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PonyCell SA

Une fiction écrite par Vuld.

PonyCell SA

Ce soir-là je ne me rendis compte de rien. Le fameux live stream, titré « India clones a pony », promu à l'accueil de Youtube, n'avait pas la bande passante suffisante pour les millions de personnes qui voulaient s'y connecter.

Je finissais donc par le découvrir le lendemain matin, dans les journaux, où la première page titrait: « Rumeur ou révolution ? » Un mystérieux live stream, toujours actif à l'écriture de l'article, diffusait les images d'une créature créée en laboratoire, à l'ICMR dans l'est de l'Inde. « C'est plus proche de Frankenstein » y expliquait Yann Barrandon. Il voulait dire que la créature, un « petit poney », n'était pas un clone puisqu'il n'existait pas un tel être vivant à cloner.

Mon coeur manqua un battement.

Ces deux mots, petit poney, m'obligèrent à passer sur Equestria Daily. J'allais devoir partir au travail, je n'avais que dix minutes devant moi et je découvrais à peine le sommet de l'iceberg médiatique : la page d'accueil s'était figée dans le temps avec cet unique stream, toujours saturé et en panne, où l'article expliquait qu'on lui avait juré -- puisqu'il était arrivé trop tard pour le voir par lui-même -- qu'on pouvait y voir Fluttershy littéralement en chair et en os. L'article avait dépassé les trente mille commentaires. Les autres sites avaient des réactions similaires. La communauté ne parlait plus que de cette mythique pégase vivante que les heureux élus qui avaient pu la voir décrivaient comme « as if from Equestria ». J'eus juste le temps de tenter, en vain, de rafraîchir le live, de hurler à mon écran qu'ils auraient pu faire des prises d'écran avant de partir pour le travail.

On m'accueillit à peu près comme je ne m'y attendais pas. « Tu sais, tes poneys… » et j'expliquais que je venais juste de lire les journaux, que j'en savais autant qu'eux, puis nous retournâmes au travail. J'avais beau être excité, curieux, encore incrédule, j'oubliai tout cela des heures durant et je me surpris à traîner encore avec les collègues, en fin de journée, à parler d'un accident de train, alors même que tout me hurlait de rentrer.

Juste quand la communauté s'était décidée à prendre des prises d'écran -- ils l'avaient fait depuis longtemps, ils n'avaient juste pas pris la peine de les partager à grande échelle -- le live stream était enfin devenu accessible. Il fallut presque deux minutes pour que la vidéo charge, et je jetai des regards furieux à mon routeur, mais enfin je découvris, avec plus d'un jour de retard, ce que le reste du monde savait déjà, à savoir la fameuse pièce aux murs peints de collines vertes et de son ciel bleu, bien éclairé, le sol couvert de foin et la petite pouliche jaune endormie dans un coin.

Proche de la caméra se trouvait un plateau repas, en bois, avec deux grands bols où restait encore de la salade et de l'avoine, et bien plus de salade que d'avoine. Il y avait également deux brosses et, presque à l'angle mort de la caméra, une grande cruche près d'un bol d'eau. Je pensais tout de suite à « gamelle » avant d'en rejeter l'idée, et de reporter toute mon attention sur la ponette. Je croyais distinguer ses ailes menues sur le côté, le crin rose de sa crinière perdu dans le foin et surtout la rondeur du crâne, le petit museau, les longs cils des yeux. Comme si elle venait vraiment d'Equestria.

Je me sentais mal.

Je ne savais pas bien ce que je regardais. C'était vraiment Fluttershy ? La lumière avait été fortement réduite, plongeant la pièce dans une fausse obscurité. Je savais vaguement que l'Inde était quasiment de l'autre côté de la planète, mais je n'avais pas vraiment idée du décalage horaire. Je voyais juste la petite ponette roulée en boule dans le foin, et je me rendis compte que j'avais passé plus de dix minutes à en épier le moindre mouvement. C'était de la télé-réalité ? Il y avait vraiment, en cet instant, quelque part sur Terre, une caméra qui filmait une Fluttershy vivante en train de dormir ?

La nuit entière passa à me renseigner. Le live provenait de Kolkata, d'un laboratoire rattaché à l'institut Sciences de la Vie du groupe Reliance. L'institut même avait été ouvert en 2001, le laboratoire en 2012. Reliance avait investi plus de dix milliards dans ces recherches et recruté dans tous les centres du monde : NCS, SSCN, NIH, USFC, ISCRM… propulsant l'Inde en première place de la recherche dite « biomédicale ». L'absence de contrôle gouvernemental filtrait entre les lignes, voire noir sur blanc.

Je repassai toutes les deux à cinq minutes sur le live, pour voir si Fluttershy dormait encore. Dans ma tête j'avais décidé que c'était Fluttershy. Quelle langue parlerait-elle ? Est-ce qu'elle parlait seulement ?

Puis je me replongeai dans l'information. On approchait alors de la centaine de millions de vues. J'hésitais en apprenant ce nombre. J'apprenais que plus de sept cent mille personnes étaient connectées en même temps que moi, en moyenne, et que le nombre ne cessait de croître. Les gens ne s'étaient pas lassés : la bande passante avait été démultipliée. Ce que les gens avaient d'abord pris pour un « leak » s'avérait désormais volontaire, et si l'État en Inde se refusait toujours à tout commentaire, on parlait d'un centre de serveurs entier acheté par Reliance simplement pour s'assurer que le live tiendrait. Rumeur ou révolution…

Il était presque cinq heures du matin quand la petite Fluttershy bougea enfin. J'arrêtai tout pour me fixer sur l'image où elle semblait gémir tout doucement, comme agitée dans ses rêves. La lumière avait été progressivement ramenée à son maximum et la pièce était illuminée. Je cherchai en vain, sur son flanc, les papillons de sa marque de beauté. Flanc vierge. Elle était en train d'ouvrir les yeux. Des yeux cyan, aux iris noirs, et miroitant d'expressivité. Elle se releva doucement, s'assit sur ses pattes arrières -- flanc vierge -- et je vis le foin coller à son crin, et sa longue crinière rose défaite.

Un bruit lui fit tourner la tête et le visage de la petite s'illumina. Elle ne regardait pas la caméra mais l'angle mort où bientôt apparut une blouse blanche, un homme habillé en médecin ou en scientifique et qui apportait un nouveau plateau repas. Elle trotta vers lui d'un pas maladroit et lui lança de grands sourires en lui tournant autour tandis qu'il déposait le plateau. Elle frotta même son sabot contre sa blouse. L'homme en retour lui caressa la crinière puis ramassa l'autre plateau et partit avec. Fluttershy voulut le suivre, mais s'arrêta, et j'entendis la porte se refermer.

Elle était prisonnière. Et cela avait beau être une cage dorée, ça restait une cage. Je comprenais à présent mon malaise. Je regardais une cellule, et la petite Fluttershy maladroite qui s'approchait du bol plein de jus d'orange ne cessait de relever la tête vers la porte, pleine d'espoir, et semblait terriblement affectée.

Comment ceux qui lui infligeaient ça avaient pu penser que c'était une bonne idée ?

Il fallut quelques jours pour que la fameuse pièce aux murs peints de collines vertes et au ciel bleu change. Je laissais tourner l'ordinateur, même en mon absence, avec le live ouvert, et je rentrai du travail pour découvrir la petite enfermée.

À ma surprise, la petite n'était plus là. Il n'y avait plus de foin et deux personnes en blouses de travail bleues étaient en train de panosser la pièce -- Fluttershy, vivante, était un animal. Il n'y avait toujours pas de message officiel mais, sous couvert d'anonymat, un « employé de l'ICMR » aurait expliqué qu'ils avaient entendu les appels, entre autres des associations de protection pour les animaux, et qu'ils allaient faire appel à des professionnels pour prendre soin du « petit poney ». Entretemps l'enquête gouvernementale n'avançait pas.

