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La Guerre de l'Unité

Une fiction écrite par kingstar.

Chapitre 6 : Les élémentaires, la race supérieure ; Aube et Crépuscule, la naissance de deux armes légendaires

Le soleil se profilait à l'horizon, s'abandonnant à une lune montante. Crucile appréciait toujours ce spectacle, suivre la courbe de la lumière se déplacer sur la mer, voir le soleil disparaitre, allant rejoindre Griffonstone. Un jour peut- être, le soleil disparaitrait pour de bon. Il n'en resterait alors que la race supérieure, pure et belle.

- Il ne pourra rester qu'elle, marmonna le souverain d'un air pensif, le regard tranquille, contemplant le spectacle. Il posa alors sa coupe de vin et s'écarta de sa fenêtre. Tous ses papiers en désordre sur son bureau allaient attendre, il avait un rendez-vous important ce soir-là. Un qu'il ne raterait pour rien au monde. Il ne lui fallut pas bien longtemps pour rejoindre sa salle du trône, son invité de marque patientait déjà là, au milieu de la pièce, revêtu d'un épais manteau. Vu son statut, garder son anonymat à travers Utopia était de mise. Sa corpulence était plus importante qu'un simple équidé. Depuis le bas de sa cape, une longue queue dépassait légèrement. On put faiblement y discerner une couleur rouge sous une sorte de couche de fragments de verre noir qui ressortait avant que le tout reprenne abri sous le vêtement.

- Comment se porte ce vieux Neïnùr ?

Commença Crucile tout en passant près de lui, sans un regard. Un silence s'installa, Crucile monta ses quelques marches puis se plaça confortablement sur son prestigieux siège et attendit une réponse de la part de son invité. Ce dernier baissa légèrement sa tête encapuchonnée, laissant s'échapper un lourd soupir.

- Mon temps est précieux, Crucile. Tu le sais. Je suis là pour la démonstration, dit-il lentement de sa grave voix.

Le souverain d'ébène sourit faiblement, et sans attendre, frappa deux fois le sol avec puissance à en faire résonner tout le château. Derrière Neïnùr, les deux grandes portes en fer s'ouvrirent. Quatre équidés de race, taille et sexe différents entrèrent. Sans un mot, chacun d'eux se posta face au souverain et le salua d'une révérence, puis ils se tournèrent face à leur invité.

- Les élémentaires ! s'exclama Crucile avec fierté. Notre plus grande puissance : une race qui sait être digne, et qui saura imposer sa supériorité sur ce monde.

Neïnùr resta silencieux, plissant ses yeux jaunes, bien la seule chose qui ressortait du noir de sa capuche. Il examina chaque candidat face à lui, analysant leur profondeur, les jugeant déjà sans même les connaitre. Le premier à sa gauche était un molosse, peut-être plus grand que Crucile, plutôt rare pour un pégase. D'un pelage brun, il en imposait seulement par sa carrure, rien de plus. La balafre sur son visage en revanche témoignait d'une certaine expérience sur le terrain. La seconde était plutôt jeune. Une pégase aussi, petite, blanche, étrangement souriante, pleine de gaité, heureuse en toute circonstance à en rendre mal à l'aise son voisin à droite. Ce dernier toutefois, faisait peine à voir. Faible et maigre, il n'arborait qu'une belle armure scintillante derrière son pelage gris. Son visage restait sérieux, son regard droit devant malgré les quelques mèches noires, mais Neïnùr pouvait sentir en lui quelque chose d'autre. Une inquiétude... de la peur peut-être ? Somme toute une licorne haut gradée qui ne savait pas ce qu'elle faisait là. La dernière en revanche attira son attention. Elle n'avait pourtant rien de particulier, en apparence. Plutôt grande, la robe bleue. Une terrestre droite, un air sérieux. Seulement, sa tête à peine plus levée, c'était bien la seule à regarder directement Neïnùr à travers l'obscurité de sa capuche. Elle ne disait rien. Ses yeux bleu océan étaient plongés dans les siens. Sa crinière translucide semblait légèrement flotter dans l'air. Était-elle en train d'examiner l'examinateur ? Un petit rire sombre résonna dans la pièce, puis Neïnùr se retourna lentement et alla se placer à faible allure devant l'entrée. Une fois le terrain dégagé, il leva sa patte griffue et fit signe à Crucile de continuer. Le souverain ordonna alors le début de la démonstration, et tous s'exécutèrent en se postant près du trône sur sa gauche, excepté l'imposant pégase brun qui lui, pivota sur sa droite et alla d'une allure militaire face au mur fissuré de la pièce.

- Stone Boum, fit Crucile tandis que le susnommé restait immobile face à la pierre à ne plus en bouger un muscle. Notre Sabot de fer ! À la tête de nos élémentaires de terre, sa puissance n'est plus à prouver dans nos rangs. Bien qu'il ne soit pas une licorne, son élément lui permet de contrôler tout ce qui se rapproche à de la terre, ainsi que de changer son corps. Démonstration.

À ses mots, Stone Boum bloqua sa respiration. Et d'une seconde à l'autre, son pelage entier se fit engloutir sous une épaisse couche de roche sortie de sa peau. Neïnùr n'avait alors plus affaire à un pégase, mais à un rocher sur pattes. Sans attendre, ce dernier arma son sabot et frappa de toute sa puissance le mur, enfonçant la roche dans une fissure gigantesque et affreusement bruyante. Crucile jeta un coup d'œil à son invité qui lui, n'avait pas l'air de sourciller. Plutôt étrange, c'était bien la première fois qu'il offrait un tel spectacle. Stone Boum retira son sabot avec difficulté, brassant de la poussière. Mais son tour n'était pas encore terminé. Il plaça ses deux pattes sur le mur, qui commença à trembler. Petit à petit, la roche se reconstitua, laissant s'envoler quelques lourds craquements de pierre alors que Stone Boum reprenait son pelage brun sans un mot.

- Merci Stone. Tu peux disposer, fit Crucile, toujours un œil sur Neïnùr, déçu du manque de réaction de sa part. Tu peux venir prendre place au centre, White.

Stone Boum laissa alors sa place à la pégase, et alla en trainant des pattes, le souffle court, à la droite du souverain. Déplacer une telle quantité de matière sous terre fut l'un de ses plus durs exercices. Tandis que White trottinait bruyamment sur les dalles, le sourire aux lèvres face à Neïnùr, Crucile éleva la voix :

- White Blow. Notre Sabot d'argent. Peu bavarde, mais toujours enjouée dans son travail. Elle n'a pas volé sa place de chef des élémentaires d'air. Petite, mais futée. Je pense que je n'ai plus à vous expliquer en quoi consistent les élémentaires, alors passons à la démonstration.

Une fois son discours fini, White posa son dernier pas face à son seul spectateur, et comme à son habitude, elle ria faiblement avant de balayer d'un coup et à toute vitesse ses flancs avec ses ailes, brassant surprenamment la totalité de l'air de la pièce, créant une faible montée de vent sous le manteau de Neïnùr. Sans un soupçon, le cuir noir se souleva très légèrement sans pour autant révéler un centimètre du corps de l'invité. White gardait ses ailes grandes ouvertes, et laissa le vent se calmer un peu. Sa curiosité l'emportait toujours sur sa méfiance, elle n'y pouvait rien. Mais ce petit tour lui permit d'identifier la corpulence de Neïnùr à l'aide de l'air qu'elle contrôlait. Son sourire s'élargit. Savoir qu'elle avait bien deviné l'espèce de Neïnùr juste à sa grosseur et à sa silhouette au premier regard la rendait encore plus contente. Lui cependant, sut à son air enjoué la manigance. Il sourit également. Il appréciait ce gout du risque. Il aurait bien préféré rester anonyme, mais ce fichu vêtement n'était vraiment pas fait pour lui de toute manière. Il demanda alors sereinement à White de continuer, ce qu'elle accepta sans attendre. Quelques secondes passèrent pendant lesquelles le bout de ses plumes bien tendues commençait à disparaitre, de plus en plus, laissant une nuée de poussière blanche se dissiper dans l'air, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une terrestre au centre de la salle. White ne pouvait plus contenir son sourire d'excitation, et salua Neïnùr du sabot avant de sauter en l'air et de disparaitre dans le sol, comme l'ayant traversé, laissait derrière elle un tapis de vent blanc disparaitre. Mais lui n'était pas stupide, et sentit très clairement une légère différence dans l'air. White faisait maintenant partie de l'atmosphère, et d'un instant à l'autre, une fraicheur s'installa dans la salle. Soudainement, les gigantesques battants en fer derrière Neïnùr se désolidarisèrent du mur puis se soulevèrent d'eux-mêmes avec facilité, passèrent au-dessus de l'invité avant que ces deux énormes morceaux de métal se positionnent face à lui. Sa vision se brouilla alors étrangement, avant qu'il comprenne que ce n'était qu'une forte compression d'air face à lui, le protégeant en une sorte de sphère. Et il n'eut pas tort, car les deux portes se jetèrent à grande vitesse sur lui. Alors à quelques centimètres, leur direction dévia autour de sa tête dans un lourd bruit métallique avant qu'elles ne s'effondrent derrière, contre le mur. - Je pense que ça suffira, White, tonna la voix de Crucile. Alors en un instant, les deux longues plaques de fer se replacèrent dans leurs gonds, puis un vent blanc prit forme dans la pièce, virevoltant dans tous les sens tout en se rapprochant de Crucile. White se rematérialisa alors près de Stone Boum. Cette fois, son sourire ne cachait plus ses belles dents blanches. La pégase regarda discrètement le souverain, leurs yeux se croisèrent. La licorne d'ébène hocha légèrement la tête en signe de satisfaction, accompagnée elle aussi d'un petit sourire en coin, ce qui ne pouvait rendre plus heureuse White. Alors sans un bruit, elle posa son arrière-train au sol et attendit, balançant sa tête légèrement de droite à gauche, comme sur le rythme d'une mélodie.

