Une silhouette se présenta devant cette imposante porte de métal. Elle descendit la marche en pierre et alla se poster près de Sky. À l'intonation de son rire, il devina que ce n'était autre que l'instructeur de l'examen final.
Havoc se rapprocha et chuchota une nouvelle fois à l'oreille du jeune pégase encore au sol, joue contre joue. Ce viol d'espace vital était à chaque fois très désagréable pour Sky mais l'instructeur ne s'en privait pas.
« Il paraît que vous nous avez donné du fil à retordre, lui dit-il. Cependant, je vous vois enfin dans toute votre splendeur, Willsteel... Elle est délicieuse... »
Il ria faiblement puis s'éloigna en poussant les deux juges de son chemin, remonta la marche en pierre et les regarda un instant.
« Ne restez pas plantés là comme deux abrutis et montez-le, dit-il d'un ton autoritaire. D'autre part, vous n'avez pas remarqué sa blessure ? »
En effet, Sky avait déjà perdu beaucoup de sang. Son dos était couvert d'écorchures plus ou moins profondes tandis qu'une belle entaille longeant le côté de sa colonne vertébrale suintait encore.
« Merde, désolé patron...
- On n'avait pas vu patron... »
Havoc frotta le pelage blanc de son front en marmonnant :
« Qui m'a collé des assistants pareils... » Il reprit à voix haute : « Montez ce cyan, vous le soignerez plus tard. »
Il reprit alors sa marche, passa la porte en fer et pénétra dans ce qui semblerait être une pièce peu commune : ses bordures n'étaient pas rattachées à la structure du bâtiment et des engrenages étaient visibles sur ses côtés.
Ses assistants, quant à eux, eurent du mal à tirer Sky jusqu'à l'entrée, montant la marche avec grande difficulté. Ils juraient car ils ne comprenaient toujours pas pourquoi ce pégase était aussi lourd. Après moult tentatives, ils hissèrent ce poids d'une tonne jusqu'à cette mystérieuse salle. Sky fut lâché abruptement sur le sol et attaché aussitôt, au niveau de sa cheville gauche, d'une menotte métallique soudée et reliée au sol par une petite chaîne en cuivre rouillé. Après avoir reçu trois bouts de bandages rafistolés sur ses blessures, il regarda autour de lui et fut médusé par son environnement. Il était entouré de tous ses camarades de dernière année dans une pièce complètement close. Ambre, Ebonite, Rise, Ecarlate, Cristal et même Pound, tous enchaînés et alignés. Ash était là aussi, allongée et yeux fermés.
C'est pas possible... Pas eux... Pas elle... Pourquoi ?! pensa-t-il, les yeux écarquillés au premier contact avec sa sœur.
Sky commençait à paniquer. Où étaient-ils ? Que se passait-il ? Que leur arriveraient-ils ?
Ses camarades le regardaient sans un mot, l'air abattus. Certains sanglotaient, personne ne se donnait la peine de les rassurer. Quelques uns s'agitaient, tournoyant sur eux-mêmes en tapant du sabot leur chaîne de métal alors que le reste patientait tête baissée, le regard vide, comme si leur existence n'avait déjà plus d'importance, Sky comprit mais son esprit ne l'accepta pas.
« On.. on est où ?! » dit-il affolé.
Personne ne répondit. Sky n'insista pas, son cœur démarra à grand coup à travers ses tympans. Il avait peur, peur de ce qu'il pourrait arriver. Il s'imaginait le pire, mais ses pensées étaient loin de la réalité.
Ses yeux perdus rencontrèrent ceux de Crystal. Sky ne dit rien, il était dans l'incertitude et attendait une réponse de la part de son amie. Mais après cet instant de face à face. Le visage de la pégase craqua et ses yeux blancs sanglotèrent silencieusement quelques larmes alors que ses lèvres se crispèrent de tristesse.
L'atmosphère était pesante. Hovac observait les rangées calmement tout en repérant les perturbateurs, ceux qui sautaient dans tous les sens. D'un coup de sabot contre terre, il ordonna le silence absolu afin d'exposer la situation. Mais sa parole n'eut aucun impact sur certains esprits qui, au lieu d'obéir à ses ordres, se révoltaient de plus belle, criant ainsi toute leur colère sur cette situation qui dérogeait complètement aux lois d'Equestria.
Il s'avança alors vers le pégase le plus proche qui, à la vue de ce monstre blanc souriant doucement, baissa les oreilles et resta immobile devant lui comme paralysé de peur. Il n'avait pourtant rien fait, néanmoins il sentit son cœur s'emballer.
