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Les 7 fatalités

Une fiction écrite par Luiwen.

Cinquième fatalité

Plusieurs jours après les évènements, l’atmosphère dans laquelle vivaient les alicornes se muaient d’une princesse à l’autre. Et même si d’apparence tout parut plus calme qu’auparavant, ce fut beaucoup plus biaisé en profondeur.

Celestia avait complimenté sa clairvoyance en apercevant que Spike avait été tué par le roi Sombra. Enfin… disons plutôt qu’il s’était sacrifié à l’affronter de face, alors que Twilight et Starlight combattaient les soldats. Apple Jack, Fluttershy et Pinkie Pie en avaient profité de l’effet de couverture pour libérer les poneys de cristal de leurs chaînes. Tous ensemble ensuite, ils se replièrent dans les glaciés hors de portée de la perfidie de Sombra. Ce fut à ce moment que Celestia était arrivée, alors qu’elle comprit à ce moment qu’elles avaient profité de l’obscurité de la nuit pour venir en aide aux esclaves. Comme pour la tragédie de Rarity, la mort de Spike attira le silence et le désastre, se répétant à nouveau. Mais elles purent retrouver la paix bien plus vite. Car elles se souvinrent à ce moment qu’il s’agissait d’un sacrifice de résistance pour permettre l’évasion de tous les habitants de l’empire. Les poneys de cristal en sortirent totalement effarés, mais remercièrent en direction du ciel leur héros, Spike le brave pour s’être dévoué une nouvelle fois, corps et âme, à leur protection. D’ailleurs à ce sujet, Celestia en fut plutôt apaisée de voir le résultat d’un sacrifice aussi honorable. Ce n’était pas comme la mort inattendue et sournoise de Rarity.

Après cela, la princesse rapatria les anciens esclaves de l’autre côté des frontières séparant Equestria de l’empire et les invita à lever une armée de résistance. Ce qu’ils firent avec une ardeur vindicative. L’armée de Sombra fut battue, et celui-ci, au lieu d’être exilé encore une fois, Celestia choisit avec les ensemble de ses alliés de le tuer une bonne fois pour toute, et de s’assurer ensuite qu’il était bel et bien mort. Malgré une victoire qui se voudrait réjouissante, deux autres tragédies eurent lieu. La première pour Starlight : Sombra avait découvert les talents de schématisation de potions et de sorts de son ami Sun Burst ; Sombra l’avait hypnotisé puis fait mourir, après qu’il eut compris que tout finirait mal pour son égo. À ces dernières heures, il fit beaucoup de mal à Flurry Heart.

À ce propos, le roi l’avait forcé au mariage avec lui afin de s’assurer un descendant. Elle avait été déflorée par ce sorcier noir corrompu jusqu’à la moelle, et combien de fois de suite il l’avait violée… Dans ses dernières heures, il se vengea sur elle, comprenant alors que tout était perdu. Il la viola une dernière fois, avant de la décapiter finalement. Twilight, sombra encore, dans le chagrin et vit le linceul tâché du sang de Rarity, et de l’innocence de se nièce, l’enrober et la geler jusqu’à lui pétrifier toute chaleur du temps où tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Dans les jours qui avaient suivi, Twilight resta dans une silencieuse mélancolie, s’entrecoupant de dépression brutale, totalement perdue dans ces tourbillons de cris et de larmes qui la hantaient, et ne cessant de la tourmenter. Tout comme Cadance d’ailleurs, elle était si désespérée par l’arrivée de tels sorts, qu’elle songea à se donner la mort à plusieurs reprises. La princesse de l’Amour, ne sachant plus quoi aimer, se noya dans le désespoir et les abysses de futurs incertains. Elle s’y noya… et n’en remontera pas. Tellement de cadavres et de linceul s’amoncelant autour de la princesse lavande, qui sentit le réconfort de ses amies néanmoins.

Pourquoi avait-il fallu que tous cela arrivent ? Et pourquoi à elle ? Avait-elle fait quelque chose de mal ? Cependant, sa colère, ses hurlements vengeurs, la rencontraient quelque fois dans ses nuits et dans ses rêves, et l’aidaient à exorciser sa douleur pour la soulager. Mais au réveil, cette mélancolie qui restait inlassablement collée à elle comme de la glue enflammée, l’accabla qu’avec toujours plus de violence et de froideur. Elle n’avait plus que ses amies restantes de Ponyville pour se chauffer. La princesse de l’amitié comprit alors que ; lorsqu’on perd tous ceux qu’on aime, et qui nous aiment, on en revient à se prostituer à la folie et à la haine.

À travers cette folie, on commence à haïr ceux qui ont gardé leur magnifique monde brillant dans la joie. On les maudit avec jalousie ; une jalousie née de l’union de la colère, la deuxième phase du deuil, et le désir d’aimer et être aimé à nouveau. Ceci est un précipice aux profondeurs invisibles où les plus miséreux ont tendance à chuter, et dans la fatalité pour les plus déchirants. Twilight le voyait juste en dessous d’elle. Elle savait que, lorsque l’épée suspendue sur sa tête fera rompre de son poids le fin lin qui la retient, elle y trébuchera et deviendra folle, au point qu’elle s’en remettra à la Mort pour s’échapper de l’obnubilation de la peur, du froid et de la haine ; ces démons, ces masses noires ayant pour habitude de se nourrir insatiablement des âmes en peine qui se laissent faire entre leurs griffes atroces.

Oui, en effet, tout paraissait étrangement calme suite aux évènements. Ce calme était un silence de mort, que personne n’osait venir briser. Celestia non plus ne parlait pas beaucoup. Elle était encore plus taciturne que du temps où elle avait appris la mort de Rarity, un silence qui inquiéta encore plus ses courtisans, eux ayant l’habitude de toujours la voir, rayonnante comme le soleil. Pour Luna, pas grand-chose n’avait changé. Elle restait toujours la même. Toujours ces mêmes lèvres immuables et stoïques quant aux évènements. C’est comme si le passé ne l’avait pas marqué de quoique ce soit. Au contraire, elle savait grâce à la prophétie marquée sur le flanc de son ami envoyé au Tartare, que l’horloge de celle-ci s’était lancée. Ce n’était plus qu’une question de temps avant que tout Equestria ne soit ébranlée, et ce de façon inévitable. Sur le sujet, Luna resta aussi muette qu’une tombe, et n’en parla à strictement personne, quelle qu’elle soit.

 

Quarante jours après le bannissement d’Ice Phoenix au Tartare, Luna se montra particulièrement attentive dans la dimension des rêves et, comme elle l’avait prédit, les rêves de son ami réapparurent. Les êtres étant au Tartare n’ayant pas de rêves visibles pour la princesse de la nuit, elle comprit alors que Phoenix avait réussi à s’évader. Après de longues recherches, elle s’informa à travers les songes, avec un léger étonnement, que celui-ci n’était pas allé directement à Canterlot tuer sa sœur, mais qu’il se rendait à Sinople. Elle était assez curieuse de savoir pourquoi son ami, qui à sa dernière rencontre parlait avec un tempérament de psychopathe dégénéré, ne considérait pas la mort de sa sœur comme d’une importance primaire.

Elle partit donc dans le secret vers cette ville. En voyage, elle sentait que sa sœur regrettera bien vite d’avoir infligé la seconde mort à Glass Heart, la sœur de celui qu’elles pourchassaient. Arrivée sur place, elle le chercha, et ne se surprit pas à le revoir non loin de sa maison. Il était là, à l’extérieur, en train de regarder une tombe, un simple petit tumulus en terre avec fiché dedans une pierre tombale avec gravé dessus : « Glass Heart ».

Tout comme au palais de Canterlot ou à Ponyville, il y régnait un silence de mort très pesant. Luna s’approcha de lui et posa son sabot sur son épaule, sans oser briser ce calme imposant et sacré à laquelle se vouait le poney à la cape rouge sang. Mais depuis son escale au Tartare, Sa cape était en lambeau et déchirée de par en par. L’arrière avait été complètement arraché et ce qu’il en restait ne couvrait plus que le haut du dos, l’encolure, les pattes avant, le cou et le sommet du crâne. Sur son pelage laissé à nu, on pouvait y voir des lacérations, des écorchures et autres griffures ; et aussi sa marque de beauté, le poulain couvert de sang frappant d’une épée flamboyante le ciel d’où dégringolait sept étoiles, et toujours à l’arrière cette pleine lune de couleur grise gravissant une échelle. Voir cette marque rappela à Luna qu’elle n’y échappera pas, et sa sœur non plus.

