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Whisper Sun, Silent Moon

Une fiction traduite par Sakiru.

Whisper Sun, Silent Moon

Celestia sentit le soleil se lever. Elle l’avait bel et bien pressenti, dans les tréfonds de son âme, tandis qu’elle regardait à l’Est. Attendant simplement avec la jungle endormie, que les premiers rayons de lumière percent les grands nuages gris, recouvrant le bleu de l’océan.

Elle avait pour cela choisi sa colline favorite, près du rivage de l’Île, qui lui octroyait une vue imprenable sur la petite vallée boisée, masquée en partie par la brume matinale.

Et au-delà, c’était la mer, paraissant presque infinie de son point de vue, et dont aucune terre n’était visible, aussi loin que portait son regard. Mais il y avait le soleil. À chaque battement de cœur de l’alicorne, celui-ci s’élevait un peu plus à l’horizon, semblant complètement uni à elle, par le lien le plus intime.

Ainsi, au fur et à mesure que le soleil se levait, elle sentait son sang se vivifier, ses membres s’alléger peu à peu, plus légers que la lumière elle-même. Puis elle sut en son for intérieur, que l’aube approchait.

Et c’est sans doute ce que l’eau devait pressentir, à chaque marée, gagnant les rivages de l’île, pour s’élever à chaque vague un peu plus sur la côte, telle une symphonie atteignant son paroxysme.

 

Les animaux de la jungle se levèrent tous ensemble avec elle. Le ciel à l’aspect velouté couvrit peu à peu la nuit, consumée par le rose et l’orange de l’aube, tandis que les oiseaux s'appelaient par de vifs trilles et gazouillis, se demandant juste quand la journée allait commencer. Leurs rivaux ailés en profitèrent pour pousser de petits cris indignés, clamant avec force les branches les plus privilégiées de l’extraordinaire spectacle qui se déroulait sous leurs yeux.

Une créature sylvestre se fraya maladroitement un chemin à travers la végétation ; Celestia pouvait la reconnaître à sa peau rugueuse semblable à une armure, ainsi qu’à sa corne à trois branches, du haut de son perchoir.

Cet être à l’apparence si singulière croisait chaque jour sa route à cette époque, son emploi du temps restant presque immuable, tout comme l’était le sien.

Il semblait prendre plaisir à se hâter vers la rive, toujours en avance sur les autres animaux, toutefois les épais nuages gris à l'horizon leur promettaient à tous une bien mauvaise journée.

Celestia quant à elle, ne s’en inquiétait guère.

Quel que soit le temps qu’il ferait, le soleil devait se lever.

Et il en serait ainsi, pour toujours. Par une simple parole prêtée sous la pression d’une épée, Celestia s’était elle-même et à jamais, accablée par ce serment. Pourtant elle ne ressentait aucun poids sur ses épaules. D’ailleurs, que voulaient dire les mots ‘à jamais’, à présent qu’elle était devenue immortelle ?

Ses oreilles se dressèrent instantanément, au son d’un battement d’ailes et de l’herbe piétinée par une paire de sabots. Luna ne prenait jamais la peine d'atterrir avec grâce et dignité.

“Sois prudente, grande sœur,” murmura Luna à son oreille, en frissonnant d’impatience. “J'ai déjà renvoyé la Lune sur son orbite habituelle... Cependant, c’est maintenant que notre magie est la plus fragile, dans l’entre-temps.”

“Ne me le-” commença Celestia ; sa crinière rose miroitait en ondulant. “-rappelle pas, petite sœur.”

Luna grattait le sol, le regard fixé à l’horizon, telle une guerrière contemplant un champ de bataille ; de la même manière qu’elle avait observé l’immense bataille qui s’était déroulée au royaume de Cristal, au milieu du carnage et de la désolation.

“Souviens-toi de nos leçons : l’angle est la clé. Ignore les vents solaires. Cet astre est léger, mais prends garde à son inertie !”

Celestia se fendit d’un sourire bien malgré elle, mais l’alicorne réussit néanmoins à éviter de rompre le contact visuel avec l’horizon. Et cela, même si elle trouvait sa sœur assez adorable de s’attaquer ainsi à chaque situation, en élaborant des stratégies presque guerrières.

“Du calme, Luna. Tu agis comme si nous allions combattre Sombra, une fois de plus.”

 

Le ciel brillait à présent d’une lueur rouge-orangé, et elle ressentit la lumière du soleil fondre en son âme. Le moment était si proche, et elle se sentait comme une mèche attendant impatiemment l'étincelle qui la ferait se consumer. Chaque parcelle de son être rongeait son frein, au fur et à mesure que la pression déployée sur sa magie augmentait, la lumière irradiant de sa corne se confondant presque avec le ciel illuminé.

Son cœur comptait à présent les secondes qui la séparaient encore du lever du jour, chaque battement résonnant avec force dans son esprit. Car chaque instant précédant la victoire du soleil sur l'obscurité, était semblable à une montagne à gravir, une course à courir et un fossé à enjamber.

La tension derrière sa corne était à présent telle, qu’elle se sentait poussée vers un précipice, n’attendant que le moment opportun pour sauter. Son sang s'enflammait, il était le feu, parcourant ses veines telle une déflagration hors de contrôle, elle ferma alors les yeux au rythme des battements de son cœur, puis ses ailes s’ouvrirent brusquement, arrachant un hoquet de surprise à Luna, qui s’écarta vivement d’elle.

 

Et puis, enfin ! Le soleil apparut, répandant sa clarté sur le bleu de la mer, et éloignait peu à peu le rideau de nuit établi par Luna. Le cœur de Celestia chantait, tandis qu’elle prenait son envol dans un tumulte sans pareil, levant ses sabots en l’air aussi loin que possible pour pousser le soleil plus en avant dans le ciel.

 

Tout sur terre semblait alors exulter de couleur et de vie : sa vue était maintenant perçante et les sons plus vifs à ses oreilles, Celestia ne s’en sentait alors que plus vivante.

Puis, elle se pencha en avant, se laissant juste porter par l’air, et effectua quelques boucles en vol plané, au sommet de la colline, libérant ainsi le trop plein d’énergie dont l’avait empli le soleil, de même qu’il avait nourri la terre en lui insufflant sa vitalité.

Luna l’observa d’en bas, jusqu’à ce que les exaltations de sa sœur s’estompent d’elles-mêmes ; sa brumeuse crinière bleue s’agita alors quelque peu, bien qu’il n’y ait pas de vent.

 

Elle avait remarqué ces changements qui se manifestaient peu à peu en elle, et de façon plus évidente à présent, mais au lieu de l'effrayer, leur présence était pour elle plutôt grisante.

 

“Notre pouvoir s'accroît chaque jour qui passe,” fit-elle remarquer à Celestia, qui atterrit non loin d’elle. “Cela fait maintenant trois mois que nous levons le soleil et la lune, sans la moindre difficulté.”

Toujours un peu fatiguée et haletante à chacun de ses succès, et bien que l’énergie du soleil semble l’acclamer pour sa réussite en déversant sur elle son infinie lumière, Celestia hocha simplement la tête.

“Je suis sûr que Discord doit s’en arracher les cornes,” ajouta Luna accompagné d’un claquement aérien de sa crinière. Sa voix était dure et pleine de hargne. “Bientôt nous serons en mesure de libérer Equestria de sa folie.”

“Bientôt,” répondit Celestia, en soulignant ainsi que sa conception du mot “bientôt,” était fort différente de celle de sa sœur.

Luna ignora sciemment le sous-entendu de Celestia, regardant simplement en direction du soleil, pour le voir ainsi glisser de plus en plus en avant dans le ciel. C’était peu de choses, toutefois, tout cela était devenu une seconde nature pour elles, de protéger férocement les astres à l’aide de leurs pouvoirs et en vertu de leurs corps célestes.

“Tu vois, ma sœur ! Regarde ce que nous avons accompli ! Pour quelle raison devons-nous reporter cela ? Il s’est déjà écoulé une année entière depuis que nous avons vaincu Sombra. Une année durant laquelle Discord n’a pu que regarder le soleil et la lune se lever et choir, et cela en dépit de ses efforts les plus acharnés. Cette même routine jour après jour, d’une révolution parfaitement ordonnée, entachant sa belle vision du chaos ! Et il connaît sûrement nos intentions à présent, alors ? Devons-nous lui donner plus de temps pour se préparer ?”

 

Celestia savait déjà ce qui allait se produire. Elle ressentait de plus en plus ses derniers temps, la colère de sa sœur ainsi que son impatience, aussi sûrement qu’elle levait le soleil chaque jour. Elle détourna son regard d’elle, pour admirer les vents solaires qui faisaient chatoyer sa crinière flottant simplement dans les airs, telle une bannière qu’elle avait soulevée au mépris de Sombra et de sa tyrannie. Sa chevelure teintée de rose s'était alors confondue en orange et rouge, et elle remarquait également des notes de jaune s’y ajouter de temps en temps.

Elle sentait jour après jour, sa crinière se changer en quelque chose de merveilleusement éthéré, quelque chose de... différent. Quelque chose d’autre. Bien que cela ne l’empêche pas de regretter son ancienne crinière de temps à autre.

 

Presque une année,” murmura-t-elle, en réprimandant sa sœur en douceur. “Sans compter que le général Tirek s’est enfui lors de la bataille finale avec une force non négligeable, pour son propre compte.” Luna avait alors baissé la tête, mais au-delà des bruits de la jungle qui s’éveillait peu à peu, un léger soupir parvint aux oreilles de Celestia. Lorsque Luna se tourna vers elle, elle la fixa avec la même intensité que les astres brillaient dans son ciel nocturne.

Une douloureuse nostalgie s’empara alors de Celestia. Une vie auparavant, à une autre époque, les yeux de Luna brillaient de la curiosité et de l’innocence d’une pouliche. Mais à présent, ils étaient plein de dédain et de mépris.

Luna n’appréciait pas la mine sombre qu’arborait Celestia. Elle n’avait que trop vu, la fatigue se dessiner sur le visage autrefois immaculé de sa sœur, et traçait des sillons sur son front en soulignant sa constante anxiété. Elles n’avaient pourtant jamais vieilli, mais au fond, elles étaient restées semblables à tant de ces poneys qu’elles avaient vus naître.

Et donc la réponse de sa sœur lunaire fut un profond soupir.

“Faut-il que je fasse, comme si j’étais responsable du voile obscur qui couvre constamment ton visage ?”

Celestia ne répondit pas. Il valait mieux laisser Luna exprimer le fond de sa pensée.

“Je ne prétends pas savoir tout ce qu’il y a à savoir de la magie en ce monde !” râla-t-elle, en piétinant l’herbe de ses sabots. D’un geste à la fois stupide et vaguement impressionnant, elle frappa le sol, qui se fendit sous ses sabots avec un bruit sourd.

“Mais ce n’est pas sûrement pas une raison, ma sœur ! La preuve est en nous-mêmes, en notre statut divin. Et Discord n’aura d’autre choix que de s’incliner devant nous ! N’est-ce pas toi qui as rassemblé les rois des cinq royaumes, pour poursuivre la guerre contre Sombra ? Si ce n’était tes conseils et ta force, Discord aurait sûrement été le cadet de nos soucis ! Et maintenant tu traites nos nouveaux pouvoirs comme s’ils n’étaient que des fardeaux à tes yeux, au lieu de les utiliser pour nous élever contre la tyrannie, comme nous l’avons fait par le passé !

-Nous n’avons pas à prétendre être des déesses juste parce que nous maîtrisons de puissants pouvoir, ma chère,” expliqua Celestia, qui patienterait éternellement s’il le faudrait, tant que sa sœur ne serait pas capable de mettre de côté ses pulsions guerrières.

“Et si nous n’avions jamais escaladé la Tour de l’Éternité, nous serions à ce jour bien impuissantes pour affronter qui que ce soit. Mais à présent les choses sont bien différentes. Ici, sur cette île, j’ai eu le temps de m’arrêter et de penser...”

Sa voix se brisa, et son cœur sautait dans sa poitrine comme un animal blessé. L’expression de Luna s’adoucit alors envers sa sœur, elle, parangon de force et de puissance, se mit ainsi à frissonner comme une simple pouliche.

“Oh, dieux. Je n’ai jamais pris le temps de m’arrêter et de réfléchir, depuis tant d’années à présent...” Puis, Celestia ravala la petite boule qui s’était formée dans sa gorge et cligna brièvement des yeux, libérant ainsi les larmes qui s’y étaient formées.

Toutefois comme elles l’avaient si bien appris, la maîtrise parfaite de leurs sentiments était primordiale pour être estimées en tant que princesses.

Ainsi, lorsqu’elle poursuivit, toute trace de chagrin avait disparu du visage de l'alicorne.

Luna en fit presque claquer sa langue de frustration, et Celestia elle-même se donnait bien du mal pour suivre ces règles de conduite.

