Chapitre 3: When It's Time For Me And You

Depuis le départ de SweetSpring, Sunset avait repris un rythme de vie… « commun ». Elle se réveillait aux aurores afin d'aller s’entrainer puis réviser. Chaque jour elle se répétait une fois de plus les différentes histoires entourant Equestria, ainsi que de nouveaux sorts.

Mais à présent seule la pouliche commençait à développer un étrange sentiment de lassitude… En fait pour la première fois, elle réalisa que ses journées étaient toutes construites sur le même et ennuyeux modèle. Elle se levait, révisait, s’entrainait, mangeait, recommençait à s’entrainer, puis elle allait voir le soleil se coucher avant de rejoindre sa chambre pour s'endormir à son tour. 

Et le lendemain, tout recommençait avec la même monotonie. Elle se levait, révisait, s’entrainait, mangeait, recommençait à s’entrainer, puis elle allait voir le soleil se coucher avant de rejoindre sa chambre pour s'endormir à son tour.

Elle se levait, révisait, s’entrainait, mangeait, recommençait à s’entrainer, puis elle allait voir le soleil se coucher avant de rejoindre sa chambre pour s'endormir à son tour. 

Au bout d’une  petite semaine, la jeune licorne crut revivre une interminable journée sans fin. C’était à devenir fou. 

Et ce n’était pas sur son entourage actuel qu’elle devait compter pour changer ce quotidien terriblement barbant. Les autres élèves du château étaient toujours aussi lents. Ils continuaient de parler dans le vent, et de se croire assez bons pour un jour obtenir les faveurs de Célestia. De même les professeurs maintenaient leurs cours au niveau de ces idiots. Alors elle continuait de ronger son frein. Nombreux avaient étés les jours où l’envie de se frapper la tête contre un mur lui avait effleuré l'esprit. Sunset était même sûre qu’elle aurait essayé, si cela avait pu ne serait que booster les esprits de ces abrutis de poulains. Ou mieux ! Si cela avait pu faire en sorte qu’ils abandonnent l'école pour qu’enfin elle puisse se sentir stimulée mentalement parlant. Dans ce cas, elle se serait bien frapper la tête jusqu’à l’évanouissement.

Mais la routine n’était visiblement pas décidée à lui épargner la moindre seconde.

Alors… encore une fois, elle se levait, révisait, s’entrainait, mangeait, recommençait à s’entrainer, avant d’aller voir le soleil se coucher pour ensuite rejoindre sa chambre s'endormir à son tour.

Deux semaines passèrent sans qu’elle n’ait la moindre nouvelle de SweetSpring.

Au bout de la première semaine elle avait même pensé à lui écrire, au cas où la pégase n’osait pas lui envoyer de lettres de peur de la déranger. Aussitôt la nuit tombée elle s’était saisie d’une plume, d’un parchemin, et avait commencé à écrire:

« Chère SweetSpring, »

Elle raya. C’était une formulation bien trop intime à son goût.

« Bonjour SweetSpring, »

Elle raya une fois de plus. C’était trop formel à présent.

Comme elle l’avait pensé avant même de commencer, la tâche fut plus compliquée que prévue. Et finalement, elle abandonna l’idée de lui envoyer quelque chose trois heures plus tard. Les premières lignes n'avaient jamais abouti à quelque chose de concluant.

Une autre semaine était alors passée, aussi plate que celle qui l’avait précédé. Pourtant la licorne n’avait pas chômé pendant ces quatorze jours. Elle avait appris une partie de l’histoire des changelins,  ainsi que les dates de leurs premiers affrontements contre le royaume d’Equestria -ce qui n’était pas une mince affaire-. Au niveau magique, elle avait également appris plusieurs sorts dont celui de transfiguration. Cependant rien ne l’avait réellement rendue fière d’elle.

SweetSpring lui manquait.

C’était difficile à avouer. Surtout pour elle qui avait vécu une partie de son enfance sans se faire d’amis. Cependant elle devait se faire une raison, l’absence de la pégase à ses côtés lui était insupportable. Son calme, sa douceur et surtout sa façon de tout simplement la regarder maintenant absents lui donnaient l’horrible sentiment d’être… soudainement abandonnée. D’autant que depuis son départ, Célestia ne s’était pas non plus manifestée. Bien sûr, cela devait être dû à sa fonction d’ambassadrice du royaume ! Mais même en sachant cela, Sunset ne pouvait pas s’empêcher de se sentir encore plus isolée. Un peu plus et elle viendrait à penser que toutes deux s’étaient mises d’accord pour la laisser dans son coin comme s’il s’agissait d’une punition.

