Toutes les bonnes choses ont une fin bien évidemment, j'aurais juste aimé que cela nous arrive d'une autre manière. J'aurais voulu que ça se fasse par un adieu d'Applejack partant pour Equestria, avec la satisfaction d'avoir réussi à la faire devenir ce qu'elle est maintenant. J'aurais préféré que Clara et moi nous nous séparions de n’importe quelle manière, pour n’importe laquelle des raisons possibles, je m'en fiche. J'aurais voulu qu'elle et moi, nous vieillissions ensemble jusqu'à la mort pour laisser à Applejack une maison à elle toute seule, le plus tard possible, pas si tôt. L’idée de nous marier un jour était si invraisemblable, on n’avait pas besoin d’une cérémonie pour prouver notre amour, elle et moi considérions le mariage comme une histoire de pognon...mais là j’en avais tellement envie.
On dit que les plus belles journées de notre vie sont les plus simples, alors pourquoi ce n’est pas pareil avec les pires ? Ça avait commencé sous la pluie alors que je rentrais d'un chantier. Je n'écoutais pas les infos à la radio mais de la musique, depuis ce jour je regrette douloureusement de ne pas l’avoir fait. Il pleuvait des cordes, une fois à la maison j'entendis la télévision, Applejack regardait le journal et c'était un flash spécial. Je détestais les infos et toutes ces mauvaises nouvelles, et encore plus quand c'était la ponette qui les regardait.
« Applejack, je t'ai déjà dit de ne pas regarder ça ! râlais-je.
-Mais P'pa j'y peut rien ça s'est changé tout seul, ils passent ça sur tout’les chaînes.
-Tu es sûre ?
-En plus, il n'arrêtent pas d’montrer l'endroit où m’man travaille. »
Il ne s'est pas passé plus de trente secondes entre le moment ou j'ai regardé la télé ; vu la mairie de la ville, et celui où j'ai redémarré la voiture. Durant le trajet j'ai appelé au moins vingt fois Clara mais à chaque appel je retombais directement sur le répondeur. Plus je m'approchais de la ville et plus mon cœur battait fort. J'ai du prier plus de dix-mille fois, quémandant “pitié” sur le trajet. Je voyais déjà des gravats sur la route, des arbres déracinés que l'on avait retrouvé éparpillé sur plusieurs centaines de mètres, des maisons broyées avec des voitures explosées par des planches traversant le pare-brise. Il y eu un vrai massacre, à seulement trente kilomètres de mon lieu de travail. Tout en essayant d'esquiver les débris jonchant la route, j'ai voulu rejoindre le centre ville et la mairie... enfin ce qu’il en restait, ça ressemblait plus à un champs de bataille ayant vécu un bombardement aérien.
J’arrivais enfin en vue de la mairie. Autrefois, il s’agissait d’un superbe bâtiment, une architecture toute en rondeurs avec une coupole en guise de toit. À travers ma vitre j'y ai découvert une ruine déchirée en deux, les bureaux et les tables dispersés partout autour. Je suis descendu de la voiture, hurlant le nom de Clara, courant vers ce qui restait de son lieu de travail. J'ai fouillé partout, mes yeux cherchaient désespérément un signe de vie, ou de ce qui pouvait ressembler à un corps humain. J'ai poussé et soulevé des planches, retiré des gravats et appelé encore et encore son nom. Puis je me suis souvenu qu'a cette heure elle rentrait du travail, on finissait pratiquement en même temps sauf qu'elle ne prenait pas la même route pour rentrer.
J'ai donc pris la route principale pour être arrêté subitement par un barrage de policier, et derrière eux... j'y ai vu le pire paysage de toute ma vie. Un monstre avait ravagé un nombre incalculable de voiture coincé dans un embouteillage, des véhicules avec dedans des personnes rentrant au travail mais aussi prenant la route des vacances. J'ai supplié de toute mes forces mais en voyant des voitures retrouvées presque à un kilomètre d'ici, d'autre broyées et écrasées par un ou plusieurs camions, transpercées par des débris tranchant... Je compris que peu de personnes y avaient échappé, pas même la voiture de Clara qui subit les conséquences de ce hachoir catégorie F5.
On l'a retrouvée quelques heures plus tard, je n'avais pas eu le droit de participer aux recherches à cause des risques d'explosion avec toute cette essence dispersée.
