A la découverte de Ponyville

Comme la journée se prolongeait dans l’après-midi, O’Neill se retrouva sans travail à accomplir. Il avait trouvé une clairière appropriée, cachée, mais non loin de la ville, où il avait pu se soulager du poids de ses paquets. C’était l’heure des recherches, ce qui signifiait que les rats de bibliothèque travaillaient d’arrache-pied, mais tout ce qu’il pouvait faire était attendre pour avoir plus d’informations.

Impatient, il décida de tenter sa chance avec les poneys une fois de plus. Il retourna dans les rues de Ponyville, mi-patrouillant, mi-errant. Il eut certainement plus que son quota de regards éberlués de la part de la population locale, et tandis qu’ils ne couraient pas et qu’ils ne se cachaient pas, bien sûr, les conversations s’arrêtaient encore à mesure qu’il approchait, et ils lui firent une large place. Quand il essaya de saluer quelques poneys au hasard, ils trottinèrent nerveusement loin de lui en couinant. Il avait la moitié de la rue à lui et une bulle de silence deux fois plus grande.

Il commençait à être sur les nerfs.

Il ne fallut que quelques minutes avant que son œil gauche ne développe un tic, et moins longtemps encore avant qu'il ne sorte du chemin sans avertissement, se dirigeant tout droit vers un poney au hasard. La petite foule détala, tous sortant de son chemin sauf un mâle couvert de brun que O’Neill avait ciblé. Le poney fit nerveusement un pas en arrière mais restait sur place, pétrifié par le sourire troublant qui couvrait maintenant le visage de O’Neill.

“Hé, mon pote! J’m’appelle Jack O’Neill ! C’est quoi ton nom ?” Sa voix était peut-être plus forte que nécessaire, effrayante de sympathie. Il tendit brusquement une main, le mouvement fut juste assez agressif pour que le poney fît encore un pas en arrière, rentrant cette fois dans le mur du bâtiment derrière lui. Il se décala nerveusement, et O’Neill put voir le marquage sur son arrière-train : un grand sablier d’or.

Le poney se dandina sur ses pattes, mais l'homme très amical et très grand ne voulait pas partir. “Euh. Who?”

“Quoi ?”

“Quoi ?”

Son rictus crispée s’étira plus largement. “Qui êtes-vous ?”

“Oh. Euh, ouais...”

“E-excusez-moi.” La voix était à peine un murmure, mais elle fendit la gêne comme un couteau. O’Neill sursauta et regarda vers le bas à côté de lui. Le poney jaune qui s’était approché de lui silencieusement comme une brise recula pour échapper à son regard. Il ne fallut qu’une seconde avant qu’elle ne se ressaisisse, regardant vers lui avec un grand œil à travers une gracieuse crinière rose. Elle ne put fixer son regard longtemps, rougissant en regardant vers le sol. “Désolée,” couina-t-elle. “Mais le patient est éveillé maintenant… vous savez, si vous voulez venir le voir…”

Elle recula d’un pas, et se fit toute petite, se réfugiant dans sa crinière jusqu'à ce que seul le bout de son nez soit visible. “S-si vous êtes d’accord, je veux dire…”

Jack soupira et lui offrit un léger sourire. Même un cynique accompli comme lui ne pouvait rester de marbre devant un visage si innocent. Il était beaucoup trop attachant. “Ouais, c’est bon. Allez, amène moi a lui.” Le malheureux étalon saisit sa chance et s’élança, puis disparut au coin de la rue.

Elle hocha la tête légèrement, et réussit à se calmer suffisamment pour commencer à marcher lentement dans la rue. Lorsqu’il lui demanda, elle dit avec hésitation que son nom était Fluttershy, et Jack, n'étant pas du genre bavard, trouva exhortant de discuter avec elle lorsque celle-ci le mena à l'infirmerie. Elle aimait les fleurs, les animaux et le chant, et elle était vraiment très reconnaissante que l'équipe SG-1 ait réussi à sauver les pouliches sans les blesser, les petites chéries. O’Neill entretenait la discussion et Fluttershy devenait un peu plus audacieuse pendant qu’ils marchaient. Elle remarqua son intérêt pour les bâtiments qui les entouraient, et commença timidement à donner les noms des magasins et les points d’intérêt.

