De rapides pas retentissaient dans les couloirs sombres. Pourquoi faisait-il aussi noir ? L'immensité des lieux offrait peu de fenêtres donnant sur l'extérieur, et les lumières intérieures encore non allumées ne facilitaient pas la licorne à l'armure bien décorée d'arriver le plus vite possible à destination. Heureusement qu'elle connaissait le chemin mieux que quiconque, car son grand frère n'appréciait gère les retardataires.
Une fois avoir traversé de bout en bout le vaste hall donnant sur de nombreux couloirs adjacents, d'immenses portes en métal se dressèrent. Blue Fire déglutit, malgré les bonnes nouvelles qu'il apportait, une mauvaise contrebalançait le tout. Ça allait chauffer. Le volcan allait bouillir, pensait-il.
Un sabot sur le battant, sa corne illuminée, un grincement dans l'air, à quelques mètres plus loin se trouvait le trône, caché par trois imposants parchemins en lévitations côte à côte. Seule une longue corne noire embrumée dépassait de la masse de magie obscure.
- Blue... fit une voix calme, d'un ton grave.
- Je sais, Crucile, pardonne-moi de ne pas avoir mon avance habituelle, mais j'ai eu quelques désagréments.
Il claqua la porte dans un lourd bruit sourd, puis s'avança de quelques pas et se posta avec plus de respect face aux parchemins. Celui du milieu s'écarta légèrement sur la gauche, révélant une demi-face d'un pelage d'ébène, une pupille difficilement discernable ainsi qu'un iris rouge sang. D'un seul œil foudroyant, Blue fire fut pris d'une terrible pression.
- Qu'as-tu à m'apporter cette fois ? continua-t-il, en reprenant sa lecture derrière ses contrats de la plus haute importance.
- Eh bien...
Blue Fire réfléchit. Comment allait-il tourner son rapport ?
- Commence par les bonnes nouvelles, tonna la voix de Crucile. Je m'énerverai après.
- Très bien, répondit-il, non moins rassuré. Tout d'abord, plusieurs cachettes rebelles ont été découvertes, et exterminées sur-le-champ suivant vos ordres. Une grande quantité d'informations concernant leur organisme nous a été parvenue puis analysée. Nous savons où IL se cache en ce moment même.
Les parchemins s'abaissèrent, dévoilant l'occupant du trône. Le visage maintenant au complet, son regard légèrement abaissé en direction de son cadet, Crucile gardait toujours cette même prestance écrasante. Sa crinière était plutôt calme, cependant : une faible traite de feu bleu le long de sa nuque. Son buste, par la suite, intimiderait plus d'un terrestre, arborant un large médaillon incrusté d'une petite pierre d'un violet profond. Le tableau se terminant sur ses sabots, eux étaient empreints d'une épaisse couche de roche pleine de fissures où y lézardaient de petites coulées épaisses rouges et lumineuses. D'aucuns se posaient la question de la nature de ce liquide, mais personne ne savait réellement.
- Continue... dit-il plus intéressé.
- Il serait caché non loin d'ici en forêt, nous y avons envoyé quelques élémentaires, nos meilleurs de toute classe. Il ne reverra jamais les portes d'Utopia, prononça clairement Blue Fire, fier de cette avancée contre ces traîtres.
- Parfait... murmura Crucile. Ce prétendant "Meneur de la rébellion" ne s'échappera pas cette fois, reprit-il plus fort.
Le souverain se leva de son siège de fer, les parchemins se replièrent. Il frappa une fois le sol, et avec force. Le bruit se répercuta entre les murs de la salle ainsi qu'à travers la roche.
En un instant, les deux grandes portes s'ouvrirent et une bourrasque hurlante vint envahir l'endroit, obligeant Blue Fire à se couvrir le visage face à cette attaque si soudaine.
D'une seconde à l'autre, tout était redevenu calme. La licorne abaissa son sabot protecteur et vit l'entrée refermée. Il se retourna rapidement, une pégase à la robe blanche, sortie de nulle part, s'était postée entre lui et Crucile.
« Sabot d'argent... Je ne m'y ferai jamais à celle-là », gronda-t-il intérieurement.
Sans un mot, la brume noirâtre englobant les parchemins vint disparaitre face à la pégase, qui rattrapa la paperasse d'un coup de sabot. Celle-ci se retourna, puis face à face avec la licorne, ses yeux verts plongés dans les siens, elle lui sourit chaleureusement.
Après quelques pas, elle se posta à côté de lui, silencieuse. Puis elle pouffa légèrement de rire avant que Crucile ne refrappe le sol. Instantanément, ses ailes se déployèrent puis soulevèrent brutalement l'air, à en envoyer batailler la crinière de Blue Fire. Un souffle si près et si soudain l'obligea une nouvelle fois à se protéger le visage, mais aussi à reculer d'un pas. La seconde d'après, elle avait disparu. La licorne resta un temps.
- Qu'as-tu encore à m'apporter, Sabot d'émeraude ? s'impatienta Crucile, à en faire sursauter son frère.
Celui-ci le regarda dans les yeux. Il était son bras droit, certes, cependant un fort sentiment d'infériorité le tiraillait.
- WildFire, mon frère... dit-il fébrilement. Ton fils...
À ces mots, la crinière de feu du souverain grossit à vue d'œil, atteignant désormais une longueur de crin normal, flottant dans les aires. Ses yeux froncés cachaient une rancœur intérieure, brulante de souvenirs.
- Que sais-tu... fit-il sinistrement, impatient et se rapprochant de Blue Fire.
Un temps, une brève hésitation.
- Il serait... sous la tutelle du Meneur de la rébellion, finit-il par dire... Sous la tutelle de L...
- Je ne veux pas entendre son nom, grogna Crucile d'une colère maitrisée.
L'imposante licorne noire se mit de profil, avança d'un pas lourd jusqu'à un mur de la salle : seul mur fissuré de bout en bout. Les raies noires dévoraient la roche et se rejoignaient en un point précis, à hauteur de visage.
Crucile y plaça son sabot, puis poursuivit sombrement :
- Ce sera tout ?
- J'ai bien peur que non, avoua Blue Fire. D'après ce que nous avons appris, si le Meneur est tué, WildFire prendra sa place. Malgré son âge, il est qualifié être prêt.
Crucile serra des dents. Tous ses muscles se tendirent. La pierre de son médaillon brilla faiblement, et les flammes de sa crinière devinrent énormes au cours d'un instant, s'écrasant au plafond cinq mètres plus haut.
Blue Fire avait beau être affilié au feu lui aussi, la puissance élémentaire de son frère ne lui caressait pas le visage.
Une fois plus calme, le souverain ordonna à son Sabot d'émeraude de disposer, ce qu'il s'empressa de faire.
Maintenant seul, dans un silence faiblement perturbé par ses flammes, Crucile ne put s'empêcher de ressasser le passé.
- Et dire que je t'avais là, murmura-t-il, toujours le sabot contre le mur fissuré. Et dire que ce coup t'était destiné.
