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Pommes & Plumes

Une fiction écrite par BroNie.

Chapitre 1

Pommes et Plumes

 

Premier Chapitre

 

Auteur : Bro-Nie




De l'avis de beaucoup d'élèves de l'académie de vol des Wonderbolts, l'établissement était réputé pour trois choses : la première était la dureté de ses examens. Devenir acrobate aérien n'était pas donné à n'importe qui. Beaucoup de pégases en rêvaient, peu réussissaient à être retenus aux camps de vol, et encore moins nombreux étaient ceux à finalement revêtir la légendaire tenue bleue et or.

La seconde était l'incroyable esprit de corps qui régnait au sein de l'école. On pouvait bien n'y être qu'un bleu, tout juste débarqué de son patelin natal, on était considéré comme un membre de l'académie à part entière. Les promotions étaient parmi les plus soudées d'Equestria et de mémoire de Wonderbolt, on avait jamais vu des élèves abandonner un de leurs camarades.

La troisième enfin, était peut-être la principale raison qui attirait chaque année des dizaines et des dizaines de pégases sur les hauts plateaux de l'académie, après le désir de devenir membre effectif des Wonderbolts : la fête à tout casser qui était mise sur sabot à chaque fin d'année.

 

On disait que c'était l'occasion idéale après une longue année d'examens, pour les élèves de se détendre enfin, de discuter autour d'un verre, de grignoter des saletés sans faire attention à leur ligne et de s'agiter sur la piste de danse comme si Celestia ne lèverait plus jamais le soleil le matin.

 

Et c'était sans doute aussi vrai pour les professeurs.

 

Spitfire, capitaine des Wonderbolts et directrice de l'académie éponyme, en était la preuve vivante. En tant que chef de l'école, elle se devait d'être dure et implacable avec les élèves. Leur crier dessus, les pousser à dépasser leurs limites, à tout faire pour tomber les records.

Elle ne pouvait pas briser le masque. Elle était l'autorité de l'académie, peut-être encore au dessus de Sa Majesté la Princesse Celestia elle-même.

C'était la raison pour laquelle elle se montrait si inflexible à l'école. Un élève échouait d'un point à une épreuve cruciale ? Tant pis pour lui, il n'avait qu'à réussir. Un autre s'était froissé une aile à l'entraînement et tentait de négocier avec les juges pour l'examen final ? On ne marchande pas, au revoir.

Spitfire devait mater les fortes têtes, recadrer les petits rigolos et botter la croupe des tire-au-flanc. Et Celestia que ça demandait de la rigueur.

 

Pourtant, dans sa vie de tous les jours, elle savait se montrer des plus flexibles. Et pas que physiquement avec ses petites amies, comme se plaisait si souvent à le répéter Soarin.

Mais c'était ainsi, quand elle était à l'académie, elle n'était pas vraiment Spitfire.

Elle était une jument là pour faire travailler les élèves, et ne laissait jamais retomber ce masque, sauf une fois par an, à la fête de la promotion, où elle passait maternellement son sabot dans la crinière de quelques élèves, trinquait avec d'autres et montrait bien qu'au fond, elle était plus coulante que ce qu'elle laissait poindre en surface à l'académie.

 

Une fois par an, oui. Ce qui tombait bien : c'était ce soir.

 

D'ailleurs, preuve ultime de l'unicité de la soirée, c'était la seule fois dans l'année où on pourrait apercevoir la pégase en robe du soir.

Oh, par Celestia, ça lui arrivait bien de devoir le faire de temps en temps, quand les Wonderbolts étaient invités à dîner chez un riche mécène et que les acrobates aériens avaient compris que les poneys qui les hébergeaient se montraient curieusement plus généreux quand leur capitaine décidait d'être plus féminine que d'accoutumée. Mais encore une fois, si elle avait eu le choix, elle y serait allée en uniforme. Ou même sans rien, histoire d'être à l'aise.

 

Alors que la soirée de promotion, c'était différent. C'était aussi l'occasion d'empêcher les mites de dévorer ses belles tenues en les sortant de temps à autres. Et une fois l'an en robe, c'était pas ça qui la tuerait.

 

Cette année là, Spitfire avait opté pour une tenue aux tons bordeaux, sombre aux extrémités et plus claire en son milieu. Des fers de satin noir complétaient le tout. Pas de bijoux, hormis sa broche de leader de binôme, qu'elle avait gagné à la force des pattes quand elle-même n'était encore qu'une gamine à peine admise à l'académie. Le symbole d'or était accroché là où il devait être, droit sur son cœur.

