La situation n’avait pas changé, depuis plusieurs longues minutes : le Providence était coincé au milieu d’une flotte de plus d’une dizaine de navires, formant cinq murs entre les îlots de l’archipel. Nous étions encerclés, complètement incapables de nous enfuir. Le temps semblait presque s’être arrêté.
Un des navires adverses nous avait envoyé un message par pavillon, nous demandant de nous rendre. Chacun de nous s’était muré dans le silence, en quête d’une idée miraculeuse qui pouvait nous tirer de cette mauvaise passe… Mais cette situation était désespérée. Rien ne nous aurait permis de nous en sortir d’aucune manière.
Luna et le vice-amiral Coup Surcoup étaient concentrés sur leurs réflexions, le visage amer. Les deux gardes royaux qui étaient restés avec nous ne pouvaient cacher leur stress, et le timonier semblait complètement abattu… Tout comme Celestia. Cette attaque (presque) surprise l’avait prise complètement au dépourvu, et mis au tapis en quelques minutes, alors qu’elle était la jument la plus puissante d’Equestria le matin même. C’était une descente vertigineuse, qui nous laissait tous complètement abasourdis. Je ne pouvais même plus la prier pour nous sortir de là.
- Je ne vois que le pourparler pour limiter les dégâts, avoua Surcoup.
- C’est une de vos inventions à vous, les prançais ? Répondis-je amèrement. Ces monstres sont assoiffés de sang et leur chef sort tout droit du tartare. Je doute qu’ils acceptent quoi que ce soit.
- Ça ne coûte rien d’essayer, répondit-il, irrité.
- Celestia, tu as l’air de savoir comment marche leur artefact, intervint Luna. Comment peut-on annuler l’enchantement ?
- Normalement, il faut verser de l’eau dessus, pour laver le sang versé… Mais il faudrait d’abord l’atteindre. Je pensais que cette chose avait été détruite il y a des siècles…
- Tu ne m’en as encore jamais parlé.
- Oui… Je me rends compte d’avoir fait une erreur en prenant cela trop à la légère...
Je m’appuyai contre le bastingage, trop choqué par les événements pour penser à m’inquiéter. Quoi qu’on fasse, les princesses allaient être capturées, et le Providence probablement coulé avec tous ses autres occupants…
Un coup de canon me ramena rapidement à la réalité. Que se passait-il ? Aucun des navires autour de nous n’avait tiré… cela venait de derrière.
Cherchant des yeux la cause, je vis trois grands mats passer derrière le mur flottant à l’est, passant au-dessus d’un grand nuage de fumée, craché par une batterie de canons qui pilonnait nos assaillants. Et derrière la ligne voisine, deux autres mats, puis deux autres encore, firent exactement le même manège. Chacun arborait le même pavillon : noir, avec un crâne surmontant deux os croisés.
Avais-je raison de penser à ce que je pensais ?
- Qu’est-ce qui se passe par là ? S’écria Luna.
- Ils sont pris à revers ! Répondis-je. Ils essayent de briser leurs rangs !
Il y eut des explosions. Une pluie de mortier s’abattit sur la rangée du nord. La panique s’empara des flibustiers de Drakkar : essayant d’éviter la trajectoire de ces projectiles, ceux qui le pouvaient encore rompirent les rangs. Les uns restaient devant la voie de sortie, les autres se dirigèrent vers ceux qui se faisaient attaquer. La frégate qui devait appartenir au changeling, le « léviatan », se dirigea dans notre direction. Nous étions déjà à sa portée quand je réalisai :
« baissez-vous ! »
Le bâtiment ennemi ouvrit le feu, chacun de nous se baissa pour essayer de se cacher derrière les panneaux de bois qui entouraient la plate-forme d’observation. De terribles craquements retentirent quand les tirs brisèrent les mats, puis les roues à aube du Confidence. En quelques instants, nous avions perdu tous nos moyens de nous enfuir. La canonnade terminée, Surcoup se releva pour évaluer les dégâts, poussant un juron.