Havoc posa son sabot gauche sur le crane de ce grand pégase bleu marine, positionna sa tête au niveau de ses yeux et le fixa au plus profond de son âme. Le brouhaha avait cessé, tous s'étaient tus face à cette réaction quelque peu incompréhensible.
« Comment t’appelles-tu déjà ? lui demanda-t-il calmement.
- Je...hum...euu...je...Siphon, dit-il d'une faible voix.
- Tu es le plus âgé des cinquième année n'est-ce pas ?
- Ou...oui...
- Je vois. »
Havoc baissa la tête et fixa le sol, prit une grande inspiration et expira bruyamment puis dévisagea Siphon durant quelques secondes. Enfin, il murmura d'un air enfantin :
« Tu n'es qu'un déchet après tout... »
Puis il leva son bras et lui asséna un crochet du droit si puissant que Siphon en eut la mâchoire arrachée. Il s'écroula sonné, dans sa propre gerbe de sang. Havoc essuya le surplus tachant son fer contre la crinière d'un pégase sur sa droite qui n'osait plus bouger, pétrifié.
« Très bien, commença Havoc. Ici c'est comme ça que ça se passe : vous obéissez ou vous finissez comme ce cobalt... Ah oui, et par ailleurs, habituez vous à ces noms, c'est tout ce que vous représenterez. Quant à lui... »
Il lui écrasa l'aile d'un coup de patte, lui broyant l'os, puis pivota sa jambe afin d'en déchiqueter l'ensemble. Siphon cria à la mort alors que sa mâchoire était en miette, la douleur était insoutenable. Ses hurlements se changeaient peu à peu en gémissement de souffrance.
« Apportez-moi mon TS-30 », dit Havoc en tendant le bras.
Un de ses assistants lui donna une sorte de taser d'un design peu commun. Il le saisit et l'alluma, un bruit aigu s'en échappa.
« Le TS-30, dit-il à haute voix en soulevant son taser en face de lui, n'est pas une arme de défense comme vous pourriez le penser. »
Il pointa son appareil vers Siphon et l'actionna. Un arc lumineux s'en projeta très rapidement et alla percuter sa jambe gauche. Le point d'impact grilla instantanément la totalité de sa cuisse et son corps convulsa frénétiquement durant une fraction de seconde. Siphon ne dit plus rien, il s'était évanoui.
Havoc poursuivit faiblement :
« Puissance minimale et tu n'y résistes même pas ? ... Déchet... »
Puis il reprit d'une forte voix :
« Ceci est une arme militaire permettant une destruction irréversible de vos tissus musculaires et aussi, par la même occasion, un choc électrique intense à travers votre corps, passant par le cerveau qui lui en serra le plus touché. Allant d'une petite déconnexion neuronale inoffensive à une mort instantanée. Cette arme peut vous faire penser à un taser mais ses caractéristiques la classent plus au rang d'un fusil à très courte portée. Cinq à dix mètres maximum. C'est peu, mais pour un taser de cette envergure, c'est amplement suffisant. Cependant, ne vous en faites pas, je suis un des seuls à posséder ce petit bijou. »
Havoc rangea son arme à sa ceinture, regarda sa montre et fit un signe à son assistant qui, en se rapprochant des portes, les ferma lourdement et actionna un levier dissimulé là, contre le mur. Toute la salle se mit à trembler, un faible bruit de mécanisme provenant de l'extérieur se faisait entendre alors que les pégases à l'intérieur peinaient à rester debout.
La salle se déplaçait vers une destination inconnue pour les étudiants en dernière année, ou du moins pour le moment.
Après une longue minute de perturbation, les secousses s'affaiblirent peu à peu jusqu'à se stabiliser à un très faible niveau d'oscillation.
Havoc resta face au troupeau un instant, perplexe sur la suite du programme. Un souvenir lui revint soudainement. Il fit :
« Mais oui ! Tout d'abord, laissez-moi commencer par quelque chose qui compte énormément à mes yeux. »
Puis il vagabonda à travers les différentes rangées de pégases, scrutant profondément chacun d'entre eux dans leur ensemble. Au passage de Pound, il se stoppa. À la vue de l'instructeur près de son visage, le jeune pégase s'abandonna au sol, les membres tremblants d'épouvante. Havoc ria face à son comportement puis continua son inspection.