On me l'a présenté à l’hôpital, sous une couverture.
Sa voiture fut happée par un vent si violent qu’elle s'est retrouvée à plusieurs centaines de mètres de haut pour finir par une chute sans rien pour l'arrêter à part le goudron. Elle est morte sur le coup, elle n'avait pas souffert, il n'y avait que ça pour me rassurer même si je l'imaginais sans cesse dans sa voiture à regarder le sol s'éloigner, assise dans son siège à voir le paysage défiler à toute allure ne comprenant pas ce qui se passe à cause de la force centrifuge, puis ensuite revoir le sol se rapprocher à toute vitesse...
Je n'ai pas pu cacher mes larmes quand je suis revenu à la maison, même après être resté des heures à la morgue. La nuit était tombée, je n'avais pas dit à Applejack pourquoi j’étais parti précipitamment et si longtemps. Mais une fois qu'elle me vit, les yeux rouges et prêt à exploser de chagrin, elle aussi comprit ce qui lui était sûrement arrivé avec ce qu’elle avait vu à la télévision, cherchant tout de même un espoir.
« Papa, elle est où m’man ?
-Elle...
-Où elle est maman, j’veux la voir ! criait-elle.
-Maman est... »
Et je n'ai pas pu résister, j'ai éclaté en sanglot devant elle en tombant à genoux. Appejack ne voulait pas y croire, refusant sa disparition, me répétant qu'elle allait revenir, dans la colère mais aussi dans le désespoir le plus total, tapant avec ses sabots sur moi recroquevillé, espérant que ce soit une très mauvaise blague. J'étais moralement anéanti, pleurant, sans plus pouvoir m'arrêter. Applejack vint se blottir dans mes bras, elle aussi fondit en larmes, se serrant contre moi de toutes ses forces. Nous sommes restés au milieux de ce salon à nous consoler, pleurant jusqu'à ne plus avoir de larmes à faire couler.
Nous sommes restés dans le salon toute la nuit, j’ai fini par m'asseoir sur un fauteuil et Applejack réussit à s'endormir contre moi. Je ne pouvais plus penser, impossible de m’imaginer que j'allais vivre sans elle. Je ne me voyais pas continuer la vie sans Clara. Et puis j'ai de nouveau regardé Applejack, le visage marqué par les larmes qui avaient coulé sur ses joues. Allait-elle supporter un tel choc ? Elle venait de perdre sa mère. J'avais tout fait pour qu'elle ne subisse pas un tel chagrin mais il avait fallut que ça arrive.
Polycop fut démoralisé par cette horrible perte, la ville aussi avait appris sa disparition même si on compta plus d’une centaine victime. Le maire, sa famille et moi avons fait les plus belles funérailles possibles en son honneur, peu importe les moyens dépensé, même avec tout l’argent du monde entier ça n’aurait pas été suffisant pour la remercier de tout ce qu’elle a fait, juste pour l’amour qu’elle m’a donné. J’aurai voulu voir cette scène cinquante ans plus tard, voir pas du tout, j’aurai tout donné pour partir avant elle. La ville venait de perdre un visage familier lui donnant de la lumière, mon ami venait de perdre probablement sa meilleure amie, Applejack venait de perdre sa mère, et moi la femme de ma vie.
Polycop passa beaucoup de temps avec nous durant cette période pour être sûr que nous allions bien, il se remémorait comme nous des meilleurs passages que nous avions vécus, comme ce jour où nous avions joué tous les quatre aux cowboys dans mon jardin. Un exemple parmi tant d'autre que l'on regardait tous les jours sur mon album photo, à sourire les larmes au yeux en repensant à ces délicieux souvenirs, enlacés afin de rechercher en nous le peu de chaleur réconfortante qui nous restait afin de la partager et d'être fort face à cette terrible épreuve.
C’est difficile de dormir seul après tant d'années, même si j’avais plus de place c’était trop vaste pour moi. Alors je restais dans mon salon à regarder la télévision assis sur le canapé tel un zombie. Ma petite Applejack avait également du mal à dormir, surtout que le soir, Clara et moi avions l'habitude de lui souhaiter bonne nuit quand elle était dans son lit. Je continuais à le faire, mais comme il n'y avait plus “maman” avec moi ce n'était plus pareil.
