Funhouse

J’étais toujours dans le bureau de la propriétaire de l’after life : Catherine. Je n’avais quasi plus aucune idée de pourquoi j’étais ici, il était peut-être temps d’admettre que j’étais juste venue parce qu’Ember m’avait provoquée. Quoi qu’il en soit, Cat, pour les intimes, tentait de m’expliquer en quoi la venue de poneys normaux était indispensable au bon fonctionnement de l’établissement. Cette dernière avançait même qu’elle les aidait. Pour moi, c’était forcément un mensonge. Les êtres surnaturels fonctionnaient toujours et uniquement avec un principe d’échange équitable. Pourtant, la batpony à la crinière bordeaux essayait de me faire croire à un parfait altruisme de sa part. Je m’installais un peu plus contre ma chaise tandis que la jument à la robe grise m’observait d’un regard impassible m’expliquant à nouveau son point de vue.

“Comprenez bien Marshall, des poneys apprennent l’existence de l’autre monde tous les jours. Ils sont perdus, ils ont peur, alors il arrive que certains d’entre eux essayent de trouver des réponses, ou d’affronter cette peur en venant ici.

-Il y a quand même plus sain comme cadre pour en apprendre plus sur les créatures surnaturelles !” Rétorquais-je sèchement.

“Et où, Marshall ? Vous organisez souvent des séances d’information sur les dangers et les conséquences de fréquenter un lycanthrope ?

-Vous tenez un bordel, Catherine ! Alors si ces poneys viennent ici, j’imagine que vous leur apprenez bien plus que la manière de les brosser dans le sens du poil !

-Rien n’est fait sans leur consentement si c’est ce qui vous inquiète.” Elle avait peu à peu changé de ton pour être plus froide. Peut-être ne supportait-elle pas mon manque de confiance en elle. “Écoutez Marshall, chaque poney qui arrive ici, vient pour une bonne raison. Certains sont perdus en découvrant notre monde, mais d’autres encore n’en prennent conscience qu’en venant ici.

-Vous voulez dire que vous ne respectez pas les lois du secret ?” Demandais-je en la fusillant du regard. Ces lois qui concernaient la discrétion des êtres surnaturels étaient les plus importantes. En réalité, je pouvais aller jusqu’à tuer des créatures qui cherchaient intentionnellement à se faire voir si elles n’y étaient pas autorisées.

“Uniquement avec l’accord des princesses et bien entendu, ce n’est pas moi qui vais les chercher, ce sont eux qui viennent à nous.” Cette fois-ci, elle n’attendit pas que je lui demande pour m’expliquer. “Certains des glamours qui entourent ce bâtiment ne sont pas des répulsifs, mais justement, des charmes qui ont pour but d’attirer certains candidats destinés à nous rejoindre d’une manière ou d’une autre. Je vous ai dit que je les aidais Marshall, mais vous ne vous êtes même pas demandé de quel genre de poney je parlais. Oh bien sûr pour vous, quand on est un poney, on est forcément innocent ou une victime. Après tout, c’est nous les monstres. Cependant, certains poneys ont des désirs, ou même des problèmes, des souffrances qu’ils ne peuvent guérir naturellement…” Elle s’arrêta, attendant que je lui réponde quelque chose, mais je ne savais absolument pas quoi lui dire. “Vous savez quoi ? Une présentation des lieux vous permettrait de comprendre plus facilement.” Annonça-t-elle en quittant brusquement son bureau. Je n’avais pas eu le temps de la suivre du regard qu’elle était déjà derrière moi en train de m’attendre à la porte.

À mon tour, je me levai de ma chaise pour la suivre en posant un regard étrange sur son collier. Elle n’arrêtait pas de poser son sabot dessus, comme si elle voulait le protéger. Elle se dirigea plus loin dans le couloir où toutes les portes étaient identiques, ce qui donnait l’impression que le couloir s’étirait à l'infini tellement il était long. C’était étrange, de l’extérieur, le bâtiment ne semblait pas aussi grand. La moquette rouge ainsi que les murs un peu plus foncés donnaient vraiment un côté glauque à cet endroit.

“Marshall, je dirige un bordel, il est donc certain que j’aurais tendance à vous garder fermées certaines portes, mais vous bénéficiez d’un laissez-passer qui m’oblige à vous donner le libre accès pour le bien de votre inspection, et donc je ne peux me porter garante de ce que vous verrez.”

Je hochais simplement la tête, si elle me faisait un avertissement c’était certainement pour me dissuader de continuer. J’entendis un étrange bruit venant de la porte qui était juste derrière moi. Je jetais un rapide regard en coin à Catherine qui hocha simplement la tête, comprenant que j’allais ouvrir quoi qu’elle me dise.

J’appuyais tout de même doucement sur la poignée, la plupart des créatures surnaturelles n’aimaient pas être surprises. À l’intérieur, dans une chambre uniquement sertie d’une table et d’un long canapé. Le reste de la pièce était complètement vide pour y laisser certainement le plus de place possible pour le couple qui était en train de danser. Un étalon riait joyeusement en bougeant en rythme avec la musique, dressé sur ses pattes postérieures. La jument, qui était plaquée contre lui était légèrement plus grande et avait deux ailes de cuir qui dépassaient de son dos.

“Tenez, voici la carte d’identité ainsi que l’accord signé par monsieur Everyday pour être ponctionné trois fois par semaine.” Me dit Catherine en me tendant les papiers énoncés.

