Welcome to Ember's

Je ne passai pas plus de temps dans la salle de bain après le départ de Chrysalis. Je voulais en réalité un peu m’isoler de tous ces changelins qui étaient chez moi. Heureusement, ce fut leur reine qui me donna une bonne raison de partir en me demandant d’aller voir Ember, la cible du dernier incendie en date. C’était étrange, j’avais vu le lieu de l’incendie, et celui-ci se trouvait dans une banlieue de Canterlot qui n’avait rien à voir avec les quartiers principalement peuplés par les êtres surnaturels. Ces lieux en général étaient emplis de l’ancienne magie de la capitale. Cette ville était bien plus ancienne qu’on ne le croyait et il y avait encore, par endroit, des traces magiques des anciens qui avaient bâti la grande partie de cette cité.

Je soupirai une fois à l’extérieur. Je savais que je n’avais rien à craindre de Chrysalis, mais disons que ses messes basses avaient de quoi me mettre mal à l’aise, même si je devais l’avouer, j’étais quelqu’un d’insupportable à vivre.

« Oh arrête de souffler comme ça, on dirait que t’es contente de plus voir ma mère ! » S’énerva Chicha. Oui, j’avais dit que je voulais m’isoler des changelins, mais lui, c’était un cas particulier. Je lui jetai un coup d’œil. Avec son déguisement de pégase au pelage blanc et à la crinière bleue sur deux tons, il était le sosie de Shining armor… Je n’avais pas honte de ce moyen de substitution, après tout, Chicha était un changelin, c’était sa nature de prendre l’apparence des autres pour récolter de l’amour pour sa mère. Autant que l’emballage soit joli avant d’ouvrir le cadeau. Je me servais de lui, et il se servait de moi, c’était un échange parfaitement équitable, alors je n’avais pas à m’en vouloir.

« T’aurais réagi comment si j’avais amené mes parents au Green Cocoon ? » Le Green Cocoon était le bar que Chrysalis avait ouvert dans le quartier ouest de Canterlot. C’était surtout un repère pour plein de créatures étranges et dangereuses, mais c’était surtout là que la reine des changelins avait établit son cocon… d’où le nom j’imaginais.

« Eh bien je leur aurais offert un verre et je les aurais félicités d’avoir une fille comme toi. » Plaisanta-t-il en se rapprochant un peu plus de moi.

J’eue un étrange rire à son égard avant de lui lancer un regard froid et de me pencher un peu plus sur lui pour lui dire : « Approche-toi de mes parents et je te jure que tu ne reverras plus jamais ta mère ! »

Chicha se mit à rire sans prendre garde à mes menaces, pourtant, elles étaient bien sérieuses… Je le sentis tout de même se rapprocher encore de moi, allant jusqu’à ce que nos épaules se touchent. Je me sentis alors sourir avant de secouer la tête pour reprendre un air sérieux. Le changelin le remarqua, et décida d’entrer dans des sujets plus personnels.

« Arrête de faire la tête. T’aimes bien Chrysalis, avoue-le !

-Quand elle ne me menace pas de vouloir me tuer, j’avoue qu’elle peut-être sympathique. »

Nous continuâmes notre route en nous amusant à parler de Chrysalis. Bien sûr, Chicha n’allait pas dire du mal de sa propre mère. Mais moi, je ne me gênais pas pour lui brûler la crinière. Cette changeline avait quand même menacé de me tuer et ne s’était pas ménagée lorsque j’étais venue la revoir ensuite. Bon, il fallait avouer que j’avais tué l’un de ses enfants, mais c’était sa faute si elle avait la dent longue, alors même qu’elle s’invitait chez moi pour être en sécurité.

« Ember tient une maison close juste à l’autre bout du quartier où se trouve le Green Cocoon. »

Je m’arrêtai brusquement en me mettant à compter jusqu’à dix pour me calmer. Bien sûr, à quoi m’étais-je attendu ? On parle d’une changeline proche de Chrysalis… en plus, il était normal qu’elle me laisse y aller seule, juste pour que je me retrouve museau à museau avec Ember. Je ne l’avais jamais vue, mais j’étais déjà certaine de ne pas l’aimer. J’imaginais que c’était trop espérer que de souhaiter voir des changelins cuisinier, ou des changelins couvreur, non, il fallait bien sûr qu’ils fréquentent tous ce genre d’endroit. On parlait fréquemment des zèbres qu’on reliait souvent à la magie chamane, ou encore on aimait se moquer des griffons en les traitant de radins ou de voleurs, mais pour les changelins, c’était vrai, ils étaient tous absolument et uniquement obsédés par l’amour.

« Cadance, on peut y aller maintenant ? Ça fait deux bonnes minutes que tu t’es arrêtée et que tu n’as pas ouvert la bouche. Il y a un problème ? »

Je rouvris les yeux en prenant une longue inspiration avant de lui demander : « Tu ne voudrais pas y aller à ma place ? » Ce qui le fit légèrement rire.

« C’est toi l’enquêtrice Cadance, et puis tu n’as pas à t’inquiéter. Chrysalis est la dominante de Ember, elle n’osera pas te faire le moindre mal sans sa permission.

-Ouah, c’est fou ce que je suis rassurée, ma vie est encore entre les sabots de la changeline en qui j’ai le moins confiance. » Fis-je en me remettant en marche.

Nous arrivâmes bien vite dans le quartier ouest de Canterlot. Celui-ci était rempli de magasin en tout genre, mais plus on se dirigeait vers le sud, et plus on était susceptible de tomber sur des commerçants de moins en moins légaux. Bien sûr, c’était là que se trouvait le premier bordel tenu par des changelins ! Évidemment personne n’était au courant de ça, encore que… Il y avait tellement de personnes de l’autre monde ici que je me demandais s’ils arrivaient toujours à tenir le secret. Après que Chicha soit rapidement passé au Green Cocoon pour s’il n’y avait pas eu d’incident durant l’absence de Chrysalis, nous poursuivîmes jusqu’à arriver devant un grand bâtiment. On aurait dit un hôtel, et étant donné la profession de la propriétaire et sa nature, ça n’aurait pas été une grosse surprise. Mais avant que je ne puisse me diriger vers l’entrée, Chicha m’interpella.

« Hey, où est-ce que tu vas, Ember est juste en face. »

Je me retournais pour voir une petite maison qui n’avait rien à voir avec le bâtiment derrière moi. On aurait dit une petite tour, qui détonnait énormément avec l’architecture du reste de la rue. Deux étages qui se terminaient sur une verrière en coupole. On aurait dit un petit observatoire. Je suivis alors Chicha jusqu’à l’entrée et y vit un petit écriteau.