Souvent, presque tous les soirs, pendant que la télévision me regardait, elle venait me rejoindre. Je la voyais, les yeux larmoyants me demandant si elle pouvait m'accompagner dans ma solitude. Elle cherchait un peu de tendresse et moi je lui donnais ce que je pouvais en la prenant dans mes bras et lui disant que j'étais là. Même si je ne parviendrais jamais à en faire autant que Clara, je lui disais que je serais toujours là pour elle et que jamais je ne l'abandonnerai. Elle aussi me tenait dans ses pattes, je sentais ses sabots tremblants dans mon dos et des larmes chaudes à travers mon T-shirt, elle me disait :
« Merci mon papa, je t'aime »
J'ai une fois de plus craqué à mon tour, silencieusement. Je ne savais pas si je serais capable de m'en occuper seul, Clara s'occupait d'elle autant que moi mais dans des domaines auxquels je ne connaissais pas grand chose, impossible de savoir si j'allais y arriver sans elle. Arriverais-je à lui donner l'amour dont elle aurait besoin ? Je ne jouais qu'un rôle pour qu'elle se sente juste bien. Je m'étais promis qu'elle n'aurait pas à subir de bouleversement, aucune violence ni tristesse à encaisser mais malheureusement elle a subit ce que l'on peut endurer de pire. Une fois de plus ce monde me paraissait trop hostile et mortellement dangereux, beaucoup trop pour une ponette comme elle. Jamais je n’avais autant méprisé cette planète.
Ce vide devenait peu à peu supportable mais il était toujours là. Trop de place dans mon lit qui parût tristement et froidement plus grand, les tartes et autres gâteaux cuisinés étaient plus difficiles à finir car il restait une ou plusieurs parts habituellement destinées à quelqu’un d’autre, et ce canapé était devenu trop disponible. Je disais à tout le monde que ma période de deuil était terminée et que je re-menais une vie normale. Applejack oui, elle recommençait à arroser ses pommier et s'occuper du potager, de temps en temps elle s’entraînait à taper dans ce tronc d'arbre devenu robuste à coups de sabots, même si parfois je pouvais lire sur son visage du regret et un manque visible quand c'était moi qui lui brossait la crinière, autrement je la voyais sourire comme avant et elle n'hésitait pas à se confier à moi quand le moral n'y était pas.
Mais moi, je n'étais bien que de l'extérieur, j'avais repris le travail et ça pour en avoir... Tout une ville à reconstruire dont la mairie où j’ai du coordonner les travaux. Chaque fois que quelqu'un me demandait si j'allais bien, le “oui pas de problème” que je disais sonnait faux, mon cœur tombait au fond de mes entrailles à chaque fois que l'on me posait la question. J’avais beau cacher mon mal-être tant bien que mal mais rien n’y faisait. J’avais mauvaise mine, rongé par la tristesse. On m'ordonna de rentrer prendre du repos. Tous le monde savait en ville ce que je vivais même si j'étais loin d'être le seul dans cette situation, ils ne me laissaient pas le choix, à tel point qu'ils m'ont poussé jusque dans la voiture quitte à la conduire à ma place.
Polycop m'appelait souvent pour savoir si j'allais bien, moi plein d'appréhension, je lui disait qu'il n'avait pas à s'inquiéter alors que je passais presque tout mon temps libre les yeux devant l'écran de mon ordinateur, cherchant lamentablement la moindre solution pour ramener Applejack chez elle. Chaque fois que je la regardais, l'idée qu'il puisse lui arriver quelque chose me rendait paranoïaque, j'ai bien vu qu'elle s'apercevait de mon comportement inhabituel mais qu’elle n'osait rien dire car elle savait ce que je vivais, tout le monde le savait mais personne ne disait rien de peur de m’offenser.
En plus de chercher une solution, j'étais devenu un véritable expert en tornade. Je pouvais prédire s’il pouvait y en avoir une et reconnaître chaque signe précurseur. J'en savais un peu plus sur la tornade qui avait tuée Clara, il y avait eu en fait une vingtaine de ces choses ce jour là, au Texas, mais aussi dans l’Oklahoma, le Kansas, le Nebraska et l’Iowa. J'ai tout fait pour veiller à sa sécurité au point même de rénover l'ancienne cave qui était sous le parquet du salon, de façon à ce qu'Applejack puisse s’y rendre sans que je ne sois là si jamais le pire venait à arriver.
