurait des conséquences, elle en était sûre, mais elle était prête. La question restait, est-ce que lui l’était ?

Elle se prenait la tête. Elle n’était même pas sûre qu’il serait intéressé en elle, ce n’était pas comme s'ils avaient passé beaucoup de temps ensemble mais ce qu’elle avait vu de lui avait assez piqué sa curiosité pour qu’elle mène sa discrète enquête. Les rapports de ses gardiens de la Nuit étaient un peu creux, manquant des détails qu’elle attendait, mais elle pouvait en avoir une image assez claire. Un solide et fiable membre de la communauté, quelqu’un qui passait beaucoup de temps à écouter et à regarder le monde autour de lui avant de s’exprimer, offrant une opinion souvent résumée en un mot.

Un travailleur, heureux de sa vie, mais apparemment, il avait été vu en train d’observer l’air rêveur l’équipe météo de Poneyville, comme s'il rêvait de voler au-dessus des berges dans lesquels il se tuait à la tâche. Aucun pégase ordinaire ne pouvait lui offrir ça, il était bien trop grand ça mais il espérait toujours, même si le vol serait laborieux et lent. Mais elle le pouvait. Elle pouvait lui montrer le monde tel que le voyait les résidents de Cloudsdale, elle pouvait…

Elle frappa du sabot, en colère, en sentant les papillons dans son estomac, et sa poitrine se serrer en imaginant son corps contre le sien. Elle n’était pas une pouliche qui découvrait les choses de la vie. Elle était, elle était…Elle était seule. Ça faisait très, très, très longtemps qu’elle n’avait pas eu quelqu’un dans sa vie.

Elle arpenta encore sa chambre avant de lever son sabot jusqu’à sa bouche pour réfléchir sur la durée de son célibat. Avant son bannissement, avant de basculer dans la folie, il y en a eu un et elle était reconnaissante qu’il l’ait quitté avant de descendre dans les cauchemars mais à part lui ? Elle ne parvenait pas à s’en rappeler.

Oh, il y avait bien eu ces rendez-vous avec des amants, quand l’envie était trop forte pour y résister. Elle se baladait dans la nuit pour trouver un étalon prêt à la satisfaire, influençant ses rêves juste assez pour qu’il se réveille en face d’elle, et qu’il réagisse comme elle le désirait.

Elle sourit en se remémorant ces souvenirs fort plaisants. C’est drôle de voir à quel point les contes de ses exploits nocturnes avaient changé, devenant des légendes de démons qui venaient séduire les étalons la nuit. Elle se demandait si Tia en était la cause, même si elle suspectait que sa pudique sœur ne s’attarderait pas sur ça. Bien sûr, toutes ces légendes à propos d’elle faisant l’amour jusqu’à la mort n’était que des sottises. Elle était une alicorne, et elle n’avait pas besoin de se nourrir de la vie pour vivre. Mais tout cela la distrayait.

Elle reprit sa marche dans sa chambre, regardant de temps en temps la grande vitre au plafond pour étudier le ciel nocturne. Combien de temps cela faisait-il ? Maintenant, elle se rappelait de lui. Un étalon licorne, et particulièrement doué. Comment s’appelait-il ? Swift quelque chose ? Le nom étant familier mais elle ne se rappelait pas du reste. Elle sentit une pointe de culpabilité à ce propos, se rappelant de sa promesse alors qu’il gisait mourant, vieux et fragile, souhaitant avoir juste un jour de plus avec elle.

Ce serait la même chose. Il vieillirait, s’affaiblirait et mourait tandis qu’elle resterait seule, oubliant son nom comme tous les autres. Etait-ce une raison pour tout laisser tomber ? Serait-il plus simple de demeurer dans la solitude et de s’épargner l’inévitable souffrance qui conclurait cette histoire ?

Elle marcha vers le balcon, tournant son télescope vers les lumières de Poneyville au loin. Là, juste de l’autre côté la ville, il y avait la Ferme de la Douce Pomme. Tous dormaient, elle pouvait sentir leurs rêves et ce serait si facile de s’y introduire, de lui parler, d’être avec lui-même si c’était seulement pour un rêve, fugace et presque oublié par la sonnerie du réveil…Mais non, elle voulait plus que ça, avait besoin de plus que ça. Il méritait mieux qu’un simple rêve, qu’une illusion et sur ce, Luna avait prise sa décision.

Il méritait bien mieux. Il méritait une jument qui serait prête à le courtiser, de le suivre si besoin, et qui pourrait le séduire. Mais il y avait des façons de faire, un protocole et une étiquette à observer qui passait, premièrement, par aller voir la chef de famille.

D’abord, elle devrait obtenir la permission d’Applejack de courtiser son frère. Ce serait simple d’aller dans son rêve plutôt que de voler jusque là-bas. Oui, une conversation dans un rêve lucide serait le meilleur moyen de commencer, de s’assurer que ses intentions soient les bienvenues. Elle ne voulait pas causer de tort à la famille Apple, pas quand ils étaient des proches de la meilleure élève de Celestia.

