Reine d’un jour

Je hochais la tête face à Chrysalis qui m’expliquait une dernière fois les règles. Cela avait l’air plutôt simple au final, il n’y avait pas de raison de fuir… Il me suffisait de récupérer l’adresse d’un étalon. Ça n’avait rien de compliqué, même sans pouvoir et couteau, je pouvais réussir cette épreuve les sabots dans le museau.

« Dès que tu auras l’adresse d’un étalon, tu la donneras à Chojo qui se chargera de confirmer si c’est bien la véritable adresse. » Elle fit venir un changelin en posant ses sabots sur chacune de ses épaules. « Ce petit est incroyable, il connaît par coeur toutes les informations sur chaque poney que ses frères ont rencontré ou croisé. »

Je ne voyais qu’un petit poney à la robe grise qui avait un regard qu’on aurait pu qualifier de livide. Il ne réagissait même pas quand Chrysalis lui caressait la crinière alors que j’étais certaine que plus d’un aurait tué pour avoir ce privilège. Le changelin me gracia d’un simple « Bonjour » avant de s’éloigner de sa mère et de se mettre au côté de Chicha, Little Star et son petit groupe. Je pouvais voir Cherba qui n’avait pas l’air serein. Je voulus me rapprocher de lui pour le rassurer, mais ce fut Chicha qui se plaça juste devant moi pour m’embrasser brusquement sans que je ne m’y attende.

« Jaloux. » Murmurais-je contre ses lèvres en gloussant légèrement.

« Tu parles, je sens à quel point tu es inquiète pour lui que tu ne réalises même plus que c’est toi qui es dans un beau merdier.

-Oh et alors ? Ce n’est pas si dramatique, c’est juste l’un des nombreux jeux de ta mère. »

Je vis le pégase blanc à la crinière bleue se pincer les lèvres en ayant un rire jaune.

« Tu n’as pas l’air de réaliser que tu t’es lancée dans un défi.

-La différence est si grosse que ça ? » M’enquis-je légèrement.

« Un défi a toujours une conséquence, et le gagnant ne laissera pas le perdant s’en sortir comme ça.

-Tu veux dire que j’aurais une dette envers Chrysalis ?

-Pas exactement, mais il est clair que tu viens de t’engager officiellement et ça lui donnera la possibilité de te demander quelque chose.

-Quoi ? Genre, juste un gage ? » Demandais-je perplexe. Ce n’était pas si dramatique après tout.

« On parle de Chrysalis, Cadance. Est-ce que tu es prête à lui laisser un simple gage ?

-... Je suis dans la merde ! » Lâchais-je en serrant les dents.

« On commence quand tu veux ma chérie ! » Lança Chrysalis qui semblait s’impatienter. Je la fusillai du regard avant de me mettre à ses côtés. J’avais encore une occasion de fuir, mais elle allait encore me retenir la queue avec sa magie sans la moindre difficulté si je faisais ça. Au moins, j’avais pu négocier le fait que si je n’avais pas droit à mes couteaux, elle n’avait pas le droit de se trimballer avec ses robes hors de prix. à nue, nous ne pouvions compter que sur notre physique et notre pouvoir de séduction. Mes chances n’étaient pas réduites à zéro en y repensant. Chrysalis était bien trop grande pour les jeunes étalons qui seraient vite intimidés. En réalité, elle ressemblait plus à une cougar qu’à une séductrice… Une belle cougar, mais une cougar quand même !

« Tu vas vraiment faire ça une cigarette en bouche ?

-Tu ne m’as pas interdit ça, il me semble ? » Précisa-t-elle en tirant dessus. « Si tu veux, je veux bien t’en donner une pour que nous soyons à égalité.

-Non merci, j’ai pas envie de ressembler à une pute. »

J’entendis la changeline exploser de rire alors que Little Star s’apprêtait à nous donner le départ. C’était elle qui avait été choisie comme juge pour ce défi. Elle n’était pas capable de sentir nos pouvoirs d’un simple coup d’oeil, mais c’était la seule jument qui arrivait à comprendre et analyser la réaction des poneys. Si elle voyait quelque chose de louche, elle n’hésiterait pas à nous disqualifier. J’étais son amie, elle allait peut-être m’aider à gagner, mais en y repensant, Chrysalis était son employeur… Je savais que je ne pouvais pas lui faire confiance !

« C’est parti ! » Annonça-t-elle.

Chrysalis et moi-même, nous jetâmes un dernier regard comme pour jauger la stratégie de chacune. Cela ne servait à rien de courir, il suffisait juste de trouver la bonne cible. J'observais alors la foule qui allait et venait, cherchant un poney qui pourrait facilement être séduit. Je basais ma recherche sur plusieurs critères : l’apparence, quelqu’un de pas trop petit, en général, les étalons étaient vite intimidés par ma taille qui dépassait celle d’un poney moyen. La couleur, en effet, même si ce point était délicat et ignoré de tous pour des raisons évidentes, les poneys se rapprochaient instinctivement de ceux qui partageait leur couleur criarde où au contraire, des couleurs bien discrètes ou foncées. La couleur d’un poney en disait long sur son caractère. J’espérais surtout trouver une licorne. Étant donné que je disposais d’aile et d’une corne, je pouvais facilement attirer la jalousie de beaucoup de monde qui ne s’attache qu’aux apparences et aux possibilités. Les terrestres se sentaient vite démuni par rapport à une jument qui disposait de tous les atouts qu’ils n’avaient pas à la naissance et les pégases jalousais le fait que je puisse autant jouir de la capacité de faire de la magie en plus de pouvoir me déplacer librement dans les airs. Ceux-là étaient tout à fait à exclure si je voulais rapidement séduire quelqu’un. Ils ne supportaient tout simplement pas que le seul atout qui permettait de se distinguer pouvait être offert à quelqu’un qui savait faire de la magie, en clair, ils n’avaient plus rien pour se vanter. Les licornes, eux, ne voyaient là que quelque chose de fascinant, leur permettant de montrer aux deux autres races quelque chose sur lequel se vanter à leur tour. Je savais que c’était très triste de réfléchir de la sorte, mais on y avait tous pensé au moins à un moment dans notre vie et face à Chrysalis, je savais que je n’avais pas de temps à perdre sur des états d'âme.

Je vis alors un étalon correspondre à la plupart de mes critères physiques. De taille moyenne, il possédait une corne qu’il mettait bien en évidence en gardant sa crinière bien dégagée sur cette dernière. De couleur jaune, je trouvais que c’était un excellent choix et que ça se mariait parfaitement avec le rose. Mon seul petit handicap était ma crinière balafrée de cette mèche noire et qui devait jurer avec sa crinière violette, mais je comptais bien mettre mes yeux en valeur et qui étaient parfaitement assortis à sa crinière.

Je me mis en marche, mais Chrysalis me dépassa au dernier moment. Analysant rapidement la situation, je compris que la changeline avait exactement la même cible en vue. Je me précipitais alors au galop lorsque je la vis essayer d’accoster ma future victime, et la percutais avec mon flanc pour la repousser violemment sur le côté. Je n’avais pas à faire le moindre cadeau pour Chrysalis.

L’étalon semblait tout à fait perdu en me voyant débarquer de la sorte. Il semblait assez jeune et c’était un bon point pour moi, même si je pouvais lui paraître assez intimidante, si je lui montrais à quel point je m’intéressais à lui, il ne pouvait pas me résister. Il me sourit légèrement, peut-être que c’était dû au fait qu’il s’était rapidement fait accoster par deux belles juments en l’espace d’une minute.

« Hum… bonjour. » Commençais-je en me raclant la gorge et en essayant d’adopter une posture des plus décontractée. « Excuse-moi de te déranger de la sorte, mais j’aimerais bien savoir où se trouve la rue Chasin. » Je vis du coin de l’oeil que Chrysalis s’éloignait en souriant. Elle n’allait pas chercher à m’affronter sur mon terrain et c’était intelligent de sa part. « J’ai entendu dire qu’il y avait des bars vraiment sympas pour y faire la fête.

-Euh… » L’étalon resta l’air béat pendant plusieurs secondes, soit il était déjà sous mon charme, soit j’étais tombée sur un benêt. Mais heureusement, il se reprit très vite pour me répondre. « L-la rue est à une bonne demi-heure de marche… mais je doute qu’il soit ouvert à cette heure-ci. En général, il n’ouvre que le soir pour les jeunes poneys qui veulent faire la fête. » Je rêve où il venait d’insinuer que j’étais vieille ? Ce n’était pas grave, je savais parfaitement comment gérer ce genre d’étalon.

« Ooooooh. » Fis-je en prenant mon air le plus penaud. « C’est vraiment dommage, j’avais vraiment envie de m’amuser avec les poneys de Canterlot. Je viens de loin, et je ne connais pas du tout votre ville, j’aimerais vraiment me faire des amis. » Je me rapprochais de lui alors qu’il reculait pour se retrouver coincé contre le mur de la bâtisse la plus proche. Je venais de le cerner, il n’avait aucun moyen de m’échapper, il suffisait juste d’attendre qu’il morde à la ligne. Je passais rapidement un sabot dans ma crinière en lui envoyant mon plus beau sourire.

« Eeeeeh bien… je crois qu’il y a un karaoké à moins d’un quart d’heure de marche d’ici… l’ambiance y est bien et les verres ne sont pas trop chers, il me semble. »

Je gardais le sourire, mais j’étais en train de crier intérieurement. J’étais vraiment en présence d’un benêt, comment est-ce que cet idiot n’arrivait pas à capter le moindre signe de ma part ?