C’est ce qu’elle aurait pu continuer de se dire si à la fin de cette deuxième semaine, Célestia ne l’avait pas convoquée pour lui faire parvenir une lettre venant de SweetSpring.

C’était très tôt ce dimanche qu’un garde était venu frapper à sa porte. Si elle lui en avait au départ voulu pour avoir troublé ses préparations, la nouvelle qu’il lui avait annoncé avait suffi à la mettre d’assez bonne humeur pour qu’elle passe l’éponge, au moins pour cette fois.

- La princesse Célestia a demandé à vous voir. Une lettre de SweetSpring est arrivée au château, et elle souhaiterait vous la remettre en sabot propre.

Le visage de la jaune s’était aussitôt illuminé. Sans perdre une seconde, elle avait quitté sa chambre pour rejoindre la salle du trône. Elle n’avait pas couru, mais elle-même s’était sentie trottiner à travers les couloirs. N’était-ce pas normal qu’après quatorze jours de silence, elle soit heureuse qu’une manifestation de son amie est enfin eue lieu ?

Rapidement elle atteignit les deux grandes portes battantes de la salle du trône. Les deux gardes présents s’échangèrent un regard à son arrivée, et tandis que la pouliche reprenait doucement contenance, ils ouvrirent en un puissant son aigu les battants de l'imposante stature.

Célestia était seule. Assise sur son trône, la tête tournée en direction des immenses baies vitrées. Elle semblait ailleurs… presque mélancolique à en juger par son regard assombri. Pas même le son de la porte n'avait réussi à la faire sortir de sa contemplation. « Je me demande ce qui peut lui occuper l’esprit » se demanda silencieusement la licorne en s’approchant à petits pas feutrés.

Une fois encore, Sunset se perdit dans la beauté dégagée par son alicorne. Elle était réellement magnifique. Personne ne pouvait atteindre la perfection de ses lignes, pas même elle qui pourtant se voyait déjà incroyablement belle une fois changée en alicorne. Il n’y aurait personne pour faire face au bijou qu’était Célestia. Seul son nom suffisait à définir la nature de son existence : elle était un être céleste, comme une étoile filante, tombée de son ciel pour venir éclairer le chemin des idiots peuplant la terre équestrienne. Et le bilan restait toujours le même selon Sunset, les autres étaient indignes d’elle. Encore plus maintenant qu’elle lui découvrait ce regard étrangement sombre. À observer ainsi les cieux, Sunset avait l’impression que la princesse était en manque de quelque chose. Il y avait dans ses yeux clairs une lueur meurtrie, presque blessée.

- Hm… Princesse Célestia ?

L’alicorne remarqua enfin sa présence. Aussitôt son aura redevint celle que Sunset lui avait toujours connue : douce et chaleureuse.

Ce n’est pas que la pouliche n’aurait pas aimé observer d’avantage Célestia en pleine méditation. Au contraire, pendant ses quelques secondes elle s’était senti privilégiée de pouvoir déceler chez sa princesse cette étrange lueur nostalgique. Nul doute que si elle avait été artiste, elle se serait empressée d’immortaliser l’instant… Mais cela n’aurait pas été correct. De même, elle devait rester la seule à être témoin de ce changement.

Les autres n’avaient pas le droit de lui découvrir cette part beaucoup plus psychologique, presque fragile. Alors qu’elle en cultivant ses capacités et son intelligence, arriverait un jour à être assez proche de sa princesse pour enfin savoir quelle était la raison de cet air si absent.

- Tu es arrivée bien vite Sunset… constata doucement l’alicorne en descendant de son trône.

La licorne eut une sorte de petit rougissement, honteuse d’avoir été ainsi démasquée.

- Je ne me permettrai jamais de vous retarder dans vos… occupations.

Elles se regardèrent un instant, Célestia eut un sourire attendri.

- Évidemment… Tu es une élève modèle après tout.

Le poitrail et la tête de la jeune disciple se soulevèrent de concert, touchés par les mots si délicats de la souveraine d’Equestria.

- Mais je pense que tu étais également impatiente de recevoir ceci… n’est-ce pas ?

Célestia tendit doucement à Sunset une petite enveloppe, elle-même enveloppée par la magie de l’alicorne. Sur le délicat papier, quelques mots étaient inscrits d’une plume très appliquée :

« Pour Sunset Shimmer,

Canterlot, Palais de la Princesse Célestia.