Ice Phoenix sentit le sabot de la jument le caresser. Il ne réagit pas au premier abord et se tourna mécaniquement vers elle, toujours en respectant ce silence et ce calme ambiants. À en voir ses yeux, il avait apparemment deviné qu’il s’agissait de la princesse Luna, sans même avoir à la regarder. Celle-ci écquarquilla un peu ses yeux en apercevant que Phoenix avait le visage à moitié couvert d’un masque de carnaval sur le côté droit de sa face.

"Bonsoir Luna.", lui dit posément Ice, comme avec une certaine sérénité.

"Je savais que t’allais ressortir du Tartare. Même si je me demande comment tu t’y es pris.", répondit-elle.

"Oh !", lui répliqua-t-il souriant. "Tu sais, avec de la détermination, de l’intelligence… " il souleva son masque brièvement afin de se justifier du dernier point. L’alicorne crut pâlir de dégoût en voyant ce que le masque dissimulait. " …et un certain sacrifice… On arrive à beaucoup de choses."

"Tu as tué Cerbère ?"

"Non.", répondit-il. "C’est une bestiole bien trop coriace et trop forte pour être abattue aussi aisément. J’ai préféré l’option de la fuite, même si j’ai bien crû y passer à ce moment là."

La discussion cessa bien assez vite, rapidement étouffée par ce silence monacal. Ils regardaient tout deux la tombe au milieu des grillons chantants. Ice s’attendait au départ que la princesse Celestia la fît ensevelir dans l’un des cimetières de la ville - ce qui fut le cas – mais Luna avait supplanté le choix de son aînée pour qu’elle soit enterrée près de la maison de son frère. Phoenix lui posa la question à la princesse lunaire et elle le lui répondit comme convenu. Puis de nouveau ce calme étrange. La princesse en vint au sujet qui lui semblait le plus crucial.

"Tu… tu as réellement l’intention de tuer ma sœur ?", demanda-t-elle calmement.

"Bien évidemment !", dit-il en soulignant une logique bien visible. "Après ce qu’elle vient de faire… la savoir impunie m’empêche d’être en paix avec moi-même."

"Tuer ma sœur ne fera pas revenir la tienne."

"Nous ne parlons plus de résurrection.", rétorqua Phoenix. "On parle de me conserver moi."

Luna ne comprit pas, et cela se vit sur sa face. Le voyant, le licorne s’expliqua.

"Quand Celestia a donné la seconde mort à Glass Heart, j’ai senti quelque chose surgir dans ma conscience. En l’achevant définitivement, elle a achevé… comment dire ? Ma raison de vivre… d’exister. Le dévouement que j’avais à l’égard de ma sœur allait au-delà même de mon souci de ma propre vie. Je savais que j’étais trop jeune pour tuer, pour voler. Je savais que quelque chose s’était annihilé de lui-même en moi. Et je n’avais pas envie que ça arrive à elle. Je voulais qu’elle ait une enfance plus sereine et plus calme, ce que moi je n’ai pas obtenu. Je me suis en quelque sorte… reflété en elle. Et maintenant qu’elle est morte… c’est comme si moi-même j’étais mort. Et maintenant, le seul truc qui vit en moi est cette… chose. Comme ce sentiment que je dois accomplir un fait. Et comme c’est étroitement lié à la mort de ta sœur, ce fait prend l’allure d’une guerre. Et il est vrai que depuis la mort de Glass Heart, je suis en plein conflit intérieur. Nous ne parlons pas de vengeance… Nous parlons d’exorciser une tempête qui me hante. Et il faut qu’elle s’en aille si je ne veux pas devenir cinglé."

"Pour exorciser, il faut d’abord faire manifester la chose à exorciser.", Remarqua Luna

"Justement... ", répliqua Phoenix d’un ton bas. "Et cela prendra fin quand les ruines de cette guerre, je les aurai propagées en dehors de moi."

Petit calme plat. "Te tuer est aussi une solution. Et autant qu’un poney fou meurt plutôt que des dizaines d’innocents."

"Ce que tu dis est vrai. Mais ça, tu ne le feras jamais.", lui pointa l’étalon.

" …Et pourquoi ça ?", Luna, qui était pourtant assurée de le faire il y avait à peine quelques secondes. En réponse, l’autre lui parla sous un air de conte.

"Je me souviens d’une histoire… d’une très vieille histoire. Une histoire si ancienne qu’elle s’était transformée en légende, puis en mythe. C’est l’histoire d’une jument aux ornements d’argent, qui tout comme sa sœur dorée, avait Eux pour objet d’amour. Cependant, seules les dettes dues à l’amour de sa sœur étaient remises. Et, comme par ingratitude, Ils ne renvoyèrent pas l’amour à la sœur d’argent, qui elle, allait jusqu’à Les protéger du noir telle une veilleuse, telle une mère pour Les protéger. Ils la laissèrent seule, face à ces ténèbres qu’elle se devait d’arrêter pour les empêcher de faire du mal à Eux. Cette injustice la rongea, et elle en perdit toute notion de cet amour qui l’absentait de plus en plus. Elle en était devenue folle, enragée. Elle était jalouse de ceux ayant eu une destinée heureuse, contrairement à elle qui souffrait dans le silence glacial du désert. Elle en venait jusqu’à maudire la providence de lui avoir tourné le dos pour ceux qui à ses yeux, ne méritait pas son attention. Elle le savait, mais elle ne pouvait pas l’arrêter, cette inondation de frustration, d’injustice, de haine, de colère, de rage. Elle avait beau hurlé, et Tous l’ignoraient pourtant, tandis que la sœur d’or ne faisait que pencher la tête sur le côté qui, aveuglée par la lumière de son propre trône, ne comprenait pas ses lamentations. Elle en était venue à désespérer, et à s’abandonner à cette haine, ce désir de tirer l’épée, ce désir d’éventrer, de tuer, d’éviscérer, de planter, d’empaler, de trancher, de décapiter, de condamner à l’étang de feu et de soufre ceux qui faisaient l’injustice et qui avaient ce qu’ils ne méritaient pas. Et pourtant, cette Haine, cette soif de Justice, elle l’aimait. Et en voici la seule raison pour laquelle elle s’abandonna à elle. Parce qu’elle l’aimait et elle, était mourante d’amour. Elle était morte, complètement exsangue, et tel un esprit vengeur, se laissa déferler sur ceux qu’elle croyait avoir tort d’aimer. Pour qu’ainsi, en voyant enfin son œuvre tant souhaitée enfin réalisée, elle puisse enfin repartir en paix."

Luna ne disait rien, béate du résultat de l’histoire. Son pelage en était viré au noir plus noir que la nuit noire sans étoile et sans lune. Le récit lui faisait l’effet de l’écho du passé, ce qui l’avait poussée à se rebeller contre sa sœur. Remarquant ses yeux horrifiés, Phoenix ajouta.

"Il y a quelque chose que je ne t’ai jamais dit Luna. Mais j’aime Nightmare Moon. Et aujourd’hui je l’aime encore plus que toi. Et tu sais pourquoi ? Parce qu’elle est l’épée de ceux qui réclament la paix. Elle est l’épée des âmes tourmentés. Et toi ? T’es quoi ? Une pâle copie de ta sœur ? Que tu continues à défendre alors que finalement, rien n’a changé de ta situation ?"

Luna commença à pleurer, ce déchirement qu’elle ressentait s’achevant finalement par l’épée. La même épée qui eut tranché Ice Phoenix, il y a quarante jours.

"N’oublie pas Luna que tu es Nightmare Moon. Et c’est justement parce que tu es elle que tu ne le feras pas. Tu me comprends trop pour oser t’opposer explicitement à moi."

"Tais-toi… ", sanglota-t-elle, cherchant à garder muselée cette vérité au fond du puit. "Je t’en supplie… tais-toi."

"Non. Tu dois y faire face. Que ce soit maintenant ou demain, qu’est-ce que ça change ?", répondit Phoenix avec froideur et réalisme.

" … "

Il l’abandonna à ses déchirures et quitta la tombe. Il se dirigea dans le sud-ouest, vers Canterlot. Tout ce qu’il avait dit à Luna ce soir là, et la raison qui le poussait à éliminer Celestia, l’emplirent de détermination. La déesse de la lune le regarda partir tout en larmoyant, sans bouger. Oui, il avait raison. C’était une fatalité et elle devra y faire face, que ce soit demain, aujourd’hui ou plus tard encore. Mais elle ne pouvait pas abandonner sa sœur. Elle l’aimait et elle l’aimait en retour. Peu importe le choix, le prix serait fort à payer, et il fallait se résigner dans la décision, même si on le repoussait par crainte des conséquences. Mais c’était une fatalité. Et la fatalité rend la procrastination futile, tout comme le déni. Et pourtant… elle y croyait à cet avenir on peu plus radieux, et chimérique aussi peut-être. Si Ice Phoenix désirait si tant tuer Celestia, c’est tout simplement parce qu’il a oublié ce que « Aimer » veut dire. Tout simplement parce qu’il désespérait. Il n’avait plus de raison d’aimer quoique ce soit. Il n’en restait que la haine pure et véritable, celle qui détruit toutes les notions de Bien et de Mal, tel le glaive perçant le cœur d’un vivant. Et pourtant, Luna croyait encore à ce que l’histoire puisse se finir dans la flamme, et non dans le sang.