- Bien, continuons, fit Crucile en détournant la tête. Voici Blue Fire, mon frère, dit-il alors que la licorne en armure fit quelques pas en avant. Sabot d'émeraude, Chef des élémentaires de feu. Il peut paraitre un peu distrait, et bien qu'il ne contrôle pas sa puissance, elle reste dévastatrice. Son armure dorée aide à la canaliser, il apprendra bien un jour à ne plus en avoir besoin. Démonstration.

Neïnùr sentit les pas fébriles de Blue Fire. Ce dernier s'arrêta, un doute grandissant, marquant son visage petit à petit. Il regarda Crucile, qui prit instantanément un air sérieux, le dévisageant presque comme pour lui dire de ne pas le décevoir. La licorne déglutit, puis refit face à son invité. - Pouvez-vous... vous mettre sur le côté ? Balbutia Blue Fire à Neïnùr afin d'avoir le champ libre face à lui. Ce dernier s'exécuta de quelques pas latéraux, se positionnant à côté de l'entrée. - Pouvez-vous... vous écartez plus s'il vous plait ? Continua-t-il sur un ton plus bas, de peur de contrarier. Neïnùr soupira dans un grondement alors qu'il s'exécuta une nouvelle fois, allant jusqu'au mur, laissant toute la pièce à la licorne. Blue Fire se mit alors en position, écartant légèrement ses pattes afin d'augmenter sa prise au sol. Il ferma doucement les yeux, fit le vide dans sa tête. La pièce monta rapidement en température, à en faire transpirer ses occupants. Blue serrait des dents, il allait devoir donner tout ce qu'il avait. Alors qu'une chaleur infernale transformait l'air en un gaz irrespirable, la licorne en armure leva ses deux pattes avant bien haut, et frappa le sol de toutes ses forces, laissant tout son corps exploser en une boule de feu bleu spectaculaire. Les joyaux de son armure scintillaient désormais, faisant effet en maintenant Blue en un seul morceau. Il devait exploiter son plein potentiel face à Neïnùr, pensait Crucile. Quitte à en faire les frais niveaux infrastructure. Alors que la silhouette de Blue était difficilement discernable à travers ces monstrueuses flammes l'engloutissant, ce dernier positionna sa corne face aux deux immenses portes en fer. Tandis que les chefs élémentaires se protégeaient autant qu'ils le pouvaient de cette chaleur insupportable derrière le trône de Crucile, ce dernier ne bougea pas d'un poil, contemplant la beauté de son frère. Neïnùr restait fixe également, imperturbable, insensible au changement d'atmosphère. Son manteau risquait cependant de prendre feu de par lui-même à cette allure, pensait-il. Les lames de flamme continuaient à grandir, doublant, triplant de volume, un vrai brasier indomptable, une fournaise infernale. Une fois toute sa concentration rassemblée en un point de son esprit, Blue Fire relâcha la pression. Une explosion retentit, plus violente que la précédente. Un flash de lumière les aveugla tous alors qu'un titanesque rayon de flammes bleues dévastateur sortit de sa corne, mais également de tout son être, détruisant l'entrée en propulsant plusieurs tonnes de métal dans les airs, à travers l'interminable hall juste derrière. L'atterrissage à une cinquantaine de mètres plus loin produisit un vacarme effroyable. Du fer en fusion fut parsemé tout du long tandis que les portes n'étaient plus que deux gigantesques morceaux de métal complètement enfoncés et irrécupérables. Ses belles fresques sculptées dans le métal : souillées et dégoulinantes. Les gons étaient à moitié arrachés, ayant laissait chacun une profonde racine de fissures dans les murs. Des halètements rauques résonnaient dans la pièce. Les pattes de Blue tremblaient, les poils de son pelage gris, enfin relâché de sa prison de feu, étaient hérissés. Le sol d'un teint normalement blanc laissait désormais, à partir de la licorne, une large raie noirâtre jusqu'au fond du hall.

- Tu peux maintenant disposer, Blue Fire, fit Crucile sans cacher un sourire de satisfaction.

Son frère le regarda sans bouger, incapable d'effectuer le moindre mouvement. Il n'en pouvait plus, se sentait mourir alors que tous le regardaient sans sourciller. Il baissa la tête, et dans une douleur insoutenable, mais silencieuse, il déplaça une par une ses lourdes pattes pour enfin dégager le terrain et se mouvoir vers le trône, à très faible allure. Une fois arrivé près de White blow, Blue prit sur lui et s'assit doucement. Ses os lui semblaient fracturés de toute part, ses muscles, tendus à s'en rompre à tout moment. Sa voisine ne lui accorda même pas un regard. Elle préférait continuer à fixer le vide tout en balançant sa tête. Blue lui, garda la sienne baissée, tentant d'étouffer son souffle bien trop bruyant. Quelques clappements brisèrent le silence, provenant de Neïnùr qui devait avouer, fut surpris par cette puissance.

- Impressionnant, fit-il tout en se replaçant devant cette grande entrée désormais béante. Poursuivons.

À ses mots, celle au pelage bleu, la dernière à droite de Crucile, prit place au centre de la pièce d'un pas gracieux. L'endroit était encore chaud, elle allait le rafraichir.

- Je vous présente Siphonnie, débuta Crucile non sans cacher une petite fierté dans sa voix. Sabot de diamant, chef des élémentaires d'eau. Elle est bien la plus douée avec son élément. Peut-être pas la plus dévastatrice, mais sa capacité de concentration et sa précision la placent au plus haut rang. Je vous laisse en juger. Démonstration.

Siphonnie s'exécuta alors, mais à la surprise de Neïnùr, elle commença à se balader dans la salle. Toutefois, à sa façon de se comporter, il se doutait que celle-ci serait talentueuse. Sa lente démarche, ce regard qu'elle portait autour d'elle, même sa respiration semblait parfaitement maitrisée. Elle ne laissait rien au hasard. Elle préparait le terrain. Une fois son tour de scène terminé, Siphonnie se remit en place au centre, désormais droite, de profil par rapport à son spectateur. Elle s'assit délicatement, fermant les yeux, tête baissée. Neïnùr lui-même ne savait pas à quoi s'attendre à cet instant. Il se surprit à avoir hâte des événements à venir. Il vit alors quelques reflets de lumière apparaitre autour de la terrestre, sur le sol. Qu'était-ce ? Bien évidemment. C'était tout simplement de l'eau, mais la chose impressionnante était qu'elle sortait directement de terre. Et en quelques secondes, la pièce baignait déjà dans une petite mare. Surprenamment, Neïnùr vit la surface de l'eau monter de plus en plus face à lui, sans pour autant ressentir la fraicheur du liquide contre ses pattes. Siphonnie elle, ne bougeait pas. Elle manipulait l'eau pour laisser un cube d'air autour des occupants de la pièce, exceptée elle. Et ainsi l'on pouvait voir un mur d'eau s'élever tranquillement depuis l'extérieur de la salle du trône. Une fois la terrestre dans son élément, son corps se dissous en un liquide bleu qui se dilua à n'en laisser plus aucune trace. Alors à cet instant, le peu d'air que possédait Neïnur devint glacial. Il pouvait sentir que l'eau était proche de zéro sans pour autant changer d'état, tandis que dans l'aquarium, plusieurs blocs d'eau se changèrent en glace en un clin d'œil. Alors que Siphonnie se reconstitua à sa place d'origine, toujours de profil. Toute l'eau de la pièce se déplaça et se concentra en une énorme sphère lévitant près d'elle. Il ne restait qu'une rangée de blocs de glace face à elle. Sans attendre, et elle restant toujours immobile, une multitude de lames liquides jaillit de la sphère et alla détruire à petit feu chaque cible. La glace était assez résistante malgré la puissance des impacts identifiable aux bruyants éclatements qu'ils provoquaient. Pour la dernière cible, Siphonnie utilisa le reste de sa sphère d'eau afin de créer une magnifique hallebarde de glace. Elle avait même pris le temps de la décorer de quelques motifs incrustés. Dommage qu'elle dû lever sa patte pour la lancer à pleine vitesse, détruisant en une détonation le dernier bloque sans y laisser de reste. Et alors que Siphonnie se positionna face à Neïnùr, la salle était déjà sèche, étrangement vide après un tel spectacle. En effet, tout le liquide utilisé lors de la démonstration pénétrait directement le sol lorsque Siphonnie n'en avait plus l'utilité. Crucile ne mentait pas sur sa concentration remarquable. Sa prestation désormais terminée, la terrestre au pelage bleu alla auprès de Blue Fire qui lui, s'en était remis de ses douleurs, même si son état était toujours désastreux.