De la part de SweetSpring Tale,

Cloudsdale, 3 de l’impasse du Général Firefly »

Tale… SweetSpring Tale. C’était un joli nom. En y pensant plus profondément, Sunset se dit que ce nom ferait un très bon titre pour un livre. Elle eut comme un sourire, mais se ravisa aussitôt lorsqu’elle aperçut l’air niais avec lequel sa princesse la regardait.

- Tu devrais aller la lire dans ta chambre.

- Bien sûr Princesse ! - Répliqua en un bloc la jeune pouliche.

Elle saisit la lettre avec sa magie, s’apprêta à faire demi-tour… mais elle se stoppa à peine quelques pas plus loin.

Il restait quelque chose à éclaircir.

- Princesse Célestia ?

Son regard se noircit l’espace d’un instant.

« Elle est comme son père je crois. »

- Oui Sunset ?

« Ça expliquerait la chute. »

- Vous m’avez donné pour tâche de devenir l’amie de SweetSpring…

- Et c’est avec plaisir que je constate qu’elle et toi êtes devenues aussi proches en deux semaines.

« Je me demande comment sa mère peut tenir le coup… Ça doit être sacrément difficile pour elle depuis la perte de son mari. »

- Est-ce que SweetSpring est malade ?

Un peu hésitante, la disciple se retourna finalement pour faire face à sa Reine.

Non elle n’avait pas oublié ce qu’elle avait entendu. Pendant ces deux semaines, il lui était parfois arrivé de se demander si c’était à cause d’une potentielle « infection » que SweetSpring ne lui donnait aucun signe de vie. Sunset n’était pas idiote, et il aurait été fou de penser qu’elle ne remarquerait pas les regards biaisés, presque inquiets des gardes sur son amie, ainsi que la gentillesse exacerbée de la princesse Célestia. Ceci mis en relation avec la discussion des gardes de nuit et les essoufflements partiels de la pégase… Shimmer en était venue à cette simple déduction : Il y avait bien plus qu’une simple « maladresse » derrière la chute de la beige.

Il y avait plus qu’une erreur de passage derrière tous ces signaux… Non cela devait être plus gros. Pourtant, tous se taisaient. Et pas même Célestia ne lui avait réellement révélé le fin mot de cette sombre histoire. C’était frustrant. A tel point que Sunset sentit ce sentiment de frustration s’emparer d’elle, assez pour que n’importe qui puisse entrevoir ceci sur son visage crispé. 

- Loin de moi l’idée de vous retarder… Mais si elle doit être mon amie, ne suis-je pas censée être au courant des choses gravitant autour d’elle ?

Il y eut un long silence. La pouliche et l’alicorne se dévisagèrent un temps, et aucune d’entre elles ne fit le moindre mouvement. Elles se contentèrent de rester là, complètement immobiles à se regarder. Sunset cherchait des réponses à ses questions, Célestia semblait se demander s’il était nécessaire qu’elle lui parle de « ça ».

Ce n’est qu’après de très longues secondes, qu’enfin la princesse quitta sa position pour s’avancer auprès de sa jeune disciple. Une fois encore, elle déposa l’un de ses sabots sur son corps frêle, et un grand sourire se dessina sur son visage.

- Il y a des choses que seules les amies peuvent se dire Sunset… -Expliqua t-elle en douceur. Je ne peux te confier des secrets si ton amie n’est pas sûre de pouvoir te les annoncer d’elle-même. Tu comprends ?

« Non. Si tout le monde est au courant à part moi, pourquoi devrais-je rester dans le flou ? »

- Bien sûr Princesse… Excusez-moi de vous avoir dérangé.

- Je te pardonne Sunset.

Célestia s’écarta de nouveau. En de fins et lents mouvements, elle rejoignit son trône aussi douce qu’au début de leur entretien. 

- Tu devrais te dépêcher… Je suis sûre qu’une pégase attend avec impatience de tes nouvelles.

- Oui Princesse.

La jeune pouliche conclut leur entretien d'une délicate révérence. Et pour la première fois, Sunset quitta sa princesse avec un sentiment proche de l’irritation.

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La lettre de SweetSpring avait été exactement comme elle s’y attendait. Emplie d’excuses et de bons sentiments. La pégase lui demanda deux fois pardon en expliquant que sa mère avait eut besoin d’elle pour différentes tâches, et elle s’était empressée d’ajouter qu’elle avait été impatiente de recevoir une réponse à peine sa missive écrite.

L’écriture était délicate, également très appliquée. Sunset pouvait sentir rien qu’à la vue des courbes parfaitement alignées que l’autre pouliche avait mis tout son cœur en sa réalisation. La licorne ressentit un petit battement au sein de sa poitrine, enthousiaste.