Le live demeura vide durant toute la soirée, la caméra ne filmant que la pièce désormais vide, et ses murs peints. Une nouvelle rumeur filtra alors, du professeur Dambo, affilié à l'institut des Sciences de la Vie de Reliance : « Fluttershy has been euthanized. »

Impossible de dire si la rumeur était vraie. Elle fut démentie le lendemain par une déclaration de ce même professeur Dambo -- recruté en 2012 par Reliance, anciennement du NCS, du groupe Joel Glover sur la production neuronale de l'état embryonnaire à l'état foetal. Le professeur déclarait publiquement n'avoir jamais fait une telle déclaration et n'être lié en aucun cas à ce qui se passait à l'est du pays. Il résidait à Mumbai, dans l'ouest, et ne travaillait plus avec l'ICMR. Mais internet continua d'enquêter. Le professeur avait été clairement engagé pour l'ICMR, et n'avait que récemment déménagé à Mumbai. Détail futile pour la presse, mais essentiel pour la communauté : il fut bientôt confirmé, par son entourage, que Dambo était un brony.

Dans la nuit de dimanche à lundi, le live qui avait jusqu'alors continué de filmer la pièce vide coupa pour revenir. Il faisait nuit, mais une petite lampe « veilleuse » permettait de voir.

Fluttershy était là, lavée et bien coiffée, endormie sur la couverture d'un lit d'enfant au cadre boisé avec des petits coeurs, sur un parquet de bois, à côté d'une étagère en bois et ainsi de suite. Le décor était celui d'un théâtre : la chambre de Fluttershy avait été reproduite avec soin, mais aussi avec hâte. Les poutres aux murs n'étaient que des lattes clouées. La charpente du toit -- à peine visible à travers la caméra -- était moderne. Le meuble n'avait que la lampe, le coffre manquait, le tapis n'était pas le bon… mais les fenêtres ouvertes laissaient rentrer la lumière nocturne. La lumière était à ce titre affreuse, mais tout était mieux que la pièce peinte qui avait précédé ce décor.

Je passai ainsi ma seconde nuit blanche, à attendre que Fluttershy se réveille. Il y avait tellement de questions… c'était la même Fluttershy ? Elle lui ressemblait en tout. En absolument tout. Mais elle semblait dormir plus paisiblement. Pourquoi ce décor ? Pourquoi elle ? Pourquoi le gouvernement d'Inde n'arrivait pas à trouver ce lieu et à le démanteler ? Cette dernière question donnait presque sa propre réponse. Démanteler quoi. Est-ce qu'il y avait seulement crime. Et j'eus cette pensée stupide que peut-être Hasbro allait déposer plainte pour droit d'auteur. Sur un être vivant.

Vers les trois heures du matin -- environ sept heures, presque huit en Inde -- lorsque l'aube se leva enfin là-bas, je vis la petite Fluttershy s'éveiller.

Je la vis tourner la tête vers la caméra, et elle sembla étonnée un moment. Puis soudain elle offrit un grand sourire, puis se leva et approcha dans cette direction. Son petit trot était maladroit, mais elle avait ces grands yeux qui battaient, encore ensommeillés, et ce sourire qui, sur ce grand visage, paraissait menu. Je me demandais si elle pouvait me voir. Je me trouvais stupide de penser ça : nous étions plus d'un million sur ce live. Mais elle s'arrêta juste devant la caméra, sa crinière encore défaite, et la frotta doucement avec sa petite patte.

Puis elle se déplaça juste un peu et regarda dans l'angle mort de la caméra, où devait se trouver le mur. Elle se mit à frotter sa crinière avec ses sabots, assise, comme je l'avais vue faire la première fois, et je la vis se chagriner comme les sabots glissaient sur le crin sans pouvoir rien y faire. Elle nous jeta un regard désemparé et comme honteux, et essaya encore plus fort, et à mesure elle se recroquevillait.

Une porte s'ouvrit de l'autre côté, toujours dans l'angle mort, et une dame habillée en cowgirl, chapeau stetson sur la tête, s'approcha d'elle pour lui parler. Son accent était horrible mais elle se forçait à parler en anglais, et la petite Fluttershy se colla contre elle, les yeux larmoyants, tandis que la dame la consolait.

Je regardai -- avec une pointe de jalousie stupide -- cette personne, certainement une des «spécialistes», se mettre à lui brosser doucement la crinière, puis avec une seconde brosse le pelage, et la toiletter ainsi en lui parlant doucement en anglais. Fluttershy ne répondait rien mais avait retrouvé le sourire et finit par enlacer le cou de la dame et à frotter sa tête contre, reconnaissante.

C'était Fluttershy. Elle ne parlait pas mais c'était Fluttershy.

Et je me répétais à nouveau, avec difficulté, si vraiment c'était la « même » Fluttershy.

Les jours suivants, les choses s'améliorèrent encore. La même source « anonyme » expliquait pourquoi, parfois, Fluttershy n'était plus présente. Ils l'emmenaient se promener dehors. Elle était baignée et brossée jusqu'à deux fois par jour, selon son envie, avait son coin pour les besoins, des jouets et une diète qui variait également à son envie. On lui avait apporté un livre, qu'elle s'était mise à mâchonner. Fluttershy passait ses journées à jouer ou à dormir, et faisait la fête à cette dame déguisée chaque fois que cette dernière entrait.

Deux mois ou presque étaient passés, sans que personne ne s'en rende compte. La presse avait délaissé l'affaire, avec raison, pour revenir aux crises politiques, économiques ou humanitaires.

On me demandait parfois, au travail, à l'occasion des nouvelles de « ta ponette ». C'était un sujet de conversation comme un autre, comme on aurait parlé de n'importe quelle émission télévisée. J'avouais moi-même qu'il ne se passait rien. J'avais pris mes habitudes pour me coucher tôt et me lever vers les quatre heures du matin afin d'avoir le temps de voir Fluttershy se lever et dire bonjour à ses huit cent mille spectateurs. Vingt minutes à une heure d'une adorable petite jument toujours joyeuse et pleine de vie.

Et puis, un matin, je l'ai vue s'éveiller, nous regarder avec joie, s'approcher et frotter sa patte contre la caméra. Elle le faisait à l'occasion. Puis elle se déplaça un peu et, assise, tenta de coiffer sa crinière.

J'eus un sursaut.

Cela faisait longtemps que Fluttershy ne cherchait plus à coiffer sa crinière toute seule. Mais elle cherchait à le faire, comme la toute première fois, et faisait glisser inutilement ses sabots sur son long crin rose. La cowgirl entra, la faisant sourire, et lui dit en anglais qu'elle allait la coiffer. Je cherchais vainement à comprendre pourquoi on réexpliquait à Fluttershy ce qu'elle savait déjà depuis longtemps. Au fond je savais pourquoi. Je cherchais juste d'autres raisons.

Quelques jours plus tard, PonyCell SA ouvrait ses portes. Le gouvernement des États-Unis avait autorisé Hasbro à signer un contrat avec Reliance, et le live stream devint officiel. Je compris à peine, sur le coup, que PonyCell SA était juste l'ICMR renommé.

Un arrangement avait été trouvé et Hasbro prenait en partie le contrôle -- de ce que je comprenais -- de PonyCell SA, soit un rôle de conseiller essentiellement, en échange de quoi Reliance allait déplacer une partie de ses activités sur le sol américain. Pour la presse, il s'agissait surtout d'un transfert de savoir. Pour Hasbro, il s'agissait d'une opportunité folle qu'ils comptaient exploiter jusqu'au bout, après s'être assuré d'avoir éliminé la majorité des risques. Le feu vert de l'administration régularisa une situation depuis longtemps acceptée.