« On est coincé. Quel que soit l’issue du combat, on sera à la merci du vainqueur. »
Je ne l’écoutais qu’à peine, essayant plutôt de suivre ce qui se passait autour de nous. Le combat s’intensifiait à l’est, tandis qu’à l’ouest, d’autres navires profitaient du vide laissé pour se faufiler à l’intérieur de l’archipel. Un brick et un brigantin passèrent entre les navires de Drakkar, ouvrant le feu sur les extrémités qui se présentaient. Aucun d’eux ne put riposter, aucun canon n’étant en place à la proue ou à la poupe à ce moment-là, et subirent de sérieux dégâts.
Je connaissais ces deux navires.
Le Sea Devil et l’Écorcheur.
Ils étaient venus !
- Ce sont mes amis ! Criais-je.
- Quoi ? Mais… Ce sont aussi des pirates ?
- Pas le même genre de pirate que ceux de Drakkar. Si on veut se sortir de là, c’est sur eux qu’il va falloir compter.
Les deux navires arrivèrent dans notre direction. Il fallait faire quelque chose… Ma première pensée fut d’éloigner les princesses du champ de bataille… Si c’était possible. Je me tournais dans leur direction.
- Princesse, vous avez l’occasion de vous mettre en sécurité. Si on monte sur un de ces navires, nous pourrons fuir et retourner à Equestria, hors de danger.
- Nous n’aurons jamais le temps, répondit la Princesse Celestia. Sans magie, il ne nous est pas non plus possible de voler.
- Quelqu’un peut vous porter…
- Ce serait bien trop compliqué, intervint à son tour la Princesse Luna. Il faut mettre fin à ce combat avant de pouvoir se retirer.
Toute retraite était donc impossible. Le combat devait avoir lieu…
C’était eux, ou nous.
Il fallait arrêter les flibustiers de Drakkar.
Il fallait que j’aille les rejoindre.
Si elles ne pouvaient pas se retirer, alors je devais aller me battre.
Pour tous ceux pour qui j’avais agit jusque-là.
J’étais prêt.
Je me tournais vers les gardes royaux.
- Alors je vais récupérer mon équipement et rejoindre leur bord.
- Quoi ? S’étonna Luna.
- C’est mon équipage. Et ils sont sur le point d’aller se battre pour Equestria. Je ne peux pas les laisser tomber.
- C’est extrêmement dangereux, intervint Surcoup. Sans savoir vraiment quoi rajouter.
- Je crois en avoir eu la démonstration, merci. Mes effets je vous prie.
- Princesse ? Demanda le soldat qui possédait mon équipement, en quête d’une confirmation.
- Laissez les lui, répondit Celestia. Ils seront plus utiles entre ses sabots.
Hésitant, le soldat obéit. Gardant un œil méfiant, il me tendit le ceinturon, que je repris vivement. Je n’avais plus de temps à perdre.
- Notre sort est entre leurs sabots, conclut Luna. Roger… Essaye de ne pas te faire tuer.
- J’y compte bien.
Sans attendre davantage, j’ouvris mes ailes et pris mon envol pour me diriger vers le Sea Devil, qui frôlait alors le Providence. En quelques battements, je rejoignis le navire, déboulant sur le gaillard d’arrière où se trouvaient Fortune, à la barre, et son second, Deadlift, qui beuglait des ordres aux quelques marins présents sur le pont. Le strict nécessaire pour manœuvrer.
- Jolly ! Enfin, on te retrouve ! S’écria le Capitaine. Les princesses sont toujours à bord ?
- Oui, mais le navire est immobilisé, et elles ne peuvent plus voler pour passer d’un navire à l’autre. On ne pourra pas les mettre à l’abri avant la fin du combat.
- Mince… On va devoir passer au plan B. On vire de bord ! Jolly, j’espère que tu es prêt pour ce qui va se passer.