- Qu'en pensez-vous ? conclut Crucile. Son invité prit une profonde inspiration, avant d'expirer lentement, lui laissant le temps d'une rapide réflexion.

- Moi : Neïnùr, conseillé de la communauté des dragons, je me pencherai sur ta proposition d'alliance, Crucile. Mais tu le sais plus que moi qu'un tel marché te coutera cher. Une très grande part des richesses d'Equestria devra nous être remise si tes plans de guerre fonctionnent.

- Il en sera ainsi, affirma avec tonus le souverain d'ébène.

À ces mots, le dragon aux yeux jaunes sortit lentement de la pièce, traversant tout le hall pour enfin passer les deux énormes portes en métal enfoncées posées contre le mur du fond, et disparaitre derrière, rejoignant la sortie.

- C'était un dragon ? S’étonna Stone Boum.

- J’en ai aucune idée, et je m'en fous, fit Blue Fire avant de s'effondrer au sol, laissant enfin reposer ses muscles.

- C'était évident, rétorqua Siphonnie avant de partir de la salle.

- Je le savais dès que je l'ai vu ! lança White Blow tout en s'élançant auprès de Crucile, sur son trône. Mais dis-moi toi, tu comptes lui donner tout ce qu'il te demande ?

Le souverain posa sa patte sur le crâne de son Sabot d'argent, caressant sa crinière blanche, un sourire aux lèvres alors qu'elle se collait à lui.

- J'ai pour l'instant besoin de la puissance des dragons, White. Mais penses-tu, seule la race supérieure subsistera.

- T'as vraiment pensé à tout ! s'étonna-t-elle, les yeux pleins d'admiration.

- Eh bien que veux-tu, termina Crucile d'un ton apaisant, fixant ces beaux iris verts. Il le faut bien, ma fille.

**********

Une année s'était écoulée. Une année... Eric ne l'aurait jamais pensée aussi rapide que ses deux premières semaines. Bien sûr, lui et son compagnon Drags mirent tout ce temps à profit. Ce dernier d'ailleurs, et à son grand soulagement, put enfin passer à la pratique de la magie, toujours sous la surveillance de Celestia. De chance, son élément de la magie lui permit d'apprendre assez vite, cependant l'alicorne restait prudente, au grand désarroi de l'humain. Les cours se faisaient pas à pas entrecoupés de séances théoriques qu'il qualifiait d'interminables. Drags, une fois, ne se gêna pas d'exprimer fortement son ennui à la princesse du soleil. Mais face à ce comportement, elle n'eut alors qu'une chose à faire : lui montrer les conséquences d'un sortilège échoué dues à une très faible erreur de manipulation de la magie. Alors un simple sort de projection magique se transforma en une explosion d'éclats de magie partant dans tous les sens et s'implantant profondément n'importe où, y compris sur le lanceur. Bien sûr, Celestia se protégea au préalable. Ce petit tour suffit mystérieusement à arrêter toutes les contestations du moine. Eric quant à lui, continuait sa routine des cours de magie, de stratégie et d'histoire le soir en compagnie de l'alicorne blanche tandis que le matin n'était pas de tout repos. Dès le lever du soleil, il s'entrainait au combat avec tout ce qui pouvait lui tomber sous la main : sac de sable, mannequin, soldat et même Luna. Toutefois, suite à l'incident dans la ville de Canterlote, Celestia instaura une à deux heures de méditation après chaque longue session de combat, bien qu'au début, Eric eut beaucoup de mal à s'y faire. Rester immobile dans une position inconfortable, écouter le silence environnant sans devoir le perturber par sa respiration. Il trouvait même tout ceci inutile et voulait passer à autre chose, mais grâce à l'autorité de la Princesse Solaire, le chevalier continuait, et prit le temps d'apprécier ses séances. Cela lui apportait finalement un moment de paix dans sa journée, faire le vide, ne pensait à rien. De plus cette méditation lui était directement utile, puisqu'il put grâce à la Princesse Lunaire apprendre des techniques de combat qu'aucun humain n'aurait pu imaginer. Et outre les techniques, son corps se musclait, dessinant plus ses courbes à en modifier sa carrure, l'obligeant à changer de garde-robe, au plus grand bonheur du couturier royal qui se relançait à plein commerce. Six mois auparavant, un entrainement de magie avec Drags avait mal tourné : un sort d'impulsion magique incontrôlé qui avait complètement explosé toute la façade de la salle d'entrainement. Le moine eut de la chance, par la puissance relâchée, de ne pas y avoir laissé son bras. Celestia avait ordonné une rénovation ainsi qu'une amélioration de la salle, laissant alors les deux humains s'entrainer en extérieur.

« Un an déjà », se répétait Eric. Le chevalier était assis en tailleur dans les jardins royaux sur une pelouse fraichement coupée, l'odeur de l'herbe emplissant ses narines, les yeux fermés malgré une lueur du soleil le taquinant lorsque les nuages en décidaient ainsi. Deux épées posées côte à côte sur ses jambes, le chevalier entendait du mouvement à travers la légère brise qui lui caressait le visage.

- Fais abstraction de tous les sons, ne te focalise que sur ma présence, sur les sensations de ton corps. Ressens comme le vent t'enveloppe de sa douce cape de chaleur. Perçois ses variations... ses vibrations.

Eric respirait lentement, tout son corps s'était détendu. Les épaules au plus bas, ses mains jointes : doigts croisés posés sur une de ses lames tandis que l'extrémité de ses pouces se touchait, créant une ouverture dans laquelle un faible vent s'engouffrait. Alors une sensation, à peine perceptible, caressa la peau de ses paumes. Eric ne put même pas l'identifier tant ça lui était étranger, mais ça venait de sa droite. D'un geste du bras, gardant ses yeux fermés et sans bouger le corps, le chevalier brandit en fauchant l'air le plat de sa lame qui alla toucher du bout de sa pointe l'épaule de la Princesse Lunaire.

- J'ai réussi ?

demanda-t-il, perturbé par ce mouvement si large et brusque qu'il ne ressentit aucune résistance sur le coup. Luna sourit faiblement.

- On peut dire que oui, admit-elle. Quelques jours et tu es maintenant capable de te défendre en pleine méditation. As-tu bien ressenti ma présence à travers les flux magiques ?

Il ne dit rien, toujours sans un mouvement. Il ne savait pas. C'était vraiment ça ?

- Eh bien... je crois que oui, dit-il sans vraiment être sûr.

Eric ouvrit lentement les yeux, et vit une Luna ventre sur un moelleux nuage, la pointe de sa lame posée sur elle. Il se leva alors, son arme toujours sur son adversaire, puis rangea ses deux fers dans leurs fourreaux. L'alicorne bleue posa alors ses sabots à terre avant de renvoyer d'un coup de patte sa monture rejoindre le troupeau dans les cieux. Le chevalier la salua en disant :

- J'aimerais vous remercier, votre sœur et vous. Grâce à vous, cette année fut très fructueuse pour moi.

- Je n'ai pas fait grand-chose de mon côté, avoua-t-elle humblement. Un entrainement peut aller vite avec un élève doué.

- Merci... pour le compliment, fit Eric d'un ton neutre, surpris venant de la part de cette combattante impitoyable rarement flatteuse. Même si je sais que je n'étais pas un disciple facile à supporter.