Le premier changement que je notai fut l'ajout d'une description au live, avec un bandeau indiquant autant la présence d'Hasbro que de PonyCell. Autrement, les jours continuaient avec la petite Fluttershy, cette dernière n'ayant même pas idée de ce qui se tramait.

Le second changement fut une annonce expliquant que Fluttershy ne resterait pas en Inde. À présent qu'ils avaient l'accord d'Hasbro, PonyCell employait directement le nom de la pégase. Le départ pour l'Amérique fut programmé, et si la destination finale demeurait relativement secrète -- la presse se chargeant de spéculer -- ils organisèrent une cérémonie pour l'arrivée en bateau de la petite, avec distribution de billets. La publicité autour de l'événement avait quelque chose de surréaliste, avec autant la présence de membres du corps scientifique américain que des artistes de la série, et nous avions même droit à un clip où la princesse Celestia écrivait pour annoncer l'arrivée de Fluttershy sur les côtes américaines.

Cette appropriation par Hasbro fit voir la petite beaucoup plus comme un personnage de dessin animé, et beaucoup moins comme le « Frankenstein » dénoncé voilà des mois dans la presse. Je comptais pour ma part les heures avant que le live ne cesse, espérai une autre caméra sur le bateau, déchantai, attendis, écoutai les échos de la cérémonie, en récupérai des bribes puis retrouvai enfin Fluttershy, l'air exténuée, dans un nouveau décor entièrement refait -- et beaucoup plus réussi -- de son cottage.

Après quoi cinq autres streams s'ajoutèrent, côte-à-côte avec celui-ci, marqués « coming soon ». Et il y eut une sorte d'exultation folle dans toute la communauté.

Tout s'enchaîna à une vitesse folle. Le mois suivant, il n'y eut rien, et un membre de presse s'excusa pour le retard. J'apprenais que les autorités américaines, beaucoup plus strictes, refusaient de voir « naître un poney » sur le sol américain. Ce que cela signifiait était libre d'interprétation. Le mois d'après, le premier nouveau live prit vie, et nous découvrîmes la chambre de ferme bien proprette, presque surjouée, avec une petite Applejack et son chapeau sur la tête, ruban à la crinière.

Il y en eut pour se plaindre qu'Applejack ressemblait plus à un jouet qu'à une ponette. Et comme toujours en cas de débat, la communauté eut l'attitude mature de leur dire de se taire. Moi, je notai seulement que le chapeau ne cessait de gratter les oreilles de la ponette blonde, et qu'elle trouvait n'importe quelle excuse pour s'en débarrasser, ne le remettant que quand elle se sentait regardée. La crinière, aussi, semblait la tirer, et elle ne cessait de la balancer d'un côté ou de l'autre, l'air frustrée. Elle n'avait pas de taches de rousseur, tout le monde l'avait noté, mais une fois encore, personne ne songeait vraiment à se plaindre.

Puis ce fut le tour de Pinkie Pie. Je compris vite cet ordre : les décors étaient moins complexes à réaliser, mais les crinières également. Celle de Pinkie Pie fut la première à détonner vraiment. La mèche improbable en bout du crin gonflé laissait place à une chevelure plus lourde et comme figée par le gel. Il n'y avait là plus rien de naturel. Pourtant, dès la première seconde, l'attitude fut celle qu'on attendait. Je la vis, à peine éveillée, bondir hors du lit et se mettre à trotter joyeusement, pour s'encoubler et tomber, puis rouler pour se relever et continuer comme si de rien n'était. Plus tard dans la journée, Pinkie pie avait trouvé le moyen de plonger sa crinière dans l'eau qu'on lui avait servi, et toute la coiffure s'était défaite. Nous célébrions, pour quelques heures, Pinkamena Diane Pie, plus authentique que la vraie.

Rarity suivit, sans qu'il n'y ait plus de tentative de faire correspondre l'impossible à la réalité. Sa crinière, plus courte et bouclée, demeurait légère. Il y avait bel et bien une corne, mais recouverte par la peau, et plutôt laide. J'appris le lendemain que la pouliche blanche avait réussi à se maquiller, du moins d'après les spectateurs, à l'aide de ses seuls sabots. Je demandais ironiquement si elle avait aussi réussi à coudre une robe. Mais déjà le mois suivant arrivait et avec lui Rainbow Dash. Et toutes les remarques sur les crinières ratées s'étouffèrent devant l'arc-en-ciel de couleurs vives qu'offrit la fière petite pégase.

Je notai alors, et enfin, que les ailes pendaient.

Tout ce temps -- j'étais resté un peu fidèle au live de Fluttershy -- quelque chose m'avait dérangé, me donnant des petits frissons que je ne comprenais pas et que j'oubliais vite. Je voyais à présent, avec Dash, qu'elle ne repliait pas ses ailes et que celles-ci pendaient. La pégase ne cherchait pas non plus à les faire battre ou à les ouvrir, et les mordillait parfois. Mais elle était la Dash hargneuse et fière qu'on attendait, et moi j'attendais impatiemment que le dernier live s'active pour délaisser tous les autres.

Il eut du retard. Il eut beaucoup de retard.

Une rumeur expliqua que c'était à cause de la corne, et que les chercheurs travaillaient pour réussir à lui donner l'aspect attendu, osseux, strié, plus long, plus pointu. Nous avions passé l'hiver quand on annonça une mise à jour de tous les lives, avec un arrêt de quelques heures. On nous promettait beaucoup de surprises et de révélations, et tandis que la nouvelle saison battait son plein, la majorité des bronies ne pensaient plus qu'à ces juments bien vivantes sur la côte ouest des États-Unis, qui dormaient, jouaient et même se rendaient parfois visite.

L'arrêt eut lieu et quand il reprit, Twilight Sparkle était là. Et Rarity également, sa corne désormais convenable, très proche de celle de la jument violette, à la frange bien coupée et étonnamment proche de l'originale, avec même les mèches reproduites.

Quelqu'un proposa que nous venions d'avoir la version 2.0.

Moi, je regardais la petite Twilight Sparkle sagement assise sur la couverture étalée de son lit, dans ce décor de chambre du Golden Oak, qui lisait sagement son livre. Et je me demandais si elle arrivait vraiment à le lire.

Je ne voyais pas non plus exactement où était la surprise, jusqu'à ce que l'offre apparaisse :

« Buy your own pony. »

Achetez votre propre poney. PonyCell SA offrait aux spectateurs des streams de choisir l'une des ponettes pour « adopt her », à un prix qui me laissa rêveur. Pour quelques deux mille dollars, plus les frais de port et de douane, PonyCell SA envoyait une ponette à domicile.

Je fus à peine rassuré en lisant les clauses du contrat. Juridiquement, la ponette serait considérée comme un animal. Il fallait l'accord parental, évidemment, mais il fallait aussi suivre la législation sur place -- l'offre était limitée aux États-Unis, à l'Inde, à la Chine et à quelques autres pays hors d'Europe. Je pouvais faire une croix sur mon poney. Même alors, la procédure était la même que pour une adoption d'animal, et les autorités contrôleraient l'échange. Mais enfin, et c'était la réaction générale : deux mille dollars pour avoir sa Fluttershy, ou n'importe quelle autre ponette, en chair et en os chez soi.

Dès le premier jour, PonyCell SA dut décliner des requêtes, puis admettre que ses services étaient débordés. Ils s'étaient attendus à entre dix et vingt-cinq mille commandes, et ne semblaient pas comprendre ce qui leur arrivait.

En même temps, des associations s'élevèrent contre ce nouveau marché. Parce qu'il s'agissait de « clones », parce que c'était irresponsable, parce que cela nuirait aux animaux domestiques, et ainsi de suite. Certains parlèrent même d'esclavage. La loi américaine, cependant, ne trouva rien à reprocher, et le Congrès vota pour ne rien faire. Le public s'enthousiasmait pour ces petits poneys vivants qui, entretemps, s'étaient mis à parler.