Puis était venu le temps d’organiser leur prochaine rencontre. Accompagnée par une hâte palpable de se revoir, SweetSpring lui avait proposé qu’elles se rencontrent de nouveau dans une semaine. Apparemment sa mère et Célestia s’étaient entretenues par correspondance et une escorte avait été programmée pour le dimanche matin qui suivrait.

Encore une longue semaine… Sunset émit un petit soupir en laissant le papier retomber dans un froissement contre son bureau.

Mais maintenant qu’elle était certaine que son amie viendrait, la pouliche se sentit envahie par une fougue nouvelle. Aussitôt elle se précipita dans la bibliothèque, ignorant les quelques camarades qui tentèrent de l’interpeller. Quelque soit leurs raisons de l'appeler, elles devaient être bien idiotes! Elle leur passa à côté de toute vitesse, oubliant ses préceptes de bienséance pour ouvrir en un claquement brusque les portes de la grande bibliothèque royale.

Sans hésitation, la licorne se mit à traverser les allées silencieuses. Après trois semaines sans s’être vues, Sunset avait envie de montrer à SweetSpring plus qu’un simple tour de passe-passe. Elle méritait mieux qu’une simple transfiguration comme cadeau de retrouvailles… Oui, il lui fallait un sort bien plus puissant… Un sort qui arriverait réellement à impressionner la pégase. Et Sunset savait exactement lequel elle voulait lui présenter. Avec un grand sourire, elle se stoppa devant un immense livre aux reliures dorées. C’est avec précaution qu’elle s’en saisit, feuilletant quelques pages avant de trouver le sort tant espéré. Que les professeurs perdent leur temps avec les imbéciles leur servant soi-disant de « surdoués »… Elle, elle allait passer à la vitesse supérieure. Elle avait déjà trop attendu ces indignes, et à présent elle avait eut l’appui de la princesse. Ainsi que l’admiration de SweetSpring, il n’y avait plus rien pour la retenir.

- Ce sera parfait. –murmura Sunset pour elle-même en emportant le livre jusqu’à sa chambre.

Elle allait faire en sorte que cette semaine suffise pour apprendre ce sort. Ce ne serait pas compliqué, car comme toujours elle vaincrait les difficultés en un claquement de sabots… Elle n’était pas la meilleure disciple de Célestia pour rien.

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Sunset s’était éveillée bien avant que l'éblouissant soleil de Célestia n'éclaire Canterlot ce matin-là. Pour tout avouer, elle avait eut du mal à s’endormir la veille. SweetSpring revenait justement ce matin, alors son esprit avait été envahi par de nombreuses idées sur ce qu’elles pourraient faire toutes les deux après ces trois semaines… Evidemment la première pensée de la licorne fut leurs quotidiennes retrouvailles à la bibliothèque pour qu’elle puisse y étudier, et que son amie en apprenne plus sur Equestria. Mais Sunset avait également eut l’envie de faire autre chose. De sortir un peu en ville par exemple, pourquoi ne pas aller manger un petit quelque chose loin du palais ? C’était une bonne idée, non ? De toute manière avec son niveau actuel, elle pouvait bien arrêter de réviser un moment. Peut être aurait-elle pu arrêter de s’entrainer une année entière, que les autres idiots composant la classe ne l’aurait toujours pas rattrapé.

Et puis, il faudrait également qu’elle lui montre ce nouveau sort qu’elle avait appris. SweetSpring serait impressionnée c’était certain. Un sort comme celui-là prenait du temps à réellement s’apprendre. Et elle, en une semaine avait réussi à faire de cette capacité une partie intégrante de ses connaissances. Personne d’autre n’avait encore vu de quoi il s’agissait. La pégase serait la première, et Célestia la seconde.

Le regard de la pouliche s’assombrit l’espace d’un instant. Ses pensées revinrent fatalement à son entretien avec la princesse… Pourquoi Célestia ne lui avait-elle rien dit ? Tout le monde autour d’elle semblait au courant de l’histoire de SweetSpring, pourquoi n’avait-elle pas le droit de savoir ?! C’était irritant sachant que l’explication de Célestia avait sonné à ses oreilles, plus comme une excuse pour se taire qu’une véritable raison de garder le silence.

Elle passa son sabot sur son visage, soupirant doucement. L’agacement était en train de la gagner, et ce n’était pas une bonne chose… SweetSpring allait arriver d’ici peu. La dernière chose que souhaitait lui montrer Sunset c’était un air agacé. L’autre pourrait mal interpréter et croire que c’était sa venue qui la rendait aussi… irritable. Or ce n’était pas le cas !