- C'est réciproque, confessa Luna. Je sais aussi que je peux être un professeur très difficile, et tu en as bavé.

- C'est vrai, mais ça m'a poussé à me surpasser. Et pour cela, je vous en serai éternellement reconnaissant. Luna sourit faiblement, avant de faire demi-tour vers le château en marchant sereinement.

- Vous partez au pas ? fit Eric tout étonné. D'habitude vous prenez la voie des airs.

- Je me sens tranquille aujourd'hui, dit-elle sans se retourner. Nous avons terminé tôt, rentrez donc à mes côtés.

Eric s'empressa alors de rattraper la Princesse puis adopta son rythme de pas, jusqu'à arriver à la grande place encadrée d'arbre devant l'entrée de la bâtisse, là où ils se séparèrent à leurs occupations.

**********

Dans une aile du château, une Princesse à la cutie mark du soleil se reposait sur son long divan, dans sa petite chambre personnelle de lecture : une vraie bibliothèque avec ses incrustations murales remplies de livres de partout. Ladite Princesse tenait entre ses pattes un petit livre fort sympathique, bien que tragique. Soudain, quelqu'un toqua à sa porte.

- Il me reste bien dix minutes ! dit-elle à haute voix.

Déjà qu'elle avait peu de temps pour elle ces temps-ci, ce n'était pas un garde qui allait lui retirer son plaisir de lire tranquillement.

- En as-tu une à accorder à ta tendre sœur à la recherche du livre sacré ? « En fin de compte, ça allait être elle », pensa-t-elle en levant les yeux.

- Bien sûr, mais pas une de plus ! avertit Celestia. Tu sais ce qu'il t'arrivera sinon, comme quand on était petites !

Luna entra alors en trottinant rapidement, direction droit devant vers une étagère et chercha un des ouvrages qu'elle n'avait pas dans sa collection.

- Alors Drags ? demanda la cadette en cherchant frénétiquement de ses yeux.

- Enfin patient. Maladroit parfait, mais doué, répondit simplement l'ainé. Et toi ? Eric ?

- Doué aussi. Plus concentré et toujours aussi persévérant, continua Luna en comptant ses secondes de survie dans ce milieu hostile.

- Tiens, une minute de plus, offrit Celestia. Je prends quelle lampe de chevet pour ici ? Le panda rieur ou l'ourson moqueur ?

dit-elle en soulevant par magie deux lampes chacune possédant lesdites formes. Luna ria faiblement.

- Tu n'es pas trop vielle pour ce genre de chose ?

fit-elle un sourire en coin sans même regarder sa sœur, la tête toujours enfouie dans les étagères.

- On est jamais trop vieux pour des choses aussi mignonnes, dit la plus grande en mimant un baiser face à ses deux lampes, comme à deux enfants.

- Si tu le dis, lâcha mollement la plus petite avant de hausser la voix, satisfaite. Ah HA ! Je te tiens ! s'exclama-t-elle un petit bouquin à la couverture rouge emprisonné dans sa magie face à elle, son titre doré indiquant le tome trois de l'aventure des antihéros.

- Je vais prendre celui-là, fit gaiment Celestia en touchant du bout de son sabot l'ourson. Son air mesquin me fait penser à toi petite, dit-elle rieuse.

Luna adressa une sublime grimace à sa sœur, qui elle garda son air rieuse quelques secondes de plus.

- Tu devrais prendre le panda, il te ressemble comme deux gouttes d'eau en ce moment. Plaisantin et mal maquillé, fit Luna à en rire à son tour.

Celestia ria de bon cœur avec elle avant que son regard ne replonge dans sa lecture.

- Tu viens de perdre une minute, il te reste une seconde, termina-t-elle sur un ton effroyablement neutre.

À ses mots, Luna perdit instantanément son expression. Désormais yeux grands ouverts, sa corne s'illumina, et elle disparut dans un flash bleu nuit.

**********

Cela faisait bien quelques minutes qu'Eric marchait dans l'arrière jardin du château, en vain, tournant en rond. Il avait pourtant un rendez-vous important avec le forgeron royal ce jour-là. Et pourtant rien. Cette place verte était sans aucun doute plus petite que celle royale, bien qu'elle présentait une belle herbe, beaucoup de fleurs, et au milieu un épais attroupement d'arbres. Il était d'ailleurs traversé de part et d'autre par une petite rivière à fort courant. Cette dernière passait en dessous des troncs qui étaient eux, à cet endroit, surélevés par une sorte de pont en terre. La route faisait un long chemin circulaire autour des grands arbres, comportant deux ponts en pierre passant au-dessus du courant d'eau. Eric leva les yeux avant de soupirer, priant ironiquement le seigneur afin de trouver ce maudit forgeron. Il vit alors dans les cieux quelques nuages multicolores, ou plutôt une étrange fumée épaisse coupée régulièrement tout en changeant de couleur, montant vers le ciel. Eric descendit alors son regard, qui s'arrêta aux feuillages des arbres. Il soupira. Comment n'y avait-il pas pensé plus tôt ? Il se mit alors à courir vers les arbres et pénétra sans prendre garde à ses vêtements les branchages de cette dense végétation. Une fois sorti de ce qu'il lui avait semblé un vrai foutoir à branches et à buissons ; lui, plein de feuilles dans les cheveux et d'éraflures sur ses vêtements, Eric se retrouva face à une maisonnette en brique entourée de sa protection végétale. Une cheminée pour le moins imposante par rapport à la bâtisse recrachait bien cette fumée étrange qu'il avait vue de l'extérieur, et ainsi la rivière passait bien à travers le bâtiment également. D'ailleurs au pied de celui-ci se trouvait une multitude de râteliers tous aussi fournis les uns que les autres en matériel de guerre. « Vraiment étrange comme endroit, on se croirait dans un conte pour enfants », pensa Eric tout en contemplant le lieu. Alors, se dirigeant vers l'entrée sommaire de cette mystérieuse forge, le chevalier prit une profonde respiration et leva sa main pour toquer.

- Entrez, c'est ouvert !

dit une voix rauque étouffée par l'épaisseur du mur. Surpris, Eric ouvrit alors la porte doucement. Une vague de chaleur l'étouffa dans un premier temps, le faisant reculer la tête. Puis une fois remis de ce chaud si soudain, il entra. L'intérieur était plus grand que ce qu'il pensait, mais ici y régnait un bazar sans nom. À sa gauche d'abord, une armoire ouverte vomissait des outils de toute sorte bloquant l'ouverture complète de la porte, puis longeant le mur vint la fameuse forge pointant vers le milieu de la pièce : grande et belle. Voilà donc l'agresseur au souffle ardent de plus tôt. À sa droite, une maigre structure en bois recouverte de chaines en métal, de marteaux différents, de pinces et d'outils variés et de formes étranges qu'Eric ne put très bien identifier. Au centre de la pièce se trouvaient plusieurs enclumes posées chacune sur un morceau de bois. Il y avait des barres en métal posées un peu partout, des étagères remplies de lingots, des sceaux en bois, une longe cuve d'eau, des outils pendaient même sur les poutres et contre toute l'architecture de la maison. De l'autre côté de la forge ressortaient, du mur et du plafond, d'énormes engrenages et de chaines les reliant, le tout tournait à faible allure, sans ralentir. Sous ce mécanisme imposant, devant le chevalier, se trouvait une assez grande licorne, plutôt potelée, bien forte, quoi de plus normal pour son métier. Son pelage rouge ne faisait cependant pas très bon ménage avec sa crinière violette. Ça allait prendre du temps, mais Eric s'y ferait surement. L'imposante licorne releva alors sa tête de ses papiers, elle portait une belle barbe, mais ses yeux, bien que d'un magnifique bleu très clair, semblaient regarder tellement intensément Eric qu'il crut se faire scruter son âme.

- Bonjour, débuta Eric, pas très serein. Je suis

- Je sais très bien qui vous êtes, le coupa net la licorne de sa grave voix tout en retournant à son travail. Celestia m'a prévenu de votre arrivée. Vous êtes trop en avance cependant. J'aime pas être hors de mes horaires. Je me demande d'ailleurs comment vous êtes venu dans mon sanctuaire sans que j'y écarte les arbres. Enfin, aucune importance maintenant. Moi c'est Red Hammer.

- Enchanté, répondit Eric, complètement mal à l'aise. Vous... vous savez pourquoi je suis là.

- Ouaip ! s'exclama Red. Et pas qu'un peu. Encore qu'aujourd'hui, on a pas trop d'boulot. Le plus gros sera pour vos deux belles, donc demain. Approchez-vous et montez sur cette marche au fond de la pièce. Je vais prendre vos mesures.