« I-il fait aussi buffet à volonté pour seulement dix bits… » Ajouta-t-il de son air toujours si jovial.

« C’est un peu loin pour moi… » Gémis-je en prenant un air boudeur. « J’en étais sûre, je n’arriverai jamais à trouver de nouveaux amis dans cette ville ! » Je frappais du sabot avant de gémir davantage.

« I-il ne faut pas dire ça… » Me rassura l’étalon en se rapprochant de moi. C’était bon, j’étais en train de mouliner pour récupérer mon prix. « Vous savez, il y a plein de poneys très sympathiques qui adoreraient vous rencontrer.

-Ah bon ? Et qui ? » Je lui envoyais mon regard le plus larmoyant pour l’achever.

« Oh eh bien le karaoké de Canterlot adore les nouveaux membres, je vous assure qu’ils voudront vous connaître, surtout avec votre belle voix. Ils vous offriront certainement le buffet comme cadeau de bienvenue. »

Je ne savais plus quoi dire, me contentant de sourire en serrant les dents tellement fort que ça en devenait douloureux. C’était définitif, ce poney était réellement débile ! Je décidais donc de changer d’approche. Je me rapprochais alors de lui, faisant en sorte que son museau soit quasi collé contre mon encolure alors que je murmurais à son oreille :

« Mais c’est avec toi que j’avais envie de passer du temps… » Je me baissais un peu plus pour que mes lèvres touchent son oreille qui se mit aussitôt à s’agiter. « Tous les deux, juste entre nous, chez toi. »

L’étalon resta silencieux un moment pendant lequel il essayait de reprendre son souffle. Après avoir dégluti plusieurs fois, il me répondit :

« Euh… c’est que j’habite avec un ami dans un petit appartement, je ne pense pas qu’il apprécierait qu’on fasse un karaoké comme ça sans le prévenir à l’avance. »

Je sentis quelque chose se briser en moi, ce n’était pas mon coeur, mais bel et bien mes nerfs qui venaient de littéralement exploser à cause de cet andouille. Me mettant à glousser, je l’empoignai brusquement à la gorge et le plaquais violemment contre le mur en lui offrant mon regard le plus froid.

« Écoute-moi bien chéri, t’as dix secondes pour écrire ton adresse sur ce papier avant que je te retrouve pour te zigouiller ! » Lâchais-je alors que plusieurs poneys passaient et s’en allaient sans demander leur reste. Je déployais l’une de mes ailes rapidement pour en sortir le stylo et le morceau de papier que Chrysalis m’avait donné.

« M-mais… » Commença le poney, totalement paniqué. « Si vous ne connaissez pas mon adresse, pourquoi je vous la donnerais au risque de me faire zigouiller ?

-Arrête de parler ! » M’énervais-je en sentant encore d’autres nerfs exploser rien qu’au son de sa voix. Je me retournais aussitôt lorsque je sentis un sabot se poser sur mon épaule et vis Little Star avec un sourire fébrile.

« Cadance, tu as terminé ? Chrysti est revenue, donc il faudrait que tu nous donnes ton résultat.

-Oui, oui, je te suis. » Lui répondis-je en reprenant un air enjoué.

J’arrachais aussitôt le bout de papier que l’étalon tenait entre ses sabots et constata que celui-ci n’avait rien écrit. Je me mis à nouveau à crier intérieurement en me promettant que le jour où je deviendrai folle et que je serai un véritable monstre, cet andouille sera ma première victime.

Je suivis alors la pégase jaune jusqu’à la terrasse où je pouvais déjà voir Chrysalis m’attendre avec un sourire triomphant. Oui, c’était certain, elle avait triché !

« Bon, je n’ai rien vu de suspect… » Annonça Little star en levant légèrement un sourcil à mon égard avant de poursuivre. « Étant donné que Chrysti est arrivée la première, je vais lui demander de nous montrer l’adresse qu’elle a pu obtenir. » Elle regarda alors la changeline qui ne se départit pas de son air satisfait.

« En réalité, je n’ai pas eu une, mais quatre adresses.

-Quoi ?! » M’exclamais-je prête à lui sauter à la gorge. « Tu te fous de moi, tu as triché, c’est sûr !

-Cadance, calme toi, je n’ai rien vu de suspect. » Me rassura Little Star… ça marchait pas.

« Moi non plus. » Annonça Chicha qui était resté éloigné de la scène. J’aurais bien voulu le tuer à cet instant précis, mais je ne savais pas pourquoi j’aimais trop cet idiot pour faire ça… même si je commençais à sérieusement me poser des questions.

La reine changeline remit alors son bout de papier à Chojo qui le lit en se mettant à chercher dans sa mémoire.

« Alors vue les adresses il doit s’agir de Cola, Seven up, Canada Dry et… il y a même une jument, Ice tea.

-Quoi !? » M’exclamais-je à nouveau en entendant ça. C’était certain désormais, elle avait triché. « Comment est-ce que tu as pu faire ça ? » Je pointais la changeline qui terminait tranquillement sa cigarette avant de la jeter à terre et de me répondre :

« Une jument aussi grande à l’allure bien trop distinguée pour ces quartiers de Canterlot, une cigarette à la bouche… m’oui, je devais bien passer pour une cougar… » Je restais muette face à l’analyse qu’elle venait de faire, elle savait parfaitement la manière dont je l’avais décrite. « Tu sais ma chérie, le principal dans ces petits jeux de séduction, ce n’est pas d’éviter les aprioris que les gens pourraient avoir sur nous, mais bien d’assumer les stéréotypes. J’ai simplement joué sur ça pour séduire rapidement un groupe de poney qui ne voyait là qu’une proie facile pour eux.

-Mais c’est de la triche ! » Lâchais-je en frappant du sabot sur le sol.

« Je peux avoir ta participation ? » Demanda Little Star avant de m’arracher le bout de papier de la patte.

« Non, attends, je crois qu’il a fait une faute ! » Rétorquais-je, mais déjà, elle venait de passer l’adresse au changelin.

« Hmm rue des Carnes… c’est la même rue que Cadance… »

Je pinçais les lèvres en me mordant la langue. Même en comptant jusqu’à dix pendant une heure, je n’allais pas réussir à me calmer.

« Euhm… en réalité, c’est l’adresse où tu vis Cadance… » Annonça-t-il en remettant le papier à la pégase jaune qui le relit.

Je reportais mon attention sur Chrysalis qui m’observait d’un regard où je pouvais ressentir tout le dédain qu’elle éprouvait pour moi.

« Même pas fichue d’inventer une adresse… » Commenta-t-elle en secouant la tête.

Little Star elle, se mettait à rire bientôt accompagnée de son petit groupe et de Chicha qui étaient restés derrière.

« Qu-quel hasard… j’avais même pas remarqué que ce poney était mon voisin de palier, c-c’est surprenant, non ?

-Depuis combien de temps est-ce que tu n’es pas partie chasser ?

-C’est pas le mot que j’utiliserai… » Répondis-je à la changeline. « Et puis, j’ai déjà Chicha et Little Star… avant… disons que c’était compliqué.

« C’est très bien, tu vas avoir le temps de m’expliquer pendant que tu m’accompagnes.

-Quoi ? Attends, j’ai jamais dit que j’allais te suivre. » Rectifiais-je en sursautant légèrement.

« Tu as perdu notre petit défi, ma chérie, tu ne veux quand même pas me donner une occasion de t’en vouloir ? » Demanda-t-elle alors qu’elle s’était déjà retournée pour se mettre en marche. Elle s’arrêta cependant après quelques pas avant de me jeter un regard en coin.

Je ne savais pas quoi lui répondre et cherchai rapidement de l’aide en reportant mon attention sur Chicha. Je n’osais rien dire, mais j’espérais qu’il réussisse à lire sur mes lèvres pour qu’il comprenne ce que je lui demandais. « Sauve-moi !

-Tu n’as pas le choix, Cadance, si tu ne fais pas ça pour elle, les risques seront bien pires encore. Elle est imprévisible. »

J’avais complètement oublié la télépathie, et en reposant les yeux sur la reine changeline, je compris qu’elle venait certainement de tout entendre. Je n’ajoutai rien et me mis à sa suite, Chysalis avait gagné son petit jeu et maintenant, j’allais devoir me plier à ses règles. Je ne savais pas ce qu’elle allait faire et c’était bien ce qui me dérangeait, avec elle, il fallait s’attendre à absolument tout.

« Ne t’inquiète pas ma chérie, je nous ai prévus un petit moment de détente, rien qu’entre nous.

-Tue-moi tout de suite. » Répondis-je sèchement en me plaçant juste à ses côtés. En général, un moment de détente pour Chrysalis représentait une véritable torture pour moi.

« Non… d’abord, j’ai envie que tu me racontes ton histoire.

-Tu la sais déjà Chrysalis, depuis le temps que tu m’espionnes.

-Eh bien non justement. » Souffla-t-elle en se penchant sur moi. En y repensant, ce n’était peut-être pas une si bonne idée de lui avoir fait enlever sa robe, car elle n’avait absolument rien sur la ligne de son corps qui pouvait lui porter défaut. Mais ça, c’était des trucages de changelins ! « En réalité, je ne me suis pas toujours intéressé à toi et il y a encore beaucoup de choses qui me sont resté cachées. » Elle se mit à me sourire en se rapprochant encore de moi pour dire d’une voix amère : « Comme ta rencontre avec mon fils !