Elle accourut à lui et le saisit dans une violente et forte étreinte, tout en pleurant, provoqué par la douleur interne du déchirement, et la douleur externe de la compassion envers son ami. Phoenix, quoiqu’un peu surpris par ce mouvement plutôt imprévu, reprit vite son air grave et froid, comme s’il n’en ressentait aucunement la chaleur de la jument qui le câlinait comme le faisait si bien sa mère.

"Que fais-tu ?", questionna-t-il.

"Pourquoi faire ça ?", dit-elle par une question réponse, embellie de chaudes larmes. "Moi je t’aime encore, alors ne désespère pas s’il te plaît… On peut en rester là."

"Il est trop tard Luna. Maintenant ôte tes pattes de moi, que je puisse accomplir ce que j’ai à faire."

Elle obéit à contre cœur et le vit reprendre son chemin. Elle aussi, en comprenant que la situation en devenait alarmante, s’inonda de désespoir. Elle lui posa sa dernière question.

"Où est le poulain que tu étais ?"

Phoenix stoppa dans sa marche. Sans la regarder, il répondit. "Dans la tombe."

"Je ne te crois pas !"

 

Long silence.

 

" …Adieu Luna. À une prochaine fois peut-être."

Elle paraissait éprise autant dans le flot de ses larmes dont la source provenait de l’absorption de la douleur de son ami, que celui de l’aveu de cette réalité. Bien souvent, la vérité a l’apparence d’une épée ou d’une serpe qui déchire tout lorsqu’elle frappe, jusqu’à l’âme de ses victimes ; pour en diviser l’ivraie du bon grain. Luna ramait à contre courant. Elle souhaitait si tant la nier, cette chute dans l’obscurité, cette fatalité. Mais nier la fatalité est tout aussi futile que le déni ou la procrastination. Ainsi elle fut là, abandonnée avec son stigmate réveillé, perdue face à la balance qui retenait toute son attention depuis quarante jours. Elle pleura abondamment, et prit une route plus rapide que celle de Phoenix pour rejoindre Canterlot. Son intuition lui murmurait qu’elle devait être présente avant le début de la fin.

 

*****

 

Il s’écoula une à deux journées entre la dernière rencontre de la princesse de la lune et Ice Phoenix, et l’arrivée de celui-ci à Canterlot. Un nouveau crépuscule y naquit, et il était de couleur de rouille. Dans cette cité millénaire, le palais se tenait haut et fier au-dessus des maisons de commerce, d’habitations et des prestigieuses universités. Les rues se vidèrent peu à peu pour remplir les logis, à l’annonce de l’avenue de la nuit. Pour beaucoup, l’heure de sommeiller apparut au loin, malgré que de nombreuses fenêtres soient encore illuminées par la présence de poneys travaillant encore au détriment de la fatigue ; telle est la dure vie de celui qui travaille jusqu’au coucher du soleil.

Ice Phoenix avançait toujours dans l’ombre avant de frapper. Mais aujourd’hui, il ne s’agissait plus de se montrer petit et de se faufiler par des trous pour éviter la vue de quelques gardiens. De toute façon, tuer le chef de toute une nation dans sa propre demeure se verra de tellement loin qu’il était peine perdue de tenter un réel assassinas digne de ce nom. Non, en effet, ça ne passerait pas inaperçu. C’est donc avec fermeté directe qu’il emboîta le pas jusqu’aux grandes portes du palais. Il fallait rentrer, et tuer quiconque qui se mettrait en travers de son chemin. Les sentinelles de par et d’autres de l’entrée se resserrèrent au niveau de l’axe d’avancée du poney à la cape déchirée. D’ailleurs, en remarquant son vêtement en guenille, ils le prirent pour un clochard de prime abord et ne se méfièrent pas tout de suite. Après, s’il ne portait pas ce masque de carnaval, ils iraient peut-être même à baisser la garde de leurs hallebardes. Mais cette subtilité chez ce nouveau venu maintint une certaine vigilance.

"Même pas la peine d’espérer rentrer l’ami.", dit l’un des deux. "Ce coin est réservé aux ventripotents."

"Je n’ai pas l’intention de négocier alors laissez-moi rentrer.", répliqua Phoenix d’un ton très persuasif.

Les deux gardes croisèrent fugacement leur regard pour signer des compréhensions toutes deux égales.

"Nous non plus on n’a pas l’intention de négocier.", répondit le second soldat. "Les roturiers non-membres du personnel du château ne sont pas autorisés à rentrer sans une invitation prouvée de la part d’au moins un de ceux qui y vivent."

"Ouais.", continua l’autre. "Je te rappelle que c’est un palais royal, pas un moulin ou un bar mal famé."

"À moins que tu sois venu ici pour amuser les nobles afin de les soudoyer de quelques bits.", enchaîna le deuxième avec sarcasme.

Le premier gloussa, certes un peu moins méchamment, à la stupide blague de son collègue. Phoenix cependant n’entra pas dans le jeu et répliqua dans le même ton qu’au début du dialogue, mais peut-être maintenant avec un peu plus de mépris pour les deux gardes qui lui faisaient face.

"Je crois que je me suis mal fait comprendre. Je me répète : je n’ai pas l’intention de négocier. J’ai reçu l’enseignement d’une magie forte d’un des plus grands magiciens d’Equestria pendant plus de quinze ans. J’ai combattu et vaincu la princesse Celestia lors d’un duel magique. J’ai réussi à sortir du Tartare en vie et défié les compétences de sentinelle du Cerbère. Alors si vous croyez que ce sont deux peignes-culs dans votre genre qui vont m’empêcher d’entrer, je vous conseille donc de vous écarter et ce sans faire d’histoire. Et faîtes bien attention à ce que vous allez faire car je n’ai ni l’intention de me ré-répéter, ni l’intention d’user de la pitié !"

En entendant la tirade, les gardiens des portes furent consternés entre, le prendre au sérieux et réagir en tant que gardes, et lui rire au nez. Mais ils se décidèrent rapidement à l’option qu’ils supposèrent la plus sage.

"Dexter, va sonner l’al… "

Le garde de gauche sentit sa trachée se boucher dans un spasme de douleur qui alla engourdir sa conscience. Une dague surgie de la blouse d’Ice empala la gorge de ce même garde qui le coupa en pleine prise de parole. Phoenix retira aussitôt son poignard d’où un déversement à flot de sang se répandit sur le marbre de l’entrée du palais. Dexter réagit avec réflexe et embrocha le tueur de sa lance. Bizarrement, il sembla tout d’un coup fantomatique car son arme l’avait effectivement traversé, mais comme s’il avait transpercé une ombre, et non pas une chose matérielle. Ce fait l’étonna et le vrai Phoenix en profita pour lui trancher sa jugulaire par le dos. Dexter s’écroula avec les yeux d’un poney surpris par la Mort, dans la flaque de sang de son camarade décédé, alors que ses battements cardiaques persévéraient sans relâche à éparpiller le rouge sur le marbre déjà ensanglanté. Ice traita d’idiot les deux sentinelles mourantes et entra sans précipitation à l’intérieur.

Une fois rentrée dans le vestibule, il fouilla chaque grand hall, chaque antichambre, chaque salle, chaque jardin, chaque corridor, chaque chambre, allant même jusque dans les quartiers des membres de la famille royale. Partout où il passa, il hurla avec fureur qu’il cherchait la princesse Celestia, alors que le poignard était visible, lévitant dans sa magie. Les gardes dans l’enceinte déclenchèrent l’alarme alors que plusieurs soldats et même des nobles s’étaient fait tuer. Partout où il passa, Ice Phoenix sema la mort dans le corps de chaque poney qu’il croisait. Les gardes tentèrent de l’arrêter mais les affrontements se transformèrent très vite en massacre. La magie bleue lui avait permis de dominer totalement ses adversaire qui allèrent même jusqu’à s’entretuer, croyant pourfendre cet licorne clairsemant une discorde sanglante dans le palais. Comprenant bien vite que l’attaque était inutile, les troupes survivantes se limitèrent aux retranchements, à la défense et à l’évacuation des nobles et des blessés, même s’il n’y avait pas de blessés, Phoenix tuant avec affinité. Pourquoi il tuait les nobles ? Il espérait qu’en causant suffisamment d’horreur, que Celestia ramène sa tronche de pleutre dans les environs. Du moins, c’était comme cela qu’il appréhendait son absence incompréhensible.