- Mes mesures ? s'interrogea Eric. Parce que vous allez aussi

- Bien sûr que je vais vous faire une armure, le coupa une nouvelle fois Red, agacé. Vous avez de la chance que je sois en avance sur mon planning. Allez, montez.

Eric s'exécuta alors sans dire un mot de plus, et passa près des enclumes pour se tenir sur une petite élévation en bois. L'étalon fit léviter une plume, du papier et un long rouleau de tissu face à lui, les jugea en très bon état et se mit donc au travail en enroulant très rapidement l'humain dans le tissu comme une araignée avec sa toile. Une fois le corps d'Eric complètement momifié, Red prit sa plume et commença à noter les mesures tout en perçant de sa magie trois trous pour laisser le chevalier respirer. Au bout d'une heure d'immobilisation et de noir total pour Eric, Red Hammer avait enfin terminé. Il posa alors son attirail sur un coin de sa table et d'un coup de magie, disséqua de bas en haut le tissu collant à la peau d'Eric et le jeta directement au feu de sa forge, qui elle n'avait pas baissé en intensité. Surement le courant d'eau de la rivière sous le bâtiment qui devait activer ce gros mécanisme d'engrenage apparent, celui-là même qui s'occupait de la soufflerie. Ingénieux.

- C'est terminé pour l'armure. Venez tôt demain matin pour l'arme. Des questions ? dit sèchement le forgeron.

Enfin libéré, le chevalier descendit de sa marche pour raviver ses articulations.

- Oui, une seule qui me tiraille depuis une heure : comment avez-vous su que j'étais derrière la porte ? Red Hammer le regarda un instant.

- Votre odeur.

- Mon odeur ? Que voulez vous dire par là !? s'offusqua Eric.

- Vous avez l'odeur des combattants, répondit sombrement Red. L'odeur de la mort.

Eric ne dit plus rien à cet instant, son regard tombant petit à petit dans le vide. Il n'était ni surpris, ni choqué, ni quoi que ce soit. Red avait raison. Il devait surement sentir le meurtre à plein museau. Quoi de plus normal avec un homme tel qu'Eric de la Sall, quoi de plus normal avec un tel vécu. Le chevalier sortit alors de la forge le visage inexpressif, tentant de chasser les dires du forgeron, puis arriva près des arbres qui se courbèrent pour le laisser passer. Une fois de retour au château, le repas avec les Princesses passa sans un mot chez le chevalier, à leur grande surprise. Drags tentait bien de faire réagir son compère par quelques remarques, mais Eric répondait simplement, sans grande conviction dans la voix. Il ne finit pas son repas ce soir-là et partit se coucher, le lendemain allait être une journée matinale. La nuit était tombée depuis un bon moment déjà, et pourtant le chevalier se tournait et se retournait dans ses draps, incapable de fermer l'œil, impuissant face à la voix de Red Hammer répétant inlassablement ce qu'il voudrait oublier. Elle résonnait en échos, frappant les parois de son esprit à coup de marteau, le ramenant dans le plus sombre de ses songes. L'odeur de l'urine, la vermine sous ses pieds mangeant le maigre repas laissé à même le sol. Le sang, surtout le sang. Ces coulées lentes et épaisses sur son corps. Tout à coup, sans crier gare : une forte lueur derrière les barreaux. Aveuglante, mais aussi apaisante dans tant d'obscurité. Il avait perdu la notion du temps. Combien de jours déjà ? « Deux, cinq, quinze, cent. Quelle importance, bientôt, tout sera terminé... Pitié, faites que ça se termine. » Un léger cliquetis au-delà de la lumière. Ses bras souffraient tant d'être tirés vers le haut, de soutenir son corps, nu, sale et blessé. Sa tête se leva alors, et il aperçut derrière ce rideau de cheveux crasseux et devant cette lumière aveuglante sa prison s'ouvrir. « Déjà bourreau ? Je commençais pourtant à m'y faire... Tu as donc si hâte ? »

- Finis-en avec moi... souffla-t-il du peu d'énergie encore en lui.

Mais il n'en fut rien. L'obscurité reprit le dessus, plus puissante que jamais, avant que la silhouette d'un homme apparaisse devant Eric. Il alluma une bougie. Eric releva la tête un instant puis la laissa retomber. Cheveux poivre et sel, yeux verts, toge rouge. À la vue de ses vêtements, Eric ne pouvait ignorer cet homme. Alors avec grande peine, il se remit debout, redonnant vie à ses bruyantes chaines, avant de s'agenouiller de nouveau avec le plus de respect que pouvait offrir son corps. Le vieil homme tendit sa main droite, portant une bague en or qu'Eric embrassa de ses lèvres rugueuses.

- Relevez-vous, mon brave. Vos blessures sont assez graves, n'empirez pas votre cas.

- Merci cardinale... murmura Eric. Mais je ne peux plus... Que faites-vous ici face à un mort ?

- Un mort ? Je vous trouve bien pessimiste. Ma venue ici est due à une lettre envoyée par votre parrain, révéla le cardinal.

- Mon... parrain ?

- Cela vous surprend que je le connaisse, releva-t-il. Et pourtant, il m'a supplié de lire sa lettre.

- Que disait-elle ? murmurait toujours avec peine Eric.

- Que malgré votre crime

- Ce n'était pas un crime, s'exclama-t-il plus fort à s'en étouffer douloureusement. La vraie justice... Cet homme était... un porc... Une mort... mille fois méritée... Aucun regret.

- Sur ce point, je suis d'accord, avoua le cardinal.

Ses mots surprirent Eric, mais il resta immobile.

- Ce n'est pas très chrétien de dire ceci, mais... Il est vrai que cet homme était un monstre et il méritait de mourir. Cependant en commettant cet acte, ce territoire est devenu instable et cela dérange les puissants de ce royaume.

Eric eut un pouffement de rire, faisant relever son buste dans un craquement d'os affreux, le plongeant plus dans sa souffrance.

- Et c'est pour ça... que vous êtes là ? Une leçon d'humilité... et de politique ?

- Non, je viens vous apporter la liberté, révéla le cardinal d'un ton plus élevé, espérant redonner espoir en cette pauvre âme.

- Impossible, trancha Eric. La justice a jugé... Je suis condamné...

- Aux yeux des hommes, mais pas de l'Église. Là est la subtilité.

- Expliquez... demanda Eric en relevant légèrement la tête, oreilles à l'écoute.

- Votre parrain m'a expliqué la raison de votre geste, mais aussi votre bonne foi et votre talent hors pair pour les armes. L'Église a besoin de vous.

- Pourquoi ? fit Eric avec un peu plus d'entrain, levant ses yeux en direction du cardinal.

Ce dernier le regardait de haut, debout. Il inspira faiblement avant de prendre un air des plus sérieux.

- Je veux que vous preniez la croix et que vous partiez en Terre Sainte. Je veux que vous soyez les yeux et les oreilles de l'Église dans ce territoire qui commence à nous échapper.

- Pourquoi j'irais dans un territoire où la mort peut frapper à n'importe quel moment ? Se força Eric de dire, y donnant toutes ses forces pour ne pas sombrer.

- Car chevalier... Vous avez tout à y gagner. Non seulement vous serez libre, mais en servant l'Église et en tuant les hérétiques, tu pourras sauver l'âme de tes trois amis. Eric attendit un temps.

- Si j'accepte... vous me donnez votre parole... que mes amis seront repentis ?

L'homme en toge rouge s'agenouilla face au prisonnier, resta un moment face à face avant de lui révéler d'un ton solennel :

- Toute personne qui se bat pour Dieu se verra ouvrir les portes de son royaume. Pour lui ou pour ses proches. Vous avez ma parole.

Eric prit alors sur lui, et à en trembler de ses frêles mollets, il se leva. Le cardinal fit de même. Pour la dernière fois, en gémissant de douleur, le chevalier s'agenouilla encore devant lui.

- Moi : Eric de la Sall... jure de défendre ma foi et l'Eglise... en prenant la croix... et à combattre en Terre Sainte... Par ce serment... j'offre mes deux épées... et mon âme... à Dieu.

À ces mots, Eric embrassa de nouveau la bague du cardinal. Celle-ci disparut alors devant ses yeux, puis sa main, et enfin l'homme en entier jusqu'à ce que tout devienne de plus en plus lumineux. Quelque chose gigotait devant lui. C'était bleu. C'était doux. C'était si étrange qu'Eric se frotta les yeux avant d'entendre crier :

- Enfin vous êtes réveillé ! Je vous croyais mort ! dit une voix familière pleine de tristesse. Le chevalier sourit alors qu'il sentait à travers sa couverture l'étreinte d'une âme chaleureuse.