La plaque de roche sur son sabot commença à émettre de la vapeur, ses fluides rouges parcourant ses fissures bouillaient et gouttaient sur le sol de manière visqueuse
- Et dire que tu mourras ! continua-t-il, une rage montante. Mais il a fallu que mon fils te remplace !!
Il arma son bras d'un mouvement large et rapide, puis l'abattit de toute sa puissance contre le mur, au même centre d'impact produit quelques années auparavant.
La roche s'enfonça, les fissures se multiplièrent et la salle trembla dans un effroyable vacarme. L'immense lustre au plafond, seule source de lumière, en fut touché, et plongea la pièce dans le noir total. La crinière de Crucile elle-même ne brulait plus à cet instant.
Sa voix s'échappa des ténèbres :
- Notre mère avait raison, Lighter... Je finirai par tous vous tuer...
**********
Deux semaines déjà depuis leur arrivée, Eric n'en revenait toujours pas.
Une petite routine s'était très vite installée. Le matin, les deux humains se lavaient, s'habillaient, mangeaient puis se préparaient à leur journée chargée. Drags étudiait la magie et la maîtrise de son élément auprès de Celestia, qui appréciait taquiner ce jeune homme en l'ensevelissant de livres d'étude, parfois littéralement. Cependant Eric, lui, qui devait s'entrainer aux armes avec Luna, devait patienter. En effet, la demande imprévue à consulter l'oracle de Celestia avait obligé Luna à revenir de sa campagne militaire à AppleLoosa. Un problème de changelins, avait-elle rapporté. Ça allait être rapidement expédié. Il fallait croire que non.
Heureusement que le château regorgeait de soldats et soldates. Ils faisaient d'excellents partenaires de combat, et permettaient au chevalier d'analyser et de comprendre les techniques de combat des trois espèces. Lycende devint rapidement une partenaire d'exception, et délaissa petit à petit son rôle de guide : Eric s'était rapidement familiarisé avec les lieux. Tous deux se voyaient principalement au combat, et parfois au détour d'un couloir où ils se saluaient avec le sourire, voire même conversaient de leurs activités.
Lycende enviait Eric, lui qui occupait bien ses journées. Elle, ce n'était qu'entrainement et garde de nuit. Lui, la rassura en lui promettant une permission où elle pourrait prendre un peu l'air. La licorne lui sourit chaleureusement à cette annonce, puis lui tapa fortement la hanche, se plaignant qu'il allait la mettre mal à l'aise avec un tel élan de gentillesse. Leurs discussions se finissaient souvent d'un poing à sabot, comme lui avait appris Lycende. "Entre bons camarades". Puis ils repartaient à leur journée.
Enfin au zénith, Drags et Eric se retrouvaient à l'extérieur du palais, à hasarder dans les rues de la cité. Ce ne fut pas simple au début : les regards étaient braqués sur eux, interrogateurs, apeurés. Un sentiment de bêtes de foire. Bien sûr, ils étaient accompagnés de deux gardes chacun, soi-disant pour les protéger, ce qui n'arrangeait pas les choses.
Eric supportait peu cette présence qui rendait impossible toute interaction avec un habitant de Canterlot. Drags se disait chanceux, répétant à son compagnon maintes fois ô combien le danger était présent face à une horde de petits poneys.
Après quatre jours de longues tirades de la part d'Eric, pour seul but de persuader Celestia qu'une garde rapprochée ne causait que tort entre eux et les citadins, la Princesse donna son accord. Ils ne seraient plus suivis de près.
Il fallut un temps d'adaptation, et beaucoup d'efforts de la part du moine et du chevalier. Mais cela fonctionna comme espéré. Ils pouvaient enfin converser avec autrui, ou commander dans un restaurant sans causer une panique générale.
Leurs sorties se déroulaient souvent comme ça. Ils se promenaient ensemble, Eric lui parlait des différentes techniques de combat des soldats, omettait certaines de ses défaites écrasantes et embellissait ses victoires triomphantes. Tandis que Drags, lui, narrait ses terribles épreuves, rapportant ces montagnes de livres que Celestia lui imposait, de gré ou, et bien souvent dans la figure, de force. Lui préférait toujours passer à la pratique, à son grand désarroi.
Le soir après le diner, c'était au tour d'Eric de suivre les ordres de Celestia, et il ne faisait pas non plus l'impasse sur les livres de magie. Bien que lui devait aussi lire des bouquins sur l'histoire d'Equestria, l'unification des trois peuples, les grandes batailles : anciennes comme récentes. Tout cela alourdi par des cours particuliers de l'alicorne afin de transformer Eric en un véritable chef d'armée, car bien sûr, elle avait promis à Eric un tel rang, mais pas sans une formation poussée au préalable.
Cependant, aucun livre, aucun parchemin sur l'élément de Starswirl. La Princesse lui expliqua que dans sa sagesse, il n'avait laissé d'indice sur la façon de l'utiliser, ou du moins, pas en leur connaissance. Eric était alors bloqué, si bien que ses soirées, bien qu'instructives, lui semblaient longues. Souvent se couchait-il après minuit, à la recherche de la moindre trace du vieux mage sur une quelconque approche de son mystérieux élément de la transformation.
Pendant ces deux semaines, rien ne venait perturber cette routine qui s'installait. Pourtant un soir, alors qu'Eric avait décidé de tirer ses rideaux rouges pour contempler le ciel étoilé au travers de sa fenêtre, une ombre lunaire passa. C'était elle. Elle était revenue. À ce moment, tout son corps se mit à vibrer rien qu'à l'idée de croiser de nouveau le fer. Alors sans plus attendre, le chevalier partit se coucher, impatient de montrer ses progrès. Seulement l'excitation le maintenait éveillé. Tant pis, il se leva et fonça en quatrième vitesse vers la salle d'entrainement, y prit deux épées au hasard et sortit du château par l'arrière, arrivant sur la grande place donnant sur les jardins. Et par miracle, elle était là.
Sans un mot, Eric s'avança vers elle, et fit tournoyer ses épées une fois. La dame comprit, et sans hésiter, sortit de sous sa lourde cape sa propre arme : une longue et magnifique lame.
Tous deux se jetèrent dessus, combattant l'un contre l'autre, dansant l'un avec l'autre, faisant chanter leurs fers.
Une fois face à face, lames contre lame, Eric ne put s'empêcher de commenter :
- J'avais si hâte !
- Je n'en doute pas, poursuivit son adversaire. Moi également, mais pour tout autre chose...
Ses yeux se jetèrent alors dans ceux du chevalier. Son expression s'apaisa, et elle se rapprocha doucement.
Leurs armes tombèrent, sans un bruit. Eric ne comprenait pas ce qu'il se passait, recula d'un pas, mais ne put faire plus. Il vit face à lui des ailes se déployer, puis un museau se rapprocher du sien. Des yeux fixèrent ses lèvres, puis d'un air charmeur, un sourire.