« Tu te fiches de moi ? Il est marqué qu’elle est psychologue !

-Oups, l’équipe du jour a dû l’oublier. Tu comprends, Ember est une matriarche qui aime être en contact avec les poneys, il faut toujours qu’elle rencontre des gens, qu’elle discute… enfin, tu vas vite le découvrir.

-Attends, Ember est une matriarche ?

-Oh… oui, pourquoi ?

-De ce qu’on m’en a raconté, une matriarche dirige un secteur et fera la guerre à toutes les autres qui essayent de se l’approprier. J’ai jamais entendu parlé de matriarches qui arrivaient à coexister.

-Écoute, je pense qu’elle t’expliquera tout ça mieux que moi. » Dit-il avant de retourner le petit écriteau pour y voir la simple inscription « Chez Ember ». Chicha frappa alors cinq fois à la porte et attendit.

« Cinq fois ? C’est genre, un code pour dire : c’est un changelin, y a rien à craindre ? » Demandais-je légèrement moqueuse.

« C’est surtout un code qui dit : Attention, voilà la pire des casses sabots de Canterlot. » Railla-t-il en secouant la tête, mais il reprit aussitôt son sérieux pour se faire plus rassurant quand il me dit : « Rappelle-toi Cadance, tu n’as rien à craindre de Ember, mais évite de la mettre en colère ou de trop jouer avec elle… Oh et évite de la laisser te… » Il n’eut pas le temps de poursuivre que la porte s’ouvrit. Pourtant, personne n’était de l’autre côté pour nous accueillir. La porte s’était ouverte par magie… Rien d’incroyable, il fallait le dire.

Je fus la première à entrer, Chicha savait que je détestais le voir me couver ou même essayer de jouer les étalons en face de moi. Je ne faisais pas de la misandrie, je considérais juste qu’il n’y avait pas de traitement de faveur à faire d’un côté ou de l’autre. Le changelin me rejoignit et nous pûmes voir dans le petit couloir où nous nous trouvions, un simple pupitre avec un poney installé derrière. Ce simple couloir disposait d’une porte sur le côté et il se finissait sur un grand escalier qui conduisait à l’étage supérieur. Chicha quitta alors son déguisement de pégase et fusilla le terrestre du regard.

« Ember nous attend ! » Lâcha-t-il sèchement face au poney qui gardait un air totalement neutre face à nous. Celui-ci avait les yeux mi-clos et semblait sur le point de s’endormir.

« Elle ne m’a pas encore donné l’autorisation de vous faire monter… » Dit-il d’un ton particulièrement affable. Je n’appréciais pas vraiment la manière dont il s’adressait à nous, mais le saut d’humeur de Chicha m’intriguait encore plus.

« Je me fiche de savoir ce qu’elle t’a dit ! C’est à elle que nous venons parler ! » Cracha Chicha en faisant un pas vers lui, mais c’est moi qui le retins par le sabot avant que quelque chose n’arrive.

« Hey, je peux savoir ce qui te prend !? » Demandais-je sur un ton légèrement plus bas que le sien. « Sans blague, t’es en train de t’attaquer à ce changelin pour rien ! » En effet j’avais facilement deviné que ce poney derrière son pupitre était en réalité un changelin. À force d’en côtoyer un, on finissait par les reconnaître même avec leur déguisement.

« Ce malformé n’a pas le droit de m’adresser la parole, et il le sait bien !

-M-malformé ? » Répétais-je relativement choquée d’entendre Chicha parler de ses frères comme ça. Je me tournais alors sur le changelin qui nous faisait obstacle, celui-ci fit alors voler son déguisement en fumée en me regardant dans les yeux.

Ce dernier n’en possédait qu’un en réalité. L’autre n’était qu’un cratère sombre qui me fit aussitôt détourner le regard en sentant des sueurs froides remonter jusqu’à ma crinière. Je voyais régulièrement des scènes de crime, mais disons que sans préparation, on arrivait toujours à être surpris par ce genre de spectacle, et cela m’énervait.

Chicha remarqua aussitôt la réaction que cela provoqua en moi et se remit en marche vers le changelin en sifflant. Je réussis heureusement à le retenir fermement avec mon sabot en lui attrapant l’encolure.

« Détourne le regard sale rebut ! » Hurla-t-il en se débattant.

« Jeremy, c’est bon, tu peux les laisser monter ! » Fit une voix qui devait se trouver à l’étage. Le changelin descendit alors de son pupitre et ouvrit la porte qui était sur le côté pour quitter le couloir, nous laissant seul à seul.

« Tu te fiches de moi ? Tous ces avertissements sur Ember pour que tu sautes à la gorge du premier de tes frères que tu croises ?! »

Chicha se débattait toujours contre moi et finit par se dégager non sans se faire violence.

« Cette chose n’est pas mon frère !

-Ah bon ? Tu veux dire qu’il appartient à Ember ?

-Rejoins-moi à l’étage ma chérie, je vais tout t’expliquer ! » Fit la voix, ce qui réussit à bien m’énerver. Je détestais les gens qui écoutaient aux portes.

« Bon, faisons ça vite ! » Je grimpais ensuite les marches quatre à quatre. Chicha, lui, restait derrière moi et semblait encore faire la tête, et c’était mieux ainsi, ce changelin pouvait avoir un sale caractère quand il le voulait.

En haut de l’escalier se trouvait une unique porte. Sur cette dernière était inscrit : « Je soigne votre esprit ainsi que votre cœur. » Je roulais des yeux en me demandant comment les changelins pouvaient être aussi peu subtiles quand il s’agissait de coupler un bordel avec un cabinet de psychologue.

J’attendis devant la porte, attendant un signal en me demandant si je pouvais frapper. Finalement, ce fut Chicha qui ouvrit la porte en me dépassant. j’étais sur le point de lui faire une remarque, mais celui-ci s’engouffra rapidement à l’intérieur sans même me tenir la porte. Je n’étais pas du genre à ce qu’on fasse preuve de galanterie à chaque porte, mais ça aurait été de la simple politesse que d’éviter de me la renvoyer dans le museau. Je le suivis comme je pus, mais une fois à l’intérieur, je le vis face à une grande changeline.

Chrysalis me dépassait déjà d’une tête, mais celle-ci faisait quasi le double de ma taille. Je préfèrerais encore me battre contre la changeline qui squattait mon appartement. Chicha ne semblait pas plus impressionné que ça, alors qu’il était déjà plus petit que moi, sa tête arrivait à peine à la hauteur de son ventre. Il se rapprocha d’elle et se cabra pour venir lécher son poitrail, ce qui la fit se pencher à son tour pour venir l’embrasser. Elle fit aussitôt aller sa langue dans sa bouche, je pouvais la voir grâce aux trous dans les joues de Chicha.