J'étais plongé dans une folie aveugle, à chercher la moindre théorie sur l'existence de plusieurs dimensions possible, à lire des textes d'illuminés insinuant avoir trouvé le moyen d'entrer en contact avec ces mondes parallèles. Je me suis même disputé avec Polycop qui essayait de m'ouvrir les yeux sur mon état alarmant, laissant la jeune jument dans l’incompréhension et ne sachant pas quoi faire pour me rendre la vue. Je disais des choses qui n'avait ni queue ni tête devant lui, le laissant souvent sans voix au point même qu'un jour, impuissant, il me dit :
« Veille simplement bien sur elle, rien de plus, c’est tout ce que tu as à faire. »
Puis il se leva, dit au revoir à Applejack et rentra chez lui. Je ne l'ai pas revu avant plusieurs mois, pas avant que je comprenne vraiment ce qui se passait. Je ne parle pas seulement de mon entrave sur mes agissements, mais de tout ce qui s'était passé depuis le début.
C'était un soir, une énième fois sur mon ordinateur à lire une théorie sur les dimensions créées par notre simple imagination. Ça disait que chaque chose que nous fabriquions avec notre esprit se matérialisait dans un autre monde, que des univers entiers existaient par milliard issus simplement de notre tête. Maintenant que j'y repense, je me demande comment j'ai pu être captivé par des absurdités pareilles même si c'était probablement l'une des hypothèses les plus probable avec la preuve que je détenais chez moi. Si concentré par cet article que je n'ai pas entendu la preuve en question qui m'appelait à l'entrée de ma chambre. Elle dut s'y prendre plusieurs fois avant de me faire émerger de ce texte sans aucun sens.
« P'pa tu peux v’nir en bas ? J'ai...
-Je n'ai pas le temps Applejack. »
Je ne savais pas ce qu'elle voulait faire et pourtant par un reflex inexpliqué sans m'en rendre compte je l'ai envoyé balader. Elle ne comptait pas en rester là, surtout quand elle vit ce que je faisais une fois de plus. Je savais qu'elle se doutait de quelque chose sauf que cette fois-ci elle osa entrer dans le vif du sujet.
« Tu cherches encore à m’renvoyer là d'où j’viens ?
-C'est pour ta sécurité, je n'accepterai jamais qu'il t'arrive quelque chose. Si tu as réussi à venir ici, alors il doit bien avoir un moyen de te renvoyer à Equestria.
-Ah oui... c't'endroit...
-Tes amis et ta famille doivent être inquiets depuis le temps, si elles n'ont pas trouvé le moyen alors moi je le ferais ! »
Je parlais comme un dégénéré, comment ai-je pu dire des choses aussi insensées ? Elle ne me reconnaissait pas et quand j'y repense moi non plus. Son regard était triste, elle voulait encore dire quelque chose mais elle était terrifié. Alors que je replongeai la tête dans l'article, j'entendis quelque chose qui me mit hors de moi, sans réelle raison.
“ Et si... j’voulais pas y aller...”
Je me répétais encore une fois, plus fort et plus froidement. Je ne cessais de lui dire et redire la même chose, qu'elle venait d'un monde sans danger et que sa place n'était pas ici. Je la voyais reculer d'incompréhension, comme si j'étais un inconnu. Quand elle partit, je crus entendre...:
« Moi tout c’que j’veux c'est être avec toi papa... »
Cette phrase a mis longtemps avant de venir à mon cerveau qui était bouché par toutes ces pensées de malade illuminé. Alors que j'étais encore sur cet article, un lointain souvenir est remonté en moi, sans prévenir. Un souvenir qui remonte au plus profond de moi et de mon passé.
