Narcotic

Je rentrai péniblement jusqu’à mon appartement. On m’avait interpellé avant que je n’aille me coucher, encore pour une histoire d’incendie criminel. Luna m’avait demandé de surveiller cette affaire, car le coupable venait de l’autre monde. La princesse ne pouvait me donner plus d’information parce que, selon elle, sa localisation se trouvait toujours là-bas. Ainsi le responsable pouvait être n’importe quoi : un élémentaire de feu, un pyromancien, un farfadet… toute créature surnaturelle capable d’allumer une allumette concrètement. Je ne ressentais aucune présence magique sur les lieux qui aurait pu me donner une piste.

Je n’étais pas vraiment une enquêtrice hors pair, en réalité, j’étais Marshall pour le compte d’Equestria, mon rôle : traquer et neutraliser toute créature surnaturelle qui enfreindrait les règles établies à leur égard. Bien entendu, rares étaient les equestriens au courant de ce beau monde, cela convenait parfaitement à chaque parti. Étrangement, tous les incendies avaient eu lieu dans des secteurs habités principalement par ces êtres spéciaux. Bien que cela pouvait amener à une piste, je n’avais strictement aucune idée de qui pouvait leur en vouloir. Moi-même, je ne les ai jamais vraiment portés dans mon coeur, mais m’attaquer à eux revenait à un acte suicidaire et à un coup d’épée dans l’eau. En réalité, je crois que je les détestais, ma vie serait mille fois mieux si je n’avais pas l’un de ces parasites pour venir frapper à ma porte tous les soirs.

J’ouvris la porte de l’appartement où j’habitais avant de monter rapidement les escaliers pour arriver chez moi. Ce n'était pas vraiment le grand luxe, mon salaire de Marshall n’était pas si mal en réalité, mais j’avais différents besoins qui me demandaient pratiquement tout mon argent. C’était petit, étroit et j’avais tout juste la place pour mon lit, une cuisinière ainsi qu’une table, et une salle de bain dans la pièce d’à côté, mais c’était bien assez, vu que je passais le plus clair de mon temps à l’extérieur. Quand j’étais chez moi, c’était principalement pour manger et dormir, et c’était cette dernière action que je fis en m’affalant sur mon lit tout en rabattant les couvertures sur moi. Je sentis du mouvement dans ma crinière et passai un sabot dedans pour en extirper Shiny. C’était ma chauve-souris domestique, un cadeau de Luna. J’étais certaine que ce n’était pas une chauve-souris tout à fait normale, la preuve en était sa capacité à me comprendre et le fait qu’il sache me prévenir quand aller voir l’alicorne de la nuit. Il alla s’installer en haut d’une étagère au-dessus de mon lit pour se mettre à dormir. Il serait bien resté avec moi, mais j’avais le sommeil agité la plupart du temps. Je m’endormis presque instantanément, tout ce que j’espérais, c’était de ne pas être dérangé durant la nuit… ou dans mes rêves.

***

Je me sentais incroyablement fatiguée à mon réveil, et mon corps était entièrement froid… ou du moins, à l’intérieur. En effet, j’avais l’impression que ma peau était brûlante, ce qui me donnait l’impression d’être un steak congelé qu’on lançait dans une poêle sur le feu. J’avais les membres complètement bloqués, il m’était totalement impossible de bouger. j’ouvris légèrement les yeux, luttant contre la fatigue pour ne pas me rendormir, mais ce que je vis suffit pour me réveiller pour de bon.

« Chrysalis ! » Hurlais-je en tentant de m’éloigner de la reine des changelins qui était allongée juste en face de moi, mais j’étais incapable de bouger. Mes sabots étaient toujours bloqués, ceux de droits sous la changeline, et ceux de gauches posés sur elle, mais coincés juste sous deux autres changelins couchés dessus.

« Calme-toi ma chérie, je ne suis pas là pour te faire du mal ! » Ordonna-t-elle sur un ton qui pourtant n’était pas si sec que ça.