En effet, Celestia ne se montrait pas, alors que certains nobles avaient affirmé au massacreur qu’elle était au palais actuellement et qu’elle y était restée toute la journée, à l’exception d’une sortie dans la ville l’après-midi pour s’occuper de quelques tâches administratives dans le sein de la cité. Non, il ne comprenait pas. Cela faisait bientôt plus de vingt minutes qu’il tuait sans scrupule tout ce qu’il croisait. Il déclencha alors un incendie dans le château pour ajouter en ampleur à la situation. Beaucoup de poneys à l’intérieur, pris de panique, se laissèrent encerclés par les flammes. Tandis que certains mouraient d’asphyxie, d’autres furent piégés dans une des grandes salles de fêtes du château, avec ce démon à la cape déchirée qui riaient d’allégresse en contemplant avec amour les expressions de terreur sur leurs figures. Tous ces nobles étaient des poneys souriants, heureux, vivant dans un grand luxe qu’ils avaient hérité seulement par la naissance. Finalement, les massacrer, les voir terrifiés par la mort, rassasiaient presque cette soif de justice et de destruction, à un point d’oublier qu’il les tuait uniquement pour résigner la princesse solaire à le rencontrer. Il se mit à les torturer, à les jeter dans les flammes, à semer un effroi tel que ses précieux petits otages, ses petits moutons entre ses pattes de loup, cavalèrent dans tous les sens à la recherche d’une sortie providentielle. Mais la providence, cette fois-ci, n’était pas ici pour repousser sa furie loin d’eux, et Phoenix ne ria qu’avec encore plus d’ardeur en écoutant délicieusement leurs appels de détresse n’ayant pour réponse que le crépitement du feu ou le cri mourant de leurs confrères s’écroulant dans le sang, qui avait monté jusqu’à hauteur de sabot. Les voir souffrir, les voir crever, donnait à Phoenix cette bienheureuse paix qu’il recherchait pour s’apaiser l’esprit. Mais ce divin plaisir à voir son pelage et son masque trempés de sang, à se voir patauger dans le sang de ses victimes, n’atteignit pas la satiété si tant désirée. Seulement voir Celestia mourir mettrait un terme à ce génocide du sang bleu. Ce rappel l’ulcéra et réanima une nouvelle fois son désir de faire couler ce rouge, toujours ce même rouge. Il hurla avec rage.

"CELESTIAAA !!! OÙ TE CACHES-TU ESPÈCE DE COUARDE !!? VAS-TU LAISSER TES PETITS PONEYS CLAMSER LES UNS APRÈS LES AUTRES !!?"

Ce cri déferlant de courroux eut l’effet d’une invocation. L’une des portes explosa et celle qu’Ice attendait en sortit. Elle avait en ses yeux un profond regret très ambigu. D’un côté, elle se culpabilisait de ne pas l’avoir tué tout simplement et ainsi clore l’incident définitivement, même si à la base elle ne l’avait pas fait car ; premièrement, elle n’était pas une meurtrière ; et deuxièmement, il était hors de question qu’elle ressemble de près ou de loin à ce monstre assoiffé de sang.

De l’autre, elle regrettait de ne pas être intervenue plus tôt. Quand elle avait entendu l’alarme de la garde, elle avait fini de faire baisser le soleil. Quand elle avait appris que la raison de l’alarme était l’intrusion d’un trouble fête à la cape rouge sang en lambeau, portant un masque de carnaval, au pelage mordoré ; elle crut faire un cauchemar. Sa sœur avait raison, il y a quarante jours juste après son exil au Tartare, de lui réprimander le fait qu’elle le sous-estimait grandement. Luna lui avait même dit qu’après plusieurs décades de jours, il sortirait du Tartare pour accomplir ce qu’il avait promis juste avant de se faire frapper par les éléments d’Harmonie. Elle ne l’avait pas crue et finalement, le voir massacrer tous les habitants du palais l’avait pétrifiée d’effroi. Elle n’avait pas peur car elle ne croyait pas à son retour, et encore moins à un retour aussi rapide. Tirek, lui, était au Tartare plus de mille ans avant de s’en échapper. Comparé à lui, Phoenix s’est évadé à peine emprisonné.

Et oui, Ice avait raison de la traiter de pleutre. Le savoir de retour l’avait effrayé encore plus qu’en apprenant la nouvelle du retour de Discord, de Sombra ou de Tirek. Ce poney là, avait la réelle intention de la tuer elle. Et oui aussi, c’était vrai, elle s’était cachée. Mais Celestia comprit qu’il était sot et humiliant de sa part de ne pas l’arrêter d’elle-même à cause de son instinct de survie. Cependant, elle n’osa pas venir demander de l’aide à sa sœur, de peur que celle-ci lui répondisse : "Je t’avais pourtant prévenue.". Oui, elle avait honte d’elle, elle avait nié une chose qu’elle croyait idiote alors qu’il s’agissait d’une fatalité. Et en la voyant se concrétiser, elle n’osait pas assumer pleinement son erreur en se cachant. Elle en serrait les dents de colère contre soi-même, pour cette lâcheté qui pourtant ne lui ressemblait même pas.

D’ailleurs, Phoenix en la voyant enfin se décider à se montrer, ria légèrement et lui dit d’un air narquois et malsain.

"Alors, Celestia la pleutre… Tu te décides enfin à te montrer ? J’ai failli m’ennuyer."

L’intéressée ne répondit pas à la provocation et prit une posture de combat. À l’aide de sa magie, elle invoqua une épée dont la lame, tout comme la garde, était de la même couleur que l’or, alors que le pommeau s’ornait d’une pierre semblable à une escarboucle.

Jusque là, elle ne fit rien et resta très attentive aux alentours, le Phoenix se tenant devant elle pouvant tout à fait être une vulgaire illusion dans le but de la piéger, comme il l’avait déjà si bien fait dans la grotte où se trouvait l’arbre de l’Harmonie. Cette position défensive amusa un peu Ice, lui conférant ainsi un petit sourire circonspect. Visiblement, elle avait appris de ses erreurs. Remarque, elle n’avait pas tort. Pour lui, la contre-attaque est la meilleure offensive, car après avoir donné le premier coup, la garde était baissée. Ainsi, un combattant suffisamment habile et rapide était capable de frapper juste après esquive avant que celui ne relève sa garde. C’était une stratégie qui lui convenait toujours. Mais là, Celestia n’attaquait pas. Dommage… il avait besoin qu’elle se déplace ou, qu’au minimum, elle jette un sort quelconque pour ensuite agir avec une tactique adéquate.

Les deux combattants se toisèrent sans relâche du regard, patientant que l’un ou l’autre s’empare de l’initiative. Celestia était toujours prudente avec la magie bleue, et Ice surestimait Celestia à cause de sa puissance fondamentalement supérieure. Il est vrai qu’il avait gagné son dernier combat contre elle. Mais on parlait de la couverture d’une fuite. Aujourd’hui, ce n’était plus l’affaire de l’éparpillement d’une poudre d’escampette. Mais d’un combat à mort.

Le feu qui embrasait les portes et les fenêtres gagnèrent l’intérieur de la salle. Les tables flambèrent, les colonnes de marbre se virent encerclées par certaines stalagmites de feu. Seul le sol ne brûla que très peu, la concentration du sang encore liquide ralentissant l’avancée des flammes.

Phoenix choisit enfin d’attaquer le premier. De sa magie, il renversa un des piliers enflammés de la salle, et le fit écraser sur la position de l’alicorne. Celle-ci se défendit et lança un puissant laser d’explosion qui détruisit la colonne. L’autre profita de cette instance pour se téléporter dans les airs juste au dessus de sa cible, et se laissa tomber par la gravité sur son dos, en espérant la frapper de plusieurs coups de son arme, ou même l’égorger. Mais la princesse refusa de se laisser berner et sa première réaction fut de l’asséner de son épée, et de le projeter en direction d’une table brûlante. Il la percuta de plein fouet et prit feu à son tour. Son râle de douleur déjà présent pour le coup de l’épée, s’intensifia lorsqu’il pénétra dans les flammes. Par pulsion d’adrénaline cependant, il s’en extirpa et arracha ce qui restait de sa cape pour éviter que son corps ne se consume d’avantage.

