Après quelques heures de marche au sein d’un relief accidenté et pauvre en végétation, Griffonstone était bien enfin en vue, sinistre arbre géant recouvert de bâtiments à l’allure pittoresque, nichée au sommet d’un pic rocheux. Les pirates, même s’ils étaient plutôt habitués à fendre les cieux sans efforts, n’en étaient pas moins bien entraînés et progresser vers la capital du Royaume Griffon ne fut pas très difficile.
Boyle paraissait d’une bien meilleure humeur, presque excité à l’idée de se lancer dans une nouvelle aventure ; il avait préféré conserver son crochet pour paraître un peu moins agressif face au locaux et en conséquence avait rangé sa prothèse de serre préhensile. La force brut ne permettait pas d’obtenir des informations, mais un savant mélange de sympathie et d’intimidation déliait souvent les langues. L’imposant perroquet savait très bien cela, car naviguer au hasard dans les cieux n’était pas très lucratif, quand une conversation glanée dans un port pouvait offrir une cible de choix.
S’ils voulaient descendre dans l’Abysse de Griffonstone, ils devaient d’abord en apprendre plus sur elle, mais aussi se procurer du matériel. Ça n’était pas très différent d’un abordage et Mullet réfléchissait dors et déjà eu matériel nécessaire, afin d’être sûr de ne pas se faire refourguer des choses inutiles ; le peuple griffon était connu pour son amour de l’argent après tout et le pirate profita de la route pour vérifier de son œil expert le contenu de la bourse laissée par la Princesse Celestia comme récompense pour avoir contribué à sauver Equestria. Une coquette somme, pas assez pour faire construire un nouvel aéronef mais ils n’avaient pas à s’inquiéter.
Après avoir distribué quelques pièces à ses compères, le perroquet à la grande crête rouge remis le petit sac de pièce dans le sac de Squabble. Privé de leur bâtiment, leurs quelques effets personnels rescapés du crash provoqué par Tempest restaient dans le sac de leur compagnon au bec de bois, plutôt enjoué à l’idée de se remettre à l’aventure.
Ils étaient tous de très bonne humeur et avaient hâte de se lancer. La capitaine guidait la petite troupe, suivie par Lix dont le bec resta clos pour épargner à ses camarades son habituel flot de petites piques humoristiques ; les portes de Griffonstone étaient en vue et l’heure n’était plus aux traits d’esprit, mais à la piraterie.
…
Calée entre les branches basses du grand arbre sur lequel Griffonstone était posé, la taverne et cantine n’était indiquée par rien, hormis sa taille imposante et son absence de portes, comme une invitation à entrer. Après s’être baissé pour passer dans l’embrasure adaptée aux griffons, Boyle découvrit un endroit plutôt délabré, où quelques griffons étaient entassés autour de tables encombrés par des verres sales ; certains dormaient, d’autres jouaient aux cartes à la lueur d’une lanterne, car même si un beau soleil brillait dehors, l’endroit était dépourvu d’ouverture, exceptée la petite porte.
Le perroquet prit place sur un tabouret, un sourire au coin du bec. L’atmosphère lui rappelait celle des débits de boissons des ports pirates et le replongeait enfin dans son élément. Derrière le bar étaient épinglés les portraits d’une trentaine de griffons, avec leurs ardoises respectives notées au-dessous. Pour ajouter à l’ambiance, le serveur ne semblait pas vraiment amical ; ses grands yeux de hibou étaient surmontés de plumes à l’allure de sourcils froncés et couplé à son bec fin tout en longueur, le tout lui donnait un air pincé et peu aimable.
Après quelques minutes sans rien dire, le griffon aux yeux ronds et ambrés réagit enfin lorsque le pirate sortit deux pièces d’or pour les poser sur la table ; ses serres couvertes de duvet s’emparèrent prestement de l’argent, avant de plonger sous le bar et en ressortir une chope dans laquelle il vida le contenu indéterminé mais aux forts relents de fruits fermentés d’une petite bouteille.
“Et sinon, vous pourriez me parler de la statue de Boréas ?” lança joyeusement Boyle.
Le tenancier commença à ouvrir le bec mais fut bien vite interrompu par une nouvelle pièce posée sur le comptoir, à son attention. Les informations s’obtenaient bien souvent grâce au langage universel de l’argent. Il renifla et sembla réfléchir à un nouveau discours.
