Chapitre 6

Octavia se sentait plus que ridicule dans la selle aux couleurs de l’université. Elle résistait à l’envie de se qualifier de panneau publicitaire ambulant, par respect pour Vinyl. La licorne avait énormément insisté pour qu’elle porte cette selle, pour une raison inconnue.

Ce n’était pas le style qui posait problème, elle était assez jolie et épousait bien son flanc, mais plutôt le gros «WMU» sur le coté. Octavia essayait de ne pas être aussi rigoureuse que sa mère sur la mode mais honnêtement, qui veut avoir des mots sur ses vêtements ? L’intérêt d’en porter était d’affirmer son appartenance à un style, des mots semblaient redondants.

Malgré ce qu’elle pensait, la violoncelliste conservait une attitude tranquille tandis qu’elle accompagnait Vinyl dans la salle vide.

« Qu’est-ce que je vais devoir faire, exactement ? »

« Humm » La DJ se gratta l’arrière de la tête. « Rester immobile je pense. Tu en es capable ? »

« Tu es hilarante. »

Le premier poney qui arriva après elles fut la professeur, une jument avec une fourrure verte pale et une magnifique crinière. Elle sourit au duo, faisant régner une atmosphère de bonne humeur. « Bonjour Vinyl. Et tu dois être la jument dont on a tellement entendue parler. »

« On dirait bien que oui. » Octavia jeta un coup d’œil interrogateur a Vinyl, se demandant ce que «Tellement» pouvait bien dire.

La professeur avait aussi un don pour comprendre les pensées des gens. « Je plaisantais ma chère. Vinyl ne nous a absolument rien dit sur toi. Je remarque que tu corresponds parfaitement à ce dont on a besoin. Ca fait un moment qu’on travaille avec des poneys qui n’ont de modèles plus que le nom. »

La violoncelliste sourit et abaissa la tète poliment. « Vous me flattez. Je suis juste heureuse d’aider. »

« Tu me rappelle ma nièce. Tellement polie celle-là. Oh, mais j’insiste pour que tu enlèves cette selle. On étudie le corps, pas les vêtements. »

Soupirant discrètement de soulagement, Octavia fit glisser la selle et la posa sur la table. Vinyl ouvrit la bouche pour contester mais avant d’avoir put dire quelque chose, le reste de la classe entra en masse. La DJ se retira et s’assit a son bureau, loin d’Octavia, et commença à sortir ses affaires.

C’était assez particulier de rester debout devant la classe entière. Pendant un court instant irréel, elle se crut de retour au lycée, prête à faire un discours qu’elle n’avait pas apprit. Secouant la tête pour se libérer des ses pensées, elle sourit discrètement. Pas préparée ? Ca, c’était irréel !

« Ok tout le monde. Comme je vous l’ai dit la semaine dernière, nous allons nous entrainer à dessiner des corps corrects. »Elle leva le sabot vers Octavia. « Pour nous aider aujourd’hui, nous avons la belle… Je suis désolée, je ne crois pas avoir entendue votre nom ? »

« C’est de ma faute, je ne me suis pas présentée. Je m’appelle Octavia. »

Des murmures se propagèrent dans les rangs, et presque tout les étalons se redressèrent, soudainement très attentifs. Vinyl leva les yeux au ciel en voyant Shady faire de même. « Attention, tes yeux vont tomber si ils la fixent encore plus. » chuchota-t-elle, satisfaite de voir qu’il essaya de se contrôler.

« Hey, je n’ai aucun contrôle de mes yeux. Ils vont où ils veulent, et là maintenant, ils veulent ce flanc, si tu vois ce que je veux dire. » répondit-il avec un sourire dérangé.

Oh, tu n’as pas idée. Et moi non plus.

