0 : Solitude

C'était une journée comme les autres à ses yeux. Un moment de plus obligé à contempler ce paysage qu'il voyait depuis si longtemps. Il ne pouvait pas faire autrement que d'observer à longueur de journée ces formes floues qui lui apparaissaient à travers cette fenêtre : les formes d'une mer, bleue et calme, qui s'étendait à perte de vue ; un paysage qu'il avait appris à aimer.

Quand l'infirmière finit par entrer dans la chambre qu'il occupait depuis à présent presque un an, elle se dirigea vers lui, sans doute pour lui donner son traitement journalier pensa-t-il...? Pourtant, ce n'était pas encore l'heure...

"Dawn, tu as de la visite" dit l'infirmière d'une voix enjouée, justifiant sa venue. Et effectivement : juste après, quelqu'un d'autre entra dans la pièce pour venir se placer derrière Dawn, toujours face à sa fenêtre.

Mais lui n'y prêta aucune attention. Tout son esprit était à présent obnubilé par une seule pensée : pourquoi quelqu'un voudrait le voir, lui qui était devenue une coquille vide, sans émotion et sans vie...? Il n'était même plus sûr de qui il avait été... Alors, pourquoi le forçait-on encore à porter ce prénom ?

Tout ça à cause d'elle...

Il ne pouvait pas s'empêcher de penser à elle... cette ponette qui avait voulu jouer à la princesse Luna... Cette ponette qui, un jour, avait été sa soeur. Il lui en voulait... tellement.

C'était de sa faute s'il était là, piégé dans son propre corps, à présent obligé d'admirer indéfiniment ce paysage qu'il avait appris à aimer par contrainte. Que pouvait-il encore lui arriver de pire à présent ? Il était sur le point d'en avoir la réponse.

"Bonjour, mon fils ! Comment vas-tu ?" demanda le poney nouvellement venu d'une voix presque trop diligente. Dawn resta muet un moment, trop conscient de à qui appartenait cette voix. Mais il prit finalement la parole.

"Je ne crois ph-as a-vh-oir de-mh-andé à te vh-oir" prononça difficilement Dawn à travers sa mâchoire mise à nue par ses blessures, ses dents claquant avec force à chaque syllabe pour signifier sa colère.

"Et depuis quand un père n'a plus le droit de voir son fils ?" demanda le poney sur un ton beaucoup trop attentionné.

"De-ph-uis que tu mh-as laissé cre-vh-é !" s'empressa de répondre Dawn avec toute la rage qui l'habitait. "De-ph-uis le jour où tu mh-as laissé ph-our mh-ort ! Où tu mh-as laissé...! De-ph-uis ce jour... Je ne te considère ph-lus... co-mmh-e mh-on ph-ère !"

Par ces paroles, Dawn voulait se montrer le plus cinglant possible envers ce poney qu'il détestait devoir appeler son père. De par ces paroles, il voulait montrer à ce poney qu'il ne voulait plus avoir affaire à lui de toute sa vie... ou, tout du moins, ce qu'il lui en restait...

Mais pour son père, ces mots n'avaient aucune valeur, car dans son esprit, rien n'avait plus d'importance que ce qu'il était sur le point de dire. "Allons, en voilà des manières. Et moi qui voulais te faire un cadeau pour fêter la fin de mon séjour en soin psychiatrique... Tu me déçois."

"DÉGAGE !!" pour Dawn, c’en était trop. Lui qui détestait ce poney de tout son être, était incapable de l'entendre parler ainsi, comme si de rien n'était ! Comme si rien de grave n'était arrivé ! Il ne pouvait plus le supporter une seconde de plus ! Et aussitôt que son agressivité se mua en rage, l'infirmière vint mettre un terme à cette visite, réalisant à quel point elle avait fait plus de mal que de bien.

Mais le père refusa de partir, pas sans dire une dernière chose à son fils :

"Dawn, je vais tout arranger, tu verras ! Bientôt, nous serons de nouveau une belle et grande famille !"

Mais Dawn avait déjà arrêté d'écouter. Il ne voulait plus entendre les délires de ce dément qui avait réussi à tromper les médecins.

Quelques secondes plus tard, le personnel médical avait enfin réussi à le faire sortir, laissant Dawn à nouveau seul pour un moment. Mais ensuite, l'infirmière revint dans la pièce avant d'à nouveau s'approcher de lui.

"J-je suis désolée. Je ne pensais pas que..." commença à bredouiller la jeune infirmière avant d'être interrompu par son patient.

"Laisser... laisser mh-oi seul... un mh-o-mh-ent..." c'était tout ce qu'il voulait... La seule chose qu'il voulait...

... Rester seul...

Dans sa haine...

Sa tristesse...

Sa solitude...

Que lui restait-il d'autre de toute façon...? Lui qui avait tout perdu...