En concentrant sa magie, il était chose aisée de passer d’un monde à l’autre. Le château et la ville disparurent en haut d’une grande plaine avec un infini ciel étoilé au-dessus d’elle, un doux vent brossant sa crinière et son corps pendant que ce rêve lucide l’accueillait.

Elle étudia chaque étoile tour à tour, chacune d’entre elle reliée au cœur et à l’âme d’un des poneys qu’elle protégeait chaque nuit, laissant son instinct se diriger vers celle qu’elle désirait voir ce soir. Ah, la voilà. Les porteuses des éléments étaient les plus faciles à trouver, car elles brillaient plus que les autres, avec la couleur de leur élément.

L’étoile d’Applejack avait une couleur rouge profonde pendant que Luna étendit son sabot et l’amenait vers elle avec sa magie. « Viens, ma petite. Voyons de quoi rêve la brave Applejack ce soir. »

L’étoile descendit, brillant vivement, brossa son sabot et un battement de cœur plus tard, elle se retrouve devant les pommiers du verger. Un rêve habituel, jusqu’ici. Elle entendait des voix plus loin et les suivit.

« …j’ai pas l’argent ! Vous devez juste nous donner un peu plus de temps ! »

« Mademoiselle Apple, c’est à regret que la banque ne peut plus vous étendre son prêt. Si vous ne pouvez pas rembourser votre dette d’ici vendredi, votre ferme sera saisie. »

Luna émergea des arbres pour trouver Applejack face à la seule chose dont elle avait vraiment peur-perdre sa ferme. Elle regardait avec furie ce que l’on pouvait décrire comme une belette en costume de banquier, qui regardait ce poney terrestre avec des yeux dédaigneux par-derrière ses lunettes. C’était donc comme ça qu’Applejack voyait ses créanciers ? Elle ne pouvait pas dire qu’elle était surprise, les banquiers n’étant pas les poneys les plus populaires, surtout envers les fermiers comme elle.

« S’il vous plaît, mademoiselle Apple. Vous n’avez pas besoin de vous fâcher », répliqua la belette. « Je ne fais que mon travail. J’espère vous voir à la banque ce vendredi avec l’argent ou sinon ma prochaine visite sera malheureusement beaucoup moins plaisante. Bonne journée. »

Il se retourna et disparut dans les arbres, s’évanouissant dans le néant pendant que le rêve se poursuivait et qu’Applejack regardait impuissante sa ferme alors qu’une larme coulait le long de sa joue. Luna grimaça, ce n’était pas le meilleur moment pour interrompre un rêve mais…

« Applejack ? » l’appela-t-elle. « Pouvons-nous te déranger un instant ? »

« Que-quoi ? Princesse Luna ? Qu’est-ce que vous faites là ? Vous venez m’aider pour la ferme ? »

« Pas directement, non. C’est un rêve, brave Applejack. Tu n’as rien à craindre pour la Ferme de la Douce Pomme. »

« M…mais ça semblait si réel. » Elle trotta en avant pour frapper du sabot l’un des arbres, puis comprit. « Mais j’imagine que les gens de la banque ne sont pas de grandes belettes, hein ? Pendant un moment, j’ai cru…Alors, si c’est un rêve, pourquoi vous êtes là ? »

Luna s’éclaircit la voix, creusant le sol avec sa patte en essayant de trouver les bons mots, sa crinière étoilée se mettant devant son visage. « Nous voudrions te demander la permission de courtiser ton frère. »

« Quoi ? Je…je ne crois pas vous avoir entendue, Princesse. »

« Nous souhaitons courtiser ton frère ! » lâcha-t-elle. « En tant que chef de la maison Apple de Poneyville, nous devons te demander la permission avant de faire connaître notre affection à Macintosh. »

Applejack la regarda, les yeux grands ouverts, pendant si longtemps que Luna commençait à penser qu’elle avait dû souffrir d’un traumatisme et qu’elle aurait besoin d’aide à Poneyville. Enfin, la ponette terrestre finit par parler. « Mais POURQUOI ? » fût tout ce qu’elle put dire. « Rien contre mon frère, Princesse, mais de tous les poneys d’Equestria sur qui vous pourriez avoir des vues, pourquoi Big Mac ? »

« Parce qu’il aime la nuit », fût sa réponse simple. « C’est ce qui nous as attirés à lui. Il y a tant de choses que tu ignores sur lui, brave Applejack, qu’il garde pour lui-même, ne les révélant que seul dans l’obscurité. »

« Mais on est justes des poneys de fermes ennuyeux ! » continua à protester Applejack. « Qu’est-ce qu’on pourrait offrir à la royauté ? On n’a pas de titres ou d’argent ou quelque chose d’autre. On a juste des pommes. »

« Avons-nous, euh, ai-je l’air d’avoir besoin de titres ou d’argent, Applejack ? » dit Luna en abandonnant le « Nous » royal qui s’immisçait dans son discours quand elle ne se concentrait pas assez. « ce que je cherche, c’est un compagnon. Macintosh a à un grand cœur et un esprit pur. Il est… »

Le regard vide d’Applejack lui indiquait qu’elle devait mieux s’expliquer et elle soupira. « Tiens-toi prête, Applejack. Je vais te montrer ce que peu voient. » Elle leva un sabot et le tourna en cercle. La ferme et le verger disparurent, laissant les deux juments sur le sol désormais nu du rêve lucide.