« T’es tellement pervers. »

« T’es tellement prude. »

Vinyl grogna et les deux éclatèrent de rire. Ils mirent plusieurs bonnes minutes avant de se rendre compte que tout le monde était déjà en train de dessiner, et ils se mirent à la tache avec empressement. Octavia se sentait un peu inconfortable, maintenant que la professeur était retournée à son bureau, mais elle réussit à rester immobile.

Un sujet plus intéressant que tout ce que Vinyl avait déjà dessiné. Trois crayons se déplaçaient au même temps sur sa feuille, chacun sous un angle et une pression différente, faisant apparaitre une violoncelliste monochrome plus réelle que jamais. Prise dans une explosion de lumière qui la traversait et la mettait en valeur comme si la lumière du Soleil tombait en nuages sur elle. Sa petite Octavia semblait plus présente que la classe autour d’elle.

La jument remarqua que les élèves se tournaient un par un vers la DJ, dessinant fiévreusement sur le papier, entourée de plusieurs crayons flottants. Octavia n’avait jamais Vinyl aussi absorbée par quelques chose. C’était tout une nouvelle perspective qui s’ouvrait.

Au bout d’un moment, même la professeur se leva pour jetait un petit coup d’œil sur le travail de la DJ. Elle détestait interrompre quelqu’un mais c’était inévitable. « Heu, Vinyl, désolée, le dessin est supposé être réaliste. »

La licorne blanche fronça les sourcils et arrêta ses crayons. Elle détacha la feuille et la souleva pour comparer au modèle. « Qu’est-ce que vous voulez dire ? C’est exactement elle. »

Octavia voulait désespérément voir la feuille et comparer elle-même mais elle résista à la tentation et resta immobile.

« C’est un petit peu…heu…surréaliste. »

« Quoi ? Pourquoi ? » Demanda Vinyl, sur la défensive.

« Humm… » La jument se baissa pour ne pas être entendue. « A mes yeux, Octavia ne brille pas d’une lumière éternelle. Je pense que tu as fait un…lapsus artistique. »

La violoncelliste vit les yeux de Vinyl s’agrandirent, et une ombre recouvrit son visage blanc de manière fascinante.

Qu’est-ce qui peut la gêner à ce point ? Est-ce qu’elle s’est trompée ?

La DJ ferma sa pochette et commença à ranger ses affaires, accompagnée par un chœur de gémissements déçus, se faisant refuser la possibilité de voir le dessin. La professeur ne demanda pas d’explications, ni ne l’arrêta. Elle retourna à son bureau et attira l’attention pour donner des conseils sur la cutie mark.

Octavia essaya de croiser le regard de la licorne, mais elle semblait l’éviter. Elle disparut rapidement par la porte, sa crinière bleue flottant derrière elle.

Coincée sous une douzaine de regards, elle ne pouvait rien faire avant la fin du cours.

« Remarquez comment la cutie mark est placée au milieu du flanc, et faites attention à la clé de sol. Ceux qui n’ont jamais fait de musique risquent d’avoir un peu de – »

« Oh » s’exclama un étalon assit derrière la place de Vinyl. Toute l’attention se tourna vers lui et il marmonna rapidement une explication. « Je viens de comprendre ce que je faisais mal. » Quelques ricanements fut tout ce qu’il reçut comme punition pour avoir interrompu la professeur, et il retourna rapidement sur son dessin.

C’était bien plus humiliant que se à quoi Octavia s’attendait. Peut-être que c’était pour ça que Vinyl avait insisté pour la faire porter cette selle, qui aurait couvert cette zone assez bien.

Tant de questions ! Elle espéra que son amie serait d’accord pour une longue conversation téléphonique ce soir. Elle serait surement trop fatiguée. Vinyl avait musique juste après dessin. Et bien demain elles devraient forcément se parler. Le vendredi était le jour de Psych, et elles mettraient leur nouvelle technique à l’œuvre.

Après ça, Vinyl devra affronter la musique.

Psych trottinait devant la salle. Sa queue et sa crinière rouges remuant avec énergie.