Je me raclais la gorge assez bruyamment, essayant d’attirer l’attention de celle que j’interrogeais pour une enquête, ou à la limite, celui qui prétendait être mon compagnon. Ember se redressa alors sur moi avec un sourire malicieux… Je détestais déjà cette matriarche, et j’étais certaine qu’elle allait bientôt partager ce sentiment à mon égard.

« Bienvenue, Cadance, ça fait tellement longtemps que je rêve de te voir ! » Dit-elle d’un air ravi en s’avançant vers moi. Avec sa taille, il ne lui suffit que de quelques foulées pour se pointer juste devant moi. Je tentais de garder un air dur, mais cela ne devait pas lui faire grand effet vu que je devais lever la tête bien haut pour la fusiller du regard. Je fus incapable d’agir tellement j’étais surprise quand elle écarta ses bras pour venir les serrer autour de moi. Je me débattais contre son emprise, mais ne réussis qu’à me faire soulever pour qu’elle me plaque contre elle.

Je me mis à grogner tandis qu’elle me levait jusqu’à ce que nos visages soient à la même hauteur. Mon regard fuchsia était planté dans ses yeux ambres. Elle se permit le luxe de passer l’un de ses sabots dans sa crinière jaune tandis qu’elle me maintenait toujours contre elle, mais je réussis enfin à me libérer en lui envoyant mes deux sabots arrière dans le ventre. Cela n’eut pas l’air de lui faire plus mal que ça, après tout, avec sa taille, sa carapace devait être bien plus épaisse. J’atterris lourdement sur le dos et n’eut pas le temps de m’éloigner qu’Ember me tomba dessus pour bloquer mes sabots au sol.

« Ah ah ah, on m’avait dit que tu avais du caractère, mais pas à ce point !

-Donne-moi une arme et je t’en montrerai plus !

-Allons, tout ça parce que j’ai embrassé ton changelin ?

-Ce n’est pas MON changelin ! » Corrigeais-je à quelques centimètres de son visage.

« Ah bon ? Ah oui bien sûr ! Après tout, toi aussi tu appartiens à Chrysalis, donc il ne peut être TON changelin ! »

Je compris ce qu’elle voulait faire. Comme la plupart des êtres surnaturels que je rencontrais, ils allaient tous de leur petit jeu pour me faire peur, voir où se trouvaient mes limites, quelques fois même, pousser ces limites pour me provoquer et m’obliger à enfreindre les lois. Je me mis alors à soupirer en comptant lentement jusqu’à dix. Je sentais le souffle d’Ember parcourir mon visage, ainsi que le long de ma gorge, mais je ne m’inquiétais pas. Chicha me l’avait dit, elle ne me ferait rien sans l’accord de Chrysalis, et cette dernière m’aimait trop pour laisser quelqu’un d’autre qu’elle me tuer. Il me fallut trente bonnes secondes pour arriver jusqu’à dix. Je rouvris alors les yeux en arborant un léger sourire. Elle voulait simplement m’énerver, mais je n’allais pas lui donner ce petit plaisir.

« Chrysalis est plus une vieille amie, elle a moins d’emprise sur moi que sur toi. » Fis-je simplement en penchant légèrement la tête. La grande changeline m’adressa un immense sourire pour que je puisse compter chacun de ses crocs démesurés. Elle aurait pu m’arracher la tête d’un seul coup, mais préféra s’écarter en m’attrapant le sabot pour m’aider à me relever.

Elle le gardait toujours contre elle, m’obligeant à me cabrer pour m’appuyer contre son poitrail et me mettre à sa hauteur.

« C’est tellement dommage, tu aurais tant à gagner en te soumettant à elle. » Elle passa alors son museau juste sous le mien pour renifler, puis, elle sortit sa langue et se mit à lécher ma gorge pour remonter sous ma mâchoire. Je ne réagis pas lorsqu’elle se mit à m’embrasser, l’accueillant aussi naturellement que Chicha l’avait fait. Pourtant, je continuais de la foudroyer du regard ce qui semblait l’amuser tandis qu’elle passait sa langue imposante à l’intérieur de ma bouche. Je me contentais de l’embrasser comme je l’aurais fait avec le changelin qui m’observait d’un air intrigué. J’espérais bien qu’il était jaloux. Je reculai cependant brusquement en sentant la langue d’Ember s’enfoncer trop loin dans ma gorge, elle me lâcha alors aussitôt pendant que je faisais plusieurs pas en arrière tout en toussant.

Chicha vint alors me rejoindre en se plaçant juste à mes côtés ce que j’acceptai sans broncher. Même s’il m’avait énervé, je préférais toujours l’avoir sous le coude quand j’étais face à quelqu’un qui pouvait s’avérer dangereux. Ils attendirent tous les deux le temps que j’arrête de m’étrangler toute seule. Une fois cela fait, je mis un peu de temps à observer la pièce. C’était une grande chambre circulaire. Il y avait une porte qui menait vers une autre pièce qui occupait bien un quart du lieu et un escalier qui menait à l’étage où se trouvait la verrière. Cette partie pouvait être considérée comme un simple salon, j’imaginai que c’était pratique de pouvoir jouer la psychologue à cet étage et de pratiquer son autre loisir à l’étage supérieur. Je vis alors deux autres changelins sortir par la porte que j’avais observé il y a quelques secondes de cela. L’un d’eux n’avait pas d’ailes, et l’autre se déplaçait en boitant. Chicha retint un sifflement tandis qu’ils gardaient la tête baissée.

« Ils ont terminé de préparer mon bain, est-ce que cela vous dérange de m’attendre ?

-Oui. » Répondis-je aussitôt. « Tu savais qu’on allait venir !

-Oh très bien, alors rejoignez-moi, ça ne me gêne absolument pas. » Fit-elle en se dirigeant vers la salle de bain en faisant balancer sa queue.

Je retins Chicha avant de secouer la tête. Je n’allais pas rentrer dans tous ses petits jeux. Il était clair qu’elle ne prenait pas cette visite au sérieux, mais j’étais bien plus déterminée qu’elle.

« Dépêche-toi ! » Articulais-je entre mes dents serrées.

« Oh, il n’y a pas vraiment d’urgence, après tout on peut discuter chacune de notre côté.

-Ne compte pas sur moi pour hurler à la porte.

Elle m’observa alors du coin de l’œil avant d’ouvrir la porte et de me dire « Qui te parle de hurler ? » Je ne la vis pourtant pas bouger les lèvres. Elle s’enferma alors à l’intérieur alors que je collais un sabot sur mes tempes.