Je n’arrivais pas à prendre en compte ce qu’elle venait de dire, trop occupée à tenter de me débattre. Je tournais la tête derrière moi et vis deux autres changelins, un allongé tout contre moi et un autre qui avait la tête couchée sur mon flanc. Chrysalis m'attrapa par l’encolure et serra assez fort pour que mon regard se tourne sur elle et qu’elle obtienne toute mon attention, je venais même d’arrêter de gigoter dans tous les sens.

« Je ne vais pas te tuer, je te le promets. Je veux juste que tu te calmes pour que je puisse t’expliquer. » Mais était-ce sur mon regard ou même grâce à sa capacité à ressentir les émotions qu’elle comprit que je n’étais absolument pas calme en ce moment. Elle se mit alors à soupirer avant de m’adresser un léger sourire. « Décidément, tu ne changeras jamais ma chérie. Regarde derrière toi, tu n’as pas reconnu Chicha ? » Elle relâcha légèrement son emprise sur mon cou pour que je puisse me retourner et voir le changelin que je ne connaissais que trop bien.

Chicha était l’un des rares enfants de Chrysalis qui était facilement reconnaissable, car celui-ci avait une caractéristique bien particulière, ses joues étaient perforées ce qui rendait ses crocs facilement visibles. Je le connaissais très bien, car je sortais régulièrement avec lui, moi la Marshall responsable du secteur de Canterlot, sortait avec l’un des fils de la créature qui m’en voulait le plus dans ce monde, et dans l’autre. Chicha posa délicatement un sabot sur mon épaule, même s’il était collé contre mon dos, il savait que le moindre geste de trop pouvait être mal pris avec moi. Je reposais alors mon regard sur Chrysalis après avoir étiré difficilement un léger sourire à l’intention du changelin.

« D-d’accord… » Articulais-je difficilement avant de m’arrêter. Autant de stresse dès le matin me faisait tourner la tête, je détournais alors le regard et me mis à compter jusqu’à dix intérieurement. Cela me prit presque trente secondes pour faire cet exercice, mais Chrysalis resta silencieuse, attendant que je sois finalement prête. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Demandais-je en essayant d’être le plus en colère possible, mais étrangement, je n’arrivais qu’à murmurer cette phrase.

« Je vais t’expliquer, ma chérie, mais reste allongée s’il te plait. » Demanda-t-elle en me caressant la crinière et en s’appuyant un peu plus contre son oreiller, tout comme moi. « Les incendies que tu as été inspecter ces dernières semaines visaient à chaque fois des êtres surnaturels, mais tu en es certainement déjà arrivée à la même conclusion. Cependant, le dernier incendie en date visait les miens. C’est pourquoi j’ai décidé de me cacher chez toi. Si le responsable me vise personnellement, il n’aura pas idée de venir me chercher ici. »

J'écarquillai légèrement les yeux, comme réellement inquiète, mais me ravisai aussitôt. Chrysalis où un autre, cela m’était totalement égal.

« Mais… qu’est-ce que tu fais ici… dans mon lit je veux dire. » Articulais-je difficilement, alors que je sentais toujours ma tête qui tournait.

« Eh bien en arrivant cette nuit, je t’ai trouvé en très mauvais état. Tu tremblais, et je n’arrivais pas à te réveiller. J’ai vite remarqué que tu étais en train de faire une hypothermie, c’est pourquoi j’ai décidé d’utiliser le pouvoir de la ruche pour te maintenir à bonne température.

-...C’est pour ça qu’il y a autant de changelins dans mon lit ? »

Chrysalis se mit à glousser avant d’utiliser ses sabots pour se rapprocher de moi. Personnellement, je me demandais plus comment mon lit arrivait à contenir tout ce monde, que de vouloir savoir ce qu’elle était en train de faire. Elle posa son museau contre mon encolure, et les autres changelins autour de nous, en firent de même. En temps normal, je me serais mise à hurler, mais dans l’état dans lequel je me trouvais, c’était plutôt agréable. Je sentais lentement la chaleur revenir au fond de mon corps, ainsi que mes esprits qui se remettaient en place. J’ouvris alors un oeil en constatant que j’étais déjà sur le point de me rendormir et observai la reine changeline qui se contentait de me regarder de son oeil émeraude.

