Between the bars

Je sentais peu à peu mon corps se réveiller. Je me sentais lourde, fatiguée, et pourtant, j’arrivai à ouvrir les yeux pour constater que j’étais en train d’embrasser Chrysalis à pleine bouche. Je n’étais pas en train de rêver… ou de faire un cauchemar, non. J’étais réellement allongée sur Chrysalis, avec Chicha et Little Star de chaque côté, en train de les embrasser les uns après les autres. C’était comme si je ne maîtrisais plus du tout mon corps, qu’il fonctionnait par automatisme grâce à ma nature de succube. Cela arrivait les rares fois où je n’arrivais plus à me contrôler et que j’avais besoin de me nourrir, cependant, j’avais déjà bien rechargé mes batteries pour la semaine, quelle était la raison qui faisait que mon pouvoir se déclenche de lui-même.

Je brisai alors le baiser avec la reine changeline en retirant ma langue de sa bouche avant de reprendre mon souffle, puis, lui demandai d’une voix rauque :

« Il s’est passé la même chose que la nuit dernière ?

-Oui. » Répondit-elle doucement, me caressant l’encolure tandis que les deux autres avaient également leurs sabots posés sur moi.

« Tu as utilisé le pouvoir de la ruche pour m’aider ?

-Oui.

-Et tu as réveillé la succube pour que je me réveille à mon tour ?

-Oui.

-Little Star voulait en profiter, c’est pourquoi tu l’as laissée dans le lit ? » Interrogeais-je en haussant un sourcil à l’attention de la pégase.

« Disons que c’est ton pouvoir qui nous a tous attirés à toi… mais ça aurait certainement été le cas de toute façon. » Fit-elle en gloussant.

« Tout le monde va bien ? » M'enquis-je, maintenant que j’étais au courant de la situation.

« Oui, ton drain n’était pas si violent que ça, ne t’inquiète pas. »

J’attendis alors la confirmation de mes deux autres compagnons de lit qui devaient encore être sous l’emprise du désir, tellement ils avaient du mal à articuler. Je reposais alors ma tête contre le poitrail de Chrysalis en sentant une larme couler le long de ma joue.

« Qu’est-ce qui ne va pas ma chérie ? » Demanda-t-elle inquiète.

« J-je ne sais pas, qu’est-ce qui m’arrive ?! Ç-ça n’était jamais arrivé avant et maintenant je ne peux même plus m’endormir sans prendre le risque qu’il m’arrive quelque chose ! » Je me mis à renifler bruyamment en sentant une boule se former au fond de ma gorge.

« C’est vrai que ça fait un moment que t’es bizarre au lit… » Fit alors Little Star qui se corrigea aussitôt en nous informant qu’il n’y avait aucun mauvais jeu de mots. « Je veux dire… la semaine dernière, j’ai passé la nuit avec toi, et au matin, je n’ai pas réussi à te réveiller et tu étais particulièrement froide. Je pensais que tu étais juste très fatiguée alors je suis parti sans t’attendre… » La pégase vit sur mon visage que ça n’aidait pas à me rassurer. « Euhm… mais tu sais… t’allais très bien en fait… aucun tracas à se faire, c’est sûr. »

Je fermais les yeux en tentant d’oublier mes problèmes. Au moins, temps que Chrysalis était là, je ne craignais rien. Son pouvoir, et l’importance qu’elle me portait faisaient que jamais elle ne me laisserait mourir. Je m’installais un peu plus confortablement sur la changeline, respirant profondément pour me calmer. Je sentais les caresses de mes compagnons le long de mon corps, tandis qu’ils se resserraient un peu plus contre moi. Je pouvais sentir la chaleur du pouvoir de la changeline et de son fils, ou peut-être que c’était le lien que je partageais avec eux qui faisait cela. Rassemblés de la sorte comme une portée de chiots dans un panier, je pouvais d’ores et déjà sentir le sommeil me revenir. En réalité, l’idée même de reprendre un risque pareil m’effrayait, mais tant que j’étais avec eux, je ne risquais rien… du moins, je l’espérais. Pourtant, Chrysalis ne semblait pas l’entendre de cette oreille.

« Cadance, je suis désolée, mais ce n’est plus le moment de dormir. Je te rappelle que Luna a demandé à te voir. Il est six heures du matin, tu as encore des chances de l’avoir réveillée si tu te dépêches. »

Je me mis à grogner en me pressant un peu plus contre elle.

« Je sais que c’est dur, ma chérie, mais imagine ô combien ce sera pire si tu ignores la princesse.

-Tu es mon agent maintenant ? » Raillais-je avant de sentir la magie de Chrysalis m'envelopper pour me soulever à plus d’un mètre du lit.

« Il est clair qu’il te faudrait bien quelqu’un pour te surveiller… » Elle me reposa ensuite sur le lit après avoir fait de la place. M’asseyant juste au côté de la reine changeline, cette dernière m’adressa un large sourire avant de m’annoncer : « Tu te souviens de notre petite conversation nocturne ? Parce que j’ai fait demander ton repas à l’avance. » Elle se mit à claquer ses sabots entre eux comme pour m’aider à me réveiller alors que Chicha et Little Star s’asseyaient à leur tour sur le lit.

Ils devaient se douter que j’étais trop fatiguée pour prendre mon repas à la table de la cuisine, et je me réjouis intérieurement en voyant deux changelins revenir de cette dernière pour apporter le repas.

« Un repas en présence de Little Star et de Chicha, des oeufs et du bacon… excepté pour toi Little Star. En résumé, un véritable petit déjeuné en famille. J’espère que tu es contente. »

Je me mis à sourire en secouant sa tête. Bien sûr que des oeufs allaient me rendre heureuse ! Je lui jetai un regard en coin avant de lui lancer:

« Bien sûr… mais tu n’aurais pas oublié la robe de nuit que je t’avais demandé, Chrysti ? »

Je la vis s’étrangler avec un morceau de bacon qu’elle venait de mettre en bouche. Elle se mit à tousser avant de reprendre d’une voix rauque en riant.

« C’est un coup bas ça, ma chérie. » En réalité, je pensais que Chrysalis comme moi-même ne nous attendions pas à ce que j’utilise son petit surnom. « Je voulais te faire la surprise, mais elle n’arrivera que ce soir.

-Tu as réussi à faire une commande en pleine nuit et fait en sorte qu’elle soit prête le lendemain ?

-Si tu savais tout ce que je peux faire en une seule nuit. » Railla-t-elle en continuant de manger.

Par la suite, le repas se fit dans le calme tandis que nous mangions nos oeufs, Little Star demanda s’ils étaient fécondés. Cela n’allait pas la rendre malade si c’était le cas, mais beaucoup de poneys avaient du mal à accepter l’idée de se nourrir de quelque chose anciennement vivant ou en devenir. Je me mis à rire en observant le tableau que nous formions. Une pégase et une succube qui mangaient avec une changeline et son fils, cela formait une bien étrange famille. Ils finirent par en arriver à la même conclusion en me voyant rire de la sorte et me suivirent un instant avant que le silence ne revienne.

« Tu souhaites que Chicha t’accompagne chez la princesse ? » Me demanda Chrysalis sur un ton extrêmement doux.

« Non, ça ira. Je ne voudrais pas que Luna se pose des questions sur ma situation avec vous… En plus, j’imagine que j’aurais certainement plusieurs changelins pour me surveiller tout le long du trajet, hmm ? » Je me mis à la regarder avec un léger sourire, me doutant qu’elle ne pouvait nier ce fait.

« Même avec un château immense et visible partout à Canterlot tu arriverais encore à te perdre sur le chemin. Tu devrais me remercier pour ça. »

Je me mis à pouffer légèrement. Bien sûr que je n’allais pas avoir la paix avec Chrysalis, mais finalement, je devais avouer que ça me rassurait. Je ne savais pas ce que j’avais et je préférais avoir quelqu’un pour m’épauler en cas d’imprévu.

« Merci… » Répondis-je alors en baissant les yeux sur mon repas que je venais de terminer. Cela ne représentait rien pour elle, un merci n’engageait à rien… pourtant, j’avais l’impression de faire une terrible erreur… même si cela me réconfortait de dire cela.

Little Star quitta alors rapidement le lit pour se diriger vers la salle de bain. Moi qui pensais qu’elle allait juste se rafraîchir, je la vis revenir avec une paire de ciseaux et un rouleau de bandage. Elle se rapprocha ensuite de moi et m’intima de me pencher vers elle pendant qu’elle déroulait les bandes.

« Tu es sûre que tu veux t’en occuper ?

-Oh c’est bon, Cadance, c’est juste des marques à masquer, c’est pas comme si je devais te faire une attelle.

-Ah bon, tu sais faire ça ? » Lui demandais-je surprise, pendant qu’elle me passait les bandes autour de la patte et de l’épaule.

« Bah, tu sais, mon métier n’est pas aussi dangereux que le tien, mais il peut s’avérer risqué par moment. J’ai des amies qui n’arrivent pas forcément à discerner un client plus violent que d’autres et c’est parfois par miracle qu’elles arrivent à s’en sortir.

-D’accord, mais je m’imagine mal pouvoir m’improviser médecin, même s’il m’arrive de me blesser.

-Il faut dire qu’avoir des parents médecins, ça aide beaucoup. »

Je fus étonnée, mais me retins de dire quoi que ce soit. Cela dut se lire sur mon visage, car la pégase jaune s’expliqua juste après m’avoir jeté un regard.