-Tu veux vraiment me faire croire que tu ne l’as pas obligé à te le dire ?

-J’ai failli le tuer lorsque j’ai appris qu’il couchait avec toi alors que je t’en voulais encore pour avoir tué l’un de mes enfants…

-Désolée pour Chonach… » Chonach était le fils de Chrysalis que j’avais tué parce qu’il avait agressé plusieurs poneys dans un secteur proche de Canterlot.

« Ne t’inquiète pas pour lui… Si tu ne l’avais pas fait, c’est moi qui aurais dû le faire. Il a désobéi à l’une de vos règles, mais il en avait enfreint davantage en ce qui concerne les lois de la ruche. Quoi qu’il en soit, quand j’ai appris ce que Chicha faisait avec toi, j’étais sur le point de le tuer lorsqu’il réussit à trouver les bons arguments. À partir de ce moment, c’est moi qui aurais dû me punir d’avoir été aussi idiote, c’est pourquoi je l’ai autorisé à garder cela secret.

-Et c’est pourquoi tu viens me le demander à moi ? »

La matriarche roula des yeux avant de soupirer. Je ne savais pas ce qu’elle attendait de moi, si tout ce qu’elle voulait, c’était mon histoire, alors j’allais rapidement expédier cela.

« Je suis devenue une succube à mes vingt et un ans. À l’époque, j’étais juste une élève de Celestia qui cherchait à comprendre le fonctionnement du coeur de cristal. La princesse du jour pensait que c’était une bonne idée de me mettre sur ce projet, car étrangement, ma marque de beauté était identique. Selon Celestia, c’était un signe du destin… la bonne blague. » Je pinçais légèrement les lèvres en suivant Chrysalis qui tournait à la prochaine rue. « Ensuite, je crois que toutes les créatures surnaturelles de Canterlot sont au courant, j’ai eu un incident avec le coeur de cristal. Et quand la princesse a décidé qu’elle ne pouvait plus rien faire pour moi, c’est sa soeur qui m’a récupéré… Je croyais au départ qu’elle faisait cela parce qu’elle voulait m’aider, mais j’ai vite compris qu’elle avait besoin d’une nouvelle poire pour s’occuper de Canterlot. J’étais perdue et seule, alors je lui faisais confiance, mais j’ai fini par comprendre qu’au final… elle voulait juste être sûre que je ne ferais pas partie de la liste des monstres de Canterlot. Pour elle, je ne suis qu’une succube, même si au fond, je sais qu’elle m’aime bien…

-Et c’est elle qui t’a appris ta nouvelle nature ainsi que la manière de te nourrir ?

-Oh non, ça, c’est ma grande soeur. »

Chrysalis s’arrêta pour me fusiller du regard la bouche entrouverte.

« Tu as une soeur ?! » S’exclama-t-elle. Je me mis à sourire en voyant pour la première fois, une Chrysalis réellement déstabilisée. Cela était tellement nouveau pour moi que je me mis même à rire.

« Ah ah, bien sûr que non ! Ma grande soeur était juste le nom que je devais donner à la succube qui m’a appris à contrôler mon pouvoir. En réalité, Luna ne savait pas réellement ce que j’étais, ni réellement succube, ni entièrement normale. Mon pouvoir, je le tiens du coeur de cristal, c’était un amplificateur, ce que je lui donnais, il le rendait en plus puissant. Va savoir pourquoi maintenant il faut que je le nourrisse avec le désir. Ma grande soeur m’a appris comment capter ce parfum, comment utiliser mon pouvoir pour qu’il l’attrape et le ramène en moi. Elle m’a aussi appris les conséquences que cela provoquerait pour un poney si je m’en servais trop souvent.

-J’adore voir les autres créatures chasser en groupe, ça me donne toujours l’occasion d’analyser les méthodes de chacun. »

Je haussais un sourcil en regardant la changeline avant d’étirer un léger sourire.

« Je suis du même avis... Je veux dire, j’ai vu tes enfants à l’oeuvre à une époque où tu ne cherchais pas à vivre en toute discrétion à Canterlot. C’est étrange comme ça semblait tellement plus simple avant. » Répondis-je réellement intéressée par ce sujet. Connaître ce genre d’information n’était jamais inutile.

« Disons qu’avant on utilisait beaucoup l’hypnose pour arriver à nos fins, malheureusement, les lois de Canterlot ne l’autorisent pas, même si c’est pour éviter de faire du mal. De toute façon, j’ai pu constater qu’un réel amour était tellement plus puissant qu’un poney qu’on forçait à aimer.

-Tu m’étonnes… » Murmurais-je en me rapprochant d’elle pour éviter un groupe de poneys qui n’avait décidément pas envie de s’écarter de mon chemin.

« Et comment se sont passées tes premières chasses ?

-Ce n’est pas comme ça que ma grande soeur appelait ça ! On ne chassait pas, selon elle, on dansait ! Et… disons que c’est elle qui me guidait pour trouver mes cibles et m’apprendre comme me nourrir sans blesser personne, même s’il y avait toujours des conséquences. La dépendance était le plus gros risque, et elle me forçait à changer régulièrement de partenaire.

-Mais… quand je t’ai connu, tu semblais parfaitement bien gérer ça.

-Quand j’étais avec Shining… oui, c’était plutôt facile. » Répondis-je sans pouvoir m’empêcher de glousser légèrement. « Et bien sûr, quand il a disparu, j’ai cherché à me retenir… mais c’était impossible. Pourtant, je ne pouvais pas m’empêcher d’essayer.

-Et c’est ainsi que tu as rencontré Chicha ? » Demanda-t-elle sans même me regarder. Je portai cependant mon attention sur elle pour la fusiller du regard.

« Tu as fait la promesse à Chicha qu’il n’avait rien à te dire et tu espères que je te raconte cette histoire ?

-Je ne t’ai fait aucune promesse à toi. »

Je pinçais légèrement les lèvres avant de hocher la tête légèrement.

« D’accord. » Après tout, si c’était tout ce que ça devait me couter pour qu’elle me fiche la paix, ce n’était pas cher payé. « Mais… Chicha, il ne m’en…

-Certainement pas. J’imagine que c’était parce qu’il se méfiait de moi qu’il ne voulait pas me dire tout ça, mais maintenant, il doit bien se douter que je ne lui en voudrai pas s’il s’était montré faible lors de votre rencontre. »

Je n’étais pas vraiment convaincue, mais pour moi, cette histoire n’était pas vraiment dérangeante pour lui… même si j’espérai qu’il ne m’en veuille pas si je la racontais.

« Tu ne lui diras rien ?

-C’est entendu. »

Je hochais alors la tête en soupirant.

« Bref. Quelques semaines après la disparition de Shining. J’ai compris que je ne pouvais pas me contenter d’ignorer mon pouvoir, même si mon partenaire était absent, ma part succube voulait toujours se nourrir, peu importe avec qui. Alors un soir où j’étais en manque complet, j’ai fini par ne plus pouvoir me contrôler… J’étais à peine consciente de ce que je faisais… tout ce dont je me souviens au début, c’était de marcher dans les rues de la ville en titubant et en me collant à chaque étalon en rigolant comme une hystérique. Je crois que j’ai même reçu un sabot dans la tronche… »

J’entendis Chrysalis se mettre à glousser, mais se ravisa rapidement en me voyant froncer les sourcils.

« Donc… à force de ramasser des vestes sans même pouvoir faire quoi que ce soit pour éviter ça. J’ai fini par tomber sur Chicha… ou plutôt Antonio de Riviera… » Je m’arrêtais pour interroger la reine changeline du regard, celle-ci se renfrogna aussitôt en ayant l’air vexée.

« Ce n’est pas moi qui choisis les noms de mes enfants si tu veux tout savoir ! Ils essayent de s’adapter à la situation, alors continue ! Mi Amore Cadenza ! » Dit-elle avec un léger sourire. Mon nom était bien meilleur que le sien ! « Quoi qu’il en soit, ça pourrait bien être la raison pour laquelle il n’a voulu rien me dire…

-Oui… et je crois que beaucoup de tes enfants doivent retravailler leurs noms d'emprunt… Bref. Face à Chicha, la succube n’a pas cherché à analyser les risques. C’était un étalon tout à fait banal et c’était tout ce qu’elle demandait…

-Et vous avez fait ça comme ça ? Au beau milieu de la rue ? » S’inquiéta Chrysalis. Je ne savais pas si elle s’inquiétait que des innocents puissent découvrir l’apparence de Chicha, ou si elle s’en faisait pour mon image personnelle.

« Non ! Bien sûr que non !... J-j’ai essayé de trouver une ruelle à l’écart… T-tu vois le genre d’endroit ?

-Caché derrière les poubelles entre deux restaurants ?

-C’était une urgence ! » Lâchais-je sans faire attention aux passants qui étaient près de nous. « J’avoue, ça n’avait rien de glorieux… mais ce n’était pas moi qui choisissais… j’étais comme incapable de diriger le moindre de mes mouvements. Et dès que j’ai trouvé une cible qui semblait se laisser faire, je n’ai pas hésité. » J’attendis une réaction de la part de Chrysalis, mais celle-ci resta silencieuse. Je ne savais plus trop quoi raconter… cette histoire était déjà bien gênante au départ pour ajouter des détails précis. « Eeet donc… ensuite… j’ai laissé la succube faire son travail…

-Et tu veux dire que tu n’y étais pour rien personnellement ?