À l'approche de Sky, l'instructeur jouissait déjà. Le pégase cyan recula au plus loin, mais la chainette à sa cheville n'offrait pas vraiment de distance conséquente. Le pégase blanc avança au plus près. Sky aurait voulu lui envoyer un coup de crâne directement dans son museau. Il aurait pu lui enfoncer quelques dents dans ses gencives puis espérer qu'il s'étouffe avec. Mais il n'en fut rien. Havoc le regardait de ses yeux grands ouverts et avec ce petit sourire qui ne présageait rien de bon. Sky préféra alors s'abstenir. De peur ou de précaution ? Peut-être les deux.
L'instructeur détacha alors son regard du sien et s'éloigna tout en gardant son grand sourire. Sky vida sa frayeur à travers ses poumons d'un long et faible souffle, puis il tomba à la renverse. Plus aucune force ne circulait à travers ses jambes.
Havoc continuait à déambuler entre les pégases pour finalement atteindre ce que son subconscient voulait atteindre.
Ecarlate demeurait droite face à lui. La pégase à la crinière de braise était peut-être enchainée mais son attitude ne changerait pas.
Elle n'avait pas peur, elle ne voulait pas avoir peur. Son esprit se devait d'être imperturbable, mais Havoc pouvait briser aisément les barrières entre son esprit et la réalité s'il le voulait. Et il ne s'en priva pas :
« Souhaites-tu réellement rester fière alors que tout s'effondre face à toi ? La douleur et la souffrance font partie de ton atmosphère, et tu sembles tellement l'apprécier que tu ne vis plus que de cela. Que deviendras-tu ? Rien. Car tu n'as jamais été. Et tu ne sera jamais. »
L'activité corporelle d'Ecarlate s'accélérait : sa respiration devenait plus profonde alors que son cœur tapait sa poitrine. Ses yeux commençaient à se noyer dans le regard d'Havoc, mais avant que ses émotions ne s'échappent et viennent couler le long de ses cils, elle baissa la tête et laissa sa crinière carmin recouvrir sa honte. Une gouttelette puis deux virent s'écraser contre l'un des maillons de sa chaîne cuivrée, le nettoyant dans un sillage brillant.
« Plus que de la tristesse, je discerne de l'incertitude dans ce regard. Serait-ce du regret ? Tu regrettes alors quelque chose mais quoi ? Tes amis ? Tu n'en as jamais eu. Tes amours ? Qui voudrait d'un pauvre être comme toi....
Ta famille ? »
Son souffle se bloqua. Comme un mauvais souvenir refaisant surface, Ecarlate resta sans réagir. Dans un dernier effort, la pégase endurcit encore plus son cœur et répondit avec grande difficulté :
« Je n'ai pas... de famille. »
Havoc n'en pouvait plus, ce moment était beaucoup trop bon pour en supporter ne serait-ce qu'une seconde de plus. Il dut alors évacuer cet excédant d'une manière quelconque. Son premier réflexe fut d'envoyer une droite bien allongée contre la joue d'Ecarlate. Celle-ci fut envoyée au sol, sa tête propulsée violemment sur le côté à la limite de la fissure au niveau de sa colonne vertébrale.
La pégase resta au contact du marbre froid. Quelques brins rouges et noirs reposaient sur son visage, sur ses paupières cachant des yeux larmoyants. Elle ne bougeait plus, préférant ne pas se relever afin d'éviter d'autres coups. Mais cela était vain, Havoc s'empressa de lui remonter quelques boyaux d'un puissant coup au ventre. Ecarlate ne réagit pas, encaissant la plus grande douleur de sa vie.
Un soupir de plénitude s'envola, Havoc se sentait bien mieux qu'avant désormais. Avançant d'un pas lent, il se replaça face aux pégases et se racla la gorge.
« Que ça fait du bien... Petit amusement personnel à part, j'ai des choses à vous dire : et laissez-moi commencer par notre amie Willsteel ici présent qui, vous vous en êtes rendus compte, est arrivé en dernier. Pourquoi, allez vous me demander, il est passé dans les premiers à l'examen pourtant ? Et bien tout simplement car son temps de déplacement était considérablement long dans notre timing. Et là, vous vous demandez aussi de quoi je parle. Commençons alors par le commencement :
Vous vous dirigez en ce moment même vers la Rainbow Factory dans cette salle amovible spécialement conçue par ses ingénieures. Aaah la technologie... C'est remarquable... Hein ? Ah oui, pourquoi l'usine à arcs-en-ciel allez vous me dire ? Et bien car c'est là où sont exilés les échecs de notre examen voyons... Mais par un malheureux hasard, nous manquions d'échecs... Ne prenez pas cet air ahuri, je vais vous expliquez :
Comme vous le savez tous, la Rainbow Factory fabrique depuis des temps immémoriaux les arcs-en-ciel essentiels au bon fonctionnement d'Equestria. Et comme très peu le savent, la matière première de ces arcs-en-ciel... et bien c'est vous, les échecs de l'examen final de l'Académie de vol de Cloudsdale. »
Havoc fit une pause dans son discours afin de reprendre son souffle. Personne n'osait hausser la voix, tous le regardaient silencieusement. Il les regarda en retour et sourit.