- Désolé Light, je n'ai pas le sommeil aussi lourd d'habitude, dit-il en relevant la tête, fixant les yeux bleus embués d'une Light Summer complètement allongée sur lui.

- Fermez-là ! dit-elle en essuyant ses maigres larmes.

Votre sommeil était plus lourd que mes baffes aussi, j'imagine ? Eric ria faiblement, cette douleur dans son rêve était peut-être réelle en fin de compte. Il prit alors Light Summer dans ses bras et la posa près de son lit.

- Désolée pour mon comportement, ce n'est pas digne d'une servante de la royauté, marmonna-t-elle en rougissant.

- Après plus d'un an à mes côtés, je pense que tu as eu assez peur pour le reste de ton service, se moqua Eric alors qu'il se retira de sa couche.

- Taisez-vous, dit-elle le sourire aux lèvres tout en portant les vêtements du chevalier de sa table à son lit. Je vous laisse vous habiller, faites vite si vous ne voulez pas être en retard à votre rendez-vous avec le forgeron royal.

- Merci bien Light, fit Eric en attrapant ses affaires à travers la magie de la licorne. Je dois dire que le tissu est impeccable cette fois, avoua-t-il, ses mains tâtant le tout.

- Je suis une jument qui apprend vite ! s'exclama Light.

- Même lorsqu'il s'agit de toquer avant de rentrer dans la salle de bain ? répliqua Eric d'un regard malicieux.

- Une jument qui apprend vite, mais qui a du mal à perdre de vieilles habitudes, avoua la licorne les oreilles baissées, un sourire aux lèvres.

Sur le pas de la porte, Light Summer regarda une dernière fois Eric près de son lit, torse nu alors qu'il se lavait le visage à l'aide de la cruche sur sa table. Bien que cette licorne n'était pas attirée par lui, elle trouvait la nouvelle forme de son corps ainsi que sa musculature de plus en plus charmantes. Mais ici, elle n'avait pas le temps de penser à ça. Travailler en tant que servante de la royauté n'était pas de tout repos. Elle ferma alors la porte et partit à sa journée de tâches. Eric lui ne perdit pas de temps non plus, s'habilla rapidement et partit d'un pas assuré chez le forgeron. À quoi pouvait-il s'attendre ce jour-ci avec Red Hammer ? Cette licorne avait bien des choses à cacher. Une fois arrivé, à la bonne heure, devant la barrière d'arbres, celle-ci s'ouvrit magiquement. Le chevalier passa d'un pas plus lent, il prit le temps d'admirer un peu l'intérieur de ce mur de végétation. C'était dense en plein de vie. Il arriva enfin devant la porte qui s'ouvrit comme à son habitude, avant qu'Eric n'ait eu le temps de toquer.

- Entrez ! cria le forgeron de l'autre bout de la forge.

Eric s'exécuta, et découvrit un intérieur compétemment rangé, les outils aux bons endroits, un sol nettoyé et une forge plus chaude que jamais.

- Je suis là pour les épées, comme prévu et à l'heure, dit-il pour marquer sa ponctualité.

- Très bien, répondit gravement Red Hammer. Asseyez-vous sur ce tabouret.

L'humain s'approcha du centre de la pièce, au milieu des trois enclumes et s'assit sagement alors que la licorne se mit face à lui et avec le même ton bourru, il fit :

- Montrez-moi vos mains.

- Mes mains ?

- Oui.

Eric resta surpris un temps par cette demande, mais obéit et tendit ses bras devant lui, mettant bien ses paumes en évidence. Red Hammer se pencha et examina en profondeur ces choses qui lui sont complètement étrangères. Ses yeux bleus étudièrent chaque contour, chaque ligne et courbe, pas un centimètre ne fut oublié. Eric resta circonspect avant de demander :

- Excusez ma curiosité, mais que faites-vous avec mes mains ?

- C'est pour savoir quel combattant vous êtes, répliqua simplement le forgeron.

- Et vous voyez tout ça en examinant mes mains ?

- Tout à fait, répondit-il tout en continuant ses observations. Je peux savoir depuis combien de temps vous manipulez une arme, comment vous la tenez et en ajuster l'équilibre. D'habitude j'examine les cornes, les ailes et les sabots. J'avoue que vous êtes mes premières mains !

La licorne rit faiblement tout en relevant sa tête. Red Hammer ferma alors ses yeux un instant, semblant réciter quelque chose dans sa tête. Il sortit son calepin et se mit à écrire frénétiquement.

- Mouais... Ça devrait faire l'affaire, s'exclama soudainement Red Hammer tout en partant vers une pièce adjacente, laissant Eric seul durant quelques secondes. Il revint accompagné de deux coffrets en lévitation. Il les posa à côté de la forge, l'un était magnifique, couleur argent et scintillant tandis que l'autre était plus modeste, mais bien plus coloré. Ce dernier contenait de larges cristaux de formes et de couleurs différentes. L'aura autour de la corne de la licorne s'intensifia et la brume transportant les précieuses pierres broya le tout en fine poussière avant de l'envoyer dans la forge. Des flammes multicolores en jaillir, Red Hammer ouvrit rapidement le deuxième coffret et en sortit un gros bloque de métal puis le plaça dans la forge.

- C'est du fer ? lança Eric, piqué par la curiosité.

- Du fer ?! répliqua fortement le forgeron. Vous plaisantez ! Le fer, c'est bon pour les sabots des fermiers. Ce que vous avez dans cette forge, c'est du lamium, un des métaux les plus durs d'Equestria.

- Et mon armure en sera composée ?

- Non, pas du tout, rétorqua-t-il. J'ai prévu un autre métal pour cette belle création. De toute façon le lamium est très rare à cause de la difficulté à l'extraire, mais aussi aux quantités infimes que l'on récupère après la purification.

- Surprenant, continua le chevalier. Nous n'avons pas ce genre de métal dans notre monde, de plus nos armes et nos armures sont forgées à partir du même métal.

- En fer, je suppose... - Oui, répondit un peu honteusement Eric.

- Eh bien les forgerons de votre monde sont des idiots et des incompétents !

- On peut dire que vous êtes une licorne directe et franche, avoua l'humain. Ce qui est d'un certain point de vue... une qualité. Mais comme il n'y a de meilleures compagnies que celles qui se quittent, je vous laisse à votre travail.

Alors qu'Eric commença à se lever, Red Hammer le regarda avant de dire simplement :

- Non.

- Non ? répéta sans réfléchir Eric. Pourquoi non ?

- Les armes que je forge sont pour vous et vous devez assister à leurs naissances jusqu'au bout, expliqua Red Hammer alors qu'il sortait de la forge à l'aide de sa magie un bloc rougeoyant imprégné d'une multitude de couleurs et dégageant une forte chaleur.

Il récita alors en murmurant les paroles pensées plus tôt. Sa corne s'illumina et sa magie sépara les couleurs du bloc à deux extrémités, puis éclata le métal en deux morceaux, l'un tendant plus vers le mauve tandis que l'autre était d'un vert éclatant.

- Mais je dois faire quelque chose ? demanda-t-il, de peur de devoir encore attendre une heure immobile, voire plus.

- Oui, vous taire, répondit naturellement le forgeron alors qu'il plaça les deux pièces de métal face à son interlocuteur. L'arme est l'extension du combattant, elle est la seule chose qui le maintien en vie sur le champ de bataille ou lors d'un combat. Alors quand elle vient au monde, le guerrier qui la maniera doit assister à sa création. Grâce à cela, l'arme et le possesseur ont leurs âmes liées et elle montrera toujours son potentiel maximal.

- Donc je n'ai pas le choix, se résigna Eric en fixant les deux blocs mauve et vert de métal chaud juste devant lui, posé sur l'enclume.

- Tout juste, mais aussi une toute petite chose.

- Quoi donc ? dit-il en relevant la tête.

- Silence, je dois me concentrer.