-Non ! » Je réfléchis un instant pour comprendre où la changeline voulait en venir. « Si tu insinues que mon pouvoir peut prendre le dessus sur moi au point de penser et réfléchir par lui-même, je t’arrête tout de suite, il n’y a que moi ! Mon pouvoir est juste capable de me diriger quand je suis en manque, mais rien de plus, je reste la décisionnaire !

-Oooh, mais je n'insinue absolument rien ma chérie. » Dit-elle avec l’un de ses faux sourire.

-...Mouais... Pour terminer l’histoire, Chicha a fini par perdre son déguisement pendant que j’étais en train de me nourrir de lui. Disons que dans la position où il se trouvait, il n’avait aucun moyen de se défaire de moi, ce qui me laissa le temps de rapidement prendre l’une des lames que j’ai toujours sous mes ailes pour le calmer rapidement.

-Oh oh, et tu penses qu’il t’aurait fait du mal ?

-Disons qu’à l’époque, je pensais encore que tu voulais juste me tuer rapidement, alors oui, j’ai cru que j’étais tombée dans l’un de tes pièges.

-Et qu’est-ce qu’il a dit pour te convaincre et devenir ton compagnon ? »

Je soupirais un moment en me mettant rapidement à compter mentalement jusqu’à dix. Je n’étais pas spécialement énervée, mais revenir sur une histoire aussi étrange et lointaine, demandait beaucoup de réflexion. Pourtant, je savais qu’au fond de moi, je pouvais la raconter par coeur.

« En réalité, c’était moi la plus effrayée de nous deux… Lui se contentait de me rassurer en m’expliquant que tu ne serais jamais au courant, et moi, je ne le croyais pas et me demandai comment j’allais me sortir de ce nouveau merdier. Alors il a continué de m’expliquer sa situation, il m’a dit qu’il ne t’aimait pas… »

Cette fois-ci, j’arrêtai de raconter mon histoire pour voir la réaction de la changeline, mais elle se contenta de hausser les épaules avant de me dire :

« Mes enfants sont prêts à tout pour arriver à leur fin.

-Et tu veux me dire que je n’étais qu’un objectif pour lui ? » Répondis-je vexée.

« N-non ! Bien sûr qu’il t’a aimé au premier regard ma chérie… Ce que je veux dire, c’est qu’il était prêt à mentir pour que tu ne t’inquiètes pas.

-Tu sais quoi ? Moi, je crois que c’est toi qui mens. Je ne sais pas ce que pensait Chicha au départ, si on s’est revu, c’est parce que je l’ai gardé séquestré chez moi durant une semaine avant de lui faire réellement confiance.

-Et il aurait pu facilement me prévenir, pourtant, il ne l’a pas fait ! Tu vois, il t’aime.

-Ou il espérait vraiment arriver à ses fins ! » Lâchais-je aigrie. « Je ne sais pas où est la vérité du mensonge de ce qu’il m’a dit ce jour-là, mais pour moi, soit il était honnête avec moi et il ne t’aime vraiment pas, soit, c’est moi qu’il n’aime pas. » Je sentis un sabot se poser sur mon épaule et me serrer assez fort pour que je me stoppe net.

« Écoute-moi bien… ma chérie. » Commença Chrysalis en reprenant un large sourire. « Peu importe la manière dont ça s’est fait et ce qu’il a pu dire sur le moment, c’est le passé et il n’était pas le même qu’aujourd’hui. Qu’il se soit servi de toi ou de moi, ça n’a plus aucune importance ! »

Je vis dans le regard de Chrysalis que ça n’était pas fini, pas pour elle… et ni pour moi. J’étais bien trop heureuse avec lui pour essayer de lui reprocher cela, mais qu’est-ce qu’il en était pour la reine changeline. Je pris alors son sabot qui me tenait et la regardai droit dans les yeux avant de lui demander.

« Chrysti… Tu ne feras rien à Chicha, hein ? »

Elle secoua légèrement la tête en laissant un rictus apparaître sur ses lèvres.

« Ne t’inquiète pas ma chérie, je ne ferais rien qui puisse nuire à Chicha ou à toi. Jamais. » Elle fit alors remonter son sabot sur mon encolure pour la tirer vers elle de sorte que je me penche face à elle. Elle posa ensuite ses lèvres sur mon front, juste à côté de ma corne. « Je te le promets. »

Ça n’était pas des mots en l’air, nous le savions parfaitement bien, et c’était justement ça qui m'effrayait. Chrysalis tenait réellement à moi… c’était difficilement envisageable. J’avais toujours pensé qu’elle me disait ça juste pour se moquer. Mais dans ses yeux, au moment où je reculais légèrement, je vis à travers ses lunettes que son regard n’était pas le même que d’habitude. Elle n’avait pas l’air joyeuse, l’air habituel qu’elle avait en face de moi quand elle était certaine de gérer la situation. Elle n’était pas non plus en colère, je l’avais déjà vu se retenir de m’ouvrir la gorge parce que je l’avais poussée à bout. En réalité, elle devait se sentir triste à l’heure actuelle. Je ne savais pas comment j’arrivais à deviner cela, mais pour moi, ça ne faisait aucun doute.

« T’as raison… C’est le passé. Maintenant, j’aime Chicha, et je dois aussi me coltiner sa mère envahissante qui essaye de me refourguer tous ses enfants.

-Je suis désolé pour ça ma chérie, mais… c’était vraiment pour t’aider que…

-Oh, mais ne t’inquiète pas. Disons qu’il va me falloir un temps d’adaptation, mais Cherba a son charme… »

Chrysalis se mit à rire en collant un sabot contre sa bouche avant de venir m’enlacer en soupirant. Je ne savais pas comment considérer son geste. Je me méfiais toujours et pourtant, j’étais certaine qu’elle ne me ferait rien de mal et que ce geste était réellement honnête.

« Je ne mérite pas un instant tout ce que tu fais pour moi… » Murmura-t-elle avant de me libérer doucement. Je n’allais rien ajouter à ça. Chrysalis était consciente que je ne lui faisais pas confiance et même si ça ressemblait à un aveu de sa part, j’étais certaine qu’elle n’irait pas me dire toute la vérité.

…

« Je croyais que ton petit jeu était terminé. » Demandais-je énervée. « J’ai répondu à tes questions, alors maintenant fiche moi la paix ! » La changeline me regardait avec un étrange sourire alors que nous nous trouvions juste devant chez Ember. Le reste du trajet s’était fait de manière silencieuse, et même si je me doutais que nous ne retournions pas au Tasty Treat, rien ne pouvait me préparer à retourner voir la matriarche géante.

« Je n’ai jamais dit que répondre à mes questions faisait partie de mon gage, ma chérie. C’était juste une simple discussion, entre juments, tu n’as jamais fait ça ?

-Ah ah, ouais, les trucs du genre, c’est pas vraiment mon style, surtout avec une matriarche amoureuse de moi. » Répondis-je en reculant d’un pas.

« Cadance, tu sais que ce petit jeu a beaucoup de valeur pour moi et que si tu ne réponds pas à ma demande, je risque d’encore te faire de la peine. Et tu sais que ça m’en fera aussi. » Dit-elle en soupirant légèrement.

« S’il te plaît Chrysti. Tu sais que je ne t’aime pas et que je me méfie de toi, alors je t’en prie, ne me lance pas encore dans l’un de tes petits manèges où l’on sait très bien que ça finira mal pour l’une d’entre nous.

-Allons, ma chérie, tout ce que je veux, c’est t’inviter pour une séance de spa chez Ember. Rien de plus.

-On sait toutes les deux que ça n’est pas juste un spa… »

Chrysalis se mit à glousser légèrement en penchant la tête pour que je puisse apercevoir son regard derrière ses lunettes.

« Tu as aussi moyen d’éviter ça si tu me donnes la réponse que je souhaite entendre à cette question : Est-ce que tu me fais confiance ? »

Je fronçais les sourcils face à la changeline qui ne se départit pas de son sourire. Était-elle sérieuse avec cette question ? Elle savait très bien ce que je pensais d’elle et je ne pense pas qu’un simple mensonge de ma part la satisferait.

« Non… Tu le sais très bien. »

La matriarche sembla se renfrogner quelque peu, s’attendait-elle à ce que je lui mente ? Puis, sans rien ajouter, elle se dirigea vers la petite tour d’Ember avant d’entrer sans même frapper. Je restai là un instant, me demandant si elle venait de me rendre ma liberté, mais j’entendis bien vite :

« Arrête de trainer ! »

Me mettant au galop pour rejoindre Chrysalis qui semblait avoir perdu toute bonne humeur, je me demandais encore s’il ne valait pas mieux s’enfuir et prendre davantage de risque.

À l’intérieur, je vis le poney qui était derrière son pupitre se décaler pour pouvoir s’incliner en enlevant son déguisement. Chrysalis en fit de même avec le sien. C’était celui qui avait un oeil en moins, cela me donnait toujours des frissons en le voyant.

« M-matriarche… n-nous ne vous attendions pas de la journée, dois-je faire venir la prisonnière ?

-Non, c’était bien mon intention de faire une petite visite sans prévenir, alors n’allons pas gâcher la surprise à Ember. »

Le changelin n’avait pas l’air spécialement ravi de cette annonce et restait prostré au sol sans oser faire le moindre mouvement.