“Les combats que nous mènerons à ce jour ne seront pas ceux de simples mortels.

-Nous ne chercherons pas à gagner cette guerre pour la gloire ou la liberté. Sombra était un être arrogant, mais il ne restait qu’une simple licorne. Discord... c’est autre chose. Je vois en lui quelque chose à la fois d’effrayant et de familier. Il est comme nous Luna, et c'est pourquoi nous devons être prudentes. Et c’est aussi pourquoi nous sommes ici à élaborer une stratégie.”

Puis elle toisa du regard sa sœur.

“Et c’est pour cela que nous avons encore besoin d’apprendre. Et savoir jusqu’où nous pouvons aller, et à quel moment nous arrêter.”

Luna se renfrogna et détourna les yeux de sa sœur.

Elle aurait tout aussi bien voulu ériger un bouclier magique, pour écarter chaque once d'inquiétude qui tourmentait sa sœur, mais elle était elle-même rongée par le doute.

“Tu t’inquiètes trop,” lui souffla-t-elle, en déployant ses ailes. “Je vais rompre mon jeûne et dormir un peu. Les matinées sur cette île sont excessivement lumineuses à mes yeux, et les créatures de cette jungle, particulièrement repoussantes.”

Celestia prêta alors une oreille à la jungle luxuriante. Il était vrai que les oiseaux croassaient d’une façon particulièrement bruyante dans cette partie de l’île, et les herbivores faisaient presque autant de bruit qu’une tempête déchaînée.

“Je vais m’entretenir avec Sharrazalka. Tu devrais venir,” répondit Celestia, espérant qu’un changement de sujet rendrait sa sœur plus aimable.

Luna soupira avec lassitude.

“Ce vieux moulin à parole doit être encore en train de ronfler devant sa précieuse idole. Pourquoi te soucies-tu encore de lui ?

-Aurais-tu déjà oublié qu’il a été l’initiateur de notre ascension ? Je voulais l'interroger sur les changements que nous avons observés toutes deux, ces dernières années. Car je ne pense pas qu’ils se limiteront seulement à nos nouvelles crinières éthérées et à notre extrême longévité.

-Tu as tout de même bien apprécié le moment où nos crinières ont commencé à se transformer. Cela te donnait l’air si fringante devant nos troupes,” lui lança Luna, avec un petit sourire narquois, en remuant sa propre chevelure éthérée, qui dansait et brillait à la lumière des étoiles persistant encore dans le ciel, bien au-delà de Celestia.

Puis, elle se mit brusquement à rire.

“Ha ha ! Je me souviens encore du pauvre Spring Rain, lorsque nos crinières s’étaient mises à se mouvoir d’elles-mêmes. Il m’avait regardé d’un air si étonné, et...”

 

Puis elle se tut à ces mots, la mâchoire serrée, tandis que son regard se perdait au loin dans son passé, trop loin même pour être esquissé.

“Il était... si jeune, alors,” murmura-t-elle. “Trop jeune.”

Celestia était presque au bord des larmes, lorsqu’elle étendit son aile sur sa sœur, pour l’attirer à elle, mais Luna l’écarta du sabot et prit son envol, s’éloignant rapidement vers une autre partie de l’île, sans ajouter un mot.

Celestia se tint un certain temps au sommet de la colline, regardant son soleil se lever sans se soucier du monde entier.

Mais elle n’osait plus rester à simplement contempler son destin ; acquiesçant à la vue de sa seule œuvre, elle s’élança alors dans les airs, battant des ailes aussi fortement que possible pour s’élever au-dessus de la falaise, marquant l’entrée du cratère qui dominait au centre de l’île.

Trouver le lieu où se retirait Sharrazalka ne fut pas très difficile. Il avait l’habitude de dormir au centre même du cratère, au milieu des ossements de son peuple.

Mais à vrai dire, trouver Sharrazalka lui-même était autrement plus compliqué. L’énorme cratère, de même que l’ensemble de l’île étaient recouverts par l’épais feuillage de la jungle, là où les bêtes erraient et chassaient, là où elles vivaient et mourraient en un perpétuel renouvellement.

Mais aucun d’eux, ni les féroces lézards cornus, ni les chimères perchées sur le cratère ou même les vicieuses Ombres, n’osait déranger Sharrazalka ou ses invités.

Un primitif instinct de survie, qu’ils avaient conservé par-delà l’espace et le temps, leur faisait savoir que tous trois détenaient une puissance capable de les balayer d’un simple revers de la patte.

Celestia regarda s’envoler une “Yixhil,” comme les appelait Sharrazalka dans son ancien langage, et dont émanait une certaine grâce tandis que l’alicorne la survolait ; ses plumes brillantes rayonnant en un arc-en-ciel de couleurs.

 

Elle atterrit alors sur un plateau rocheux, au centre du cratère, sur lequel était érigé un monument.

C’était une statue en onyx d’environ sa taille, sculptée en forme de dragon, les ailes déployées et la queue enroulée autour d’une sphère d’où la créature se perchait. Elle était déjà là lorsque Celestia et Luna arrivèrent sur l’île. Et Sharrazalka affirmait également qu’elle était déjà présente, lorsqu’il revint sur l’île.

Aucun d’eux ne savait pourquoi elle était là, et jusqu’à maintenant elle s’était avérée indestructible. Sharrazalka leur avait dit qu’elle avait sûrement une importante signification, mais que personne ne semblait pour l’instant, être digne d’en saisir le sens.

Celestia l’avait à présent considérée comme une simple curiosité de l’île, et qui n’avait de toute façon aucune incidence sur la mission qu’elle s’était confiée.

Tant qu’elle ne revenait pas à la vie pour l’attaquer, celle-ci pouvait bien rester assise à regarder passer les nuages pour l’éternité.

Mis à part la statue, le plateau rocailleux était un vaste espace stérile et plein de poussière, à peine dispersée par les nombreux affleurements des rochers et des petites pierres.

“Sharrazalka !” lança-t-elle, d’une voix assez forte pour être confondue avec un coup de tonnerre. “Debout ! Je voudrais m’entretenir avec vous !”

Le son de sa voix avait alors résonné jusqu’en amont du plateau, avant de mourir dans le plus complet des silences. Durant un instant, Celestia crut qu’elle avait manqué en quelque sorte son mentor.

Puis, le sol commença à trembler, et une partie du paysage se souleva en projetant des nuages de graviers et de poussière.

Des geysers de terre explosèrent dans tous les sens, comme si une puissante force de la nature avait bandé ses muscles, pour secouer des tonnes de rochers sur son dos, et qu’il ne s’agissait pour elle que d’ennuyeux moustiques.

Celestia se tenait au sol, matérialisant un écran de protection devant elle, pour dévier la douche mortelle de rochers qui s’abattait un peu partout aux alentours. Elle l’avait déjà vu auparavant, mais il ne cessait de l’étonner.

Le peu qu’elle vit de la créature était déjà très impressionnant en soi.

Bien que beaucoup de dragons soient gigantesques à leurs façons, à côté desquels un poney avait l’air d’un simple écureuil, ils n’étaient pas aussi immenses que celui-ci.

Cette bête massive qui secouait son dos en projetant des pans entiers de terre, comme si ce n’avait été que de la poussière, la faisait juste se sentir comme une petite coccinelle qui tentait de se mesurer à une grande bâtisse.

Elle ne savait même pas où regarder, pour ne serait-ce que l’avoir entièrement dans son champ de vision.

Elle vit sa longue queue sinueuse et recouverte d’écailles de bronze, surgir du sol tel un serpent, puis ses griffes acérées, bien qu’usées par l’âge, brisant les rochers sur lesquels elles se posaient comme s’il ne s’agissait que de simples brindilles.

Son long cou couvert de centaines de bosselures et tacheté par la vieillesse, se déroula pour s’élever au-dessus d’elle, avec l’indifférence d’un dieu marchant au milieu des rochers, et son imposante tête angulaire fit face à l’alicorne. Le dragon colossal était dans son élément.

Il étendit ensuite ses larges ailes, qui déployées couvraient toute l’étendue du plateau, faisant paraître les ailes de Celestia complètement insignifiantes à côté de celles-ci.

Néanmoins, elles tombaient en lambeaux, déchirées par le temps et leur usage, rappelant toutefois un glorieux passé où leur puissance à ce moment-là, n’avait pas encore fait place à la faiblesse.

Le simple secouement de ses ailes provoqua une tempête de poussière, enveloppant l’alicorne ainsi que l’imperturbable statue qui se tenait derrière elle, dans un épais brouillard.

 

Les dragons grandissaient souvent au milieu de leurs hordes, les profonds sentiments qu’ils partageaient avec leurs semblables, mais surtout leurs larcins, leur conférant leur puissance si redoutée.

Mais Sharrazalka n’avait jamais dans sa vie, accumulé des gemmes ou autres bibelots pour satisfaire un désir aussi primaire que la cupidité. Il était le dépôt de toutes connaissances, et sa taille ne témoignait que des longues années à accroître la sagesse qu’il détenait.

Enfin, lorsqu’il cessa de s’étirer, Sharrazalka s’appuya de tout son poids sur le plateau rocailleux. Bien qu’il se soit doucement posé sur celui-ci, il provoqua un séisme qui fit frémir la terre sous les sabots de Celestia.

“Hmmm,” gronda-t-il longuement, et Celestia ressentit alors le même son résonnant dans sa poitrine. Ses yeux magenta, fixèrent tour à tour chaque œil vert émeraude du dragon. Son visage était tout simplement trop grand pour lui permettre d’avoir un semblant de contact visuel, même à cinquante pieds de distance.

“Il est trop tôt dans la matinée,” grommela Sharrazalka, en remuant à peine les lèvres. “-pour une autre leçon, Celestia. Et je vois que vous avez levé le soleil... une fois de plus. Félicitations. À présent laissez-moi me reposer.

-Sharrazalka, je vous demande pardon,” cria Celestia de toutes ses forces, sa voix amplifiée par la magie. Le chuchotement du dragon était d’ailleurs pour elle, son plus puissant hurlement. “-mais je viens vous demander conseil ! Vous nous avez aidées à acquérir ces pouvoirs, mais ils nous changent ! Et d’une manière que je n’avais pas prévue !

-Moi non plus,” entonna le dragon, en haussant des épaules. “Mais le changement est dans la nature. Si nous pouvions le prévoir, pourquoi nous embêterions-nous à le rechercher ?

“Je ne vois là aucune raison de s'inquiéter. Vous m’avez l’air bien portante, pour une nouvelle déesse, Celestia.

-Sharrazalka ! Ce ne sont pas uniquement des changements dans mon apparence, mais dans mon cœur en ce qui me concerne. Et dans celui de ma sœur également.”

Le dragon prit une profonde inspiration. Ses poumons se gonflant d’air résonnaient aux oreilles de Celestia, comme un ouragan. Elle se prépara à affronter sa mélancolie, manifestée par un long et profond soupir.

“Luna est une guerrière,” marmonna-t-il à travers ses lèvres sèches et gercées. “C’est elle qui a tenu tête à l’arrogance de Sombra, et permis ainsi votre victoire. Et bon débarras, personne ne regrettera cet être malfaisant en ce monde. Mais Luna est issue d’une race différente de la vôtre, Celestia, et ces nouveaux pouvoirs n’y sont pour rien. L’étreinte fraîcheur de la nuit ne peut étouffer le feu qui court dans ses veines. Pourquoi vous tourmentez-vous avec des choses auxquelles vous ne pouvez rien ?”

-Parce que je ne connais pas ses pensées les plus intimes, seulement les miennes ! Je dois savoir Sharrazalka : est-ce que ces pouvoirs vont nous dépouiller de tout ce que nous étions autrefois ? Sommes-nous condamnées pour toujours, à réaliser à quel point nous sommes éloignées des mêmes poneys que nous avions promis de défendre et protéger ?

Luna souhaite de tout son cœur pouvoir les sauver, ainsi que moi-même ! Mais je me sens si distante vis-à-vis d’elle, Sharrazalka ! Je me sens si étrange ! Je savais que je ne serais plus jamais la même après cela, mais ne suis-je pas qu’une simple jument, au fond ?”

 

Toutefois l’antique dragon de bronze, répondit bien trop rapidement au goût de Celestia.

“Vous êtes étrange. Vous êtes différente. Et vous serez à jamais séparée des autres poneys, Celestia. La question n’est plus de savoir si vos nouvelles capacités vous ont dépouillés de ce que vous étiez. C’est déjà chose faite.”

Il haussa à nouveau des épaules, avec indifférence.

“Vous l’avez nié si profondément. Car la Celestia qui était venue me voir il y a tant d’années à présent, est morte au moment même où elle est entrée dans ma demeure.

Le silence austère de Celestia ainsi que son regard fuyant, fit rire le dragon malgré lui, qui résonnait alors comme une pluie de météores, s'entrechoquant les unes sur les autres.