« Comment tu as fait pour te mettre dans un état pareil, ma chérie ? » Souffla-t-elle.

« Ne fais pas comme si tu t’inquiétais pour moi. Tu cherches juste à surveiller tes investissements.

-Et tu en fais partie, je pensais avoir été claire là dessus lors de notre dernière rencontre. » Répondit-elle sur un ton bien plus froid en laissant un grondement naître au fond de sa gorge.

En effet la dernière fois que j’avais rencontré Chrysalis, je pensais qu’elle avait décidé d’en finir avec moi, mais finalement, elle avait préféré me laisser la vie sauve en m’expliquant simplement que je lui appartenais. Il était vrai que j’utilisais l’un de ses fils, mais ce n’était pas pour autant que j’allais devenir son esclave.

« Peut-être, mais tu ne m’obligeras pas à t’obéir ! » Répondis-je clairement, mais calmement.

Chrysalis préféra soupirer plutôt que de continuer cette bataille, qu’elle finirait bien par gagner en plantant ses crocs dans ma gorge. Je savais que mon plus gros défaut était de toujours pousser les autres à bout, je ne le faisais pas spécialement exprès, mais disons que j’avais toujours du mal à suivre leurs règles d’usages. La reine des changelins n’avait pas un acte de propriété à mon nom, mais selon son code d’honneur, elle m’avait déclarée comme sienne. Cela impliquait que si quelqu’un me voulait du mal, il devrait d’abord passer par Chrysalis.

« Tout serait tellement plus simple si tu te contentais de me laisser t’aider. Tu as un très mauvais à priori sur la plupart des gens qui t’entourent, et c’est ta méfiance qui te complique la vie.

-Ah bon ? Pourtant je ne serais pas enseveli sous six changelins si j’avais décidé de dormir avec une dague sous mon oreiller. »

Chrysalis se mit alors à rire avant de s’installer un peu plus confortablement sur moi. Même si j’aurais souhaité lui dire de s’en aller, je n’en fis rien, constatant avec soulagement les bienfaits du pouvoir de la ruche sur moi. Tandis que je sentais la fatigue revenir, je réussis tout de même à lancer une dernière remarque à la reine qui squattait mon lit.

« Dis-moi Chrysalis, je ne crois pas t’avoir invité chez moi, donc si tu veux rester, j’imagine que tu as prévu de quoi me payer.

-Ah ah, ne t’en fais pas ma chérie. Rendors-toi, nous discuterons de ça à ton réveil. »

Les êtres surnaturels avaient un code très strict en ce qui concernait les accords entre deux personnes. Cela pouvait aller du simple échange, à un service bien plus personnel jusqu’au don de soi. Quoi qu’il en soit, leur code obligeait les deux partis à offrir quelque chose de même valeur, un échange équitable. Un os pour un chien valait bien mille bits pour un poney. Ici, c’était pareil, et j’espérais que Chrysalis allait se casser la tête à trouver quelque chose de la même valeur que l’hébergement que je lui offrais.

J’avais fini par comprendre qu’elle ne me voulait pas de mal, ou du moins, pas pour le moment. Il ne fallait pas se méprendre, j’étais l’une de ses cibles prioritaires, mais pourquoi ? Je ne le savais pas encore, et je n’étais pas certaine de vouloir le savoir. Quoi qu’il en soit, j’étais espionnée à chaque pas que je faisais hors de chez moi. À l’intérieur, j’étais dans mon cocon. Les fenêtres étaient enchantées pour ne laisser passer aucun intrus à tel point que je ne savais même plus les ouvrir pour faire courant d’air. La porte aussi disposait d’un verrou que j’avais protégé avec différentes barrières, mais connaissant Chicha, il avait certainement ouvert la porte à sa mère. La relation que j’entretenais avec lui était particulière. On sortait ensemble, comme un couple normal, et je l’utilisais pour me nourrir… Oui, ma nature de succube m’obligeait à aspirer l’essence vitale de mes partenaires. Une fois par semaine, quand je n’arrivais pas à me contenir plus souvent. Bien sûr, Chicha y trouvait son compte, après tout, il restait un changelin fidèle à sa reine, et avait tôt fait d’aller lui raconter tout à mon sujet. Mais même si notre relation était purement fonctionnelle pour nous deux, il m’était d’une grande aide pour ce qui était de tenir face à l’absence de Shining Armor…

