Chapitre 1 : Et la pluie tombe

« Nous avons repéré où se cachait la Mane-iac, à toutes les unités, priorité à l’entrepôt "Toys for Fun" à l’angle de la cinquième rue, quartier industriel.

- Ici l’inspecteur Spitfire, je prends en charge les opérations. »

La jeune femme à la chevelure de feu grommela et plaça le gyrophare sur le toit de sa berline rouge. C’était embarrassant, pour une fois qu’elle s’en sortait bien pour une filature, voilà qu’elle devait tout lâcher pour s’occuper de la Mane-iac. Encore.

Cette folle dingue était à la fois l’une des plus dangereuses criminelles de la ville, mais aussi la responsable de la fermeture dimensionnelle avec un univers parallèle. Une silhouette qu’elle connaissait bien sprinta soudainement en contre-sens. Malgré l’épaisseur de la nuit, elle reconnut Scootaloo. L’inspecteur de police s’empara aussitôt de sa radio :

« Mettez le pied au plancher les gars, le Triple Private Eye est sur le coup, recommanda la sublime rousse en imper’ qui sentait la moutarde lui monter au nez. Je n’ai pas envie que l’on serve à rien une fois de plus, c’est pigé ? »

Scootaloo, sa chevelure violine au carré volant au gré de ses mouvements, était grimpée sur le toit des immeubles et sautait de toit en toit. Habillée d’un veston noir, d’un pantalon semblable, d’une chemise orange ponctué d’une cravate violette qui lui fouettait le visage sans que ça ne la dérange nullement. De bond en bond, d’acrobaties en pirouettes et à force de courses effrénées, la jeune femme distingua rapidement l’entrepôt. Une douce voix moqueuse, mélodieuse et presque distinguée lui parvint à son oreille droite :

« Alors ? C’est qui la meilleure ? Mon itinéraire ou ton truc motorisé ?

- Mon truc motorisé ne me fait pas perdre ma barre de chocolat en cours de route, Sweetie Belle, ronchonna la yamakazi en herbe pendant qu’elle escaladait les murs de la bâtisse en tôle.

- Applebloom est toujours à l’intérieur, dans ce que je pense être le bureau, expliqua la voix pensive de son amie.

- Seulement ses vêtements alors. » contredit aussitôt Scootaloo en observant l’intérieur de l’entrepôt par l’intermédiaire d’un trou.

A l’intérieur, on avait tout vidé pour mettre au centre une très grande table. Moult hommes de main se tenaient autour et lorgnaient de temps en temps les deux filles nues et couvertes d’un simple drap. Si l’une des femmes était presque inconnue à Scootaloo, la seconde était beaucoup plus reconnaissable : une chevelure rouge pomme, un nœud rose attaché à sa longue chevelure, un corps de gladiatrice digne des séries télé de série Z. C’était bien Applebloom.

Alors que l’acrobate reprenait son ascension, celle qui était dégarnie du moindre atour tirait sur les cordes la retenant sur la table, comme pour tester leur résistance. La Mane-iac fit son apparition, une grande dague à la main et son hérésie capillaire verte bien en évidence.

« Hey ! interpela aussitôt la dame musclé avec un ton des plus campagnard. C’est quoi cette ambiance ? Les bonnes vieilles bastons, ça n’te plaît p’us ?

- Oh que si Applebloom ! ricana aussitôt la dérangée en pouffant dans ses mains. Mais vois tu, je n’ai presque plus de crin d’alicorne, donc je ne peux plus alimenter ma superbe chevelure…

- Pfffftt ! Superbe…

- Ne te moque pas la bouseuse ! Tu n’as juste aucun goût ! Les tentacules seront bientôt à la mode. Bref ! Je reprends. Nous tombons à court de crin d’alicorne. Lorsque j’ai volé cette brosse à cette alicorne rose, il y a cinq ans, je ne m’attendais pas à une fermeture aussi sèche et inopinée des frontières ! Enfin, si, mais pas autant d’années ! Et maintenant, il faut que je me refasse un bon stock. De quoi tenir dix ans cette fois. Et ceci, sera la clef. »

Elle ponctua sa dernière phrase en brandissant son arme d’un air menaçant, un inquiétant sourire aux lèvres. Elle s’avança d’un pas vers sa comparse d’infortune, tant et si bien qu’Applebloom préféra gagner du temps.

« Elle est mal foutue ta lame, elle est toute courbée d’partout. Tu devrais demander au péquenaud qui t’la fourguée de t’la rembourser ma vieille.

- Oh Applebloom, compassa la princesse du crime tout en s’amusant avec l’une de ses épaisses mèches. Ceci, est un kriss. On l’utilise pour les rituels noirs.

- Ohh… Et on a besoin d’être à poil pour tes balivernes ?