Applejack s’ébroua de surprise, regardant ses sabots, et tombant sur la douce herbe violette qui lui chatouillait les sabots, puis leva les yeux émerveillés devant le ciel étoilé autour d’eux. « Où sommes-nous ? »

« Mon royaume », répliqua la Princesse. « C’est ici que je peux voir tous les rêves de mes petits poneys. » Elle sourit et pressa son sabot contre la joue d’Applejack, appuyant sur sa tête ronde. « Regarde ! Regarde-là, brave Applejack. Peu de gens peuvent voir ça. »

« Je ne vois rien à part… » Elle s’interrompit alors qu’une étoile dorée prit vie à l’horizon. « je ne comprends pas ? C’est quoi que je regarde, Princesse ? »

« Chacune d’entre elle est un poney. L’étoile est son esprit, sa force de vie si tu préfères. Plus le poney est jeune, plus elle est brillante. Ça, chère Applejack, est un poney qui vient juste de naître. Un poulain licorne, né dans une petite ville minière près d’Appleloosa. Ses parents n’ont pas encore choisi son nom. » Elle sourit doucement, puis retourna son attention vers son invité. « C’est mon refuge. Je partage rarement cela avec quelqu’un, mais il est important que tu comprennes pourquoi ton frère m’a attiré l’œil. Tu as déjà été à Canterlot, n’est-ce pas ? » Elle fit une pause et regarda Applejack, devinant quelle serait sa réponse. « Tu sais comment sont les poneys. Dans la cour, il y a toujours des plans et complots, la danse de la politique ne cesse jamais et quand tu reviens après un millénaire de bannissement… », elle sourit vers Applejack, « alors ça peut être difficile à gérer, surtout lorsqu’on est seule. »

Elle commença à marcher lentement dans l’herbe, fermant un instant ses yeux pour la sentir entre ses jambes, étirant ses ailes pour profiter de la brise dans ses plumes. « Mais ici, je peux trouver la paix. Ton frère n’est pas un vantard. Il est assez timide et peu confiant. Les imbéciles considèrent son silence comme un manque d’intelligence mais nous savons toi et moi qu’il vaut mieux que ça. Il pense à chaque mot avant de parler et ne le fait que lorsqu’il le faut. Ton frère m’aiderait à trouver le calme que je cherche dans le monde réel tout comme ici. » Elle fit une pause. « Il y a plus, mais je ne sais si je dois le dire. Les choses que je vois dans ses rêves, les choses qu’il a dit quand il parle à ma nuit. Cela restera entre nous deux mais ne pense pas qu’il m’intéresse uniquement pour ça. Je crois que je peux lui offrir beaucoup en retour. »

Applejack hocha simplement la tête en marchant en silence à côté de la Princesse. « Il ne voit personne », confirma-t-elle. « Je veux dire il y a eu tout cet incident avec le poison d’amour, mais lui et Miss Cheerilee sont juste des amis. Il n’est pas homosexuel non plus, alors ça ne sera pas un problème. » Elle retira son Stetson de sa tête et frotta sa crinière. « J’imagine que je n’ai aucune raison de vous en empêcher, mais c’est à lui de voir s'il veut aller plus loin. »

Luna pouvait à peine contenir sa joie en prenant Applejack dans ses sabots pour l’étreindre contre elle, « Oh MERCI chère Applejack ! Tu n’auras pas à le regretter ! Je le traiterais avec toute la bonté qu’il mérite ! »

Applejack put seulement souffler un « Pas de problème » en cherchant sa respiration dans l’étreinte de la Princesse. « Alors…quand est-ce que vous allez faire ça ? »

« Tu me verras très vite, Applejack », promit Luna en reculant. « Pour le moment, il est temps de retourner dans ton rêve. »

« Oh, alors bonne nuit si je puis dire. Est-ce que je devrais dire à Big Mac que vous aller venir le voir ? »

« J’apprécierai que tu ne le fasses pas. Pas encore. Je dois me préparer avant de le voir. »

« Comme vous voulez. A plus, Princesse ! » Avec ça, Applejack disparut et fut remplacée par l’étoile rouge brillante. Avec un mouvement de corne, Luna la renvoya à sa place à côté des autres et sourit de manière triomphante.