J'avais failli m'étouffer devant mon écran quand, en me connectant le matin, j'avais trouvé Twilight Sparkle en train de chantonner devant son miroir. Elle chantait « a true true friend » en anglais et dodelinait de la tête en même temps, l'air joyeuse. Sa voix était incroyablement proche de celle de la série.

PonyCell SA autorisa alors les ponettes à répondre aux questions que poseraient les spectateurs, et plusieurs fois par jours, en décalage, les ponettes recevaient la visite d'une personne venant leur lire les « lettres » de ces gens, et leur demander une réaction.

Pendant que cela se produisait, Hasbro annonçait plus de cent mille « adoptions » à travers les seuls États-Unis. Ainsi que l'ouverture par PonyCell de deux fermes sur le sol national. Le gain demeurait ridicule -- calcul fait, quelques millions de dollars -- surtout dû à une offre extrêmement limitée. La demande explosait. Et les premiers retours arrivaient, pour la communauté, venant de ceux qui avaient acheté leur poney.

Certains filmaient le déballage.

Je m'étais installé pour regarder une telle vidéo. La personne allumait la caméra, se présentait en marchant vers sa porte d'entrée entrouverte, l'ouvrait entièrement et montrait le carton posé devant. Il expliquait avoir déjà signé et qu'il l'avait déposé ainsi par terre pour faire « like My Little Dashie ».

Ensuite, avec sa main libre, il se mettait à découper au cutter, avec beaucoup de précautions, le scotch du carton. L'intérieur était rempli de paille vieille de quelques jours, mais encore fraîche. Il en arrachait quelques poignées pour dévoiler, en-dessous, une Rainbow Dash endormie.

« Sssh… » souffla le brony. « Don't wake her up! »

Posé sur la petite jument se trouvait une carte rose, avec un gommette en forme de coeur, pareille aux cartes d'invitations de Pinkie Pie. Il s'en saisit, l'ouvrit pour en retirer ce qui s'avéra être le « manual » de la jument.

Un premier livret expliquait comment prendre soin de la ponette. Imprimé avec des images, il précisait notamment comment la nourrir, rappelait qu'il fallait la promener et ainsi de suite. Aux premières pages, il était expliqué que la ponette « was in deep sleep for the travel », comme un animal en hibernation, et qu'il fallait l'appeler par son nom et la caresser pour la réveiller -- et ne surtout pas la brutaliser. Le brony s'exécuta, murmurant le nom de la petite tout en lui caressant la crinière, et il fut d'abord surpris de la sentir froide, mais se mit à sourire en la sentant remuer. Bientôt elle ouvrit un oeil, joua du sabot pour repousser cette main avant de regarder avec curiosité le gaillard et sa caméra.

Après quoi, doucement, un sourire se dessina sur le museau de la petite, et ses yeux s'emplirent d'émotion. Elle s'exclama, les sabots tendus, et le brony se mit à rire. Il s'excusa et éteignit la caméra, achevant là la vidéo : il devait accueillir Dash chez lui.

Des bronies, et pegasisters, accueillant une Rainbow Dash à la maison, il y en avait des dizaines sur Youtube.

Comme toujours, en Europe les gens serraient les dents. Il n'était cette fois même plus question d'importation : la douane refusait d'envisager un tel passage, et les différentes postes de devoir transporter des êtres vivants dans des cartons percés de trous. La SPA, la WWF, les associations criaient au scandale. Et quelque part, bien que connaissant le mythe de la communauté, je trouvais aussi révoltant de voir les petites livrées par colis.

Quel avait été le raisonnement pour ne pas simplement ouvrir des animaleries où les gens viendraient demander leur Rainbow Dash ? J'essayais d'imaginer un tel « littlest pet shop » avec une dizaine de Rainbow Dash se disputant dans leur coin, à côté d'une dizaine de Pinkie Pie. C'était toujours mieux qu'en carton. Au moins, l'amener là-bas avec une laisse, accompagnée, ou au moins dans un panier en osier…

Personne ne semblait vraiment s'arrêter à ça.

En Europe, nous n'avions que les streams -- qui, étrangement, demeuraient libres d'accès pour le monde entier -- et la législation interdisait même qu'un américain amène sa ponette avec lui. Seuls ceux qui se rendaient là-bas pouvaient les voir « pour de vrai ». On me montra une vidéo assez folle, d'une personne passant devant une école élémentaire et y filmant un terrain de jeu avec presque une vingtaine de ponettes jouant tandis que les enfants étaient en cours. Non seulement elles allaient librement, mais elles imitaient aussi les réactions d'enfants, formant des groupes, se chamaillant et jouant avec des ballons mous.

Je n'avais pas de nombre précis, plusieurs millions de ponettes aux États-Unis, et presque un an que le phénomène avait cours quand l'Espagne, puis la Norvège et bientôt la Grèce et la France questionnèrent l'intérêt d'interdire cette pratique.

« Qui n'a pas envie d'avoir un animal de compagnie qui parle ? » Demandait quelqu'un dans l'article de journal du Point.

Les politiciens proposaient que c'était un frein à la science, et que l'Europe perdait une opportunité.

Bientôt, les lois s'assouplirent, et les premiers pays autorisèrent l'importation de petits poneys. Hasbro avait alors étendu le catalogue, et PonyCell SA offrait plus d'une vingtaine de résidentes de Ponyville. Malgré les ventes qui ne cessaient plus de croître, et les nouveaux marchés ouverts, les experts jugeaient que PonyCell SA tournait à perte. Et quelques chercheurs posaient la question : pourquoi une entreprise en monopole vendrait-elle pour une bouchée de pain un produit de haute technologie au grand public ?

Le nom de Dambo reparut alors.

Le professeur, ancien employé de l'ICMR retourné depuis en Norvège expliquait dans une lettre avoir « thrown the idea » d'utiliser les poneys d'Hasbro pour populariser le clonage. Reliance visait le marché agro-alimentaire. Plus de ferme, plus d'élevage, mais des productions industrielles de viande, sur le marché mondial, à partir de bêtes clonées dont le « useless » aurait été retiré. En somme, plus de bêtes, plus d'abattoirs. Les poneys n'étaient là que pour convaincre les gens de manger cette viande de laboratoire, en tout point -- théoriquement ? -- semblable à celle actuellement dans leurs assiettes. Une publicité à plusieurs dizaines de milliards de dollars pour un marché qui en représentait des centaines, voir des milliers.

Dans le courant de l'été, la législation nationale autorisa à son tour ce qui fut considéré comme un transport animal, tant qu'il était fait dans les respects de la vie. PonyCell avait déjà installé sa nouvelle «ferme» en Espagne, en plus de celle en Grande-Bretagne.

Je me connectai donc à Hasbro et à ses live streams, pour écouter Twilight répondre à quelques lettres, et je savais que l'offre en tête des lives, d'acheter son propre poney, s'appliquait désormais aussi à moi.

Un poney pour quelque chose comme mille trois cents francs.

J'avais depuis longtemps décidé de ne pas le faire. Et une fois cela décidé, j'avais trouvé tout plein de raisons. Ne serait-ce que l'idée d'avoir à m'occuper d'une ponette, même petite, de la nourrir, de jouer avec, de la promener…

Mais, par curiosité, j'allais relire la foire aux questions, au moins pour voir si elle avait changé. Et elle avait changé.