« Qu’est-ce que c’est encore que cette connerie ?! » Grommelais-je alors que je me rendais enfin compte de son nouveau tour. Quand j’étais au rez-de-chaussée, elle avait déjà usé de ce sortilège en me faisant croire que c’était sa voix qui portait depuis le premier étage alors qu’elle était directement dans ma tête.

« Allons, ma chérie, reste polie. Je ne fais que profiter du lien qui t’unit à Chrysalis. »

Je regardais alors Chicha qui gardait un air grave. Il hocha simplement la tête en comprenant la question qui se lisait sur mon visage « Est-ce que c’était vrai ? » Je disposais donc d’un véritable lien avec la ruche de Chrysalis ? Elle ne s’était jamais cachée de me déclarer comme sienne, mais de là à établir une connexion entre elle et moi... Je sentis alors le sabot du changelin se poser contre mon épaule, mais je lui lançais aussitôt un regard glacial. Je l’attrapai par l’oreille et tirai son visage jusqu’au mien.

« Depuis quand est-ce que tu sais ça ?! » Éructais-je en rage.

« Depuis le début. Rappelle-toi, il y a quatre mois de ça, tu t’étais nourrie grâce à la ruche. À partir de là, le lien était déjà en partie créé. Ça marche en trois étapes, il faut que tu te nourrisses de la ruche, de Chrysalis, et elle doit à son tour se nourrir de toi.

-Tu veux dire qu’elle m’a encore manipulé pour se servir de moi !? » Je tirais un peu plus fort, ce qui le fit siffler de douleur.

« C’était un hasard. Elle ne s’attendait pas à ce que tu lui sautes toi-même dessus ce matin. Deux étapes étaient franchies, alors elle a sauté sur l’occasion pour conclure le lien quand tu étais dans ta salle de bain. Tu es autant fautive qu’elle ! » Il m’envoya son sabot dans le museau ce qui me fit lâcher prise alors que je sentais les larmes me monter aux yeux.

Je continuais de grommeler entre mes dents, lâchant des insultes à l’intention de Chrysalis, de Chicha et de cette matriarche géante de seconde zone. Je me dirigeai ensuite vers l’un des canapés pour m’allonger. J’étais toujours en colère, mais j’avais aussi une enquête à résoudre. Je portais l’un de mes sabots à mon regard pour voir que je saignais du museau. Chicha arriva alors aussitôt près de moi et me tendis un mouchoir, je lui arrachais plus que je ne le pris de ses sabots et lui jeta un regard noir. Il n’était pas le responsable, mais il m’avait menti. Il savait que je lui en voulais pour ça et ne chercha même pas à ajouter quelque chose avant de s’asseoir sur l’autre canapé.

« Alors ma chérie, tu arrives à t’en remettre ?

-Ferme là sale catin ! » Je n’avais jamais expérimenté la télépathie, surtout pas avec une ruche de plusieurs centaines de membres quand il fallait n’en cibler qu’un seul. Je ne savais même pas si ce que je disais était transmis par magie, et je ne voulais de toute façon rien en savoir. Tant qu’elle comprenait ce que je venais de dire, cela me suffisait.

« Allons, il faut voir le positif. » Là, elle n’avait pas compris ce que je venais de dire. « Tu fais partie d’un ensemble parfait dirigé par une puissance qui ne cesse d’augmenter.

-C’est pourquoi une matriarche comme toi s’est soumise à Chrysalis ? » Lâchais-je toujours allongée sur le canapé.

« Oh, tu dois sans doute savoir que force et puissance sont deux choses différentes. »

Je savais très bien cela. En terme de force brute, ou même de pouvoir magique, cela ne représentait pas toujours une preuve de puissance. L’exemple le plus concret était les travers. C’est pourquoi chaque espèce avait sa manière d’évaluer la puissance de quelqu’un.

« Exactement, et pour les matriarches, la seule preuve de notre puissance, c’est la composition de notre ruche. »

Je fronçais alors les sourcils, me demandant si elle venait de lire dans mes pensées ou si je venais de m'exprimer par télépathie.

« Je te rassure, je suis incapable de lire dans tes pensées, c’est toi qui n’arrêtes pas de penser à voix haute. C’est pourquoi il serait agréable que tu arrives à te contenir, j’ai du mal à suivre tout ce que tu dis. »

Merde ! Si je n’arrivais pas à me contrôler, je risquais de lui avouer des choses sans le vouloir.

« Oh ne t’inquiète pas ma chérie, je sais déjà que je t’ai fait de l’effet quand je balançais ma queue en allant dans la salle de bain ! »

Il ne fallait pas la laisser me déconcentrer, c’était une séductrice, alors il était normal pour moi de remarquer ce genre de chose, mais je n’étais pas une débutante, et n’allait pas céder sur un simple coup d’œil.

« Tu sais que tu peux me rejoindre quand tu le désires.

-Aaaaaaaah ! » Je pressais alors mes sabots contre mes tempes, vidant mes poumons en hurlant jusqu’à sentir des larmes se former dans le coin de mes yeux. Je me mis alors à compter jusqu’à dix pour me calmer. Allongée dans le fauteuil, je gardais les yeux fermés pour me concentrer un maximum, mais finalement, ce fut quand je me mis à y penser le moins que je réussis à reprendre le contrôle.

Je rouvris lentement les yeux en ayant l’impression que je m’étais endormie tandis que je reprenais mon souffle. La réalité n’était peut-être pas si loin, car il m’avait bien fallu cinq minutes pour compter jusqu’à dix. Cela semblait idiot, mais c’était la seule méthode que j’avais trouvée pour rester calme face à ce genre de créature.

« Ça va aller ma chérie ? »

Une chose qui me rendait malade avec les matriarches, c’était qu’elles ne pouvaient pas s’empêcher d’être soi-disant gentilles avec moi, alors que j’étais certaine qu’elles me cachaient quelque chose.

« Je pourrais avoir un verre ? Quelque chose de fort… Et aucune drogue dedans ! »

Mais bon, par moment, c’était bon d’avoir quelqu’un de faussement gentil pour lui demander ce genre de chose. Ember accepta aussitôt ma demande et s’excusa même de ne pas me l’avoir proposé plus tôt. J’attendis qu’un changelin m’amène mon verre avant de poser la moindre question. Chicha se mit encore à siffler sur ce dernier, mais je lui intima aussitôt l’ordre de se la fermer une bonne fois pour toutes.

« Qu’est-ce que tu as bon sang à être aussi con en face d’eux !?