“Je vois que vous n’êtes pas venue me voir pour des réponses, mais plutôt pour que je vous montre les réponses que vous possédiez déjà,” murmura-t-il. “Vous craignez que vos pouvoirs vous mènent à un territoire inconnu où vous seriez alors perdue et confuse. Il est vrai qu’au fond, vous souhaiteriez toujours penser comme une jument, à chercher les limites de vos compétences jusqu’à la fin de votre vie, et à vivre simplement aux côtés des gens que vous aimez. Oui, vous étiez une jument, en des temps reculés... et votre esprit s’y accroche encore, craignant tout ce qui vous arrive dans cette nouvelle vie, sans limites aucunes, ni frontières.”

 

Celestia baissa la tête à ces mots, qui l’avaient malgré elle, profondément ébranlée.

“Lorsque nous étions en guerre contre Sombra,” répondit-elle calmement, “je pouvais encore croire que tout était normal pour nous. Je pouvais encore croire que ce que nous avions accompli à cet instant, ne se reproduirait sans doute pas. Mais à présent...

 

-Maintenant vous faites face à un adversaire qui ressentira le temps s’écouler tout comme vous le ressentez actuellement... car le temps n’a également aucune prise sur lui.”

“Et il y aura bien d’autres défis à relever,” chuchota-t-elle, tout en savant que Sharrazalka l’avait sûrement entendue. “C’est tout de même étrange, de penser que le soleil, cet astre... m’appartient.

“Luna est bien meilleure que moi, à certains égards.

“Elle... elle ne réfléchit pas longuement à ce qu’elle accompli, comme je le fais.

“Comment un être, peut-il simplement prendre possession d’un corps céleste ? Est-ce que la force de le faire se lever chaque matin, dans ces vastes étendues paisibles vient de moi, ou bien des pouvoirs qui me sont conférés ?

-Ce sont des questions auxquelles vous aurez l’éternité pour y réfléchir,” répondit le dragon, en brassant légèrement l’air, de ses ailes massives.

Celestia plissa intensément des yeux, elle avait ainsi appris à exprimer son mécontentement dans le plus insignifiant de ses gestes.

“Vous n’étiez pas aussi abrupt, hier.

-Hier, j’avais eu ma sieste.”

Sharrazalka approcha son immense tête au niveau de l’alicorne, en courbant le dos. Celestia se sentait toujours éprise par la peur, lorsqu’un visage de la hauteur d’une colline emplissait sa vue ; la partie mortelle en elle, craindrait toujours les blessures ou la mort. Et c’était quelque chose dont elle était reconnaissante et méprisait en même temps. Pourquoi une immortelle craindrait-elle encore la mort ? Et pourquoi ne devrait-elle pas la craindre ?

“Je... vois,” lui souffla le dragon, expirant une haleine sulfurique qui manqua d’étouffer la princesse solaire.

“Je vois dans votre cœur à quel point vous craignez pour votre sœur et pour vous-même. Mais vous ne pourrez pas connaître vos limites en un clin d’œil, Celestia, ni même de mon vivant.

“Vous cherchez à veiller sur un monde plein de vie, mais pour cela, vous devez y vivre vous-même.

“J’ai vécu des millénaires, mon enfant. J'ai vu la chute de Korazzdrassil et avec lui, la fin de l'Empire du Dragon. J'ai vu les sables du Neighara engloutir les royaumes du Sud, les uns après les autres. J’ai suivi vos gens, lorsqu’ils avaient quitté leur ancienne demeure, et lutté contre leurs propres haines, fondant ainsi la nation d’Equestria. Je peux même remonter l’embouchure du Jormungr à l'époque où il n’était qu’un petit ruisseau, au lieu du puissant fleuve qu’il est devenu aujourd'hui. Je vous ai vue venir à moi, lorsque vous n’étiez qu’une simple alicorne apeurée, et déclarant que vous étiez prête à tout donner pour rendre ce monde plus sûr.

“Je vous ai observée, bravant la Tour de l'Éternité et entamer une nouvelle ère ! Mais un jour je mourrai, et vous serez amenée à réfléchir à ces questions par vous-même.

“Vous êtes au-delà même de ma vue, à présent. Et je ne peux pas vous donner la sagesse pour une vie que je ne connaîtrai jamais.

-Alors, à qui dois-je m'adresser ? demanda-t-elle, interloquée.

-N'est-ce pas évident ?”

Le dragon souffla, puis fit volte-face pour retourner dans le profond sillon où il se reposait.

“Vous n’avez que si peu de savoir sur la manière dont s’ordonne l’Univers,” murmura-t-il. “Vous cherchez vainement votre place en ce monde, alors que vous l’avez déjà.

Vous refusez de la réclamer, de même que votre sœur refuse de la gérer, et vous refusez également de l’écouter. Si vous ne pouvez pas surmonter une simple querelle de famille avec tous vos pouvoirs, alors tout ce que vous serez en mesure de faire pour contrarier Discord ne se limitera qu’à lever et coucher des astres, une petite heure de chaque jour.”

Puis il ferma les yeux, et n’ajouta plus rien.

 

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Celestia se rendit à la caverne de l’Harmonie. Luna lui avait fait alors remarquer à quel point cette appellation était grotesque et stupide à la fois, mais l’alicorne solaire restait persuadée que les Éléments qui y reposaient, méritaient tout de même un minimum d’attention.

C’était là qu’elles se retiraient pour dormir ou simplement pour se rappeler leur ancienne patrie, la grotte n’étant toutefois pas très spacieuse, et résultant simplement de l’érosion d’une partie de la côte, au nord de l’île.

À l’intérieur, une fissure zébrant la voûte de la caverne laissait entrer un peu de lumière ainsi que l’eau qui permit alors le développement d’un petit jardin floral.

Il y faisait humide, mais ce n’était pas si désagréable en soi, Luna veillant aux aguets pour repousser tout insecte nuisible, un peu trop audacieux. Sur un petit piédestal de pierre que Celestia avait relevé du sol à l’aide la magie, se tenaient les Éléments d’Harmonie eux-mêmes. Ils avaient l’air complètement inertes, et Celestia se demandait souvent avec inquiétude, si ses récentes disputes avec sa sœur n’avaient pas affaibli le lien qu’elles entretenaient avec ceux-ci.

Celestia n’avait vu les Éléments d’Harmonie à l’œuvre qu’une seule fois, et ce n’était même pas contre la terrible magie de Sombra, ceux-ci refusant clairement d’être utilisés comme de simples armes de guerre.

Elle repensa alors à ce jour, où elle se tenait au sommet de la Tour de l’Éternité.

Les Éléments étaient venus à elles, à une époque où seul le désespoir et la terreur perduraient sur la surface de la terre ; et lorsque tout l’amour qu'il restait en ce monde n’était partagé qu’entre elle et sa sœur.

Même si elle se souvenait encore de l’ascension sans fin – ce qu’elle voulait oublier –, elle savait que les Éléments n’étaient pas que de banals artefacts magiques, dotés d’un grand pouvoir.

Ils étaient vivants, mais pas dans le sens où ils n’étaient que de vieilles créatures mortelles, vaquant à leurs occupations. Ils étaient la véritable incarnation de l’Harmonie sur terre.

Elle les avait vus, avait parlé avec eux. Ils lui avaient donné la force de combattre les ténèbres qui la hantaient, et la réconfortaient lorsqu’elle méditait des jours et des nuits durant.

Mais à présent, ils n’étaient plus aussi étincelants qu’auparavant et cela l’inquiétait.

Discord était au-delà de tout ce qu’ils avaient combattu jusqu’ici, c’était un être qui incarnait le chaos, de même qu’il en était la source.

Et seuls les Éléments connaissaient véritablement le moyen de le vaincre, mais hélas, ils ne parlaient pas.

“S’il vous plaît,” murmura-t-elle. “Vous me connaissez. Vous savez pourquoi je vous ai tant recherchés.”

Mais ceux-ci ne lui répondirent pas. Celestia soupira, puis s’installa face à ces antiques artefacts, cherchant un peu de réconfort dans leur proximité, même s’ils ne disaient mot.

Elle ressentait encore ce lien subtil qui perdurait entre elle et eux ; Luna et elle-même semblaient complètement différentes de leurs anciens gardiens, car elles concentraient toutes deux en elles-mêmes l’ensemble des Éléments d’Harmonie, et à seulement elles deux, étaient capables de les activer. Néanmoins, Celestia sentait que le fossé entre elle et sa sœur ne cessait de se creuser chaque jour qu’elles reportaient leur affrontement contre Discord, et les Éléments eux-mêmes s’étaient peu à peu éloignés d’elles.

 

Elle entendit alors le grondement du tonnerre à l’extérieur, et peu de temps après que la pluie se mit à tomber, de l’eau commença à s’infiltrer dans la petite caverne, à travers un petit trou au plafond puis se mit à ruisseler le long des parois rocheuses, en s’évacuant par des crevasses à même le sol.

Les gouttelettes de pluie tombaient ainsi sur le sol, dont l’écho résonnait dans la caverne en créant alors un bruit de fond qui couvrait les vagues pensées de l’alicorne, se demandant toujours la manière dont elle allait exposer ses problèmes à sa sœur.

“Tu viens de plus en plus souvent ici, ces derniers temps,” déclara Luna, devant l’entrée de la grotte.

Celestia ne releva pas sa tête vers elle, étant trop occupée à garder les yeux sur l’Élément de la Magie, mis en premier plan par rapport aux autres artefacts.

“Je croyais que tu voulais faire une sieste, répondit tardivement Celestia.

-Je n’arrivais pas à dormir. As-tu au moins mangé quelque chose aujourd’hui ?

-Non.

-Encore ?!” fit Luna, exaspérée.

Celestia poussa un petit soupir, et Luna se sentit alors immédiatement coupable.

 

“Je ne regrette pas ce que j’ai dit,” lâcha-t-elle, en fixant l’un des murs de la caverne. “Mais je... je suis désolée de l’avoir dit de cette façon. Je suis seulement inquiète. Les poneys sont en train de souffrir horriblement à Equestria, tandis que nous sommes là à nous reposer sur nos sabots, en prétendant que nous ne sommes pas les êtres les plus puissants qu’il existe en ce monde.

-Si nous combattons Discord maintenant,” expliqua calmement Celestia. “Nous perdrons.”

“Non, ça n’arrivera pas,” insista Luna. “Nous sommes celles qui avons accumulé le plus de pouvoir, depuis la chute de l’Empire Dragon. Et nous avons les Éléments d’Harmonie. Que nous faudrait-il apprendre de plus, maintenant ?

-Les Éléments sont en train, progressivement, de se détacher de nous.”

La voix chuchotée de Celestia fut clairement audible, couvrant même le bruit du tonnerre. Luna fit quelques pas vers elle.

“Ils n’ont tout simplement pas été utilisés depuis bien longtemps,” répondit-elle, en secouant sa crinière. “Tu penses que je ne l’ai pas senti également ? Ils croient sans doute que leur tâche est accomplie puisque nous refusons de les utiliser.”

-Justement, nous ne devrions pas les utiliser. Ils ne nous ont pas aidés lorsque nous avons combattu Sombra, tu t’en souviens ? Ils nous ont juste permis de conquérir la Tour de l’Éternité et d'obtenir nos nouveaux pouvoirs. Ils ne voulaient pas participer à la sauvagerie de la guerre. C’est déjà un miracle que nous ayons pu obtenir assez de pouvoir pour nous passer d’eux.

Les Éléments nous ont protégées, nous ont soutenues en nous donnant force et espoir, mais nous n’avons jamais été leurs maîtres. Pas lorsque l’on cherche à faire tomber la tête d’un autre être vivant.

-Et tu crois que Sombra était un être vivant ? coupa Luna, d’une voix cinglante. Il était aussi affreux qu’un cauchemar sans fin, un véritable monstre qui se jouait de nous. Il voulait contrôler le monde, et c’est à cause de sa violence et de ses manipulations à l’encontre de l’ordre naturel, qu’il a laissé échapper une chose comme Discord !

Est-ce que tes précieux Éléments arrivent à comprendre ça ?”

Celestia tourna juste assez la tête, pour scruter Luna du coin de l’œil. "Mes Éléments ?"

 

Les oreilles de Luna s’abaissèrent progressivement en arrière, au fur et à mesure qu’elle-même reculait.

“Je, je ne voulais pas tout à fait dire ça... mais ma sœur, ne comprends-tu pas ? Si nous continuons à tenter de percer les secrets des Éléments, au lieu de simplement les utiliser de la façon dont ils sont censés être utilisés, nous risquons de perdre toutes nos chances. Avec ou sans eux, notre royaume souffre, et nous avons le devoir d’y revenir aussi rapidement que possible !