« Wow ! » S’exclama-t-il.

Un moment passa avant qu’il reprenne.

« Wow ! » Répéta-t-il. « Je veux dire, vous y croyez vous ? On en est déjà à la cinquième semaine. Je ne sais pas vous, mais j’ai l’impression qu’on s’est déjà tous rapproché, particulièrement notre paire favorite ! »

Immédiatement, tous les yeux bondirent sur les deux juments, qui s’étaient assises aux bords opposés comme d’habitude. Elles n’ouvrirent même pas la bouche, ne montrant aucune réaction.

Psych leva un sourcil et tentant autre chose. « Alors, comment était le film ? » A nouveau, aucune réaction. Ne trouvant rien d’amusant dans le silence, il enchaina. « Ok, on continue. Maintenant, le prochain travail. » Il se lança dans une liste de ce qu’il attendait, et les poneys commencèrent rapidement à écrire, toutes pensées pour les deux juments oubliées.

D’un bout de la salle, Vinyl aurait désespérément voulu faire un clin d’œil ou un sourire à Octavia pour fêter la victoire de leur nouvelle stratégie, mais elle savait que se faire prendre leur coûterait cher.

Bien que la majorité de la classe fut concentrée sur le travail à faire, une certaine licorne (qui se trouvait avoir une lyre sur le flanc) ne quittait pas des yeux la DJ avant un bon moment. Son œil gauche était cerclé de noir, lui donnant un air terrifiant. Etrangement, Bonbon s’était assise à une autre table, et grimaçait a chaque fois que son sabot gauche touchait quelque chose.

Sans autre dispute pour prolonger son cours, il ne se passa à peine vingt minutes avant que Psych ne laisse partir les élèves à contre cœur.

« Désolé tout le monde. J’avais commencé à prévoir mon cours autour de ces querelles et maintenant elles sont définitivement en train de saboter ma classe. » Il regarda rapidement les deux juments. « Non ? Ok d’accord, même heure la semaine prochaine tout le monde. » Etrangement, il semblait un peu déstabilisé par leur tactique.

Alors qu’ils se dispersaient, Vinyl prit son chemin habituel vers la cour principale. Octavia réprimât le besoin urgent de lui courir après pour l’interroger. Elle avait attendu toute la journée pour ça, elle pouvait bien attendre encore un peu.

Malheureusement, l’insupportable licorne verte prit le même chemin, observant Vinyl de derrière. Avec elle dans les pattes, il n’y avait aucun moyens pour Octavia de rejoindre Vinyl en privé. Lyra semblait concentrée pour ne pas perdre de vue la DJ.

Sans aucune autre solution, la violoncelliste se résigna à une conversation nocturne. Elle était contrariée de ne pas pouvoir parler à son amie, mais elle resta calme et se dirigea vers son appartement.

Par pitié, que Vinyl décroche son téléphone ce soir…

{[APPEL VERS VINYL]}

Il était seulement minuit, mais Octavia ne pouvait pas attendre plus longtemps. Elle venait de se rendre compte à quel point être seule pouvait être ennuyant. Plus d’une fois elle avait voulu entendre Vinyl rire ou parler fort en riant entre chaque mot, comme elle faisait quand elle se sentait joueuse. Parfois, elle agitait ses sabots en rond autour d’elle en expliquant ses idées, ou lorsque la violoncelliste lui avouait ne pas connaitre tel ou tel artiste.

« Tu plaisantes, hein ? » disait-elle en levant les sourcils, indiquant que ses yeux étaient grands ouverts derrière ses lunettes.

« Pas du tout. Je te l’ai dit que je n’écoute pas de… dubstep. » répondait Octavia, laissant Vinyl bouche bée.

« Mais c’est la meilleure musique de tout les… »

« Hey ? Salut ? Octavia, t’es là ou pas ? »

Redescendant sur Terre, elle se souvint de ce qu’elle faisait.