« Cadance… Cadance, il faut te réveiller maintenant. » Me fit une voix douce en me secouant légèrement. Je soupirais en sortant peu à peu de ma torpeur. J’étais toujours avec Chrysalis dans mon lit, cette fois-ci, j’étais plaquée contre son poitrail tandis qu’elle avait ses sabots autour de moi. Quand je disais que j’avais le sommeil agité…

« Qu’est-ce qu’il y a ? » Grommelais-je prête à me rendormir si la raison n’était pas valable.

« Il est six heures du soir. Qu’est-ce que tu as fait pour être dans cet état ma chérie ?

-Je sais pas… » Murmurais-je en refermant les yeux. « Laisse-moi dormir !

-Non Caddy, tu dois encore aller chez Ember, c’est elle qui a été visée par l’attaque de la nuit dernière. »

Mais je ne l’écoutais déjà plus. Je sentis alors la changeline me secouer un peu plus fort, mais je restais totalement sourde à ses appels. Je me sentis alors moi-même paniquer alors que Chrysalis se mettait à hurler mon nom. Je tentais de bouger, de crier, ou même de respirer, mais tout cela m’était impossible, comme si je venais de tomber consciemment dans un coma. Je sentis alors quelque chose se presser contre mes lèvres. Il me fallut un moment avant de comprendre ce que Chrysalis venait de faire et ce qu’elle attendait de moi. J’ouvris alors une porte que j’avais au fond de moi, un accès vers la source de mon pouvoir qui ne cessait de hurler que je lui rende sa liberté. Je n’eus pratiquement rien à faire, ma seconde nature de succube savait parfaitement comment et où aller pour obtenir ce qu’elle voulait, mais même ainsi, cela avait l’air bien plus facile qu’en temps normal.

Je réussis enfin à reprendre mes esprits, mais n’arrêtai pas le drain pour autant, surtout quand celui-ci était aussi facile à faire. J’ouvris lentement les yeux, observant le visage de Chrysalis qui était collé contre le mien pour m’embrasser. Je voyais dans son regard qu’elle aimait cela, pas le fait de m’aider, mais bien sûr de subir le drain. J’étais une succube, et mon pouvoir était aussi d’offrir du plaisir à mes partenaires, un plaisir encore méconnu, nouveau et incomparable. Un orgasme cent fois plus intense et qui durait bien plus longtemps. Je ressentais moi aussi ce pouvoir en moi et le plaisir qu’il me donnait. Un simple baiser était déjà divin, mais comme à mon habitude, j’en voulais toujours plus.

J’entourais l’encolure de Chrysalis avec mes sabots en pressant davantage mes lèvres contre les siennes. Je la sentis pousser un léger grognement, comme un avertissement à mon égard, mais n’y prêtai pas attention. Je savais que je pouvais la faire changer d’avis, il me suffisait juste d’augmenter un peu la puissance. Je me redressais lentement pour grimper sur la reine changeline. Mon corps tout entier se mit à me brûler alors que je sentais mes yeux se mettre à briller d’une lueur fuchsia. Ils étaient la fenêtre vers la source de mon pouvoir, et ceux-ci indiquaient facilement dans quel état je me trouvais. Je me mis à faire onduler mon corps, en allant chercher la langue de la changeline avec la mienne. J’étais sur le point d’accentuer mon drain quand j’entendis un sifflement aigu tout près de mes oreilles, suivi aussitôt d’un autre.