- Je suis prêt, capitaine.
- C’est bien. Mais tu devrais plutôt rejoindre l’écorcheur. Ils ont besoin de leur propre capitaine.
- Vous pensez ?
- C’est ce qui a été convenu en partant. Maintenant, vas-y !
- D’accord !
Je redécollai aussitôt, quittant le Sea Devil pour rejoindre le brigantin qui le suivait. J’entendis des acclamations : l’équipage avait été recomposé pour les besoins du combat, mais il devait au moins rester encore la moitié des prisonniers que j’avais libérés au fort. Ces derniers, ainsi que quelques autres, accueillaient mon retour avec cris et hurlements alors que je le survolais. Je ne m’attendais pas à cette réception. Mais nous n’étions pas encore aux réjouissances. À nouveau, je posais mes sabots sur le pont, à proximité du gouvernail, alors tenu par Jeff le chien à diamant.
- Bon retour parmi nous capitaine, me salua-t-il. Alors, quelle est la situation ?
- Les princesses sont coincées à bord du Providence. On ne pourra rien faire sans se débarrasser de la flotte de Drakkar.
- C’est la guerre alors ?
- C’est la guerre. C’était quoi le plan ? Couvrir le Sea Devil ?
- C’était ça à la base, oui.
- Alors on va continuer sur cette lancée. Seul, il n’aura aucune chance.
D’autres navires pénétrèrent le cercle, le premier était un élégant chebec (navire trois mats à voile triangulaire) nommé le Bloody Sand. Il était suivi par, un Sloop, que je reconnus comme étant celui de Canif le noir. Je n’arrivais pas à croire qu’il avait aussi répondu à l’appel, le pensant à l’autre bout de l’océan. Chacun fit également de gros dégâts aux navires qui se trouvaient de part et d’autre. Deux des trois navires qui se trouvaient dans le passage de ce côté de l’archipel étaient alors hors jeu, privés de gouvernail, et probablement avec un certain nombre de voies d’eau. Mais rester à leur portée était toujours dangereux. Il valait mieux ruser et attaquer là où leurs défenses étaient les plus vulnérables.
Justement, le Sea Devil virait vers le Sud. À en juger par sa trajectoire, je compris qu’il allait longer l’îlot au Sud-ouest pour surprendre les frégates qui se trouvaient de ce côté.
- Tu veux prendre la barre, capitaine ?
Même si mon avis n’avait pas beaucoup changé à ce sujet, je ne fus qu’à moitié surpris quand Jeff me proposa ceci. Il ne me fallut cependant que quelques secondes pour me décider.
- Avec plaisir, Jeff. Tu relayes les ordres ?
- Oui Capitaine.
Le chien à diamant me laissa la place. Sans attendre plus, je pris la roue du gouvernail, et vira sur tribord pour suivre le Sea Devil.
- Paré à canonner ?
- Ils sont tous prêt.
- Alors on va les prendre à tribord. À mon signal.
- A tes ordres. Paré à tirer sur tribord !
Je longeais les rochers derrière le Sea Devil. Le Brick arriva au niveau de la première frégate. Cette fois, j’étais préparé. Les canons firent feu. Le temps que l’ordre fut donné de répliquer, le Sea Devil avait déjà eu le temps d’amocher la coque. Et trop bas pour la frégate, il ne prit que des dégâts minimaux. Ses voiles furent trouées en plusieurs endroits, mais ce n’était pas assez pour l’immobiliser. Il continua jusqu’à la frégate suivante. Nous, arrivions à sa suite.
- Faites feu !
- FEU !
Le hurlement de Jeff atteignit les oreilles de nos canonniers. Les coups tonnèrent alors que les projectiles partaient et s’écrasaient contre la coque adverse. Ils répliquèrent comme ils purent à nouveau. Je baissai la tête, de peur de recevoir moi-même un projectile.