« Je ne sais pas pour toi, mais mes parents avaient de grands projets pour leur fille unique, malheureusement, il fallait encore réussir les examens pour devenir réellement l’un d’entre eux. Bien sûr, comme il me restait plus qu’une petite chance de me rattraper, il a fallu que je coupe la dernière corde qui me retenait… Et puis, j’ai décidé de partir quand j’ai compris qu’ils ne voudraient plus être mes parents. »

Qu’est-ce qu’elle avait fait ? Qu’est-ce qui poussait une jument aussi gentille à tout quitter pour vivre en prostituée ? J’avais toujours pensé qu’elle était naïve et pas très futée, mais je devais admettre que je me trompais. Mais je voulais savoir, qu’est-ce qu’elle avait fait pour se retrouver ici. Je lui jetai un dernier regard en la suppliant intérieurement de me répondre, mais tout ce qu’elle fit, c’est m’accorder un léger sourire avant de resserrer mon bandage et de reposer ma patte.

« Voilà ma grande, tu pourras bouger comme tu veux et même voler que le bandage ne bougera pas. »

J’observais rapidement le travail de la pégase pour constater qu’elle avait une véritable technique. Oui, Little Star avait ses secrets, comme nous tous dans cet appartement. Bien sûr, je n’avais pas à lui faire la leçon ou la forcer à me révéler toute sa vie, tant qu’elle ne m’obligeait pas à en faire de même… Après l’avoir remerciée je reportais mon regard sur Chicha, le changelin était resté silencieux, toujours assis sur le lit et semblait regarder le bandage avec beaucoup de regret. J’en déduisis qu’il ne devait pas apprécier les marques qu’il m’avait faites la veille, je posais alors un sabot sur sa patte et lui répondit à voix haute :

« Ce n’est rien tu sais, je l’ai cherché… et j’en avais bien besoin. » Je me penchais ensuite pour lui offrir un baiser fugace avant de quitter le lit et de me diriger vers l’armoire. Je ne fis pas attention aux deux changelins qui étaient en train de dormir à l’intérieur et me contentai de prendre mon holster avec mes lames qui était autour de la corne de l’un d’eux.

Je levais ensuite la tête après avoir mis mon équipement et vis Shiny qui était installé juste au-dessus de l’armoire. En général, c’était là qu’il dormait quand il y avait quelqu’un dans mon lit… ou quatre personnes au-dessus et cinq en dessous.

Je m'apprêtais ensuite à quitter mon appartement, mais quelque chose me retint, une drôle d’impression, comme si j’oubliais quelque chose. Je me retournai alors sur Chrysalis qui était toujours installée sur le lit et qui m’observait.

« Et… Vous allez faire quoi aujourd’hui ? » Je vis la reine des changelins se mettre à sourire en gloussant avant de me répondre.

« Je vais certainement aller faire un tour avec Little Star pour présenter un peu mieux le rôle qu’elle jouera dès à présent.

-Euhm… d’accord, mais je veux savoir où est-ce que vous serez.

-J’enverrai un changelin quand tu ne seras plus occupée pour te prévenir de l’endroit où nous nous trouvons.

-Qu’il soit discret… Et fais attention à Little Star.

-Je suis assez grande pour prendre soin de moi-même ! » Intervint cette dernière.

« Je te promets que je veillerai à ce qu’il ne lui arrive pas le moindre mal, ma chérie. » Répondit la reine changeline en ignorant la plainte de la pégase.

Je hochais alors simplement la tête avant de me détourner d’elle et enfin quitter mon appartement. Cela ne me réjouissait pas. Je savais qu’à l’intérieur, avec Chrysalis, je ne risquais rien. Rien qu’en me présentant devant Luna, j’avais déjà de quoi paniquer. Elle n’allait pas me ménager, c’était certain.

L’air était froid à l’extérieur, c’était étonnant alors que nous nous trouvions en plein mois de juin. Cela ne semblait gêner absolument aucun des poneys qui se trimballaient dans les rues matinales, portés par la musique que le vent de l’aube transportait. Moi, je voulais juste retourner chez moi…

En fait, cela semblait tellement être une priorité pour moi que je me mis à paniquer. Cela ne faisait que quelques minutes que je marchais, je n’avais pas osé y aller en volant, car j’avais trop froid, mais maintenant, je me demandais comment faire pour rester une minute de plus à l’extérieur. Je m’arrêtai alors un moment pour reprendre mon souffle, tremblante. Je sentis Shiny s’agiter dans ma crinière, en poussant des petits cris stridents. Lui non plus n’était pas à l’aise par un temps pareil… surtout en pleine journée.

Peut-être que j’aurais dû laisser Chicha m’accompagner. Mais en y repensant, il y avait certainement des changelins en train de m’observer. Je ne pouvais pas les appeler en hurlant, mais il y avait peut-être un autre moyen beaucoup plus discret. Toujours assise sur le sol froid, je me mis à fermer les yeux en prenant une profonde inspiration.

« Allez, s’il vous plaît, juste un, un changelin. Il a qu’à lever le sabot, faire un signe. J’ai besoin de vous. Euhm… terminé… C’est fini… j’attends votre message… J’ai froid à la croupe… Merde ! »

Je me redressais alors subitement en grommelant, comment avais-je pu hurler ça intérieurement ? Et est-ce qu’ils m’entendaient encore ? La télépathie, c’était pratique tant qu’on ne se posait pas trop de questions. Je me mis alors à observer les rues. Il y avait des commerces qui avaient déjà ouvert leur terrasse pour permettre à leur client de boire un café sous le soleil. Je vis l’un des poneys à la terrasse me regarder, je penchais alors la tête sur le côté en espérant divulguer quelque chose de… changelin chez lui, mais j’étais bien trop loin pour même ressentir sa trace magique. Je me mis alors en marche vers lui, espérant que son regard insistant signifiait qu’il m’avait bien entendu mentalement, et non qu’il me regardait parce qu’il trouvait l’alicorne rose jolie… même si ça me flattait.

Je perdis l’équilibre en ayant le souffle coupé quand une jument me percuta de plein fouet. Reprenant rapidement mes esprits, je me relevai pour aider la licorne framboise à se relever. Cette dernière accepta mon sabot, mais en profita pour se coller contre mon torse en passant une patte autour de mon cou et en collant son visage contre le mien.

« Caddy, je suis tellement contente de te revoir ! » S’exclama-t-elle.

« Quoi ? Mais qui êtes-vous… »

La licorne à la crinière blanche se plaqua un peu plus contre moi en serrant mon cou, m’intimant de me faire discrète.

« C’est pas toi qui es en train de hurler à l’aide, peut-être ? » Maugréa-t-elle silencieusement en effaçant toute trace de bonne humeur sur son visage.

« Oh… donc… t’es un changelin ?

-À ton avis, patate !?

-Parfait. » Rassurée, je me mis à la serrer à mon tour, bien plus fort qu’elle ne l’avait fait avant. Je l’entendis se mettre à s’exclamer, m’ordonner de la lâcher, mais je m’en fichais, je pouvais déjà sentir mon corps se détendre, ainsi que le pouvoir de la ruche qui circulait dans ce changelin. Il m’avait déjà aidé plusieurs fois, et je pouvais le sentir venir en moi et propager une douce chaleur qui m’aidait à me sentir mieux. Le changelin continuait de se débattre, mais je le retenais si fortement contre moi qu’il lui était impossible de s’échapper.

« Chrysalis t’ordonne de me lâcher ! » Se plaignit-elle en plaquant ses sabots contre ma joue pour mettre de la distance entre nous.

« Menteuse, je suis certaine qu’elle t’a dit tout le contraire. Et puis si c’était le cas, je n’aurais qu’à lui demander qu’elle t’ordonne de me laisser faire ce que je veux…

-C’est pas juste ! Pourquoi Maman te préfère ? » gémit-elle.

« Arrête de gigoter comme ça, et puis n’oublie pas que tu es censé jouer un rôle. Où est passée la gentille licorne qui était heureuse de me revoir. »

Je la vis alors soupirer avant de se détendre légèrement.

“...C’est pas juste… » Dit-elle en venant se blottir contre mon encolure pour que je puisse en profiter davantage.

« Allons, tu n’es pas censé te nourrir de l’amour qu’on te donne ? Moi, je suis très contente que tu sois là. » Fis-je en frottant ma joue contre son encolure. Je n’avais plus froid, aussi étrange que cette sensation était arrivée, elle était aussitôt repartie une fois que j’étais en contact avec le changelin. « Comment est-ce que tu t’appelles ?

-Chibi, mais mon nom de poney est Strawberry Light.

-C’est joli, c’est toi qui l’as trouvé ?

-Non, je l’ai pris à la jument que j’ai tuée ! » Annonça-t-elle avant de ricaner. Je lui collais mon sabot contre le crâne avant de l’entendre se mettre à gémir.

« Arrête de faire l’idiote ! » La sermonnais-je avant de la lâcher. Elle s’écarta légèrement en baissant les yeux.

« C’est bon, je plaisantais ! Je peux repartir maintenant ?

-Pourquoi ça ? Si tu es censé m’espionner, tu peux le faire en m’accompagnant jusqu’au château, non ?

-Quoi ? » Se surprit la jument. « Non, c’est pas comme ça que ça marche ! Faut que je sois caché pour t’espionner !

-Attends, je vais voir ce qu’en pense Chrysalis. » Je fis alors semblant de me concentrer.

