Artisanat

Haletante, Twilight se concentra à nouveau pour pouvoir dévier une autre flèche avec son épée. La nuit touchait à sa fin mais un squelette pourvu d’une corne croisa le chemin de la jument, un arc tenu par magie. Décider de garder son arme fut une décision salvatrice car la flèche décochée par le mort-vivant fut parée par la lame de pierre grâce à un mouvement instinctif.

La jument tenta de se ruer sur son ennemi et dut bien vite s’arrêter pour efficacement empêcher un autre projectile de se planter dans son pelage. Le squelette la regardait de ses orbites vides et se mit à reculer, sans arrêter pour autant d’invoquer des flèches et recharger son arc.

Un autre trait ricocha contre la pierre et Twilight put reprendre sa course, pour pouvoir abattre sa lame sur le mort-vivant. Le coup fut porté aux vertèbres, afin de faire voler le crâne équin loin de son corps ; coupé de sa corne, la magie s’évapora et laissa seulement un tas d’os blancs en lieu et place du redoutable archer. L’arc tomba au sol et attira l’attention de la jument.

Si jamais elle trouvait des flèches… L’arc passa autour de son cou et une de ses pattes, chose très inconfortable mais elle ne pouvait pas tenir trop de choses avec sa magie ; son épée et sa torche était déjà suffisamment difficile à coordonner.

La forêt n’avait pas livré d’autres adversaires, mais la présence de deux mort-vivants suffisait à inquiéter Twilight. La soif était un autre problème et elle avait déjà une idée assez précise d’où elle devait se créer un abri, car elle commençait à douter trouver une autre âme dans ces environs à la fois sauvages et… factices.

L’aube ne se fit pas remarquer immédiatement avec l’épais couvert des arbres, mais la jument faillit être aveuglée par la lumière dorée quand enfin elle émergea de l’océan de verdure. Une grande plaine était étalée jusqu’à des collines visibles à l’horizon. La forêt semblait s’être brusquement arrêtée au bord d’un cours d’eau de l’autre côté duquel se trouvait seulement l’herbe à perte de vue.

La licorne épancha sa soif et décida de construire un abri de fortune pour les nuits à venir, le temps de… de quoi ? Twilight ignorait quel but poursuivre. Ou s’il y en avait même un à poursuivre… Le mieux était, trouvait-elle, d’avoir les moyens d’évoluer sereinement dans ce monde étrange et aviser un autre objectif une fois celui-ci atteint.

Elle s’attela donc à cette tâche.

…

Une longue branche solide et quelques pierres lui permirent de modeler une hache. Pouvoir ainsi manipuler par magie les matières premières pour confectionner une objet dont elle avait une représentation mentale s’avéra particulièrement utile, sans pour autant comprendre d’où cela lui venait.

Il lui avait suffi de vouloir couper l’arbre pour se figurer l’outil nécessaire ; Twilight restait soucieuse vis à vis de cette faculté à sortir de sa mémoire seulement les choses utiles quand elles le devenaient. Elle ne pourrait pas prévoir à l’avance le nécessaire pour pallier à une situation nouvelle avant d’y être confrontée… La jument préférait tout planifier, elle le savait, c’était important à ses yeux, sans comprendre pourquoi. Sans doute était-ce une réaction normale dans ces conditions…

La pierre, même taillée en lame, n’était pas le mieux pour couper un arbre et la licorne dut déployer beaucoup de sa magie afin d’abattre des chênes, un pincement inexplicable au cœur. Les troncs furent découpés et à l’aide d’une pelle de fortune, elle creusa dans la terre tendre afin de pouvoir planter les rondins et ainsi créer des murs.

A la fin de la journée, Twilight pu admirer sa petite cabane carrée avec une certaine fierté. Même s’il s’agissait d’un assemblage sommaire de troncs élagués, liés avec de l’argile en guise de mortier, l’ensemble donnait à la jument l’impression d’avoir un abri, un chez elle. Sa magie lui permit de soulever deux troncs sciemment descellés pour servir d’entrée. Elle n’avait pas fait de fenêtre à cause les morts-vivants à l’extérieur. S’ils n’apparaissaient pas de jour, ils devaient sans doute attendre la lune pour sortir.

Au centre de la petite cabane, un trou entouré de rocher accueillait un petit feu, et une ouverture juste au-dessus pour évacuer la fumée. La licorne était allongée sur le sol, mais le sommeil ne venait pas ; trop de questions, de pensées, se bousculaient dans sa tête. Qui était-elle ? D’où lui venait cette sensation d’être étrangère à ce monde ? Pourquoi… pourquoi pleurait-elle à l’idée de voir un autre être mourir ? Et surtout, où commencer à chercher des réponses ? Elle repensa à cette grande jument d’ombre, dans la forêt…

Épuisée, Twilight finit par s’endormir, perdue dans le fil de ses pensées et bercée par le doux crépitement des flammes.