« C’est simple ma chérie, si les matriarches évaluent leur puissance grâce aux membres de leur ruche, des changelins imparfaits représentent automatiquement une faiblesse.

-Et alors ? Qu’est-ce que ça peut faire à ce con que les changelins de ta ruche aient des tares ? » Je n’arrivais pas à être calme face à Chicha, cet idiot était là pour me servir de couverture, et il arrivait à m’énerver encore plus qu’Ember.

« C’est plus compliqué que cela. En réalité, ce ne sont pas mes changelins, mais ceux de Chrysalis.

-Tu joues les foalsitter pour Chrysalis ? Pas étonnant que tu sois si faible du point de vue des matriarches. » En réalité, je ne la trouvais pas du tout faible, elle était immense, et pouvait certainement avoir le dessus sur moi et même Chrysalis sans la moindre difficulté. Disons que j’aimais juste rabaisser ceux qui avaient envie de jouer avec moi.

« Je suis stérile ma chérie. » Lorsqu’elle me dit cela, j’eus l’impression de ressentir bien plus que ses paroles, sa tristesse et sa colère étaient palpables, même pour moi qui n’étais pas une changeline.

« Désolée. » Répondis-je sans la moindre rancœur. Même si je ne l’aimais pas, je venais de ressentir ce qu’elle éprouvait et ne pouvais que me sentir compatissante à son égard.

« Ça ne fait rien ma chérie, et après tout, j’ai entendu ce que tu as dit à mon sujet sur ma faiblesse. Je suis flattée quand tu avoues que j’aurais le dessus sur toi, et ça me touche aussi beaucoup quand tu penses que ce serait le cas avec Chrysalis, c’est très mignon. »

Je roulais des yeux en comprenant qu’elle n’allait jamais s’arrêter, mais finalement, me mis légèrement à sourire, je n’avais plus rien à lui cacher, elle savait que j’aimais bien sa croupe, mais que je la trouvais insupportable.

« Tu n’es pas mal non plus ! » Confia-t-elle pendant que je l’entendais rire à l’intérieur de ma tête. Cela me fit penser à Chrysalis et Chicha, ainsi que tous les autres changelins qui étaient chez moi. Depuis le début, ils entendaient ce que je pensais tout haut. Ember reprit sur un ton plus sérieux. « En général, les matriarches se débarrassent des enfants qui ne sont pas parfaits, et elles rejettent aussi toutes les autres matriarches… mais pas Chrysalis. Elle savait qui j’étais et ma faiblesse, c’est pourquoi elle est venue me chercher. Au début, je croyais qu’elle m’avait fait venir pour m’exécuter. » Elle se mit à glousser légèrement, ce que je fis moi-même, les premières rencontres avec Chrysalis donnaient souvent cette impression. « Elle respecte les règles des changelins et voulait devenir l’une des plus fortes d’entre nous, et pourtant, même ainsi elle ne voulait pas se résoudre à tuer ses propres enfants. C’est pourquoi elle m’a proposé un marché. Elle m’autorisait à vivre sur son territoire et m’offrait même une ruche composée de ses enfants malconçus, en échange, je m’occupais de les nourrir et de fournir sa ruche principale en amour.

-C’est ignoble… » Rétorquais-je dégoutée par le comportement de Chrysalis, ce qui fit aussitôt résonner la voix de Ember dans mon crâne.

« Je t’interdis de penser du mal de Chrysalis !

-Pourquoi ça ? Tu ne m’as pas décrit un acte de charité, mais bien quelqu’un qui profite des autres, comme elle le fait avec moi !

-Si tu étais un peu plus au courant des lois changelines, tu comprendrais que c’était la meilleure façon de protéger ses enfants !

-Pas du tout ! Elle pouvait simplement renoncer à ses désirs de pouvoir ! »

Ember ne me répondit pas tout de suite. Est-ce qu’elle méditait mes paroles ? Cela m’étonnait beaucoup, à la manière dont elle m’avait répondu, il était clair qu’elle était autant amoureuse de ses enfants que de Chrysalis elle même. Je sursautais légèrement quand je ressentis une étrange sensation, je portai alors le regard sur Chicha qui était toujours sur l’autre canapé, silencieux, en train de me regarder. Je fronçais les sourcils avant de recevoir cette même sensation et lâchais un léger gémissement.

« Cadance, tout va bien ? » Demanda le changelin en face de moi.

Je n’arrivais pas à lui répondre, trop essoufflée tandis que les sensations continuaient d'envahir tout mon corps.

« Dis-moi ce qui ne va pas, Cadance ! » Ordonna Chicha qui venait de se lever pour se rapprocher de moi.

J’attrapais sa carapace comme je pouvais, la serrant le plus fort possible en espérant me faire comprendre alors que je n’arrivais pas à articuler quoi que ce soit d’intelligible. Pourtant, Chicha sembla aussitôt savoir de quoi je parlais quand il me vit serrer les jambes. Il fonça alors jusqu’à la salle de bain, enfonçant la porte brutalement. Je pouvais l’entendre se mettre à siffler, ainsi que l’eau qui s’agitait. Je recouvrais peu à peu mes esprits alors que je voyais un autre changelin quitter la salle de bain en galopant. Chicha fut le suivant, projeté violemment en dehors jusqu’à une armoire qui amortit brutalement sa chute. Je me relevai alors aussitôt pour le rejoindre et surtout, pour m’interposer entre lui et la matriarche qui fut la dernière à sortir. Elle sifflait à la manière d’un animal, c’était bien plus violent que quand c’était Chicha qui faisait ça, et le pire dans tout ça, c’était dirigé sur nous.

« Approche-toi et tu vas le regretter ! » Avertis-je.

« Et qu’est-ce que tu comptes faire ? » Demanda-t-elle, me dominant de toute sa taille, en m’adressant un regard amusé.

« Moi rien, mais Chrysalis sera la première à intervenir si tu me touches ! » Ouais, j’avais bien l’intention d’utiliser cette situation à mon avantage.

« Et si c’est lui que je touche ? » Elle désigna Chicha du museau.

« Je te promets que je ne te laisserais pas faire et qu’il faudra que l’une d’entre nous meurt ! Et dans un cas comme dans l’autre, tu mourras ! »

Ember avait toujours les pupilles fendues à la manière d’un chat, prête à sauter à la première occasion. Au dernier moment, elle se redressa simplement, me regardant de haut, comme si elle me jugeait. Elle se mit alors à tirer un sourire avant de secouer légèrement la tête et de me tourner le dos.