« Non non non ! c’est bon, ok, je viens avec toi, dit rien à ma mère !

-Génial ! » Fis-je alors réjouie en passant une aile sur ma nouvelle amie en prenant la route du château de Canterlot.

« Tu sais, t’es pas obligée de faire comme si on était les meilleures amies du monde.

-ça te dérange à ce point Strawberry ? » Lui demandais-je en me penchant sur elle et en arborant un air faussement inquiet.

« Hier encore tu nous détestais, et maintenant tu ne veux plus te passer de nous.

-Disons que j’ai fini par comprendre que vous étiez un moindre mal. » Dis-je en me penchant sur elle en me mettant à glousser.

-Tu peux bien parler. » Lâcha-t-elle en me repoussant. « Ma mère se met en danger rien que pour toi, sans parler de mon frère qui est prêt à tout pour toi. Je préférais encore quand on était des ennemis d’Equestria.

-Vous avez une ruche bien sécurisée à Canterlot, vous avez pleinement de quoi vous nourrir, qu’est-ce que tu voudrais de plus ?

-À l’époque, il nous suffisait de passer à l’attaque pour prendre ce que nous désirions. Et tu n’aurais pas fait exception. Tu serais devenue l’esclave de ma mère en quelques jours et elle aurait été ravie.

-Ooooh, la pauvre chérie, elle est jalouse de moi.

-Je ne suis pas jalouse ! » Eructa-t-elle en tapant du sabot « Maman ne t’aime pas ! Elle dit ça pour te manipuler et que tu tombes dans son piège ! »

Je posais alors un sabot contre sa bouche pour lui intimer de faire moins de bruit. À la manière dont elle avait dit ça, on aurait dit un simple caprice d’enfant et j’imaginais que les poneys qui étaient dans la rue et qui avaient entendu ça ne devaient pas y porter plus d’importance que ça.

« Peu importe ce qu’il y a entre ta mère et moi, cela ne te regarde pas. Dis-toi bien que je ne lui ferais jamais entièrement confiance, mais elle m’est très utile actuellement, donc je la laisse faire. Que tu le veuilles ou non, je fais partie de votre ruche. Ne va pas croire que cela m’enchante, il est clair que Chrysalis se met le sabot dans l’oeil si elle pense que je vais lui obéir comme une bonne petite esclave. Je ne contrôle quasi rien dans ma vie, mais ça va changer. Je te promets que dans quelques jours, les changelins, c’est fini pour moi…

-À part Chicha ! » Répondit-elle en repoussant mon sabot.

J’eus un accès de colère et me mit à l’attraper par l’encolure en me mettant à la gronder.

« Je m’excuse, je m’excuse ! » Implora-t-elle en se débattant. Je finis par la lâcher après lui avoir fait bien comprendre que Chicha était un cas particulier, il n’avait rien à voir avec la ruche de Chrysalis ou les changelins en général… parce que j’en avais décidé ainsi.

Strawberry continua le chemin avec moi jusqu’à ce que nous arrivions devant les grandes portes du château. Je n’allais pas passer par la porte d’entrée, encore moins avec le changelin, c’est pourquoi je déployais mes ailes en observant ma prochaine trajectoire : la tour de Luna.

« Hey Cadance… » Interpella la licorne framboise. « T-tu pourras dire à ma mère que je t’ai beaucoup aidé ?

-Comment ça ? » Demandais-je en me retenant de décoller.

« Ben avant, Chicha était un simple drone, mais depuis qu’il sort avec toi, Chrysalis l’a mis sur un pied d'estale. Maintenant, il a le droit de faire ce qu’il veut, tant qu’il passe du temps avec toi, il est au-dessus de nos lois.

-Et donc, tu voudrais que je dise quoi à Chrysalis ?

-Ben… » Elle se mit à baisser le regard sur son sabot qui tournait dans le vide comme pour chercher ses mots. « Tu pourrais dire que c’est moi qui t’ai rassurée quand tu étais seule… Et que tu voudrais passer plus de temps avec moi…

-Oooooh, tu as envie de me voir plus souvent finalement ?

-J’ai envie de me faire remarquer par ma mère ! » Rectifia-t-elle en reprenant son rôle de petite jument hargneuse.

« Oh, mais il faudra être plus gentille que ça si tu veux que je me souvienne de ton nom.

-S’il te plait. » Dit-elle en joignant ses deux sabots devant moi. « Je t’ai vraiment aidée, tu pourras au moins lui parler de ça ?

-D’accord, je vais le faire. » La rassurais-je en lui frottant la crinière, ce qui ne l’empêcha pas d’éloigner mon sabot. « Mais à l’avenir, il faudra que tu sois plus gentille avec moi, sinon je dirais à ta mère qu’en réalité, tu n’as été qu’une petite peste. » Ajoutais-je avec un sourire narquois.

« C’est promis… » Fit-elle en gardant les yeux posés sur ses sabots.

Je me mis à observer la licorne s’éloigner de moi en me jetant de légers coups d’oeil, comme pour être certaine que je me rendais bien chez Luna. Avec eux pour observer le moindre de mes faits et gestes, il était certain que je ne craignais rien. Je devais avouer que je commençais même à apprécier leur compagnie, mais pas au point de faire ma vie avec Chrysalis en tant qu’esclave.

J’observais un moment le château. Celui-ci se situait au centre de Canterlot, séparent le côté nord et sud de la ville. Le quartier nord était consacré à la plupart des grands commerces reconnus, ainsi que la grande gare qui était le point central de tous les chemins de fer. Il y avait aussi le port pour tous les dirigeables, en clair, tous les chemins menaient à Canterlot et il était clair que ce quartier de la ville en profitait plus que de raison. Riches et toujours à l'affût de la moindre affaire pour dénicher encore plus d’argent, les habitants de cette partie de la ville étaient la caricature même de la bourgeoisie qui circulait dans tout Equestria. Le quartier sud lui, regroupait tout ce que Canterlot ne souhaitait pas montrer à ses invités, pas étonnant que la plupart des créatures surnaturelles y habitaient. La vie n’y était pas particulièrement plus dangereuse ou difficile, mais il était juste certain qu’elle n’avait rien à voir avec celle des habitants du nord.

L’un des nombreux gardes qui était en faction le long des marches qui menaient à l’entrée sud du château me fit un léger signe de la tête en me reconnaissant. Ainsi, je n’avais plus à craindre de me faire intercepter alors que je volais trop près du château. Cela m’était déjà arrivé une fois et je n’avais pas envie de me faire percuter de plein fouet dans les airs pour être plaquée contre les murs du château. Cela avait bien fait rire Luna d’ailleurs…

Je déployai mes ailes et me propulsais dans les airs sans plus attendre. Je ne ressentais plus le froid qui m’avait accompagné lorsque j’étais sortie de chez moi, peut-être que Chibi avait bien mérité que je parle de lui à Chrysalis… Je me dirigeai ensuite vers le balcon qui se trouvait sur le haut de la tour. Elle était facilement reconnaissable étant donné que c’était la seule dont la toiture ne se finissait pas en pointe, mais était remplacé par une verrière en coupole.

Je me mis à bâiller avant d'atterrir sur le balcon, cela ne signifiait qu’une chose, Luna était déjà en train de dormir. Je plaignais surtout les pauvres gardes qui devaient résister à la fatigue en surveillant ses quartiers toute la journée. Je passais ensuite les fins rideaux de soie qui n'empêchaient pratiquement pas la lumière de passer. À l’intérieur, tout était calme. Je pouvais voir l’alicorne allongée dans l’herbe, là où elle avait fait installer son arbre lunaire. Un tel arbre n’existait nulle part à Equestria, lorsqu’il faisait nuit, celui-ci reflétait la lumière de la lune pour donner une étrange lueur laiteuse sur l’ensemble de ses branches. Néanmoins, lorsque le soleil était dans le ciel, celui-ci devenait noir, comme mort, et offrait une teinte macabre aux appartements de la régente lunaire. Il n’y avait bien qu’une princesse alicorne pour avoir un arbre à l’intérieur de son château… Luna aimait me raconter que cet arbre venait réellement de la lune, mais j’avais vraiment du mal à la croire, après tout, personne n’était jamais allé sur la lune pour le voir.

J’observais le reste de la pièce pour voir plusieurs bouteilles vides sur une petite table installée non loin d’elle. J’allais avoir du mal à la réveiller, c’était certain...

« Hey, arrêtez ça ! » M’exclamais-je en terminant de faire le constat des lieux. Dans le fond de la pièce, de l’autre côté d’où se trouvait Luna, un grand salon avait été installé, et dans son fauteuil préféré, je pouvais voir ses deux protégés en train d’enfreindre ses règles. « Vous m’avez entendue ? Je vous ai dit d’arrêter ! » Je trottais alors jusqu’au salon en fusillant les deux pouliches du regard. Je les vis alors s’éloigner l’une de l’autre en gardant la tête baissée, n’osant pas affronter mon air réprobateur.

« On faisait que s’embrasser Cadance…

-Le dit pas à Luna, s’il te plait…

-Oh… » Hollow et Wolloh étaient deux pouliches que Luna avait sauvées en les transformant en batponies. L’une était d’un blanc immaculé et l’autre noire comme l’ébène, la seule chose qu’elles avaient en commun, c’était la couleur de leurs yeux. Elles étaient immortelles, et il leur était impossible de quitter le château, ce qui, avec les années, avait fini par amener de nouveaux problèmes. « Je ne dirai rien, mais il faut que vous arrêtiez de faire ça.