Voyant qu’il avait survécu à ce retournement de situation, Celestia fit un pas en sa direction tout en dressant la pointe effilée de son épée d’or. Elle désirait ardemment profiter de son temps de souffle pour le planter, et le tuer pour de bon. Le pelage d’Ice avait noirci à plusieurs endroits, et dans de rares cas, sa peau avait brûlé à plusieurs degrés, dévoilant ses muscles ensanglantés. Il souffrait grandement mais la frénésie diabolique qui s’était emparé de lui à l’entrée du palais le lui fit ignorer. Remarquant que son adversaire n’avait aucunement l’intention de lui accorder un moment de répit, il se dédoubla pour former trois clones qui eux, le lui permettront. Ses clones fantasmatiques chargèrent Celestia en espérant la poignarder de par en par. Pendant ce temps, le vrai Phoenix souffla pour évacuer la tension qui lui vacillait la pensée dans la large plaie saignante laissée par l’épée sur son ventre. Une fois qu’il sut se reprendre après une bonne dizaine de secondes, la déesse solaire avait terrassé ses illusions les unes après les autres dans le même temps imparti.

Dès à présent, elle se jeta sur lui juste avant qu’il ait le temps d’utiliser sa corne. Elle brandit son épée pour lui fendre la tête. Phoenix para le coup avec sa dague qui tremblait sous la violence de la frappe. Son regard de démence et de fureur se croisa avec celui de Celestia, habitée par la même détermination que Phoenix d’éliminer son adversaire, et ce avec une colère d’une ardeur ouranienne dissipant toute cette peur stupide qui l’habitait y eut peu.

Le corps du licorne devint subitement translucide. Celestia, le clairvoyant comme une illusion et une nouvelle duperie, suivit son intuition qui lui dicta de se tourner et de frapper le vent à son insu. Juste réflexe, Ice Phoenix se trouvait à l’arrière prêt à bondir sur elle, poignard à la main. Il parut pris de surprise et la lame lui passa sur le visage en perpendiculaire. Il recula de quelques pas et il jura en se tenant là où le tranchant avait inscrit une nouvelle cicatrice. Son masque cependant, faisant l’effet d’une armure, protégea sa face et finalement, la blessure n’était que superficielle. Il contre-attaqua mais la faible portée de sa dague l’empêcha d’atteindre la poitrine de la jument avant que celle-ci ne le frappe de la corne du sabot. À peine après avoir repoussé la récente offensive, Celestia enchaîna en martelant d’un dernier coup le visage d’Ice du pommeau de son épée. Le masque vola en éclat et Phoenix s’écroula au sol, sonné.

Et derrière le masque de carnaval, la jument du soleil put voir toute son ignominie. La partie droite de son visage avait été entièrement dépecées, et même la chair en charpie laissait à nue l’ossement qui composait son crâne, teint de sang séché et putride. Il s’agissait d’un stigmate de date un peu plus longue. Un souvenir de la fuite face à Cerbère en réalité. Celestia resta impassible malgré le portrait macabre et se contenta de loger la pointe de son épée dans le creux de son menton. Phoenix, à moitié groggy au sol, n’avait pas trouvé le temps de se ressaisir.

"Il serait préférable que tu te rendes.", dit Celestia avec fermeté solennelle. "Je te domine. Inutile de persévérer à risquer ta vie. Rends-toi, abandonne ton vœu de me tuer, et je t’épargnerai peut-être."

"Oh non… ", dit le prétendu vaincu avec la même fermeté, mais aussi avec un sourire sournois. "Ceci est un combat à mort. Et ce combat s’achèvera lorsque l’un d’entre nous mourra."

"Comme tu voudras… ", dit Celestia, indifférente à la réponse. "Alors meurs, monstre !"

Et elle enfonça sans pitié son arme dorée dans sa gorge. Le souffle du perdant fut coupé et eut quelques râles d’étouffement, avant de crachoter un peu de sang. Mais rapidement et avec surprise, Phoenix sembla fondre, comme un glaçon en fusion. Celestia en fut ébahie. Quoi ? C’était encore une illusion ?

Mais elle comprit malheureusement trop tard, et son agresseur l’attaqua par le dos et lui asséna plusieurs coups de poignard au garrot. La princesse hurla de douleur et provoqua une explosion enflammée semblant sortir d’elle, par réflexe d’auto-défense. Ice en fut complètement emporté par le souffle et tomba violemment au sol une dizaine de mètres plus loin. N’en ressortant que plus brûlé encore, l’étalon meurtri se releva avec peine, à la seule force de sa volonté.

De son côté, Celestia soufflait à son tour sous le mordant des plusieurs plaies. Alors que ses paupières étaient fermées, elle en ouvrit une et vit Phoenix essayer de s’approcher d’elle, avec le poignard tacheté de son sang argenté. Elle se concentra, et emmagasina une énorme quantité d’énergie dans sa corne, tirée de la colère de s’être encore fait duper, tirée de sa frustration. Et elle laissa échapper toute sa magie, prenant l’apparence d’un serpentin de flamme qui, tel un tourbillon d’eau, inondait et déflagrait la salle ainsi que tout ce qui s’y trouvait. L’ennemi s’entoura d’une bulle de protection et s’isola du feu qui avait envahis si subitement la pièce. Les flammes étaient si denses que même le brouillard y paraîtrait cristallin. Phoenix ne voyait absolument rien de l’autre côté de sa bulle. En faîte, il ne pouvait pas voir tout court, la luminosité intense l’aveuglant totalement. Il entendit son bouclier se fissurer, cédant sous la pression du feu. Phoenix réussit à se calmer et lança un contre sort sur la magie rouge de la princesse solaire. Mais c’était un sortilège de très haut niveau et les flammes se radoucissaient, au lieu de tout simplement s’interrompre. À présent il put voir et remarqua que Celestia avait disparu. Sûrement avait-elle pris la fuite. Toujours à l’intérieur de son cocon protecteur, il marcha en direction d’une sortie grande ouverte et se libéra ainsi de l’océan de feu qui remplissait la pièce.

D’ici, il crut apercevoir au sol les tâches d’un liquide argenté, des tâches qui se suivaient et formaient une sorte de petit chemin à travers les antichambres et corridors. En faisant la similitude entre le sang de Celestia qui salissait la lame de sa dague par rapport aux tâches, il comprit très vite qu’elle était partie dans cette direction. Il trottina donc du mieux qu’il put, quitte à souffrir de ses blessures de combat.

 

*****

 

Ice Phoenix arriva dans une zone – ou disons plutôt une aile – du château assez particulière. Le sang l’avait conduis dans des larges couloirs aux couleurs froides, contrairement à la plupart des corridors qu’il avait visités depuis son entrée dans les lieux. Il y faisait même très calme, un calme presque angoissant. La grande et longue salle était même étonnement vide, alors qu’il avait l’habitude de croiser un ou deux gardes dans chaque couloir au minimum. Mais non. Là, il n’y avait personne. Et même s’il redoutait une embuscade, il haussa intérieurement des épaules et continua sa marche vers la porte d’ébène tout au fond. En s’y approchant, il vit de par et d’autre de la porte, des bannières bleu nuit où étaient tissées des lunes et des étoiles en file d’argent. Phoenix comprit alors que Celestia s’était dirigée vers les quartiers de sa sœur, sûrement pour y quérir de l’aide. Mais son intuition lui disait que ça ne serait pas le cas. En effet, il en serait plutôt étonné de voir Luna arriver pour tenter de l’occire. Ce fut donc sans grand souci qu’il pénétra l’endroit. De l’autre côté des battants, les tâches argentées se prolongeaient sans lassitude jusqu’à la porte, au fond de l’antichambre. La porte se détachait des autres ici présentes par ses ornements travaillés et sa grandeur, supérieure de quelques pouces. Il s’y avança sans peur et une fois atteint la porte, il l’ouvrit à son tour.

Il découvrit la chambre de la princesse Luna ; mais au lieu de la princesse de la nuit, il découvrit la princesse du jour. Elle avait sa blessure saignante au niveau du garrot, mais bizarrement ne semblait plus en souffrir. Il n’y faisait pas attention, mais Celestia était d’une toute autre personnalité. Ce n’était plus cette colère ardente, ou cette détermination à se débarrasser de lui. En faîte, elle semblait mélancolique, divisée, indéterminée. Et à en voir ses yeux magenta, elle n’avait plus l’air aussi belliqueuse que la dernière fois. Mais Phoenix ne faisait pas attention à ces détails. Il avait retrouvé Celestia, et maintenant il fallait la tuer. Il avança vers elle avec malveillance et, la jument trembla légèrement de peur. Elle lui tendit le sabot vers lui, comme pour lui demander de s’arrêter.