« C’est pas juste. » Fit-elle l’air faussement en colère. « Je voulais juste te faire un petit cadeau et il a tout fait rater ! »

Je me détendis légèrement, elle venait de se rappeler qui elle avait en face d’elle. Je jetai un rapide coup d’œil en arrière pour voir Chicha se relever péniblement des débris de l’armoire qui l’avait rattrapé. Ember m’avait contourné et se retrouva juste devant lui, je n’eus pas le temps de réagir qu’elle lui tendit un sabot pour l’aider à se relever avant de se pencher pour lui caresser le visage avec sa langue. Cela réussit à nouveau à m’énerver. Comment pouvait-elle passer de l’envie de le tuer à vouloir l’embrasser ? Bon, moi-même il m’arrivait de faire ça, mais c’était différent !

« Chicha, je te donne cinq secondes pour t’éloigner d’elle ! » Menaçais-je alors qu’ils commençaient à s’embrasser. Heureusement, le changelin fit quelques pas en arrière.

« Il ne faut pas lui en vouloir Caddy, Chicha est comme les autres changelins, il est forcément attiré par les matriarches.

-C’est Chrysalis sa matriarche ! » Rétorquais-je sèchement. Ça me faisait déjà mal de partager Chicha avec une matriarche, mais alors deux.

« Mais je fais partie de la ruche de Chrysalis, et donc, je porte son parfum. » Elle tourna son regard vers Chicha que je vis aussitôt frémir. « Mon pouvoir sur ses changelins est identique au sien. Je lui appartiens, mais je reste une matriarche. » Expliqua-t-elle en haussant les épaules. j’eus l’impression qu’elle me disait ça avec du regret.

« Ça doit réellement te déranger. » Raillais-je sans la moindre compassion pour elle.

Ember baissa les yeux avant de soupirer, puis, elle se releva de toute sa taille et se dirigea vers l’escalier qui menait au dernier étage. Elle me jeta un rapide coup d’œil en montant les marches avant de me dire : « Tu n’as pas idée… »

Je m’en fichais, totalement ! Elle pouvait me faire croire qu’elle n’était pas heureuse, elle pouvait même être sérieuse en me disant qu’elle était torturée par Chrysalis ou même sous sa menace, je n’en avais rien à faire.

« Même si je te demandais de m’aider ?

-Parfaitement ! » Lui hurlais-je à la face alors que je lui transmettais encore mes pensées. Je finis par la suivre en haut des escaliers, je savais qu’elle allait encore faire durer les choses, mais je ne lui avais toujours pas posé les questions qui me permettraient d’avancer dans mon enquête. Plus je montais les escaliers, et plus je sentais un désir étrange remonter le long de mon corps pour venir bloquer ma gorge. J’étais certaine que c’était cet endroit qui était ensorcelé pour que je me sente ainsi… Et pas cette idiote d’Ember qui secouait bien sa queue juste devant moi pendant qu’elle gravissait les marches.

Une fois en haut, je compris dans quel nouveau piège je m’étais encore fourrée : une chambre à coucher. L’air y était irrespirable et je pouvais enfin déceler la raison de mon changement « d’humeur », ce n’était pas un sortilège, mais bel et bien des phéromones lâchées directement dans l’air. J’en étais sûre, car c’était plus au moins la même chose que je faisais avec la plupart de mes partenaires pour être certaine de me nourrir… Oui, les succubes avaient plusieurs atouts en poche.

« Il m’a fallu du temps pour réussir à imprégner cette pièce de sorte que l’odeur ne la quitte jamais. » Me dit Ember en regardant le grand lit placé au milieu de la chambre. L’étage tout entier était consacré à cette chambre luxueuse où l’on pouvait voir les étoiles grâce à la verrière. Il y avait plusieurs armoires tout autour ainsi qu’un autre canapé, comme si c’était pour laisser le choix aux clients d’Ember…

« Exactement, ma chérie. » Dit-elle en riant. « Est-ce qu’on peut faire ça sur le lit s’il te plait ? Vu ma taille, je n’ai jamais la place qu’il me faut pour m’allonger sur le canapé. »

Je fronçais les sourcils, mais finit par accepter. J’aurais pu rester debout et ainsi éviter le prochain tour d’Ember, mais l’air était tellement irrespirable, que j’en avais la tête qui tournait. Je m’assis simplement sur le coin du lit. Sans un mot, Chicha s’allongea tout près, juste entre Ember qui était couchée de tout son long et moi. Dans cette position, je pouvais contempler la taille immense de cette changeline. C’était un lit queen size et pourtant, elle arrivait à rejoindre les deux extrémités avec ses membres. Elle semblait me dévorer du regard, et je sentais mes barrières commencer à se briser à force de l’observer. Je détournais alors les yeux, préférant me concentrer sur ce que j’allais dire.

« Tu sais, on peut aussi faire ça en silence.

-NON ! » Répondis-je aussitôt. « Non, s’il te plait Ember, je préfère faire ça normalement.

-D’accord. » Répondit-elle avec le sourire.

Je voulais pouvoir me concentrer sur ce que je disais, ainsi, cela m’éviterait de devoir trop la regarder et penser à son stupide corps de rêve. Je lui jetai un rapide coup d’œil pour constater qu’elle gardait son sourire, et compris qu’elle devait certainement m’entendre… « Oui, c’est vrai sale garce, je trouve que tu as un corps magnifique et je n’ai pas besoin que tu empestes la pièce avec tes hormones pour me donner envie de te sauter dessus.

-J’avoue que cela m’étonne un peu. » Répondit-elle à ce que je venais de penser tout haut. « Certe, je suis magnifique, mais il est rare de trouver des personnes pour me dire ça sous ma véritable forme. En général, la taille a de quoi les intimider… Est-ce que tu aimes être dominée ?

-Comment s’est passée la nuit de l’incendie ? » Demandais-je aussitôt pour ne pas répondre à sa question. Je n’étais en général pas d’une grande pudeur, mais j’avais une enquête à résoudre, et je pensais qu’il était préférable de ne pas informer Ember de mes préférences dans ce domaine. Elle pourrait certainement s’en servir comme arme, et vu ce qu’elle venait de faire quand elle était dans sa salle de bain, je craignais le pire.

« Je ne sais pas, je me suis uniquement réveillée parce que j’entendais mes enfants en train de hurler. J’ai alors aussitôt senti l’odeur de brûlé, et j’ai compris que je devais partir.

-J’ai inspecté les lieux l’autre nuit, c’était un bâtiment qui comptait bien cinq appartements. Il n’y avait que des changelins dedans ?

-Principalement mes enfants, il y avait aussi une lycanthrope au dernier étage, mais elle a déjà quitté la ville. »

Je me doutais qu’Ember considérait les changelins imparfaits de Chrysalis comme ses enfants à elle.