Et puis qu’importe l’avis de la Princesse ! Après avoir été témoin de sa maîtrise en magie avec ce nouveau sort… Elle ne pourrait que lui faire confiance, enfin reconnaître le véritable potentiel de son élève la plus prometteuse. Il suffisait que Célestia soit elle-même témoin de sa puissance. Après ça, elle comprendrait à quel point Sunset méritait de devenir comme elle, d’être à ses côtés éternellement, mais surtout d’être au courant de tout !

Un grand sourire recouvra son expression agacée, elle leva les yeux au ciel, le char était en vue. Sunset se releva aussitôt, replaçant correctement sa mèche de crinière sur son grand front.

Le char se posa avec délicatesse à quelques mètres devant elle. Les deux soldats conduisant l’attelage s’échangèrent un regard, et SweetSpring bondit hors de la structure dorée. Sunset la trouva en meilleur état que la dernière fois. Elle souriait doucement, et son corps n’avait plus cette étrange courbure « fatiguée » qu’elle lui avait associée quelques semaines plus tôt.

- Hey… Tu es arrivée plus tôt que ce que j’imaginais… -lança la licorne avec un petit air surpris.

- Oui… Et toi tu m’attendais déjà…

- Euh… Ouais…

Le sourire de la pégase s’agrandit, Sunset sentit ses joues s’échauffer un peu devant la honteuse constatation de son impatience.

Elle se ravisa rapidement, releva la tête en une moue presque dédaigneuse et enchaîna :

- Je n’avais rien de mieux à faire après tout ! Les autres « surdoués » sont encore plus ennuyeux que le Grand Gala et les examens pour poulains réunis.

SweetSpring rit légèrement à sa comparaison.

- Je suis sûre que tu exagères un peu…

- Non vraiment ! Je t’assure ! Ils sont incapables de faire léviter des objets ou même de connaître les dates de construction du palais de Célestia ! C’est à se demander ce qu’ils ont de si intelligents pour se retrouver dans cette prestigieuse classe !

Elles s’échangèrent un regard, la licorne reprit contenance.

- D’ailleurs nous ne devrions pas parler d’eux ! Ils gâchent le moment.

- D’accord, d’accord.

Jetant un dernier regard aux soldats, Shimmer invita son amie à la suivre à travers les couloirs. Par quoi commencer… La promenade en ville ? Le casse-croûte ?... Elle ne voulait surtout pas commencer par sa « surprise ». Non ce serait le clou du spectacle ! Comme ça elle serait sûre que leur journée à toutes les deux se terminerait d’une parfaite manière !

Il fut donc décider qu’elles commenceraient par déposer les affaires de la pégase dans la chambre de Sunset. En chemin elles échangèrent quelques mots sur ce que la licorne avait fait de ces trois semaines, et bien qu’elle le sous-entendait dans ses paroles… Jamais la jaune n’avoua clairement s’être languie de la présence de son amie.

Elles se posèrent deux bonnes heures dans la chambre, se racontant quelques anecdotes, et prévoyant déjà combien de temps SweetSpring resterait au château avec elle. Moonlight Tale, la mère de la pégase avait accepté qu’elle passe quelques jours avec sa nouvelle amie, mais elle devrait être rentrée pour la fin de la semaine. Sunset en soupira de déception… Cependant elle oublia rapidement ce détail lorsqu’il fut proposé qu’elle vienne passer une semaine à Cloudsdale la prochaine fois.

Sa réponse fut un « oui » sans appel. Les autres étaient bien assez lents pour qu’elle se permette de partir une petite semaine. Et que les professeurs aillent au diable ! S’ils n’étaient pas capable de garder l’attention de leur meilleur élément, c’était leur problème. Elle, elle avait fait sa part du marché en apprenant les connaissances basiques et même en ouvrant le champ de ses capacités.

Suite à cela, toutes deux quittèrent le château pour se rendre à Canterlot.

SweetSpring s’émerveilla devant la beauté de la ville. Tout lui semblait si différent de Cloudsdale, sans doute était-ce cette opposition au lieu de son enfance qui l’intriguait autant… En tout cas elle semblait apprécier le voyage en dehors du palais. Il n'en fallait pas plus à Sunset pour qu'elle se félicite de cette brillante idée de sortie. Cependant pour elle ce fut bien moins agréable… Elle n’aimait pas cette surface surfaite qui ne cachait qu’une vile pourriture. Tous ici n’étaient que des nobles coincés de la croupe. Et ils étaient nombreux à avoir regardé SweetSpring d’un mauvais œil. Parce qu’elle n’était pas habillé comme elle le devrait, peut être même parce que son air si expressif leur rappeler qu'ils avaient tous l'air de se faire monstrueusement chier. Mais plus encore qu’un mauvais œil, ils étaient dédaigneux envers elle, comme si elle ne méritait pas d’être ici.