 

Elle en était fière de cette broche, peut-être encore plus que de son grade de capitaine, son poste de directrice ou de quoi que ce soit d'autre qu'elle possédait. Parce qu'on oubliait jamais comment les choses commençaient, et d'où on venait. Et quand elle posait les yeux sur cet insigne, elle se sentait envahie par la même joie qui l'avait inondée quand le sergent instructeur l'avait jugée assez capable de tenir son binôme.

La première fois qu'on lui avait fait confiance à ce point.

 

Spitfire laissa courir son regard sur les lieux où se tenait la fête : une grande villa dans la banlieue de Baltimare, qui appartenait à un vieux poney un peu toqué, supporter des Wonderbolts depuis toujours. Il laissait généreusement les clés de sa maison aux acrobates afin qu'ils puissent y organiser la fête de fin d'année en toute tranquillité : la villa était assez éloignée de la ville, on pouvait y jouer très fort de la musique et faire tout le bruit qu'on voulait, on ne dérangerait que quelques lapins. Spitfire pouvait mettre à son crédit l'idée de transférer la fête sur le plancher des vaches. Historiquement, l'événement s'était toujours déroulé dans l'académie même, mais le capitaine des Wonderbolts avait plusieurs fois réfléchi aux problèmes que posait ce choix. Comme d'exclure de fait, tout participant non pégase.

Oh bien sûr, la famille et les amis des élèves se débrouillaient pour venir, que ce soit en ballon ou en dirigeable.

Certaines licornes arrivaient même à se faire pousser des ailes temporaires ou utilisaient un sort de marche-nuage, mais dans l'ensemble, ce n'était pas très pratique pour ceux que la nature n'avait pas naturellement dotés des habilités des poneys volants.

Au moins, à la villa, il suffisait de prendre le train. Ou de venir à pattes, pour ceux qui étaient de Baltimare.




Luna avait déjà levé l'astre nocturne haut dans le ciel, et ce dernier nimbait le patio de la villa d'une lumière d'argent. Dans la cour, autour du grand buffet, les élèves de la promotion de cette année faisaient trinquer leurs verres ou dégustaient des amuse-gueules. Tous en beaux costumes de soirées : robe pour les juments et smoking pour les étalons.

Même Soarin avait fait l'effort de la cravate. Spitfire chercha son meilleur ami et accessoirement cavalier de ce soir du regard, pour le trouver en pleine conversation avec un autre pégase. De là où elle était, Spitfire ne pouvait pas bien entendre ce qu'ils se disaient, le brouhaha général de la fête étant trop fort de toute façon. Mais à en juger par le débat enflammé qui semblait animer les deux pégases, elle aurait parié que le sujet de leur discussion tournait autour du sport. Sans doute le grand match de hoofball de la veille, qui avait vu la victoire de l'équipe de Mustangia sur celle de Vanhoover, à un poil de crinière du coup de sifflet final.

 

Les étalons, toujours à parler de sport.

Bon, Spitfire ne pouvait pas dire que ça ne l'intéressait pas. Elle mentirait. On ne pouvait pas être capitaine des Wonderbolts et ne pas aimer le sport.

 

Enfin, il y avait sport et sport: elle ne voyait pas l'intérêt de poser ses fesses dans une tribune et de regarder d'autres poneys courir après un ballon quand elle, pouvait être sur le terrain à mettre les plus beaux buts de la création.

Spitfire était du genre active, une fonceuse. Se donner à fond dans tout ce qu'elle faisait, c'était sa signature. Elle n'imaginait pas la vie en demi-mesure. On la vivait pleinement ou bien pas du tout.

 

Ce qui ne voulait pas dire que de temps en temps, comme ce soir, elle ne savait pas ralentir et s'arrêter. C'était un des commandements du sport ça d'ailleurs, s'accorder des pauses quelquefois.

Ne pas trop solliciter le corps tout le temps. Prendre le temps de souffler. De se poser et de voir venir les choses.

 

Et mine de rien, une soirée pleine de juments aux belles toilettes, c'était une façon très agréable de s'y adonner.

 

Ah les juments. Spitfire les aimait. Sans doute un peu trop pour son bien.