-Ponctionné ?” Demandais-je avant de prendre les papiers et de reporter mon attention sur les danseurs. Je vis alors la batpony ouvrir la gueule et planter ses crocs dans l’encolure de l’étalon. Je ne pus réprimer un frisson qui parcourut mon corps alors que l’étalon lui, serrait sa partenaire un peu plus fort contre lui, les yeux fermés.

“Si vous faites attention au contrat, vous pouvez voir qu’il est nourri et logé ici durant son CDD de huit ans. Bien sûr, il lui est garanti qu’il ne lui sera fait aucun mal en dehors des morsures.

-Que signifie la compensation salariale à hauteur du travail presté ?” Interrogeais-je en lisant cette ligne qui se trouvait sur la fin du contrat.

“Oh, c’est bien simple, il sera changé en batpony.”

Je me retournai sur elle en m’étranglant légèrement.

“Vous les payez en les transformant ?

-Non bien sûr que non.” Me répondit Catherine en secouant la tête tout en se rapprochant de moi pour avoir le contrat sous les yeux. “Regardez, il dispose d’un revenu fixe de six-cents bits par mois. Bien sûr, on lui demande aussi par moment de servir au bar, de s’occuper du nettoyage en journée, ainsi que de tenir un poste de secrétaire. Mais au départ s’il est venu ici, c’est parce qu’il voulait devenir un batpony.”

Je feuilletais le document pour finalement trouver cette note qui indiquait bien l’accord de cette personne pour se faire mordre, ainsi que celui pour sa transformation.

“Nous pouvons empêcher la transformation tant que les batponies retiennent leur poison en les mordant. Les faire nourrir leurs futurs frères et soeurs est avant tout là pour qu’ils respectent à leur tour les poneys qui se chargeront de les nourrir quand ils le seront devenus eux aussi. Bien sûr, la princesse Luna reçoit un double de chaque dossier et peut même mettre son désaccord sur un futur candidat dont on aurait mal analysé le profil. On ne devient pas un monstre en renaissant batpony, on en est un avant la naissance.” Me dit-elle en terminant sa dernière phrase sur un ton un peu plus sombre. On aurait dit qu’elle essayait de me faire un reproche, et je n’aimais pas cela.

Je regardais les deux poneys qui avaient repris leur danse, la batpony avait la tête couchée sur la plaie de l’étalon alors que du sang coulait de sa bouche. Je fermais la porte derrière moi. D’accord, il n’y avait rien d’illégal pour le moment, mais c’était normal, nous étions à Canterlot et c’était des batponies. Aucun d’eux n’oserait faire le moindre faux pas alors qu’il vivait non loin de la princesse de la nuit. Donc, j’avais encore toutes mes chances de trouver une infraction avant la fin de la visite. Je repoussais une mèche de crin noir avant de me mettre à avancer dans le long couloir en rendant les documents à Catherine.

“Huit ans pour devenir un batpony… c’est plutôt long pour quelqu’un qui souhaite garder sa jeunesse éternellement.” Fis-je en observant discrètement les portes devant lesquelles je passais.

“J’ai certainement quarante fois votre âge Marshall… pour qui me prenez vous ?” Rétorqua-t-elle sèchement.

Je m’arrêtai alors pour me retourner sur elle, surprise et choquée de sa réaction. Je pensais qu’elle resterait passive durant toute mon inspection, mais finalement, elle avait décidé de montrer les crocs.

“Je vous demande pardon ?

-Tu m’as très bien compris Cadance, après plus d'un demi-millénaire d’existence dans cette ville, je crois avoir passé l’âge de subir les caprices d’une gamine dans ton genre !

-Les temps changent vieille peau !” Je n’eux pas le temps de lui décocher une nouvelle insulte qu’elle me sauta dessus tellement vite qu’il m’était impossible d’éviter sa ruade.

Nous nous étalâmes au sol en roulant l’une sur l’autre. Ma nature d’alicorne m'octroyait plus de force qu’un poney normal et c’était une chance pour moi, car j’aurais eu bien du mal à retenir les sabots et les crocs de Catherine qui disposait elle aussi d’une force surnaturelle. Dû à son agilité et ses ailes bien plus solides que les miennes, la batpony réussie à me plaquer au sol en m’envoyant plusieurs coups grâce à ses membres de cuir. Incapable de m’extirper de cette position, je mis rapidement un sabot au niveau de la gorge de la jument, tandis que de l’autre, je retenais l’un des siens. Catherine avait la gueule grande ouverte et me présentait ses crocs en produisant un sifflement qui me vrillait les tympans. Alors que je tentais de résister face à elle, je pouvais sentir toute sa puissance envahir le couloir. Elle avait une aura brûlante qui m’asphyxiait tellement elle était épaisse. Par instinct de survie, je sentis mon pouvoir s’activer de lui-même et se répandre hors de moi. Je ne l’avais jamais réellement contrôlé dû à son manque d’utilité. Pour moi, mon statut de succube m'obligeait simplement à me nourrir du désir et me permettait d’en fournir à mes partenaires. Ainsi je disposais de plus de réserve magique qu’une licorne classique, mais ça s’arrêtait là. Je ne savais pas ce que j’essayais de faire, mais ça avait l’air de calmer Catherine qui s’arrêta l’espace de quelques secondes pour respirer l’air. J’en profitais alors pour lâcher son sabot et sa gorge pour me focaliser uniquement sur son large collier. Je ne savais pas pourquoi je voulais à ce point tout risquer juste pour cet atour, mais il ressemblait tellement à celui de la reine Celestia. Catherine avait l’air d’y porter beaucoup d’attention, et j’avais l’impression qu’il dégageait une étrange magie, même si je ne percevais absolument rien. Une fois que je réussis à empoigner le large collier, la batpony se figea avant de siffler de plus belle.