Je fus étonné par l'étendue des questions et des réponses. Tout ce que j'objectais avait été adressé dans cette véritable foire, et je me prenais à lire chaque réaction. Le texte, traduit en français, était même amusant pour ses quelques erreurs. « Les ponettes grandissent-elles ? » Non, répondait le texte, elles auront toujours la même taille, ne peuvent pas avoir d'enfant et ont une espérance de vie d'environ six ans. « Pourquoi je ne peux pas avoir telle ponette ? » Avec un peu d'exaspération -- feinte ou non -- le texte expliquait que toutes les ponettes suivaient un même modèle très contraignant, et que chaque différence était un casse-tête. Tout ce qui différait du modèle de base, par exemple la princesse Celestia, était exclu. « Les ponettes volent-elles ? Font-elles de la magie ? » Je connaissais déjà la réponse.

Ce soir-là, puis le suivant, puis celui d'après, je regardai les ponettes vivre leur vie dans leurs petits décors de Ponyville. Nous en étions à quelque chose comme la version 3.0. Les ailes de Dash étaient plus fermes et elle pouvait les faire battre un peu. Je n'osais imaginer la réaction des gens, avec leur Dash aux ailes atrophiées.

Je n'osais pas, en général, imaginer ce que les gens faisaient avec leur ponette.

Le public cible, les enfants, s'occupait relativement bien de cet animal domestique intelligent, capable de répondre et d'apprendre, et toujours souriant. Je me demandais si c'était bien vrai. Puis je songeais que le gros du public était adulte, ou adolescent, avec beaucoup moins de temps pour jouer à la balle ou se promener avec leur ponette, et souvent en proie aux tensions et aux disputes. Je n'avais pas entendu parler de ponette qui aurait fugué.

Pour aller où.

Un jour, je sortais également plus tôt du travail pour aller faire un détour du côté de l'école élémentaire. Je me demandais si, là-bas aussi, je trouverais une vingtaine de ponettes en train de chahuter.

Je m'approchais des lieux, avec en tête que les responsables n'aimeraient pas voir traîner un adulte « suspect » autour de l'école, et je cherchais du regard tout ce qui avait quatre pattes et était coloré. Mais il n'y avait rien.

J'allais m'éloigner quand, à ma surprise, je surpris une Rainbow Dash dans les buissons.

C'était la première fois que je croisais pour de vrai une de ces ponettes. Que je la voyais respirer. Que je la voyais bouger aux mêmes ombres que mes ombres, sous le même ciel que le mien, à une dizaines de mètres peut-être. Elle avait fixé son regard dans mon regard, et se sachant découverte, elle s'était raidie.

Je devinai vaguement que les ponettes étaient interdites à l'école. Depuis quand emmenait-on les animaux domestiques ? Depuis quand les laissait-on libres et sans surveillance ? Dash semblait me foudroyer du regard, comme si j'allais la dénoncer.

Tout ce que je pensais à faire était de m'approcher pour la toucher, voir si elle était vraie. Même après plus d'un an, tout cela semblait irréel. Mais je savais aussi que si je tentais d'aller vers elle, la ponette s'enfuirait. J'avais vu assez d'animaux faire de même, et elle me semblait plus proche de l'animal que de l'homme. Alors, dans un haussement d'épaule, je me détournai, et je la laissai épier l'école en attendant que son maître ou sa maîtresse ressorte.

Mille trois cents francs.

La semaine suivante, un brony m'invita chez lui. « Dépêche-toi ! » M'avait-il lancé dans son SMS, pressé qu'il était de déballer le paquet qu'il venait tout juste de recevoir. Je ne posai pas de questions et je passai le trajet à me demander combien de bronies que je connaissais, et qui ne l'avaient pas encore dit, avaient déjà ou avaient commandé leur ponette. Dans ma famille même, quelques cousines s'en étaient acheté. Le chat domestique, c'était d'un autre temps. Le chat domestique ne parlait pas et n'était pas multicolore.

J'arrivai au bas de son appartement, sonnai et entendis le déclic de la porte. Il m'attendait à l'entrée, me fit signe de le suivre.

« Regarde, elle est là. » Me dit-il doucement.

Je ne savais pas s'il faisait exprès de chuchoter en présence du carton percé de trous. Pour ma part je lui demandais si notre législation n'exigeait pas un traitement plus approprié.

« Tu veux dire quoi ? »

Je lui faisais remarquer qu'on envoyait les poneys par colis. Il haussa les épaules, rappela qu'elles étaient endormies, qu'elles ne risquaient rien, qu'elles ne sentaient rien et qu'il n'y avait jamais eu aucune plainte. Et déjà il se mettait en peine de déchirer le scotch, tandis que je me demandais quel pouvait être le poids exact du colis. Dix kilos ? Vingt kilos ? Les ponettes en faisaient entre treize et dix-sept.

La paille dedans était bien plus dense que dans les vidéos que j'avais vues. Elle était aussi bien plus fraîche. Je le laissai la jeter par terre pour dégager la tête de sa Fluttershy, dont le crin rose lui fila entre les doigts. On regardait, un peu émerveillés, ce crin long de bien trente centimètres. Il souriait comme un enfant.

Puis il retira la carte et je la pris. J'en dégageais le fameux carnet, avec deux autres documents, le premier une notice et le second une garantie. La garantie était valable deux ans.

« Touche-la. Allez, touche-la. » Me dit mon copain.

Je touchai le pelage crème de la petite. Il était froid, pas même tiède, vraiment froid. Je portai les doigts devant ses narines et ne sentis aucun souffle.

« Elle est vivante ? » Je demandais, bêtement.

Il s'esclaffa. « Bien sûr, tu crois quoi ? »

Et il se mit en peine de la réveiller. Il la caressa doucement, lui dit son nom au creux de l'oreille, jusqu'à ce qu'il tourne la tête vers moi et me dise « elle se réchauffe ! » Il s'excitait comme un beau diable. Il continua et bientôt la petite remua, puis ouvrit un oeil.

J'eus soudainement l'impression d'être propulsé plus d'un an en arrière. C'était la même Fluttershy, exactement la même. Les ailes mis à part. Je regrettais presque que les ailes aient changé.

« Salut. » Lui dit mon copain. « Tu vas bien ? »

Elle cligna des yeux. Je regardai ailleurs et elle se tourna vers mon ami qui la dévisageait. Puis elle se mit à sourire doucement, comme gênée, et prudemment, se mit à murmurer quelque chose. Il demanda de répéter, et elle répéta juste un peu plus fort, un petit « bonjour ». Je me surpris à penser que la voix était toujours celle anglaise, et je me demandais pourquoi.

Mais mon ami ne s'en préoccupait déjà plus. Il se retenait d'exulter, parlait doucement à la petite et j'eus soudain l'impression d'être de trop. Je la regardais, ensommeillée, répondre avec curiosité et gêne, et accepter plus ou moins tout ce qu'il proposait. Il voulait lui faire visiter l'appartement ; j'hésitais à rester.

Je regardai sortir la petite Fluttershy, les yeux fixés sur ces sabots recouverts jusqu'à ras par le crin d'un jaune crème très doux, et qui étouffait quelque peu l'ongle quand elle toucha le meuble. Elle avait glissé un peu, s'était reprise dans un sursaut. L'autre l'encourageait de son côté, comme avec un enfant. Il se reculait et elle, timidement, parvint à sortir du carton, se blottit soudain apeurée par la hauteur du meuble. Moi, je n'arrivai pas à sourire, et je pensais l'effrayer également avec mon air assez sombre. Je ne parvenais pas à détacher mon regard de ses ailes aux plumes superbes, bien repliées sur ses côtés, et qui frémissaient comme le reste du corps à ses hésitations.

Ma mémoire faisait flasher celles toutes menues et pauvres de la Fluttershy dans cette pièce aux murs peints.