-Et si nous revenons sans avoir atteint le maximum de nos capacités, Discord va nous détruire,” répondit Celestia en soupirant. “Luna, pourquoi ne veux-tu pas comprendre, que nous devons faire bien plus que de jeter quelques boules de feu ou juste faire beaucoup de bruit ?

-Tu oses réduire à ça, tout ce que nous avons accompli jusqu’ici ?!” protesta Luna, en frappant son sabot sur le sol, qui provoqua par inadvertance un séisme à l’intérieur de la caverne.

“Je pense que ces pouvoirs te sont montés à la tête, ma sœur ! Oui, nous avons de nouveaux devoirs, et oui, nous devrons nous en préoccuper, mais ce n’est pas le moment ! Nous allons y aller maintenant, ou jamais !”

Celestia se leva et fit face à Luna, son regard canalisant toute sa frustration et son désarroi intérieur. “Et si nous nous jetons comme cela dans le feu de l’action, alors Discord aura ce qu’il espérait ! Il n’est que pur chaos, ma sœur ! Ne comprends-tu pas cela ? Sombra, malgré tous ses pouvoirs, restait un être mortel que nous pouvions encore comprendre. Discord est l’antithèse de tout ce que nous défendons ! Ce n’est pas simplement un général ennemi, il est une chose ! Une idée ! Il n’est rien que le chaos ! L’affronter avec insouciance, sans stratégie ni même l’aide de notre plus puissante magie pour nous protéger, nous conduira à notre perte, c’est évident ! Et ces querelles ne nous aident pas !”

“Tout ce que nous avons fait jusqu’ici, nous l’avons fait pour défendre les poneys !” hurla Luna, sa voix amplifiée par la magie, faisant trembler la grotte sur sa base.

 

“Nous ne sommes pas des poneys !”

Les échos du cri angoissé de Celestia semblaient réduire au silence la tempête à l’extérieur pendant quelques secondes, le vent se dérobant sous la puissance de son cri, pour revenir de belle. Le silence oppressant qui se prolongeait entre les deux sœurs, semblait interminable pour Celestia qui fixa alors le sol, les larmes aux yeux.

Lorsqu’elle ramena à nouveau son regard sur Luna, celle-ci la vit figée sur place, d’un air impénétrable, qui la regardait simplement avec une expression effroyablement vide.

Pour Celestia c’en était trop, et elle se mit ouvertement à laisser couler ses larmes.

“Ne vois-tu pas, ma sœur ?” murmura-t-elle. “Nous ne serons plus jamais comme eux à présent. Nous ne pouvons pas. Nous sommes allées trop loin, nous avons fait trop de sacrifices.

Même les anciens gardiens des Éléments ne s’étaient pas changés eux-mêmes à ce point. Personne n’a jamais fait ça avant nous. Nous... nous devons penser différemment maintenant. Ne vois-tu pas, à quel point tout cela pourrait très mal se finir ? Sans savoir ce que nous ne pouvons faire, et ce que nous ne devrions faire-”

-Ce que nous devons faire, c’est de reconnaître que notre soi-disant royaume est attaqué !” l’interrompit Luna. “Si tu es trop faible pour te rendre compte que nous avons le pouvoir, et que nous devrions – non, que nous devons – l’utiliser, alors je crains que tu ne sois tombée dans le piège de ces êtres qui s’opposent à nous. Ce qui fait notre force, c’est que nous nous rendons compte que nous faisons partie de ce monde, et que nous devons y prendre place !

C’est pour cela que nous avons fait ce voyage ! C’est pour cela que nous avons engagé une guerre contre Sombra ! Et c’est pourquoi Discord devra être piétiné sous nos sabots.”

Elle secoua sauvagement la tête, sa crinière étoilée tourbillonnant autour d’elle comme de la fumée. Puis elle poussa un cri, et brisa le mur de la caverne avec ses sabots avant, projetant des blocs de pierre un peu partout au milieu de la grotte.

Elle fonça ensuite en direction de Celestia.

“Hors de mon chemin, ma sœur !” lui cria-t-elle, en se tournant vers les Éléments. “Je vais leur faire comprendre. Je vais leur faire voir !”

Celestia se déplaça alors en avant pour lui barrer le passage, repoussant faiblement sa sœur du sabot, la gorge nouée.

“Luna, attends, tu ne comprends pas ! Luna, je t’en prie !

-Dégage !” lui ordonna Luna en la repoussant violemment du sabot, puis elle se présenta devant les Éléments d’Harmonie, qui avaient gardé le silence tout au long de leur confrontation.

L’Élément de la Magie en particulier, semblait étinceler légèrement, paraissant ainsi lui lancer un silencieux reproche. Luna l’ignora.

“Ils ont déjà agi pour nous une fois auparavant. Ils agiront de nouveau ! Tu verras !”

Sa corne commença à briller alors qu’elle venait d’atteindre les Éléments. Celestia sentit la froideur de la magie de sa sœur, même à plusieurs pieds de distances, sachant que Luna exigeait des Éléments qu’ils sortent de leur coquille physique, et s’unissent à elle.

Et elle subit immédiatement le contrecoup, avant même qu’elle ne puisse penser à tout arrêter.

Une douleur fulgurante la saisit à la poitrine, et ses genoux se fléchirent, de même que sa corne perdit rapidement de son éclat. Puis, les Éléments projetèrent violemment Luna en arrière.

 

“Luna, non !

Il y eut un bruit épouvantable, comme si des os se brisaient, et le cœur de Celestia s’écrasa à l’intérieur même de sa poitrine.

Une intense nausée la saisit tandis qu’elle se sentit soulevée du sol.

Elle entendit et ressentit une dernière explosion. Mais ce n’était pas juste un bruit.

C’était un sentiment résultant de l’onde de choc qui l’avait frappée, et l’agressait en elle-même, pour lui arracher quelque chose dans ses profondeurs.

Celestia ne pouvait que regarder avec horreur, elle et sa sœur se faire repousser par une vague de lumière pure qui émanait des Éléments, et les soulevait brutalement, pour les repousser au loin. Le rayonnement en lui-même n’était pas brûlant, et sa lumière n’était pas aveuglante, toutefois elle ressentait encore l’agonie de quelque chose de très important en elle, et qui soudainement se brisa.

Ce fut comme si elle se trouvait emprisonnée à l’intérieur de son propre corps, n’étant alors plus qu’une simple observatrice extérieure qui regardait à travers ses yeux, incapable d’influer sur quoique ce soit.

Les deux nouvelles déesses rebondirent contre la dure paroi de la caverne, et battirent maladroitement des ailes pour ne pas s’écraser en catastrophe.

Elles atterrirent lourdement, Celestia la première et Luna par-dessus elle.

Celestia eut le souffle coupé lorsque sa sœur retomba violemment sur sa poitrine, mais elle n’entendit pas ses propres halètements, couverts par un bourdonnement dans ses oreilles et les battements sourds de son cœur. La tempête avait continuée à souffler à l’extérieur, mais ce n’était rien comparé au tumulte de sentiments dans lesquels se noyait Celestia, luttant pour trouver un sens à ce qu’il s’était passé.

 

“Qu’est-ce que... qu’est-ce que tu as fait ?!” lança Celestia, la respiration encore sifflante, tandis que Luna s’était relevée en inspirant une grande bouffée d’air, et se dirigea vers l’entrée de la grotte. Elle passa sa tête à l’extérieur, laissant la pluie couler sur son pelage et apaiser la sueur froide qu’elle venait d’avoir.

“Luna !” fit Celestia en haletant, forçant sur ses genoux encore tremblants, avec l’intense sentiment qu’elle avait perdu quelque chose en elle. Une chose lui avait été prise, et avait à présent disparu. Tout avait mal, très mal tourné.

“Ma sœur ! Comment as-tu pu ?! Les Éléments-”

“-ont disparus,” hoqueta Luna, en s’effondrant sur le ventre. Sa voix n’était plus qu’un murmure à peine audible sous le bruit de la tempête. “Partis. Ils... j’ai... disparus.”

Les genoux de Celestia se dérobèrent sous son poids. Elle accueillit avec satisfaction la douleur lorsque ceux-ci heurtèrent la roche dure, donnant un sens physique à la souffrance intangible qu’elle ressentait en elle-même.

“Comment as-tu pu faire ça ! Comment...” sanglota Celestia, les yeux fermés, en se recroquevillant sur le sol de la caverne. Elle se frappa durement la tête contre la pierre, pour demander réparation voire même échapper à la souffrance qui la paralysait intérieurement. Ce traumatisme, ce choc qu’elle ressentait, c’était comme si l’un de ses os s’était brisé ou bien qu’un membre lui avait été arraché. Comment pourrait-elle guérir ce qu’elle ressentait ?

Elle regarda par-dessus son épaule, à travers les larmes salées qui lui voilait la vue, et remarqua avec horreur que sa crinière avait perdue de sa superbe, virant au rose pur de son enfance, et flottant à peine, tel un étendard sous une petite brise.

Les Éléments étaient toujours à leur place au fond de la grotte, comme si rien ne s’était passé.

Ils étaient totalement silencieux à présent. Vides. Indifférents. Ils n’étaient plus que de simples objets inertes, et qui ne leur seraient plus d’aucun secours.

“Luna,” gémit-elle, mais lorsqu’elle se retourna, sa sœur était déjà partie.

 

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“Je ne sais pas comment cela a pu se produire,” déclara Celestia à Sharrazalka, dès le lendemain. Sa tête était penchée en avant, comme si elle s’attendait inévitablement à recevoir un châtiment du dragon.

“Ni moi,” gronda le dragon. “Savez-vous où Luna est partie ?

-Elle se cache,” gémit lamentablement Celestia. “Elle se cache de nous tous, accablée par la honte et la peur.

-Et pourquoi n’êtes-vous pas à sa recherche ?”

Celestia en eut la gorge nouée. “Je... je ne pense pas qu’il soit sage, de la déranger...

-Oui. Parce que vous n’êtes plus des poneys. Et qui peut maintenant sonder les pensées des dieux ? Luna est une adulte et elle peut se ressaisir d’elle-même. Quelle que soit votre situation actuelle.”

Celestia cligna des yeux, en le regardant avec un mélange de confusion et de colère.

“Mais... Mais je croyais que vous disiez... vous avez toujours dit-

-J’ai dit que vous n’étiez pas des poneys. Mais je n’ai jamais laissé entendre que vous aviez perdu les sentiments qui vous animaient, lorsque vous en faisiez encore partie.

“Avez-vous cru bon de laisser une jument aussi irritable et stupide, se présentant comme une déesse, s’enfuir au milieu d’une crise de colère ? Il n’y a pas d’armées ennemies pour évacuer sa frustration ici. Et je ne serais pas surpris si elle se mettait à faire couler l’île toute entière.”

L’immense dragon soupira, puis se tourna vers le ciel. “Maintenant, je suppose que ce monde est condamné.

-Condamné ?” murmura Celestia, les lèvres retroussées et tremblantes. Cherchant dans l’expression du dragon, la moindre once de pitié à son égard.

“Condamné ? Pourquoi êtes-vous toujours aussi cynique ?

-Et pourquoi êtes-vous aussi stupides ?!” lui hurla le dragon, sa voix semblable à un coup de tonnerre manquant presque de scinder le plateau en deux.

“Jamais, depuis de nombreuses années, je n’ai entendu des Gardiens manipuler les Éléments avec... une telle nonchalance, et avec un comportement aussi irresponsable ! À présent je peux voir une plaie béante en votre âme. Les Éléments se séparant eux-mêmes de leurs porteurs ! Je n’y aurais jamais cru, si je ne le voyais pas à présent, de mes propres yeux !”

Il frappa puissamment de l’une de ses griffes, un rocher, qui s’enfonça dans le sol comme s’il avait coulé dans une flaque d’eau. Celestia hésita, mais elle ne fuit pas.

“Le mal de Discord se propage, Celestia ! Votre pays est certes tombé en premier, mais il ne sera pas le dernier ! Il représente un mal ancien qui ne cessera jamais ses ravages ! Vous pensez qu’il vous donne du répit, pendant que vous et votre sœur vous disputez ?! Chaque parcelle de ce monde sera mise en pièces par ce tyran. Je l’ai vu !”

Il baissa la tête, et fixa intensément Celestia. Face à ces yeux, l’alicorne ne pouvait qu’à peine soutenir son regard, tant ceux-ci brillaient d’une connaissance sans fin. Ces yeux seraient les siens un jour, et cette pensée la terrifiait.

Sharrazalka soupira. “Sans les Éléments, vous n’êtes rien face à lui. Chaque être vivant, des plus brillants esprits aux simples insectes, ne sont rien que des jouets pour lui ! Des jouets qu’il brise morceau par morceau, encore et encore jusqu’à ce qu’il n’en reste rien.

“Savez-vous ce que mes yeux ont vu ? Votre affrontement avec Discord se soldera par un désastre, sans les Éléments. Et tu ne peux imaginer ce qu’il fera, Celestia ! Il te forcera à regarder ta sœur se rompre, atome par atome, en se délectant de chacun de ses cris, et il lui donnera la forme qu’il lui plaira. Puis, il anéantira ce monde, en n’épargnant rien ni personne.