“Lâche ça sale succube !” Tonna-t-elle en rapprochant son museau plus proche de moi tandis que l’un de ses sabots agrippait les miens.

Je tirai davantage, et Catherine fut comme totalement paralysée.

“C’est quoi ce collier !?” Hurlais-je plus que je ne posai la question, sous l’effet de la panique.

“C’est mon héritage, lâche-le !” Ordonna-t-elle en reprenant une apparence moins bestiale. Elle rétracta légèrement ses crocs, et ses pupilles s’élargirent peu à peu.

“D'abord, vous vous éloignez !

-Pas si tu retiens mon collier, idiote !”

Nous étions dans une impasse, et ça n’allait pas à mon avantage. Quand je disais que mon plus grand talent c’était de mettre les gens à bout… J’étais dans mon droit si je la tuais, mais je n’avais que de simples couteaux cachés entre les plumes de mes ailes. Pour tuer un batpony, il me fallait au moins de l’argent.

“D’où vient-il ?” Demandais-je en penchant la tête sur le côté pour l’observer d’un peu plus près. Je n’avais aucune idée de comment débloquer la situation, alors le mieux à faire, c’était encore de gagner du temps. “Il ressemble à celui de la reine Celestia.

-ça ne te regarde pas ! Maintenant, lâche-le, ou je te jure que je t’arrache la gorge.

-Et si je le lâche, qu’est-ce que tu feras ?!” Demandais-je en tentant de ne pas montrer ma peur. “C’est un vrai, ça se voit, mais si c’est le cas, tu dois l’avoir volé.

-Ne me traite pas de voleuse !” Siffla-t-elle en se montrant à nouveau menaçante, mais elle s’arrêta bien vite quand elle me sentit tirer à nouveau sur le collier. Je ne pus m’empêcher d’étirer un léger sourire. J’avais beau avoir peur, je ne pouvais que trouver amusant le fait que je tenais une batpony centenaire comme un chien en laisse.

“Allez Cat.” Fis-je avec un clin d’oeil. “J’ai pas trop envie de l’abimer, alors dis-moi comment tu l’as eu.”

La batpony retint un nouveau sifflement en provenance de sa gorge avant de secouer légèrement la tête.

“Et dire que Luna m’avait prévenue que tu ne serais qu’une petite emmerdeuse…” Soupira-t-elle en tentant de reprendre son calme. “J’ai été une très bonne amie de la princesse du soleil et elle me l’a offert. Satisfaite ?”

En réalité, je ne l’étais pas vraiment. J’aurais voulu en savoir plus, mais je devais avouer que c’était déjà incroyable de savoir que Celestia avait eu une amie batpony… Elle qui détestait tout ce qui se rapportait à l’autre monde. Je décidai d’arrêter de pousser le bouchon et lâchai très délicatement le collier. Je gardais tout de même un sabot prêt à l’attraper à nouveau si elle faisait le moindre geste d’attaque.

“Un problème si je me relève ?” Demanda-t-elle en haussant un sourcil, comme si j’étais une paranoïaque.

“Tu te fiches de moi ? C’est toi qui m’as sauté dessus sans raison !”

La batpony se releva et me tendit un sabot pour m’aider à me relever. J’aurais eu tendance à vouloir le refuser, mais après ce que je venais de vivre, je me disais qu’il valait mieux ne pas la provoquer davantage.

“On peut parler de la véritable raison pour laquelle tu es ici ? Tu essayes de te donner raison, de prouver que tous les êtres surnaturels sont forcément des monstres. Chicha t’a pourtant bien dit que tu ne valais pas mieux que nous !

-Est-ce qu’on pourrait arrêter de m’espionner ?” Me plaignis-je en roulant des yeux.

“Tu es dans le mauvais quartier pour exiger ça, Marshall. L’information, c’est le pouvoir.

-Pourtant tu as préféré utiliser tes crocs quand tu m’as sauté dessus.” Rétorquais-je en me retournant pour reprendre ma route dans le long couloir. Catherine ne semblait plus avoir la moindre pulsion meurtrière à mon égard, ce qui devait exclure toute attaque pendant les cinq prochaines minutes.

“J’ai tendance à perdre mon calme quand une gamine me prend pour quelqu’un d’irresponsable par rapport à ma lignée.

-J’avais juste dit que je trouvais que huit ans, c’était plutôt long pour devenir un batpony. La plupart qui souhaite subir la transformation le font justement dans le but de rester éternellement jeune. Pourquoi feraient-ils ça dans la trentaine ?

-Parce que ce n’est pas le public que je vise.” Me répondit-elle simplement en se mettant à ma suite. “Certain de ces poneys sont seuls, n’ont pas de travail, ils ne trouvent pas de but. Certains même sont d’anciens criminels qui cherchent à changer de vie, mais bien sûr, ce monde ne l’autorise pas, alors ils essayent de rejoindre l’autre pour expier. En huit ans, ils auront le temps de connaître leurs frères et soeurs, de voir le respect qu’on lui porte quand on se nourrit de lui, de comprendre les conditions de la vie des batponies et de peut-être, réaliser que ce n’est pas le bon choix à faire.