-Toi t’as le droit de faire ça quand tu veux ! » Rétorqua Hollow, la pouliche noire, en se cachant un peu plus dans le grand fauteuil.

« Écoute-moi jeune fille, à mon âge, cela ne regarde que moi… et puis je ne fais pas ça n’importe quand non plus !

-On a vingt ans Cadance… » Reprit Wolloh.

Je me mis alors à bégayer en ne sachant plus quoi dire. La plupart du temps, elles se comportaient comme deux pouliches, adoptant ce rôle, car c’était celui qui leur correspondait le mieux, mais avec le temps, enfermées dans des corps de pouliches, il devenait difficile de cacher sa véritable nature.

« Alors, c’est quoi ta solution ? Tu vas nous dire que ce n’est pas une raison, que des poneys passent leur vie sans jamais coucher avec quelqu’un ? Nous on a pas envie de ça, c’est notre corps, on veut en faire ce qu’on veut ! » Suivit alors Hollow assez sévèrement.

« J-je ne sais pas… Je pense que Luna sait ce qui est le mieux à faire…

-Elle ne souhaite pas en entendre parler. » Répondit la pouliche blanche. « Elle nous gronde à chaque fois qu’elle nous surprend où qu’on essaye de lui en parler. Et toi, tu en penses quoi ?

-Je n’en sais rien… » Répondis-je sincèrement. « Je voudrais bien vous dire qu’avec le temps… ça ira, mais c’est faux… je ne vous cache pas que l’idée de voir deux pouliches en train de… » Je secouais la tête avant de me raviser. Ce n’était pas respectueux vis-à-vis d’elles. Et même si je les avais toujours considérées comme deux enfants un peu turbulents, je devais voir en elle, deux jeunes adultes qui étaient en plein trouble… « Faites ça plus discrètement la prochaine fois… » Me contentais-je de dire avant de pivoter des ergots et de me diriger vers l’alicorne de la nuit.

Ce n’était pas de la lâcheté. Cela ne me regardait pas, ce n’était pas mon affaire, alors pour moi, c’était sans importance.

Arrivée devant l’alicorne endormie, j’hésitais à la réveiller. Elle avait un sommeil profond et était plutôt du genre violente quand elle devait se lever. Je levai pourtant mon sabot pour m’apprêter à la secouer légèrement quand je l’entendis m’interrompre.

« Tu en as mis du temps, idiote. » Dit-elle d’une voix rauque, allongée dans l’herbe. Au début, je pensais qu’elle parlait en dormant avant de comprendre qu’elle parlait de mon retard.

« Shiny m’a bien transmis votre appel… » Ce dernier quitta ma crinière à l’évocation de son nom et alla se percher sur l’une des branches de l’arbre. « Mais, disons que j’avais des invités chez moi.

-Et ils t’ont tenu éveillée ? Je n’ai pas trouvé tes rêves de toute la nuit.

-Ah bon ? » Je me mis à repenser à la nuit que j’avais passé… ou peut-être au réveil mouvementé de ce matin. Bien qu’il était difficile de s’en rappeler, je ne me souvenais pas avoir rêvé durant tout mon sommeil… Ce qui n’était pas naturel, c’était certain. « C’est… c’est bizarre… Vous êtes sûre d’avoir bien cherché ? » Fis-je en frissonnant légèrement.

« Hey, c’est moi l’alicorne de la nuit, qui ferait mieux ce travail que moi ? » Dit-elle, les yeux toujours fermés. On aurait dit qu’elle luttait pour ne pas se rendormir. Elle étendit alors son aile en l’air et tapota légèrement l’herbe devant elle. « Aller viens, j’ai beaucoup à dire, et je ne vais pas tarder à me rendormir.

-Quoi ? Dans le monde des rêves ? N-non non, sans façon ! » Répondis-je en reculant de quelques pas. Ce n’était pas que j’avais peur de ce qui se cachait dans les rêves, non, mais disons que ces derniers temps… je n’étais pas rassurée quand je m’endormais. « On peut peut-être remettre ce rendez-vous à demain, vous ne pensez pas ?

-Caddy, je suis fatiguée… » Se plaignit-elle les yeux toujours fermés. « Arrête de me faire perdre du temps et dépêche-toi un peu !

-Non merci, ces derniers temps, j’ai l’impression que dormir ce n’est plus mon truc. Vous êtes au courant que j’ai besoin d’une reine changeline comme réveil pour être capable de me lever ?

-Hmm c’est peut-être pour ça que je n’ai pas vu tes rêves cette nuit. Allez, viens, tu sais que tu n’as rien à craindre dans ton sommeil avec moi.

-Sans façon, je vous assure. » Répondis-je en m’éloignant davantage, m’apprêtant à quitter le château au galop. « On en reparlera ce soir si vous voulez, quand vous aurez fait votre sieste. » Je pris alors la direction du balcon en m’excusant devant la princesse. Cette dernière ouvrit les yeux avant de soupirer et de me dire :

« Alice, viens tout de suite ! »

Je m’arrêtai aussitôt en entendant ses mots résonner dans le fond de mon crâne. Serrant les dents en les sentant trembler, je mis un sabot contre mes tempes en espérant oublier ce qu’elle venait de m’ordonner. Mais bien sûr, il était impossible de se soustraire à un ordre direct quand on utilisait votre véritable nom. La princesse de la nuit connaissait le mien, je ne savais même pas comment, mais c’était ainsi qu’elle me l’avait révélé. c’était assez frustrant de se dire que quelqu’un d’autre vous connaissait avant vous.

Mes sabots travaillèrent machinalement, me guidant jusqu’à l’alicorne bleu nuit avant de m’allonger à ses côtés. Je soupirai en sentant la pression sur mes épaules descendre un peu, je pouvais enfin reprendre le contrôle de mon propre corps. Luna entoura alors mon encolure avec ses sabots pour me plaquer contre elle.

« Tu ne vas nulle part maintenant ! D’ailleurs, comment tu t’es blessée à l’épaule ?

-Longue histoire.

-Bah, ce n’est pas comme si ça m’intéressait. » Soupira-t-elle en laissant la fatigue envahir la pièce. Je pouvais déjà me sentir fermer les yeux alors même que j’aurais voulu tout faire pour m’enfuir d’ici. « Hmmm… une succube qui dort avec la régente lunaire… il y a là de quoi faire un bon film de série B.

-Ce n’est pas la lettre B qui me vient à l’esprit personnellement. » Murmurais-je en commençant à m’endormir. Luna se mit à glousser avant de poursuivre.

« Allez Alice endors-toi, rejoins-moi au pays des merveilles… » L’alicorne se mit à nouveau à rire, personnellement, je n’avais jamais compris ce qu’il y avait de drôle dans cette phrase qu’elle m’avait déjà sortie plusieurs fois, et comme d’habitude, j’allais m’endormir avant de pouvoir le lui demander.

* * *

* *

*

Je finis par rouvrir les yeux. Me demandant si j’étais vraiment en train de rêver… Rien n’avait changé. J’étais toujours dans les appartements de Luna.

« Enfin j’ai réussi à te trouver. Tu sais que ça fait une heure que je te cherche !? » Me sermonna déjà la princesse des rêves qui était appuyée contre son arbre sombre.

« Quoi ? Ça fait une heure que je dors ?! » M’inquiétais-je alors en me relevant brusquement.

« Bien sûr que non idiote. Les rêves s'écoulent différemment, une heure ici représente uniquement cinq minutes. J’avais déjà expliqué ça à un jeune auteur qui voulait faire un film sur moi… il n’a réussi qu’à faire un documentaire long et ennuyeux qui rend la chose encore plus incompréhensible. » L’alicorne secoua la tête avant de me fixer d’un regard sombre. « Quoi qu’il en soit Cadance, il est clair que tu es en danger. Un poney qui ne rêve pas, ce n’est clairement pas bon signe… »

Je tiquais nerveusement de l’oeil en écoutant l’alicorne bleue me répéter ce que je venais déjà de lui dire, mais Luna était ainsi, elle ne s’occupait que de ce qu’elle voyait, et seul son avis lui importait. Je vins m’installer en face d’elle et lui demandai :

« Et d’après vous, c’est dû à quoi ? Mon boulot de Marshall où ma nature de succube, l’un ou l’autre aura forcément ma peau.

-Ou peut-être un lycanthrope… ou plutôt un changelin, oui, les crocs sont moins espacés. »

Je ne compris pas où elle voulait en venir, mais suivis très vite son regard qui était posé sur mon épaule, là où les marques que Chicha m’avait faites étaient bien visibles.

« Où sont les bandages ?! » M’exclamais-je sans donner la moindre explication à la princesse.

« Il fallait les imaginer pour les avoir. Tu voulais peut-être me cacher ça, mais ton subconscient ne sait rien dissimuler dans ce monde. »

Je me concentrais légèrement et sans que je n’y prenne garde, mon pansement était revenu autour de ma patte. Je reportais alors mon attention sur la princesse qui haussait un sourcil en essayant de chercher la raison de cette blessure.

« J’imagine que tu aimes plus passer du temps avec ton changelin de compagnie que de t’occuper des affaires pour lesquelles je te désigne ? »

Aïe, c’était parti, j’allais passer un sale quart d’heure… ou environ trois heures de cauchemar.