Je cherchai une excuse pour m'en aller, je n'en trouvai pas et je laissai le brony se saisir de la petite jument pour la porter jusqu'au salon. Il la posa sur le canapé et j'eus ce réflexe stupide de penser que les animaux ne devaient pas monter sur les meubles. Il demandait si elle avait faim, soif, n'écoutait pas vraiment la réponse murmurée et fila à son frigo pour le fouiller. Le temps où il tournait le dos, Fluttershy me regarda, et parut s'effrayer un peu plus. Elle tenta un petit sourire, mais je ne réagis pas et ce sourire mourut jusqu'à ce que mon ami revienne, avec un bol et une bouteille de lait. J'ouvris le livret pour vérifier si c'était conseillé.

Cela fait, je m'éloignais un peu, du côté de la porte-fenêtre où il y avait le plus de lumière pour lire la garantie. Je m'étais attendu à n'importe quoi, et je découvrais une garantie classique, comme celle d'un grille-pain. Garanti deux ans. Six ans d'espérance de vie. Fluttershy s'était mise à rire, le museau humide de lait.

« 'Faut que tu t'en achètes une ! » Me lança mon copain lorsque, plus tard, je le laissai. Sur le pas de la porte, je me retenais de lui dire ma pensée et lui souris simplement.

« Tu arriveras à t'en occuper ? » Lui demandais-je, un coup de tête derrière la porte où la petite continuait à jouer.

« Tu crois vraiment que je l'aie achetée sur un coup de tête ? »

Mon employeur avait acheté la sienne sur un coup de tête, m'expliqua-t-il quelques jours plus tard, alors que nous discutions à la pause de midi. Devant la machine à café, il expliquait avoir trouvé une occasion à quatre cents francs, et avoir voulu tester de son côté. Il avait eu un chien, autrefois, ça lui rappelait le bon vieux temps.

Il avait trouvé une Pinkie Pie que les parents revendaient. Je demandais si la ponette était troublée par l'échange mais il haussa les épaules : elle semblait éternellement joyeuse, pleine d'énergie, et ne semblait plus se soucier de l'ancienne famille. Il lui lançait la balle, il pouvait la lancer des dizaines de fois et elle ne se lassait pas d'aller la chercher. Et elle l'avertissait des repas, de ses rendez-vous, « l'animal de compagnie le plus pratique que j'aie jamais eu. » On se demanda, entre nous, pourquoi les parents l'avaient revendue. Il laissa entendre que la fille se disputait avec la ponette, ou s'était lassée, l'un des deux.

Une certaine routine s'était installée avec les lettres, sur les live streams. L'audience avait chuté considérablement, mais PonyCell ne se souciait pas de relancer l'intérêt. Tandis que je regardais Twilight Sparkle parler du dernier livre qu'elle avait lu, un petit livre pour enfant plein d'images, je regardais un article perdu dans les colonnes du Washington Post. Reliance lançait ses chaînes alimentaires et le Congrès discutait de ces usines à viande. Plus rentable, moins cruel que le bétail entassé, plus rapide, plus fiable, je retrouvais les arguments de Reliance contre ceux des opposants et j'observais que pas une fois le mot « poney » n'était prononcé. Comme si cette publicité à plusieurs milliards n'existait pas.

Il me vint en tête que, comme toutes les émissions, bientôt ces live cesseraient. D'ici un an, peut-être moins. Je me demandais alors ce que les ponettes deviendraient, ces six ponettes en vitrine, une fois la caméra éteinte.

Enfin un jour je me décidai.

Je passai commande d'une Twilight Sparkle, lors des actions d'automne, choisis la provenance -- l'Espagne -- et je découvrais alors cette option d'achat, dans le transport : pour deux cents francs de plus, la ponette faisait le voyage réveillée, dans un box, et je pouvais venir la chercher dans une des fermes de la région -- à quelque chose comme une heure de chez moi. On m'avertirait de son arrivée, et j'aurais alors un délai pour la récupérer. L'idée me traversa que c'était cher et contraignant.

Aussi, je savais la sorte d'excitation qu'il y avait, pour un brony, de trouver sa ponette à soi dans le carton troué, de la voir se réveiller pour la première fois, devant soi, et vous sourire. J'avais vu l'effet sur les autres, et je savais vouloir vivre la même expérience. Et puis, deux cents francs. Mais je me rappelais avoir aussi trouvé dérangeant d'envoyer des êtres vivants par colis, et je songeais au postier, à ma porte, portant ses quinze kilos entre les bras, me faisant signer avant de me laisser avec ma ponette. Ce n'était pas la même chose.

L'action d'automne durait toute la semaine. Je laissai traîner pour régler cette question. J'envisageais comment m'organiser pour aller chercher ma ponette dans cette ferme perdue en campagne. Je me décidai pour cette solution.

Je passai commande d'une Twilight Sparkle, payai et comptai les jours.

Et en attendant son arrivée j'allais revoir mon copain brony et sa Fluttershy, je l'écoutai se fâcher parce qu'elle ne pouvait pas se servir correctement des toilettes, et qu'il avait dû lui aménager un coin. J'avais presque envie de soupirer. Elle, elle me sourit timidement, et me laissa lui caresser la crinière. Je remarquais que sa crinière était mal brossée : il s'y prenait mal. Je réalisai, en les écoutant, qu'il tirait fort sur le crin quand il brossait, et je lui ouvrais le livret où il était explicitement dit d'y aller doucement, en prenant son temps. La petite pégase, en voulant arrêter notre dispute, murmura que ce n'était pas grave.

Je lui hurlai que c'était grave. J'étais soudainement passé de l'agacement à la colère, et cette colère n'avait rien à voir avec la manière dont on brossait les crinières. Je m'excusai aussitôt. Elle avait fui dans une autre pièce et mon copain : « C'est malin ! » Et il battit des bras en allant la rejoindre pour la consoler.

Bien sûr que c'était grave. J'avais suffisamment vu la petite Fluttershy, devant sa caméra, s'alarmer et pleurer en tentant de se coiffer. La Fluttershy que j'avais vue tout ce temps -- laquelle… -- avait besoin de soigner sa chevelure, comme nous de nous habiller. La baignait-il ? Que lui faisait-il manger ? Je préférais ne pas poser toutes ces questions. Je ne voulais pas me disputer avec un ami, lui faire confiance, mais j'avais l'horrible impression que cette Fluttershy mentait, et souriante la minute d'après, comme si je ne lui avais jamais crié dessus, elle demanda si je restais pour jouer.

On me demanda quand ma Twilight arriverait. Je rappelais qu'il fallait au moins dix-neuf jours simplement pour préparer l'embryon. On me prit pour un imbécile : « Ils doivent en avoir des déjà prêtes. » Je ne dis rien.

J'avais commandé ma ponette alors que celles-ci, déjà largement acquises aux États-Unis, devenaient banales également en Europe. En allant au magasin, j'en vis deux, une Rarity et une Fluttershy, en laisse avec un chien à côté de l'entrée. Elles causaient entre elles, baissant un peu la voix à mon approche, et parlant avec sourire du beau temps et de vertes prairies. En ressortant, je remarquai que Rarity était seule, et qu'elle foudroyait le chien du regard, l'air dégoûtée. Elle m'arracha un sourire.

Ma Twilight n'arrivait pas.

On me conseilla -- mon employeur me conseilla -- de passer une réclamation. Au moins de m'informer. Il y avait des suivis de colis, mais je n'avais pas demandé un colis. Alors, à tout hasard, je passai à la ferme où, plus tard, il me faudrait venir retirer ma ponette.

Bien sûr, elle n'était pas encore là. Le couple de fermiers était à table, à discuter, le mari fumant la pipe, et je demandais où étaient les ponettes. Il me fit signe de venir, enfila sa jaquette puis alla par un sentier, du côté des champs, et après une colline il me montra un pré clôturé de fil électrique. « Pas d'crainte, c'est du petit jus » me dit le fermier. Une demi-douzaine de ponettes jouaient là-bas, dont deux Twilight.