Eric resta assis, sage comme un enfant qui découvre l'aspect d'un nouveau monde. Son regard suivait le marteau s'écraser contre le métal, alternant du mauve au vert, modelant le métal avec une telle facilité. Le chevalier était comme hypnotisé, ressentant chaque coup de marteau en lui, en harmonie avec les battements de son cœur. Après une éternité qui sembla ne durer que quelques minutes pour Eric, ses deux épées étaient fin prêtes. Red Hammer les fit léviter devant lui et le laissa contempler. Toutes deux étaient entièrement composées de métal, du pommeau à la pointe. De belles armes, avec comme poignée un simple bandeau en cuir sous une sublime garde qui elle, était incrustée d'ornements représentatifs. De l'aube pour l'une au crépuscule pour l'autre. Leurs lames cependant, n'étaient pas du tout identiques. Celle de couleur vert clair était magnifique : longue et plutôt imposante, sa lame aux motifs gracieux faisait contraste avec son potentiel de destruction. Celle de couleur mauve était plus fine toutefois, un peu plus courte. Ce n'était pas une dague, loin de là. Pour Eric, cela resta une grande lame. Mais elle semblait être plus discrète dans ses mouvements. Bien évidemment vint par la suite leurs fourreaux, tout aussi majestueux pour le chevalier. Il voyait bien là le prestige de guerre de la royauté.

- Eh bien qu'attendez-vous pour prendre Aube et Crépuscule ?

Eric sortit de ses pensées, puis regarda Red Hammer. Il hésita. Méritait-il de telles armes ? Avait-il sa place ici ? Était-il vraiment celui de la prophétie ? Non, il ne fallait pas penser à tout ça, pas après tout ce temps. Il était trop tard de toute façon. Son monde devait déjà l'avoir oublié, après toutes ces tentatives infructueuses pour réactiver le portail. Peut-être qu'ici, le temps passait différemment que dans son monde ?

- Eric, je n'ai pas votre temps, s'agaça le forgeron.

Le chevalier se ressaisit, puis attrapa ses deux nouvelles armes à travers cette brume rougeâtre. Les deux lames étaient de même poids. Vraiment étrange... Le cuir épousait incroyablement bien ses doigts, l'équilibre était parfait. Red Hammer accrocha les deux fourreaux à la ceinture d'Eric. Ce dernier commenta :

- Je... Je n'ai jamais eu d'aussi belles partenaires. J'ai l'impression de les sentir battre dans le creux de mes mains.

- Eh bien c'est que j'ai bien fait mon boulot, continua de sa grosse voix le forgeron. Mais vu que vous êtes mon premier spécimen... humain, l'équilibrage avec ce qui vous sert de sabots n'est peut-être pas optimal. Bah ! J'ai bon espoir. Après tout, je suis le meilleur dans mon domaine.

- Je n'en doute même pas, avoua Eric avant de faire quelques mouvements avec ses deux lames. J'ai l'impression que l'une... coupe finement l'air tandis que l'autre... le déchire.

- Ce n'est pas qu'une impression, trancha la licorne. Mais il est temps pour vous de partir. Il fait déjà nuit et mon travail me fatigue beaucoup. Vous vous entrainerez avec Luna et Celestia pour comprendre les capacités magiques de ces armes.

- Fascinant, lâcha le chevalier, contemplant ses lames alors qu'il imaginait toutes les possibilités.

D'un mouvement sec, il rangea ses nouvelles partenaires au chaud dans un magnifique bruit de métal. Il les regarda un instant avant de porter ses yeux sur la licorne.

- Merci beaucoup, dit-il sincèrement. Votre travail est incroyable, je ne sais même pas comment vous faites.

- Ne me remerciez pas, reprit Red Hammer alors qu'il rangeait ses outils. Cette commande vient des Princesses, je n'ai fait que mon devoir. Et pour ce qui est de mon travail, sachez que je ne me suis pas retrouvé forgeron royal par hasard. Vous l'aurez peut-être deviné, mais...

- J'ai remarqué, déclara Eric alors qu'il se dirigeait vers la sortie. Vous n'êtes pas une licorne... normale si je puis dire. Quelque chose est plus puissant en vous que chez les autres.

Le forgeron s'assit face à sa forge, son corps demandait un peu de repos pour le moment alors que le chevalier tira et contempla une dernière fois la lame de ces deux perfections.

- Votre cœur s'accélère de nouveau, je peux l'entendre, releva Red Hammer sans détourner ses yeux de sa belle forge. Vous commencez à suer de toute cette chaleur, je peux le voir. Votre souffle s'étouffe et vous devriez prendre une bonne douche, je peux le sentir. Vous voyez ? Je peux... ressentir tout ça, malgré moi parfois.

S'en suivit un lourd soupir, douloureux en souvenirs de la part de la licorne. Eric laissa tomber souplement Aube et Crépuscule dans leurs fourreaux.

- Vous êtes un être exceptionnel Red Hammer, le complimenta Eric. Votre capacité de perception dans ce monde est une perle qu'il faut préserver. Elle peut paraître plus fragile de par sa sensibilité, mais elle est unique. Ne déplorez jamais votre don.

- Vous êtes un homme bon, Eric, lui renvoya le forgeron. Je peux le ressentir, et ce ne sont pas mes organes sensoriels qui me le disent, mais le cœur.

Le chevalier sourit faiblement, puis ouvrit la porte. Le vent froid de la nuit lui fouetta au visage, le rafraichissant alors qu'il sortait de cette fournaise. Il remercia Red Hammer une dernière fois puis le salua avant de partir, désormais armé et la conscience tranquille.

**********

Eric avait passé un jour complet chez le forgeron. Il était tard, son ventre criait famine, et alors qu'il posa un pied dans sa chambre dans l'intention de ranger ses armes, il découvrit devant son lit, sur sa table un plateau d'argent disposant d'une cloche et d'un petit mot. Un nouveau fauteuil s'offrait également à lui, placé sous la table. Il posa Aube et Crépuscule près de son lit, tira le dossier du fauteuil et s'assit confortablement dedans. Il prit la lettre, la déplia et commença à lire.

"Cher Eric, On m'a prévenue que vous étiez chez le forgeron toute la journée, et comme vous n'étiez pas présent à votre repas ce soir, j'ai donné l'ordre en cuisine qu'on vous prépare un repas copieux. Je vous l'ai apporté, j'espère que vous apprécierez cet espace aménagé également. Bon appétit et bonne nuit. Sincèrement votre, Light Summer."

« Light... tu es bien trop aux petits soins avec moi... » Pensa Eric alors qu'un faible sourire se dessinait tout seul sur son visage. Tandis qu'il déposa sa lettre sur la table à côté du plateau, Eric aperçut un autre morceau de papier, déchiré sur les bords, sous l'argenterie. Il tira la petite feuille et y lit une autre écriture tout aussi familière.

"Eric de la Sall, Parait-il que le forgeron t'a confectionné de nouvelles armes ? Tu as intérêt à me les montrer la prochaine fois que nous nous voyons ! J'ai toujours l'avantage au nombre de victoires tu te rappelles ? Même si bon... depuis un certain temps, tu gagnes bien plus souvent grâce à l'entrainement des Princesses. Mais bon, je serai forte aussi ! Ah, et n'oublie pas mes jours de repos que tu m'as promis ! Ta fidèle et géniale amie, Lycende."

Le chevalier put voir également le dessin d'un petit poing à sabot que la licorne avait crayonné sur le papier. La main était mal faite, comme d'habitude, et cela fit légèrement rire Eric. Il souleva alors la cloche et découvrit divers plats appétissants : du poisson, des légumes et du dessert. Ce repas et ces lettres lui donnèrent du baume au cœur, lui qui avait passé une sale nuit et un long séjour chez le forgeron. Il n'avait pas du tout sommeil, étrangement... Il se laissa glisser dans son fauteuil, se mettant plus à l'aise avant de balayer du regard sur sa droite la totalité de son lit. Ses yeux s'arrêtèrent sur sa petite bibliothèque contre le mur près son drap. Plus d'un an qu'il dormait ici et il s'étonna de n'avoir jamais jeté un coup d'œil à tous ces livres qui ressortaient de ce petit meuble. Il se leva donc brusquement, bien décidé à remédier à ce problème. Il y avait de tout : contes pour enfants, traités sur la philosophie, récits héroïques et historiques, livres à titre éducatif sur la culture d'Equestria. Eric en avait déjà lu la plupart avec les Princesses, ou de lui-même dans la grande bibliothèque royale. Cependant, un attira particulièrement son attention. Gros et grand, à la couverture rouge bordeaux sans motif sur la tranche, il le tira et put distinguer juste un titre en noir qu'il lit à voix haute :

- Poney soutra, édition universelle pour terrestre, pégase, licorne et alicorne. Voyons ce que c'est... Il ouvrit donc le livre. Les quatre premières pages contenaient exclusivement du texte. Beaucoup de texte, que l'humain survola rapidement. Et quand il tourna les feuilles à la cinquième et sixième page, ses yeux s'écarquillèrent avant qu'il ne relève la tête lentement, l'esprit confus. Il referma le livre dans un clap sonore et le replaça là où il l'avait pris. « Je ne savais pas que les poneys pouvaient être aussi souples... Je pense que ce genre de lecture n'est pas pour moi de toute façon. Tentons de dormir en espérons que toutes ces images aient disparu de ma mémoire demain. »

**********

- Concentrez-vous Eric !

ordonna l'alicorne blanche. L'humain se ressaisit, levant plus sa lame face à lui. Sous l'ombre de quelques arbres dans les jardins, le vent était faible, mais assez pour déséquilibrer l'arme du chevalier. Luna et Drags étaient là aussi, l'une debout et patiente tandis que l'autre flânait, allongé dans l'herbe. Près de la Princesse Lunaire se trouvait Crépuscule, posée contre un tronc.