« Voilà une attitude qui vous sera favorable, ou du moins jusqu'à la machine... Je reprends ! Vous êtes la matière première et nous en manquions... Evidemment, à force d'avoir de moins en moins d'échecs par ans, il fallait bien si attendre... Donc nous avons décidé, ou plutôt, des très haut-placés hiérarchiquement ont décidé d'organiser une année de... "récolte" comme on pourrait dire : c'est simple, vous étiez tous voués à être condamnés, peu importe votre réussite ou non à l'examen.
- Comment pouvez-vous faire ça ! se révolta une étudiante au pelage jaune du nom de Solaris. C'est horrible d'utiliser des êtres vivants juste pour se qu'ils contiennent ! Ne ressentez vous pas de la honte envers vous-même alors que vous êtes conscient que » Mais elle fut stoppée net dans son discours. Son corps tomba au sol, la tête la première.
Havoc avait son arme pointée vers elle. Il lui avait envoyé une décharge en plein visage. La chair et les yeux de son visage furent complètement carbonisés.
Il reprit alors sereinement :
« Et pour mettre tout ceci en place, personne ne devait être au courant. Nous avions donc programmé le test à une heure où toute l'Académie faisait cours. Ah, et sans oublier que l'examen était particulièrement difficile afin donc de limiter tout soupçon bien sûr, ou du moins un maximum. De plus, un garde était posté dans les alentours, faisant des rondes afin d'éviter tout désagrément. Dommage qu'une troisième année était dans les gradins. Elle a pris plein tarif alors qu'elle n'était même pas au programme. Quelle tristesse... Regardez-la dormir paisiblement... Reprenons.
À la fin de vos épreuves, vous avez tous été dirigés dans la même petite pièce, gazés puis déplacés jusqu'ici pendant que l'examen continuait en même temps. Nous devions faire vite avant qu'un autre entre dans la pièce, voilà pourquoi Willsteel nous a posé problème. Il est particulièrement lourd pour une raison inconnue. Nous l'avions donc mis de côté jusqu'à la fin pour s'en occuper en dernier... Ça va ? Vous suivez ? »
Sky n'en croyait pas ses oreilles. Ils avaient donc tout orchestré à l'avance. Mais le plus aberrant était la Rainbow Factory. Depuis tout ce temps, de pauvres pégases ayant seulement échoué à un test ont été utilisés à des fins personnelles. Et maintenant c'était leur tour, sa sœur, ses amis et lui.
Dans un élan de courage, Sky se révolta :
« Comment pouvez vous faire une telle chose !? Celestia ne vous laissera pas continuer ! Elle le découvrira tôt ou tard ! »
Mais Havoc ricanait à ses propos.
« Cela fait des ANNÉES que nous pratiquons notre activité. Et vous pensez encore que Celestia ne s'en serait pas rendue compte avant ? Réfléchissez-y bien. »
Sky écarquilla les yeux.
Ce n'est pas possible, pensa-t-il. Celestia le savait déjà. Mais... Mais pourquoi...
« Pourquoi elle ne s'y oppose pas, c'est ça ? devina Havoc. Et bien ne crois pas que notre majesté adorée n'est vêtue que de blanc. »
Et c'était là la triste vérité, Havoc en riait alors que tous les pégases dans la pièce perdaient espoir. Plus rien ne pourrait les sauver si même la souveraine d'Equestria était consciente de leur situation mais n'agirait pas en conséquence.
La salle de fer s'arrêta brusquement après un tumulte qui fit chavirer la plupart de ses passagers. Des bruits d'engrenages assourdissants s'en suivirent alors que la gravité semblait s'intensifier. La salle montait, comme un ascenseur. Les secousses produites par le frottement mécanique de la structure faisaient court-circuiter l'éclairage de la pièce. Les lumières s'éteignaient et se rallumaient continuellement dans un grésillement inquiétant. Havoc leva la tête.