“Les vieux griffons avaient ce truc dont ils étaient très fiers,” commença le griffon Grand-Duc avec une voix haute perchée. “Elle est tombée dans l’Abysse quand un monstre a essayé de nous la voler. Du moins, c’est ce que les légendes disent. Ça remonte à loin et les recherches ont jamais été très fructueuses ; mais bon…”
Le hibou tourna la tête sur le côté et présenta comme si de rien était sa serre duveteuse, pour inviter le pirate à se délester d’une pièce de plus pour connaître la suite du récit. La bourse de Boyle devint un peu plus légère.
“... l’Abysse, c’est immense et parcouru par des vents violents en surface. Après, y a bien le fond et des étrangers ont déjà essayé de s’y aventurer ; on en a pas vu beaucoup ressortir et toujours bredouilles. Rechercher la statue de Boréas, c’est un truc de touriste en quête de gloire et si vous voulez mon avis, y a des chances qu’elle n’existe même pas. Mais bon ! Ça fait marcher le commerce !”
Avec un rire lugubre, le serveur s’éloigna pour aller nettoyer des verres et laissa Boyle s’intéresser au contenu du sien. Il avait toutes les informations désirées et pouvait attendre ses compagnons avec un peu d’alcool, satisfait d’avoir accompli sa part de la mission.
…
La griffonne responsable du magasin regardait avec curiosité et méfiance ses deux premiers clients de la journée, en plein milieu d’après-midi. Les aventuriers n’étaient pas rares mais ils n’avaient pas souvent les poches assez remplis à son goût ; certains venaient même à Griffonstone justement sans or mais avec l’espoir de commencer leur fortune sur les restes de leur Royaume, connu pour ses trésors d’antan.
Et les deux perroquets semblaient fouiller dans le bric-à-brac de fournitures diverses comme s’ils en cherchaient un, de trésor. Le plus petit, avec ses yeux fous et son bec en bois semblait tout observer avec un air émerveillé, même quand son regard s’arrêtait devant un mur, mais son ami à la grande crête rouge semblait poser son seul œil valide avec une certaine expertise sur les objets amassées par la propriétaire des lieux.
“Je peux vous aider ?” lança-t-elle sans grande conviction, plus pour espérer les voir arrêter de fouiller dans ses affaires.
“Oui ! J’aimerais savoir où est votre vrai matériel,” lâcha tranquillement Mullet, sans quitter du regard une pile de manteaux.
“Le… quoi ?!” s’écria la marchande, partagée entre surprise et inquiétude.
“Celui réservé aux gens qui ont de l’argent. Ou alors vous avez vraiment que de la camelote.”
Un caquètement de Squabble ponctua la phrase. La griffonne lissa avec un soupir ses plumes blanches bordées d’autres fauve.
“On a peu de connaisseurs qui viennent par ici. Dites-moi ce dont vous avez besoin et je vous sors ça.
- Hum…” Mullet fit mine de réfléchir un instant. “Un grappin, un casque, une paire de piolets et une longue corde robuste ; mais pas dans l’état de ceux que j’ai vu trainer, je vous prie.
- C’est pas donné vous savez, mon meilleur matériel d’escalade j’ai dû payer cher pour l’avoir alors j’espère que…”
Une bourse s’écrasa sur le comptoir du magasin, jetée habilement par le perroquet borgne ; entrouverte, elle laissait apparaître une coquette somme. Sans plus attendre, la griffonne fila dans l’arrière-boutique chercher le nécessaire pour contenter ses clients. Avec aisance elle voleta entre ses étagères et se saisit prestement des articles avant de revenir à son poste et étaler le tout sous le regard de ses deux clients.
Le perroquet à la crête inspecta l’équipement avec attention et la vendeuse en profita pour compter l’argent laissé dans la bourse. C’était une belle petite somme ; il y en avait un peu trop, une poignée même. Les deux clients étaient sur le départ et ne se préoccupaient visiblement pas de savoir s’ils n’avaient pas donné un peu trop d’or.
Habituellement, la vendeuse aurait été plutôt satisfaite d’avoir pigeonné des touristes avec des prix un peu gonflés. Mais ce n’était pas des imbéciles, ils avaient l’air fiers, déterminés… elle marqua une hésitation quand elle les vit partir.