“Là alors il te fera endurer la même chose qu’à ta sœur, en te faisant subir une éternité de souffrance, et lorsque la dernière parcelle de ton esprit t’aura quittée et que ta santé mentale sera réduite à néant, il vous laissera mourir, pour que vous ayez pleinement connaissance de votre échec !”

Celestia recula. Elle se replia sur elle-même, en s’abritant derrière ses ailes pour laisser ses larmes couler sur ses joues. Elle se sentait plus petite qu’une fourmi, et tout aussi inutile, avec la douleur lancinante de la séparation des Éléments en son for intérieur. Et se trouver devant une créature plus âgée et plus sage qu’elle, la réprimandant de la sorte n’arrangeait pas les choses.

“Vous n’êtes même pas digne du titre d’alicorne,” lança Sharrazalka. “Jamais ceux qui vous ont précédés, n’ont été réduits à pleurnicher comme des poulains en bas âge devant la difficulté, tel que vous le faites.”

Celestia le regarda sous ses ailes. “Av-avant ? Il y avait d’autres gardiens, alicornes ?

-En effet.” Le dragon soupira avec lassitude, puis recula jusqu’à ce qu’il puisse s’allonger sur toute la longueur du plateau, en repliant ses ailes contre lui. Sa colère semblait s’écouler hors de son vieux corps comme un ruissellement, un jour de pluie.

“Très peu s’en rappellent encore.

“Il y a maintenant si longtemps qu’ils n’ont plus d’influence en ce monde. Même lorsque je suis venu au monde, les plus récentes rumeurs à leur sujet n’étaient plus que des légendes. Je me demande ce qu’ils penseraient, de voir leur race revenir à la vie, à travers des êtres aussi... faibles. Ils étaient vénérés en leur temps, m'avait-on dit. C’étaient des poneys, mais seulement dans le sens le plus éloigné du terme. Ils étaient les trois tribus en une seule. Mais des êtres aussi mythiques ne pouvaient qu’être de passage en ce monde, pour devenir la légende qu’ils sont aujourd’hui.

“Dans les mythes anciens qui parlent des alicornes, une histoire raconte qu’ils avaient conçus les Éléments, pour canaliser l’Harmonie.

“À cette époque, l’Harmonie était comme Discord, informe. Elle agissait de manière subtile sur terre, inspirant et aidant tous les êtres vivants. Mais tout cela se déroulait avant la guerre cauchemardesque.

-Les Nightmares,” murmura Celestia, en ressentant un grand frisson le long de sa colonne vertébrale. Elle n’en n’avait jamais rencontré un, face à face, et elle espérait ne jamais en rencontrer de sa vie. Les histoires lui suffisaient amplement.

“Bien qu’il y ait toujours eu des idées et des concepts à l’origine de la crainte et de l’angoisse, hantant les recoins sombres de chaque être pensant, jamais auparavant ils n’avaient pris forme physique puis en se dotant d’intelligence, attaqué le monde en éveil.

“La façon dont le premier “Nightmare” est devenu une créature en lui-même, restera j’en suis sûr, un mystère à jamais. Mais peu importe, ils sont apparus et ont balayé le monde dans une vague de dévastation,” déclara Sharrazalka, en s’imposant un air théâtral qui lui seyait bien.

“Discord lui-même aurait pu les craindre ! Ils ne recherchaient pas le chaos, mais autre chose... de pire. Quelque chose de primordial, qui est au cœur de chaque être vivant. Même le mot corruption ne décrit qu’imparfaitement leurs agissements.

“Discord se rit de tout... mais les Nightmares trouveraient un moyen de l’empêcher même, de se fendre d’un sourire.

“Ils étaient les ennemis de l’Harmonie en ce monde, tout simplement. Et les alicornes, au bord du gouffre, ont alors conçu en réponse à leur menace, les Éléments d’Harmonie.

“À partir d’eux, et à travers le fil des rêves qu’ils tissaient entre eux la nuit, ils affrontèrent les hordes cauchemardesques.

“Ce qu’il s’est passé ensuite reste assez flou, mais puisque nous ne sommes pas tous recroquevillés de peur sur une terre complètement flétrie, on peut aisément supposer qu’ils ont gagné. Et bien sûr après tout cela, se continue toute une histoire...”

Celestia médita un certain temps avant de parler, en étant reconnaissante qu’il lui ait laissé le temps de calmer ses sentiments profonds. “Mais qu’en est-il de ma sœur et de moi-même ?

-Et que pensez-vous de vous ?” ricana presque Sharrazalka.

“Vous dites que vous êtes des alicornes, et vous croyez probablement que vous êtes des alicornes, mais vous n’en n’êtes pas !

Si les Nightmares revenaient et que le monde se trouverait au bord de la destruction, pourriez-vous prétendre être à la hauteur de l’histoire que je viens de raconter ? Pourriez-vous trouver la force et la volonté de repousser la source des ténèbres, elle-même ?

-J’ai... j’ai battu Sombra !” murmura Celestia. “J’ai dirigé l’armée qui a démoli sa citadelle !

-Oui, et où est donc passée cette prodigieuse créature, à présent ?” Son mentor souleva l’une de ses griffes qu’il examina minutieusement sur le fond de l’horizon.

“Vous avez vaincu Sombra et sauvé d’innombrables vies. Mais maintenant vous n’êtes même pas capable de maîtriser votre sœur. Vous êtes une pâle imitation de ces êtres puissants dont vous avez hérité le pouvoir. Même les artefacts que vous comptiez utiliser contre Discord vous ont eux-mêmes rejetées ! Vous avez avancé en chancelant et en trébuchant sur le chemin de la toute-puissance, l’esprit distrait par la guerre que vous aviez menée, et vous ne saviez même pas où trouver du secours. Et cela même après que je vous ai clairement indiqué la marche à suivre.”

Celestia se sentit poignardée en plein cœur.

“Maître, J’ai... j’ai essayé de lui parler, mais elle-

-Vous avez essayé de lui parler, non pas à elle, mais avec elle,” grommela Sharrazalka. “Vous avez fait parler votre propre cœur, et elle le sien. Si vous l’aviez approchée avec toute l’humilité qui sied à un poney, vous auriez pu obtenir de biens meilleurs résultats, et la catastrophe aurait pu être évitée. Heureusement que nous sommes sur cette île, si loin du reste du monde. Sans quoi, je suis sûr que Discord ne manquerait pas de rire aux éclats, en voyant ses prétendus adversaires semer les graines du chaos en eux-mêmes, sans son aide.”

Celestia ne pouvait qu’incliner la tête, sentant le poids du monde et du soleil s’abattre sur ses épaules. “C’est... c’est pour cela que je voulais attendre,” murmura-t-elle, d’une voix brisée. “Tant de puissance, qui peut être gâchée en un instant. C’est pour cela que j’ai voulu mettre en avant nos limites, et je...”

Elle soupira en abaissant ses ailes, et sa crinière et sa queue accompagnèrent aussi le mouvement, en retombant au sol d’un air déconfit.

“C’est à cause de mon obstination, que tout cela s’est passé.

-La faute n’est pas entièrement vôtre,” dit Sharrazalka, non sans douceur.

“Pourtant vous oubliez que votre sœur est encore là, avec vous.

-Mais elle ne voudra rien entendre.

-Elle est venue de nombreuses fois, enquérir votre sagesse. Et elle viendra à nouveau pour cela. Je ne discute pas souvent avec elle, parce qu’elle a choisi de m’éviter, tandis que vous, vous venez car vous ressentez le besoin d’entendre mes paroles. Ainsi, lorsqu’elle se rendra compte qu’elle est seule, elle reviendra vers vous.”

Sharrazalka baissa la tête une fois de plus.

“Celestia,” dit-il, et sa voix n’était plus la voix sèche et brutale que Celestia avait l’habitude d’entendre. Elle cachait quelque chose de profond, de crucial. C’était avec cette voix qu’il lui avait parlé la première nuit, lorsqu’elle l’avait rencontré. Lorsqu’il lui avait demandé si elle était fin prête pour la nouvelle vie qui s’offrait à elle.

“Celestia. Mon temps touche à sa fin, et bien plus rapidement que vous ne le pensez. Je viens d’une époque qui est depuis longtemps révolue. Je ne suis pas comme vous, ni comme Luna, et je n’espère pas le devenir. Il viendra un temps où vous n’aurez que votre sœur pour vous soutenir et vous accompagner. D’une certaine façon, vous devez vraiment vous rendre compte de cela, et l’accepter. Le moment où je ne pourrai vous communiquer ni sagesse, ni pouvoir, approche. À ce moment-là, vous découvrirez des choses sur l’amour et l’Harmonie dont je ne peux même pas rêver. Cette vie et ce monde seront vôtres. Entièrement vôtres.

“Vous serez vous et votre sœur, la source de la sagesse sur cette terre, comme je suis la vôtre à cet instant. Car toute question doit avoir sa réponse, et vous serez là pour les apporter.

“Vous avez dit, que vous trouviez difficile le fait de prétendre que le soleil vous appartient ? Bien. Faites-en alors un simple enjeu, et évitez ainsi de prendre le problème de front. Parce que personne ne sera là pour le lever à votre place, vous le savez bien.”

Il posa sa tête sur le plateau, en fermant les yeux.

“Et tout ne deviendra que plus difficile avec le temps, ma fidèle élève.”

 

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Celestia se mit à rechercher la moindre trace du passage de sa sœur, sur toute l’île. Les arbres déracinés et les animaux apeurés abondaient un peu partout, et bien qu’elle ait lancé un large sort de détection, Luna restait introuvable.

Son désarroi ne fit que grandir, lorsqu’après trois jours, Luna n’avait pas donné le moindre signe d’elle. Celestia était revenue une fois à Sharrazalka, mais il n’avait pas pu l’aider. Il avait affirmé ne pas savoir où Luna était partie, mais l’alicorne sentit le goût amer de la trahison dans sa bouche. C'était probablement juste un autre test de sa part, de rester assis là, à regarder si leurs liens familiaux pourraient supporter leurs angoisses respectives.

À présent elle se trouvait sur la plage, à regarder la marée monter, en se répétant à elle-même ce qu’elle savait déjà : Luna avait quitté l’île.

Et elle ne reviendrait pas.

Celestia savait qu’elle devait la retrouver, quoi qu’il lui en coûte, mais il ne leur restait que si peu de temps. Si Discord découvrait que les gardiennes de l’Harmonie étaient désarmées et presque sans défense, alors il viendrait à elles en un clin d’œil, et le monde entier tomberait alors sous sa domination.

Il n’y avait qu’un seul endroit où Celestia pensait que sa sœur aurait pu aller.

 

Elle déploya ses ailes, et s’envola vers le nord, laissant l’île derrière elle.

Le voyage, bien que long de plusieurs milles, ne fut qu’un léger contretemps pour elle, de par ses pouvoirs. Même si elle n’était plus imprégnée de la puissance des Éléments, elle était encore la dépositaire du Soleil, et ses pouvoirs à eux seuls, étaient plus que redoutables.

 

En vérité, elle pouvait voler n’importe où autour du globe selon ses envies, en une poignée d’heures, sinon de jours. Mais ses responsabilités l’empêchait de réaliser tous ses désirs, et elle-même n’avait jamais pensé à ce qui pouvait se trouver par-delà l’horizon, dans ces contrées encore inconnues du monde équestre.

Et pour l’instant, elle n’avait qu’une seule destination à l’esprit.

Elle traversa l’océan Pasturic en moins d’une journée, brisant le mur du son avec guère plus d’effort qu’une pensée. Ses yeux ne s’embuaient même pas à cette vitesse, car l’air devant elle était devenu un mur solide qu’elle pénétrait par la magie, avec aisance.

La friction sur son pelage, induite par le frottement de l’air n’était pour elle qu’une simple piqûre, comparée à l’ardente chaleur de son Soleil. Et sa crinière impeccable était à peine froissée par les vents, qui ne parvenaient pas à défaire sa coiffure naturellement élégante.

Arrivant par la rive sud du continent de l’Ouest, un simple navire marchand aperçut alors son passage, elle qui traversait le ciel dans un flamboiement d’air chauffé à blanc, et un féroce fracas clairement audible. Son équipage, composé de chèvres et de moutons très superstitieux, la prirent pour une comète et se prosternèrent devant elle, en espérant pour eux, un bon voyage de retour.

 

Elle atteignit la côte à la nuit tombée, couvrant de grandes étendues de prairies faiblement peuplées, en quelques heures à peine.