-Tu fais ça en espérant les en dissuader ?

-En partie, Marshall. J’espère aussi qu’ils comprendront le danger que cela représente et qu’ils ne seront pas admis à tout faire une fois faisant partie de ma lignée.”

Finalement, Catherine était plutôt réglo au sujet des batponies. Bien sûr, je la soupçonnais toujours de me cacher des choses par rapport aux autres créatures qui visitaient cet établissement.

“À ce sujet, j’ai rencontré une connaissance pendant que j’étais au bar… Et son amie voudrait devenir une batpony elle aussi…

-Sa candidature a déjà été refusée à deux reprises.” Me coupa-t-elle alors même que je ne lui avais dit aucun nom. “La première fois, elle ne savait pas qu’il fallait être parrainé par un batpony de ma lignée pour pouvoir remplir les conditions du contrat. Et la seconde fois, elle avait trouvé un parrain, mais c’est Opera qui a posé son véto. Même si cette dernière ne fait pas partie de ma lignée, je l’ai accepté dedans quand Luna m’en a fait la demande, et donc, je n’irais jamais à l’encontre de l’un des miens.

-Et donc, il n’y a aucun risque qu’elle devienne une batpony ?

-Elle ne sera en tout cas certainement pas transformée par l’un de mes enfants. Et les quelques batponies qui ne sont pas miens à Canterlot ne sont pas assez fous pour faire quelque chose que je refuse aux miens. Cela dit, si cette jument cherche bien, elle trouvera bien vite qu’il y a plein d’autres moyens pour devenir un batpony. Il n’y a qu’à voir l’église de la vie éternelle à Manehattan. Celle-ci n’a pas autant de contraintes que moi pour subir une transformation, en seulement un mois on peut avoir fini toutes les procédures et déjà passer à cette nouvelle vie…” Elle finit sa phrase sur un ton plutôt amer.

“Si je comprends bien, vous n’êtes pas du genre à précipiter les choses en ce qui concerne la transformation.

-Il me faut de bonnes raisons pour que je le fasse si c’est ce que vous vous demandez. Devenir un batpony juste pour quelqu’un… et bien même si ça semble être la plus belle preuve d’amour que je connaisse, je refuse d’en prendre la responsabilité. Il faut du temps et de la puissance pour contrôler un batpony, le nourrir, lui enseigner à se cacher, se contrôler… Les lois d’Equestria nous empêchent de nous nourrir sans le consentement du poney concerné, j’arrive à nourrir ma lignée grâce à mon organisation et mes propres règles, mais à Manehattan, beaucoup de batponies sont livrés à eux-mêmes. Leurs censeurs ne les guident pas, et ils doivent se débrouiller seuls pour se nourrir. Vous savez comme c’est compliqué de devoir convaincre quelqu’un de vous donner votre sang ? Eh bien c’est comme si vous lui proposiez de coucher. Enfin, j’imagine que vous êtes consciente de ce problème, Marshall.”

Je jetai un rapide coup d’oeil à la jument en me demandant si elle n’essayait pas encore de me lancer une pique, mais cette fois-ci, je l'ignorai. J’étais plutôt contente que Catherine oblige un temps d’attente plutôt long avant de faire la transformation, peut-être que certain réussissait à se ressaisir et à quitter cet endroit.

“Votre contrat est rétractable ?

-Bien sûr, mais pas pendant les deux premières années.” Elle n’attendit pas que je lui répondre pour continuer. “Je sais Marshall, ça peut ressembler à de l'emprisonnement, mais je vous le rappelle, j’ai une lignée à nourrir. Bien sûr, je réduirai le nombre de fois où ils devront se faire mordre.”

Je ne pouvais rien rétorquer à cela, même si j’en avais fortement envie. C’était le prix de leurs erreurs après tout. Catherine ne pouvait pas faire vivre toute sa troupe de manière légale s’il n’y avait pas de poneys pour faire cette erreur.

“Bien, pouvons-nous poursuivre l’inspection ?” Interrogea la batpony alors que j’étais en train de marcher droit devant moi depuis un moment sans jamais être arrivée au bout du couloir. J’acquiesçais alors en me rendant compte que j’étais là avant tout pour prouver qu’on ne pouvait pas leur faire confiance… mais à qui déjà ?

J’ouvris la porte la plus proche de moi sans la moindre retenue et trouvai une sirène bleue, la même que j’avais vue au bar. Elle était allongée sur un lit, sa longue queue pendant hors de celui-ci. Devant elle se trouvait un poney, simplement assis au sol, en train de l’écouter chanter. Je mis aussitôt mes sabots sur mes oreilles avant de fermer la porte. Les yeux fermés, je me mis à fredonner une musique pour empêcher d’entendre l’écho hypnotisant de sa chanson.

“Moi la petite sirène, je ne suis pas méchante, tu le sais bien. Si tu me fais la gueule, je vais rester toute seule, on va rater nos vacances d’été…” Je continuais ma petite chanson jusqu’à ce que je me sente mieux. Après avoir repris mon souffle, je reposai mes sabots au sol.

“Désolée Marshall, j’ai oublié de vous prévenir que cette porte est spécialement insonorisée pour les sirènes.

-Et vous allez me dire que ce poney aime se faire bousiller le crâne chaque soir et c’est pour ça qu’il l’écoute ?