« Tu vois, celle-là, je crois qu'on l'a oubliée. » Me dit-il encore en pointant l'une des deux petites juments violettes. « Ca fait plus d'une semaine qu'elle est là. Je vais finir par l'adopter, si ça continue. »

Pas question de me la remettre, mais il me laissa l'accompagner dans le pré pour aller parler aux petites, et je m'étonnais de le voir tendre la main pour les caresser, et elles courir à lui et se presser autour pour lui faire la fête. Il avait l'air de fondre en leur présence.

« Qu'on en ait zéro ou dix, on est payé de même. » M'expliqua la fermière tandis que je m'asseyais à leur table, sous le chêne. « Ca paie la ferme et ça rentabilise le pré. Puis nous qu'on a plus d'enfants, ça nous fait de la compagnie. »

« Si une ponette fuguait, vous la prendriez ? » Je demandais.

« Pour sûr non ! » Me lança-t-elle en riant. « T'imagines les problèmes ? Et puis, elles peuvent pas fuguer. Tu peux les frapper ce que tu veux, elles s'excuseront encore. Les pauvrettes. Y z'ont fait quelque chose dans leur tête, pour qu'elles se laissent faire comme ça. »

Elle m'expliqua encore que les petites n'aimaient pas la pluie, mais que la première nuit où elle avait fait, « ça vous dérange ? » elles avaient dit non. Elle les avait retrouvées le matin, toutes trempées, qui lui souriaient, et elle avait bien vu que ça n'allait pas. Alors quand il y avait de l'orage, elle envoyait son mari les chercher, et les petites attendaient que ça passe dans la ferme. Elle et son mari s'étonnèrent, quand je leur dis qu'il existait des live de ponettes vivant leur vie dans des décors d'Equestria. Ils ne savaient même pas ce qu'était Equestria.

Je rentrai chez moi pour constater qu'il n'y avait toujours rien.

Mais le mois suivant, en milieu de semaine, alors que je revenais du travail je trouvai au pas de ma porte un colis ouvert, avec des trous.

Je songeai que c'était une mauvaise blague. La poste exigeait qu'on fasse signer le colis, et le ramenait au dépôt s'il n'y avait personne pour le réceptionner. De toute manière, je n'avais pas commandé un colis. Quelqu'un l'avait posé là pour me faire une blague. Une blague de très mauvais goût, je songeais, en m'approchant.

Clés en main, je jetai un oeil au colis dont le scotch avait été déchiré, le carton forcé et crevé, déchiré ici et là. Quelque chose me dérangea. Quelque chose me dérangea vivement. Je ne savais pas quoi, quelque chose dans la manière dont le carton avait été forcé, mais déjà je fouillai du regard la paille fraîche défaite, qui avait été projetée sur les côtés et qui couvrait mon paillasson. Pas de carte. Pas de ponette. Je me penchai pour chercher, sur le carton, les indications de la poste. Je ne trouvai rien. Puis, le carton entre les mains, je compris ce qui m'avait dérangé et me dérangeais encore : les bords semblaient avoir été crevés de l'intérieur.

Je fouillai l'ensemble du corridor du regard, les escaliers, en haut, en bas. Je tournai mon regard vers ma porte, je songeai à l'ouvrir, avec l'idée que, comme par magie, la ponette serait à l'intérieur. À tout hasard je vérifiai que la porte était bien fermée à clé. Elle l'était. Alors je rejetai mon regard sur le couloir, sur le sol de catelles où je vis la paille, par petits brins, se hasarder jusqu'aux premières marches.

Il me fallut me tenir au mur en me relevant. Je me rendis seulement alors compte de mon état, le coeur battant, le regard un peu fou. Je n'arrivais plus à penser clairement. Je ne comprenais pas ce qui arrivait mais j'avais envie que ça arrive. Et je craignais en même temps de confronter ce qui m'attendait là-bas. Je regardais l'autre porte de l'étage, et je me demandais depuis combien de temps ce colis était là, pourquoi personne d'autre n'avait réagi. J'avais l'impression que le monde s'était réduit à ce seul étage d'immeuble.

Pas à pas, hésitant, je rejoignais l'escalier menant à l'étage supérieur. J'avais des questions bêtes, comme, pourquoi avait-elle choisi de grimper au lieu de descendre ? C'était supposer qu'il y avait un « elle ». Je montai les marches, sans plus de paille pour me guider, et j'avais l'impression de faire fausse piste quand une petite respiration attira mon attention. C'était rapide, et faible, comme essoufflé.

Elle était à l'angle, sur les dernières marches. C'était Twilight Sparkle, la carte serrée entre ses deux sabots, le regard grand ouvert, fixe et affolé. Elle respirait par petits coups, comme si elle avait du mal, et elle tremblait. Je m'approchais encore. Elle ne semblait pas me voir, mais respira plus fort, plus vite. J'arrivai à sa hauteur, je me penchai pour tenter de croiser son regard. Ses pupilles s'étaient rétrécies un peu, dans ces yeux immenses, et je pouvais y voir mon reflet malgré la mauvaise lumière des escaliers. Elle clignait à peine, soufflait, avec énormément de mal pour respirer. Elle hoquetait parfois. Je la touchai, la sentis froide, son front froid, et quand je retirai ma main je vis ses deux yeux fixés sur moi, avant qu'ils ne redescendent. Elle serra la carte un peu plus, raidie, et sa respiration m'alarma.

Je songeais : appeler une ambulance ? L'emmener au vétérinaire ? J'essayais de comprendre ce qui se passait. Elle était paniquée, sous le choc, elle se recroquevillait toujours plus et tremblait, et sa respiration était de plus en plus difficile.

Les minutes passèrent, ainsi, avant que je ne réalise que plusieurs minutes étaient passées, et son souffle était presque éteint. J'étais resté là, incapable, comme choqué moi-même et plus affolé qu'elle. J'étais éperdu, je ne savais pas quoi faire. Je n'arrivais pas à comprendre ce qui se passait. Je songeai à frapper chez le voisin, à faire quelque chose, n'importe quoi. Je me rendis compte soudain qu'elle ne respirait plus.

Une fois que ce fut terminé, je m'approchais pour saisir la carte, la lui retirer des pattes et l'ouvrir. Je trouvai le manuel, la notice et la garantie. Je lus la garantie, le visage encore livide. C'était prévu. J'avais droit à un remboursement.

On m'annonça deux jours plus tard que ma Twilight Sparkle m'attendait toute frétillante à la ferme, et on m'invitait à venir la prendre.

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Haxe
Haxe : #47185
C'est terrible...
Wow bravo! Ca fait froid dans le dos et t'écris vraiment bien!
Franchement, heureusement que tu n'a pas parlé des deviances sexuelles et des violences gratuites... ^^ bref beau boulot.

Nan franchement j'espère que ca n'arrivera jamais.
Il y a 9 mois · Répondre
Luiwen
Luiwen : #47025
"Un poney pour quelque chose comme mille trois cents francs."
"Mille trois cents francs."
"Et puis, deux cents francs."


Rappelons que la G4 est née en 2010 (ou 2011 je ne sais plus mais c'est dans ces eaux là) et qu'il est donc inconcevable que de tels clonages puissent être fait avant 2010. Ca se passe donc à une année égale ou plus récente de 2010. Or, l'euro a remplacé le franc en 1999.
À moins que l'histoire se déroule en Suisse, c'est un anachronisme grossier.