Et cela agaça la licorne plus qu’elle n’aurait imaginé.

De tous, c’est bien SweetSpring qui méritait le plus de se promener dans ces rues délicatement pavés. Elle regardait les choses avec la même innocence que la princesse. Et elle, par rapport à tous ses juments ainsi qu’étalons au beau paraître, avait bien plus à offrir à la société qu’une tête tout juste bonne à obéir. D’ailleurs, contrairement à ces gens-là qui se pavanaient comme des précieuses, la pégase essayait continuellement d’apprendre. Eux avaient arrêtés d’utiliser leurs cerveaux depuis bien trop longtemps pour qu’il leur reste ne serait-ce que le moindre soupçon d’intelligence ! Leurs petites cabosses devaient être tout juste emplies de questions insipides comme : « Oh mon dieu qu’elle robe pourrait aller avec ma coiffe d'allumeuse » ou encore « Quelle idiotie pourrais-je raconter pour paraître intelligente »…

Sunset grogna légèrement à ces répugnantes pensées. 

- Tu n’aimes pas Canterlot Sunset… ?

La pouliche se stoppa, jetant un regard surpris à sa comparse. Décidément, elle se faisait souvent démasquer ces derniers temps.

- Non… Ce sont ces habitants qui me dérangent. –répondit-elle en lançant un regard mortel à un passant les ayant un peu trop dévisagés. Ils sont… tous si coincés de la croupe.

Et ils avaient regardés son amie d’une manière qui lui avait fortement déplu. Qui étaient-ils pour juger ainsi la pégase alors qu’ils ne valaient même pas le quart de ce qu’elle était ? La licorne en aurait rit de dédain si l’autre pouliche n’était pas à ses côtés.

- Si tu voyais la manière dont ils te regardent… -finit-elle par ajouter, durement. Tous des bouffeurs de foins mal-élevés.

SweetSpring s’arrêta, elle souriait un peu.

- Moi… Je m’en fiche de savoir comment ils me voient… –lança doucement la beige. Tant que tu es là…ce n’est pas important.

Leurs regards se croisèrent, la pégase était en train de mettre son cœur à nu. Sunset pouvait le sentir car il y avait au fond de ses orbes jaunes une lueur qui ne trompait pas : celle de la sincérité. Son propre cœur s’emballa un peu, elle lui donna une sorte de petit coup de sabot, légèrement rouge.

Et toutes deux reprirent leur route au travers des grandes avenues de Canterlot.

Pour le plaisir de la pégase, Sunset accepta de faire des haltes dans différents petits commerces. Elle en oublia les regards dédaigneux, les yeux réprobateurs ainsi que les murmures accusateurs… Parce que l’innocence de SweetSpring était plus touchante que les abrutis au dehors. Elle regardait les objets avec fascination, quémandant parfois les explications de la licorne, et l’après-midi passa ainsi.

Elles évitèrent les commerces bling-bling, trouvèrent de charmants petits endroits aux vendeurs polis, réellement passionnés par leur travail. Sunset en vint même à découvrir une petite librairie rustique mais tout de même très bien tenue par un banal… mais néanmoins agréable couple de poneys terrestre. Ils les invitèrent à revenir plus tard, chose que la licorne se promit de faire en férue des livres qu'elle se devait être. Et puis en passant au travers de quelques étales, elle avait cru apercevoir quelques livres intéressants. Peut être même qu’elle et SweetSpring repasseraient ensemble pendant la semaine… Elles avaient tout leur temps après tout.

Malheureusement pour ce soir  il fallait abandonner l’excursion. Le soleil était en train de doucement décliner à l’horizon.

- On devrait rentrer au palais. J’aimerais te montrer quelque chose.

L’heure était arrivée pour elle d’enfin lui offrir sa « surprise » à SweetSpring. C’est donc joyeusement que Sunset se mit à trottiner, il fallait que cela se passe sous le soleil couchant ! C’était ainsi qu’elle avait planifié les choses. Doucement elle accéléra le pas, elles ne devaient pas rater le coche. Tout serait foiré sinon.

Une nouvelle impulsion la fit accélérer en traversant les dernières ruelles les séparant du palais. Le soleil était déjà bien entamé sa descente. Il ne restait plus qu’une partie orangée de sa surface encore visible, à peine la moitié.