Malgré mes craintes que la brigantine ne soit trop endommagées, celle-ci ne fut marquée que de quelques trous, notre adversaire n’ayant pas eu le temps de recharger. Contrairement au brick de fortune, dont les voiles sont faites pour prendre le vent arrière, le brigantin était fait pour prendre les vents de côté. Mais ce surplus de surface les rendait plus vulnérables lors des canonnades.
Nous abandonnions la frégate avec ses nombreuses voies d’eau, pour passer devant le suivant, un galion celui-ci. Vu notre vitesse et la distance qui les séparait, nous n’aurions pas eu le temps de recharger pour le canonner. Le Sea Devil non plus. Nous devions donc essuyer les tirs du second navire avant de pouvoir couler le troisième et dernier composant de la ligne. Par chance pour nous, tous trois étaient des navires plus gros que les nôtres, adaptés aux batailles rangées, moins aux assauts de navires plus petits.
Le galion avait vidé presque tous ses canons sur les voiles du Sea Devil, épargnant à nouveau les nôtres. Mais notre allié commençait à en souffrir, et sa marche ralentissait nettement.
- Desserrez la brigantine ! Il ne faut pas qu’on lui rentre dedans !
- A vos ordres Capitaine !
- C’est bon, on a rechargé ?
- Paré à tirer ! Relaya Jeff.
- Nous sommes prêts, prévint un marin.
- Très bien, alors… Feu !
- Feu !
Les canons tonnèrent, Je me serai trouvé chanceux de conserver mon audition après cette bataille. Mais dans la ferveur du combat, je n’y pensais presque plus. Nos boulets achevèrent de trouer la coque adverse. Le navire commençait à sombrer.
Le Sea Devil vira sur Bâbord… Mais sa marche fut presque stoppée. Avec ses deux voiles auriques en miette, il ne pouvait prendre le vent du nord qui remontait pratiquement face à lui. Il n’y avait plus d’autres solutions : il fallait lui passer devant.
- Resserrez la brigantine ! On va prendre le vent du nord pour remonter !
- Mais on vient de la desserrer !
- Et maintenant, je vous demande de les resserrer !
- Hum, bien capitaine.
Mes matelots obéirent sans discuter davantage, nous permettant de virer à bâbord, contournant le Sea Devil, qui peinait à reprendre le vent.
Devant nous, c’était un véritable chaos. Les navires de Drakkar se relayaient pour essayer d’affronter les pirates qui les asseyaient. Mais quand l'un d'eux était mis hors-jeu et commençait à couler, l’épave bloquait le passage et les empêchait de contre-attaquer, et les pirates ralliés avaient le loisir de se protéger derrière pour ensuite canonner les autres qui se trouvaient alors démunis contre plusieurs assaillants. Je ne voyais pas tout, de là où j’étais, mais c’était ce que je comprenais de la scène.
Ce que nous pouvions faire, par contre, c’était prendre la double rangée de navires sur deux fronts. Le premier était à l’est, je me trouvais au sud-ouest. Au nord, le Bloody Sand et le navire de Canif étaient en train de s’attaquer à la rangée qui bloquait cette voie, se prenant des dégâts conséquents, mais en infligeant autant à leurs adversaires, des navires plus petits que ceux qui avaient menacé le convoi au sud. Heureusement dans un sens, car leurs voiles, complètement exposées, auraient fini en lambeaux.
Mais ma priorité était l’amas de l'Est. Hors de question de les prendre de front seul. Mais de biais, nous pouvions les canonner tout en restant hors de leur portée. Inutile de chercher à les couler en un passage, notre puissance de feu n'était pas suffisante. Mais nous pouvions toujours les immobiliser pour les rendre plus vulnérables. Notre vitesse était suffisante pour virer sans risquer de finir immobilisé.
- Attention, on vire sur bâbord ! Tenez-vous prêts ! Chargez les boulets ramés ! On va essayer de briser leurs mats !
- A vos ordres, capitaine !
Je virai sur bâbord. Le navire tangua alors que la grande voile changeait de côté, pour prendre le vent du nord. Nous étions en position.