Des sangliers autochtones, des poneys terrestres ainsi que quelques antilopes, qui n’avaient alors joué aucun rôle dans la guerre contre Sombra, la virent manœuvrer dans le ciel sans savoir qui elle était, saisis par un mélange d’effroi et d’étonnement. De puissantes créatures, telles que les baldyaks ou terrortors, reculèrent instinctivement en couvrant leurs visages.

Le Soleil, celui qui leur donnait la vie chaque jour, passait par là.

L’alicorne se retrouva rapidement dans le Nord, les prairies se changeant en collines, puis les collines en montagnes. Et c’est alors seulement qu’elle se mit à ralentir. L’air siffla à ses oreilles lorsque ses ailes se remirent à battre normalement, mais se transforma rapidement en un grondement sourd, un blizzard, qu’elle arrêta par la simple force de son esprit.

Le gel et la neige n’avait finalement que légèrement griffé sa robe immaculée, en fondant à présent avant même de l’atteindre. 

Elle ne ressentit pas la morsure des éléments, ni la force du vent aux prises avec ses ailes.

Les Éléments d’Harmonie lui avaient au moins laissé la majeure partie de ses pouvoirs, mais hélas bien insuffisante pour sauver le monde de nouveau. Elle se trouvait maintenant quelque part dans les montagnes, très loin vers le nord, et celles-ci étaient trop lointaines même pour avoir été nommés.

De nombreux milles vers l’ouest, se trouvait les hauteurs infranchissables de Reach Heorot, mais cette barrière rocheuse était aride et escarpée. Luna ne s’y trouvait sûrement pas.

Elle était autrement plus attirée par ce qu’elle voyait devant elle.

Nichés dans un coin sombre, étaient érigés plusieurs piliers, soutenant le hall d’un temple construit sur le versant est de la montagne face à elle. Pourtant, il était trop loin au nord, pour y avoir hébergé des êtres vivants. Ni griffons, ni pégases, ni même des dragons n’avaient pu atteindre cet endroit.

Aucun sabot de mortel n’avait jamais pu mettre les pieds dans ce temple.

 

Un frisson, qui n’avait rien à voir avec le froid, parcourut l’échine de Celestia, au moment où elle avait touché le sol enneigé à l’entrée du temple interdit, à moitié enfoui sous d’épaisses couches de neige, et des murs de glace.

Au-delà, quelque chose semblant être un roc qui avait jadis servi à bloquer l’entrée du temple, était brisé en mille morceaux, et éparpillés sur sa droite. Aucun pilier n’était orné de sculptures décoratives, et chaque pierre présente ici et là n’était autre chose que de simples morceaux de granit. La porte elle-même était épurée de toute gravure, et réduite à son simple rôle utilitaire.

D’une certaine manière, l’absence totale de tout signe rappelant ne serait-ce qu’une créature vivante, semblait être un mépris total de ce que pourrait penser un quelconque visiteur, en voyant cet endroit. Et c’est vraiment cela qui perturba Celestia plus que tout.

Elle avança en repoussant le vent froid anormal qui régnait dans le hall, concentrant ses pensées sur l’air circulant dans la pièce. Puis, par la chaleur que le Soleil lui avait procurée auparavant, celle-ci réchauffa l’air de la salle de plusieurs degrés.

Néanmoins, elle lutta pour ne pas se sentir suffisante ; elle ne pouvait simplement se sentir fière en vainquant un peu de vent magique. Elle s’enfonça dans le temple, errant dans ses couloirs sombres, uniquement guidée par son cœur et par la puissante lumière à la pointe de sa corne.

À sa connaissance, une seule fois seulement, ces couloirs en lignes droites et parfaitement taillés, avaient été parcourus par un sabot ou une griffe, mais elle ne voulait pas se remémorer ce souvenir-là.

Elle était revenue ici, mais uniquement dans le but d’empêcher sa sœur de faire quelque chose de stupide.

Rien ne sortit de l’obscurité, rien ne l’attaqua ni ne la salua, et seul le perpétuel clic-clac de ses sabots métalliques martelant le sol, résonnait à ses oreilles. Tout était froid et sans vie, comme les montagnes à l’extérieur. Mais elle ne ressentait aucune peur, contrairement à son dernier passage en ces lieux. Juste ce même sentiment de désolation et de solitude. Savoir que cet endroit avait toujours été ainsi, un endroit vide, dépourvu même de fantômes était un peu triste en soi.

Ceux qui l’avaient construit, l’avait complètement abandonné.

Elle suivit un chemin familier qui descendait en contrebas, les couloirs étaient vides et sans âmes, mais son passage réchauffait la pierre et lui accordait un semblant de vie. La glace à regret, relâchait un peu de son emprise sur les parois, et fondait le long des fissures sur la roche, à hauteur de ses sabots.

Elle se dirigea vers le centre du défunt temple, ignorant son instinct en alerte, reliquat de son côté poney qui était alors submergé par la peur, lui criant qu’elle n’avait pas sa place ici, et qu’elle devrait plutôt fuir ou se cacher.

Mais Celestia n’avait plus rien en commun avec les poneys, et elle pouvait ignorer la peur. Elle avait affronté la mort bien trop souvent pour être effrayée par un simple tombeau.

Puis finalement, elle atteignit le Planétarium.

 

C'était une vaste salle sphérique au milieu de la nécropole, évidée et recouverte de sculptures qui correspondaient à toutes les étoiles visibles dans le ciel. Bien qu’ayant été sombre et sans vie par le passé, le magique paysage stellaire était à présent vivant et chatoyait de mille feux.

Chaque point lumineux dans le ciel, qui avait un jour été observé sur le globe, avait été représenté ici, suivant avec lenteur imperceptible son orbite. Les constellations que certains formaient, avaient été dotées d'une attention particulière, leurs lumières brillant bien plus que les autres. Même les bandes lumineuses, provenant des bras de leur galaxie étaient visibles ici, de même que les nuages, lointains des nébuleuses.

Depuis la porte où se tenait Celestia, elle pouvait voir une large plate-forme qui s’étendait au milieu de la pièce. Celle-ci se terminait par une autre plate-forme circulaire soutenue par un gros pilier, et qui retenait à lui seul l’immense planétaire.

L’énorme machine fonctionnait encore, en quelque sorte, faisant tourner lentement, tous les corps célestes représentés au plafond. Il y avait le Soleil et la Lune, et le globe qui était leur foyer. Si Celestia, d’où elle était, regardait avec suffisamment d’attention en-dessous du planétaire, elle pourrait sans doute voir l’étrange langage des constructeurs inscrits sur les différentes machines, et le marquage des lieux importants sur le globe qu'elle ne pourrait déchiffrer en une vie.

Les autres planètes du système solaire, dont Celestia soupçonnait qu’il y eût des êtres sur terre pour les contrôler – bien que cachés à sa vue et à celle de sa sœur –, étaient également représentés, se déplaçant sereinement dans leur espace libre, à un rythme déterminé.

 

Et debout devant le grand mécanisme, il y avait Luna. Ses yeux paraissaient embrasés par l’illumination, sa crinière flottant librement contre son flanc. Ainsi, elle ressemblait à un quelconque savant fou d'une époque révolue, scrutant ardemment sa machine.

“Luna ?” l’appela en douceur Celestia, par-dessus le bruit des cliquetis et des grincements de l’ancienne machine. “Luna, m’entends-tu ?

-Peux-tu m’entendre ?” répéta Luna, en écho. “Peux-tu m’écouter, alors que tu n’as jamais prêté attention à tout ce que j’ai pu dire, Celestia ?

-Luna,” répondit Celestia, ayant du mal à rendre sa voix chaleureuse et amicale, luttant contre l’envie d’agir comme l’aînée condescendante qu’elle avait toujours été. “Luna, ce n’est pas une réponse. Tu sais pourquoi nous avons quitté cet endroit auparavant. On nous a montré-

-On nous a montré la sagesse !” La crinière et la queue constellées d’étoiles de sa sœur tournoyèrent en chœur, reflétant ses émotions incertaines. “Les Éléments nous ont abandonnés, Celestia ! Sais-tu ce que j’ai fait, lors de cet incident sur l’île ? Je leur ai montré mon cœur, mon angoisse face à la souffrance des poneys, de notre peuple ! Mon désir de les protéger et de les préserver ! Et ils m’ont tourné de dos, à moi ! À nous !

-Ils ont vu ce qui était dans nos cœurs, Luna !” implora Celestia.

“En chacun de nous ! Non pas qu’en toi ! Et je suis venue ici pour reconnaître mes erreurs !

-Tes erreurs ?” railla Luna. Un froid glacial souffla dans la pièce, un froid provenant du vide même de la pièce. “Des poneys sont en train de mourir, Celestia ! Chaque jour, ils souffrent au seul loisir de Discord, mais tu as tout fait que nous ignorions leurs cris !

“Ce n’est pas là une erreur, mais plutôt le fait d’un tyran !

-Je sais Luna, je sais !” répondit Celestia, en osant faire un pas en avant. “J’ai eu tort de rejeter ce côté en nous. Tort de penser que parce que nous étions différents d’eux, que nous devions nous démarquer de ceux que nous avons auparavant juré de protéger. J’étais tellement désespérée, ne voyais-tu pas ? Si désespérée de nous préserver, de nous empêcher de ressembler à ceux que nous avons combattu, que j’ai commencé à te repousser ! À me repousser moi-même !

“Je comprends maintenant, je sais à quel point j’ai eu tort de faire ce que j’ai fait ! Je t’en prie, reviens vers moi, ma sœur !

-Ce ne sont que des paroles vides de sens !” lui hurla Luna, concentrant tout son pouvoir contre sa sœur. Le vide même de la salle, cernait de toutes parts l’alicorne solaire, lui arrachant sa chaleur interne, la dépouillant pour n’y laisser qu’un blizzard hurlant, le froid pur du néant.

Celestia frissonna et se reprit avec force, repoussant le froid en tirant son énergie de son étoile, qui l’enveloppait dans sa chaleur et sa lumière.

“Tu crois que tu peux jouer la princesse avec moi, ma sœur ?!” lui cria Luna, sa voix amplifiée résonnant dans toute la chambre. “Tu penses que tu peux me soumettre avec ton petit air solennel ? Quelques mots mesquins et des promesses, et puis tout ira bien ? Non, Celestia !

“Si les Éléments et toi ne voulez pas accepter nôtre rôle en ce monde, alors je trouverai qui le fera !”

 

La machine elle-même commença à s’éveiller, des faisceaux de lumières sillonnèrent le globe représentant la planète.

Les yeux de Celestia s’agrandirent de stupeur, lorsqu’elle vit sa sœur se lever, et s’asseoir sur le globe représentant le Soleil.

“Nous avons eu tort d’enterrer cet endroit. Ceux qui l’ont construit étaient comme nous, Celestia ! Ils ont vu les véritables pouvoirs en ce monde et comment ils pourraient les contrôler!

-Luna !” cria Celestia, dans le maelström glacial qui prenait des proportions démesurées. “De quoi tu parles ? On nous a dit comment cet endroit était dangereux ! Es-tu devenue folle ?!

-On nous a parlé de ses risques, oui ! Mais on ne nous a pas parlé de ses avantages ! C’est ici qu’ils ont étudié les cieux que nous sommes à présent capables de contrôler ! Cet endroit a révélé à ceux qui l’ont bâti les secrets les plus cachés de notre monde. N'est-ce pas ce que tu voulais, ma chère sœur ? Comprendre notre véritable potentiel ?

-Pas de cette façon !” répliqua Celestia. “Tu ne peux pas me dire qu’il y ait ici une seule sagesse qui en vaille la peine ! Reviens, Luna ! Ceux qui ont construit cet endroit ne savaient pas ce qu'ils faisaient !

-Bien au contraire,” répondit Luna. Puis, chuchotant à voix basse, comme si Celestia pouvait l’entendre avec le vent qui se faisait de plus en plus violent, ajouta : “Ils savaient exactement ce qu’ils faisaient.”

Elle lança un regard funeste à Celestia, ses yeux rougeoyants d’une férocité sans pareille.

“Et moi aussi.”

Le planétaire tout entier s’alluma alors à cet instant, illuminant la pièce de motifs mystérieux et de sceaux que Celestia ne comprenaient pas mais savait de toute manière qu’ils étaient dangereux.

Le globe représentant la Terre en fut presque recouvert, la lumière qui l’éclairait était âpre et directe, comme celle d’un phare au milieu du néant...

“Luna !” cria Celestia, ses ailes se consument lentement à cause des intenses faisceaux lumineux, lorsqu’elle s’envola. “Arrête ça ! Arrête ça, maintenant !

-Non !” rugit Luna, en se tournant vers sa sœur. “Les Éléments nous ont abandonnées ! Sans eux, notre monde est condamné ! Discord va gagner et nous allons mourir, Celestia ! De quel usage sommes-nous en train de parler ? Qu’as-tu à me proposer pour faire face à la mort de tout ce que nous chérissons !

