Prologue

La lune éclairait le ciel et le sol de vastes reflets blafards. Les quelques flaques d’eau encore présentes dans la terre et la boue, étaient illuminées par les rayons d’argent qui provenaient de la voute céleste étoilée. Le vent sifflait à travers les branchages des arbres, résonnant comme une berceuse visant à endormir les animaux encore éveillés. Tout était calme. Silencieux. Mais ne dit-on pas que c’est lorsque les temps se font sereins, qu’arrivent toujours les plus grands dangers ?

Un sabot brisa la netteté d’une flaque d’eau, envoyant valser quelques gouttelettes à droite et à gauche. Un poney circulait à vive allure sur le chemin étouffé par la densité de la forêt. Derrière lui, d’autres équidés semblaient suivre le même mouvement. Seuls leurs yeux brillaient dans la pénombre. Ce n’étaient pas des yeux aux teintes apeurées, non. Leurs prunelles reflétaient plutôt la haine et la cruauté. Sur leurs lèvres s’était peint un sourire froid et sans émotion. Le genre de sourire à vous glacer le sang et à vous couper le souffle.

« Dépêchez-vous. »

Une voix rauque, sonnant comme une fausse note de piano. Une note qui vous hérisse la croupe dès que vous l’entendez.

A ces mots, ce fut comme si tous les poneys s’étaient coordonnés et agissaient au gré d’un seul et même esprit. Leurs pas étaient synchronisés à la perfection, comme une sorte d’armée. Leurs souffles formaient un nuage blanchâtre, finissant par s’évanouir dans les ténèbres de la nuit. Presque tous portaient une sorte de sac noir sur leurs dos, ne laissant rien paraître sur le contenu de ces derniers. Personne ne savait qui étaient ces poneys, ni quel était leur but. Qui aurait pu se douter que leur arrivée allait marquer le début d’une guerre sanglante ?

Leur marche continuait. Inlassablement, ils parcouraient les sentiers de la forêt. Où allaient-ils ? Que voulaient-ils ? Qui étaient-ils ? La horde de poneys se dirigeaient droit vers...

« Arrête Maman, ça fait trop peur ! »

La jument haussa un sourcil et referma le livre qu’elle tenait entre ses sabots. Devant elle, sa fille était emmitouflée dans ses couvertures et la regardait d’un air craintif.

« Ma chérie, c’est toi qui a absolument tenu à ce que je te lise ce livre, qui n’est pas destiné aux enfants. Je t’avais prévenue, mais tu m’as fait un tel caprice que j’ai été obligée de céder ! »

Si la jeune mère tentait de prendre un ton détaché, ses dents serrées trahissaient son angoisse. Elle savait qu’elle n’aurait jamais dû raconter une telle histoire à sa pouliche. Seule Celestia savait désormais combien de nuits elle allait devoir passer à rester au chevet de sa fille, parce que cette dernière était trop terrorisée pour dormir.

« Oui je sais, je suis désolée Maman. J’aurai mieux fait de t’écouter.

- Ce n’est rien, Spitfire. »

Un bref silence s’installa entre les deux juments. D’abord hésitante, Spitfire finit par redresser la tête et à plonger ses yeux ambrés dans ceux ors de sa mère.

« Maman ?

- Oui chérie ? »

La petite renifla et sembla avoir oublié ce qu’elle voulait dire. Elle se mordit la langue et déglutit difficilement, avant de reprendre.

« Est-ce que les méchants comme dans cette histoire, existent vraiment en vrai ?

- Tu sais… le Monde tout entier est peuplé de poneys aux intentions parfois malsaines. On ne peut rien y faire. Te dire que ces « poneys méchants » n’existent pas dans la vraie vie, serait un mensonge. Oui, ils existent, malheureusement. Mais il ne faut pas t’en faire tu sais. Celestia nous protège jour et nuit. Nous n’avons rien à craindre. Tu ne dois pas avoir peur.

- Je n’ai pas peur. »

Spitfire pris un air aussi brave que possible, et redressa fièrement la tête. Elle n’était encore qu’une enfant, et pourtant, déjà emplie de bravoure et d’ambition. Attendrie, sa mère lui ébouriffa affectueusement la crinière, avant de l’embrasser sur le front. Peut-être que finalement, sa fille allait réussir à dormir sans elle ce soir.

« Dors bien. Ma petite Wonderbolt. »

La pégase roula sur le côté pour contempler le mur de sa chambre. Il était recouvert de posters des Wonderbolts, et les yeux de la pouliche brillaient de joie à chaque fois qu’elle posait son regard dessus. Devenir une Wonderbolt était son rêve. Et elle savait qu’elle pouvait réussir. Elle s’en sentait capable. Après tout, elle avait eu sa marque de beauté ; et cette dernière avait un rapport avec la voltige.

Spitfire sursauta lorsque sa chambre fut subitement plongée dans le noir. Sa mère venait d’éteindre la lumière et un dernier « bonne nuit » s’échappa de ses lèvres. La porte de la pièce se referma délicatement, confrontant la jeune pégase au plus bruyant des silences. Spitfire ne pouvait s’empêcher de repenser à l’histoire qu’avait commencé à lui lire sa mère. Etait-elle vraiment en sécurité, à Equestria ? Et si des méchants venaient dans sa chambre, la nuit, pour l’enlever ? La pouliche frémit à cette pensée et serra son oreiller entre ses sabots.

« Non. Il ne peut rien m’arriver. Je suis trop forte pour eux ! »

Ragaillardie, Spitfire lâcha un bâillement et déposa sa tête contre la surface fraiche et douce de son oreiller. Elle ferma les yeux et tenta de faire le vide dans sa tête. De se convaincre qu'elle était en sécurité. Et surtout, que ses proches ne risquaient rien. Parce que oui, pour elle, il était vital de savoir que tous ceux qu'elle aimait, soient protégés de tous dangers. Elle pensait à eux avant de penser à elle, et c'était ce qui faisait d'elle une équidée au grand cœur.

La pégase soupira et serra davantage son oreiller. Une partie d'elle adorerait savoir la suite de l'histoire de sa mère. Pour être honnête, elle n'attendait que ça. Curieuse, elle se demanda pendant un instant si cela valait la peine de se relever et d'allumer la lumière, pour aller chercher le livre que sa mère avait laissé sur son bureau. Que faire ? Lire au risque de ne pas dormir pendant des jours ? Ou tout simplement abandonner l'idée et plonger dans les bras de Morphée ?

Spitfire haussa les épaules et prit une position qui lui était confortable. Elle n'irait pas chercher ce livre. Pas ce soir. Elle était bien, elle était en sûreté, c'était tout ce qui comptait. Oui, rien ne pouvait lui arriver. Parce que rien de mal n’arrive à un Wonderbolt.

Et pourtant.