"Attends Phoenix, s’il-te-plait… ", dit-elle d’une voix suppliante. "Ne fais pas ça."

"Et pourquoi je ne le ferai pas hein ?", dit-il en devançant son propre pas, sans tenir compte des paroles de Celestia.

Elle recula, tremblante à voir la dague pointée vers elle, jusqu’à que sa croupe heurte la rambarde du balcon de la chambre, sa porte étant déjà ouverte à l’origine. Enfin, Phoenix pourra goûter à cette paix qu’il recherche si tant, après avoir perdu sa sœur dans les conditions les plus ridicules, après avoir perdu toute raison d’aimer et d’exister. Enfin, cette haine allait sortir de lui. Il souriait, rien qu’à s’imaginer quel châtiment il pourrait infliger à une alicorne avant de la tuer.

Celestia, le voyant s’approcher toujours de plus en plus près, agita nerveusement la tête et répéta ceci, avec toujours une angoisse mêlée d’une peur grimpant à leur paroxysme.

"Non… Phoenix… Ne fais pas ça Phoenix… Non… Non. Non, NOOOON !"

Il se jeta sur sa gorge. La jument essaya tant bien que mal de repousser la lame qui ciblait perfidement son cou. Ses sabots affrontèrent ceux de l’assassin qui grinçait des dents avec hargne, à force d’insister pour que la pointe atteigne le corps de sa future victime. Celestia geignit et l’insista inlassablement, prise par la peur, d’arrêter sa folie dans les plus brefs délais. Mais dans cette dualité, elle ne remarqua point qu’elle se renversait petit à petit par-dessus la rambarde, prête à tomber.

Elle chuta finalement, et avec Ice Phoenix qui refusait de lâcher sa proie. Comprenant qu’il allait probablement mourir dans sa chute et elle aussi, il serra ses dents de colère, et aussi de joie, à un point d’en avoir mal aux gencives. Et même dans la course effrénée jusqu’en bas, il persévéra à tuer la princesse contre qui il s’était accolé. Celle-ci pleurait. Elle savait qu’elle ne devait pas le faire mais là, cette situation totalement imprévue – ou peut-être que si – allait lui coûter la vie. Elle rompit l’enchantement, et Celestia dévoila sa véritable forme, c’est-à-dire Luna.

Grande surprise générale pour Ice qui cessa alors de suite de tenter des coups de couteau. Il se mut contre le corps de Luna de façon à ce qu’elle puisse se redresser et déployer ses ailes afin de planer et ralentir la chute, lui se trouvant maintenant sur son dos. Mais le sol était déjà très proche, et Luna avait pris trop de vitesse en évitant l’écrasement. Elle cavala alors sans véritablement le vouloir de ses sabots sur le pavé de la route. Mais comme elle allait trop vite, elle trébucha. Elle roula sur plusieurs mètres où elle y perdra de son élan, tandis que l’étalon, amortis par le corps de l’alicorne, ne subit que très peu de dégât de chute et ne fit que rouler lui aussi, une fois renversée du dos de la princesse. Il se releva, aussitôt ses roulades arrêtées et s’entoura d’un bouclier magique, de peur qu’il ne s’agisse d’un piège de Celestia pour l’attaquer par une feinte. Mais au bout de plusieurs secondes, rien ne furent arrivées, aucune alicorne blanche ne sembla pointer son museau.

Mais où peut-elle bien être ?, pensa Ice confus. Si ce n’était pas un piège, alors pourquoi Luna aurait-elle pris sa forme à l’aide d’un des sorts qu’elle m’a elle-même enseignée ? À moins que ce soit Celestia qui le lui ait demandé. Mais dans ce cas pour quelle raison ?

Il interrompit son sort de protection et alla près du corps de Luna qui gisait toujours au sol. Elle semblait avoir de la peine à se relever. En faîte, elle n’arrivait tout simplement pas à se lever. À chaque fois qu’elle tentait une action visant à se redresser sur ses pattes, elle gémissait de douleurs. Son dernier gémissement se transforma rapidement en cri de détresse, avant qu’elle ne retombe sur elle-même, comme si elle venait de comprendre pourquoi elle n’y arriverait jamais. Phoenix la regardait de haut avec un rictus neutre, dissimulant une opinion incertaine de ce moment que lui-même il pourrait qualifier d’étrange.

"T’as du mal à te relever ?", demanda-t-il.

"Hm… oui.", dit-elle agonisante. "Je crois que… que je me suis fracturée quelques os dans ma chute."

Alors qu’elle était couchée sur le flanc, elle essaya de le regarder dans les yeux, avec amitié.

"Tu peux m’aider s’il-te-plait ?"

En guise de réponse, Phoenix activa sa magie et l’allongea sur le dos, pattes dressées. Tandis qu’il maintint fermement les pattes avant, il s’assit sur son ventre.

"Mais ?", Luna, ne comprenant pas son acte. "Qu’est-ce que tu fais ?"

"J’aimerais d’abord que tu répondes à mes questions.", dit-il en agitant la pointe de sa dague devant le museau de l’alicorne. Elle déglutit.

"En faîte, des questions, je n’en ai qu’une seule."

" … "

"Tu peux me dire ce que c’est que ce bordel ?"

"Heu… Celestia était venue me voir quelques minutes avant que tu ne rentres dans ma chambre… ", la jument, cherchant ses mots. "Elle m’avait demandée de lui couvrir sa retraite en te ralentissant… Mais moi je ne voyais pas de quelle manière je pouvais lui donner du temps. C’est alors qu’elle m’avait proposée de… de prendre sa forme pour que… qu’en me voyant tu ne te doutes pas tout de suite de son absence. J’avais pris peur que tu me tues mais… elle était partie très vite sans que j’obtienne mon mot à dire là-dessus."

"Je vois. Donc après ce déchirement, tu as finalement choisi le camp de ta sœur ?", conclut-il du bilan sur un ton grave.

"Non Phoenix !", dit-t-elle avec frayeur. "Ce n’est pas ce que tu crois ! Je n’ai pas encore choisis !"

Phoenix continua, ignorant la parole de son amie, ou plutôt son ex amie.

"Hmmm… Dans ce cas, notre ancienne amitié est brisée. Elle ne vaut plus rien. Et dans ce cas, je n’ai plus de raison de me soucier de toi… "

"Non !"

"Désormais, tu n’es qu’un obstacle barrant ma route. Et… tu sais quel sort j’ai l’habitude de réserver aux obstacles. N’est-ce pas Luna ?"

"Mais écoute-moi je t’en prie !" se répéta Luna à la limite des larmes, de peur que l’inévitable arrive. "Je ne t’ai jamais trahis ! Je l’ai fait que par déchirement !"

Phoenix, aux yeux sombres et froids, dressa son poignard au dessus d’elle, ignorant ses supplications. Il le carra sur l’axe, juste au dessus du cœur de la princesse. Celle-ci se débattit dans tout les sens mais la magie la maintenait sur place et, malgré sa tentative d’utiliser sa corne, son tueur l’écrasa pour bloquer toute circulation de magie. Ainsi, elle continua sans relâche et avec désespoir d’éviter la mort, mais elle était sans défense, et son sort scellé.

"ARRÊTE !"

Mais il l’ignora et ne jeta aucun regard fugace ou même de regret sur le visage de son ami. Pour lui, elle n’existait plus. Elle n’était qu’un vulgaire obstacle, un mur à abattre sur son chemin. Et il fit tomber sa dague avec force sur le corps de la jument.

"NOOOON !!!", Luna, d’un dernier cri déchirant et pathétique.

 

Puis plus rien.

 

Elle avait fermé les yeux en voyant le coup tomber. Mais il ne se passa rien. Elle ne sentait aucune douleur. Elle continuait de respirer. Son cœur, bien que battant fort sous la peur, continuait à battre, comme si rien ne l’avait transpercé. Elle ouvra un œil, et vit la pointe de la dague, arrêtée à moins d’un millimètre de sa poitrine. Phoenix ne l’avait pas tuée. Sa vision d’ailleurs paraissait troublée. Il regardait dans tout les sens, comme pour vérifier s’il s’était passé un truc, mais rien ne s’était produit. Ses joues semblaient subitement gonflées. Et son visage tremblait de frustration, de colère, mais aussi de dégoût. Il se leva, jeta son poignard loin du cœur de son amie et se retournant, il hurla des paroles extrêmement lourdes de reproches.

"CELESTIA !!! Mais tu te fous de ma gueule ?!! T’es vraiment partie sans te soucier d’une seule seconde de la vie de ta petite sœur ?!!"