 

Celestia ne perdit pas de temps et plongea en avant, dirigeant toute sa magie contre le planétaire et ses mécanismes, mais elle sentit son pouvoir être bloqué par la magie de Luna, puis par Luna elle-même.

Leurs cornes se heurtèrent en provoquant des myriades d’étincelles. De la même manière que le jour et la nuit s’étaient affrontés perpétuellement sur l’île, elles poussèrent un cri terrible et déployèrent leurs pouvoirs dans la bataille, luttant vaillamment.

Bien qu’elles aient été bien loin de libérer toute leur puissance, la pièce entière commença à trembler. Les globes étaient maintenant complètement embrasés, et Celestia savait que son temps était compté.

Lorsque le regard triste de Celestia rencontra l’angoisse de Luna, elle savait qu’il était peut-être déjà trop tard.

“Luna,” lança-t-elle, en plein affrontement. “Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ?”

 

Des arcs électriques émanèrent de leurs cornes respectives, et se croisèrent en laissant sur les murs et d’antiques sculptures, de larges marques incandescentes.

Luna lui répondit avec difficulté, d’une voix feutrée. La fatigue se lisait dans ses yeux, et sa respiration était devenue haletante.

“Je... Je vois...” lui dit-elle, avec une voix rauque. “Je vois les ténèbres, ma sœur. Je peux voir ce que ma nuit cache... ce qu’elle doit supporter... des ombres si sombres qu’aucune de mes étoile ne parvient à briller en elles ! C’est... si laid...”

Elle se mit à rire. C'était un rire fatigué et plutôt amer.

“Où penses-tu que... les monstres se cachent, de ton Soleil ?… Ce n’est pas un fardeau facile, ma sœur. J’ai choisi la nuit, parce que j’étais la seule qui était capable de la supporter. Tu n’as jamais été... assez courageuse, pour te salir les sabots. Tu conseillais les cinq Rois. Ta sagesse a dirigé l’armée. Je me suis battue avec les soldats, et j’ai brisé des portes pendant que tu jouais de la politique. Tu as calmé le Seigneur des Tempêtes alors que j’ai... j’ai... DÉTRUIT Sombra !”

 

Celestia se désengagea finalement et toutes deux planèrent à l’avant de la machine vrombissante, face à face. Luna semblait se rapetisser, sa silhouette disparaissant dans le fond du ciel nocturne, derrière elle.

“C’est un lourd fardeau, Celestia... Je... Je ne voulais pas... mais sans elle...” Luna saisit sa tête entre ses sabots, et ferma les yeux.

“Nous n'avons pas le choix. Si nous ne pouvons vaincre Discord sans les Éléments, alors nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition ! Et cela inclut de faire des choix que nous craignions de faire auparavant. Il y a des choses… des pouvoirs... là-bas. Dans mon ciel étoilé. Il y a à l’intérieur même des étoiles, des pouvoirs incommensurables ! Tu ne connaissais que ton Soleil, mais moi je peux ressentir tout le reste ! Des choses immenses et terribles ! Les échos des dieux eux-mêmes ! Ceux qui ont construit cet endroit ont parlé avec eux. Ils sont la seule chose qui nous reste, et avec ça nous pouvons... nous pouvons...”

Celestia secoua la tête, planant en avant pour atteindre sa sœur pour combler l’espace qui les séparait. Au-dessus d’elles, le globe représentant la Terre avait lancé un faisceau lumineux vers le haut, dans une partie éloignée de l’espace. Il heurta alors une étoile qui s’alluma.

Un appel avait été envoyé.

Et quelque chose avait répondu.

"Non, Luna," s’exclama Celestia, en luttant pour empêcher la panique qui se répandait dans son cœur de gagner sa voix. “Non. Il n’y a pas que ça. Pas seulement qu’eux, quels qu'ils soient, quelle que soit la puissance que tu prétends avoir trouvé. Nous nous sommes perdues, ma pauvre.”

Son sabot toucha l'épaule de Luna. Sa sœur cadette tressaillit, mais ne le repoussa pas. Celestia se rapprocha un peu plus, laissant ses sabots se glisser autour des épaules de Luna.

"Nous avons cherché de la puissance en dehors de notre propre force, et nous nous sommes égarées... alors même que les Éléments d’Harmonie nous avaient comblées de leur lumière, nous avons oublié que c'est notre propre volonté qui nous avait mis sur cette voie. Notre amour envers nos poneys et... et tout ce qui vit sous le Soleil et la Lune !"

Elle toucha Luna sous le menton, relevant lentement son visage, pour qu’elles puissent se regarder l'une l'autre.

Quelque chose hurla sur le mystérieux rayon que le planétaire avait créé, en striant le globe de la Terre. À son égard, Celestia ne s’en inquiéta pas. Elle s’en souciait simplement, sans s’en inquiéter. Quelque chose, dans la manière dont Luna la regardait, lui disait que tout irait bien.

“L’amour que nous nous portons, l’une pour l’autre, ma petite Luna. C’est ce qui nous a fait quitter notre foyer. C’est ce qui nous a donné la force de continuer ensemble, même durant les heures les plus sombres. C’est ce qui nous protégera, toutes ces années que nous passerons sur cette terre. L’amour... l’amour est un choix, Luna, et nous avons choisi d’ignorer ce que nous ressentions dans nos propres cœurs.

“Tant que nous avions choisi de nous aimer l’une l’autre, ce lien nous a maintenues ensemble, quelles que soient les mille et les longues nuits que nous avons dû endurer. Mais nous avons choisi de le laisser tomber. Nous laissons le monde, les lieux que nous utilisions pour nous réserver uniquement l’une à l’autre. Je considérais nos nouvelles positions comme plus importantes, cherchant stupidement à échanger les pouvoirs transitoires de cette vie, contre la seule personne qui jamais ne me quitterait... toi.

“Luna, peu importe à quel point je fais partie du Soleil que je lève, cela ne m’empêchera jamais d’être à tes côtés. Je suis ta sœur.

“Et bien plus que tout au monde, quelle que soit la puissance que les Éléments puisse m’offrir, quelle que soit l’adulation qu’Equestria puisse me donner... je jure au nom du Soleil, et de ma propre vie même... que j’ai choisi de t’aimer.”

Quelque chose d’obscur et de redoutable grandissait près d’elles.

“C’est pourquoi, quoi qu’il arrive... nous resterons ensemble. Et face à cela, rien ne peut plus importer. Ni les Éléments, ni Discord. Nous ne serons plus jamais les pouliches insouciantes que nous étions c’est vrai... mais nous seront ensemble.”

Quelque chose surgit à travers la lumière, à travers les nuages, chutant en poussant un cri.

“Je t’aime.”

Une larme coula sur la joue de Luna.

“C’est trop tard,” murmura-t-elle.

Celestia sourit, tandis qu’une chose avait brisé le toit du temple.

“Il n’est jamais-”

Et puis tout avait en quelque sorte... disparu.

 

-------------

 

Luna se réveilla en sursaut, et regarda autour d’elle.

Elle n’était nulle part. Elle était à la maison.

C’était un endroit merveilleux, il y avait une grande maison ronde avec une clôture blanche, surmontée d’un immense toit de chaume, et Luna ne s’était jamais sentie aussi heureuse.

Elle sautait de joie, elle était redevenue une pouliche à nouveau, flânant dans la cour de la première maison, la seule qu’elle n’ait jamais connue.

Le soleil brillait et les arbres étaient en fleurs, en cette fin d’après-midi. Elle pouvait d’ailleurs sentir le doux parfum du dîner, s'échappant lentement d’une fenêtre ouverte de la maison.

Puis elle se laissa tomber sur l'herbe et se mit à regarder les petits insectes qui rampaient et se dirigeaient sur le sol, et elle pourrait regarder leurs petites jambes mobiles et leurs ailes qui bourdonnaient, pendant des heures.

 

Puis elle entendit une voix qui l'appelait de la porte, une voix si douce et familière.

C'était celle de sa mère, suivie peu après par celle de son père. Elle se retourna et vit nettement leurs visages heureux et souriants après si longtemps, dans l’encadrement de la porte.

Elle courut vers eux et se mit à rire, et ils rirent avec elle, accompagnés par un joyeux carillon.

“Père, Mère, je vous aime tellement !”

Et ils se penchèrent à son niveau, mais elle aimait lever les yeux vers eux, en se sentant en sécurité et surveillée, sous leur regard bienveillant, tout comme elle avait l’habitude de lever les yeux vers sa grande sœur qui n'était jamais loin, comme le Soleil.

Puis Luna se plaça entre sa mère et son père, leur racontant tout à propos des insectes, de l'herbe et du ciel, ainsi que toutes les merveilles qu'elle avait vues tandis qu’ils se tenaient proches, si proches d’elle en la serrant entre leurs délicats sabots.

Luna ne voulait plus jamais repartir d’ici.

 

“Père, Mère, je suis tellement désolée... désolée d’être partie... Je n'ai jamais voulu partir, et je vous aime toujours autant, mais comme vous me l’avez appris, je devais faire d’Equestria un lieu sûr.”

Sa mère et son père la regardèrent juste en souriant.

“Rien ne peut nous faire cesser de t'aimer,” promirent-ils.

Et elle tomba à travers eux, dans leur amour, dans une autre dimension, où tout était doux et chaleureux. Il y avait plein de lampions, comme ceux qu'elle avait l’habitude de suivre dans son enfance, dans la forêt.

Elle se sentait aussi bien que dans un gros oreiller mou et blottie parmi les couvertures.

Elle était enveloppée dans le ciel étoilé qui lui appartenait, s’enfonçant de plus en profondément en se couvrant d’étoiles. Elle était recroquevillée et souriait, tellement à l’aise qu’elle ne voulait plus remonter.

Mais où était sa grande sœur ?

Ils se disputaient.

Non.

Non, tout était bien ici, avec Mère et Père, et sa grande sœur n’était jamais loin.

Puis elle leva les yeux vers le ciel nocturne, il était si sombre et velouté alors que ses lumières étaient si lointaines... et puis il y avait quelqu’un qui lui manquait terriblement, quelqu’un qui aurait dû être à ses côtés à présent.

“Grande sœur, reviens... Tu es la seule étoile qu’il me reste, les autres sont si froides et lointaines... et je ne sais pas laquelle tu es.”

Mais sa voix si frêle et éperdue l’effraya. Et elle pleura encore et encore jusqu’à ce que ses larmes se figent en suspension dans l’espace vide, et gelant pour former un pont qu’elle suivit éternellement lui semblait-il.

Mais peu importe jusqu’où elle se rendait, il n'y avait rien et les autres lumières ne s'approchèrent pas plus d’elle... elle était si seule.

 

Et les choses ne devinrent que pires encore, tandis qu'elle pleurait en continuant sur son pont, qui l’amenait dans des lieux obscurs par-delà ses étoiles, derrière les lumières et les galaxies et jusque dans la mer d’où provenaient les rêves.

Ici, elle pourrait trouver sa grande sœur, parce que quand bien même elles étaient séparées, elle pourrait rêver d'elle ici.

“Grande sœur, je suis tellement désolée... désolée d’être partie. Je ne l’ai jamais voulu te le dire, mais je t’aimais tellement, et comme tu me l’as appris, je devais garder Equestria en sécurité...”

Mais aucune réponse ne lui parvint.

Et elle pensait si fort à sa grande sœur solaire, à la façon dont elle était répandait la lumière et sa chaleur alors qu'elle-même ne le pouvait, puis elle regretta d'avoir été si désagréable auparavant.

Elle avait cru qu'elle était censée ne rien craindre, mais au fond d’elle, elle avait peur, peur de perdre l'amour de sa grande sœur.

Mais c'était impossible n'est-ce pas ?

 

“L'AMOUR EST ICI, UNIQUEMENT EN RÊVES.

-Ce n’est pas ma voix, qui es-tu ?

-JE SUIS LA VÉRITÉ, JE SUIS LE POUVOIR QUI A TOUJOURS ÉTÉ LÀ. VOUS ÊTES JEUNE ET VOUS NE COMPRENEZ PAS.

-Je veux faire revenir ma grande sœur. Ramenez-la maintenant, s'il te plaît grande sœur reviens...

-VOUS NE COMPRENEZ PAS QUE JE NE CONNAIS PAS VOTRE “GRANDE SŒUR,” VOUS NE COMPRENEZ PAS QUE VOUS DISPARAÎTREZ TANDIS QUE JE PERDURERAI ICI. ILS ONT ESSAYÉ DE NOUS ÉLOIGNER MAIS ILS ONT ÉCHOUÉ. NOUS SOMMES ICI, NOUS SOMMES PARTOUT !”

Luna exclut alors l’autre voix de son esprit puis se concentra ardemment. Elle plongea dans les ténèbres en produisant toute la lumière dont elle était capable, ce n’était pas suffisant bien sûr, mais peut-être que...

Si elle la cherchait suffisamment fort, elles se retrouveraient peut-être l’une l’autre.