Elle avait la très nette tendance à collectionner les aventures sans lendemain. Sa plus longue relation avec une jument n'avait pas dépassé quelques mois.

Ce n'était pourtant pas que la pégase était volage. Quand elle était engagée auprès de quelqu'un, elle y restait. La fidélité n'était pas un mot inconnu pour elle.

Mais c'était juste que...ça ne marchait pas les relations qui duraient. Elle se lassait très vite de l'autre, n'éprouvait plus rien pour elle. Alors elle préférait partir, ne voyant pas l'intérêt de perdurer dans une relation qui ne lui plaisait plus.

Elle avait fini par s'y faire à cette collection d'aventures sans lendemain. Elle en avait compris les règles et en tirait du plaisir. C'était tout ce qui comptait, non ?

 

Spitfire porta sa coupe à ses lèvres. L'alcool inonda ses papilles, pétillant sur son palais. Elle ferma ses paupières pour savourer davantage le goût à peine soufré du liquide.

 

_Tu passes une bonne soirée chef ?

 

La ponette rouvrit les yeux quand on s'adressa à elle.

 

_Ca va, Soarin, répondit-elle en souriant. Toujours à parler du match d'hier ?

 

_Mustangia s'est vraiment déchaînée, ça mérite qu'on en cause un peu. Tu sais qu'on donnait Vanhoover gagnante à trois contre un ?

 

_Y a des petits malins qu'ont dû se frotter les sabots d'avoir misé sur Mustangia, alors.

 

_J'en fais pas partie, avoua Soarin en baissant le museau vers le sol. Je dois pas mal de bits à Fleetfoot du coup.

 

_Pauvre Soarin, gloussa Spitfire en prenant un ton exagérément maternel. Pauvre et dépareillé.

 

_Hein ?

 

_Ta cravate, fit observer la pégase. C'est quoi ce travail ?

 

Soarin baissa le regard jusqu'à son nœud de cravate, emberlificotement de tissu informe.

 

_J'ai jamais su les faire, concéda t-il, un peu honteux alors que Spitfire dénouait soigneusement la cravate pour la remettre en forme.

 

_'audrait he tu y mettes, un 'our, articula difficilement Spitfire, l'étoffe entre les dents alors qu'elle refaisait proprement le nœud de son ami.

 

_Je sais.

 

_Voilà, constata t-elle en lissant le pli de la bande de tissu. T'es beau comme tout.

 

_Qu'est-ce que je ferais sans toi, Spit ?

 

_Tu te pendrais sûrement, répondit-elle sur ce même ton pince sans rire. Quoique non. T'aurais sans doute besoin d'aide pour le nœud.

 

_Si je te sers un autre verre, demanda Soarin en pointant du sabot la coupe vide de son amie, tu m'apprends à faire les nœuds coulants ?

 

_Vendu, répondit-elle en offrant sa patte à son frère de race. Et un peu de classe, t'es mon cavalier ce soir.

 

_Je risque pas de l'oublier, marmonna t-il en coinçant le bras de la pégase sous le sien, et l'entraînant doucement vers le buffet.

 

Traversant le patio, le couple croisa de nombreux élèves auxquels il donna de grands sourires et signes d'encouragement.

C'était important que les étudiants de l'académie voient aussi leurs professeurs comme des poneys normaux, capables de passer une bonne soirée, à l'instar de n'importe qui. La cohésion de groupe, l'esprit de corps n'en était que renforcé.

 

Soarin et Spitfire finirent par se frayer un chemin jusqu'au buffet, important amas de nourriture et de boisson, déposé sur une grande table au centre du patio. On y trouvait pêle-mêle toutes les recettes de petits fours au foin imaginables, des chips à la pâquerette, et les traditionnels sandwichs à la luzerne.

Pour se désaltérer, de grands bols de punch, aux multiples parfums jouxtaient les magnums de grand cidre ou de champagne. Plus quelques softs pour les poneys qui n'aimaient pas l'alcool.

Spitfire se fit servir avec joie par Soarin une coupe de champagne mousseuse, rafraîchissante à souhait. Elle y trempa les lèvres avec délices.

 

Elle l'avait à moitié vidée quand son œil accrocha un pelage aux tons azur, ainsi qu'une crinière multicolore.

Rainbow Dash, la plus brillante des élèves de cette année, dégustait avec appétit des canapés à la violette, projetant sans y faire vraiment attention, des pétales sur sa robe à la longue traîne, aussi colorée que sa crinière.