Eric ouvrit lentement les yeux, dans son lit. Pas un sursaut, pas un mouvement, il ne bougea pas au cours d'un instant. Il ressentit les draps chauds sur son corps, puis il repensa à son rêve.
- Nom de Dieu... souffla-t-il.
Pourquoi ce rêve ? se dit Eric. Pourquoi lui avait-elle fait le même coup qu'au duel deux semaines auparavant ? Mais... Il ne pouvait tout de même pas désirer une telle chose ! Non, non, il n'en était aucunement possible. Pas avec une telle... un tel être ! Ce serait contre nature, Eric chassa toutes ces idées, et revint à ses esprits, dans sa chambre, dans son lit.
Il leva son buste, regarda à gauche à droite. Il faisait jour, il n'y avait rien sur sa table. Light Summer n'était pas venue ce matin. Étrange...
En retard ? Il était surement en retard !
Eric sortit de son lit, tomba, cavala à quatre pattes vers son armoire, s'habilla très vite puis se dirigea à pas rapide vers la salle d'entrainement, là où Luna l'attendait surement.
**********
Drags était levé depuis plusieurs heures déjà, et depuis plusieurs heures, il devait lire des lignes et des lignes de texte.
Les théories magiques de Beautiful Lila, les sortilèges novices pour licorne adulte et les différents types de magie et leurs origines par Lion Heart. Lire, lire, toujours lire. Tout ceci était certes intéressant, mais Drags avait l'impression de se retrouver à ses débuts dans son monastère, quand son précepteur le forçait à gober des paragraphes et des paragraphes. De toute évidence, beaucoup de choses étaient différentes. Le monastère était devenu un château. La bibliothèque, froide et sombre, était devenue une bibliothèque chaleureuse et éclairée. Et le précepteur, peu aimable et au teint verdâtre, s'était changé en une magnifique Princesse.
Bon... une Princesse poney, soit, mais une Princesse tout de même !
D'ailleurs, cette Princesse était face à lui, sur un large divan chargé de coussins moelleux, une multitude de parchemins en attente d'être lue près d'elle. Tandis que le moine était à terre, jambes croisées et adossé contre un mur regorgeant de livres. Lui aussi avait sa pile de lecture, et elle n'en finissait pas.
Un thé fumant patientait près de la bouche de Celestia, ainsi que sa théière sur une petite table à proximité. Elle ne se priva pas de boire une gorgée. Puis se sentant épiée, elle tourna la tête et vit Drags la regardant d'un drôle d'air. Elle sourit, puis dit :
- Que me vaut cette contemplation ?
- Eh bien tout d'abord, j'apprécie ce que vous faites, avoua Drags en déposant son livre sur ses cuisses. Vous prenez le temps de nous aider à comprendre la situation, à maîtriser nos dons, mais aussi, vous prenez soin de nous. Nous pensons rarement à remercier ce genre de choses. Et en cela, je vous en remercie.
- Mais ? devina la Princesse.
- Mais cela fait deux semaines que je lis tous les jours "comme un sarrasin" des quantités de livres sur la magie sans jamais passer à la pratique !
- Que vous êtes impatient, railla Celestia. Mais toute plaisanterie à part, mon cher Drags, ces livres sont importants pour passer à l'étape supérieure. Vous devez donc prendre sur vous.
- Mais quand passerai-je à la pratique ? s'exclama Drags.
- Dès que vous aurez fini ces livres, et après quelques exercices de méditation, révéla l'alicorne avant de prendre une nouvelle gorgée.
- Des exercices de méditation ? Et en quoi cela me servirait ?
- À ouvrir votre esprit afin de mieux ressentir et percevoir la magie. Mais pour le moment...
Elle tapota son parchemin, en signe de lecture.
- Et pour la pratique ? força le moine.
Celestia soupira, puis fixa Drags d'un sourire chaleureux. Sa corne se mit à briller, déplaçant par la magie un livre en hauteur, qui chuta par la suite et atterrit durement sur le crâne de l'impatient.
- La pratique après ce livre en plus, déclara-t-elle.
Drags baissa sa douloureuse tête, résigné.
« Non en fin de compte. C'est comme quand j'étais frère : des montagnes de livres indigestes, et un précepteur sadique qui prend plaisir à me voir souffrir. »
**********
Des gouttes de sueur s'échappaient de son front à chaque mouvement de tête. Eric se battait du mieux qu'il le pouvait, face à une Luna qui ne semblait pas affectée. Le dôme en cristal de la salle d'entrainement les surplombait, et la Princesse restait bien au milieu, immobile ; tandis que le chevalier tournait autour d'elle, à pas chassé, cherchant une faille, changeant de tactique d'approche, feintant presque à chaque mouvement.
L'alicorne lunaire elle, jouait avec lui, le faisant chuter d'un balayage du plat de sa lame, le frappant au front avec le pommeau. Elle exécutait parfois même de fausses fins à ce duel en plongeant sa lame dans une ouverture, pointant ainsi le cou d'Eric. Mais bien sûr, l'entrainement devait continuer, et contre toute attente, Eric souriait, et en redemandait toujours plus.
Après une énième chute au sol, le chevalier se releva, mais garda un genou à terre, afin de souffler un peu.
- Ce sera tout ? demanda Luna d'un ton neutre, faisant voltiger à présent ses épées en l'air tels des mannequins articulés.
- Surement pas... protesta Eric entre deux bouffées d'air. J'ai attendu ce combat durant deux longues semaines... Et malgré les apparences... je peux encore en savourer chaque seconde... toute la journée.
- Vous me semblez pourtant à court d'idée, mon cher, releva l'alicorne.
- Je peaufine ma stratégie, corrigea l'humain. Et elle portera ses fruits, soyez-en sûre, finit-il par dire en se relevant. Je gagnerai à plate couture.
- Quelle prétention, se moqua Luna. Je peux vous maitriser à terre en un rien de temps. Vous me faites penser à un de mes premiers maitres d'armes lorsque j'étais jeune : un étalon assez âgé et très imbu de sa personne, qui considérait son arme comme l'extension de sa magnificence. Il n'avait que très peu de considération pour les juments.
Les trois lames de la Princesse apparurent près du cou du chevalier, tournoyant autour.
- Autant vous dire que l'entente n'était pas cordiale, avertit Luna. Continuons-nous ?
À peine ses mots finis, c'était le moment opportun. Eric balança ses bras, et ainsi ses épées purent en dégager deux. Il suffit par la suite d'esquiver la troisième, ce qui fut chose aisée. Une fois le champ libre, le chevalier se propulsa, une lame vers l'avant. Mais en un éclair, Luna ramena ses pantins métalliques et bloqua l'attaque d'Eric. Cela se jouait désormais à la force, mais Eric sentait qu'il ne prendrait jamais le dessus, toutefois il s'y donnait corps et âme.
- Alors comment ça s'est terminé ? fit-il en parant une lame, et en esquivant maladroitement d'un pas de côté une autre.