Et les ténèbres la repoussèrent. Elle en fut effrayée, tandis qu’ils la plongèrent de plus en plus profondément dans ses cauchemars, là où elle resterait éternellement apeurée.

Et puis finalement, elle se manifesta.

Celestia.

Elle était si brillante et si belle que sa seule vue était à peine supportable. Luna en éprouva alors de la honte et de la crainte, tout autant que l'amour qui explosait là, à l'intérieur sa poitrine.

Puis, Luna se mit à rire en pensant que ce devait être ce que les étoiles ressentaient, en permanence. Une constante explosion de puissance qui les faisait grandir, pour déborder de sentiments.

Celestia se retourna ensuite pour contempler Luna : elle rayonnait au milieu des ténèbres.

Toutefois, Luna entendit l’autre voix qui parla à la place de sa grande sœur, et une ombre grandissante s’éleva derrière Celestia.

Luna tenta de crier mais elle plus aucun son ne voulait sortir de sa gorge, et l'ombre ne cessait de grandir, de grandes ailes lui poussèrent sur ses flancs, et celle-ci parla d’une voix forte et terrible.

 

Son rugissement secoua l’univers, et elle se mit à lui décrire précisément la manière dont elle dirigerait le monde, jusqu’à ce que soudain Luna s’écrie :

“C’est impossible ! Je t’ai tuée, je t’ai vaincue. Et j’ai séparé ta tête de ton corps, pauvre chose inutile ! Sors de mes rêves, seule ma grande sœur est autorisée à venir ici !”

Mais l’ombre grandissait de plus belle, semblant plus terrible que jamais. Luna savait que cette ombre provenait des tréfonds de son esprit, là où même ses étoiles ne pouvaient briller, et elle la ressentit comme jamais, la terreur, au plus profond de son cœur, lorsque la terrible voix tonna en elle, et autour d’elle :

“VOUS AVEZ PEUR DE MOI AINSI QUE DE VOUS-MÊME, COMME JE L’AVAIS PRÉVU.

“VOUS N’ÊTES PAS DIGNE ! PAS DIGNE ! NOUS SAVONS QUE DISCORD M’A RAMENÉE POUR QUE JE L’AFFRONTE.

“VOUS AVEZ PEUR DE LUI ! JE VAIS L’ÉPOUVANTER... PAS DIGNE.

“APPORTER LA PEUR... APPORTER LES TÉNÈBRES... APPORTER LA NUIT.

“LA VÉRITABLE NUIT DOIT ÊTRE SOMBRE ET DOUCE... LA PAIX, CELLE DE LA MORT ET DES RÊVES...

“PETITE CHOSE, PETIT ENFANT, VOUS NE COMPRENEZ RIEN...

“C’EST NOUS QUI COMMANDONS À LA NUIT ET NON PAS VOUS !

“PAS VOUS !”

Luna se recroquevilla en hurlant, elle se sentait si faible et seule. Mais Celestia fut soudainement là, devant elle, brillante comme le soleil levant et ses ailes blanches déployées étaient aussi larges qu’une mer. Celles-ci se replièrent autour d’elle, en la couvrant d’une douce étreinte de plumes duveteuses.

Et Celestia s’adressa à elle :

“Ma chère, tout va bien. Je sais que ta nuit est sombre et effrayante. Mais elle est belle également, et il y a tant de lumières dans le ciel pour te guider.

“Vraiment, les cieux n’ont pas besoin d’être régis par la peur et la colère. Je suis ici pour te protéger, de même que tu m’as défendue auparavant.

“Nous pouvons être blessées, nous pouvons être attristées, mais nous seront toujours ensemble. Toujours.

“Rappelles-toi mon amour, toi mon premier et unique amour qui vit dans mon cœur.

“À présent, nous allons faire entrer la lumière en ce lieu sombre.”

Elle se redressa, et Luna se tint avec elle. Puis elles se retournèrent pour affronter ensemble, les ténèbres. Ceux-ci rugirent, et tentèrent de les renverser mais elles restèrent fermes.

Luna se souvint – se souvint vraiment –, de qui était sa grande sœur.

Elle était la sagesse. Elle était la lumière. Elle était la force. Elle était son guide.

Elle était le courage. Elle était son abri. Elle était son secours, son espoir... et son amour.

Et par-dessus tout, elle ne pouvait pas vivre sans Luna. Elle sentit le cœur de sa grande sœur solliciter le sien, lui demandant son aide et sa force pour repousser la rage du noir infini.

 

Les ténèbres que Luna supporterait toutes les nuits, chaque nuit, en les regardant fixement sans jamais ciller. S’érigeant à jamais comme la gardienne d’un mal qui pourrait surgir à chaque instant. Infatigable. Inébranlable. Une tâche à la mesure d’une véritable guerrière.

Et elle effraierait les ténèbres avec la seule chose que Celestia et elle partageait.

Ce n’était pas les Éléments d’Harmonie. Ce n’était pas leurs magies. Ce n’était pas leurs compétences ni leurs connaissances. C’était leur amour, un ardent amour, si pur et si brillant, qu’aucune étoile ne pourrait jamais rivaliser par leur lumière, ni aucun blizzard ne pourrait en venir à bout. Un amour que le temps lui-même ne pourrait éroder.

Et il brilla en elles, frappant l’obscurité en son sein, la repoussant au loin tandis qu’elle se rétractait sur elle-même. Elle hurla, tenta de les pulvériser mais échoua, en rugissant de défi.

Puis elle cria et sanglota, d’avoir été battue, en griffant l’air, mais rien ne pouvait arrêter le pur faisceau émit par les deux sœurs, qui se tenaient droites et fermes, en s’appuyant l’une sur l’autre.

Luna regarda Celestia, qui la regardait également.

Elles se sourirent l’une l’autre... “Je t’aime.”

 

Puis la réalité revint avec la force d’un boomerang.

Les deux alicornes étaient allongées sur un tas de ferrailles, seul vestige du planétaire, serrées l’une contre l’autre sous leurs ailes repliées.

La machine centrale n’était plus qu’une ruine fumante, ses globes en bronze s’étaient fissurés et la plupart étaient tombés. Les énormes stabilisateurs s’étaient complètement pliés et tordus comme si une bête immense les avait mâchonnés. Les murs et leurs inscriptions intemporelles avaient pratiquement été effacés de la pierre. Des pans entiers de la voûte s’étaient également écrasés sur le sol. La tonne de débris gisant ici et là témoignait de l’immense puissance qui avait été déployée en ces lieux.

Il n’y avait plus aucun de signe de l’obscure présence qui avait revendiqué leurs vies et la machine était définitivement hors d’usage.

Le monde ne connaîtra jamais l’importance de la terrible bataille qui avait eu lieu dans cette même salle, mais la montagne en porterait toujours les stigmates. Un énorme trou, d’où persistaient encore quelques flammèches avait littéralement perforé le plafond, en entamant des dizaines de pieds de granit jusqu’au sommet de la montagne, auparavant emprisonnée dans la neige perpétuelle.

Celestia et Luna se regardèrent l’une l’autre. Pas un seul mot ne fut prononcé, aucun n’était nécessaire. Ensemble, elles se relevèrent, se nettoyant chacune par de courtes rafales de magie. Puis elles prirent leur envol, s’élevant à l’unisson à travers le trou au plafond, dans l'air froid, sous une nouvelle aube qui venait jeter un œil discret par-dessus les montagnes.

 

-------------

 

Sharrazalka fut bref et concis avec elles, lorsqu’elles retournèrent sur l'île. Les Éléments d’Harmonie ne les avaient pour l’instant pas reconnues comme leurs gardiennes, mais cela viendra avec le temps. “Elles avaient franchi les premières étapes,” avait-il dit, et maintenant il était temps pour elles, de devenir vraiment les créatures de légende, celles qu'elles aspiraient à être.

Il ne leur avait pas demandé où elles étaient allées, et il leur semblait toutes deux qu'il le savait déjà de toute manière, et était trop en colère ou trop fatigué pour les remettre à leur place.

“La chose la plus importante est que vous êtes ici, ensemble. C'est tout ce que j'ai besoin de savoir,” avait-il dit. Le puissant dragon avait ensuite maugréé haut et fort leurs erreurs, les réprimandant sans discontinuer, mais sans réelle rancœur.

Et puis, à leur grand étonnement, il les félicita sincèrement, parce que si elles n'avaient pas pu revenir de cet endroit obscur, à la fois littéralement comme au sens figuré, le monde aurait été condamné, que Discord ait été vaincu ou non.

Elles prirent ses remontrances avec humilité, la tête baissée, et lorsque sa longue tirade fut finie et qu’il retourna à sa sieste, elles prirent toutes deux l'air et se rendirent sur le rebord du cratère, se tenant au point le plus haut de l'île.

Elles regardèrent ensemble le soleil se coucher.

 

“Une performance irréprochable,” murmura Luna, tandis que l’astre solaire descendait peu à peu sous la mer, et que sa Lune commençait à se lever pour prendre sa place.

“Comme la tienne,” nota Celestia lorsque la lune fut levée.

Le silence régna durant un certain temps.

"Ma sœur... je...” commença Luna. Puis, elle se tut.

“Nous avons appris. Nous avons grandi. Nous avons conquis,” lui répondit Celestia. “Je ne peux pas te mentir, ma chère. L'éternité sera un long, long moment à passer ensemble. Nous avons beaucoup de temps à notre disposition, du temps pour commettre plus d’erreurs.

-Mais nous allons y faire face ensemble. N'est-ce pas ?

-Toujours.”

Luna soupira délicatement et ferma les yeux.

Les Éléments auront besoin de plus de temps avant qu'ils nous considèrent comme dignes à nouveau,” murmura-t-elle. “Qui sait encore combien de temps, Equestria va...

-Nous supporterons le poids de nos erreurs pour toujours,” répondit Celestia tout aussi tranquillement. Et dans le temps, nous serons les seules à connaître la véritable étendue de nos échecs. Mais... Luna... lorsque le temps viendra... et il viendra... quand finalement nous reviendrons affronter Discord, crois-moi qu’il paiera pour chaque souffrance qu’il a infligée à notre peuple. Et tout ce que nous sommes, et tout ce que nous ferons, sera pour garantir la sécurité et le bonheur de nos chers poneys.

Et elle laissa échapper un soupir qui semblait presque lui ôter la vie.

C'est un destin que nous méritons pour les avoir abandonnés, lorsqu’ils avaient le plus besoin de nous.

Luna se retourna, puis s'appuya contre sa sœur.

“L’éternité est bien longue pour se sentir coupable, ma chère,” lui dit-elle. “Et s’il y a une chose qui fait de nous des poneys plus que tout le reste, c'est que le pardon n'est jamais loin de nos cœurs. Et même si ce n'est pas suffisant, et si un jour ils te rejettent, ou te tournent le dos, ils me tourneront le dos à moi aussi. Ne pense pas un instant que je vais oublier ce que tu m'as dit dans cette affreuse montagne.”

Elle leva ensuite la tête et regarda dans les yeux de Celestia.

“Peu importe ce qui arrivera, tu es ma sœur, et je suis à toi. Et notre amour durera. Contre le temps et les monstres... et même contre nous, s’il le faut.

 

Celestia soupira et se reposa contre sa sœur, fermant les yeux, comme le sommeil le lui réclamait.

Durant toute la nuit, Luna ne bougea pas d’un pouce, en regardant continuellement sa sœur dormir. Et lorsque le soleil brilla de nouveau sur le flanc de cette montagne, il ne les trouva pas.

Elles étaient déjà retournées voir Sharrazalka pour leurs prochaines leçons.

Comme le soleil se leva, de même que l’étrange créature si familière à Celestia allait à la rivière, une jeune Yixhil prit son envol. Elle prit un courant ascendant et s’éleva, puis tournoya autour d’un vaste cercle d’arbres. Puis finalement une aînée la rejoignit. Toutes deux commencèrent une longue et gracieuse danse, chacune faisant face à un autre, pour voler en cercles toujours plus larges.

S’esquivant puis s'élançant toujours plus haut, elles se relayaient en un ballet aérien tandis qu’elles se tendaient l’une l’autre, leurs ailes.

En ascension, leurs cercles au départ restreints, s’élargirent à chaque tour, jusqu'à ce qu’elles ne soient plus que deux points de couleur orange pâle, au milieu du rose de l’aurore.

Elles se heurtèrent à quelques reprises au détour d’un courant ascendant, mais pas une seule fois elles ne tombèrent.

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Note de l'auteur

Sans détour, j'avoue que c'est la fiction la plus difficile qu'il m'ait été donné de traduire jusqu'ici, donc n'hésitez pas à faire donner votre avis là-dessus.
À mes yeux, cette histoire pourrait faire une sacrée préquelle incluant Luna et Celestia, et elle est en plus très poétique en soi.

Quelques illustrations de la fin de la fic:
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