« Cadance, après moi ! » Annonça Chrysalis sans même me regarder. Dans cette situation, je ne pouvais faire que lui obéir et lui emboiter le pas. « Chenet, n'avertis pas tes frères ! Est-ce bien clair ? » Demanda-t-elle sur un ton qui ne supporterait aucune contrariété. Elle attendit ensuite la réponse du changelin avant de gravir les marches.

« O-oui, Matriarche… M-mais la prisonnière est actuellement avec un client. »

La reine changeline semblait n’en avoir rien à faire et grimpa les marches avec l'élégance dont elle faisait toujours preuve, peu importaient les conséquences. Elle pouvait avoir l’air belle à n’importe quelle occasion, mais dans ce genre de situation, cela ne la rendait que plus dangereuse encore.

« Chrysalis… Elle est avec quelqu’un… qu’est-ce que tu lui veux ? » Demandais-je légèrement inquiète. Pas spécialement pour Ember, mais par principe.

« Ma chérie, quand j’aurai besoin de ton avis, je te le signalerai. » Me répondit-elle sur un ton cassant.

Je restai alors silencieuse, je ne souhaitais pas lui obéir, mais pour le moment, je ne savais pas de quoi elle était capable, et je n’avais pas envie d’être sa cible. Chacun des pas qu’elle faisait sur les marches produisait un son qui semblait bien plus lourd que la normale, le corps de la changeline était chargé de puissance, pour moi, il n’y avait aucun doute, quelqu’un allait regretter d’être ici.

Chrysalis passa la porte de nouveau sans frapper, elle était chez elle après tout. Nous nous retrouvâmes dans le petit salon où deux changelins avaient enlevé leur déguisement pour saluer la matriarche. La porte de la salle de bain était ouverte, mais je ne voyais pas l’autre changeline à l’intérieur.

« Ember. » Fit Chrysalis sans élever la voix, c’était impossible qu’elle puisse l’entendre, pourtant, plusieurs bruits sourds furent produit juste au-dessus de nous. Une grande jument blanche descendit alors les escaliers qui menaient à la chambre d’Ember.

Je baissais aussitôt les yeux en reconnaissant la princesse Celestia, pourquoi se trouvait-elle ici ? Je reculais légèrement, paniquée avant d’entendre Chrysalis lui hurler dessus.

« C’est ainsi que tu te présentes à ta matriarche !? »

Ma tétanie s’arrêta bien vite en l’entendant, je fusillai alors la grande jument blanche du regard et cette dernière se laissa cerner par les flammes, avant de reprendre son apparence originelle.

« Aaahrg, Chrysalis, tu sais qu’il me faut beaucoup plus de temps pour reprendre mon apparence ! » Se plaignit Ember en titubant sur les marches.

À en juger par ce qu’elle venait de dire et la corne de Chrysalis qui brillait encore, c’était certainement cette dernière qui lui avait enlevé son déguisement. Mais pourquoi cela semblait douloureux avec Ember ? Peut-être que c’était dû à sa taille qui venait presque de doubler… Chicha m’avait déjà dit que certains détails étaient plus compliqués que d’autre à modifier.

La matriarche à la crinière d’un jaune doré qui lui était unique avança d’un pas lourd jusqu’à Chrysalis qui restait immobile à mes côtés. Elle s’inclina presque en s’effondrant avant de soupirer et de lever son regard du même jaune que sa crinière sur sa supérieure. Cependant, elle ne dit rien, se contentant de juger du regard Chrysalis en attendant quelque chose, mais je ne savais quoi. Sa sentence peut-être ?

« Ember, tu n’as pas oublié Cadance, j’espère ? » Commença alors Chrysalis. « Elle est venue te rendre une petite visite la nuit dernière.

-Oh oui, nous avons discuté de l’incend…

-Silence ! » Éructa-t-elle en frappant du sabot, juste à côté de la tête de l’autre changeline. C’était impressionnant de voir Chrysalis tenir en respect une créature de cette taille. « Je me suis montrée généreuse envers toi à plusieurs reprises et voilà comment tu me remercies ? En allant semer la zizanie dans ma propre ruche ?

-Quoi ? Hey, je ne fais pas partie de ta ruche, je te l’ai déjà dit ! » Intervins-je, m’attirant aussitôt le regard incrédule des deux matriarches. « J-je veux dire… elle n’a rien fait à ta ruche…

-Peut-être. » Reprit Chrysalis avant de se retourner sur Ember. « Mais je sais très bien ce que tu cherchais à faire ! » Elle empoigna sa crinière pour la soulever jusqu’à son museau, ce qui était plutôt grotesque dans l’idée qu’Ember n’avait qu’à se redresser légèrement pour cela.

« Pitié ma reine… » Souffla Ember sans la moindre trace de peur dans sa voix, pourtant, on pouvait sentir qu’elle la suppliait vraiment.

« Ne me désobéis plus… » Cracha Chrysalis entre ses dents avant de la lâcher et de se retourner sur moi brusquement. « Bon alors, on le fait ce spa ? Je te conseille les massages d’Ember, elle est réellement douée pour ça.

-Pardon ? » Demandais-je en secouant la tête pour reprendre mes esprits. Chrysalis venait réellement de faire comme s’il ne s’était rien passé ?

« Allons, ma chérie, je te rappelle que c’est pour ça qu’on est là, tu ne te rappelles pas mon petit gage ?

-Hey, où est-ce qu’il est mon soleil ?! » S’exclama un étalon en descendant les marches qui menaient à l’étage. Il semblait avoir beaucoup de mal à se tenir debout et titubait entre chaque marche en s’appuyant contre le mur. « J’avais pas fini, et je m’en fous de savoir ce qu’il se passe ici, je veux juste mon putain de soleil ! » Arrivant à la fin de l’escalier, il ripa sur les deux dernières marches et réussit par miracle à se rattraper.

« Oh, désolée mon amour. » Fit Ember en reprenant rapidement l’apparence de la princesse Celestia, mais sans reprendre sa taille, Chrysalis, elle, ne semblait n’y voir aucune urgence. Ce poney devait certainement être au courant de l’autre monde, et en y repensant, appeler Celestia « Mon soleil » était propre à un type de créature...

« Renvoie-moi ce solaire, Ember ! » Ordonna la reine changeline sur un ton sec.

« Hey ! J’ai pas payé pour rien ! » Dit-il en ayant l’air de roter entre chaque mot… ou peut-être qu’il s’étranglait. Je ne savais pas, avec ce genre de créature, on pouvait s’attendre à tout.

Ember se rapprocha de l’étalon avant de le regarder pendant un moment. Le terrestre à la robe blanche et à la crinière mal coiffée sembla alors perdre tous ses moyens face au regard pourtant doux de la régente solaire.

« Vous savez que je ne suis qu’une illusion mon beau chevalier.

-...Je sais… » Dit-il d’une voix rauque en plaquant ses oreilles sur son crâne. « Arrête de me dire ça, j’ai payé pour un mensonge, pas pour me guérir.

-Veuillez m’excuser, mais j’ai une autre affaire urgente à régler et je ne pourrais pas satisfaire vos désirs dans cet état.

-Mon soleil… Tu sais que ma foi n’est plus aussi solide qu’avant… J’ai besoin de toi.

-En échange, je vous laisserai me rendre visite gratuitement cette semaine… Pendant une heure ! »

L’étalon retrouva alors aussitôt son enthousiasme et se mit à offrir un sourire ravageur à la changeline en lui attrapant le sabot pour la pencher vers lui. Il l’embrassa alors brutalement en produisant plusieurs soupirs qui me firent rouler des yeux. Tout ce que je pouvais espérer, c’était qu’il lui vomisse dans la bouche, et là encore, je n’étais pas certaine que ça dérange Ember… Eeeww.

Le terrestre blanc s’écarta alors en titubant sur ses sabots et en reprenant une bourse qui était sur la table, passant devant Chrysalis et moi-même. Il s’arrêta juste devant moi et haussa un sourcil avant de se mettre à sourire.

« N’y pense même pas, abruti ! » Lâchais-je avant qu’Ember revienne sur le poney pour passer un sabot sur son épaule et de l'entraîner vers la sortie.

« Mon soleil… tu m’en voudrais si je te demandais ça, mais est-ce que tu pourrais prendre la même couleur rose que cette jument ? »

J’entendis alors Ember se mettre à glousser avant de se pencher sur l’étalon pour chuchoter quelque chose à son oreille. Heureusement, elle quitta bien vite la pièce en refermant la porte derrière elle.

« Maintenant qu’on est seules, tu peux m’expliquer ce que tu viens de faire ? » Demandais-je à Chrysalis, déstabilisée. Cette dernière se contenta de hausser les épaules en relevant un sourcil.

« Et toi ? Pourquoi as-tu protégé Ember ? Tu viens de lui épargner une bien lourde punition…

-Oh c’est bon, arrête avec tes punitions ! La seule qui prend ces derniers temps, c’est moi ! Mais toi, pourquoi est-ce que tu t’amuses à la menacer pour oublier tout ça la seconde d’après ?