« J’ai été sur les lieux du dernier incendie, et je n’y ai rien trouvé. Vous savez comme moi l’effet répulsif et destructeur que le feu a sur tout ce qu’il touche, magique ou pas. La mort et les cendres, voilà tout ce que je ressens quand j’arrive là-bas. Aucune autre odeur n’est perceptible sur un bon périmètre et la moindre trace pourrait se mélanger avec le reste des odeurs de la ville.

-Ahhh Cadance… Si seulement tu pouvais te servir un peu plus de ta tête… » Soupira Luna en baissant les yeux.

« J’aimerais bien vous y voir ! Je suis la cible de tout Canterlot et vous en attendant, vous restez là les sabots croisés à attendre que je fasse tout le travail ! » J’allais regretter ce que je venais de dire, je le savais, c’est pourquoi je me contentais de fermer les yeux en espérant qu’elle fasse ça vite.

Je sentis alors quelque chose s’enrouler autour de mon ventre avant de me serrer avec tellement de force que j’en eus le souffle coupé. Rouvrant les yeux, je pus constater que j’étais à un mètre du sol, retenue par l’une des branches de l’arbre noir qui s’était penché sur nous. Je le sentis serrer un peu plus tandis que la jument lunaire me fusillait d’un regard glacial qui marchait parfaitement bien avec ses yeux bleus céruléens.

« Sache, sombre crétine, que j’ai traversé durant un millénaire cet autre monde, seule, sans aucun espoir de revenir, et que je ne dois mon retour que grâce à ma soeur et un serment qui me lie à ces ténèbres. Jamais je ne pourrais les trahir, et pourtant, je cherche encore à trouver des idiots dans ton genre pour préserver notre monde. »

La branche me plaqua violemment au sol avant de me lâcher, je restai prostrée à terre, incapable de bouger tandis que mes muscles et articulations hurlaient de douleur… Heureusement que je n’étais que dans un rêve, la réalité aurait fait certainement plus mal. Mais bien entendu, l’alicorne sombre n’en avait pas fini avec moi et une autre branche vint enserrer ma gorge pour me relever à sa hauteur.

« Maintenant, explique-moi ce que tu es allé faire chez Catherine ! »

La branche desserra légèrement son emprise, juste de quoi me laisser parler.

« J-je faisais juste mon boulot de Marshall. C’est vous qui m’avez donné ce titre dont le rôle est de surveiller chaque créature surnaturelle de ce secteur, pas juste d’attendre que l’un d’eux enfreigne les lois. Qu’est-ce qui me disait qu’elle les respectait, juste parce qu’elle est votre amie ? »

Luna se mit à glousser avant qu’elle ne décide enfin de me libérer, je mis un sabot sur ma gorge pour me mettre à la frotter, si j'étouffais dans un rêve, est-ce que j’arrêtais de respirer dans mon sommeil ?

« Certes, Catherine bénéficie d’un traitement de faveur… mais ce n’est pas mon amie, mais celle de ma soeur.

-Comment ? Celestia amie avec une créature de l’autre monde ? » Je n’en revenais pas, moi qui m’étais fait chasser par cette dernière et vue confiée à Luna le jour où j’avais hérité de ces pouvoirs de succube.

« Oh, leur rapport ont bien changés depuis, mais à la base, Catherine était l’une des servantes de ma soeur et étrangement, après une mystérieuse disparition, c’est moi qui l’ai retrouvée… dans l’autre monde. Elle portait l’un des colliers de Celestia, c’est ça qui m’a permis de la reconnaître et de ne pas lui faire de mal. J’ai ensuite trouvé un moyen de la renvoyer là-bas dans l’état que tu lui connais actuellement.

-Et son collier ? Elle a eu une étrange réaction quand j’ai essayé de le lui prendre. »

L’alicorne bleue se mit à glousser.

« C’est bien normal, sans lui, elle ne peut plus rester dans ce monde… Elle est liée à cet objet, si elle s’en sépare l’espace d’une seule seconde, elle retournera d’où elle venait… C’est étonnant qu’elle t’ait laissée la vie sauve après que tu aies tenté une chose pareil.

-Je crois que j’ai un don pour attirer la pitié… » Maugréais-je en me disant que ce n’était pas si faux que ça après tout…

« Quoi qu’il en soit, tu n’avais pas à te retrouver là-bas. Tu voulais bien faire ? Cela n’a aucune importance ! Ton rôle est de chasser et d’éliminer ceux qui ne respectent pas les règles, point final. »

Je me retournais brusquement en entendant un bruit sec derrière moi. Je m’attendais à voir une branche me gifler, mais ce n’était qu’un des nombreux cadres accrochés au mur qui venait de tomber.

« Juste ça ? » Demandais-je amèrement en me retournant sur elle. « Cela fait trois ans que je fais ce travail, et la seule conclusion à laquelle j’arrive, c’est que je suis inutile. Des innocents meurent chaque jour que Celestia lève et moi, je suis juste là pour jouer les arbitres et ramasser les miettes. En trois ans, j’ai tué plus de monstres que je n’ai sauvé de vie. Résultat, ils sont toujours plus nombreux et font toujours plus de victime et moi, je suis censé attendre qu’ils franchissent la ligne ? » Je fermais à nouveau les yeux, retenant ma respiration dans l’appréhension de me faire à nouveau étouffer par une fichue branche, mais rien ne se produisit. Je dus cependant attendre que Luna se mette à parler d’une voix beaucoup plus douce pour me convaincre que je pouvais ouvrir les yeux.

« On les laisse venir dans notre monde parce qu’on ne peut faire autrement Cadance… Les accueillir les bras ouverts en leur proposant des règles à respecter est le meilleur moyen de maintenir l’ordre. Cela nous permet de faire un tri entre ceux qui méritent de rester et ceux qui doivent mourir. Nous imposons notre contrôle sur eux alors que certains pourraient se contenter de tuer quiconque se présenterait à leur porte, mais ils font cet effort, pensant qu’ainsi, ils auraient les moyens de vivre une vie normale, parmi nous. Si ces règles n’existaient pas, si nous nous contentions de chasser et de tuer chaque personne qui nous semblait suspecte, eh bien tu ne serais pas à la place où tu te trouves en ce moment, tout comme moi. Nous ne serions que des monstres qu’il faut chasser. Une succube parmi tant d’autres, un simple monstre, comme les autres. » Je la vis me sourire légèrement, alors que sa voix adoptait un ton amer. Oui, Luna n’était pas si différente des créatures de l’autre monde, et sur beaucoup de points. « J’ai créé le lien entre nos mondes… c’était mon erreur que de vouloir revenir à ma place auprès de ma soeur. Résultat, je dois maintenant faire régner l’ordre sur tout un monde caché dont les résidents ne peuvent s’empêcher de venir. On ne peut pas changer ça, alors autant faire en sorte de leur donner une chance de croire qu’ils peuvent être normaux au lieu d’entrer dans une guerre sans fin.

-En clair… vous me dites qu’il y aura toujours des victimes. Je devrai forcément attendre des morts pour pouvoir jouer mon tour ? Ce n’est pas juste… » Je murmurai ces derniers mots en secouant la tête. En trois ans, je n’avais jamais fait le premier pas.

« Peut-être qu’un jour, cela sera différent… Je suis en train de réfléchir à un gros changement, quelque chose qui risque de bouleverser les deux mondes… » Elle se leva alors du sol et se dirigea derrière l’arbre. D’habitude, il n’y avait qu’un long escalier pour se rendre dans la chambre de la princesse, mais étrangement… ou plutôt naturellement dans le monde des rêves, ce n’était pas du tout la même chose.

Dans le fond des appartements de la princesse Luna se trouvait un large bar. Plusieurs tables rondes étaient installées de manière éparse. Même le carrelage des appartements de la princesse avait été remplacé par un vieux plancher dont les lattes grinçaient à chaque fois qu’on y posait le sabot. La princesse de la nuit esquiva les serveuses et les soulards qui se mettaient déjà à chanter en se tenant par le sabot… est-ce que j’étais dans mon rêve où le sien ?

« Sérieusement, vous n’avez même pas pris la peine de nous mettre dans un véritable décor de rêve, mais vous avez pensé à mettre un bar dans votre propre chambre ? » Demandais-je en la rejoignant sur l’un des tabourets qui était au comptoir. Forcément, en tant que véritable alcoolique notoire Luna allait forcément se mettre là où elle allait être servie le plus rapidement.

« Tu sais le temps qu’il faut pour créer un véritable décor ? Surtout si c’est moi qui dois l’implanter dans ton subconscient ? Les tonnes de descriptions à faire juste pour parler d’une pièce… sérieusement, contente-toi de ça, c’est déjà très pratique et en plus on n’a besoin de rien d’autre. » Elle leva son sabot pour appeler la barmare et ce fut Chrysalis qui apparut devant nous. Elle n’y prêta pas attention et commanda un verre de rhum avant de poursuivre la discussion qu’elle avait quittée en même temps que l’arbre.

« J’ai l’intention de rendre officielle la découverte de l’autre monde… »

Je faillis renverser le verre que Chrysalis venait de me servir sans même que je ne le lui demande et me tournai rapidement sur l’alicorne bleu nuit.

« Vous n’êtes pas sérieuse ?

-Oh que si, et crois moi, j’ai réfléchi longtemps à cette idée avant d’être convaincue que c’était la meilleure chose à faire.