- Parés à tirer ?
- Nous sommes prêts capitaine !
- Alors feu ! Coulez-moi ces tas de bois vermoulu !
Les canons crachèrent leur boulet sur la ligne ennemie. Tous ne firent pas mouche, mais les dégâts furent cependant conséquents. Le premier navire qui se présentait, un brick, perdit son mat de misaine et la moitié du grand mat, avec un grand nombre de voiles. Le brigantin qui le suivait y laissa son grand mat entier et ses voiles les plus basses. Ils allaient être handicapés pour se déplacer à nouveau. Mais ils avaient encore des canons orientés vers l'ouest, là où l’Écorcheur se dirigeait.
- Barre à Bâbord et accrochez-vous ! On risque de recevoir une réplique !
Prudent, je m'abritai derrière la roue du gouvernail, me bouchant les oreilles déjà souffrantes, tandis que les autres marins trouvaient des cachettes un peu partout sur le pont.
Comme prévu, la réplique arriva. Nous étions hors de portée du brigantin, mais le brick ne se fit pas prier pour nous envoyer ses propres boulets. Ils sifflèrent autour de nous, abîmant la poupe et d'autres voiles. Notre brigantine commençait à être sérieusement amochée. Je craignais pour notre vitesse.
Je vis un marin imprudent apparaître sur le pont pour aller dans ma direction, dire quelque chose que je ne pûs entendre… Puis disparaître de ma vue. En une fraction de seconde, le temps d’un clignement d’yeux, il avait été arraché à mon navire, emporté par un boulet de canon.
Je ne savais même pas comment il s’appelait.
La guerre est cruelle avec les vies qu'elle emporte.
Mais je n'avais pas le temps de m’apitoyer sur le sort de qui que ce soit. Je revins à mon poste, essayant de trouver une nouvelle stratégie. Nous étions en train de revenir vers le Confidence, toujours coincé au milieu de ce tartare. Aucun navire ne semblait nous suivre. Une chance pour nous. Mais devant, à l'ouest, se trouvaient toujours trois autres navires.
Deux d'entre eux s'étaient manifestement enfoncés dans l'océan, leurs voies d'eau étant trop importantes pour qu’ils restent à flot. Mais celui placé le plus au nord, un autre brigantin, sortit de la ligne pour avancer devant les autres, allant ainsi dans notre direction. Je n'aimais pas cela…
- Chargez les canons de chasse ! Il faut qu'on l'immobilise !
- On se met en place Capitaine !
- Bien, attendez d'être à portée !
Le temps que les hostilités reprennent, nous avions quelques minutes pour nous préparer. Ceux sur le pont qui étaient toujours indemnes accompagnaient les blessés à la cale pour les mettre en sécurité. Mais parmi eux, j'en reconnus un qui allait en sens inverse, sortant de la cale pour aller dans ma direction. Ou plutôt « une »...
- Windy !
PAF !
Je me souviens juste qu'à la seconde suivante, ma tête regardait dans la direction opposée, et la moitié gauche de mon visage était complètement endolorie. Des comme ça, je ne m'en étais pas pris souvent.
- Ça, c'est pour être parti sans nous en parler ! Tu es suicidaire ou quoi ?
- Il fallait bien que quelqu'un fasse quelque-chose... Répondis-je.
- Mais tu aurais au moins pu m'en parler ! Le fort c'était déjà quelque-chose, Mais là, c'est une vraie bataille ! Nous aurions pu trouver de meilleures solutions !
- Nous n'avions pas vraiment le temps...
- C'est pas ça le problème ! Le problème, c'est que tu prends vraiment trop de risques. Tu crois que j'ai envie de te voir revenir changé en passoire ?
- Euh... Je suppose que non...
- Alors essaye de te comporter de manière plus responsable !
Windy... Elle pouvait avoir un de ces tempéraments !