-Marshall… Filter est sourd. Vous ne pensez quand même pas que je vais donner en pâture un poney à une sirène qui a juste envie d’un public pour chanter. C’est tout ce qu’elle désire, et quand on apprend à la connaître, on se rend compte qu’elle est adorable.”

Je haussais les épaules, cela n’avait aucune importance pour moi, aussi sympathique qu’elle pouvait être, cette sirène pouvait devenir très dangereuse avec un micro dans une pièce pleine de poneys.

Il y avait encore beaucoup de portes, il y avait bien une chance pour que je tombe sur celle qui renferme quelque chose que Catherine ne voulait pas me laisser voir. Je me mis à trotter un peu plus rapidement dans le long couloir avant d’enfoncer une porte brutalement. Il faisait complètement noir à l'exception de la lumière du couloir qui pénétrait à l’intérieur. Je vis une petite paire de sabots là où la lumière n’arrivait plus à percer les ombres et c’est une petite pouliche qui fit les quelques pas pour sortir son visage hors des ténèbres.

“Bonjour Madame Catherine, j’ai fait quelque chose de mal ?” Demanda-t-elle d’une fois fluette, quasi au bord des larmes.

“Pas du tout ma puce.” Annonça-t-elle juste derrière mon épaule. “Je suis avec Madame Cadance, et elle est venue voir si vous alliez bien, toi et Ponpon.

-Ponpon dit qu’il a peur de la madame rose.” Fit-elle sur un ton plus neutre.

“Oh Streichholz, Ponpon n’a pas à avoir peur de madame Cadance, elle est très gentille.

-Qui est Ponpon.” Soufflais-je à la batpony juste derrière moi.

“Son ombre, et je vous conseille de ne pas l’énerver.” Informa-t-elle pendant que j’observais toujours la gamine.

Mais quelque chose se passa juste au-dessus d’elle, une paire d’yeux bleus s’ouvrirent, ils semblaient fait de fumée ou même d’ombres. Je me mis alors à sourire difficilement avant de dire :

“Eh bien nous n’allons pas traîner plus longtemps. Contente de t’avoir rencontrée ma petite.” Je dirigeais mon regard vers celui qui flottait dans les ténèbres. “Ponpon.” Fis-je en hochant la tête avant de rapidement fermer la porte derrière moi en soupirant de soulagement.

“C’est quoi réellement ce truc ?!” M’énervais-je à cause de l’adrénaline.

“C’est Ponpon, son ombre.” Répéta-t-elle en fronçant les sourcils. “Ce n’est pas un démon qui utilise son ombre pour s’introduire dans ce monde, Marshall. C’est simplement une enfant qui a vécu un traumatisme et qui a réussi à créer cette chose. Si elle est là, c’est parce qu’elle a peur de blesser quelqu’un avec Ponpon et nous lui apprenons à la contrôler.

-Et vous n’avez pas pensé à chercher un moyen pour la lui enlever ?”

Un grand coup fut asséné à la porte ce qui me fit sursauter en me plaquant au mur de l’autre côté du couloir.

“Vous croyez que personne n’y a pensé avant vous ? Cette petite a perdu ses parents, elle voit des monstres et des créatures effrayantes. La seule chose qui lui semble familière et qui ne veut que la protéger, c’est cette ombre. Alors, allez-y, allez lui dire qu’on lui retire sa seule défense.”

Je secouais la tête en reprenant mon calme. Il y avait des choses pour lesquelles on ne pouvait rien faire, et cette petite en faisait partie. Tout ce que je pouvais faire, c’était espérer que cette ombre ne fasse rien de mal à cette petite ou à quelqu’un d’autre.

“Faites de votre mieux.” Répondis-je à Catherine avant de reprendre la marche. J’en avais assez de cette inspection, cette batpony trouvait toujours un moyen pour tout tourner en sa faveur. Je me donnais encore trois chances pour lui prouver le contraire et j’étais certaine que la prochaine porte allait être la bonne.

Je ne cherchais même plus à soigner mon entrée et ouvris sans la moindre hésitation la porte la plus proche. J’entendis aussitôt les cris d’un étalon au même moment où je pus voir une jument, à quatre pattes sur un lit, cernant un poney entre ses sabots. Elle avait un étrange outil qui semblait fait de cuir et qui cliquetait quand elle le faisait bouger. Elle le rabattit violemment sur le dos du poney qui était allongé et celui-ci se mit à hurler. Je n’attendis pas un instant de plus et utilisai mes ailes pour me projeter à toute vitesse sur la jument. En me rapprochant, je pus constater que c’était une ancienne licorne grâce à sa corne brisée. Désormais, elle était devenue la porte d’entrée à toute sorte de démons qui pouvait pénétrer sans la moindre difficulté dans son corps. Je la percutai de plein fouet, mais à cause de mon élan, je tombai de l’autre côté du lit en m’accrochant à elle en espérant la plaquer rapidement au sol. Ce fut une réussite, et pour couronner le tout, elle avait encore son étrange appareil en bouche qui l’empêchait de parler. J’utilisai ceci à mon avantage et l’enfonça un peu plus dans sa gorge pour l'étouffer.

“Guimauve ! Guimauve !” Hurla l’étalon en se redressant du lit. Je lui jetai un rapide coup d’oeil pour voir qu’il avait du sang qui coulait de son dos, là où le fouet épineux l’avait frappé.

“Restez calme monsieur et écartez-vous !” Ordonnais-je pendant que je continuais de maîtriser la licorniqua.