-En quoi cela va rendre les choses meilleures ? J’imagine déjà le nombre de poneys qui vont paniquer, sans compter ceux qui vont s’armer de fourche et de torche pour aller s’attaquer à leur voisin.

-De nouvelles règles vont être mises en place et elles s’élargiront pour y inclure les poneys. Ce qu’ils pourront faire et ne pas faire. » Elle prit une gorgée du verre qu’on venait de lui apporter et ajouta : « Tu n’es pas la première à me faire part de ce problème. Certes nous sommes inefficaces avant qu’un monstre enfreigne les règles et c’est pourquoi en révélant leur existence, nous pourrons mettre en place un système de prévention. Les poneys d’Equestria ont toujours été livrés à eux-mêmes, mais ainsi, ils auront les cartes dans leur sabot pour éviter le danger avant qu’il ne soit trop tard. »

Je restai silencieuse en buvant une gorgée de mon verre qui ne devait contenir que de l’eau étant donné qu’il n’avait aucun goût. Peut-être que j’aurais dû demander à Chrysalis de me servir un rhum comme Luna.

« ça va foutre un sacré bordel dans tout Equestria… » Soufflais-je.

« Les éclairées vont faire de nouveau adeptes, mais au moins, on pourra légalement les juger coupables de ségrégation… » Répondit-elle sur le même ton.

« Beaucoup de gens vont s'intéresser à eux et se mettre eux-même en danger…

-Les créatures qui veulent vivre une vie normale se verront exclues de beaucoup de milieux…

-Ils auront plus de facilité pour se nourrir avec des poneys qui veulent devenir comme eux et qui sont conscients de ce qu’ils ont en face d’eux…

-Il y aura beaucoup de hurlements, des pleurs, de la colère…

-C’est la pire idée que vous pourriez avoir...

-C’est la pire idée que je viens d’avoir… et pourtant, cela arrivera que je le veuille ou non, alors autant s’y préparer et éclater nous-même la bulle. » Nous prîmes chacune une gorgée de notre verre puis, je me mis à tousser en me serrant la gorge du sabot. On venait de remplir mon rêve de rhum, ce n’était pas qu’il était mauvais, mais c’était un choc quand on s’attendait juste à boire de l’eau.

« Fais attention à ce que tu imagines avant de boire… » Me confia l’alicorne en s’appuyant un peu plus sur le comptoir. « Tu n’as même pas vu que la couleur de ton verre changeait quand tu regardais le mien.

-Désolée si je ne suis pas la princesse des rêves ! » M’exclamais-je en reportant mon regard sur mon verre. « Ça marche comment ?

-Tu as déjà ressenti des goûts et des odeurs dans tes rêves, non ? » Me demanda-t-elle. Je hochais la tête simplement. « Et pourtant tu mangeais peut-être des choses que tu n’avais jamais goûtées. Et bien c’est aussi simple que ça. C’est toi qui imagines le goût que l’alcool aura. »

Je me focalisais ensuite sur mon verre, et en l’espace d’une seconde, juste ce qu’il me fallut pour réfléchir à mon choix et cligner des yeux, mon verre repris sa teinte transparente. Après en avoir repris une gorgée, je me mis à sourire en ressentant le goût.

« Gin Tonic. » Expliquais-je à l’alicorne avant de lui tendre mon verre alors que je pouvais lire la curiosité sur son visage. « Vous voulez goûter ?

-Idiote, je t’ai dit que c’est toi qui imagines le goût. Si j’en bois, je ne ressentirais que ce que j’ai imaginé.

-Oh désolée. Excusez-moi de ne pas avoir l’habitude de boire dans mon sommeil comme vous. »

Une planche accrochée au mur et qui supportait plusieurs verres et bouteilles se décrocha dans un grand fracas ce qui me fit sursauter. Luna resta impassible.

« C-c’est vous qui avez fait ça ? » Lui demandais-je en espérant que je ne l’avais pas encore mise en colère. Habituellement, elle n’était pas très susceptible sur son problème d’alcool.

« Non… Même si j’ai du contrôle sur ton rêve, ce n’est pas moi la responsable…

-Ça va aller ma chérie, tu n’es pas blessée ? » Intervint Chrysalis en se dressant sur le bar pour m’observer.

« Euh… o-oui, oui, je vais bien.

-Ouah… Depuis quand ma Marshall se fait foal-sitter par la reine des changelins. » Constata Luna en s’appuyant sur un sabot en souriant. « Décidément, je n’arrive jamais à m'ennuyer avec toi.

-Quoi ? C’est bon, c’est juste un rêve.

-Hmmm oui, mais ton inconscient à quand même insisté pour qu’elle apparaisse dans cet endroit… et pour que ce soit la seule qui intervienne pour venir s’inquiéter si tu allais bien.

-Arrêtez, vous savez que ça ne veut pas dire grand-chose… » Répondis-je en riant nerveusement, avant de reprendre mon sabot que Chrysalis était en train d’examiner, pour voir si je n’étais pas blessée.

« Tu peux mentir aux autres et même te masquer la vérité, mais malheureusement, c’est dans ton subconscient que tu caches tout ça… Et là, je dois dire que c’est assez flagrant pour que j’en fasse des cauchemars… » Luna semblait me regarder avec un air étrangement dégouté, je me retournais alors à l’endroit où Chrysalis devait se trouver et vis la changeline en train de m’adresser un regard mielleux à souhait accompagné d’un sourire ravageur garnit de longs crocs, et d’une pose qui rivalisait avec n’importe quel étalon qui ferait pilier de comptoir dans les bars… Y n’y avait pas à dire, mon subconscient savait toujours ce qui me faisait vibrer… « Je crois que je vais prendre quelques vacances dans tes rêves, ils sont dépaysants et il y a bien de quoi écrire quatre livres sur toi.

Je repoussais la changeline avec mon sabot contre son museau avant de reporter mon attention sur l’alicorne.

« Si vous faites ça je porterai plainte comme tout ceux qui l’on fait avant moi.

-Ils n’ont jamais réussi à prouver quoi que ce soit ! Et en plus, ils pouvaient bien me critiquer, c’était eux qui rêvaient de moi à la base, je n’ai fait que regarder la plupart du temps ! » S’énerva l’alicorne en roulant des yeux. « C’est bien parce que Celestia me le demande que j’arrête de les harceler, mais si elle voyait ce qu’ils rêvent d’elle… »

L’alicorne bleue termina alors son verre avant d’en reprendre un autre. Je me doutais que nous n’étions pas là pour discuter tranquillement dans un bar, mais au final, c’était aussi bien d’avoir un peu de calme avant la tempête.

« Il va falloir que tu fasses quelque chose pour moi Cadance… » Soupira l’alicorne comme si elle savait qu’elle allait avoir du mal à me convaincre de l’aider. Ça, c’était la tempête qui se préparait. « En fait, tu n’as pas le choix.

-C’est dangereux ? » m’inquiétais-je en vidant mon verre tandis que Chrysalis m’en offrait un nouveau.

« À la base, je dirais que non, mais on ne sait jamais comment réagissent les créatures surnaturelles…

-Et qui est-ce ?

-Le Taxidermiste.

-Qui ?

-Je t’ai déjà parlé de lui. C’est le Marshall qui s’occupe du secteur de Manehattan. » Elle croisa ses sabots sur le comptoir avant de soupirer un long moment. « Des contacts m’ont averti qu’il a quitté la ville, juste après m’avoir informé qu’il mettait fin à son rôle de Marshall.

-Arrêter d’être Marshall… aussi simplement que ça ? » Me demandais-je en observant mon reflet dans mon verre.

« Le problème… » Continua-t-elle en ignorant totalement ma remarque. « C’est qu’il n’a plus donné signe de vie. Depuis ce train qui le conduisait à Canterlot la semaine dernière, il est introuvable.

-Et alors ? S’il n’est plus Marshall, il n’a plus à vous rendre des comptes.

-Si je vous désigne comme Marshall, c’est justement pour ne pas devoir garder un oeil sur vous ! » Cracha-t-elle en m’observant en coin avant de reprendre une gorgée de rhum. Je commençais à comprendre ce qu’elle faisait avec les créatures surnaturelles en les accueillant avec des règles à suivre… au final, j’étais au même tarif. « Il est bien trop dangereux pour être laissé sans surveillance, et bien entendu, PERSONNE n’est capable de me dire où se trouve ce crétin ! » Dit-elle en perdant son sang froid et en frappant du sabot sur le comptoir. Cela fit aussitôt apparaître Chrysalis qui lui apporta une assiette de poulet frit. « Sérieusement ? » Dit-elle en laissant son regard faire la navette entre le plat et moi.

« Blâmez Chrysalis, ou même mon subconscient, mais ce n’est pas moi qui ai fait ça ! » Me défendis-je en levant les sabots. Voyant l’alicorne se calmer en décidant que la nourriture ne devait pas être gâchée - un grand merci à toi Chrysalis - je lui demandai : « Et qu’est-ce qui fait que le Taxidermiste est aussi dangereux ?

-Je ne peux rien dire… » Répondit-elle entre deux bouchés de poulet.

« Oh pitié ! Je peux comprendre qu’il vous est impossible de donner des informations sur l’autre monde et la plupart de ses habitants, mais pourquoi vous ne pouvez rien me dire sur lui ?

-Par soucis d’équité, idiote. » Chantonna Luna avec un léger sourire.

C’était elle qui m’avait expliqué le principe d’échange équitable, et bien entendu, cela arrivait à chaque fois à m’énerver quand elle me le replaçait en pleine face.