- D'accord... Mais s'il te plaît, évite de faire ça devant tout l'équipage... C’est embarrassant !
- Oui, bon, j'ai compris... Mais cette discussion n'est pas terminée !
Je regardais rapidement autour de moi. Par chance, le peu de marins présents sur le pont ne semblait pas avoir prêté attention à ce qui venait de se passer. Heureusement... Je me tournai alors vers Jeff, qui s'était contenté de nous regarder.
- Pas un mot. À qui que ce soit !
- Oui capitaine.
- T'as pas intérêt à fuiter !
Je revins brièvement à Windy, qui regardait, déterminée, les navires qui se trouvaient face à nous. Je ne constatais que maintenant la ceinture qu'elle portait en bandoulière, avec un mousquet et un coutelas.
- Tu n'as pas l'intention de te battre ?
- Jolly, ils ont tué mon père, détruit mon commerce, ma maison, fait disparaître tout ce que je possédais, m'ont séquestré, et ont même essayé de me violer ! Tu crois vraiment que je vais rester plantée là à ne rien faire ?
- Je n'ai pas envie que tu meures...
- Parce que tu crois que moi, j'ai envie que tu meures ? Pas la peine d'argumenter, je ne changerai pas d'avis. Si tu y vas, je viens avec toi !
Bien sûr qu'elle ne changerait pas d'avis... Je n'aimais pas cela.
- Tu sais te battre au moins ?
- Je connais les bases. Mais toi, reste concentré !
- Oh... oui. Est-ce qu'on est prêt ?
- On est presque à portée capitaine ! Mais on est à la leur nous aussi !
- Alors ceux qui peuvent, abritez-vous ! Feu !
Des boulets enchaînés quittèrent les canons de l’Écorcheur, pour aller arracher les cordages du navire adverse et déchirer ses voiles. Ce dernier ne se fit pas prier pour riposter : des boulets vinrent survoler l’Écorcheur, trouant davantage nos voiles. Notre mat de misaine se trouva sérieusement amputé. Il ne devait nous rester encore que deux voiles à peu près en état de servir. Mais la brigantine, notre grande voile, malheureusement abîmée en plusieurs endroits, n’en faisait pas partie. Nous ralentissions beaucoup trop. Windy observait la situation.
- Il faut essayer de les remplacer. On va se retrouver immobilisé autrement !
- En plein combat ? Je ne sais pas si c’est une bonne idée, répondis-je.
- C’est ça ou être à la merci du prochain venu.
- Je suis d’accord, approuva Jeff.
- Très bien. Vous trois ! Il faut qu’on remplace la grande voile, en vitesse ! Occupez-vous-en !
- A vos ordres !
Deux licornes et un pégase s’attelèrent à la tâche, disparaissant à la cale pour aller chercher la voile de rechange. Il valait mieux que cela se fasse rapidement. Mais c’était pour autre chose que je m’inquiétais : pourquoi ce navire s’était-il décalé ?
Je ne tardai pas à le découvrir : derrière les deux épaves en train de sombrer, je vis apparaître une forme énorme, massive, gigantesque. L’Avenger était en train de revenir à la charge ! S'il entrait dans le cercle, il n’allait faire qu’une bouchée des navires qui s’y trouvaient. Et s'il se frayait un passage jusqu’à l’autre extrémité où se passait la canonnade, il ne ferait qu’une bouchée de nos alliés. Ce mastodonte pouvait nous écraser comme des moustiques.
Si nous arrivions dans sa ligne de mire, nous étions morts. Il fallait à tout prix rester hors de sa portée. Virer sur bâbord ? Folie : le temps de faire demi-tour, et ils nous auraient rattrapés. Continuer tout droit et essayer de le frôler pour limiter les dégâts ? Nous n’aurions pas été plus avancés, privés de nos voiles. Lui passer devant en virant sur tribord ? Dangereux, mais c’était l’endroit le moins exposé aux tirs de canon. Mais cela nous obligeait à faire face au vent une seconde fois, et sans la brigantine qui nous servait normalement de grande voile, nous avions de grandes chances de se retrouver immobilisés. Je levais les yeux. Mes trois matelots venaient de retirer l’ancienne voile et s’affairaient pour fixer la nouvelle.