La pégase s'aperçut soudain que Spitfire l'observait. Elle se raidit, voulant probablement présenter un meilleur profil à la Wonderbolt. Ce faisant, elle ne parvint qu'à s'étrangler avec son petit four.

La scène fit décrocher un sourire à Spitfire. C'était presque commun comme scène, cette façon qu'avaient les élèves de faire du zèle quand les professeurs étaient dans le coin. Et c'était très bien : ça prouvait qu'ils voulaient bien faire.

Mais dans le cas particulier de Dash, c'était véritablement drôle. La pégase bleue était bien assez douée pour que Spitfire laisse passer quelques petits détails. Et elle devait la juger sur ses capacités de vol. Les concours de bonnes manières, elle les laissait à d'autre.

 

_Bonsoir Dash, lança simplement la pégase jaune à sa sœur de race.

 

_Bonsoir madame, répondit-elle, toussant encore, quelques miettes accrochées à la commissure de ses lèvres. Désolée pour ça, madame.

 

_Calme toi, dit tranquillement Spitfire. Tout va bien. Et mollo sur le « madame » ou « capitaine ». On est en soirée Dash, tu peux oublier le protocole.

 

_A vos ordres, ma...je veux dire Spitfire.

 

La chef des Wonderbolts élargit son sourire. Étrange cette Rainbow Dash. Meilleure élève de la promotion, héroïne de l'Harmonie, ponette d'acier en titre et couronnée à la compétition des Jeunes Voltigeurs par la Princesse Celestia elle-même. Une vraie batterie de titres et de récompenses. Et pourtant, elle perdait toujours ses moyens devant les Wonderbolts.

C'était amusant.

 

_Alors, comment est-ce que notre major de promotion vit sa soirée ? demanda aimablement Soarin.

 

_Plutôt bien, répondit la pégase. J'ai pu amener deux trois copines, c'est cool qu'elles aient pu venir.

 

Spitfire connaissait ce sentiment. Les fêtes avaient beau être conçues pour s'amuser, on pouvait s'y sentir vite seul si on avait pas quelques connaissances au sein de celle-ci.

A sa première année à l'académie, si elle n'avait pas connu Soarin, Spitfire aurait bien failli faire tapisserie toute la soirée.

 

_Twi a pas pu faire le déplacement, poursuivit Dash, vu qu'elle est princesse et tout ça, et Rarity avait des commandes en retard. Mais j'ai réussi à motiver Shy à venir, c'est déjà ça.

 

Ah oui, la petite Fluttershy. La pégase à la crinière rose qui avait soit disant fait la différence pour Ponyville le jour de la tornade. Pas un gramme de potentiel athlétique dans cette jument. Trop de manque de confiance en elle. Mais Spitfire imaginait qu'en tant que vétérinaire, elle devait sûrement être irréprochable.

 

_Puis Pinkie, murmura Dash en se grattant la tête d'un air gêné, c'est Pinkie, hein ? Elle doit avoir un genre de sonar intégré qui l'aurait guidée ici de toute façon si je l'avais pas invitée.

 

Spitfire et Soarin suivirent du regard ce qui semblait embarrasser Dash et découvrirent une ponette rose à la crinière ébouriffée qui dansait à même la table, sur un rythme de Tartare qu'elle seule semblait entendre.

 

_T'oublies personne part'naire ? demanda- t-on en se rapprochant subitement de Rainbow.

 

La nouvelle venue était une terrestre elle aussi, à la robe aussi orange que le fruit. Une crinière blonde tressée, des yeux d'un vert éclatant et des taches de rousseur encadraient son museau. Un chapeau de cowpony brun et une robe verte, décorée aux motifs de pomme, complétaient le tout.

 

_Ah oui bien sûr, dit Dash en désignant la jument du sabot. Je vous présente...

 

_J'm'appelle Applejack ! la coupa la terrestre avec un accent paysan à couper au fer. On s'était déjà vus au gala, Soarin. J't'avais vendu une tarte aux pommes, tu t'souviens ?

 

Ah oui. La tarte que Soarin avait fait tomber à la fête et que Rainbow avait sauvée in extremis. C'était cette jument là qui l'avait vendue au Wonderbolt ? Et lui qui n'avait rien dit sur une telle beauté ? Incorrigible Soarin...