« Pourquoi ? Vous avez fait un marché avec qui, le Taxidermiste ?

-Avec vous tous… » Dit-elle en gardant son attention rivée sur son repas, cependant, elle comprit que j’attendais davantage d’explication et tenta de me répondre tout en mangeant. « Il s’avère que la plupart des Marshalls sont des créatures instables… certaines comme toi ne sont pas nées avec leur pouvoir et ne sont pas toujours capables de les contrôler, et d’autres ont des modus operandi plutôt directs… mais bien entendu, il arrive parfois qu’on atteigne la limite et que l’un de vous… pense être le meilleur Marshall. Il lui serait donc bien utile de profiter des secrets de ses confrères, mais heureusement, je ne livre aucune information entre vous…

-Et donc, par souci d’équité, vous ne livrez aucun secret sur les pouvoirs de ceux qui pourraient s’avérer dangereux ?... » Mon incompréhension devait se lire sur mon visage, mais je comprenais l’alicorne. Malheureusement…

« Tout ce que je peux te dire, c’est que c’est l’ancien Marshall de Canterlot qui l’a pris sous son aile à l’époque. Il en sait donc bien plus que toi sur à peu près tout. Je ne te demande pas de l’attaquer, juste de savoir les raisons pour lesquelles il se trouve à Canterlot.

-J’ai déjà l’histoire des incendies sur les bras, sans compter Chrysalis et sa famille qui ont décidé de tous emménager chez moi, vous êtes sûre qu’il n’y a que moi qui peux gérer ça ?

-Hélas, il n’y a qu’à toi à qui je peux demander ça. Tu es la Marshall de Canterlot, non ? Alors c’est ton devoir !

-Arrêtez, je suis sûre que…

-Tu veux que je ramène l’arbre ? » Me coupa l’alicorne en sirotant son verre. Je soupirais en grommelant entre mes dents.

« D’accord, j’y penserai… mais au moins, est-ce que je peux avoir des informations sur son enseignant ?

-Bien sûr, il est mort, je ne suis plus tenue à rien. » Dit-elle en reposant son verre avant de se retourner sur moi tout sourire. « C’était un pégase vert à la crinière orange. Oh, il ne payait pas de mine, mais il avait un de ces charme… » Elle s’appuya contre son sabot en semblant se perdre dans ses souvenirs. « Il avait un don pour soigner ses entrées, on aurait dit qu’il avait toujours la solution à nos problèmes, et sa voix, elle était tellement suave… » Elle frissonna avant de reprendre ses esprits.

«...Et sinon, à part me dire que c’était l’un des meilleurs coups de votre vie, il n’avait rien de particulier ?

-Non… » Répondit l’alicorne bleue en haussant les épaules. « Un simple pégase qui utilisait une dague en verre. Il aimait cette arme et ça lui suffisait pour régler la plupart des problèmes. Il a pris le Taxidermiste avec lui pour l’aider à contrôler son pouvoir.

-Aha ! Donc, le Taxidermiste à bien un pouvoir ! » M’exclamais-je en la pointant du sabot. « Vous ne voulez pas me révéler des informations sur lui, pourtant vous en laisser filer subrepticement pour m’aider !

-Bien sûr qu’il a un pouvoir particulier. Même ton prédécesseur en avait un, même si ce n’était pas de nature magique. Dire qu’un Marshall n’a aucun pouvoir, c’est comme dire qu’un poney peut exister sans « talent particulier. » Dit-elle en imitant des guillemets avec ses sabots. « Si un poney peut avoir un cône de circulation sur le flanc, c’est bien parce qu’on a toujours récompensé la médiocrité !

-En clair… vous ne voulez vraiment pas m’aider ? »

L’alicorne roula des yeux avant de se masser les tempes avec ses sabots.

« Je peux te dire que le Taxidermiste comme son ancien mentor n’étaient pas du genre à faire des victimes inutiles. Ils cherchaient toujours à éviter la casse et à être les plus discrets possible. Par exemple, ils ont réussi à éliminer une succube qui tenait un orphelinat sans même que les enfants ne le découvrent en la remplaçant le lendemain. Efficace, n’est-ce pas ?

-C’est censé m’aider ou me faire paniquer ?

-Mais calme toi voyons ! Qu’est-ce qui te fait aussi peur ? Tu sais, tu finiras bien par mourir un jour ou l’autre, ça je peux te l’assurer.

-Je m’en doute bien… » Répondis-je quelque peu à cran. « Mais ce n’est pas une raison pour me raconter des histoires du genre. On dirait presque que vous souhaitez ma mort.

-Oh non rassure toi, j’ai pris mes paris et j’avoue que tu es encore bien placée sur la liste.

-Quelle liste ? » Je penchais la tête sur le côté et la jument lunaire leva un sabot au-dessus du bar pour désigner une enseigne écrite à la craie.

« C’est moi qui l’ai créé. » Confia-t-elle en me laissant le temps de la déchiffrer.

Sur ce panneau noir, une liste de noms était inscrite avec pour la plupart un nombre placé juste à côté. Certains des noms avaient été rayés, voir même presque totalement effacés. Je vis le mien ainsi que celui du Taxidermiste. Il y avait aussi Twilight Sparkle, Derpy, Screwloose, Lyra Hearststrings, Good Guts et encore quelques autres. Je ne les connaissais pas tous, je n’en avais jamais croisé que quelques uns quand j’habitais encore au château avec Luna.

« Et vous vous amusez comme ça ! » M’indignais-je en reculant légèrement.

« On pourrait parier sur le temps que tu mettrais à me rejoindre dans mon lit… » Les deux alicornes se retournèrent sur la changeline qui les avait interrompues et qui adoptait toujours un air langoureux.

« S’il te plaît Chrysalis… Tu peux t’en aller de mon rêve ?

-Oh, ma chérie, ce n’est pas moi qui suis venue, c’est toi qui ne peux pas t’empêcher de rêver de moi.

-Oui, d’accord. » Répondis-je agacée. « Mais est-ce que tu pourrais faire en sorte que je t’oublie l’espace d’une heure ? »

La changeline se mit à rire avant de se pencher sur le comptoir pour venir m’embrasser le front, juste à côté de la corne.

« Pour toi ma chérie, je ferai n’importe quoi. » Puis, elle s’en alla sans rien ajouter de plus, me laissant médire mon propre subconscient tandis que Luna ne comprenait rien à ce qu’il se passait.

« On peut faire comme s’il ne s’était rien passé ? » Implorais-je en m’affalant sur le comptoir.

« Comme tu veux, c’est tes rêves après tout… Quoi qu’il en soit, je ne suis pas la seule à parier sur le premier d’entre vous qui mourra. En fait, chaque Marshall à le droit de faire une mise.

-Et pourquoi je suis la dernière au courant ?

-Parce que tu allais forcément mal le prendre ! » Rétorqua-t-elle sèchement alors qu’elle avait raison. « Et puis, tu n’es pas la seule qui n’est pas au courant, Derpy ne sait rien de ce petit jeu.

-Oui, mais personne n’a misé sur elle ! » En même temps, qui serait assez fou pour parier sur la mort de Derpy. « Moi j’ai plus de quatre-vingts bits sur ma mort ! Qui a misé ? » Demandais-je furieuse.

« Alors si je m’en rappelle bien… » Elle posa un sabot sous son menton en se pinçant la langue entre les dents. « Hmm Cinquante viennent de Twilight, vingt-cinq de Lyra et j’en ai rajouté cinq…

-Vous avez parié sur ma mort !? »

Luna roula des yeux avant de lever les sabots.

« Je t’avais envoyé te battre contre une manticore, et si j’avais gagné j’aurais utilisé l’argent pour prendre un verre en ton honneur… » Voyant que je n’avais toujours pas l’air convaincue, l’alicorne laissa retomber ses sabots au sol avant de soupirer bruyamment. « J’ai parié que cinq bits on va pas en faire tout un plat quand même ?!

-Qu’est-ce que vous diriez si je misais cinq bits sur vous ? » Demandais-je en laissant ma colère poindre dans ma voix.

« Que ça serait une perte d’argent ! Mise plutôt sur Good Guts… ou Rainbowshine. Il y a bien plus de chance que ce soit l’un d’eux qui meurt en premier.

-...C’est affreux, je ne vais pas participer à un jeu aussi idiot !

-Tu vois, je t’avais dit que ça ne servait à rien que je te parle de nos paris. » Fit-elle en levant un sabot avant de secouer la tête.

« Très bien alors, mettez vingt bits sur Twilight !

-Cadance… Si personne d’autre n’a fait de mise sur Twilight, c’est bien parce qu’ils savent qu’elle ne risque pas d’être la première à y passer. Tu es sûr que tu ne veux pas parier sur Rainbowshine… je veux dire, c’est une pégase dont on n’arrive même pas à définir la couleur, est-ce qu’elle est mauve, violette, lilas, lavande ? Tu vois ce que je veux dire ? C’est insupportable tout de même ! » l’alicorne fut coupée dans son analyse quand une bagarre éclata dans le bar. Deux étalons se donnèrent des coups en renversant les tables proches et en brisant les verres. L’alicorne regardait la bagarre avec intérêt, comme si elle tentait d’en comprendre l’origine. Moi, je m’étais contentée de sursauter avant de reporter mon attention sur mon second verre. Ils n’allaient pas venir nous embêter après tout, c’était mon rêve, il ne me voulait que du bien. « Retrouve le Taxidermiste ! » Me rappela l’alicorne en posant un sabot sur mon épaule. « Je peux te donner un point de départ pour commencer tes recherches. C’est à la rue des selles d’argents, il te faudra aller voir les quatre chevaux de l'apocalypse.