“Euh… votre monnaie ?...” demanda la griffonne, elle-même étonnée de le demander.
“Gardez-là, c’est… pour le service, on va dire.”
Avec un caquètement, le perroquet au bec de bois finit de placer la corde en bandoulière et fit un signe de la main à la griffonne. Cette dernière resta sans voix, un peu confuse. L’autre perroquet la regarda une dernière fois… lui avait-il fait un clin d'œil ? Impossible d’en être sûre, avec son cache-œil…
…
“Allez, parle !” s’écria Lix.
Avec une certaine vigueur, la pirate au plumage rose secouait un griffon plutôt imposant ; pourtant ce dernier n’arrivait pas à répliquer tant son torse se faisait ballotter dans tous les sens. La capitaine à ses côtés semblait exaspérée, mais pas par le comportement de sa subordonnée ; toutes deux ressentaient le même agacement suite à une longue heure de recherches infructueuses. La serre de Celaeno caressait dangereusement la poignée de son sabre, pour dissuader les rares passants de prendre le partie du griffon auquel Lix donnait quelques claques, avant de le laisser tomber lourdement sur le sol et s’en désintéresser.
“Aucun de ces foutus rapaces à fesses de minet semble savoir où vit cette Gilda. Du moins, pas sans être payé. Mais on va quand même pas continuer à leur balancer des pièces comme des miettes à des imbéciles de piafs ?!”
Pour toute réponse, la capitaine retira un instant son couvre-chef pour lisser sa crête verte tirée en arrière. Sa comparse lâcha un soupir. Impossible de faire parler un griffon sans lui graisser la serre et, pourtant, Rainbow Dash avait assurée avoir enjoint son amie à faire de Griffonstone un endroit plus amical ; cela passait par changer ses habitants et cela ne semblait pas être une tâche facile.
En conséquence, Celaeno avait déjà payé deux griffons pour les entendre dire ne pas connaître de Gilda et les renvoyer vers quelqu’un de susceptible de mieux les renseigner… sans succès. Les deux perroquets avaient finis par perdre patience et filer des claques aux passants dans l’espoir de délier les langues, mais les badauds avaient fini par s’enfuir à leur vue.
Epuisées, elles prirent la direction de la taverne, localisée durant leurs pérégrinations dans la ville. Comme elles s’y attendaient, le reste de l’équipage s’y trouvait déjà, en train de boire joyeusement au comptoir ; si elle n’avait pas été aussi contrariée, la capitaine aurait sans doute souri. Mais son regard balaya plutôt la salle et, s’il croisa surtout des griffons affairés dans leur coin, deux yeux comme des émeraudes étaient posés sur elle.
Capper était installé à une table dans un recoin de l’endroit mal éclairé, avec en face de lui une griffonne en pleine conversation. Elle s’interrompit à la vue de Celaeno en train d’approcher, l’air furieuse.
“Capitaine Celaeno !” s’écria avec joie le voyou abyssinien. “Je me demandais si je vous verrais ; laissez-moi vous présenter ma nouvelle amie, Gilda ! Elle me racontait justement la fois où nos amies communes Rainbow Dash et crin de barbapapa ont failli retrouver la statue de Boréas ! Ça devrait vous intéresser, non ?”
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Je n'allais pas oublier notre matou préféré ! Surtout quand en effet la mise en place prend son temps mais l'action arrive pour le prochain chapitre (avec un peimu plus de Gilda au passage) !
Je n'arrive même plus à les retrouver c'est malin ça!
En tout cas quel plaisir de retrouver ces griffons mal-aimables... Et leur façon de vouloir se faire continuellement graisser la patte, même pour rien. Ils feraient de bons hommes politiques en fait! Ou alors de supers banquiers! Ils devraient peut être penser à se reconvertir dans ces domaines, ça rapporte en plus!
Quoiqu'il en soit, ça part toujours très bien, doucement certes, mais il faut bien prendre le temps d'installer une ambiance avant de plonger les pattes les premières dans le danger et le frisson de l'aventure!
Monsieur Capper est de retour et en plus il a coiffé les griffons au poteau rose! Ah... Ca fait du bien de le revoir ce petit fourbe charmeur! Surtout que sa dernière phrase sonne comme une petite pique du genre: "Héhé, moi j'ai trouvé parce que vous êtes trop nuls!"