- Quoi donc ? interrogea Luna, toujours aussi à l'aise de ses mouvements physiques dans ce combat.
- L'histoire du maitre d'armes avec qui vous ne vous entendiez pas ! lança Eric tout en reculant face au déferlement d'attaques de la Princesse.
- Eh bien un beau jour, à un entrainement, il refusa de continuer à m'enseigner l'art du combat, prétextant qu'en tant que Princesse, savoir me battre ne servirait à rien. Je devais me contenter d'être jolie et de me taire.
- Aïe, fit Eric. Dites-moi, avez-vous réagis ? continua-t-il, alors qu'il vit une ouverture.
- Certainement ! J'ai remis sa fierté d'étalon en place, déclara Luna d'un mouvement de la tête, ne regardant plus son adversaire.
- Ah ? Et comment ? poursuivit-il tout en se glissant entre deux lames, et ainsi se rapprochant dangereusement de l'alicorne.
- Comme ça.
Et alors qu'Eric avait balancé son bras, et était sur le point de toucher l'épaule de Luna du plat de sa lame, une nuée bleue emplit son champ de vison. Soudain, une puissante pression lui écrasa le visage. Tout son corps bascula à l'horizontale, et il fut écrasé comme une vulgaire mouche au sol. La force du choc résonna dans la pièce, son nez semblait se casser en deux.
Luna se rapprocha lentement d'Eric, se retourna, et d'une patte arrière bien armée, donna un violent coup de sabot dans l'entrejambe de son adversaire.
Une fois le masque de magie dispersé, le chevalier reprit bruyamment son souffle, se tenant ses parties génitales tout en roulant sur le côté.
« Par tous les saints ! Ça fait un mal de chien ! Faites que ça guérisse vite, ça aussi... » pensa-t-il, noyé dans la douleur.
- Je pense que l'entrainement est terminé, en jugea Luna à l'allure du chevalier.
- C'est bien ce qui me semblait, fit Eric, la voix coupée et toujours à terre. Passez devant, je vais... admirer le ciel à travers le dôme.
Luna soupira, puis sa corne s'illumina et la porte au fond de la salle s'ouvrit, donnant sur l'extérieur du château. Elle rangea soigneusement ses lames et sortit dignement.
Après quelques minutes à mordre la poussière, Eric se débattit pour se remettre sur pieds. Il avançait lentement, boiteux. Il lança ses armes près d'un râtelier, puis débuta un long périple vers sa chambre.
Une longueur de barbe plus tard, Eric était enfin arrivé. Il s'attendait à voir Light Summer s'occuper de sa chambre, mais il n'en fut rien. Au lieu de ça, il n'y avait qu'un Drags contemplatif, les bras sur le cadrant de sa fenêtre, le regard posé sur l'horizon.
- Je peux savoir ce que vous faites là ? demanda Eric tout en s'approchant avec difficulté vers sa table ronde.
- Je prends l'air, et profite de votre point d'observation. Vous avez une bien meilleure vue que la mienne sur Canterlot ainsi que sur cette petite ville au fond... Ponyville si je ne m'abuse. Votre fenêtre pointe vers le sud, tandis que la mienne pointe vers l'ouest. Je ne me plains pas des plaines, mais j'aimerais changer de perspective.
- Soit, fit Eric, ne s'attendant pas à autant de détails.
Drags sourit à cette réponse si brève, puis regarda son compagnon, et découvrit qu'il luttait depuis un moment pour se déshabiller. Avait-il mal ?
- Que vous a-t-elle fait ? demanda sans détour le moine.
- Un douloureux coup dans mon estime, continua fluidement le chevalier.
- Je vous plains. L'intégralité de mon estime compatit pour vous.
- Eh bien qu'elle compatisse, dit Eric en réussissant enfin à enlever ce maudit pantalon. Je vais me laver, et espérer retrouver l'intégralité de la mienne.
Et il partit dans sa salle de bain, laissant Drags dans son admiration face à un nouveau paysage. Il ne fallut pas une demi-heure pour que le chevalier ressorte, semblant marcher droit désormais.
- Vous allez mieux ? demanda Drags sans détourner la tête.
- Disons que la douleur est devenue supportable. J'ai besoin de prendre l'air, nous sortons du château, déclara Eric.
- J'allais vous le suggérer.
**********
Celestia marchait doucement dans le couloir des appartements royaux, contemplant comme à son habitude les fresques murales sur le cycle lunaire, le ciel étoilé, ses lueurs magnifiquement tracées. Pourquoi avait-elle l'impression d'apprécier plus les décorations de sa sœur ?
Cette question s'échappa vite, elle était arrivée devant une porte gravée d'une imposante lune. L'alicorne céleste toqua sans attendre, puis à l'autorisation d'entrée, pressa le battant et vit une Luna enrobée dans une serviette près de sa table ronde recouverte de papiers et parchemins.
- Que fais-tu ici ? N'as-tu pas un royaume à récupérer ? lança L'alicorne lunaire, visiblement surprise de voir sa sœur ne pas respecter son planning.
- J'ai procrastiné une activité peu importante, je voulais juste te voir. Comment s'est passé ton entrainement avec Eric ? demanda Celestia, s'asseyant près de la table.
- Éprouvant, avoua Luna. Mais ça s'est bien passé. Je suis même étonnée des progrès qu'il a faits en deux semaines.
- Tu sais, il ne s'est que très peu reposé. Il s'est entrainé avec tous les soldats de la garde royale, qui ont accepté de se battre avec lui.
- Impressionnant, et pourtant il est loin d'avoir mon niveau.
- Je te trouve bien présomptueuse, ma sœur, fit Celestia d'un petit sourire.
- Non, réaliste, reprit Luna tout en glissant discrètement ses dossiers en retard sous les récents. Et toi ? Comment cela se passe-t-il avec Drags ?
La Princesse Solaire s'accouda sur la table, posa sa tête sur son sabot.
- Il est si impatient, à croire qu'il désire tout, tout de suite, dit-elle en posant son sabot sur les piles de papiers puis en déplaçant les feuilles, révélant les dossiers en retard.
- Tout comme Eric alors, continua Luna, une goutte de sueur perlant sur son front.
- Je me demande si ce n'est pas un défaut des humains de vouloir tout savoir et tout faire sans attendre, proposa l'alicorne blanche en saisissant les dossiers en retard, puis en regarda sa cadette dans les yeux.
Une lueur jaune engloba la masse de papier, puis le tout disparut.
- Je m'en occupe, murmura avec complicité Celestia à sa sœur, relâchant le pression.
- Merci... répondit Luna d'un sourire. Mais sinon oui, reprit-elle plus fort. Je suis de ton avis ; Eric aurait continué notre entrainement jusqu'à en tomber d'épuisement si je n'y avais pas coupé court.
- Et de quelle manière ? questionna son ainée, devinant une malice derrière ses paroles.
- La même qu'avec maitre Old Spear, te souviens-tu ?
