Chapitre 3 : Remonter le courant

Sweetie Belle examina le bureau où traînait un nombre incroyable de morceaux de tissus, d’outils de coutures, de plans et autres accessoires de travail de sa défunte sœur. ‘’Le chaos organisé’’ qu’elle disait. Pour la jeune femme, c’était surtout un foutoir où, par pure mémoire, sa sœur s’y retrouvait parfaitement. Cependant, pour savoir ce que faisait sa sœur avant sa mort, elle devait fourrer son nez dans ce fatras.

Poussant du pied un gros tas de tissus colorés, la détective distinguée observa le soleil se lever à travers la vitre impeccable avant de se plonger dans les tracés préliminaires répandus en tas sur le bureau. Avec émotion, elle retrouva plusieurs plans de robes que Rarity comptait lui confectionner. Sweetie Belle pouvait faire tout et n’importe quoi, la fashionista ne la jugeait jamais et lui confectionnait nombre de cadeaux pour gâter sa petite sœur. Parfois elle en faisait trop, et la petite sœur devait raisonner la grande :

‘’Tu ne dois pas en faire autant pour moi, tu as tes responsabilités.’’

‘’Je n’ai plus de place dans mon placard, je ne peux accepter.’’

Et bien d’autres excuses pour replacer de temps en temps la créativité de sa sœur sur les bons rails, afin qu’elle ne finisse pas sur la paille. Continuant sa recherche, elle tomba finalement sur les patrons les plus récents de l’experte en mode. Comme toujours, sa sœur avait entrepris de créer une panoplie de tenues pour elle et ses amies, pour un événement particulier. Sans plus d’indices cependant, tout ce qu’elle voyait, c’était des robes sur le thème de l’espace. Évènement de science-fiction ? Soirée astronomie ? Sans plus d’indices, impossible d’en dire plus.

***

Le chant du coq ne réveilla nullement Applebloom. Pour ça, il aurait fallu qu’elle ait dormi. Quelques minutes plus tard, on frappa à sa porte. A la puissance du son (indiquant un gros poing) et à la lourdeur des pas, elle savait déjà qui était derrière la fine cloison de bois.

« J’arrive Big Mac’… J’ai besoin de me changer.

- Eeyup. » lui répondit tristement la voix massive et masculine de son frère.

En fait, elle était déjà habillée : veste en jean fatiguée, T-shirt jaune avec des trous et pantalon de jogging. Elle était cependant terrifiée de se confronter à sa grand-mère. C’était une épreuve bien trop grande pour la fille de fermier que de voir une femme qu’elle adorait par-dessus tout, ayant déjà perdu ses enfants auparavant, et de revoir cette douleur avec la perte de sa petite fille. Mais il allait bien falloir s’y risquer. Alors, au bout de longues minutes, poches sous les yeux et cheveux en batailles, la jeune femme ouvrit la porte et descendit mollement dans la cuisine. Big Macintosh était en train de manger les œufs au bacon qu’il venait de préparer. La fille au nœud rose s’installa juste en face du grand gaillard et chercha du regard leur aïeule.

« Granny Smith est déjà sortie ?

- Eeyup, répondit placidement le grand homme roux avant de reprendre une bouchée de bacon.

- C’est bizarre. Je ne l’ai pas vue en habits de deuil hier pourtant. Elle le porte au moins ?

- Nope, répondit presque agressivement Big Mac’ en fixant méchamment la détective.

- Oui… tu as raison, il faudrait que je m’habille convenablement pour une fois.

- Eeyup.

- Mais ça reste étrange son comportement non ?

- Eeyup. »

Voyant qu’ils étaient d’accord, Applebloom préféra garder ses conclusions pour elle : Granny était très âgée, elle avait certainement commencé à sucrer les fraises. C’est terrible, mais le décès d’Applejack devait être le coup fatal à sa santé mentale. Comme une boule de neige dévalant une pente pour terminer dans une terrible avalanche. Rapidement, le grand frère se leva et sourit à Applebloom, signe qu’elle pouvait se reposer. Il était grand et fort, mais à l’intérieur, il lui faudra certainement des années pour s’en remettre. Lui et Applejack ont tellement trimé ensemble. Alors qu’Applejack s’était installée définitivement, Applebloom était encore au lycée. Avec ses études puis son temps passé en tant que détective privée, cela faisait des années qu’elle ne participait plus aux corvées, mais ce n’était pas ce qui la poussait à ne pas y participer. Elle devait farfouiller dans la chambre de la défunte force de la nature et en tirer quelques indices.

Sur le pas de sa porte, l’enquêtrice au corps d’acier qui était entrée dans la chambre de sa sœur observa scrupuleusement chaque détail.