“Oh, et voici la bibliothèque. Vos amis sont là-bas avec Twilight Sparkle et Spike, n’est-ce pas?” O'Neill grogna, puis se glissa vers la fenêtre pour regarder à l’intérieur et se renseigner sur ce qu'il en était. Ça ressemblait à n'importe quelle petite bibliothèque, pour le peu qu'O'Neill en savait. Les livres étaient partout, mais les rats de bibliothèque avaient au moins réussi à garder les piles pour la plupart bien rangées. Carter était debout, un livre à la main, feuilletant lentement, les yeux survolant les pages. Elle se promenait devant une échelle, sur laquelle se tenait Spike. Il fouilla dans les rayons avant de retirer un autre livre, de le remettre à Carter qui le prit avec un coup d'oeil en murmurant “merci”. Il fallut une seconde à O'Neill pour trouver Jackson, mais finalement il repéra l’homme assis les jambes croisées sur un mur à côté d’une grande pile de livres. Il en tenait un devant lui, à le feuilleter comme Carter le faisait avec les siens.

O’Neill cligna des yeux. Sur le genoux de Jackson, le poney violet était recroquevillé confortablement. Elle était presque trop grande pour lui ; un sabot pendait paresseusement sur un côté de l’homme, un livre ouvert posé sur le plancher. Sa corne scintilla brièvement, et la page tourna. Jackson tenait son livre d’une main, l’autre reposant sur le dos de Twilight Sparkle. Les deux partageaient le même sourire de contentement.

Le colonel souffla longuement et jeta un regard à Fluttershy. “Ouais. Ouais, ils ont l'air bien installés. Allons-y” Il essaya de modérer le mécontentement dans sa voix sur les deux derniers mots, mais le petit poney couina de détresse quand même. Il commença à descendre la rue d'un air furieux, chaque pas une tentative d’évacuer son irritation qu’il ressentait de plus en plus.

“Cupcakes ! CupcakesCupcakesCupcakes !” La voix perçante et joyeuse s'amplifiait alors que O'Neill et Fluttershy continuaient leur route vers l'infirmerie, et il pouvait voir de l'activité à proximité d'un bâtiment aux couleurs vives. Un poney très rose sautillait en boucle, une assiette en équilibre sur sa crinière bouclée au mépris des lois de la physique. Il ralentit en voyant autour de qui elle sautiait.

Teal'c se tenait là, immobile, sauf pour son regard qui suivait à la trace le poney. O'Neill n'avait jamais connu le grand homme avoir un large éventail d'émotions, et il n'en affichait maintenant certainement pas d'avantage, mais O'Neill pouvait voir le sourcil froncé et l'expression méfiante sur le visage du Jaffa. Il était inquiet... et si O'Neill ne s’y trompait pas, effrayé aussi.

La boule d'énergie rose ne semblait même pas s'en apercevoir. "Vas-y, mon grand !" gazouilla-t-elle joyeusement. "Ils sont bons ! Tu dois y goûter ! Tu es notre invité, pas vrai ?" Elle s'arrêta de sautiller pour un moment, plantant ses sabots sur le sol en levant un regard furieux vers lui. "C'est très malpoli de ne pas vouloir goûter !"

Si le cynisme d’O'Neill avait eu des moments difficiles face à Fluttershy, l'implacabilité de Teal'c ne pouvait pas résister à ce poney. Il laissa échapper un long soupir. "Comme vous voudrez, Pinkamena Diane Pie. Je vais goûter à un gâteau."

Le poney s'arrêta et regarda fixement Teal'c, sa bouche ouverte largement. "Comment sais-tu mon nom complet ? Tout le monde m'appelle simplement Pinkie Pie !" Elle regarda O'Neill, les yeux surpris et ronds, et il ne put que hausser les épaules.

“Ne me le demandez pas... Il est juste ... comme ça."

Avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit en plus, le regard de Pinkie Pie se braqua sur lui, puis elle poussa un soupir bruyant et exagéré. L'expression de Fluttershy se fit un peu paniquée et elle recula rapidement de quelques pas loin de O'Neill. Elle esquiva de justesse Pinkie Pie alors que le poney s'élançait, sautillant autour de l'humain à une vitesse vertigineuse. "Tu est Jack ! Je t'ai vu lorsque je suis entrée dans la ville ! Oh mon dieu, tu veux un petit gâteau ?" Elle s'arrêta en face de lui, se levant sur ses pattes de derrière pour planter ses sabots à sa ceinture, lui présentant l’assiette de petits gâteaux. O'Neill ne pouvait que s'étonner pendant tout ce temps que l’assiette n'ait pas vacillé, ni qu’aucun de ses petits gâteaux n'ait bougé d'un pouce.

Il leva les mains pour les agiter en signe de défense. Elle obéit, après un moment, les yeux fixés sur lui avec un sourire éclatant et ces yeux terriblement grands.

“Merci ! Vraiment ! Mais je pense que j'ai déjà fait une overdose de sucre."

Elle pencha la tête d'un air interrogatif pendant un moment avant de se remettre à sourire.

"Okie dokie lokie. Si tu es sûr !"