- Tu exagères ! fit Celestia, non sans cacher un petit rire. Et comment se sent-il ?
- Poussiéreux, vu le temps qu'il a passé à terre. Mais il guérira vite, après tout, il s'en vante tellement.
Les deux Princesses se mirent à rire de bon cœur.
**********
Une fois de plus tiré par le col, Eric arracha Drags de sa vitre, répétant qu'ils n'allaient pas s'arrêter à toutes les pâtisseries de la ville juste pour la beauté et la séduction de leurs produits. Mais le moine remettait ça, si bien que son compagnon lui proposa d'aller manger au restaurant le plus proche, puis de repasser pour acheter un gâteau de son choix. Drags approuva ce plan, puis détecta après quelques secondes le bâtiment de leur prochaine destination.
Ils arrivèrent rapidement à une terrasse, et s'assirent à une table auprès des poneys, toujours sous les regards, mais moins insistants que les premiers jours. La cité commençait à s'habituer aux deux humains, mais il fallait croire qu'ils ne passeraient jamais inaperçus, peu importe là où ils iraient.
Une serveuse souriante et à la robe jaune sortit du restaurant, prête à faire son travail, mais à la vue des deux étrangers, sa gaité disparut rapidement. Devait-elle les approcher ? Après tout, si les Princesses les laissaient en liberté comme ça dans les rues de Canterlot, ils étaient forcément dignes de confiance.
Elle s'approcha alors doucement de leur table, peu rassurée, puis prit sur elle et dit :
- Bonjour, messieurs. Puis-je prendre votre commande ? Si vous mangez la même chose que nous... marmonna-t-elle.
- Eh bien je prendrai un plat à base de poisson, si vous en avez, répondit celui aux yeux bleu et vert.
- Une salade sans foin pour moi, s'il vous plait, poursuivit l'autre à cape noire.
La jument écrivit de la bouche leur commande sur son petit carnet, puis d'un signe de la tête, les salua et partit en direction des cuisines. Ils n'étaient pas si terribles que ça finalement.
Une fois seuls, Eric regarda Drags, puis songeur, il dit :
- Depuis quelque temps, j'ai remarqué que vous mangez beaucoup de légumes. À ce rythme, vous finirez maigre, très cher.
- C'est une possibilité, répliqua le moine une jambe croisée sur l'autre et le coude posé sur la table. Mais moi, je n'ai pas besoin d'autant de poissons vu que je ne passe pas mes journées l'arme au poing, poursuivit-il en laissant sa tête tomber dans sa main.
- Si vous le dites, souffla Eric.
La serveuse revint, portant sur son dos deux plats. Elle se servit d'une de ses pattes avant pour servir les deux humains, puis en rabattant sa crinière rouge derrière une oreille, elle demanda s'ils ne désiraient rien d'autre. Tous deux acquiescèrent que non. La jument croisa alors les yeux insistants de Drags. Elle détourna rapidement le regard puis, après leur avoir souhaité un bon appétit, partit d'un sabot pressé s'occuper d'autres poneys. Eric n'avait pas quitté la scène des yeux, devant un Drags particulièrement insistant même après le départ de la serveuse.
- Vous semblez manquer de viande, mon ami, se moqua Eric.
- Que vous imaginez-vous ?! Je la regardais manipuler avec ses sabots. Depuis que nous sommes ici, je suis toujours autant fasciné par leur dextérité, déclara le moine.
- Il est vrai que c'est impressionnant, pour nous qui ne pourrions jamais vivre sans nos doigts, fit Eric tout en essayant d'attraper sa fourchette avec la paume de ses mains, en vain.
- Nous avons encore des choses à apprendre dans ce monde, dit Drags, suivant des yeux des pégases passant dans le ciel.
- Exact. D'ailleurs en parlant de connaissances, comment se passe votre apprentissage en magie ?
- Il y a... du positif et du négatif, brouillonna Drags.
- C'est à dire ?
- Ce sont des suppositions, mais... commença-t-il en prenant une position plus sérieuse, mains jointes et proches de son menton. J'ai l'impression de lire et de comprendre de plus en plus vite, si bien que ce matin, deux livres sont passés sous mes yeux sans que je m'en rende compte. Seulement sans pratique, j'ai l'impression de faire du surplace.
- Vous pensez pouvoir faire bien plus que vos capacités, devina Eric.
- Tout à fait.
- J'ai eu ce sentiment lors de mon entrainement avec Luna. Bien que j'étais essoufflé, j'avais l'impression de pouvoir continuer des heures. Et même si j'ai savouré cette sensation, je suis content que la Princesse ait stoppé notre entrainement. Bien que j'aurais préféré d'une différente manière...
- Mais comment cela se fait-il ? Selon vous, chevalier ? demanda Drags, curieux comme tout.
- Eh bien selon moi, nous puisons dangereusement dans une énergie intérieure. Laissez-moi vous expliquer : quand j'étais encore écuyer, mon parrain me dit un jour que tout être a ses limites, afin que je puisse observer les faiblesses de mon adversaire, et ainsi remporter plus facilement un combat.
- De toute évidence, poursuivit le moine. Mais est-il possible de dépasser ces limites ?
- Oui, en effet. Seulement lors d'une situation bien précise : la peur de la mort, pour soi ou pour un être cher. Mon parrain appelait ça l'énergie du désespoir.
- Avez vous déjà dépassé ces limites ? poursuivit son compagnon d'un intérêt particulier.
- Les batailles en Terre Sainte sont sans pitié, révéla Eric avec amertume. Ça m'est arrivé, oui : souffrir, voir ses compagnons tomber, ses amis disparaître. Un élan de puissance, un carreau retiré de l'épaule puis une rage de survie. Seulement ça a ses conséquences : fatigue à en tomber inconscient, douleurs musculaires à en crier des jours, même la mort peut vous attendre à la fin de cette torture. L'énergie du désespoir vous enivre de telle sorte qu'elle disparaitra avec votre énergie vitale.
- Impressionnant. Pensez-vous que les Princesses peuvent ressentir la même chose ?
- Qu'en sais-je ? Ce sont des alicornes après tout. Peut-être que la magie de ce monde leur permet déjà d'atteindre leurs limites sans en ressentir les conséquences. N'oublions pas qu'elles sont liées aux éléments d'équilibre elles aussi, et cela depuis très longtemps. Ça doit aider, enfin je crois...
- Très bien ! déclara Drags en clappant des mains. Beaucoup de théories, mais peu de concret. N'en parlons plus pour le moment et profitons de notre repas, termina-t-il, impatient de passer au dessert.
- Oui, surtout que le mien va refroidir, fit son compagnon, le ventre criant famine depuis le début de leur discussion.
Alors le temps passa calmement. Les deux humains mangèrent sans un bruit, appréciant leur repas ainsi qu'une belle vue en contrebas de la rue, là où était visible tout le reste de Canterlot puis l'horizon des plaines. La cité était particulièrement vivante ce jour-là. Il faisait beau, les affaires tournaient et les poneys allaient et venaient sur les pavés où dans les aires. Chacun passait sous l'œil de Drags, examiné sous toutes les coutures.