“Marshall, arrêtez ça !” Intervint Catherine en se plaçant derrière moi. Je sentis l'agacement prendre à nouveau le pas sur tout le reste.

“Quoi encore, vous allez me dire que tout allait parfaitement bien ?!” rétorquais-je sèchement.

“Oui, jusqu’à ce que vous arriviez pour essayer d’étrangler l’un de mes employés !

-Guimauve ! Guimauve !” Continua de hurler l’étalon.

“Fermez-là !” Éructais-je aux deux gêneurs.

“Marshall, guimauve, est leur mot de sécurité ! Cet étalon a simplement des dérives sexuelles et Trafalgar ne fait que le servir au mieux. Maintenant si vous pouviez arrêter de lui enfoncer ce fouet dans la gorge, je vous en serais très reconnaissante !”

Je me mis à soupirer en grommelant des mots incompréhensibles entre mes dents. La jument qui était juste en dessous de moi ne semblait pas vraiment dangereuse. Excepté sa corne brisée, rien n’indiquait qu’elle était une créature prête à attaquer et tuer de sang-froid. Elle ne cherchait même pas à se défendre contre moi, se contentant d’essayer de retirer le fouet qu’elle avait dans la bouche. Cependant, son regard vert était entièrement dirigé sur moi, on aurait dit qu’elle me défiait, qu’elle espérait voir jusqu’où je pourrais aller.

“C’est bien mal me connaître !” Murmurais-je à son intention pour que personne d’autre n’entende.

“Marshall, Si vous allez plus loin, c’est moi qui vous tuerai…” Annonça Catherine sur un ton glacial. Merde ! J’oubliais que les batponies avaient une ouïe bien plus fine que la plupart des poneys.

Je me mis à serrer les dents, c’était tellement tentant d’en finir avec l’un de ces monstres. C’était les pires, et un de moins n’était pas une grosse perte. La licorne au sol me défiait toujours du regard. Je me mis alors à sourire en serrant un peu plus le fouet dans ma patte, mais un sabot vint se poser sur mon épaule.

“Ces créatures ont fait endurer la même chose à votre compagnon, mais celle-ci n’est pas responsable.

-Vous espérez que je vais avoir de la pitié pour elle ?” Demandais-je sur un ton neutre, celui que j’utilisais quand je me concentrais pour être prête à faire le pire.

“Non Marshall, je suis juste en train de vous faire comprendre que vous vous battez contre la mauvaise personne. Est-ce que vous êtes réellement sûre de vouloir mourir juste pour tuer quelqu’un qui ne vous apportera qu’un peu de satisfaction ?

-On dirait que c’est moi le monstre.” Dis-je amèrement en pinçant les lèvres.

“Ce démon a pris possession de cette licorne qui a eu un accident avec sa corne. Equestria ne les punit pas pour cela, alors vous serez une criminelle en la tuant. Elle ne fait rien de mal ici, administrer de la douleur lui fait du bien, sa nature est faite ainsi. Ici, elle peut s’y adonner sans tuer, sans faire souffrir des poneys qui ne le souhaitent pas. Elle est venue ici parce qu’elle voulait justement être certaine de pouvoir rester dans ce monde, en respectant les lois d’Equestria.”

Pourtant cela ne l’empêchait pas de me provoquer. On aurait dit qu’elle espérait que je la tue, ce que j’avais particulièrement envie de faire. Mais Catherine avait raison, encore une fois. Cela m’énervait plus. Je lâchais alors le fouet qu’elle recracha, en me relevant, elle se contenta de m’observer, toujours allongée au sol.

“Vous allez bien ?” Demanda Catherine.

“Oui, ne vous inquiétez pas.” Fit la licorniqua

“Ce n’est pas à vous que je parlais !” Répondit-elle sèchement. Je lui jetai un coup d’oeil pour voir que toute son attention était tournée sur moi.

Je ne savais pas quoi dire. Je trouvais déjà difficile de croire que Catherine s’inquiétait vraiment pour moi, j’hochais alors simplement la tête avant de pivoter des ergots et de quitter la pièce. La batpony était quelques pas derrière moi et ferma la porte avant de me demander à nouveau :

“Vous êtes sûre que tout va bien ?

-J’en sais rien… ces derniers temps… ça ne va pas. Pourquoi je vous raconte ça ?!” M’énervais-je contre moi-même.

“J’ai un bon contact avec les gens.” Expliqua-t-elle simplement en haussant gracieusement les épaules.

“Quand vous n’essayez pas de les mordre.”

Catherine ne chercha pas à répondre à ma pique et se contenta de rouler des yeux avant de reprendre la marche.

“Peut-être que vous devriez aller vous reposer. Vous avez beau être Marshall, vous ne pouvez pas surveiller les faits et gestes de toutes les créatures de Canterlot.

-Peut-être, mais vu que je suis là, je pense qu’il vaut mieux que j’en profite.” Encore une. Encore une porte, pour être sûre qu’il n’y avait rien d’illégal ici. Luna avait connaissance de cet endroit et vérifiait qui venait et sortait. Je n’avais rien à dire face à ces décisions, mais j’étais certaine que je pouvais trouver quelque chose que Catherine lui cachait. “Encore une.” Répétais-je à haute voix avant de me mettre en marche.

Toutes les portes avaient beau se ressembler, je ressentais d’étranges sensations à l’approche de certaines. Il y en avait qui délivraient un parfum comme si elles voulaient m’inviter à entrer, mais d’autres relâchaient une étrange sensation sur moi, certainement pour m’en éloigner.