Il grognait comme un animal sauvage, ulcéré par de telle manière. Il regardait ses sabots, dents serrés de hargne et de rage. Il s’attendait à ce que Celestia se soit terrée dans les environs, patientant jusqu’au bon moment pour l’attaquer. Il croyait qu’en simulant la mort de sa cadette, elle viendrait pour la secourir. Mais non, rien. Luna avait dit la vérité : Celestia était vraiment partie, sans gêne.

Luna d’ailleurs paraissait encore plus confuse que son ami. Elle le voyait dos tourné à pester contre sa sœur aînée pour avoir… délibérément sacrifié sa vie comme on sacrifierait un vulgaire pion ?

"Phoenix… ", l’intéressé se retourna vers elle, la perçant de ses yeux écarlates, envoûtés par une colère encore plus virulente et une haine sans nom. "Que se passe-t-il ?"

Il lui expliqua posément. "Je croyais que Celestia se serait souciée de toi. Alors j’ai pensé qu’elle resterait dans les environs, prête à bondir au cas où ça tournerait mal pour toi. Alors j’ai feint de te tuer, en espérant qu’elle vienne te protéger. Mais… ", il revira une nouvelle fois là où il avait pesté. "Je crois que je me suis totalement trompé sur sa nature. Je pensais que comme tout aîné qui se respecte, elle aurait au moins regardé une dernière fois derrière elle, s’inquiétant pour sa cadette."

"C’est… c’est ça qui te rend si furieux ?"

"Oui.", confirma-t-il d’une voix tremblante de son courroux. "Elle disait que je n’était qu’un psychopathe, qu’un monstre sanguinaire ne reconnaissant aucune valeur dans la vie d’un autre. Et elle a parfaitement raison. Mais même si je suis un monstre assoiffé de sang, jamais je ne demanderai à ma petite sœur de sacrifier sa vie pour moi ou pour un autre !"

Cette dernière phrase fit sursauter Luna, alors que Phoenix revira, ignorant sa réaction. Elle le savait. Le Phoenix qui aimait auparavant sa sœur n’était pas mort, au contraire. Il sommeillait juste. Le savoir rassura Luna et lui donna l’espérance de revoir un jour son ami se réveiller de sa colère, de sa haine et de son désir de vengeance.

"Je croyais que… qu’elle était quelqu’un de respectable, d’aimant. Je peux comprendre qu’elle fasse cela pour défendre Equestria mais… mais tu es sa sœur ! Elle t’a rencontrée et t’a aimée bien avant qu’Equestria ne naisse. Non… en réalité, ce n’est qu’une hypocrite qui ne vaut pas plus que moi."

Il se retourna vers la princesse de la nuit, et la pointa du sabot, ou plutôt il pointa une vérité.

"En vérité elle t’a mentie !"

"N… non. Je ne peux pas te croire. Elle m’aime, j’en suis sûre." Luna, cherchant à fuir la même vérité muselée au fond du puit.

Phoenix soupira d’exaspération, mais cette fois-ci, d’une signification, plus claire, plus pragmatique, plus directe. Il marcha jusqu’à elle en trombe à la manière d’une flèche et l’agrippa au collier qui ornait son encolure, tout en lui parlant d’une voix tranchante. En la soulevant, il lui fit arracher un gémissement de douleur à cause de ses os brisés.

"Putain mais Luna sors de ta bulle ! Souviens-toi pourquoi tu t’es rebellée contre elle il y a mille ans ! Tu ne penses peut-être pas que si elle t’aimait véritablement, comme tu le dis si bien, elle aurait remarqué que quelque chose n’allait pas et qu’elle serait du coup venue à ta rencontre pour communiquer et comprendre !?"

Il ne reçut en réponse que les sanglots de la jument, tourmentée par ce déchirement qui la lacérait encore plus. Non, elle fut totalement incapable de répondre face à un tel fait. Comprenant qu’elle n’avait rien à dire, Ice la relâcha brutalement sans faire intention à son autre petit cri de douleur.

"Grandis Luna… ! Sérieusement… !" grogna-t-il, honteux de son amie.

"Mais je… mais je l’aime. Je ne peux tout de même pas… être complice de sa mort."

"Et tu vas vraiment continuer à aimer et soutenir quelqu’un qui ne refuserait pas de te mettre à mort juste parce que le peuple équestrien le lui demanderait !?"

Luna détestait cette vérité. Et pourtant, elle y faisait face, impossible de lui tourner le dos. La situation lui en était venue à devoir répondre à cette question qu’elle désirait tellement fuir, un peu à la manière d’un poulain voulant à tout prix échapper à un examen dont la mauvaise note se voyait à des kilomètres à la ronde. Et pourtant…

Une pensée très familière lui revint à l’esprit. Il ne s’agissait pas exactement de la sienne, ou peut-être que si. Cette pensée, cette petite voix au fond d’elle-même lui demandait de rentrer en méditation pour parler ave elle. Luna secoua la tête dans tous les sens pour la chasser. Elle savait qu’il s’agissait de la voix de sa face sombre, Nightmare Moon. Et depuis tous les incidents, comme la tentative d’évincement de Celestia, le départ en exil, et surtout le changement par les éléments d’Harmonie, elle avait refusé toutes communications possibles avec elle. Sauf que depuis sa rencontre avec Ice, cette barrière construite par la magie de l’Harmonie se dégradait peu à peu, et elle entendait la voix de sa jumelle de mieux en mieux. Elle ne cessait de lui répéter de lui adresser la parole au moins une fois, avec toujours cette même voix douce et séduisante que Nightmare Moon avait toujours employé pour la dissuader de lui parler.

Phoenix la voyait, au sol en train d’agiter la tête dans tout les sens, mais pas par réaction à sa question, mais plutôt par rapport à une certaine démangeaison qui se situait à l’intérieur de son crâne.

"Non… ", dit-elle ce qui paraissait adressé à personne, avec épuisement et intolérance. "Laisse-moi tranquille. Va-t-en. Je n’ai pas envie de lui faire de mal."

Elle sentit un sabot lui caresser l’épaule. Elle redressa sa tête et vit Phoenix. Mais pas le Phoenix sanguinaire, mais le Phoenix du passé. Cet étalon qui aimait son amitié, cet étalon qui aimait l’amour maternel qu’elle lui conférait autrefois. Il avait un sourire bienveillant et ses yeux s’émouvaient de compassion et de sûreté.

"N’aie pas peur d’elle. Elle veut seulement te parler et t’aider à soigner ce déchirement. Qui dit qu’elle va faire un appel à la haine contre ta sœur ?"

"Justement… ", répondit Luna avec crainte. "Elle a toujours détesté notre sœur. Elle va me persuader de repartir en guerre contre elle."

"Oui, en effet.", affirma l’étalon au corps couvert de blessures et brûlures. "Mais elle est toi. En acceptant de la laisser te parler, tu auras la chance de te sentir unie, et non plus déchirée. N’oublie pas non plus que Nightmare Moon, en étant toi, elle t’aime. Comme il serait logique que chacun aime soi-même. Elle te veut juste heureuse et pouvoir te retrouver. Donne-lui sa chance."

Puis, il lança un sort sur le squelette de la princesse de la nuit. Celle-ci ressentit dans sa chair, à plusieurs endroits dans son corps, un léger « Crac » particulièrement douloureux. Elle cria éphémèrement, prise de surprise. Comprenant que ses os étaient réparés, elle joua avec ses pattes et son tronc dans tous les sens. Plus aucune douleur, c’est comme si elle n’avait fait aucune chute récemment.

"Il faut que j’aille régler mon compte avec ta sœur. Tu sais où elle est partie ?", demanda-t-il une fois que Luna eût arrêté de s’agiter dans tous les sens par terre avant de se relever.

"Elle est partie à Ponyville.", dit-elle en pointant le sud. "Elle a l’intention de quérir l’aide de Twilight et de ses amies pour te vaincre. Elle est partie il y a peu. En la poursuivant tout de suite, tu gagneras le privilège de frapper, avant qu’elle et ses alliées ne soient préparées à te combattre."

"Je te remercie." Et Ice Phoenix repartit pour Ponyville, avec encore plus de détermination qu’en partant pour Canterlot.

"Phoenix, attends !", appela Luna. "J’ai autre chose à te dire !"

Il s’arrêta et se tourna pour observer celle qui l’avait appelé. La jument bleu nuit lui souriait, et ses yeux semblaient humides et luisants.

"Je dois te remercier. C’est sûrement la première fois que j’entends un poney me défendre de la sorte. Merci Phoenix."

Il lui sourit en retour. "Oh, tu n’as pas à me remercier. Je suis ton ami. C’est normal, non ? Allez, à une prochaine fois."