- Vous devriez arrêter.
- Plait-il ? fit le moine en détourant rapidement la tête vers le chevalier.
- Cette manie que vous avez d'observer tout le monde te vaudra des ennuis, pointa Eric tout en gardant une posture correcte, mangeant tranquillement.
- Quoi ! Je ne fais rien de mal, s'offusqua Drags. J'étudie une espèce que nous ne connaissons pas, c'est une réaction normale pour nous les humains.
- Exactement : pour nous les humains. Les equestriens pensent différemment, alors concentrez vous sur votre repas, et évitez de fixer n'importe qui à l'en mettre mal à l'aise, conclut Eric en pointant le moine de son couvert.
Ce dernier baissa légèrement la tête, comme un enfant qui venait d'être grondé. Au même moment, une pégase et une licorne sortirent du restaurant, visiblement peu enjouées, et passèrent devant la table des deux hommes. Ne pouvant s'en empêcher, le moine leva la tête et voulut observer les ailes de la pégase. Mais la discrétion ne fut pas au rendez-vous, et elle s'aperçut du regard insistant de l'humain sur ses plumes. Elle s'approcha alors des deux hommes, les ailes déployées et l'air menaçant.
- Vous avez un problème ? pesta-t-elle.
- Pardon ? Un problème ? Non, pas du tout ! fit Drags en levant les mains à mi-hauteur. Je regardais simplement vos ailes, qui sont fascinantes.
- Blue Spirit ! S'il te plait ! fit l'amie de la pegase en s'approchant du groupe.
- Fascinantes, hein ? continua-t-elle sans faire attention à son amie. La dernière chose que vous trouverez fascinante sera mon sabot dans votre gueule.
La tension monta d'un cran, Eric se leva précipitamment de sa chaise et tenta de calmer l'animal.
- Écoutez, mon ami ne voulait pas vous offenser, débuta-t-il debout. Voyez-vous, nous ne sommes pas d'ici, et si cet idiot a fait ou dit quelque chose que vous considérer comme grossier, veuillez nous en excuser, finit-il un genou à terre et à égale hauteur avec Blue Spirit.
Cette dernière le dévisagea de haut en bas, puis une fois ses yeux plongés dans les siens, elle reconnut le chevalier.
- Vous... marmonna-t-elle d'abord, inspectant l'homme afin d'être sûre qu'il s'agissait bien de lui. Vous êtes l'enfoiré qui...
Le sang d'Eric en fit un tour, tandis que l'amie licorne de la pégase tentait de la calmer, disant que tout ceci ne valait pas de tels propos envers un étranger. Seulement Eric ne l'entendait plus de cette oreille : ça allait chauffer.
- Comment m'avez-vous appelé ? demanda-t-il d'abord avec froideur tout en se relevant.
Tout en restant assis à côté de lui, Drags plaqua préventivement la main contre le torse d'Eric. Il sentit une pression vers l'avant contre sa paume, il fallait l'empêcher de commettre une erreur.
- Vous m'avez très bien entendu ! continua la pégase alors que sa voix commençait à vibrer de tristesse. Pourquoi ces foutues Princesse vous gardent avec elles ?! Vous êtes pourtant l'enfoiré qui a blessé ma
C'était l'insulte de trop. Bien que bloqué par Drags, Eric avait assez de portée. Alors en un éclair, son poing s'écrasa contre le visage de la pégase, qui tomba à terre le nez en sang, à la surprise de son amie et de tous les poneys environnants.
Face à ce coup inattendu de la part de son compagnon, Drags improvisa afin de le maitriser. Alors en un réflexe, toujours assis, son pied balaya celui du chevalier, le déséquilibrant vers l'arrière. La paume de sa main toujours sur son torse s'illumina d'une couleur bleutée. Le moine se leva rapidement et d'une facilité inattendue, créa une impulsion de sa main qui envoya son ami brutalement au sol. Le choc contre son thorax lui coupa le souffle, suivi du violent impact de son crâne contre les dalles en pierre de la terrasse.
Drags plaqua alors son tibia contre le torse d'Eric, puis le regarda dans les yeux. Pourquoi avait-il agi avec autant de violence ? Où était passé son sang froid ? Le moine trouva sa réponse. Ou du moins, compris une partie du problème : Eric avait les yeux grands ouverts, mais le plus intrigant était cette légère forme féline que ses pupilles avaient prise.
Un vent frais passa, calmant l'ardeur des deux camps
- Alors ce sera comme ma sœur Green Spirit, c'est ça ? marmonna la pegase toujours au sol, en larmes.
Elle se releva péniblement, aidée par son ami ainsi que d'autres poneys aux alentours.
- Vous l'avez envoyé à l'hôpital à votre arrivée il y a deux semaines, maintenant c'est au tour des autres hein ? poursuivit-elle, la tête abaissée de douleur. Vous êtes dangereux, on devrait vous enfermer.
Elle fut rapidement amenée à l'intérieur du restaurant, à la recherche d'une trousse de soins pour son museau cassé. Drags quant à lui, avait observé toute la scène. Ce violent coup, ces yeux de chat, une lueur étrangement bleutée, une pégase ensanglantée, ce nom "Green Spirit" qui ne lui était pas inconnu. Trop d'informations à la seconde, il lui fallait réfléchir calmement.
Soudain, Eric le repoussa. Surpris, le moine tomba en arrière, puis regarda Eric s'élever depuis le sol. Une fois debout, il se dépoussiéra le dos. Au premier abord, il avait l'air en colère, mais dès qu'il croisa les yeux de son ami au sol, ses muscles se décontractèrent et son expression s'apaisa, se changeant en inquiétude. Drags l'avait remarqué.
Le chevalier aida son compagnon à se relever avant de regarder autour de lui. Plus personne sur la terrasse, tous étaient rentrés à l'intérieur. De peur peut-être ? Des yeux dépassaient depuis les rideaux des fenêtres du restaurant. Quelques passants avaient vu la scène et étaient restés, mais désormais sous l'œil du chevalier, ils détournèrent leurs regards et partirent d'un sabot plus rapide.
Drags posa sa main sur l'épaule de son ami.
- Rentrons au château, dit-il piteusement.
**********
La lueur du soleil s'était évanouie derrière l'horizon depuis plusieurs heures déjà, et pourtant ses mains restaient toujours moites. Bien qu'il était rentré au château plus tôt que la norme, sa chambre était pour le moment son seul refuge.
Comme au bon vieux temps, se disait Eric. Enfin "bon", c'était à méditer. Enfant, le chevalier se réfugiait toujours dans sa chambre lorsqu'il avait peur. Une fois adulte, cela le surprit que cette habitude refasse surface. Mais avait-il peur ? Eric n'en avait pas vraiment l'impression. Il y réfléchissait pourtant. Pourquoi avait-il usé de la force brute face au mauvais langage ? Ça ne lui ressemblait pas !