"Teal'c, venez. Fluttershy a dit que le prison-” O'Neill jeta un œil à ladite jument, qui regardait timidement au loin. "Ah, le patient est éveillé. Allons discuter." Il désigna d'un pouce Pinkie, qui avait jeté l’assiette sur le sol et qui dévorait joyeusement le reste des petits gâteaux. "Avant qu'elle ne se mette à chanter ou quelque chose comme ça. La façon dont cet endroit pourrit mes dents, je ne serais pas surpris."

"Sans hésiter, Colonel O'Neill" concéda Teal'c, exaspéré. Ils marchèrent constamment à grands pas à travers le reste de la ville, Fluttershy entre eux.

"Êtes-vous allé à l'infirmerie?" demanda O'Neill.

"Non. J'ai rencontré les Chercheuses de Talents." Teal'c haussa les sourcils à l'expression vide de O'Neill. "Les trois petits poneys que nous avons sauvés. Il semblait impoli de les ignorer, alors j'ai arrêté de parler. Lorsque nous nous sommes séparés... " il réprima un frisson infime que O'Neill faillit ne pas remarquer. "Elle est apparue."

Il lança un coup d'oeil à O'Neill. " Vous avez eu de la chance de vous être échappé si rapidement."

"Pinkie Pie ?" La douce voix provenait à partir du sol, tous les deux clignèrent des yeux ; ils avaient presque oublié Fluttershy. Elle rougit lorsqu’ils se tournèrent, mais elle continua, "Elle est toujours comme ça. Elle est vraiment très agréable et sympathique, un peu, euh... " Sa voix se fit murmure, encore plus que d'habitude, comme elle allait dire quelque chose qui pourrait être interprété comme une critique de son amie, "...intense."

"Comme tous les tueurs en série", murmura O'Neill, et le trio continua vers l'infirmerie, sans plus de conversation.

L'infirmerie se révéla être une assez grande tente en plein air de l'autre côté de la ville. Des rangées de petits lits remplissaient l'espace intérieur. Elle ressemblait à la tente... de n'importe quel toubib, seulement bleu ciel plutôt que vert olive. Tous les lits étaient vides, sauf deux ; ceux-ci avaient été poussés ensemble pour faire un lit simple pour le cheval Jaffa. Le grand étalon était couché sur le côté indemne, sa respiration peu profonde, mais stable. Une poulie avait été installée pour garder son aile blessée tendue, en gardant la plaie exposée de sorte que les petits poneys infirmières puissent le traiter.

Une infirmière se tourna lorsque le trio s'approcha. Ses yeux s'agrandirent lorsqu'elle leva les yeux vers O'Neill et Teal'c, mais elle se reprit assez vite pour adresser un bref sourire Fluttershy. "Merci beaucoup, ma chère. C'est juste que je les imaginais... moins grands."

Fluttershy baissa la tête et sourit. "C’était un plaisir." Elle regarda par-dessus le cheval, le visage de plus en plus triste. "Y a-t-il autre chose que je puissse faire?"

L'infirmière lui donna un sourire fatigué. “J'apprécie vraiment, mais nous avons les choses bien en sabot ici. Allez-y, ma chérie, je ne vais pas vous retenir plus longtemps. "

Fluttershy hocha la tête, donnant au patient un dernier regard avant de sourire à O'Neill et Teal'c. “Au revoir. C'était très agréable de vous rencontrer."

O'Neill lui fit un petit sourire et la salua avant de se déplacer avec précaution dans la tente. Teal'c le suivit de près. L'infirmière les arrêta avant qu'ils ne fussent trop loin, leur donnant tour à tour un regard sévère. "Vous pouvez lui parler, mais si vous l'énervez trop ou que vous le contrariez, je vais devoir vous demander de partir. Il doit se reposer."

O'Neill leva les mains et acquiesça silencieusement, et les deux hommes s'assirent sur le plancher de la tente près de la tête du Jaffa. Le cheval regarda O'Neill en silence, poussa un grognement de dédain et jeta un coup d'oeil à Teal'c. Il commença à congédier Teal'c comme il l'avait fait avec Jack mais il marqua un temps d'arrêt. Les infirmières exprimèrent leurs mécontentement alors que le cheval sursautait et bougeait dans le lit pour essayer de se lever. “Primat !" Sa respiration devint rapidement pénible, et sous la douleur de sa blessure il fut finalement contraint de se calmer. Il regarda fixement Teal'c, les yeux écarquillés et incrédules.

Les deux hommes échangèrent un regard. Silencieusement, O'Neill fit un signe à Teal'c pour qu'il puisse procéder, auquel le Jaffa répondit avec un hochement de tête en signe de remerciement. O'Neill s'assit, les bras croisés, afin d'observer et écouter.

Teal'c se tourna vers le cheval, en faisant face à son oeil. “Je suis Teal'c de Chulak, Jaffa de liaison pour le Stargate Command... et ancien Primat d'Apophis." Sa bouche se tordit de mépris pour ce dernier, mais il soutint le regard du cheval quand même. "Nous avons beaucoup de questions à vous posez. Commençons avec votre nom."