Spitfire se força à freiner mentalement. Du calme. Ce n'était pas parce qu'elle tombait sur une jument des plus charmantes – et la plus charmante depuis un bout de temps – qu'elle devait s'enflammer.

 

_Bien sûr que je me souviens, renchérit l'étalon. Elle était super cette tarte..

 

Pour un peu, il se mettait à basculer la tête en arrière et à laisser échapper un filet de bave, tiens. Soarin avait vraiment un souci avec la pâtisserie. Il se gavait de gâteaux dès qu'il avait un moment de libre, enchaînant dessert sucré sur douceur.

Le tout sans prendre un gramme. Ca dépassait complètement Spitfire qui devait surveiller sa ligne dès qu'elle mangeait la plus petite des meringues – elle prenait tout sur les flancs – et qui après chaque folie, devait éliminer par une session de sport plus intensive que d'habitude. Pas qu'elle n'aimait pas transpirer, mais bon.

 

_Tu m'étonnes, gloussa Dash. AJ c'est la meilleure de Ponyville pour les gâteaux, c'est tout !

 

Pour donner plus de poids à son propos, elle passa amicalement sa patte autour du cou d'Applejack.

 

_Arrête sucre d'orge, objecta une Applejack rougissante, tu m'gènes. Pinkie s'défend pas trop mal dans l'genre aussi.

 

_Hého, qui c'est qui a été choisi par la Princesse pour faire la pièce montée au mariage de Cadence ? Toi ou Pinkie ?

 

_C'était moi mais...

 

_Ah ben tu vois !

 

_Mais avec tout l'bazar qu'y a eu avec les changelins et tout ça, j'sais pas si ça compte vraiment, t'sais.

 

_Tu vas pas faire ta Shy, si ? demanda Rainbow, levant un sourcil.

 

Dash sembla soudainement réaliser qu'elles se trouvaient non pas toutes les deux, mais toujours en compagnie de Soarin et Spitfire.

 

Elle eut un petit sourire d'excuse, puis :

 

_Soarin, maintenant que je te tiens, t'aurais deux minutes à m'accorder ? Je voulais te causer en privé.

 

Le pégase lança un regard à Spitfire qui eut un mouvement affirmatif du museau.

 

_File, lui dit-elle. Je vais rester avec mademoiselle Applejack.

 

_Applejack suffit, la reprit gentiment la concernée alors que Rainbow et Soarin s'éloignaient d'elles. Ou même AJ, si tu préfères.

 

_J'aime bien Applejack, répondit Spitfire avec un sourire un peu trop entendu.

 

Rha, elle l'avait encore fait. Les mots à double sens, les phrases ambiguës. Dire qu'elle s'était promis de freiner cette habitude quand elle était devant des inconnues.

Bon d'accord, Applejack n'était pas vraiment une inconnue. On pouvait difficilement l'être quand on avait participé par deux fois à sauver Equestria. Et encore moins quand on s'était présenté à une fête.

Mais quand même, Spitfire aurait peut-être dû éviter.

 

_Alors comme ça, t'as assisté au mariage de la princesse Cadence ? demanda Spitfire, tentant de reprendre le fil de la conversation. Je l'ai raté moi. J'avais un spectacle à Las Pegasus à assurer. C'était Soarin qui devait représenter les Wonderbolts à la noce.

 

_Ca a été une drôle d'histoire, dit pensivement Applejack, prenant un verre de cidre en sabot. La fausse princesse Cadence, l'attaque d'ces maudits changelins sur Canterlot...on a eu d'là chance que l'frère de Twilight et la princesse bottent la croupe d'ces insectes !

 

Oui, Spitfire en avait entendu parler. Une belle frayeur avait parcouru le pays quand on avait su que la reine changeline avait dupé tout le monde des semaines durant, et avait même réussi à battre la Princesse Celestia en combat singulier.

Par chance, la princesse Cadence et son mari avaient réussi à renverser la vapeur et à chasser l'insectoïde loin des terres ponettes.

N'empêche que tout le monde avait eu peur. Même Spitfire elle-même avait senti les poils de sa robe se hérisser quand elle avait su à quel sort Equestria avait échappé.

 

Applejack vida son cidre d'un trait avant de sourire de toutes ses dents.



_Mais ça sert à rien d'se gâter la tête avec tout ça, pas vrai ? Du moment qu'on a au moins la santé et la famille, c'tout c'qui compte. On peut tout affronter avec ça à ses côtés.