« Ça semble étrange, tu la connaissais bien ?

-Oh oui, elle était vraiment très agréable. Elle n’aurait jamais pu faire ça. Je lui ai même proposé de l’héberger ici le temps qu’elle trouve un autre logement, mais elle a refusé, de crainte de me causer des ennuis le soir de pleine lune. Si elle est partie aussi vite, c’est parce que l’influence que la lune a sur elle sera bientôt trop importante pour qu’elle y résiste. Enfin, tu connais ce genre de chose, c’est un peu comme les chaleurs. »

Je roulais des yeux face à la comparaison aussi simpliste que venait de me lancer Ember pour poursuivre mes questions.

« Il y a bien quelqu’un qui a vu le responsable de l’incendie ?! Aucun changelin ne surveillait le périmètre ?

-Aucun.

-Tu te fiches de moi ? Je ne peux pas faire deux pas hors de chez moi sans avoir des changelins pour m’espionner ! » Expliquais-je en pointant un sabot sur Chicha qui devait certainement faire semblant de dormir.

« Chrysalis protège ce qui a de la valeur pour elle. Ce serait une perte de ressource que de surveiller ses enfants malchanceux.

-Ah ! On est donc d’accord, Chrysalis se fiche complètement de ses enfants imparfaits ! » M’exclamais-je, satisfaite de pouvoir montrer à quel point c’était un monstre.

Ember redressa alors la tête en se mettant à siffler, bientôt imitée par Chicha qui était face à elle. Je compris à nouveau mon erreur, mais je voulais qu’ils comprennent ce que Chrysalis était réellement.

« Elle serait prête à les laisser mourir, juste pour ne pas laisser leur faiblesse diminuer le pouvoir de sa ruche.

-Cadance, arrête de parler sans savoir ! » C’était Chicha qui venait tout juste de me prendre pour une idiote à ma grande surprise. « Tu ne sais pratiquement rien des lois changelines ! Si Chrysalis les reconnaissait comme ses enfants, sa ruche serait considérée comme faible, et tu sais ce que représente la faiblesse chez les changelins ? La mort ! Une proie facile pour les autres ruches. Chrysalis a beau les apprécier, si elle se montre en train de les protéger, les autres matriarches verraient juste une reine facile à tuer pour prendre son territoire.

-Je rêve, c’est toi qui défends les changelins sur lesquels tu n’arrêtes pas de cracher !? » M’insurgeais-je.

« C’est normal ! » S’énerva-t-il en reposant la tête contre les couvertures et en fermant les yeux. « C’est ma nature de défendre ma reine contre le danger. Les imparfaits en seraient un, si on se mettait à les admettre dans la ruche.

-D’accord, mais le fait que Chrysalis les garde sur son territoire, ce n’est pas déjà la preuve qu’elle les protège ?

-Non ma chérie. » Me répondit Ember. « Une matriarche peut parfaitement en emprisonner une autre ainsi que sa ruche sur son territoire. »

Je fermais à mon tour les yeux en soupirant profondément. Je regrettais déjà d’avoir voulu m’intéresser à sa situation. C’était vrai, je ne connaissais pas le code des changelins et peu importe le temps que je pourrais y passer, cela me paraîtrait toujours incompréhensible. C’était déjà comme ça avec les règles des faes. Et eux-mêmes étaient souvent perdus face au règlement des poneys. La seule chose que j’avais fini par assimiler, c’était de suivre leurs règles, sans jamais chercher à comprendre. Autre région, autres mœurs.

Je me mis un peu plus confortablement sur le lit, constatant que je n’avançais pas du tout dans mon enquête. Cela m’énervait, mais c’était normal avec les hybrides et autres créatures peu communes. Le temps avait une autre valeur pour eux, et en perdre n’était pas particulièrement l’une de leurs craintes.

« Quel goût a Chrysalis ? » Me demanda-t-elle, ce qui réussit à me faire serrer les dents.

« Comment est-ce que tu es au courant ? »

Ember se remit à glousser. Son petit rire mesquin avait de quoi m’énerver… comme beaucoup de choses chez elle.

« Voyons ma chérie, tu ne crois tout de même pas que Chrysalis aurait tenu secret ce genre d’information. Je crois même que tout Canterlot est déjà au courant de votre lien. »

Je voulais la tuer, comme Chrysalis, ou comme bien d’autres créatures qui me rendaient la vie impossible. Mais j’avais une enquête à suivre, c’était le seul moyen pour moi de quitter cet endroit. Je pris alors une profonde inspiration avant de parler, mais Ember fut la plus rapide.

« Je vais t’aider à aller plus vite. Non, personne n’a vu le coupable. Je me suis réveillée à trois heures et cinquante-deux minutes du matin, le feu lui, aura dû être allumé vers trois heures quarante-cinq plus ou moins. Il y a eu trois victimes, tous des changelins, si vous n’avez pas trouvé les corps quand tu y as été, c’est parce qu’on les a retirés avant. J’ai demandé à faire inspecter les lieux, et tout ce que les changelins ont trouvé, c’était une odeur de mort. Rien de magique, uniquement l’odeur persistante des corps de mes enfants. Le responsable n’est pas une créature affiliée au feu, sinon, nous l’aurions déjà ressenti en inspectant les braises. Au début, je pensais que c’était quelqu’un qui n’était pas satisfait de mes services, mais Chrysalis m’a dit que c’était certainement affilié aux autres incendies à Canterlot. En même temps, personne n’a jamais été déçu après avoir passé une soirée avec moi. Au final, c’est peut-être un poney qui connait l’existence d’autres créatures et a décidé de faire justice lui-même. »

Je hochais simplement la tête face à toutes les informations que je venais de recevoir, c’était étrange de voir la changeline tout à coup aussi sérieuse. En même temps, j’avais l’impression qu’elle cherchait juste à expédier l’enquête pour pouvoir s’amuser un peu plus avec moi. C’était assez particulier étant donné que trois de ses enfants étaient mort, et qu’elle ne semblait pas en être affecté, mais après tout, la mort avait beaucoup de significations, et certaines espèces la considéraient plus comme une libération. Je n’allais pas relever ce détail, après tout, Chrysalis elle même ne m’avait jamais tenu rigueur pour avoir tué l’un de ses enfants. Je n’avançais vraiment pas dans mon enquête. La plupart du temps, il me restait toujours une trace, un objet, un détail qui me permettait de rapidement découvrir le coupable, mais le feu… c’était une autre histoire. Celui-ci avait un effet néfaste sur à peu près tout ce qu’il touchait, et si le responsable n’était pas en lien direct avec lui, je me retrouvais tout simplement sans la moindre piste.