-Nous sommes des changelins ma chérie ! » Dit-elle en levant un sabot pour se désigner elle-même. « Je ne peux cacher mes émotions, tout comme elle, alors nous ne cherchons pas à nous détourner de ce que nous ressentons. Je suis en colère contre elle, et je ne pouvais pas lui cacher, c’est pourquoi j’ai décidé d’être claire avec elle pour qu’elle comprenne la raison de ma colère. C’est comme ça que nous fonctionnons entre nous. Désolée, mais il faudra t’y faire. Nous ne sommes pas des lunatiques, nous cherchons juste à être clairs sur ce que nous ressentons. »

Je soupirai en me demandant pourquoi Chrysalis tenait à ce point à me faire venir ici. Comme à mon habitude, je me méfiais du moindre piège vis-à-vis d’elle, mais à chaque fois, il était trop tard quand je comprenais ce qu’elle voulait faire.

Ember revint alors dans la pièce où nous nous trouvions, je n’avais pas à me poser de question, c’était bien elle dans son déguisement de Celestia… rose, désormais. Je me mis à soupirer en comptant jusqu’à dix mentalement. Même si elle faisait ça uniquement dans le but de m’énerver, je n’arrivais pas à rester calme. C’était à chaque fois comme ça, Chrysalis ou Ember, je tombais à chaque fois dans les petits jeux des matriarches.

« Oh allons ma chérie, ne viens pas me dire que la couleur ne lui va pas… » Dit-elle en levant légèrement une patte avant et une autre arrière.

« Si tu es là pour t’occuper de moi, j’imagine que tu vas avoir intérêt à obéir au moindre de mes désirs… » Déduisis-je en me mettant à lui sourire, les oreilles bien dressées.

« Absolument ma chérie, cela sera ma punition pour ce que je t’ai fait, et j’espère que nous pourrons en profiter toutes les deux malgré tout.

-Je ne pense pas… » Maugréais-je en continuant de lui sourire.

« Tu peux enlever ce déguisement grotesque ! » Lâcha alors Chrysalis qui semblait s’impatienter avant de se mettre en marche vers l’escalier. Elle voulait que l’on fasse ça dans la chambre d’Ember ? Même si j’aimais son lit king size, celui-ci n’était pas spécialement prévu pour faire de simple massage… « Cadance, ne traine pas… » Dit-elle en m'intimant de la rejoindre du sabot. « C’est bien pour toi que j’ai décidé d’alléger sa punition, mais si tu le désires, nous pouvons toujours changer en cours de route. » Parler de la sorte du destin d’Ember n’était pas vraiment quelque chose qui me plaisait, surtout quand l’immense changeline était juste derrière moi.

« Pourtant, dehors tu disais déjà que nous irions au spa, donc, tu n’as jamais prévu de la punir d’une manière plus violente ! » Déduisis-je alors que j’entendais Ember se moquer de moi. Je tournais la tête derrière moi pour voir l’alicorne rose deux marches plus bas se mettre à me sourire en secouant la tête. Elle était toujours plus grande que moi…

« Caddy, tu es tellement amusante quand tu veux.

-On t’a pas dit de reprendre ta vraie forme ? » Rétorquais-je en faisant claquer ma queue juste devant son visage, ce qui la fit à nouveau glousser.

« Pourtant je pensais qu’elle te plairait… » Murmura-t-elle. Je déglutis brusquement en expirant le plus calmement possible. C’était impossible qu’elle soit au courant de cette histoire, mais il ne fallait pas que je lui montre mes émotions à ce moment-là.

« Pas avec cette couleur ! » Lâchais-je en essayant d’être la plus naturelle possible. « Jamais je ne sortirais avec quelqu’un du même rose que moi…

-Donc tu es de ceux qui croient aux couleurs qui lient nos destins ? » Demanda Ember sans se départir de son sourire jovial.

« Le jour où j’ai perdu mon compagnon et le blond de ma crinière, je me suis dit qu’il fallait peut-être considérer la chose ! » Répondis-je sèchement en gravissant les dernières marches de l’escalier. « La magie des couleurs ne semble pas spécialement être prise au sérieux, pourtant, pourquoi est-ce que nous sommes l’une des espèces qui dispose de la plus grande diversité à ce niveau ? Si ça n’était pas important d’une quelconque manière, nos ancêtres ne seraient pas passés d’un lot de couleur terne à un panel aussi vaste que celui dont nous disposons actuellement. » Je m’arrêtai un instant de parler pour observer la chambre d’Ember et respirer l’air qui était rempli de différentes odeurs d’aphrodisiaque et de phéromone. Heureusement que ma nature m’immunisait, mais l’air était tout de même irrespirable.

« C’est vrai que beaucoup de poneys font attention à ça… » Jugea Ember en me dépassant pour se rapprocher de Chrysalis. « Certains même demandent la couleur avant même de choisir la personne… parfois même, cette dernière est indifférente, tant qu’ils ont la couleur qu’ils souhaitaient.

-Ma chérie pourrait t’aider à satisfaire tes clients avec son expertise des couleurs… » Gloussa alors Chrysalis avant de s’allonger sur le grand lit.

« Même si j’étais ton esclave, il est hors de question que je joue la prostitué pour toi ! » Intervins-je en m’installant à mon tour sur le lit, n’attendant pas un ordre de Chrysalis ou une invitation d’Ember.

« Oh, ne t’inquiète pas pour ça ma chérie. » Fit cette dernière en se plaçant juste au-dessus de moi en plaquant l’un de ses sabots juste entre mes ailes. « Je fais déjà le travail à ta place… » Je sentis son sabot remonter le long de ma colonne. Était-elle au courant que quand on massait, il ne fallait pas appuyer de la sorte sur cette dernière ?! Je serrai les mâchoires en sentant mes os se briser… ou se déplacer… quoi qu’il en soit, le bruit qui provenait de mon dos ne me rassurait pas du tout !

« Attends une minute, t’as quand même pas utilisé mon corps pour faire tes saloperies ?! » M’exclamais-je en me tordant le cou pour pouvoir voir l’expression de la changeline.

« Cela me fait du mal de te l’avouer, mais j’ai plusieurs clients qui ont déjà exprimé le désir de coucher avec toi. Et je n’ai pas utilisé TON corps, juste ton apparence. » Ember se pencha un peu plus sur moi, laissant nos visages à quelques centimètres d'écart l’un de l’autre avant de placer ses sabots à plat juste sous mes ailes et de masser cette région. Je m'étendis aussitôt sur le lit en la sentant remonter le long de mon corps alors que je lâchais malgré moi un soupir d’aise.

Cette fois-ci, ce fut au tour de Chrysalis de glousser. Je reportais mon attention sur elle et vis que plusieurs changelins étaient à ses côtés pour s’occuper de son bien-être. L’un s’occupait de frotter avec une étrange crème sa carapace dorsale, tandis qu’un autre lui brossait la crinière. Un changelin s’occupait de limer ses sabots qu’elle étendait pour plus de faciliter. Un dernier de ses fils était simplement couché devant elle et se contentait de lui servir d'appui-tête. Tous ces changelins étaient des mals formés, l’un n’avait plus d’oeil, un autre semblait avoir du mal à marcher et celui qui était juste sous Chrysalis n’avait simplement pas de corne.

« Si Chrysalis n’était pas là, je crois que le sang de l’une d’entre nous aurait déjà coulé… » Murmurais-je en gémissant de plaisir.

« Parce que tu penses être plus dangereuse qu’elle ? » Me demanda la changeline juste au-dessus de moi avant d’étendre mes ailes pour les mettre de chaque côté du lit.

« Non… Mais je sais que toi, comme moi, nous lui sommes plus utiles vivante que morte… » Deux changelins vinrent près de moi pour s’occuper de mes ailes. Chrysalis quant à elle se contentait de m’observer sans rien dire. « Et si elle doit te punir personnellement, elle fera en sorte de faire ça lentement pour te laisser le temps de regretter ce que tu as fait… Moi, je me contenterai d’agir selon les règles d’Equestria et chercherait uniquement à te tuer, aussi simplement que ça. Si Chrysalis te laisse faire tes caprices, c’est uniquement parce qu’elle sait qu’elle ne peut te contrôler, tout comme moi. » Je sentis Ember et les changelins autour de moi s’arrêter de travailler. Toute l’attention de la pièce était dirigée sur Chrysalis qui ne disait toujours rien. « Si tu décidais d’aller contre ses ordres, Chrysalis chercherait à te punir encore et encore jusqu’à ce que tu comprennes, mais si tu ne souhaites pas te soumettre, elle sera obligée de te tuer, et ça, ce n’est pas lui rendre service dans sa quête de pouvoir. » Je me mis à sourire à la reine changeline tout en haussant les sourcils, elle se contenta de me rendre simplement un léger sourire avant de détourner le regard. Je sentis alors les sabots d’Ember et les changelins à mes côtés se remettre au travail.

« Ma place me convient parfaitement ma chérie… » Murmura Ember d’une voix grave. « Si ce n’est pas Chrysalis qui me tue, ça sera une autre matriarche qui ne me voit que comme une abomination… Avec elle, j’ai une raison de vivre, cela me convient. »

Le silence retomba alors brusquement. Je ne savais pas si je devais continuer de m’acharner sur Chrysalis ou Ember, ou si je devais plutôt profiter du traitement que cette dernière faisait. Après tout, j’étais comme elles. Je ne pouvais pas cacher mes émotions, alors il valait mieux vider mon sac rapidement avant de passer à autre chose. C’était tout de même pratique en réalité. Je serrai les dents en sifflant légèrement lorsque l’un des changelins occupés à retirer les mues de mes ailes, me mordit un peu trop fort. Ils auraient pu faire ça au sabot, mais c’était bien moins pratique que d’utiliser ses dents. Et après tout ce qui m’était arrivé, je n’allais pas me sentir gênée en laissant l’un des enfants de Chrysalis faire ça pour moi.