- Viens vite !

Les gardes n'entendirent plus qu'ils ne virent deux petites pouliches passer devant eux. Elles traversèrent portes et couloirs, sur les sabots de l’autre, le cœur de Sunset se mit à battre furieusement. Il était l’heure ! Enfin.

La dernière porte fut claquée. Les jardins de la cour arrière du château étaient magnifiques. Encore pourvus de leurs éblouissantes parures. Une vaste étendue aux éclatantes couleurs se trouvaient devant elles. Les fleurs étaient belles à cet instant précis, pas encore totalement repliées sur elles, suspendues dans l’air comme de petites lanternes. La brise légère du vent sembla leur faire applaudir le spectacle du coucher de soleil. Elles attendaient patiemment que la nuit tombe pour qu’enfin elles s’endorment sur elles-mêmes.

Comme toujours, Sunset trouva le paysage tout simplement… grandiose.

- C’est beau hein ? Et encore ! Tu n’as pas tout vu… -déclara t-elle rapidement. Ca va ? Tu as l’air essoufflée…

À ses côtés, SweetSpring soufflait lourdement, et ses yeux s’étaient légèrement fermés, comme affaissés par une fatigue soudaine.

- Tout va bien… Vraiment.

- Parfait ! Parce qu’il va falloir rejoindre la petite côte que tu vois là-bas. -annonça Sunset, le menton levé en direction de la dite colline. Tu pourrais voler si c’est plus pratique… Tu es prête ?

Shimmer était impatiente, trop sans doute pour son propre bien, mais qu’importe ! Elle avait planifié cet instant depuis une semaine… Elle s’était entraînée sans relâche, quitte à se coucher après les deux premières gardes de nuit. Elle avait absolument tout fait pour que l’instant soit inoubliable aux yeux de son amie.

Et Le moment était à présent venu… Oh oui… SweetSpring ne pourrait être qu’émerveiller devant ce qu’elle allait lui offrir.

Le soleil continuait de se coucher. Avec lenteur il se laissait détrôner pour que la nuit le replace une fois encore. Il allait rejoindre le pays des songes, se reposer tandis que sa jumelle reprendrait le flambeau. Elle leur donnerait une merveilleuse et silencieuse nuit. Belle, parée de ses incroyables mais surtout éblouissantes étoiles.

Sunset se mit en position, le soleil avait presque totalement disparu au loin.

- Prête… ? MAINTENANT !!

Ses sabots claquèrent violemment contre l’herbe, elle se mit à courir. Au milieu de la végétation, la robe de Sunset semblait répandre elle aussi la nuit. Elle courrait comme jamais elle n’avait couru auparavant. Le vent soufflait, accompagnant sa course d’une chaleureuse poussée. Son cœur fit un nouveau bond, puissant. Elle accéléra. Son souffle s’accentua, et un grand sourire se dessina sur son visage.

Liberté.

Ce mot résonna à ses oreilles, et elle se sentit pousser des ailes.

Liberté.

Une semaine qu’elle répétait cet instant. Et maintenant elle pouvait le vivre pleinement, accompagnée par celle qui méritait le plus de comprendre ce qu’était cette incroyable sensation.

Sa corne brilla, la magie l’entoura … Et l’instant arriva : ses sabots ne touchaient plus terre. Elle ne sentait l’herbe sous elle. Ne restait qu’une étrange sensation, celle d’être en dehors de tout. Du temps, de l’espace, des contraintes. Enfin libérée des idiots !

Cela ne dura que l’espace d’une seconde, mais Sunset ressentit distinctement ces puissants sentiments l’assaillir de la croupe au museau.

Puis elle retomba contre la petite côte. Son corps roula, encore et encore le long de la légère pente. Elle riait aux éclats, emportée par l’euphorie de l’émotion. Sunset cessa enfin de rouler, dos contre le sol, ses yeux emplis d’admiration furent aussi coupé que son souffle devant le spectacle du soleil s’éclipsant. Il y eut comme un grand flash. L’instant d’après la nuit fut venue. Elle enveloppa Equestria de son agréable manteau aux couleurs sombres. De petites lanternes se mirent à éclairer le ciel, les étoiles scintillaient si bien ce soir.

« Magnifique ». Le mot résonna dans son esprit tandis qu’elle se redressait, secouant son petit corps pour se débarrasser des brindilles ayant accrochés sa peau. Son regard tomba sur la petite côte.

- SweetSpring ? Tu as trouvé ça comment ? J’espère que ça t’a plu !