 

_Je te crois sur parole, dit Spitfire. Même si c'est difficile de voir les miens avec nos tournées respectives, j'essaye de profiter quand je le peux.

 

_Tournées respectives ? répéta Applejack. Y sont aussi des Wonderbolts ou un truc du genre ?

 

_Si on veut, expliqua Spitfire. Je suis née dans un cirque. C'est les gens de là bas qui m'ont donné le goût de la voltige.

 

Applejack ouvrit des yeux ronds. Spitfire sourit gentiment.

 

_Ca m'étonne que Dash t'en ai jamais parlé. Je te fais la version courte : mes parents étaient voltigeurs dans ce cirque. Y ont travaillé ensemble et ont fini par tomber amoureux. Quelques mois plus tard, me voilà, dit Spitfire en se désignant d'un geste un peu théâtral du sabot. Je savais à peine me tenir sur mes quatre pattes qu'ils m'apprenaient des cabrioles, et que je participais aussi aux spectacles. Ca a duré quelque temps... jusqu'à l'accident en fait.

 

Spitfire dit cela sans tristesse dans la voix mais ses lèvres se serrèrent imperceptiblement.

 

_Après, je suis restée avec les gens du cirque. Des poneys vraiment super, qui m'ont enseigné plein de trucs. A jongler, à tenir en équilibre sur une corde...et mes premiers vrais exercices de vol, je les ai appris là bas. C'est grâce à ça que j'ai pu passer les examens d'entrée de l'académie et rejoindre les Wonderbolts.

 

Le sourire de la pégase jaune revint doucement alors qu'une lueur de fierté s'allumait dans ses yeux.

 

_J'oublie pas ce que je leur dois.

 

Spitfire sentit un sabot se poser amicalement sur son épaule.

 

_On est deux part'naire, lui assura Applejack. Même s'ils sont partis trop tôt, c'est à Pa et Ma que j'dois mes premières expériences à la ferme. Et j'sais qu'aujourd'hui, y me regardent de là haut et qu'ferais mieux d'bien t'nir le verger si j'veux pas que le sabot du fantôme de Pa me caresse la croupe dans la nuit...

 

La terrestre avait dit cela sur le ton de la plaisanterie mais on sentait une certaine véracité dans ses propos. Elle semblait vraiment persuadée que ses parents veillaient encore sur elle, depuis l'au-delà.

Spitfire était plus terre à terre. Ses parents étaient morts, un point c'est tout.

 

Ce n'était pas une raison pour ne pas honorer leur mémoire, mais elle n'était plus jument à s'accrocher à des chimères.

 

Cela dit, elle sentait naître en elle une forme de respect pour Applejack. Cette jument renvoyait quelque chose de...vrai. D'authentique.

Spitfire ne pouvait s'empêcher de penser que ceci, ajouté au style paysan de la ponette donnait un tout des plus charmants. Vraiment.

Ca faisait longtemps qu'elle n'avait pas été accrochée par quelqu'un comme ça.

 

Une musique agréable, aux tonalités proches du jazz, s'élevait de l'intérieur de la villa. C'était le légendaire bal de l'académie, aussi réputé que le buffet.

Petit à petit, seuls ou à plusieurs, les poneys quittaient le patio pour l'intérieur de la demeure. Spitfire chercha Soarin des yeux avant de grimacer. Il n'était toujours pas réapparu.

 

_Un problème ? demanda Applejack.

 

_En tant que capitaine des Wonderbolts, je suis censée ouvrir le bal, expliqua la pégase. Et j'ai perdu mon cavalier.

 

_Tu veux qu'j'le remplace ?

 

Les pavillons des oreilles de Spitfire pivotèrent. L'idée lui plaisait tout à fait, mais enfin...

 

_Tu assures à la danse ?

 

_J'me débrouille, dit modestement Applejack, passant un sabot gêné dans sa crinière blonde. T'imagines pas le nombre d'fêtes de village qu'j'ai faites.

 

_Si ça te dérange pas d'être avec une fille...

 

_Ca m'va ! répondit gaiement la cowpony.

 

Spitfire tenta de s'empêcher de sourire stupidement. Voilà que non seulement elle recommençait ses phrases à double sens, mais qu’en plus, Applejack l'y suivait.

Les juments suivirent la foule jusqu'à l'intérieur de la villa, troquant l'atmosphère détendue du patio pour une ambiance un peu plus stricte : dans la salle de bal, les poneys s'étaient rassemblés dans un grand cercle, attendant visiblement qu'on ouvre la danse.