Lentement et sans un bruit, il ouvrit sa porte et se dirigea alors vers la bibliothèque, dans l'espoir d'y trouver une réponse, et en espérant aussi ne pas croiser une Princesse ou un garde à sa recherche.
Après avoir zigzagué stratégiquement dans tout le château, le chevalier se retrouva devant la porte de sa destination à une heure qu'il n'aurait jamais cru aussi tardive. Il faisait noir, et pourtant une lueur s'échappait sous la porte.
Qui était-ce ? Sans aucun doute une domestique qui terminait le nettoyage. Pour en être sûr, Eric colla silencieusement son oreille contre le battant froid de la porte.
Aucun bruit.
Eric attendit quelques secondes. Puis une respiration plus bruyante que les autres plus tard, une voix s'éleva de l'intérieur.
- Bonsoir Eric.
En un clin d'œil, un néant froid s'empara du chevalier, puis la lumière apparut aussitôt, et il chuta de quelques centimètres de hauteur imprévus. Fesses contre terre, il était entouré d'étagères et de renfoncement muraux remplis de livres. Un bureau et une lampe face à lui, ainsi que... Celestia.
Assise, elle ne regardait même pas son nouvel arrivant. Toute son attention était concentrée sur son livre baigné dans une lueur jaune.
Eric resta là quelques instants, confus sur ce qu'il venait de lui arriver. Il se leva en silence, se dépoussiéra le fessier et fixa la Princesse qui elle, restait stoïque. Il ouvrit la bouche afin de s'exprimer, mais celle-ci fut rapidement remplie par un objet non identifié.
- Mangez donc un gâteau, lança l'alicorne blanche le museau toujours dans son livre. Après tout, vous n'étiez pas présent au diner de ce soir, et il paraitrait que votre dernier repas eut pour le moins... quelques difficultés, termina-t-elle en posant son pavé de pages sur deux autres tout aussi imposants.
Eric avala difficilement. Ce fut si soudain qu'il n'eut ni le temps de mâcher, ni le réflexe de recracher. Il frappa son torse pour faire passer le mal.
- Merci pour votre attention, mais je n'avais pas très faim, dit-il tout en saisissant une chaise afin de s'assoir.
Celestia plissa des yeux, tout en fixant étrangement le chevalier, le mettant mal à l'aise. Mais avant que ce dernier eût le temps de continuer de parler, la Princesse lui enfourna une seconde fois un de ses petits gâteaux entre les dents, puis de sa magie, le frappa légèrement au niveau du front. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, Eric l'avait bien senti passé. Ça faisait mal. Les Princesses avaient-elles donc toutes une manie de faire souffrir les hommes ?
- Les pâtisseries sont pour votre appétit. Je l'entends crier famine d'ici, expliqua Celestia tout en saisissant de sa magie un fin petit carnet afin de le placer sur le bureau. Le coup au front, pour votre impolitesse. Vous êtes bien trop en retard pour ne pas vous en excuser fortement.
Eric marmonna des paroles incompréhensibles alors qu'il mâchait son diner. La Princesse soupira, visiblement peu prompte aux enfantillages ce soir-là.
- Très bien, revenons à ce qu'il s'est passé, lança-t-elle en nettoyant son bureau de tout livre gênant pour n'y laisser que le carnet et sa petite lampe.
- Eh bien je... commença Eric avant que ses cordes vocales ne cessent de fonctionner, le rendant subitement complètement muet.
Surpris dans un premier temps, le chevalier comprit qu'il fut réduit au silence à l'allure brillante de la corne de l'alicorne.
- Eh bien vous vous tairez, en effet, continua Celestia d'un ton sinistrement neutre. Nous avons déjà perdu assez de temps pour aujourd'hui.
Bien qu'Eric forçait sur sa voix pour émettre le moindre son, il abandonna toute tentative, désormais conscient que la magie d'une Princesse n'était pas à la portée de sa compréhension.
- Drags m'a tout apporté, débuta Celestia à en faire écarquiller les yeux du chevalier. Mais rassurez-vous, il n'a rien dit de lui même, j'ai plutôt... lu dans ses yeux comme dans un livre.
L'alicorne abaissa légèrement la tête, alors qu'elle eut une petite pensée pour le moine, qui lui n'était au courant de rien. Elle s'était pourtant promise de ne pas utiliser ce dangereux sort, mais une pensée noire émanait tellement de l'esprit de Drags qu'elle n'avait pu se résinier à ne pas bousculer la raison.
- Pour en revenir à vous, continua-t-elle. J'ai beaucoup réfléchi, et j'en ai conclu qu'en arrivant dans notre monde, votre corps est constamment exposé à la magie et en absorbe afin de s'adapter à son nouvel environnement. Tout être en Equestria absorbe de la magie, mais y est baigné depuis sa tendre enfance, et y est donc habitué. Chacun réagit différemment à la magie, Drags ne semble pas avoir votre problème, bien que je le sens hyperactif par moment. Tout cela pour dire qu'il existe des techniques de méditation que je vous enseignerai afin de pallier temporairement, mais rapidement à votre situation. De plus, je vous impose ceci.
Eric reçut d'une brume dorée et scintillante un petit carnet depuis le bureau. Le cuir rougeâtre et rugueux indiquait une certaine ancienneté et unicité. Il l'ouvrit et découvrit qu'il ne comportait qu'une dizaine de pages, toutes remplies d'une dizaine de lignes chacune indiquant le titre d'un ouvrage, puis une date et enfin une référence à un domaine magique.
- Voici l'ensemble des recherches sur la magie et sur les éléments d'équilibre de Starswirl. Chaque livre, qui se trouve sur ta gauche dans cette étagère, détaille avec précision l'un des aspects de la magie, qu'il soit des plus simplets, ou des plus obscurs. Il n'existe que deux exemplaires de ces précieux livres et pour cause, recopier les originaux et y incorporer la même puissance magique que Starswirl fut le travail de plusieurs vies déjà.
Eric regarda de nouveau le carnet, puis le feuilleta rapidement en y lisant le titre de quelques différentes grandes parties :
Grand Flux magique -> Equestria.
*Ensemble complet* Types de la magie + compositions.
Éléments d'harmonie.
Cela faisait beaucoup, beaucoup de lecture à venir pour le chevalier. Il ne lui restait plus qu'à prier pour ne pas finir ses jours penché sur un livre.
Celestia reprit le carnet de ses mains dès son rapide coup d'œil terminé, puis le téléporta dans un petit flash.
- Je pense que nous en avons fini pour ce soir,il se fait déjà très tard... trop tard pour notre emploi du temps, dit Celestia en regardant la lune de sa sœur à travers une fenêtre.
Elle sourit faiblement, puis fit briller sa corne et rendit la voix au chevalier. Ce dernier tâta son cou, soulagé d'avoir retrouvé la parole.
- Merci, dit-il faiblement.