Je levais rapidement les yeux pour voir la gueule d’un changelin à moins de dix centimètres de mon visage. Chicha aussi était en train de siffler, pas sur moi, mais sur le premier changelin qui me visait.

« Ah ah ah… Allez, les enfants, il est temps de se calmer. » Annonça Chrysalis quelque peu dans le vague. Je me penchais sur elle, prête à continuer ce que j’étais en train de faire, mais elle leva un sabot juste entre nous. « Je crois qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses, et tu dois avoir récupéré ce qu’il te faut pour aller mieux. » Elle me donna une légère tape sur les côtes pour m’intimer de descendre de son ventre. Je le fis, quelque peu à contrecoeur, et repris mon souffle tandis que je sentais Chicha se plaquer un peu plus contre moi en jetant un regard noir à son frère. « C’est donc de ça que tu te nourris ma chérie, le désir. Ce n’est pas plus facile à récolter que l’amour, je dois l’avouer. » Elle regarda alors Chicha qui était juste derrière moi et fronça légèrement les sourcils. « Chicha, arrête de faire des menaces à Chapka ! Il n’allait quand même pas la laisser aller jusqu’au bout de son drain ! » Elle reporta alors son regard sur moi. « D’ailleurs, depuis quand est-ce que tu as si peu de contrôle sur ton pouvoir ? On ne m’a pourtant jamais rapporté de meurtre que tu aurais provoqué.

-J’en sais rien… » Maugréais-je énervée. « D’habitude je ne me nourris pas parce que je suis en train de mourir… Et encore moins avec une reine changeline…

-Eh bien… je crois que je vais devoir interdire Chicha de te fréquenter, tu es très dangereuse et tu as une mauvaise influence sur lui. » Gloussa-t-elle avant de se lever du lit. « Bon, il est temps pour toi d’aller voir Ember, je l’ai prévenue que tu allais passer la voir, alors évite d’aller chez elle en faisant claquer tes gros sabots de Marshall. »

Je la suivis en descendant du lit à mon tour et en lui demandant : « Qui est Ember ? » Après tout, je ne pouvais pas connaître tous les changelins de Chrysalis, étant donné qu’il était déjà impossible de les distinguer entre eux à part Chicha.

« Oh, tu le verras bien, Chicha va venir avec toi pour te dire où c’est, et pour éviter que tu ne te donnes encore en spectacle. »

Chrysalis se dirigea vers une grosse valise qu’elle avait posée près de l’entrée et en sortit un paquet de cigarettes.

« Ne me dis pas que tu vas te mettre à fumer ici ? T’es au courant que la fenêtre est scellée magiquement et qu’il est impossible de l’ouvrir ?

-C’est mon travers ma chérie, moi je ne t’empêche pas de t'empiffrer de gâteau à longueur de journée. »

Je roulais des yeux avant de me diriger vers la salle de bain. Les travers étaient une particularité propre à tout être de puissance. Plus une créature disposait de pouvoir, plus elle était victime de défaut qui lui était propre. Ceux-ci pouvaient concerner tout et n’importe quoi. J’étais affectée par la gourmandise tandis que Chrysalis ne pouvait s’empêcher d’avoir de la fumée dans les poumons. La princesse Luna était une alcoolique notoire. Un travers pouvait être aussi le mensonge, la fatigue, ou même le don de soi, et la générosité.

Je fermai la porte derrière moi et pris une longue inspiration avant de commencer ma douche. Ça n’allait pas être simple de vivre avec Chrysalis, c’est pourquoi j’allais tout mettre en oeuvre pour retrouver le responsable de ces incendies pour qu’elle retourne vite chez elle. Je savais que je ne devais pas m’en faire plus que ça, Chrysalis avait emménagé à Canterlot en faisant serment de neutralité, mais disons que je n’avais pas énormément de place chez moi pour accueillir une reine et toute sa ruche.