- Non, mais j’aime bien regarder. »

Elle termina sa dernière phrase d’un rire sardonique et douloureux pour le commun des mortels. La psychopathe commença à entonner une sorte de petit chant. En quelques instants, malgré la lumière des néons, les ténèbres s’installèrent.

De son côté, Scootaloo s’était infiltrée dans les bureaux à l’étage. Des gardes patrouillaient, mais la jeune acrobate, de par sa petite taille et son agilité, se faufilait entre les mailles du filet aussi facilement qu’une fashionista faisait chauffer la carte de crédit.

« Ils ont baissé tous les volets métalliques, je n’ai aucune ligne de vue, prévint Sweetie Belle d’une voix légèrement angoissée dans l’oreillette.

- Je me doute, murmura la détective yamakazi. Je cherche le disjoncteur. Ah … »

Elle ricana doucement en s’approchant de la boîte à fusibles. Un déclic d’arme à feu répondit à la minuscule hilarité de la jeune femme et elle s’empara de ses propres armes de poing, tenant l’homme de main en respect qui se tenait derrière elle. Un second individu à la chevelure banane surgit alors de l’une des porte et un troisième sembla apparaître de nulle part, un fusil à pompe entre les mains qu’il chargea d’un coup sec. Un guet-apens ! La Mane-iac s’attendait à ce que quelqu’un cherche à ouvrir les portes à partir du disjoncteur !

Accroupie au sol, la petite acrobate n’attendit pas la demande de reddition et ouvrit le feu. Les calibres .45 n’épargnèrent pas sa première cible qui s’envola en arrière sous l’impact. Par réflexes, les deux comparses pressèrent eux aussi la détente, mais la détective était prête. Juste au moment où elle avait décidé d’attaquer, elle avait entamé un mouvement souple et gracieux. Si elle était toujours en face de ses agresseurs, sa petite danse stationnaire lui permit de répliquer tout en esquivant les tirs d’un cheveu. Les assaillants purent tout juste observer leur victime glisser sa jambe sur le côté, la faisant tourner en rond sur place. Une seconde plus tard, elle rouvrit de nouveau le feu avant de se relever, toujours avec la délicatesse d’un félin, dans la continuité de sa danse circulaire. Sachant qu’elle était repérée, elle tira sans plus de fioriture dans la boîte à fusible.

« Entrepôt descellé ! » entendit distinctement Sweetie Belle dans son oreillette.

Bien installée sur sa chaise, la jeune femme habillée d’une longue robe rouge rubis, à la coiffure très courte et la cigarette aux lèvres, esquissa un sourire. Sweetie Belle n’aimait pas se salir les mains, et ne voulait encore moins risquer sa belle image. Elle épaula son fusil de précision et installa le trépied. Au moment où les volets métalliques s’ouvrirent par mesure de sécurité, elle ajusta sa visée par rapport à la distance et au vent, et ouvrit le feu deux fois.

Tout d’abord surprise par les volets s’ouvrant soudainement, la psychopathe sursauta d’autant plus quand sa lame vola en morceau. Les ténèbres se dissipèrent aussitôt pendant que les vilains se jetaient à couvert. Seule la Mane-iac, tremblante de colère, se jeta sur Applebloom, ses mains commençant à serrer sa gorge. Un instant plus tard, elle se prit un poing dans la figure, puis deux autres coups sur la tempe et une dernière dans le pif pour la route. Un menu aussi rapide qu’un fastfood et tout aussi lourd ne pouvait être délivré que par sa victime. La Princesse du Crime baissa les yeux et se rendit compte que la corde retenant la jeune femme était sectionnée. Bêtement, elle s’était mise à la portée de la plus puissante des Triple. D’un coup de coude, Applebloom vira la chevelue de son environnement immédiat. Un troisième tir lui libéra l’autre main et elle entreprit de se détacher les jambes. En un rien de temps, elle était libre et avait déchiré le drap pour se couvrir. Scootaloo surgit juste à temps pour couvrir sa comparse avec un tir nourri qui élimina deux gus se croyant hors de danger.

« Scoot’, appela la sublime sniper. La police va arriver dans moins d’une minute. Je vous laisse terminer le travail.

- Pigé ! » répondit Scootaloo qui avait plongé pour éviter des tirs d’armes automatiques.

Au milieu de la fusillade, la fille de fermier affrontait la psychopathe capilairement contrariée au corps à corps. Alors que ses cheveux semblaient prendre vie pour fouetter cruellement la détective s’étant placée en position défensive. Alors que le sang giclait à petits jets à chaque coup. Applebloom se saisit de son nœud dans les cheveux et en tira des petits ciseaux.

« Tu n’oserais pas ?! » hurla la psychopathe visiblement terrorisé.

Mais il était trop tard, en deux temps trois mouvement, la coiffure de la Mane-iac se retrouva massacrée.