L’une des règles de la perquisition secrète, c’est qu’absolument rien ne devait avoir changé de place après la visite de l’enquêteur. Les raisons étaient simples : la victime de la perquisition pouvait très bien appeler la police pour effraction, cambriolage et tout le toutim. Ici, bien entendu, Applebloom ne risquait guère ce risque, mais elle ne voulait pas froisser sa famille à cause de son travail et de l’objectif qu’elle s’était fixé. Après une courte visualisation des lieux à l’origine, elle commença à farfouiller dans les plus évidents : les étagères et autres petites bibliothèques, contenant livres de comptes, des brochures pour des engrais, des dossiers de preuves contre Flim&Flam Brothers (constitués en partie par le Triple Private Eye) et beaucoup plus intéressant, un journal intime. Bien qu’elle était plus pragmatique lorsqu’elle travaillait, la jeune femme se plongea dans le journal.

***

Scootaloo se tenait devant la porte de son idole, pensive. Pouvait-elle seulement bien effectuer son job dans de pareilles conditions ? Mettre son nez dans l’Intimité de Rainbow Dash ? Franchir le Seuil de son Appartement ? Elle ne tint plus, elle inséra la clef que lui avait confiée Spitfire, et entra dans…

Le Temple. L’Appartement de Rainbow Dash. Ici, sur un bureau, trônait le Badge de la très grande sportive. Ça et là, sur des étagères, ses Trophées remportés lorsqu’elle était encore Wonderbolt au lycée. Et elle avait gardés les Photos où Scootaloo posait à côté de la Méga-Star ! Et soudainement, l’atmosphère glacée et silencieuse de l’habitat fit retomber la détective dans la réalité. Et alors qu’elle contenait tout en elle depuis bien trop d’heures, elle laissa tout déborder en se laissant tomber à genoux sur le sol. N’ayant aucun remède pour atténuer, sa douleur dépassa les frontières de l’âme, la forçant à contorsionner son corps comme sous l’emprise de la torture.

Elle resta ainsi de longues minutes, la souffrance l’emportant. Et faute de larmes, ce sont des gémissements plaintifs qui coulèrent dans l’appartement.

« Scootaloo ? » demanda Sweetie Belle, l’arme à la main. Attirée par le bruit, la jeune femme distinguée, pensant surprendre un cambrioleur ou un pervers, tenait un 9mm, mais le lâcha aussitôt en reconnaissant son amie. Elle se pencha aussitôt pour étreindre son amie durant de longues minutes, en silence.

***

Oubliant toute prudence, Applebloom referma le journal et s’accouda à la fenêtre. Deux choses ont retenu son attention et l’ont sérieusement ébranlée. Le fait tout d’abord que son frère ait un gros problème d’identité. Applejack l’a surpris en train de se déguiser en princesse ou du moins, s’habiller en femme avant de sortir. Ce problème de genre doit être la raison pour laquelle il s’emmure dans un presque silence. Il portait cet énorme fardeau sur les épaules depuis tout ce temps, seul. Une fois cette affaire terminée, elle se promit d’aider son frère comme elle le pouvait avec tout ça. Il était temps qu’elle se remette à épauler sa famille, comme un Apple se devait de le faire.

La seconde était cependant bien plus contrariant : le Triple Private Eye avait oublié une chose importante. Le lieu du crime. Il semble que les sept amies s’étaient retrouvées en dehors de la ville pour faire du camping à l’extérieur juste avant leur mort. Selon Applejack…

***

« … Rainbow Dash, Sunset Shimmer et Fluttershy auraient découvert des événements très étranges. Pour enquêter dessus…

- Elles sont parties camper, quelque part près de la ferme des Apple, certainement pour observer les étoiles. » compléta Sweetie Belle.

Peu après s’être reprise, Scootaloo avait repris ses recherches avec Sweetie Belle à ses côtés. Il semble qu’en dehors de Fluttershy et d’Applejack, les cinq autres amies se partageaient les appartements de l’immeuble.

« On aurait peut-être dû commencer par-là, ronchonna alors la petite acrobate.

- On est sous le choc. On a fait une bêtise et on en fera certainement d’autre. Nous sommes beaucoup trop impliquées pour faire comme d’habitude. »

La yamakazi hocha la tête avant de déclarer à son tour sombrement :

« Il est trop tard pour aller là-bas cependant. On risque même de se faire remarquer.

- En effet, acquieça simplement Sweetie Belle. On raccompagnera Applebloom le lendemain. Allons-nous reposer en attendant.

- Oui, il vaut mieux. Je vais demander à Spitfire de procéder à une autre perquisition. Tu peux t’occuper de briefer Applebloom ?

- Bien entendu, approuva Sweetie Belle. Je ne te laisse pas seule par contre. »