Sur une estrade, quelques musiciens caressaient contrebasse et guitare, tandis que d'autres soufflaient dans des saxophones et des trompettes. Ils maintenaient toujours cette atmosphère jazz, qui donnait envie de battre du sabot en rythme.

Spitfire tendit sa patte à Applejack qui la saisit avant de s’avancer sur la piste. Elle ne rata aucun des regards portés sur elles. Voir une jument danser avec une autre jument, ça détonnait toujours, même si quand comme elle, on ne cachait que peu son homosexualité.

 

Les deux ponettes se positionnèrent face à face et attendirent que l'orchestre se mette à jouer pour de bon. La musique se mit à devenir plus rythmée, plus dansante.

Spitfire ferma les yeux un instant, se plongeant dans celle-ci. Un, deux...trois.

 

D'un même mouvement, Spitfire et Applejack s'élancèrent sur la piste de danse.

Les robes bordeaux et vertes virevoltaient ensemble, les étoffes frottant l'une contre l'autre, dans un bruissement de soie.

Aussi proche de la terrestre, Spitfire sentait le parfum de la pomme l'inonder. Enfin non, pas de la pomme. Des pommes. De toute une multitude de pommes, des fruits chauffants au soleil, se gorgeant de sucre sur les branches des arbres, aux pâtisseries qui sortaient du four.

Et c'était ô combien agréable.

 

Elle se sentait bien avec Applejack au bout des pattes. Très bien même.

Spitfire était un peu gauche en danse. Elle se débrouillait comme une chef dans les airs, mais dès qu'elle avait les sabots rivés au sol, c'était une autre histoire. Il lui fallait toujours un peu d'entraînement pour s'accorder avec ses partenaires. A ce jour, Soarin restait le meilleur d'entre eux.

Mais ça se pouvait bien que cela change. Applejack savait vraiment se défendre.

 

En temps normal, Spitfire se servait de ses yeux pour prévenir et guider son partenaire. Lui dire s'ils allaient reculer, avancer, ou bien encore tournoyer.

Maintenant, les choses étaient différentes. D'abord parce que la Wonderbolt ne menait pas pour une fois. C'était Applejack qui avait le sabot, et elle qui suivait.

Et le pire, c'était que ça n'était pas si désagréable.

 

Ensuite parce qu'elle n'avait même pas besoin de regarder pour savoir où elles allaient. Elles dansaient, tout simplement. Deux ponettes en robe du soir, bougeaient au rythme de la musique d'un orchestre, imitées par des dizaines d'autres couples. Mais elles auraient pu tout aussi bien être seules. Dans la tête de Spitfire, du reste, elles l'étaient.

 

Il n'y avait qu'elles qui comptaient. Qu'elles qui dansaient. Qu'elles qui existaient.

 

Ce fut pour ces trois raisons, ou bien tout simplement parce que la cowpony lui plaisait, que Spitfire se laissa entraîner par ses pulsions.

Alors que leur danse se terminait, les ponettes réalisèrent que leurs pas les avaient menées à nouveau au dehors, sur le patio désormais vide.

Les juments étaient toujours en position de danse, leur poitrine se soulevant au rythme de leur respiration irrégulière, cherchant à retrouver leur souffle.

 

Spitfire regarda intensément Applejack, se plongeant dans son regard émeraude. Elle nota le moindre détail de son visage, la plus petite nuance de son pelage, la dernière de ses taches de rousseur.

Puis elle n'y tint plus.

 

Et la Wonderbolt embrassa la fermière.

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Note de l'auteur

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GhostPonyRider
GhostPonyRider : #6554
C'est beau, c'est intense, j'ai adoré. Je vais lire la suite de ce pas.

Juuuuste un tout petit truc !
Je ne suis qu'une larve répugnante pervertie et corrompue par le triste monde des humains mais... Quand AJ parle de se faire caresser la croupe pendant la nuit... J'veux dire, c'est une expression très peu connue et très ancienne. On la retrouve d'ailleurs souvent dans les vieille pièces de théatre, m'enfin bref... Même en admettant que le lecteur sache qu'il s'agit d'une manière de dire qu'elle va se prendre une râclée, ça reste... Bizarre à lire. Ma très humble opinion.
Il y a 3 ans · Répondre

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