Elle vit ensuite que du rouge coulait de son corps depuis une large plaie arborant son ventre. En l’apercevant, elle lui cria de s’arrêter systématiquement et lui fit remarquer qu’il était blessé. Elle s’entacha à soigner sa blessure, du moins pour qu’elle cesse de saigner.

 

Puis il partit.

 

Elle resta finalement seule, dans cette rue vide et surplombée du palais en flamme. La rue lacunaire, n’y voyait pas un chat passer. Les poneys étaient soit partis regarder l’incendie de plus près, là où les pompiers éteignaient, soit chez eux à essayer de dormir ou à contempler le feu depuis leurs fenêtres.

La voix de Nightmare Moon ressuscita dans la pensée de Luna. Avec habitude, et aussi par réflexe sans doute, elle se remit à secouer sa tête.

Arrête ça. Ca ne sert à rien ce que tu fais. Lui dit Nightmare Moon. J’ai vraiment besoin de te parler, en ces moments décisifs.

Luna s’assit donc sur sa croupe et ferma les yeux pour entrer en méditation. Elle plongea dans l’immensité de son âme dont la profondeur y engouffrerait très facilement l’univers matériel tout entier. Dans les abysses les plus sombres, le néant prit forme, dans un lieu où aucune couleur n’était présente, ni même le blanc ou le noir. Ici, il n’y avait rien, le nada, le grand vide, celui qu’on ne peut nommer par aucun mot tellement ce vide aux profondeurs infinis étaient capables d’absorber son propre nom, son propre être. On le connaissait uniquement sous le nom de « ». Non… on ne pouvait pas le nommer.

Seuls deux êtres persistaient dans ce grand « », le Yin et le Yang du propriétaire de ce soi, vaste et immesurable. D’un côté, Luna se trouvait là, face à son double, celle avec qui elle avait fait sécession à cause des éléments de l’Harmonie. Nightmare Moon la contemplait avec un sourire, et elle semblait heureuse de la revoir. Oui, très heureuse.

Tu m’as tellement manquée Woona. Ca me fait si bizarre qu’après tout ce temps, on soit là ensemble. Tu refusais en permanence de me parler. Mais te voilà enfin. Et tu sais, moi, je ne désespérais pas. Je savais que cette heure viendrait.

Tu m’as demandée de venir. Et maintenant je suis là. Que me veux-tu ?

Nightmare Moon s’approcha d’elle et tendit une des ailes dans la direction de Luna, comme pour l’inviter à s’avancer afin de partager une étreinte.

Ca ne te semble pas évident ? Pendant trop longtemps nous étions séparées, trop longtemps nous étions divisées. Et ça m’attriste le fait que tu sois déchirée entre notre sœur et avec moi-même. Je t’ai vue souffrir et je pense, tout comme lui, qu’il serait temps d’y mettre un terme. Si ce déchirement continue, tu seras tellement désespérée que t’en viendras à mettre fin à tes jours, étant incapable de faire un choix.

Luna ne répondit pas, et regardait le « » en dessous d’elle, même si à la base « » les entourait globalement, et étant donc aussi en haut, à gauche, à droite, devant et derrière. Elle était ciselée, et cela se lisait très aisément dans ses yeux. Le remarquant, sa jumelle s’approcha encore, jusqu’à être nez à nez. Elle lui souleva la tête pour la regarder droit dans les yeux.

Allons, allons Woona. Si c’est parce que j’avais essayé de tuer ‘Tia qui t’empêche de me faire confiance, sache que je n’ai jamais été tout le temps ainsi. Et ça tu le sais bien. Tu sais pourquoi nous nous étions rebellées contre notre sœur autrefois. Elle ne nous prêtait aucune attention, tellement obnubilée par son trône d’or. Elle s’occupait exclusivement de ses petits poneys, comme nous. Nous on faisait pareil : on s’occupait d’eux, mais à un prix plus lourd, puisque ils ne nous aimaient pas. Tu t’en souviens ? On en était devenue jalouse par injustice, et comme tu avais toujours rejeté ce désir assassin d’éliminer ta sœur, tu m’avais demandée de le faire à ta place. Tu te souviens ?

Oui… je me souviens de pourquoi on s’était attaqué à elle. Mais je ne veux plus en entendre parler. Je souhaite tourner la page, après toutes ces années de culpabilité.

Tu te culpabilisais à cause des éléments. Ils ont changé ta manière de voir les choses. Il est juste de dire que nous avions agis par haine, mais avions-nous eu raison de le faire ?

Je ne veux plus manier l’épée. Je suis fatiguée de me battre.

Et c’est aussi la raison qui te pousse à ne faire aucun choix. Cette affaire entre ‘Tia et Ice Phoenix, en réalité est un parallèle avec notre situation. En aidant Phoenix, tu reconnais qu’il agit avec des impulsions semblables aux nôtres, et donc tu t’y reconnais toi-même. En aidant ta sœur, tu respectes cette unité sororale, ainsi que l’Harmonie qui t’avait offert une nouvelle base où se fonder. Mais toi, comme tu ne peux pas faire un choix décisif, tu balances entre les deux ; entre ‘Tia et Phoenix ; entre moi et cette Harmonie qui te veut séparée de moi.

Woona – ou plutôt Luna – ne put rien dire. Nightmare Moon, voyant que ce n’était toujours pas gagné à l’aider de choisir un camp, avança son front en direction de sa moitié, et lui baisa les lèvres. Luna ferma les yeux et se laissa embrasser. Un cycle parut reprendre. L’eau coula à nouveau dans ces canaux qui étaient taris. Cette nouvelle sensation d’unité lui apaisa l’esprit, ayant enfin retrouvé ce baume, cette morphine qui lui donna la paix intérieure ; cette paix si longtemps oubliée et maintenant retrouvée avec si tant de joie, que toutes douleurs disparurent. Ce déchirement, ce stigmate cessa de saigner. Luna était de nouveau complète, et se souvint alors de qui était réellement Nightmare Moon. Elle était ce Yang absent qui lui donnait ce sentiment d’incomplet, l’origine même de sa déchirure. Elle eut des larmes de joie en reconnaissant sa moitié perdue, par les caresses de ses lèvres sur les siennes.

Seulement quelques secondes après le relâchement du baiser, Luna se jeta entre ses pattes et ses ailes avec force, à un point que Nightmare Moon s’en sentit renversée et tomba sur ses fesses. Elle couvrit Luna avec ses ailes avec un franc sourire.

Tu… tu m’as tellement manquée Nighty.

Nightmare Moon sentit les larmes de bonheur de son Yin couler contre le pelage de sa poitrine. En réponse à sa réplique, elle ne fit que caresser sa crinière et lui gratouiller l’arrière de ses oreilles du bout de son museau. Luna avait encore son nez emmitouflé dans la fourrure de Nightmare Moon quand elle ajouta, près d’une minute après cet instant de communion.

Quel choix devons-nous faire Nighty ?

Peu importe le choix, nous devrons tirer l’épée. Encore une fois.

Je n’aime pas les épées : elles sont à double tranchants. N’existerait-il pas une alternative à toute cette histoire ? Ne pourrait-on pas arranger tout cela par l’amour ou l’amitié ?

Non. Nous parlons ici de faire un choix entre des pour/contre opposés et équitables.

Mais…

Je crois que tu n’as pas compris. On parle de trancher entre le pour et le contre. As-tu déjà essayé de trancher quelque chose avec une fleur ? Tu réaliseras très vite que c’est impossible. Seule une épée le peut.

Elles réfléchirent toutes deux un moment, mais très vite, Luna haussa la parole.

Nous allons aider Ice Phoenix !

Peux-tu te justifier s’il-te-plait ?

En retrouvant notre unité, nous avons enfin retrouvé cette paix que nous cherchions si tant, et qui nous était nécessaire pour faire un choix sans hésiter. Et Ice, actuellement, recherche cette même paix que nous, il a connu la même souffrance que nous. Et c’est parce qu’il nous a aidées à faire taire notre tourment que nous ferons taire le sien. Après tout, il est notre ami, nous le comprenons et nous connaissons sa souffrance puisque nous avions vécu exactement la même.

Quitte finalement à abandonner ‘Tia à la mort ?

Nous ne regretterons rien Nighty. Nous faisons ce choix en connaissance de cause. De toute façon, comme tu l’as si bien dit, il y a un prix à payer peu importe le choix. Donc autant accepter la fatalité tout de suite, et ne pas avoir de remord !

Nightmare Moon hocha doucement la tête, et prit la même voix déterminée de sa moitié.

Qu’il en soit ainsi.

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