-Pardon ?

-Mais oui, tu verras, ils ne sont pas bien méchants… En fait ils sont très sympathiques en réalité. Tu devrais voir Guerre, il est un peu fainéant sur les bords, mais il est tellement drôle. » Se mit à glousser l’alicorne. Je n’avais jamais vu les quatre chevaux de l’apocalypse… En réalité, je ne les connaissais que de nom, et il était clair dans ma tête qu’il fallait toujours mieux rester éloigné quand des poneys ont des noms comme : Guerre ou Pestilence…

« Et pourquoi je dois aller les voir ? Qu’est-ce qu’ils ont à voir avec le Taxidermiste ?

-Je sais qu’il a une relation avec l’un d’entre eux. C’est Guerre qui me l’avait raconté… Et quand on y pense, ce n’est pas si difficile de trouver avec qui il pourrait avoir des affinités.

-Donc c’est ça ma prochaine mission ?

-Oui, et elle commence dès maintenant. Continue de rechercher les responsables des incendies, mais il faut absolument que tu retrouves le Taxidermiste. Ce crétin représente déjà un danger alors il ne faut pas le perdre de vue… »

Je me mis à paniquer quand un groupe de poneys qui était en train de se battre se rapprocha de nous. Je fus bousculée par l’un d’eux et perdit l’équilibre sur mon tabouret. La chute sembla durer une éternité où je me mis à tendre chacun des muscles de mon corps. Un choc se fit alors sentir dans tout mon corps, j’ouvris alors les yeux brusquement pour constater que j’étais à nouveau sous l’arbre, dans les appartements de Luna. Je m’étais endormie sur l’herbe, au côté de Luna et étrangement, je me retrouvais sur le carrelage froid des appartements de la princesse.

L’alicorne, elle, s’était déjà redressé depuis un moment et fonçais vers l’une des portes les plus proches, celle qui la menait à sa salle de bain, je l’entendis alors se mettre à régurgiter ce qu’elle avait bu la veille… et même durant mon rêve. Je me relevai difficilement en ressentant à nouveau le vent froid qui provenait de l’ouverture sur le balcon. Comment arrivais-je encore à me sentir dans cet état ?

Je sursautais légèrement en sentant l’un des sabots de la princesse se poser sur mon flanc. Me retournant brusquement, je fronçais les sourcils en voyant son état déplorable. Elle avait les yeux injectés de sang, le blanc avait viré à un jaune pâle et elle avait du mal à tenir debout. Sa crinière ne brillait plus du même éclat et était toute ébouriffée. Je ne pouvais pas vraiment la blâmer. Si on me réveillait à trois heures du matin après une soirée arrosée, c’était à ça que je ressemblerai… sauf que Luna passait toutes ces nuits dans cet état…

« Faut vraiment que j’arrête de boire dans les rêves… ça saccage ma digestion. » Elle colla un sabot contre son ventre avant de plisser les yeux.

J’avais vécu au château pendant une année durant, je connaissais les habitudes de l’alicorne par coeur, et je savais que là, tout de suite, elle puisait dans ses dernières forces pour ne pas se rendormir… ou vomir le fond de soirée qu’elle avait encore en elle. Je passais sous l’une de ses ailes et l'entraînai jusqu’à son arbre. Bien sûr Luna avait une chambre, des appartements privés où elle pouvait dormir en paix, mais elle adorait être près de cet arbre.

Une fois sur l’herbe, je me mis sur mes genoux en incitant la princesse à faire de même. Elle réussit tout de même à me faire bien ressentir son poids quand elle s’écroula presque sur moi. Soupirant en penchant la tête sur mon encolure, prête à se rendormir, l’alicorne tenta de murmurer quelque chose :

« Fais attention à toi Alice…

-Je fais toujours attention.

-Non… » Marmonna-t-elle en me poussant légèrement l’épaule avec sa tête. « Dans ton rêve… Le cadre qui tombe, l’étagère au bar, cette bagarre… quelque chose voulait que tu arrêtes de rêver. »

Je déglutis légèrement en sentant mon corps se tendre. Cela ne faisait que confirmer ma peur actuelle de m’endormir.

« Je serai là Alice, veiller sur les nuits est mon rôle après tout. » Dit-elle d’une voix incroyablement douce.

Je me tournais légèrement pour croiser son regard céruléen et vis le léger sourire qu’elle m’adressait.

« Vous n’avez pas envie de gagner vos cinq bits si je meurs ?

-Avec qui j’irais boire un verre si tu n’es plus là ? En un an je t’ai appris à avoir une vraie descente de minotaure, ça serait du gâchis que de te voir mourir… Encore que pour cent bits…

-Luna ! » Fis-je en ayant l’air faussement en colère. L’alicorne de la nuit était toujours ainsi. Elle me hurlait dessus, me faisait mal, me traitait d’idiote, mais au fond, elle m’aimait bien, mais elle se cachait bien de me le dire.

« Je plaisante, Alice. » Dit-elle en gloussant avant de m’adresser cependant un regard sérieux, ce qui fonctionnait très bien avec le bleu de ses yeux. « Cependant, j’aimerais savoir… est-ce que tu vas bien ?

-O-oui… à part mes problèmes de sommeil… oui, je vais bien.

-Ah bon. » Elle s’appuya un peu plus contre moi en venant tenir l’un de mes sabots dans les siens. « Je demande ça, parce que tu m’as avoué que tu avais une reine changeline et toute sa famille chez toi…

-C’est pas réellement TOUTE la famille, en fait ça ne concerne que dix-sept changelins… peut-être plus en fait…

-Beaucoup d’indicateurs m’ont informé que tu étais devenue sa servante ? Alors tu peux parfaitement exercer ton travail de Marshall tout en lui léchant les sabots, cela m’est égal, mais tu ne peux utiliser ton rôle pour les besoins de Chrysalis.

-Il est hors de question que je lui obéisse. Ce lien à été créé par hasard. Il est clair que moi et Chrysalis allons vite retourner chacune de notre côté une fois que cette histoire d’incendie sera terminée.

-Ouf tu me rassures. » Elle ferma alors les yeux en laissant sa tête reposée contre le sol et moi. « J’ai une sacrée ardoise au Green Cocoon, je te voyais mal jouer les collecteur d'impôt pour Chrysalis. » Dit-elle avant de se mettre à nouveau à rire légèrement.

Je me levai alors lentement, m’apprêtant à partir quand Luna m'interpella une dernière fois.

« Une dernière chose Cadance… Est-ce que tu vois encore beaucoup… Shining ?

-E-euhm… » La question m’avait surprise pour une seule et bonne raison, Luna n’avait jamais cru en ma faculté à voir Shining. « N-non… plus pour le moment, pourquoi ?

-Rien de particulier. Je voulais juste savoir pourquoi est-ce que dans ce rêve, tu avais la crinière blonde et pas noire… »

Je me raidis légèrement, incapable de donner une justification, et surtout, incapable de comprendre ce que cela signifiait réellement.

« Je crois que mon subconscient… Oui, je crois qu’il essaye de me dire que je devrai acheter de la teinture pour crinière. » Répondis-je en hochant la tête avant de faire quelque pas en arrière pour m’apprêter à partir.

« C’est ça, idiote. » Fit Luna, mais au même moment, un bruit se fit entendre à l’autre bout de la pièce. C’était les grandes portes qui s'ouvraient pour laisser entrer l’une des créatures les plus pures de tout Equestria.

« Luna, tu dors déjà ? » Fit-elle d’une faible voix.

« Non Tia, c’est pour quoi ? » Répondit sa soeur en relevant la tête légèrement en souriant.

Mais l’alicorne blanche se stoppa net en me voyant. Son regard se fit alors un peu plus sombre, mais tentait de garder son léger sourire qu’elle voulait adresser à Luna. Je baissai aussitôt le regard, ne voulant pas constater l'indignation que je lui faisais éprouver… Je voulais disparaître, ne plus exister, et ça, chaque fois que la princesse Celestia posait son regard sur moi. J’avais l’impression d’être le pire des monstres, ce pour quoi les Marshalls étaient censés protéger Equestria.

« Je… Je voulais juste te souhaiter la bonne journée.

-Merci grande soeur. On se revoit vers dix-huit heures pour notre repas ?

-Bien ! » Dit-elle avant de refermer la porte derrière elle, ne m’adressant plus la moindre attention. Quelques secondes passèrent où l’on pouvait encore entendre le bruit de ses sabots qui résonnaient dans les longs couloirs de marbre du château.

« Tu as vu, elle a presque réussi à se souvenir de ton existence ! » Me fit remarquer Luna.

« Merci bien… ça me remonte beaucoup le moral de savoir que j’ai peut-être encore ma place dans ce monde.

-Oh ne t’inquiète pas, moi j’ai quitté ce monde durant mille ans, et après, elle était de nouveau ma soeur adorée. » L’alicorne s’allongea à nouveau dans l’herbe, soupirant une dernière fois pour s’apprêter à dormir.

« Mille ans… Vous croyez que ça sera suffisant pour moi ?

-Hmmm, j’en doute. Après tout, moi, je suis sa soeur, et toi, juste une succube qui a tenté de coucher avec elle. »