C'est ce genre de rêve que l'on fait quand on est petit, où l'on est seul à ne chercher qu'une unique chose. Au loin, on voit une silhouette devenant de moins en moins visible mais que l'on appelle désespérément à s'en casser la voix, pour au final se retrouver seul... absolument tout seul. Ça ressemble plus à un cauchemar mais pour d'autres comme moi c'était un souvenir bien réel, pas si terrible que ça d'un certain point de vue mais horriblement traumatisant quand ce genre de chose sont vos tout premier souvenirs. Avec l'âge que j'avais c'était flou, mais je sais très bien ce qui s'était passé. Cette silhouette n'était rien d'autre que mon père, il m'avait déposé dans un centre de famille d’accueil alors que n'avais que trois ans. D'après ce que l'on m'avais dit je n'étais qu'une erreur à ces yeux, un accident. Il m'a donc délaissé devant ce bureau puis partit comme si je n'étais qu'une livraison de lait. Je pleurais, impossible de m'arrêter ou de me consoler par qui que ce soit, j'ai eu beau demander aux dames, pour qui je n'étais qu'un rejet, des questions auquel je n'ai jamais eu la réponse. « Où est maman ? », « Il va où papa ? », « Pourquoi il ne revient pas me chercher ? »... La toute dernière nouvelle que j'ai eu de mon père fut une lettre avec l'adresse d'un compte bancaire sur lequel une retraite était versée parce que les autorités l’ont obligé. Même si je ne savais pas à quoi il ressemblait, j'en ai conclu que c'était un homme d'affaire voyageant d'état en état pour son travail. Il était très facile de l'imaginer.
Un costume noir, un attaché-case et des souliers à prix équivalant à celui de ma voiture, son propre chauffeur pour aller d'un quartier à l'autre dans les centres d'affaires des plus grandes villes, des conquêtes nocturnes afin de se détendre. C'est alors que ma conception lui gâcha son existence, il s'est retrouvé avec une femme de joie en cloque, trop tard pour la faire avorter, qui n'a plus donné de signe de vie à ma naissance, ni même de trace. Cet homme s'est retrouvé avec un enfant de catin sur les épaules, l’obligeant à annuler des réunions à 10,000$ pour payer des nourrices, et non pour passer un peu de temps avec son fils. Il me voyait juste quelques minutes avant le prochain vol pour aller à l'autre bout des États-Unis sans même me prêter une seul once d’intérêt si ce n'est juste comment se débarrasser de moi une bonne fois pour toute. Tout ça au final pour me déposer si ce n'est pas dire « jeter » à un centre pour famille d'accueil, et ainsi vivre une vie de famille dont j'ai peu de souvenirs proches avec chacune d'entre elle.
Pourquoi tout cela m'était d’un seul coup revenu, oubliant presque l'article farfelu qui était devant moi ? Cette simple phrase qu'avait prononcé Applejack changea mon existence pour toujours, quinze ans de vie commune... Je ne l’ai vu que ce soir là. J'ai dévalé les marches à toute allure cherchant partout où je pouvais apercevoir mon petit poney, peut-être en train de se lamenter dans un coin ou pire encore, qui s'était peut-être enfui de colère. Mais soudain j'ai entendu un bruit sourd de bois dur dans le jardin, bien familier. De la véranda j'y ai vu une chose qui méritait d'être prise en photo.
La lune brillait si clairement que l'on pouvait voir le paysage de champs et de culture, plat et immobile s'étendant jusqu'à l’horizon. Impossible de compter le nombre d'étoiles qu'il y avait, elles donnaient presque de l'éclat à tout ce qui étaient à l'ombre de la pleine lune. Une fine rosée s'était déposée sur chaque plante rendant l'herbe légèrement humide ainsi que le fort pommier et chacune de ses feuilles contre lequel Applejack était, à taper dessus avec ses pattes arrières de toutes ses forces. Elle ne le faisait pas pour les pommes qui n'avaient même pas commencé à fleurir, juste pour y libérer toute la frustration qu'elle gardait en elle. Chaque fois qu'elle tapait dessus un nuage de micro gouttelettes d'eau s'en libérait, avec les rayons de la lune cela rendait la chose d'une beauté sans nom et sans voix. Malgré cette belle nuit il régnait une petite fraîcheur à faire frissonner la moindre partie du corps qui y était exposée. Je voulais lui dire de rentrer pour ne pas qu'elle attrape froid, mais à l'entendre gémir de là où j'étais, je n’ai pas osé dire quoi que ce soit ni même aller la voir. Au bout de quelques secondes, elle s’est assise contre le tronc d’arbre, je l’ai rejoint tranquillement et sans mot, de peur de la brusquer encore plus que je ne l'avais fait. Puis je me suis assis également, à plusieurs centimètres d'elle, me confiant :
« Applejack, je sais que maintenant tu dois en connaître beaucoup de cet endroit. Et malgré mes efforts je n'ai pas pu te montrer uniquement ses meilleurs aspect. J'ai tout fait pour, mais malheureusement le destin en a décidé autrement... »
Elle ne bougeait pas, la tête cachée par son chapeau dirigé vers le sol. Je compris que tout ce que je disais n’était que du vent, que ça n'avais aucune importance. Alors j'essayai autre chose.