Le cheval hésita, ne sachant pas s’il fallait être rebelle ou soumis. Finalement, il soupira et s'installa dos contre le lit. “Je suis Brind'l. Je sers ma déesse Epona en tant que chef de la cohorte Sky."

"Brind'l. Pourquoi avez-vous enlevé des enfants ?"

Brind'l grimaça et eut la décence de sembler honteux. “Ce n'était pas notre plan. Nous étions en reconnaissance dans les bois à l'extérieur du village quand nous sommes tombés sur ces trois-là. Mes compagnons les ont saisies pour les empêcher d'alerter les autres. Et – il haussa une épaule – un interrogatoire éventuel." Il perçut la dangereuse lueur dans l'œil de O'Neill et un certain degré de défi et de fierté se manifesta de nouveau dans son attitude. "Nous ne les aurions pas blessées. Nous ferons ce que nous devons pour servir notre déesse, mais nous ne sommes pas cruels inutilement."

Teal'c continua de la même voix calme. “Ces poneys ne vous ont jamais vus auparavant. D'où venez-vous et pourquoi êtes-vous ici maintenant ?"

Le cheval réfléchit, décidant apparemment de ce qu'il était autorisé à partager. Finalement il haussa à nouveau les épaules. "Epona a gouverné ce monde et nous l'avons servie. Je ne prétends pas connaître l'esprit de ma déesse, mais je crois qu'Elle a vu que Son temps sur ce monde touchait à sa fin. En conséquence, Elle a plongé mon équipe dans un profond sommeil, pour que nous soyons réveillés à Son retour. Je ne peux pas prétendre savoir combien de temps s'est écoulé depuis, mais nous nous sommes réveillés deux nuits plus tôt."

O'Neill se redressa et partagea un regard avec Teal'c. Le Jaffa hocha la tête, mais personne ne parla. Teal'c reporta son attention sur Brind'l.

“Pourquoi étiez-vous en reconnaissance ?"

"C'est la volonté d'Epona que ces terres Lui soient rendues." Les infirmières continuaient leurs administrations et leurs durs travaux, mais elles commencèrent à jeter des regards inquiets au cheval, d'autant plus que sa voix prenait de l’assurance. “Si sa volonté doit être faite. Cela sera fait.”

"Combien de compagnons ont dormi avec vous ?"

Brind'l rit doucement, fermant les yeux et appuyant sa tête contre l'oreiller. "Je ne suis pas un imbécile, Primat, ni un traître. Je ne le dirai pas."

O'Neill se pencha en avant, l'air pensif. "Alors... Brind'l. Puisque vous vous êtes réveillé, est-ce qu'Epona est déjà... – il fit un geste vague avec les mains – ...de retour ?"

Brind'l broncha comme s’il eût été frappé. Il détourna son visage des deux humains, le peu d'énergie qu'il lui restait se dissipant lentement "J'ai dit tout ce que j'avais à dire." Il se tut, et ne semblait pas enclin à en dire plus.

O'Neill et Teal'c s'échangèrent un regard, et se levèrent en même temps. En quittant la couverture de la tente médicale, ils marchèrent vers les arbres jusqu'à être sûrs qu'ils étaient hors de portée de voix. "Deux nuits plus tôt, il a dit," murmura O'Neill.

"Oui."

"C'est lorsque nous sommes arrivés par la porte."

"Oui."

"Arrêtez ça. Alors, que pensez-vous de notre nouvel ami ?"

"Vous aviez vu juste, Colonel O'Neill. Le doute est dans son esprit." Teal'c regarda par-dessus l'épaule O'Neill vers la tente. "Il est indécis, et il regrette l'enlèvement des pouliches. Je ne crois pas que nous aurons besoin de recourir à des interrogatoires." Il réfléchit un instant, puis hocha la tête. "Permettez-moi de rester avec lui pendant la nuit. Je vais lui révéler que les mots d'Epona et des Goa'uld sont des mensonges. Si je ne peux pas le convaincre de nous donner des renseignement, je peux au moins semer les graines de la rébellion. Ces Jaffa sont peut-être des chevaux, O'Neill, mais ils méritent d'être aussi libres que n'importe quel autre."

O'Neill sourit. "C'est ça, mon petit révolutionnaire. J'allais vous demander de rester en tout cas. Nous avons besoin de quelqu’un pour le surveiller au cas où il déciderait de s'enfuir au milieu de la nuit.” Il tappa Teal'c sur l'avant bras. "Bonne chance ! Je repars au campement. Restez en contact."

Teal'c baissa la tête. "Bien sûr, Colonel O'Neill."