Mais franchement, pour ce qui est de l'histoire... ça ne m'a pas affecté et encore moins marqué. Mais il est vrai que ça nous fait comprendre qu'il n'est peut-être pas si mal que nos héroïnes préférées restent derrière des écrans de télévisions.
Mais si ça arrivait vraiment dans la vraie vie, je ne pense pas que "j'achèterai" un poney, pour la simple raison qu'il les "vendent" à but lucratif (je respecte bien trop ces petits poneys pour les rabaisser à des valeurs économiques comme si c'était de vulgaires objets).
Et en plus ce sont des clones. Vous auriez sûrement aimé avoir un poney absolument unique et non une réplique parmi tant d'autres n'est-ce pas?
En tout cas, je réponds oui à cette question.
Il y a 9 mois · Répondre
slendercut
slendercut : #35044
j'ai pas trop compris pour la chute mais ctait supe bien réalisé avec tes sortes de journaux je me suis cru dans un documentaire et j'ai aussitot accroché comme dans une creepypasta
Il y a 2 ans · Répondre
Trickster
Trickster : #27629
Très bonne fic ! La façon dont les poneys sont traités est révoltante de réalisme. Quant on sais comme nous traitons les animaux et nos propres semblables comment croire que des êtres créés industriellement de toutes pièces puissent recevoir le moindre égard pour leur condition d'êtres vivants. Fussent-ils parlants et intelligents. La seule manière pour l'homme de se concevoir un égale serait que celui-ci lui soit supérieur.
Il y a 2 ans · Répondre
Vuld
Vuld : #16910
Trois considérations.

La première a trait à la perception de l'animal.
Et là, deux remarques : la première, tu n'accepterais pas qu'un poney puisse voter. Du point de vue légal, donc, pas question de lui donner un statut humain. La seconde, qu'il parle ou non tu ne négocieras pas avec ton chat s'il peut miauler sur le balcon ou, cas banal, s'il doit être castré.
Le poney n'est pas traité comme un animal. Il est traité comme un enfant. Un enfant dont on attend qu'il soit docile et obéissant.

La seconde a trait au clonage.
La durée de vie limitée n'est pas liée à un contrôle, mais à l'ADN artificiel, "collage" d'ADN naturel, qui au renouvellement des cellules se défait peu à peu. Dès 4-5 ans, ton poney souffre d'un tas de problèmes et à 6 ans la mort est une quasi-certitude, ne serait-ce que pour lui éviter de souffrir.
Quant au blocage mental, dans PonyCell ça vient d'une vision faussée du système neural où on considère la colère comme un neurohormone dont on empêche la production -- en supprimant la glande correspondante. C'est d'ailleurs en gérant la production de neurohormones que les chercheurs cherchaient à reproduire les différentes personnalités des poneys. Bien plus que par la mémoire.

La troisième a trait aux viandes industrielles.
J'avais déjà, avant PonyCell, imaginé une société utilisant le clonage pour produire la viande. Société beaucoup plus positive cela dit.
Les "fermes à viande" étaient alors de grandes cuves stérilisées de quelques 10'000 m3 où la viande artificielle était produite. Il y avait alors deux difficultés : la première, la viande produite était d'un seul type. Pas d'entrecôte ou de filet, par exemple. La seconde, l'ADN pour produire cette viande ne pouvait pas être réutilisé. En gros, pas question de risquer qu'il se détériore.
Pour régler ces deux problèmes, les "fermes à viande", comptant en général une vingtaine de cuves, étaient soumises à une règle exigeant que, pour chaque cuve, il fallait élever un certain nombre de bêtes du type correspondant. Le ratio était, je crois, de 100 bêtes par cuve. Une ferme à vaches, par exemple, devait avoir 2'000 vaches dans les champs. La ferme utilisait ces vaches pour avoir de l'ADN "frais" et ces vaches fournissaient toujours de la viande "de luxe", type entrecôte ou filet, que les fermes à viande ne pouvaient pas produire. Et les os et tout ça à côté.

Anecdotiquement, l'introduction de ces fermes avait été trop brutale, et du coup les grandes exploitations soudainement non rentables n'avaient pas pu "écouler leurs stocks". Ce qui avait donné lieu à un abattage de bêtes en masse, à l'échelle d'un pays.
Dans le cas de PonyCell, cela dit, le problème n'est pas la production de viande. C'est même anecdotique. Le problème est qu'il y a dans cette histoire une telle maîtrise de l'ADN & co qu'il y a moyen de mener des guerres biologiques -- à l'image des cyberguerres pour le piratage et le sabotage informatique. Le contrôle alimentaire deviendrait alors un problème de sécurité national, et les questions de "vaccination" une priorité.
Non parce que bon, avec une telle maîtrise on peut aussi considérer qu'on a réglé le problème de pas mal de maladies...

Accessoirement, on aurait probablement aussi eu des ordinateurs semi-biologiques, avec notamment l'ADN pour stocker les données. L'ICMR devait probablement avoir déjà de tels ordinateurs pour réussir à calculer l'ADN d'un poney...
Il y a 3 ans · Répondre
lnomsim
lnomsim : #16893
Enfin lue !

Comme je le pensais, je ne suis pas aussi choqué que je m'y attendais en lisant les commentaires.
L'histoire en elle même n'est pas choquante mais certes fait réfléchir, sur des thèmes qui existaient déjà avant et pas seulement sur les bronies je pense.

Cette fic aborde le problème du clonage et du traitement des individus, du moins c'est comme ça que l'ai prise.

Le plus gênant de mon point de vue est l'approche à avoir vis à vis des poneys.
Je pars du principe qu'à partir du moment où un être est capable de communiquer et de se comporter 'comme un humain', il doit être considéré comme un individu et non une 'chose'.

Quand mon chat pisse par terre, je lui met une rouste. Le jour où elle me demandera d'arrêter, j'arrêterai, parce que ce ne sera plus un chat mais une personne. Et je lui dirai aussi d'arrêter de pisser par terre et de faire comme n'importe quel individu civilisé : aller dans sa caisse ou aux toilettes.

Ici même si les poneys sont conditionnés pour réagir automatiquement de façon positive, ils sont capables de communiquer, d'avoir des sentiments, des sensations, etc...

Les traiter comme des animaux revient de façon simplifier à les traiter comme des esclaves. Ils doivent répondre à la volonté de leur maître et sont abandonnés lorsqu'ils ne sont plus jugés désirables.

Au moins, même si leur condition de 'livraison' est proche d'un vulgaire objet, il y a tout de même une distinction entre un simple jouet et un véritable animal. Le problème étant qu'on s'arrête à l'animal.

Ensuite il y a le 'problème' du clonage. Pour ma part il ne s'agit que du clonage industriel, je comprend parfaitement que les poneys pour le coup aient une durée, ou plutôt une espérance de vie limitée, après tout, comme dit dans la fic, ce n'est pas réellement du clonage, les poneys sont au clonage ce que le plastique est à la synthèse.

Créer un poney c'est introduire une nouvelle espèce, intelligente qui plus est (ce qui je suppose justifie le blocage mental), si bien que pour les empêcher de nuire à l'écosystème, il faut les empêcher de se reproduire et limiter leur espérance de vie (encore une fois, on en revient à un contrôle presque plus strict que l'esclavage humain ou l'élevage animalier). Bien que je doute que ce soit la préoccupation première de PonyCell, mais on parle d'une entreprise fictive donc...

C'est la production industrielle de viande de consommation qui me gêne. Par pour des raison médicales, mais justement pour l'écosystème. La plupart des espèces animales capables de produire de la viande en masse ont étés domestiquées il y a des centaines de milliers d'années. Ne plus élever les animaux en batterie pour les envoyer finir leur 'vie' en abattoir est certes moins cruel.

Mais si demain nous mangeons de la viande qui n'est plus produite par ces animaux, que deviendront-ils ? Les chevaux de traits sont déjà une espèce menacée car ils ont étés remplacés par les tracteurs. Les cochons pourront toujours servir pour la médecine, les chevaux pour le fumier, les moutons pour la laine et les pâturages, les vaches pour le lait et le cuir. Mais qu'est-ce qu'on fera de la viande ? (d'ailleurs, au final il faudra toujours envoyer certains animaux à l'abattoir pour récupérer leur peau ou leurs os)
Il y a 3 ans · Répondre

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