- Du nerf ! Du nerf ! Nous n’avons plus le temps !
- On fait aussi vite que possible Capitaine !
L’Avenger se rapprochait dangereusement. Il se faufila entre les rochers et les épaves en train de sombrer. Avec sa vitesse, je craignais le pire.
- Nous sommes prêts capitaine !
- Alors donnez toute la toile ! On va virer sur tribord !
- Capitaine, c’est risqué, commenta Jeff.
- Si tu vois une meilleure solution pour éviter d’être changé en passoire, je suis preneur.
Cette remarque le fit instantanément se taire. Sitôt la voile gonflée, je tournai la roue du gouvernail. L’Écorcheur vira, et ralentit dangereusement lorsqu’il s’orienta plein nord. Je retins mon souffle… Et la grande voile pivota à nouveau pour prendre le vent.
- Resserrez !
Notre manœuvre avait réussi. Nous reprenions de la vitesse. Je vérifiai la position de l’Avenger.
Il était sur nous !
La poupe du navire frôla notre proue, son beaupré passa juste au-dessus de notre grand mat. Tout autour de moi, tout le monde manifestait une énorme tension alors que nous manquions de justesse de nous faire broyer sous sa gigantesque masse.
Il avançait toujours plus vite que nous. Peu, mais assez pour nous dépasser. L’Écorcheur était un vrai moucheron face à lui. Toujours avec la même vitesse, je continuais d’analyser la situation. Face à nous se dressait un mur de navire, en partie noyé dans un nuage de fumé, et d’où s’élevait le vacarme des canonnades. À bâbord, le navire de Canif et le Bloody Sand tentaient de reconstruire un semblant de mature pour retrouver leur mobilité, hors de portée, et à tribord, le Sea Devil s’en prenait aux navires qui essayaient de sortir des rangs. Déjà, une épave s’enfonçait dans l’océan après s’être présenté face aux canons du brick. Mais derrière, ceux qui restaient étaient en train de se déplacer à leur tour, sortant des rangs pour laisser la place de passer à l’Avenger. Manifestement, il allait dans cette direction.
- Mais il va massacrer toute notre flotte ! s’écria Jeff.
- Quelle poisse ! Pesta Windy. Et pas moyen de le faire changer de cap…
- En fait, on pourrait peut-être. Mais c’est risqué.
- Comment ça ? Demandai-je alors. Tu as une idée ?
- Nous sommes plus légers, mais un navire de cette taille a forcément du mal à changer de direction. Si on le pousse, il devrait être incapable de virer sur Bâbord.
- Bien vu…
Je regardais devant nous. Le passage que les navires de Drakkar étaient en train de libérer était étroit… Enfin, étroit pour lui. Et de l’autre côté, il devait rester un certain nombre de navires et d’épaves pour encombrer la voie… L’Avenger allait être obligé de manœuvrer pour passer, s’il voulait éviter de briser son propre mur défensif ou de percuter un obstacle.
Il allait être obligé de virer sur Bâbord pour passer. C’était notre seule chance. Jeff avait raison.
- Jeff, ton plan pourrait bien nous sauver la mise. On y va ! Accrochez-vous !
Je fis à nouveau tourner la roue du gouvernail. Nous virions sur Tribord.
Crack !
Les coques de nos deux navires entrèrent en collision, Nos voiles se trouvèrent pressées contre le bord de l’Avenger, plaquées ainsi par le vent qui nous poussait vers lui. Je levais les yeux. Inévitablement, nous avions attiré l’attention des matelots qui manœuvraient le bâtiment. Déjà, je voyais des griffons se pencher par-dessus le bastingage, certains armés de pistolets, tromblons et autres armes à feu.