- Allez retrouver votre lit, répondit-elle chaleureusement tout en pensant que le chemin vers le sien, dans l'autre aile du château, allait être péniblement long. À moins que...
- Je vous souhaite la bonne nuit, fit Eric tout en sortant de la bibliothèque.
La Princesse Solaire lui souhaita bonne nuit également, puis resta là un temps. Elle se disait qu'utiliser sa magie pour de telles basses choses serait contre-productif, mais... Elle mit son sabot contre son menton.
- Eh puis tant pis, dit-elle résolue tout en éteignant sa lampe.
Un flash blanc envahit la salle, éclairant avec puissance les livres ainsi que l'extérieur, réveillant les malheureux ayant laissé leurs rideaux ouverts dans un bâtiment proche.
La salle était désormais vidée de toute Princesse, et un lit royal non loin accueillit son propriétaire.
Quant à Eric, il n'en dormit pas de la nuit, préférant lire le bouquin qu'il avait subtilement pris lorsque Celestia avait détourné ses yeux. Ce n'était pas du vol bien sûr, seulement un emprunt nocturne. Et avec chance, il détenait celui sur les éléments d'harmonie... Enfin, seulement le premier volume. Il lit alors, accompagné de toute sa capacité de réflexion. Cependant ce fut peine perdue, son ignorance sur les termes magique le bloquait. Il entrapercevait bien que l'élément de la transformation fut créé à partir de l'élément de la magie, et qu'ils sont donc fortement liés, mais là était tout ce qu'il pouvait retirer d'utile.
Il leva la tête de son livre posé sur son bureau. Surprenamment, il commençait déjà à faire jour. Mais fort heureusement, il était encore assez tôt.
Eric décida alors de se diriger vers la salle d'entrainement sans se préoccuper de son trop peu temps de repos. Il espérait arriver avant Luna pour une fois, elle qui le traitait toujours de feignant à se lever aussi tard.
Mais une fois dans la grande salle rectangulaire, la Princesse Lunaire fendait déjà le vent à l'aide de sa longue et magnifique lame. Les ornements couleur glace ainsi que son bleu profond la rendaient tout simplement splendide. Eric l'admirait, il sentit une certaine familiarité s'en dégager.
- Levé à cette heure ? lança Luna tout en terminant ses pas de danse. Je vais commencer à croire que vous devenez moins feignant, fit-elle en ranger avec soin sa lame sous sa lourde cape.
- Et moi, je vais finir par croire que vous dormez ici. Vos quartiers sont pourtant à l'autre bout du château, s'interrogea Eric.
- Ne vous en faites pas, je ne veille pas sur les songes ici, répliqua Luna d'un air railleur. Mais je vous l'avoue, je déteste perdre mon temps. Alors je m'entraine tôt, et hors de question de me déplacer en marchant, j'ai des ailes pour ça.
Elle pointa alors le dôme au-dessus d'elle qui comportait à son sommet une petite ouverture ronde, juste assez large pour laisser passer la Princesse ailes repliées. Cela faisait un bon début d'entrainement pour elle, pour être sûre que son sens du timing était réveillé.
- Astucieux, fit Eric avant de devenir pensif. Vous veillez sur les songes ? dit-il, grandement surpris par cette nouvelle.
- Tout à fait, je veille sur les rêves des habitants d'Equestria, mais rassurez-vous, je ne m'y introduis qu'en cas de danger. Autrement, je n'en vois jamais le contenu, cela reste privé.
Mais Eric resta toujours dans ses pensées, puis demanda :
- Vous ne dormez jamais ?
- Eh bien... Oui et non, répondit Luna. Ma sœur et moi, en tant qu'alicornes, sommes dotées de la puissance des astres, et cela nous confère donc une force divine et une endurance colossale, mais également une grande responsabilité : celle de lever et abaisser le soleil et la lune. Bien que le faire nous promet une existence éternelle, cela nous fatigue énormément et nous devons donc nous reposer. Mais ayant un astre bien plus petit que celui de Celestia, je peux me permettre de rentrer dans un état de demi-sommeil, et ainsi surveiller les rêves de mes serviteurs tout en reposant mon corps. Bien que je préfèrerais qu'ils restent éveillés afin de profiter de mes belles nuits... termina-t-elle en marmonnant.
- Eh bien ! souffla Eric. J’avais lu que vous déplaciez les astres, mais je ne savais pas dans quelles circonstances !
- Bien, coupa court Luna. Vous êtes là plus tôt que prévu, c'est parfait. J'ai à vous informer sur votre futur grade de chef des armées. Premièrement, et comme vous le savez, nous réunissons une nouvelle armée. Ces troupes seront sous les ordres de Celestia et moi-même pour l'instant, mais désormais il est possible que vous soyez à nos côtés si vous aboutissez avec succès à la formation de votre grade.
- Très bien, dit Eric en se rapprochant d'un râtelier afin d'y tirer deux bonnes épées. Et combien d'hommes... Enfin je veux dire, combien d'equestriens composera cette armée ?
- Quinze mille.
Eric avala de travers.
- Tous des poneys, continua Luna. Bien sûr, la grande majorité est volontaire et aura reçu une formation militaire, ainsi que des officiers formés à l'Académie de Canterlot.
- Attendez, vous formez n'importe qui en gradé dans une de vos académies ?
- Bien sûr ! C'est la meilleure façon d'avoir de bons officiers et d'excellents stratèges. Cela vous surprend ?
- Oui, je l'avoue. Dans notre monde, pour faire simple, ce sont les nobles qui dirigent les armées. Et notre véritable expérience, nous l'acquérons sur le champ de bataille. Mais je pense que ce genre d'endroit serait bien utile chez moi. Enfin, mon monde à part, pourquoi me dire cela maintenant ?
- C'est très simple, poursuivit Luna en choisissant dans le râtelier à arme lourde une épée si massive et gigantesque, telle que même humain ne pourrait la soulever. Vous devez avoir fini votre formation avant que notre armée soit complète, termina-t-elle en se positionnant au combat lame de deux mètres devant elle.
Eric eut un petit sursaut de rire face à une telle arme, puis se plaça également, prêt à combattre.
- Et combien de temps me reste-t-il ? demanda le chevalier d'un ton enjoué par le combat qui allait suivre.
- Sans accroc ? Un an, conclut Luna avant de s'élancer vers son adversaire.
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C'est le genre de vérité qui est absolu, surtout venant d'Equestria, mais bizzarement, c'est quelque chose qu'il vaut mieux éviter de dire à ses potes en soirée au moment où il faut raconter ses faits héroiques de la semaine devant ses potes herculéens autour du feu de camp où cuit un magnifique boeuf chassé la veille avec autour des tonneaux de bières
sinon, c'est un bon chapitre je suis toujours pas déçu de la lecture.
continue comme ça. que le doei du Slip Rouge te touche et que sa puissance caleçonnesque te touche.
je ne suis absolument pas déçus de ce chapitre et je vous souhait de continuer sur cette lancer ^^