Ce fut l’une d’elles que je choisis et décida pour cette fois de l’ouvrir sans me presser. Ainsi, j’éviterai de faire la même erreur qu’auparavant. Et encore une fois, je tombai sur un spectacle qui n’avait rien d'anodin. Une jument verte était allongée dans un lit, elle avait l’air en train de dormir, et se tenait à l’autre occupant du lit : un démon. Celui-ci avait une apparence anthropomorphique ainsi que deux cornes sur le front qui repartaient jusque derrière sa tête. Sa forme physique laissait deviner qu’il s’agissait d’une femelle. Sa peau était entièrement mauve et dépourvue de poils et elle disposait de deux ailes qui dépassaient de sous elle.

Rien qu’à la vue de cette créature, je fermai les yeux pour reprendre mon calme. Comptant mentalement jusqu’à dix en me disant que si elle était là, c’était que Catherine avait une bonne raison à me fournir, je réussis à reprendre mon calme. Reposant mon regard sur la scène, j’essayais de deviner le genre de démon dont il s’agissait. Celui-ci n’avait pas l’air très puissant, je l’aurais tout de suite ressenti, mais je n’en avais jamais vu de ce genre.

“Donc… C’est quoi l’histoire ?” Demandais-je, certaine que Catherine interviendrait aussitôt.

“Je vous présente Fortis. Un démon qui ne peut venir dans notre monde qu’en se nourrissant des souvenirs de ses victimes.

-Et vous allez me dire que c’est parfaitement légal…

-Voici l’accord signé par madame Green Tea.”

Je regardais rapidement le papier que la batpony avait sorti de je ne savais où avant de reporter mon attention sur la jument.

“Réveillez-là.” La démone m’observa un moment avant d’obéir. D’un simple clignement d’yeux, la jument à ses côtés sursauta légèrement avant de se réveiller. “Madame Green Tea, pourquoi avez-vous fait ce choix ?”

La jument fronça alors les sourcils avant de regarder la démone, puis, de revenir sur moi. “J-je ne comprends pas, moi et mon époux, nous aimons beaucoup cet hotel.

-Attendez, vous ne…

-Marshall.” intervint Catherine. “Elle ne sait pas où elle est. Cette jument a perdu son époux et son fils dans un accident.

-Mon fils ? Oh ça me fait me rappeler que je dois aller chercher Iron Sword à l’école. Il voudrait servir dans la garde comme son père, mais il n’a aucun sens de l’orientation.” Expliqua la jument avant de rire, mais quand elle fut sur le point de se lever, la démone posa la main sur sa joue et la terrestre verte se mit alors à chanceler avant de s’allonger à nouveau sur elle. “J’avais oublié, il est déjà avec nous.” Puis, elle se rendormit.

Ce geste réussit à m’énerver et je dus me retenir de sauter sur la démone, tandis que celle-ci se contentait de m’observer.

“Je vais vous expliquer. Fortis se nourrit des souvenirs de Green Tea et les remplace par d’autres où sa famille est toujours vivante et à ses côtés.

-Mais c’est un mensonge !

-Et alors ?!” S’énerva la batpony. “Elle ne fait rien de mal, elle ne fait que lui donner ce qu’elle demande ! Vous préférez voir ce démon s’attaquer à des poneys qui ne lui ont rien demandé, comme ça vous aurez une occasion de le tuer !?

-Parfaitement !” Répondis-je sur le même ton. “Cette jument se berce d’illusions !

-Est-ce que vous l’avez vu avant de se lier à Fortis ? Cette jument ne sortait pas de chez elle, tout lui faisait peur, elle pleurait pour un rien. Je vous invite à revenir la voir dans une semaine, j’ai demandé à Fortis d’y aller doucement pour lui laisser le temps de réfléchir à sa décision, vous pourrez juger vous-même de la joie qu’elle a à vivre sa vie.

-La vie est comme ça, mais on ne doit pas tomber dans des extrêmes pareils.

-Marshall, Fortis protège cette jument comme sa propre personne. Si elle n’était pas là, elle aurait déjà certainement mis fin à sa vie !

-Eh bien qu’elle le fasse !” Lâchais-je avant de quitter précipitamment la pièce pour me réfugier dans le couloir.

Je rejetais la tête en arrière en soupirant, me calant contre un mur avant de m'asseoir contre le sol recouvert de moquette. Cet endroit me rendait malade et je voulais partir. J’avais l’impression que personne n’arrivait plus à faire la différence entre le bien et le mal, les gardiens et les monstres. Je posais mes sabots contre mon visage en me sentant craquer petit à petit. C’était pas toujours facile de jouer la flic dans cette ville, surtout quand on tombait sur des cas pareils. C’était moi la gentille dans toute cette histoire !

J’entendis quelqu’un me rejoindre en fermant la porte, certainement Catherine qui venait constater avec joie qu’elle avait réussi à me mettre à terre.

“Cadance, qu’est-ce qui t’arrive ?

-Ne faites pas comme si vous me connaissiez !” Répondis-je. J’aurais voulu paraître plus virulente, mais j’étais trop épuisée pour lui répondre avec force.

“Eh bien il se trouve que je te connais assez bien. Luna m’a beaucoup parlé de toi.

-Je fais juste mon travail de Marshall ! Si ça vous plait pas, allez vous plaindre auprès de Luna !” Intimais-je en sentant les larmes déborder de mes yeux.