- Excusez-moi Princesse. Pouvais vous reprendre ? demanda Eric.

- Une dernière fois alors. Aube est une arme dévastatrice lorsqu'elle est maniée à la perfection. Il faut en prendre le contrôle, ressentir sa magie et la connecter à la sienne. Elle prendra alors n'importe quelle forme désirée. Mais attention, elle a une grandeur limitée, bien que celle-ci soit élevée. Grâce à nos cristaux de magie imprégnés à l'intérieur, il vous sera également possible d'augmenter sa taille. Enfin... si vous arrivez à maitriser compétemment votre arme.

- Je le répète, cette lame est surpuissante, continua Luna. Mais nos ennemis le seront tout autant. Alors, soyez prudent et commencez déjà par contrôler votre magie.

- Allez Eric, dépêchez-vous de me montrer votre talent pour le maniement des armes, plaisanta le moine le regard tourné vers le ciel.

- Bien... souffla Celestia. Maintenant, fermez les yeux et ressentez à travers vos mains la puissance d'Aube.

Les dix doigts d'Eric se resserrèrent bruyamment autour de la poignée en cuir. Exactement comme lors de ses méditations, une sensation étrange lui caressait sa paume. Mais l'homme avait beau y faire, impossible de saisir cette chose. Il tenta quelques gestes dans le vide, en vain. Désemparé, il tendit sous le soleil l'épée luisante et magnifique vers Celestia.

- Montrez-moi comment vous faites, supplia-t-il.

- Ce n'est pas à moi de le faire, Eric, repiqua la Princesse. Cette arme a été forgée pour vous. Ressentir sa magie ne doit pas être compliqué pourtant, mais comment expliquer ça à un humain...

Celestia faisait pourtant tout son possible pour trouver une solution. Assise, son regard abaissé et le plat de son sabot sous la bouche témoignaient d'une grande réflexion. Drags lui, soupira alors qu'il se leva brusquement puis alla se poster près de son compagnon. Tous le regardèrent intrigués.

- Tenez votre arme de la main droite. Eric s'exécuta, mais dit malgré tout :

- Vous savez ce que vous faites ?

- Je pense qu'un humain sera plus apte d'expliquer à un autre humain le domaine de la magie. Vous me faites confiance bien sûr.

- J'imagine que oui, répondit Eric peu serein, se remettant au moine.

- Bien, alors écoutez-moi attentivement. Je sais que votre foi a pu être quelque peu ébranlée dans ce monde, mais vous êtes un chevalier. Elle sera toujours présente. Peut-être qu'elle ne signifie plus rien pour vous, mais sa force est toujours là, dans votre cœur, comme dans le mien. Ressentez-la et portez-la vers votre main et après... je ne sais pas trop comment dire, murmura un instant Drags. Forcez le passage, je dirais.

Eric restait silencieux face à son ami, puis regarda Aube avant de serrer son poing et de la lever devant lui. Il essaya de détendre ses muscles au maximum, de ressentir sa foi à travers son âme. Quelque chose bougeait, virevoltait faiblement. Son corps le contenait. Le chevalier faisait de son mieux pour contrôler ses déplacements, le mouvoir vers son bras, le pousser jusqu'à l'extrémité de ses doigts. C'était comme si l'énergie de son être se concentrait maintenant dans sa paume. Il prit l'arme à deux mains et y mit toutes ses forces. La lame brillait de plus en plus, il pouvait la sentir. Il n'avait plus qu'à... la gonfler comme on gonflerait un ballon. Cela pouvait paraitre enfantin, mais c'était bien son seul espoir d'y arriver. Et il y arriva. La lame se modelait, s'agrandissait jusqu'à devenir démesurée pour Eric. La pointe haute vers le ciel, brillante, la taille de son arme avait dépassé celle d'une claymore. Du point de vue d'Eric, Aube faisait bien la grandeur d'un homme. Ça en devenait absurde. Le plus étrange était toujours le poids de son arme qui n'avait pas bougé d'un gramme.

- Pourquoi n'est-elle pas plus lourde ?

S’étonna le chevalier alors qu'il brandissait Aube, fauchait le vent aisément avant de l'enfoncer dans le sol.

- Taisez-vous, c'est magique, lâcha bêtement Drags alors qu'il se rassit dans l'herbe.

- Tu n'as fait qu'y imprégner ta magie, expliqua Luna. Tu n'as pas créé du lamium, alors attention à ne pas voir les choses trop en grand sinon tu y perdras ton arme. Eric hocha la tête, puis d'un mouvement large du bras, souleva Aube de la terre. Voulant tester cette lame, il balança de ses deux mains son épée sur le tronc le plus proche, qui se déchira sur le coup. Tout son feuillage s'écrasa à terre.

- J'imagine qu'il était pourri, se rassura Celestia.

Impressionné, le chevalier regarda alors sa lame. Son modelage n'était pas très réussi, mais la puissance qu'elle offrait dépassait l'entendement d'un humain. L'affutage n'était pas au rendez-vous toutefois. Eric allait devoir y travailler.

- Je pense que j'en ai fini avec cette partenaire pour aujourd'hui, déclara-t-il. Passons à l'autre.

Il remodela comme il le put Aube, puis la rangea dans son fourreau doré pour enfin la lancer à Luna qui la rattrapa au vol. Elle lui renvoya Crépuscule en retour. Celestia passa près de sa sœur, lui laissant le champ libre pour aller s'installer à côté de Drags, désormais allongée dans l'herbe et silencieuse.

- Très bien, reprit la Princesse Lunaire alors qu'elle tournait autour d'Eric avant de s'arrêter près de lui. Crépuscule est bien différente d'Aube. Connecte ta magie à la sienne et tu pourras contrôler son aura magique et ainsi rendre sa lame plus tranchante que jamais. Toutefois, et contrairement à Aube, Crépuscule est bien plus gourmande en puissance magique. Plus tu la maitrises, plus elle sera aiguisée et résistante.

Eric tira de son sombre fourreau ladite arme. De son teint mauve, ses motifs incrustés dans sa lame étaient sublimes. Il fit quelques mouvements rapides avec. Elle était parfaite pour une épée à une main, et bien moins bruyante que sa sœur, ce qui surprit le chevalier.

- Fascinant, n'est-ce pas ? releva Luna. Crépuscule peut devenir plus discrète qu'une ombre, parfaite lors de mission d'infiltration. Enfin... si tu arrives à complètement la maitriser, et ce ne sera pas facile. À la vue de ta capacité magique, Crépuscule sera capricieuse.

- Je sens que ce sera un combat entre moi et elle, lança Eric alors qu'il la tenait fermement. Je peux la sentir dans ma main, mais elle ne m'accepte pas pour l'instant.

Il sourit face à sa lame. Le chevalier savait qu'il allait devoir en quelque sorte gagner son respect, et monter en puissance magique s'il voulait profiter de tout son potentiel. Il avait encore beaucoup d'entrainement avec ses deux nouvelles partenaires. Mais une fois parfaitement en harmonie avec elles, Eric sentait qu'il serait invisible.

Il ne savait pas ce qui l'attendait.

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TheFrenchGuy
TheFrenchGuy : #48863
Merci bien @Odin2ç ^^ Ça fait toujours plaisir. On continuera, ne t'inquiète pas.
Il y a 4 mois · Répondre
kingstar
kingstar : #48854
Odin2ç15 août 2017 - #48852
comme toujours vos chapitres sont d’excellent qualité et c'est un vrai plaisir de le lire ^^

par contre, je me suis bien marrer avec le coup du poney soutra xD

continuez comme ça =)
et moi J'ai imaginé mes lecteur rire en lisent se passage. Et s'est toujours un plaisir que de savoir que tu prenne plaisir à nous lire
Il y a 4 mois · Répondre
Odin2ç
Odin2ç : #48852
comme toujours vos chapitres sont d’excellent qualité et c'est un vrai plaisir de le lire ^^

par contre, je me suis bien marrer avec le coup du poney soutra xD

continuez comme ça =)
Il y a 4 mois · Répondre

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