« Comment avance ton enquête, ma chérie ? » Demanda alors Chrysalis au détour de rien.

« J’imagine que tu dois être déjà au courant de tout. Après tout, je ne peux pas faire un pas dehors sans avoir un changelin qui me suit.

-Dis-toi que c’est pour ton bien… » Rétorqua-t-elle d’une voix qui ne se voulait pas particulièrement chaleureuse. « Mais tu comprendras bien que je n’ai rien entendu de ce qu’il se passait chez les quatre chevaux de l’apocalypse. Tu sais pourtant que cette histoire m’affecte de sorte que je me retrouve à vivre chez toi.

-Tu ne l’as pas fait parce que tu étais en danger, mais pour venir me prendre ! » J’entendis Ember se mettre à glousser à l’entente de cette phrase ce qui me fit rouler des yeux. “...Guerre n’a rien à voir avec les incendies, je venais le voir pour qu’il me parle du Taxidermiste. Il m’a donné une piste, un rendez-vous qui débute à partir du coucher du soleil. Lui… Il savait des choses, mais comme ces soeurs il ne voulait rien me dire.

-Le Taxidermiste, ce n’est pas le poney qui est réanimateur ?

-Si, tu le connais ? » Demandais-je en plissant les yeux.

« Oh non, j’ai déjà fait appel à un réanimateur, mais ce n’était pas lui, un certain Black Raven.

-Et tu ne pourrais pas surveiller Canterlot pour le retrouver ?

-Je ne pourrais pas accéder à ta requête, ma chérie.

-Pourquoi ? » Demandais-je avant d’avoir le souffle coupé quand je ressentis une vague de frisson remonter le long de mon corps. Je restai immobile un instant pour reprendre mes esprits en sentant Ember se coucher pratiquement sur moi pour se mettre à masser mes épaules. Je repris alors ma discussion. « Je suis prête à te payer pour que tu m’autorises à utiliser tes changelins pour surveiller Canterlot. » Je venais peut-être de parler trop vite, mais pour moi, cette affaire était importante et j’étais prête à y mettre le prix : « Je t’interdis de me demander d’être ton esclave !... Par contre on peut rajouter des changelins chez moi si tu veux. »

Chrysalis se mit à pouffer en secouant la tête avant d’adopter un air désolé en souriant.

« Je suis désolée ma chérie, mais même si faire des marchés avec toi est toujours un plaisir, je ne peux tout simplement pas te donner ce que tu veux. Je ne peux pas être partout dans Canterlot à cause de mon serment de neutralité. Et crois moi, j’en suis la première déçue.

-Mais… Si c’est pour retrouver ces poneys, Luna ne te dira rien, j’en fais mon affaire ! » Rétorquais-je en essayant d’être la plus convaincante possible, mais Chrysalis était déjà en train de secouer la tête.

« Bien que je doute fortement que tu puisses convaincre la princesse de la nuit, mon serment ne la concerne pas uniquement. Je ne peux pas laisser mon réseau surveiller toute la ville, car certaines créatures le prendraient comme une attaque et cela romprait aussitôt mon serment.

-Qui sont ces créatures ? » Demandais-je en posant ma tête contre le lit pour laisser Ember accéder plus facilement à mon encolure.

« Oh, il y a la cour des étoiles qui dirige une grosse partie du secteur nord de la ville, Catherine en faisait anciennement partie. Il y a un groupe de goule qui dirige quelques bâtiments dans le nord aussi et qui ne veut pas voir le moindre de mes enfants roder aux alentours. Dans le sud, il y a beaucoup de faes qui possèdent une bonne partie du quartier à l’ombre de la montagne de Canterlot. Et encore quelques groupes mineurs qui ne représentent aucune menace, mais qui iraient aussitôt rapporter le moindre de mes faux pas pour que les autres s’attaquent à moi.

-Tu veux dire que quand je me balade dans ces quartiers, tu ne peux plus m’espionner ?

-Disons que ce ne sera plus moi qui t’espionne, mais à choisir ma chérie, tu ne souhaiterais pas que ça soit ta matriarche préférée plutôt que le dirigeant des licorniquas ?

-Je voudrais qu’un jour, tout s’arrête et que je puisse vivre une vie normale. »

Les changelins qui venaient de finir de nettoyer mes ailes se mirent à s’occuper de ma crinière en commençant par la brosser. Je me demandais si c’était Chicha qui avait révélé mon secret ou si c’était juste un hasard.

« Pourquoi est-ce que tu n’as pas tué Chicha lors de votre première rencontre ? »

Je faillis m’étrangler quand Chrysalis me demanda cela. Elle venait de me parler de Chicha, pile au moment où je venais de penser à lui. Merde ! J’étais certainement encore en train de gueuler toute ma vie par télépathie.

« Exactement… » Souffla Ember toute proche de mon oreille.

« Ne t’occupe pas de ça, ma chérie. Tu as été la plus honnête de nous trois depuis le début, tu n’as jamais cherché à dissimuler tes émotions. Alors, vas-y, s’il te plait. »

Je soupirai un moment avant de hausser les épaules. Oui, Chrysalis, tu savais parfaitement entendre ce qui se passait dans ma tête. Alors peut-être qu’il valait mieux le lui dire directement.

« Parce que j’avais peur de toi… Au départ, du moins, c’était ça. Puis, je me suis dit que j’allais me servir de lui pendant quelque temps et le lâcher par la suite, mais là encore j’avais peur. En réalité, j’ai vite utilisé Chicha pour me remettre de la perte de Shining… Un substitut qui a fini par devenir mon compagnon. J’avais peur, mais en même temps, j’étais fascinée par lui, par ce qu’il représentait. » En réalité je l’ai toujours considéré comme une victoire face à Chrysalis. À l’époque, je pensais encore que tu voulais m’éliminer. Ce fut la raison pour laquelle j’avais l’impression de te narguer, de te montrer que je peux moi-même utiliser mes talents pour te prendre ce qui lui appartient. Mais plus que tout, j’ai choisi Chicha le jour où je l’ai rencontré parce qu’il représentait tout ce que j’aimais et que je cherche à fuir maintenant. « J’espère que tu as entendu… » Dis-je à la changeline juste après avoir pensé tout ça.

« Pourquoi cette vie ne te plait plus, ma chérie ? Je sais qu’à une époque, tu aimais venir en aide à des créatures surnaturelles qui faisaient appel à toi. Je t’ai vu essayer de calmer un lycanthrope pour éviter de devoir le tuer.

-S’il m’attaquait, j’étais sûre de perdre. » Fis-je avec un sourire difficile.

« Menteuse, tu avais des lames en argent plein tes ailes ! » Dit-elle en riant légèrement. « Il y a quelque chose qui a changé en toi et je suis prête à tout pour découvrir ce qui provoque ça.

-Peut-être que c’est parce qu’une matriarche squatte chez moi ? » Demandais-je en penchant la tête sur le côté alors que je regardais ce que les deux changelins avaient fait à ma crinière : une natte. Je n’étais pas vraiment douée pour en faire et j’avais toujours pensé que ça ne m’irait pas, mais face au résultat, je devais bien avouer qu’ils avaient du goût.

« Merci ma chérie. » Me répondit Chrysalis… C’était certainement elle la responsable, bien évidemment. Elle se leva ensuite pour quitter le grand lit alors que tous les changelins s’éloignaient ou quittaient la pièce. Elle se plaça ensuite juste à côté d’Ember et me demanda : « Cadance, je veux que tu me dises où tu étais la nuit dernière. Je veux savoir qu’est-ce que tu as fait là-bas. Je veux t’entendre me dire qui est derrière tout ça, qui est le monstre qui essaye de me prendre ce qui m’appartient. »

Je me mis à tousser sans plus savoir me contrôler. Les paroles de Chrysalis se faisaient de plus en plus fortes jusqu’à en devenir complètement assourdissantes. Je ne pouvais rien faire à part m’étrangler en me serrant la gorge du sabot. Je ne savais pas ce qu’elle venait de faire, mais tout ce dont j’étais capable, c’était de la fusiller du regard tandis qu’elle en faisait de même.

« Alors, tu vois Cadance. Sans moi, tu serais déjà morte. C’est MA ruche qui retient cette chose, c’est MON pouvoir qui t’empêche de ressentir ses effets, c’est notre lien, qui te sauve à chaque seconde que tu respires depuis que nous l’avons créé ! » Hurla-t-elle réellement en colère.

« J’ai rien créé, moi ! » Articulais-je difficilement entre deux quintes de toux.

« Peut-être ! » Éructa-t-elle avant d’attraper Ember avec sa magie et de tirer sa corne vers elle. Elle la retourna ensuite et utilisa un sabot pour caler les siens tandis que sa gueule était tout contre sa gorge. « Mais tu vas me dire qui est le responsable. Je t’ai promis que je ne te ferais pas le moindre mal, alors c’est Ember qui souffrira pour ton refus. » Elle planta aussitôt ses crocs dans la chaire de la changeline géante.

Ember resta impassible, tendant un maximum son encolure pour laisser faire sa matriarche avec la plus grande aisance. Moi, je ne réussis qu’à détourner le regard alors que cette idiote d’Ember me souriait encore.