“Je ne crois pas que c’est ainsi que Luna veuille te voir faire ton travail…

-Vous croyez que c’est facile !?” Rétorquais-je en levant mon regard brûlant de rage, mais humide de larmes vers Catherine. “Tous ces monstres qui me font croire qu’ils s’adaptent, alors même que c’est en totale opposition avec leur nature ! Comment pourrais-je croire tout ça ?”

La batpony s’installa juste à côté de moi en s’appuyant contre le mur.

“Le monde ne tourne pas autour de toi Cadance. Si ces monstres, comme tu dis si bien, cherchent à s’adapter, c’est uniquement parce qu’ils ne veulent pas être esclaves de leur nature. Les batponies ne cherchent pas forcément à tuer, des sirènes veulent juste être entendues, et des démons souhaitent juste quitter leur monde et avoir une vie meilleure.

-Un démon !” Répétais-je sans pourtant y croire. “Son nom n’est pas là pour faire joli, c’est un avertissement, une mise en garde pour le poney qui s’approcherait trop près de l’un d’entre eux.

-Tu es une succube Cadance, qu’est-ce qui te différencie de nous ?” Me demanda-t-elle en haussant les épaules.

“Ce n’est pas pareil ! Je n’ai pas choisi d’être ainsi !

-Et certains de mes batponies n’ont pas non plus pris cette décision, quelqu’un d’autre l’a prise pour eux.

-Et pour ce démon, vous allez me sortir une excuse là aussi ? Et la licorniqua ?

-Vous les avez vus, ils ne font pas le moindre mal ! Ces poneys qui les fréquentent ont fait ce choix en connaissance de cause et considéraient qu’ils se sentiraient mieux ainsi. Je comprends que vous n’acceptez pas le choix de cette jument, fuir sa vie pour se bercer d’illusion, mais elle a pris cette décision parce qu’elle pense que c’est la meilleure pour elle.”

Je ne cherchai pas à lui répondre et me relevai lentement. Reprenant mon calme, je reniflai bruyamment avant de m’essuyer les yeux comme une pouliche après une mauvaise chute.

“Je n’étais pas venue pour faire une inspection. En réalité, j’espérais juste clouer le bec d’Ember en lui prouvant que j’étais la plus forte.”

Catherine se mit à rire avant de se relever.

“Je ne vois pas en quoi venir ici allait lui prouver cela, mais je me dois d’être honnête avec vous, je savais très bien que vous n’étiez pas là pour jouer les inspecteurs de l’hygiène, alors il n’y a pas de problème.”

Je hochai la tête en pinçant les lèvres. Elle le savait depuis le début, pourtant, ça ne l’avait pas empêché de jouer avec moi, au final, j’étais peut-être en présence de la créature la plus mesquine de cet endroit.

“Je vais vous raccompagner jusqu’à la sortie, si vous ne connaissez pas le truc, vous pourriez rester des mois dans ce couloir avant d’arriver au bout.”

Elle se mit alors en marche dans la direction qu’on empruntait depuis le début et m’invita à la suivre.

“Je suis comme vous Marshall, je ne cherche pas à faire souffrir des innocents inutilement. Bien entendu, mes règles sont plus strictes et le moindre faux pas entraîne des mesures drastiques. Si vous n’avez jamais de problème avec mes batponies, c’est bien parce que je m’en occupe avant vous.” J’étais étonnée par la désinvolture avec laquelle elle me disait ça. “On ne peut vivre sans les poneys, et je ne parle pas juste de ma race. Beaucoup n’arrivent pas à en prendre conscience, mais si les poneys sont encore et toujours les plus nombreux, c’est pour une bonne raison.”

Je me contentai de la suivre sans lui répondre. J’en avais assez de chercher des raisons de la faire taire, elle trouverait toujours quelque chose d’autre à me dire. La seule chose qu’il m’était possible de faire, c’était ce que j’avais toujours fait en tant que Marshall : attendre qu’ils s’attaquent à un innocent, et m’en débarrasser une bonne fois pour toutes.

“Marshall, excusez moi d’avance de vous parler ainsi, mais vous ne semblez pas vous-même. Même si Luna m’a expliqué que vous étiez énormément touchée par la perte de votre compagnon, cela n’explique pas cette rancoeur envers chaque créature que vous croisez.

-Peut-être parce que je suis régulièrement manipulée par ce genre de créature quand elles ne cherchent pas directement à me tuer. Tout le monde me veut du bien, c’est ce qu’on veut me faire croire, mais il y a longtemps que j’ai arrêté de me faire avoir.

-Vous savez, si vous êtes là, ce n’est pas par hasard. Oh, il est certain que vous vouliez conserver votre fierté face à Ember, mais je vous l’ai dit, certains des glamours qui entourent cet endroit attirent les poneys ici pour de bonnes raisons.

-Pour se faire sucer le sang !?

-Pour être aidé Marshall.” Répondit-elle sur un ton las. Nous retrouvâmes bien vite l’escalier que nous avions emprunté pour arriver ici et Catherine me fit un léger geste du sabot. “Bien sûr, tout le monde ne peut être sauvé.”

Un étrange silence pesa alors en haut des marches. La batpony se contentait de me fixer de son regard bordeaux, il n’y avait pas de haine, ni de colère, juste un air peiné, voir même affligé. Ce silence était étrange, comme si toute l’animation du bar qui se trouvait en dessous s’était arrêtée en attendant un verdict final.

“J’espère vous revoir Marshall.”