…

Le soleil était à peine levé quand la licorne s’attela à son nouvel objectif : l’exploration. Avec les nombreuses branches et quelques morceaux de bois laissés par son labeur de la veille, elle entreprit de faire un très grand feu pour pouvoir se repérer à la fumée si d’aventure elle se perdait dans les collines alentours. Elle attacha deux silex à sa crinière et s’équipa seulement de son épée, au cas où ; inutile de s’encombrer outre mesure avec des outils. Elle n’avait rien pour transporter de l’eau, alors son voyage serait court, mais Twilight espérait pouvoir trouver un peu de vie. Après tout, s’il y avait des morts-vivants, ils devaient y avoir aussi des vivants.

Sauf si…

La colonne de fumée noire se voyait facilement depuis les creux du paysage vallonné. La jument était partie en ligne droite, perpendiculaire à la rivière, dans le paysage recouvert d’une haute herbe grasse parsemée de fleurs sauvages. Des sauterelles se dévoilèrent sur son passage et elle remarqua des papillons posés sur quelques coquelicots.

Du haut de la première colline, elle put remarquer être aux abords d’un véritable océan de verdure. Tout respirait la paix et la tranquillité. L’espace d’un instant, Twilight fut surprise de se laisser aller à écouter le vent et se sentit bien. Loin de l’amnésie, de la peur, de la survie et des mort-vivants. Elle se serait presque sentie… heureuse.

Mais la réalité la rattrapa. Tout semblait trop beau, trop… faux. Un frisson lui parcourut l’échine et elle réalisa avoir peur. Si la jument se mettait à apprécier la paix de ce monde et se résignait à y vivre… Il lui fallait à tout prix quitter ce monde si creux et mettre le sabot sur le fin mot de toute cette histoire mais… comment ?

Quelque chose au coin de l’œil attira son regard et la sortit de ses sombres pensées. A l’horizon, un peu sur sa gauche, il y avait de la fumée et ce n’était pas la sienne. Elle n’était pas seule. Mais si elle eut l’envie brusque de galoper en direction du lointain feu, la grande distance à parcourir sous un lourd soleil, sans eau visible sur le trajet, lui fit entendre raison.

En aucun cas elle ne pouvait espérer se lancer aussi simplement dans la nature sauvage, pas si elle voulait y survivre. Même des collines à l’allure aussi paisible n’était pas dépourvue de danger ; peut-être y avait-il des serpents, cachés dans les hautes herbes, même si le pire restait l’insolation.

Twilight ignorait d’où elle tirait ces connaissances, sans pour autant se poser réellement la question. Le plus important était de réfléchir à comment réaliser ce voyage de plusieurs heures dans l’immense océan de verdure.

…

L’écorce de bouleau s’avéra être idéale pour tresser des paniers et des cordes de fortune. La licorne ne s’était pas attendue à se découvrir une telle débrouillardise ; il lui semblait peu habituel de devoir survivre ainsi, mais les idées lui venaient naturellement. Elle savait comment faire, mais eut beaucoup de mal à appliquer ses connaissances.

Avec les fines lamelles découpées par magie, elle put confectionner un panier assez simple et le fixa à l’un de ses flancs. A l’autre furent fixés son épée et son arc, et le problème de l’eau fut résolu via une bulle d’énergie magique pour en emprisonner ; elle allait devoir être prudente et concentrée pour ne pas perdre sa réserve.

Le soleil avait atteint son zénith quand elle fut prête à partir, confiante après tout ces préparatifs. La jument était fin prête à aller vers… vers où ? La fumée s’était dissipée et la plaine, immense, lui avait laissé bien peu de point de repère pour savoir où se diriger. Néanmoins, elle avait une idée de la direction et espérait la revoir ; au cas où, elle avait fait un véritable feu de joie à côté de sa maison, pour ne pas rester perdue dans l’immense verdure.

Elle n’était pas totalement confiante, mais l’espoir était la seule chose à laquelle se raccrocher. Cela pouvait être un incendie ou un autre élément aléatoire indépendant d’une autre présence. Voir même un piège… il pouvait y avoir autre chose en plus de ces morts-vivants, tout aussi belliqueux. D’autres poneys, comme elle, aussi intelligent et bien moins amicaux, voir méfiants.

Cependant… elle ne trouverait pas seule les réponses aux questions tapies dans son esprit. Si Twilight ne bougeait pas, elle ne trouverait certainement pas comment avancer dans les brumes de son amnésie. Avec une forte inspiration, la jument se lança d’un pas assuré dans la plaine vallonnée.