Aucune réponse. Ses sourcils se froncèrent, ses oreilles se dressèrent.

- SweetSpring ?

Un faible gémissement fut sa réponse.

- SweetSpring ?!

Son corps se dressa d’un seul bloc. Sa corne brilla de nouveau, elle se téléporta en haut de la colline.

À quelques pas d’elle, la pégase s’était effondrée contre le sol. Elle toussait, ses ailes se pliaient misérablement, et son corps entier semblait chercher l’air. Les larmes aux coins des yeux, elle se replia douloureusement.

Sunset se précipita à ses côtés, tentant de comprendre ce qu’il arrivait à son amie.

- Qu’est-ce qu’il y a ?! SweetSpring qu’est-ce qu’il t’arrive ?!

Des toussotements aigus furent sa seule réponse.

- Par Célestia, ça recommence !

Son cœur rata plusieurs battements. Son regard balaya les alentours  personne. Il n’y avait qu’elles, dans ces jardins. Pas un seul garde, pas une âme qui vive pour les aider. Et les toussotements se transformèrent en insupportables inspirations essoufflées.

Sans réfléchir, la pouliche saisit le sabot droit de son amie. Il fallait qu’elles rejoignent Célestia, maintenant ! Sa corne brilla. Encore. Et encore. Mais rien ne se produisit. Sunset n’arrivait pas à se téléporter avec SweetSpring.

La panique s’empara de ses membres, elle recula d’un pas. Horrifiée. 

Au sol, la pégase s’était violemment contractée. Son visage devenait rouge, elle manquait d’air.

Une perle de sueur commença à couler le long du front de la licorne. Elle n’y arrivait pas. Elle n’arrivait pas à effectuer ce sort avec son amie. Ses jambes se mirent à trembler dangereusement. Ses pupilles s’ouvrirent en grand devant l’échec. Elle… n’arrivait pas à faire ce qu’elle voulait.

SweetSpring émit un nouveau gémissement, plus bas que les autres, ses sabots se mirent à frapper son poitrail. Elle avait mal.

Sunset, pétrifiée, se sentit tomber à terre. Elle réessaya, encore. Sa corne brilla. Elle sentit le mal de crâne lui tendre les sabots… De nouveau le sort échoua. Sa magie se brisa en milles morceaux devant la charge.

Au sol, la pégase de mit à rouler, tentant de frapper plus fort son poitrail. Ses cris étaient étouffés, ses yeux grands ouverts, et ses sabots continuaient de marteler son poitrail avec violence. Elle frappait, encore et encore contre un même point, du sang jaillit d’entre ses petites lèvres.

La licorne restait paralysée devant cette vision d’horreur. Elle n’osait plus bouger un sabot. Devant elle, son amie se tordait, des sons morbides coulaient d’entre ses lèvres, accompagnés par les bruits monstrueux des sabots tentant de broyer la peau et les os. Et du sang commençait à gicler en dehors de sa petite bouche.

Les sabots de Sunset refusaient de bouger, ses yeux étaient figés sur la monstruosité qui était en train de détruire SweetSpring. Des larmes se mirent à mouiller les yeux de la pouliche, paralysée. Elle voulait bouger, le spectacle l’en empêchait. Ce n’est que lorsque quelques gouttes de sang giclèrent contre son visage qu’elle sembla enfin émerger.

La pégase s’affaissa. Elle ne bougeait plus que par petits spasmes.

Aussitôt Sunset prit l’ampleur de toute la situation. SweetSpring risquait de mourir ! Sous ses yeux son visage s’était atrocement teinté de rouge, et ses pupilles remontant lentement en haut de ses globes lui firent prendre conscience que l’évanouissement guettait.

De nouveau elle se saisit de son sabot, sa corne brilla. Elle crépitait, le mal de crâne commença à se faire sentir.

« SweetSpring va mourir. SweetSpring va mourir. »

Une bulle commença à se former autour d’elles.

« Je ne laisserai pas ça arriver ! »

Son crâne brûlait. Ses petites jambes se remirent à trembler, et des larmes coulèrent le long de ses joues.

« Je ne laisserai pas SweetSpring mourir ! »

Elles ne touchèrent plus sol.

L’instant d’après, le petit corps de Sunset tombait. Elle ne sentait rien d'autre qu'une intense chaleur remontant le long de son sa colonne vertébrale. Son ventre se tordit douloureusement. Soudainement, elle était épuisée… Et pendant qu’elle défaillait, elle cru entendre au loin la voix de la princesse hurlant de terreur.

Son monde se teinta de noir.