Après m’être lavé, ce qui m’aida principalement à me détendre après ce qui venait de se passer, je me plaçai devant le miroir et remis ma crinière un peu en ordre. Ma crinière avait légèrement changé de couleur lors de la disparition de Shining. Par légèrement, j’entendais le blond qui s’était changé en noir. Pas vraiment le genre de changement discret propre à une jument. Il m’avait fallu du temps pour l’accepter et faire avec, mais aujourd’hui, je trouvais cette couleur aussi bien que l’ancienne. De toute façon, je ne pouvais pas faire mieux.

« Hey ! » Fis-je en me retournant sur la porte que Chrysalis venait d’ouvrir pour rentrer. « Si j’ai mis un verrou, c’est pour être tranquille !... Et comment tu as fait pour ouvrir ?

-Oh, je t’en prie ma chérie, j’aurais une très mauvaise estime de moi-même si je n’arrivais pas à ouvrir un simple verrou. » Dit-elle en gloussant avant de s'asseoir à côté de moi devant le miroir. « Qu’est-ce que j’aime ta crinière, ces couleurs te vont tellement bien. » Dit-elle en réajustant son chignon. À l’époque, Chrysalis n’était pas vraiment du genre à soigner son apparence, sauf pour ses déguisements. Depuis qu’elle avait emménagé à Canterlot, elle avait choisi un style oriental des terres des dragons. Une longue toge aux couleurs noires garnie de motifs à fleurs sur les bords, dans des tons verts. Elle avait abandonné sa crinière longue et mal coiffée pour un style bien plus strict qui laissait filer quelques mèches qui retombaient juste par endroit. Ce qui soulignait les lignes de son visage, mais qui pourtant arrivait à adoucir ses traits.

« Et tu as crocheté ma serrure juste pour me dire que je suis belle ? » Demandais-je en continuant de brosser ma crinière.

« Ah ah ah, pour moi, c’est déjà une raison valable. » Elle reprit aussitôt son sérieux. « Non, je viens pour te parler de notre marché.

-Ah oui, le tarif pour l’hébergement ?

-Eh bien je pense que t’avoir nourri était bien suffisant comme payement. » Déclara-t-elle sur un ton direct.

« Euh, non Chrysalis. » Je la vis aussitôt se renfrogner, c’est pourquoi je poursuivis rapidement. « Je me nourri de ton fils au moins une fois tous les quinze jours, alors si à la place, je me nourris de sa mère, cela ne fait aucune différence pour moi. »

Chrysalis attrapa mon sabot qui tenait la brosse pour me tourner brusquement vers elle.

« Je crois que tu oublies que j’ai fait ça pour te sauver la vie. De plus, je n’aime pas la manière dont tu oublies mon rang ! »

Bien entendu, placer Chrysalis au même niveau que l’un de ses enfants n’était certainement pas la chose à faire. Mais disons qu’elle aimait se vanter en me rappelant régulièrement qu’elle se servait de moi, alors pour une fois, j’étais contente de pouvoir lui retourner la faveur.

« Et qu’est-ce que tu aurais fait d’autre ? Je te rappelle que tu ne fais que surveiller tes investissements, alors j’imagine bien que tu n’allais pas me laisser mourir. De plus, d’un point de vue de succube, tu as quasi le même goût que ton fils… Même si c’était plus agréable, je le conçois.” Je m’attendais à voir Chrysalis s’énerver davantage, mais à la place, elle étira un léger sourire avant de me lâcher le sabot et de regarder à nouveau le miroir.

“C’est bien normal, je suis la mère de Chicha, j’ai bien plus de ressource que lui.”

Je roulais des yeux en constatant qu’une simple flatterie suffisait à calmer la reine des changelins. Elle reprit :

“D’accord, on ne peut pas considérer ça comme un paiement, alors je te propose de m’occuper de nourrir une autre de tes faims.”

Je la regardais en haussant un sourcil et lui dis : “Tu sais, ça ne me pose pas de problème, j’aime bien cuisiner.

-Peut-être, mais mes espions m’ont rapporté que tu ne mangeais pratiquement que des pâtisseries, et après que mes enfants aient fouillé tes placards, il s’avère qu’ils n’ont rien trouvé comme aliment réellement consistant.