- Attention ! Criais-je.
Jeff réagit dans la seconde, tirant deux pistolets de sa ceinture pour faire feu. Chacun de ses deux coups fit mouche, et deux griffons reculèrent brutalement, disparaissant de notre champ de vision. Windy ne se fit pas attendre non plus : elle attrapa son propre pistolet par magie et tira dans la masse de volatiles. L’un d’eux lâcha son arme pour reculer en se tenant l’épaule. Rapidement, ils rechargèrent leurs armes, laissant le relais à d’autres de nos matelots, qui subissaient déjà des attaques.
Une balle vint se loger dans la roue du gouvernail, à quelques centimètres de mon visage. Je sursautai, essayant de changer de position pour être moins exposé, mais me refusai à changer de trajectoire.
- Je ne sais pas comment on va s’en sortir Jolly, avoua Windy en réarmant son pistolet, mais on dirait bien que moi aussi je vais devoir leur donner du plomb à bouffer.
Elle se releva et fit feu à nouveau, suivi par Jeff. Je n'aimais pas l'idée… Mais de toute façon, moi non plus, je n'avais pas le choix. Je ne visais pas assez bien pour prévoir si mon coup allait tuer ou blesser.
Je commençais à vraiment détester les armes à feu.
Prenant mon pistolet en bouche, je me redressai au-dessus de la roue du gouvernail, tirant à mon tour dans la masse de flibustier. Un chien à diamant sursauta en perdant son tricorne. Au moins, il allait hésiter à revenir. Je me baissai pour recharger. Ce type d'arme n'était décidément pas pratique…
En remplissant mon arme de poudre, je jetais un œil à l'avant de nos navires. Nous nous approchions encore de la rangée de navires. La collision était maintenant inévitable.
Précipitamment, je lâchai ma réserve de poudre pour crier :
- Collision ! Accrochez-vous ! Licornes, mettez en panne ! Mettez en panne !
Windy et d'autres de mes matelots entendirent mon ordre. Par magie, ils décrochèrent les voiles, qui s'effondrèrent. Notre navire ralentit légèrement, tandis que l'Avenger se précipitait vers ses propres alliés.
CRACK !
Il y eut un épouvantable craquement. L'Avenger venait de percuter un brigantin, qui se trouva broyé sous la gigantesque masse, la proue et la poupe séparées l'une de l'autre. Il défonça ensuite une frégate, qui acheva de l'immobiliser. Cet arrêt brutal tordit ses mats, sectionnant le plus grand, qui tomba, emportant au passage des fragments de ceux auxquels il était relié par les cordages. L'ensemble s’abattit sur le pont, faisant s'envoler des dizaines et des dizaines de griffons paniqués.
De notre côté, nous évitions de justesse la poupe brisée de l'autre brigantin, ralentissant jusqu'à nous immobiliser à côté du mastodonte.
Il y eut un instant où plus rien ne semblait bouger, malgré le brouhaha du combat. Cette effroyable collision nous avait tous laissé dans un état de stupeur difficile à décrire…
Le temps que je réalise, je me redressai, reprenant conscience de la situation. Nous étions coque contre coque, immobiles, chacun à la merci de l'autre.
Le moment était venu.
- Lancez les grappins ! Criais-je. Tenez-vous prêt ! Ne les laissez surtout pas monter à bord !
Aussitôt, tout s’enchaîna. Les matelots lancèrent des grappins, qui virent se planter dans le bastingage de l'Avenger. Tous se remettaient en position pour contrer une éventuelle réplique. Je ne savais pas exactement combien nous étions, mais j’espérais que nous étions assez. Par bâbord arrière, je voyais approcher le navire de Canif, qui venait en renfort. Par-devant, c'était une frégate alliée, le « Neptune's Rage », qui venait s’amarrer à son tour à l'Avenger.
Le combat allait être intense, mais nous étions prêts à faire face.
Je lançai mon ordre :
- A L'ABORDAGE !
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