« Il n’y a aucun groupe d’éclairés à Canterlot. » Et j’y veillais personnellement. Les éclairés étaient des poneys qui prenaient conscience que notre monde était peuplé par bien plus d’espèces qu’ils n’y croyaient. La plupart du temps, un poney lambda cherchait à ignorer ça, ou même à le fuir, ce qui entrainait souvent des conséquences désastreuses. Les éclairés étaient un groupe de poneys qui avaient décidé d’agir face à cela de la manière la plus violente. Assassinat, meurtre, incendie, ils ne reculaient devant rien pour « nettoyer Equestria » comme ils le disaient si bien. Les rares fois que j’en ai rencontré, c’est eux que j’ai dû sauver face à des monstres qui n’avaient pas spécialement envie de les laisser faire. « Je crois même que je peux compter le nombre de personnes qui sont au courant de l’autre monde sur mes sabots… du moins, à Canterlot. » Je vis Ember glousser, mais comme d’habitude, je décidais de ne pas relever, je risquais de m’énerver davantage. « Bon, vu que mon enquête est terminée, je crois qu’il ne me reste plus qu’à partir.

-Attends une minute ma chérie. » Se plaignit Ember, ce qui me fit rouler des yeux. Je savais déjà ce qu’elle allait me demander, et surtout, je savais que je ne pouvais pas lui refuser. « J’ai été très coopérative en te donnant un maximum d’information, alors tu pourrais au moins répondre à ma question, non ?

-Elle a le goût de fromage.

-Oh aller ma chérie. » Me dit-elle en secouant la tête. « Dis-moi sincèrement comment tu l’as trouvé. Tu sais, je suis aussi psychologue à mes heures perdues, les relations entre couples, ça me connait.

-Je ne suis pas en couple avec Chrysalis ! » Éructais-je brusquement.

« Ah bon ? Pourtant tu la laisses vivre avec toi… Et aux dernières nouvelles, vous dormez dans le même lit. »

Je me retournais sur Chicha et me mit à le fusiller du regard, ce dernier eut l’air de ne pas comprendre pourquoi je lui dirigeais ma colère, mais pour moi, ça ne faisait aucun doute. Il était toujours collé à moi, donc, c’était forcément lui, ou l’un de ses frères proches qui racontaient toute ma vie. Je soupirais légèrement avant de reprendre mon calme et de répondre à Ember : « J’aime voir ça comme un commun accord. Je la dépanne, et en retour, elle me donne ce qu’elle peut en échange.

-Ah ah ah, oui bien sûr Caddy. » Se mit à éclater de rire la changeline. « Il est clair que tu étais la seule et UNIQUE personne qui pouvait venir en aide à Chrysalis. Tu crois vraiment qu’il lui était impossible de se trouver une meilleure cachette ? Si elle est venue à toi, c’est uniquement pour réclamer ce qui lui appartient. »

Je me levais brusquement du lit et descendit rapidement. Je n’avais plus rien à faire ici, plus longtemps je restais, et plus de chance j’avais de la tuer.

« Où est-ce que tu vas ? Cela te met autant en colère de découvrir que tout le monde se sert de toi ? »

Je fis quelques pas avant de me retourner et de lui jeter un regard noir.

« Ne me pousse pas à bout ! Je suis certaine que si je cherche un peu, j’aurais une raison d’appliquer mon rôle de Marshall sur toi !

-Allons, ouvre un peu les yeux ma chérie, tu es la seule qui croit encore que la justice est égale pour tous. Nous sommes des monstres, des créatures qui se servent des autres. Qu’y a-t-il de mal à ça vu qu’on nous tolère, nous et nos travers ?

-Tu souhaiterais que j’enfreigne les lois pour m’occuper directement de toi ?! » Lui répondis-je en retenant ma colère.

-Non, je veux simplement que tu comprennes que beaucoup de monde veut ta mort, et que tu es la seule qui cherche encore à suivre les règles de ton monde.

-Je serais déjà informée si quelqu’un avait fait du grabuge à Canterlot ! » Je jetais un rapide coup d’œil à Chicha, ce qui lui fit comprendre qu’il devait me suivre.

« Ah bon, tu crois ça ? J’imagine que pour toi, à Canterlot, on peut compter le nombre de poneys au courant de l’autre monde, sur tes sabots, c’est bien ça ? Eh bien pourquoi n’irais-tu pas faire une visite dans la maison close qui se trouve juste en face ?

-Qu’est-ce que tu veux dire ? » Interrogeais-je en plissant les yeux.

« Tu crois qu’il est si facile pour la plupart des créatures qui viennent dans ton monde de suivre les règles que vous leur imposez ? Réfléchis un peu Caddy, tu ne t’aies jamais demandé comment nous les changelins arrivions à nous nourrir ? »

Je restais silencieuse, incapable de répondre. Les changelins se nourrissaient de l’amour, mais nos lois les obligeaient à se nourrir uniquement sur des personnes consentantes.

« Si j’apprends que toi ou Chrysalis vous nourrissez illégalement, je serais obligée d’intervenir. » Avertis-je en étant partagée entre la joie et le doute.

« Oh non, ne t’inquiète pas ma chérie. Tout se passe parfaitement bien à Canterlot si on oublie ces incendies. Fais-moi plaisir, va juste faire un tour en face. »

Je continuais de la dévisager, attendant de voir où se trouvait le piège. Je ne pouvais m’empêcher de la considérer comme une manipulatrice qui voulait se servir de moi… un peu comme Chrysalis. Au final, c’était peut-être un truc de matriarche que de toujours se moquer de moi. Je ne lui répondis tout simplement rien et me contentai de quitter la pièce en me dirigeant vers les escaliers. Heureusement, elle ne chercha pas à nous suivre, se contentant de nous observer avant d’ajouter :

« Allons, Cadance, c’est notre nature qui nous oblige à faire cela. Mais dis-moi, tu ne m’as toujours pas répondu sérieusement, quel goût a Chrysalis ? »

Je la regardais rapidement du coin de l’œil alors que je descendais déjà les premières marches, puis, je décidai de m’arrêter quelques secondes, juste pour pouvoir lui répondre.

« La cerise… Elle a le goût de la cerise et… J’ai adoré les quelques secondes que ça a duré. »

Cela ne servait à rien de lui mentir. Chrysalis était déjà certainement au courant, et ce n’était qu’une question de temps avant qu’Ember ne le soit aussi. Je me faisais manipuler par ces changelins et dès l’instant où je serai rentrée chez moi, j’aurais un groupe de cafard à mettre à la rue.