« Oh, salut Vinyl. Désolée je pensais à autre chose. »

« Pas de problèmes. Quoi d’neuf ? »

Pendant un instant son esprit se vida. Qu’est-ce qui était tellement important déjà ? Il y eu un croustillement étouffé de l’autre coté de la ligne, indiquant que Vinyl était en train de manger. Elle mangeait toujours comme six mais se débrouillait pour avoir un poids parfait. Peut-être qu’elle devrait lui demander comment elle faisait ?

« Tu ne grossis jamais ? »

Une pause.

« Heu, quoi ? »

Octavia rougit et se secoua mentalement. « Désolée, ignore ça. Je n’arrête pas de me distraire aujourd’hui. »

Après un moment, pendant lequel Vinyl se demandait si elle devait ou non enquêter plus, les croustillements reprirent. « Pas de problèmes. Je crois. »

« Heu, je voulais te parler de ce qu’il s’est passé en dessin. »

Le croustillement se calma lentement. « Ouais ? » La voix de la DJ semblait prudente.

« Je me demandais pourquoi tu as quitté la salle en plein milieu du cours. »

« J’avais…terminé »

« Terminé ? »

« Terminé. Fini mon dessin donc la prof m’a laissé partir. »

« Oh. » C’est tout ? Elle a juste terminé plus tôt ? Mais ça n’expliquais pas pourquoi elle avait évité la violoncelliste toute la semaine. Mais l’avait-elle vraiment évitée ? Ou est-ce que je suis à ce point en manque d’amitié ?

«Yop» La jument grise se rendit rapidement compte que la DJ ne pouvait pas lire dans les pensées, et qu’elle était en train d’essayer de continuer la conversation.

« Je suppose que c’est tout pour ça. Qu’est-ce que tu fais demain ? »

« Heu, j’ai plein de choses prévues ce week-end, on risque de ne pas se voir avant lundi. »

Octavia ne put s’empêcher de se sentir un peu blessée, mais fit de son mieux pour le cacher. « Oh, ok. Mais on a deux cours lundi. On n’aura jamais le temps de… parler et de faire ce que l’on fait normalement. »

« Hey, c’est totalement hors-sujet mais tu savais que les cours ne sont pas obligatoires ? Ils sont enregistrés pour que les élèves puissent les écouter plus tard. »

« Je… Je le sais oui, mais puisque je vis sur le campus je n’ai pas vraiment d’excuses pour rater les cours. »

Vinyl toussota discrètement. « Contente d’entendre ça. Alors, au moment où ton deuxième cours se termine, il sera environ midi non ? »

La violoncelliste n’était pas trop sûre de l’intérêt de tout ça. « Oui, en effet. »

« Et tu commences à huit heure et demi ? »

« Oui… »

« Qu’est-ce que tu fais pendant l’intercours ? »

« Je ne sais pas vraiment pourquoi tu me demandes tout ça, mais généralement je vais manger et étudier à la bibliothèque. » Là elle était vraiment perdue.

« Humm… Ok, c’est parfait ! Je te promets Octavia, on trouvera du temps pour se voir lundi. » Vinyl pouffa légèrement, mais essaya de se contrôler.

« Tu es très étrange ce soir. Est-ce que… Est-ce que tu as bu ? » Demanda la violoncelliste prudemment.

« Quoi ? Non ! Mais ça me donne une idée… Désolé bébé, je dois y aller. A plus ! » En un clic, Octavia fut de nouveau seule.

Aucuns doute que Vinyl soit partie dans un bar pour devenir mortellement saoule pour aucune raison apparente. C’était l’une des activités qu’elles ne partageraient jamais. Se cacher derrière son âge pouvait marcher pour le moment, mais ça changerait dans quelques semaines. Alors…Et bien elle verrait à ce moment. Ca ne sera pas évide…

Attends, est-ce que Vinyl vient de m’appeler bébé ?

Octavia cria presque.

Mon premier surnom !