« Arrête ça tout de suite ! » Criais-je sans oser regarder ce spectacle. « Je n’ai rien à te dire ! » Je me remis ensuite à tousser davantage, me sentant sur le point de vomir.

« Tu m’appartiens ! » Dit-elle toujours la mâchoire refermée contre la gorge de la changeline. Je compris rapidement qu’elle utilisait la télépathie.

« Absolument pas ! Alors, vas-y, tue là ! » Ordonnais-je en reposant mon regard sur la changeline qui avait la bouche dégoulinant de sang. « Fais-le ! Perds la seule personne qui pouvait s’occuper de tes rebus ! Je ne te dirais rien ! » J’eus un haut-le-coeur et me précipitai sur le bord du lit en penchant la tête sur le côté. Je sentis plus que je ne vis Chrysalis lâcher Ember qui tomba lourdement avant de se rapprocher de moi.

« Cadance, tu vas bien ?! » S’inquiéta-t-elle aussitôt en posant un sabot sur mon épaule.

Je la rejetai rapidement en me redressant avant de lui adresser un regard glacial.

« Non, ça ne va pas ! ça ne va pas parce qu’un foutu monstre cherche à diriger ma vie ! Tu es prête à me menacer en tuant n’importe qui ! Qui sera la prochaine ? Little Star, Chicha !? Tu diriges ta putain de ruche comme tu veux, mais ne m’y inclue pas. S’ils sont tous d’accord pour mourir selon tes désirs, c’est leur problème, mais moi, tout ce que je vois, c’est une psychopathe qui ne cherche qu’à me manipuler ! »

J’avais réussi à hurler tout ça sans sentir ma gorge se nouer à cause de la toux. Je ne me sentais plus aussi mal, en réalité, peut-être qu’il fallait juste que je vide mon sac… Chrysalis cependant était verte de colère, du moins, le vert lumineux de ses yeux semblait m’indiquer qu’elle était réellement en rogne. Je reculais d’un pas, mais ne réussis pas à esquiver le sabot de la matriarche qui m’attrapa violemment par la corne avant de me soulever.

« Sale petite catin ! Ne sais-tu pas tout ce que je fais pour toi ?! Et tu es prête à te laisser mourir juste pour me donner le mauvais rôle !? Si je dois te faire du mal pour te sauver, eh bien je serais prête à briser cette promesse. » Elle rabattit brusquement son sabot au sol, me faisant heurter la moquette tellement fort que je vis des taches sombres danser devant mes yeux. J’eus le temps d'apercevoir la gueule de la changeline juste devant moi alors qu’elle appuya l’une de ses pattes arrière contre mon ventre.

« Je serai morte avant de te dire quoi que ce soit !

-On parie ? » Chantonna-t-elle à quelques centimètres de mon propre museau. Mais elle n’eut pas le temps de profiter davantage de sa victoire qu’une immense masse sombre et dorée vint la percuter de plein fouet avant de me tomber dessus.

C’était Ember qui venait de l’éloigner et qui maintenant se tenait allongée sur moi comme pour me servir de bouclier. Chrysalis, qui venait de percuter l’un des montants du lit à baldaquin se redressa rapidement avant de se mettre à siffler un son assourdissant.

« Ti secabo ! » Lâcha-t-elle avant de se mettre à foncer sur Ember qui resserra son emprise sur moi comme pour se préparer à l’impact.

« Mig navi naudur » fit alors la grande changeline, les yeux fermés.

Je vis alors Chrysalis s’arrêter brusquement, son regard, qui était celui d’un prédateur tellement ses pupilles étaient fines, faisait la navette entre moi et la changeline. Sa gueule était toujours entrouverte, dévoilant ses crocs encore dégoulinants du sang d’Ember. Chrysalis me faisait peur, mais pour la première fois, je réussis à le lui cacher, me montrant toujours aussi impassible.

Elle se remit alors à siffler, crachant du sang et de la salive directement sur nous avant de se retourner avec une vitesse que je ne lui connaissais pas et de quitter la chambre. Ember resta cependant encore allongée sur moi, les yeux toujours fermés, je pouvais même la sentir trembler.

« Elle est partie ? » Demanda-t-elle brusquement en rouvrant les yeux et en redressant la tête. Elle semblait apeurée. « Douce mère, comment ai-je pu faire une chose pareille ?! » Elle se redressa enfin avant de s'asseoir. Plusieurs changelins qui étaient cachés sous le lit vinrent aussitôt auprès de leur matriarche. « Ce n’est rien les enfants, tout va bien. » Dit-elle alors qu’ils se dressaient sur leurs pattes arrière pour venir lécher la plaie encore suintante.

Je me relevai lentement, encore sonnée par le coup de Chrysalis, mais Ember vint placer une patte contre mon encolure avant de me ramener vers elle.

« Je suis désolée Cadance, pardonne-moi… » C’était étrange d’entendre Ember se comporter de la sorte, mais avec ce qu’il venait de se passer, je crois qu’on était l’une comme l’autre sous le choc.

« C-ce n’est rien, mais… qu’est-ce qu’il vient de se passer ? Elle m’a attaqué comme ça, au détour de rien. »

Ember me serra un peu plus contre elle, j’étais entre ses jambes et plaquée contre son ventre alors qu’elle baissait vers moi, un regard lourd de tristesse.

« Ma chérie… Chrysalis compte énormément sur toi. » Dit-elle en accentuant bien le mot énormément. « E-elle est vraiment obsédée par toi, je ne sais pas si c’est de l’amour où de la fascination… Pour les matriarches, c’est extrêmement dur de savoir ce que nous ressentons pour ceux qui ne font pas partie de notre ruche… Mais elle veut te protéger, et te voir t’entêter à refuser son aide la met dans une rage noire. »

Je regardais encore l’expression de la grande matriarche. Cette dernière semblait vraiment touchée par ce qu’il venait de se passer et même ses enfants qui s’affairaient à nettoyer ses plaies avaient l’air tout aussi bouleversés.

« Mais… qu’est-ce que tu lui as dit pour qu’elle arrête aussitôt ? Elle était prête à passer la promesse qu’elle m’avait faite pour arriver à ses fins. »

Ember m’observa alors un instant avant de froncer les sourcils en souriant.

« Navi, signifie vie en changelin. Je lui ai simplement dit de prendre ma vie à la place.

-À la place de quoi ? » Demandais-je en posant un sabot sur son ventre pour m’écarter quelque peu. « Elle n’allait pas me tuer, alors à quoi bon se sacrifier de la sorte ?

-Notre matriarche peut être impulsive quand elle n’a pas ce qu’elle désire, même si elle arrive à le cacher la plupart du temps. Chrysalis est puissante, et elle n’abandonne jamais. » Dit-elle en posant un sabot juste derrière mon oreille pour le faire glisser le long de ma crinière coiffée en natte. « Si elle t’avait fait le moindre mal, elle s’en serait voulu énormément et qui sait… quand elle est en colère, elle devient imprévisible. »

Je la laissais continuer de me caresser, après ce qu’il venait de se passer, c’était le cadet de mes soucis que de sentir Ember me tripoter la crinière.

« Mais… toi, tu étais prête à te sacrifier pour moi ? Pourquoi ça ? » Je n’aimais pas Ember. Du moins, pour notre première rencontre, elle n’avait pas fait une bonne impression. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle décide de faire une chose pareille. La grande changeline me sourit en haussant légèrement les épaules.

« Peut-être que je suis touchée par la même chose qui affecte tous les changelins…

-Pas de ça avec moi Ember. Tu es puissante et tu n’es pas de la ruche de Chrysalis à proprement parler. »

La grande changeline vint placer ses sabots sur mes épaules avant de se mettre à secouer la tête en gloussant. Elle me leva alors jusqu’à son visage pour me dire : « Peut-être que tu as bien plus de pouvoir que tu ne le penses… » Puis, sans prévenir, elle me rapprocha de sa gueule pour presser ses lèvres contre les miennes. C’était bien différent de la première fois où elle m’avait littéralement violée la gorge avec sa langue. Elle était bien plus douce, tout comme ses lèvres humides à cause de ses larmes. Je ne savais pas si elle essayait de réveiller la succube, mais je maintenais mon pouvoir bien enfermé au fond de moi. Selon moi, il n’y avait rien de plus qu’un geste amical… Aussi amical que pouvait être un baiser entre une succube et une matriarche. Elle ne chercha même pas à passer sa langue, se contentant de se reculer avant de me sourire en dévoilant ses larges crocs. « Ou tout comme Chrysalis, peut-être que je suis simplement amoureuse de toi… »

Pour récapituler, je venais d’entrer dans le jeu de Chrysalis et en étais ressortie plus au moins indemne. Je lui avais raconté toute ma vie ainsi que ma rencontre avec Chicha ce qui allait certainement énerver ce dernier. J’eue droit à une nouvelle coupe de crinière ainsi qu’un massage qui m’avait détendue juste avant d’être à nouveau totalement crispée. En clair, c’était une victoire. Une coupe gratuite pour avoir perdu en draguant un poney complètement stupide… et dire que j’étais sur le point d’accuser Chrysalis d’avoir encore manigancé tout ça en sachant que j’allais perdre.

« Excuse-moi ma chérie, mais je voudrais te demander… Est-ce que tu as mangé du fromage aujourd’hui, parce que tu as vraiment une haleine à faire fondre la lune ?

-... »