« Clara... ta mère... a agit avec toi de la même manière dont j'ai agi quand je t'ai trouvée dans le chapeau que tu portes. Mais elle, elle le faisait avec en tête que tu étais sa fille et ça malgré les différences... alors que moi je ne croyais jouer qu’un simple rôle..., disais-je en même temps que je me remettais en question.
-Donc... tu... tu ne m'aimes pas vraiment ?
-Jamais Applejack, jamais je ne penserais ça ! Aujourd'hui si je me suis rendu compte que si j’agissais comme ça avec toi c'est justement parce que tu es... tu es... »
Le mot n'arrivait pas à sortir, mais les gouttes d'eaux de mes yeux l'ont fais sans aucune résistance. J'avais enfin réalisé... Tout ça, tout ce que j’avais fait jusqu’à ce jour, toutes ces questions auxquels je ne pouvais pas répondre quand je n’arrivais pas à lui mentir, je ne l’ai pas fait seulement pour protéger un petit poney perdu, mais parce que elle était... et elle est...
« ... Ma fille, tu es ma fille, Applejack ! Aujourd'hui je m'en rends vraiment compte, je réalise que ce n'est plus un simple rôle que je croyais tenir. Depuis le début je l'ai fait sans vraiment le comprendre mais maintenant je le sais..., avouai-je avant de faire un ultime soupir. »
Soudain elle leva la tête, elle aussi avait des larmes coulant de ses grand yeux rond. C'était des larmes de bonheur, sans tarder elle se jeta dans mes bras sans cesser de me dire qu'elle m'aimait et qu'elle ne pourrait pas vivre sans moi. Tout en tenant ma fille, je l'ai rassurée. Dans une étreinte agréable dont je ne connaissais pas l’existence jusqu’à ce soir là, une ultime fois je lui ai dit que jamais je ne l'abandonnerai et que quoi qu'il arrive je serais là, même si l'un de nous venait à disparaître je ne l'oublierais pas. Je dis autre chose par la suite, la ponette toujours enlacée dans mes bras et moi entre ses pattes.
« Un jour je me suis retrouvé seul dans un endroit inconnu, comme toi, sans parents et sans père. Alors j'ai fait en sorte qu'il ne t'arrive pas ce que je dus endurer. J'ai tout fait pour que tu saches qu'il existe des familles ici, je veux être le père que je n'ai jamais eu... toujours là pour sa fille et qui l'aime de tout son cœur. »
Quand nous sommes rentrés, je lui ai proposé de lire son livre de notes renfermant son ancienne vie. Mais avec son sabot elle repoussa le bouquin, avec un sourire qui me disait que ça n'avait pas d'importance. Je crois qu'après ça je n'ai plus jamais retouché à ce livre.
La soirée s'est terminée devant la télévision avec un bon western des familles. Je trouvais ce film vraiment ennuyeux à mourir, mais le père que j'étais se devait de faire plaisir à sa fille car elle en était friande. Elle s'est endormie la tête sur mes genoux, c'est alors que je l'ai portée jusqu'à sa chambre pour délicatement la poser sur son lit et recouvrir son corps sous la couverture jusqu'à ne voir que sa tête dépasser. Je posai son chapeau sur la table de nuit et je l'ai regardé dormir avec un sourire d'affection. Je ne regardais plus du tout un poney imaginaire, je regardais ma fille.
Notre façon de vivre n'avait pas changé même après cette soirée remplie d'émotions. Je repris contact avec Polycop afin de lui expliquer ce qui s'était passé et qu'enfin j'avais ouverts les yeux. J'eus droit à toutes sortes d'insultes de sa part, je ne crois pas avoir souvenir de m'être fait autant remonter les bretelles, mais au fond, ça ne lui avait jamais fait autant plaisir de me revoir, et moi de même. Les choses sont redevenues presque comme avant, j’avais perdu quelque chose mais j’en avais gagné une autre en retour, je n'avais plus Clara mais j'avais toujours Applejack, et même si d'apparence rien ne changeait c'était devenu bien plus pour moi. J'avais une fille qui avait besoin de moi autant que moi j'avais besoin d'elle.
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Un chapitre très bien écrit avec beaucoup d'émotion,j'adore !
Beau boulot.