-Dis-m’en plus.” Lui confirmant dans le ton de ma voix, que j’étais déjà d’accord avec ce qu’elle allait me proposer.

“Deux repas par jour, principalement du boeuf et du porc. Le mardi, ça sera du poisson, et le jeudi, du poulet. Tu n’auras rien à préparer, un traiteur viendra tout les matins et soirs. Oh et le dimanche matin, il fait même des oeufs pour le déjeuner.

-Tu as un traiteur qui prépare de la viande, où est-ce que tu l’as trouvé ?

-Je suis la reine des changelins, je te rappelle. Et vu que j’ai investi dans beaucoup de domaines dans Canterlot, je peux te dire que la plupart des restaurants ont toujours une place pour moi et des menus adaptés.” Déclara-t-elle, fière de faire partie des gens les plus riches de Canterlot.

Je fis mine d’hésiter face à cette offre alléchante. En effet il n’était pas concevable pour un poney de manger des aliments autrefois vivants, mais c’était différent pour des êtres disposant de grande quantité de pouvoir et qui n’arrivaient pas à se sustenter suffisamment avec des légumes et des pâtisseries. C’était extrêmement dur de se fournir en viande en Equestria, et c’était encore plus cher. C’était donc une offre que je ne pouvais pas refuser.

“D’accord, mais seulement si on mange du poulet ce soir !” J’adorais le poulet.

“Ma chérie !” Fit-elle comme une mère qui grondait sa fille. “On ne mange pas de la volaille un dimanche !” Voyant que je ne cédais pas, elle maugréa en roulant des yeux avant de me répondre : “C’est entendu, mais à la seule condition que tu m’autorises à avoir dix changelin chez toi.

-Dix !?” M'exclamais-je. “C’est impossible, ils n’y a pas assez de place.

-Oui, j’ai peut-être un peu exagéré. Mais en même temps, j’ai besoin de mes enfants pour faire le ménage ici. Tu vis dans un mouchoir de poche et en plus de ça, c’est un vrai taudis. Six.

-Quatre, et on compte Chicha !”

Chrysalis haussa un sourcil, voyant qu’elle disposait d’un moyen de pression. Moi et ma grande bouche…

“Bon, je crois qu’on va se mettre d’accord sur cinq.” Dit-elle avec le sourire.

“Mais Chrysalis, je n’ai pas la place pour tout ce monde, il n’y a qu’un seul lit, et je m’imagine mal devoir enjamber tous tes fils pour aller à la salle de bain.

-Ne t’inquiète pas, ils trouveront de la place pour dormir, et de toute façon, c’est ça, ou tu auras quatre changelin sans Chicha.

-Va pour cinq !” Me résignais-je en rejetant la tête en arrière. “Mais une dernière chose Chrysalis.” Continuais-je en reprenant mon sérieux. “Tu as beau déclarer à tous que je t’appartiens, tu n’as aucun ordre à me donner.

-Je suis chez toi après tout.” Dit-elle le plus naturellement du monde.

“Ah…” Je ne m’attendais pas à ce qu’elle prenne aussi bien mon avertissement. “Oui, mais ça vaut aussi pour les remarques désobligeantes et ton air suffisant.

-Moi, un air suffisant ?” me demanda-t-elle d’un air suffisant.

“Oui, exactement, si je te vois me prendre de haut, tu dormiras par terre !”

Elle me décocha un léger sourire en se redressant.

“J’en déduis que tu as l’intention de dormir avec moi ?”

Je roulais des yeux face à ses petits jeux de séduction.

“T’es une reine changeline après tout… Et puis, si j’ai une petite faim durant la nuit, il me faut bien un encas sous le sabot.”

Chrysalis partit alors dans un fou-rire avant de me jeter un regard de défi. Je savais qu’elle aimait les conflits, surtout quand c’était avec moi.

“Ma chérie, tu ne sais pas dans quoi tu mettrais tes sabots.” Dit-elle avant de quitter la salle de bain une fois que sa tenue était bien arrangée.