« Il s’rait dommage que les trucs que m’ont appris ma cousine n’me servent à rien, ironisa la fille de fermier. Et maintenant… Ça fait cinq ans que moi et ma sœur on attendait ce moment. »

Et la détective passa à tabac la maniaque des cheveux à grands renforts de cris guerriers et de rage. Lui prendre ses cheveux n’avait pas été suffisant pour apaiser la soif de vengeance de la privée, elle tâcha alors de lui prendre aussi ses dents avant de la saisir par le col.

« Et maint’nant, t’es bonne pour la taule, et ma sœur pourra revoir sa princesse d’aut’ dimension.

- Ce sera bien le dernier de vos soucis bientôt, menaça la maniaque presque chauve.

- Ah ouaip ? T’vas encore envoyer tes gars après nous ?

- C’est pas que pour le business que je veux refaire mes stocks. Quelque chose arrive, prophétisa la cinglée qui accrocha son regard dans les yeux oranges de son adversaire. Je les ai vus. On va avoir besoin de la magie équestrienne.

- Tes blagues ne me font plus rire depuis longtemps, Mane Artist. » trancha Applebloom en appuyant sa déclaration d’un coup de boule de bonne aloi.

Elle laissa tomber l’ancienne meilleure amie de sa cousine au sol et se tourna vers Scootaloo. Elles hochèrent de la tête et délivrèrent la pauvre fille attachée elle aussi à la grande table, pétrifiée de terreur au point de ne pas avoir crié ou tenté de se débattre. Les deux détectives lui indiquèrent qu’elle allait être raccompagnée chez ses parents, qui étaient leurs clients.

Quelques heures plus tard, de retour à leur bureau (et Applebloom rhabillée), les trois jeunes femmes trinquèrent à leur victoire. La Mane-iac derrière les barreaux, il ne suffisait plus que de localiser et détruire les dernières réserves de crins d’alicornes. Un seul de ces crins permettait d’enchanter un objet pour décupler ses capacités, ou une personne pour la transformer en super héros… ou en super vilain.

« Cinq ans, soupira Scootaloo nostalgique. On a enfin réussi.

- Ne nous emballons pas, tempéra Sweetie Belle après réflexions. Si cette tarée n’avait pas enlevé cette gamine, on serait encore en train de lui courir après.

- J’prendrais bien des vacances tout d’même, soupira Applebloom avec un large sourire aux lèvres. Ma famille me manque.

- Vous comptez faire quoi maintenant ? questionna la détective la plus distinguée du trio. Vous voulez que l’on arrête ce business ?

- Si j’arrête, je me retrouve au chômage, se crispa l’acrobate en grimaçant.

- Même après que l’on ait coincé la Mane-iac ? sursauta la fille de fermière. Rainbow Dash ne peut pas te réintégrer dans la police en tant qu’équipière ou consultante ?

- Pas avec Spitfire qui nous en veut à mort, soupira avec tristesse la yamakazi. Elle était commissaire y’a un an. A chaque fois que l’on résolvait une affaire, la maire la rétrogradait… J’espère vraiment qu’elle pourra redorer son blason maintenant, elle est géniale comme chef.

- Oui, approuva la dame en robe rouge. Contrairement à Biceps…

- Il n’est pas mauvais Bulk, s’opposa vivement Applebloom qui tapa légèrement sur la table pour appuyer une non-argumentation.

- Surtout depuis que tu t’entraînes avec lui. Depuis deux ans. Avec une graaaannnde assiduité, se moqua Sweetie Belle qui refoula une bouffée de nicotine.

- J’ne critique pas tes goûts, ni ton geek, moi. » renrichit la campagnarde dont les yeux crachaient des éclairs.

L’enquêtrice agile, quant à elle, se contenta de lever les yeux au ciel. Elles pouvaient se disputer là-dessus elles, Scootaloo, on avait tendance à lui donner du "monsieur" quand elle allait en boîte de nuit, même avec sa coupe au carré.

La porte claqua alors, laissant apparaître une sublime femme dans la fleur de l’âge, correspondant à tous les canons de beautés possible et en robe échancré plus décolleté. Cadence dans toute sa splendeur, avec en bonus, les habituels grosses larmes dans les yeux. Devant une telle débauche de féminité, Scootaloo ne put que ressentir un pic de jalousie lui vriller l’estomac et la poussant à l’agressivité passive :

« Comme tous les mois, on doit vérifier si monsieur ne trempe pas le biscuit ailleurs ? »

Elle reçut aussitôt un coup sur la tête qui l’assomma à moitié et une paire de regards assassins. Cadence était leur principale ressource de revenu après tout, alors zut, un peu de tenue ! Une paire de cocues pareille, ça ne se refuse pas dans le métier. Cependant, la grande dame, toute à sa contenance, n’en tint pas compte. Elle lâcha même dans un grand sanglot :

« Ma sœur et ses amies sont mortes. Toutes les sept. »

Et un éclair déchira aussi bien le ciel que l’ambiance.