« Aaaaah, nous voilà bientôt arrivés », dit-il en attrapant une poignée qui se trouvait contre le mur derrière lui. Il la tira et ouvrit une sorte de cavité puis y enfonça entièrement ses deux bras à l'intérieur, cherchant quelque chose avec difficulté. Il en extirpa une longue et lourde chaine emmêlée en un amas de métal qui s'écrasa au sol dans un boucan infernal. Des lanières de cuir ressortaient de ce tas de ferraille. Avec l'aide de ses sous-fifres, ils allongèrent cette chaine, qui s'avérait en être deux distinctes, sur toute la largeur de la salle, disposant ainsi les boucles de cuir de parte et d'autre des maillons métalliques.
« Ces deux chaines disposées en face de vous possèdent deux rangées de boucles en cuir chacune. Chaque boucle est rattachée à sa propre chaine avec un petit cadenas dont moi seul en possède l'unique clé. Pensez que c'est un jeu et que vous devez rester en rang deux par deux, comme lorsque vous étiez plus jeune, vous verrez que
- Euh... patron ? On en fait quoi de celui-là, dit son assistant alors qu'il pointait Siphon encore effondré dans sa propre flaque de sang.
- Ne te l'ai-je pas déjà dit ?! cria-t-il. Je hais l'impolitesse ! Surtout lorsque cela provient d'un subordonné comme toi ! Donc à l'avenir... Personne... ne me coupe... LA PAROLE !!! »
Havoc avait tellement haussé la voix que son interlocuteur avait fléchi les genoux et baissé la tête en signe de soumission. Le pégase blanc respirait fortement, il ferma les yeux et se calma :
« Inspiration... » Il inspira.
« Expiration... » Il expira.
« Oui d'accord... Allons voir... » se chuchota-t-il.
Il se rapprocha de ce qu'il considérait comme un misérable déchet et y donna un coup de sabot dans le visage. Aucune réaction. Il se baissa et colla son oreille contre son torse. Le cœur battait fort. Alors par réflexe, Havoc voulut s'éloigner le plus rapidement possible de Siphon mais il était déjà trop tard.
Siphon lui enroula ses bras autour de son cou et propulsa sa seule jambe en état de toutes ses forces dans son abdomen. Sous le choc, Havoc resta immobile, la bouche ouverte, le souffle coupé. Il essaya de reprendre sa respiration mais seul un mince filet d'air parvenait à passer, faisant vibrer ses cordes vocales en un son grave et effrayant.
Siphon en profita. Il lui envoya un second coup qui, avec plus d'impulsion, eut bien plus d'impact cette fois-ci. Tous ses organes remontèrent dans sa cage thoracique, compressant ainsi encore plus ses poumons et son cœur. La douleur était sans pareil. Du sang coulait de ses narines alors qu'il en recracha par la bouche sur le dos de Siphon.
Dans le feu de l'action, le jeune pégase mordit à pleines dents une de ses oreilles, arrachant au passage la moitié de celle-ci lorsque Havoc fut extirpé de ses bras par ses acolytes.
De part la pression de sa morsure, Siphon avait la mâchoire en piteuse état. Le crochet de la dernière fois ne l'avait pas manqué, et maintenant, il était dans l'incapacité de parler correctement.
Il recracha le bout de cartilage ensanglanté devant lui et sourit malgré l'état de sa denture. Il était pleinement conscient de son acte, mais cela le laissait indifférent. Il se laissa tomber au sol et ne bougea plus.
Havoc était fou de rage. Il essayait tant bien que mal de se relever, poussant tout sur son passage, rampant à moitié vers Siphon qui semblait exténué. Il était prêt à lui faire payer, hurlant toutes les atrocités qu'il allait subir, mais sa colère l'avait aveuglé. Dès lors qu'il était à portée pour frapper, il reçut de plein fouet le dessous du sabot de Siphon qui, ayant bien calculé son coup, lui cassa plusieurs dents et le projeta en arrière.
Havoc était au sol. Il ne bougeait plus. Ses assistants paniquaient autour de lui alors qu'ils essayaient de le réveiller, il était juste sonné. Siphon se rallongea de nouveau face contre terre et releva la tête au maximum afin d'apercevoir à l'envers le reste du troupeau qui, sans dire un mot, était encore terrifié par cette scène.
« Les gars... je vous dis adieu... » articula-t-il difficilement.
Etant aidé, Havoc réussit à se relever. Le sabot plein de sang à la bouche, il poussa les deux pégases et alla lentement vers là où il avait extirpé sa longue chaîné de métal. Il attrapa et retira à deux sabots une sorte de batte métallique pointue et laissa son extrémité tomber au sol dans un bruit qui résonna fortement. À la même allure, il se redirigea vers Siphon en laissant traîner la pointe de sa nouvelle arme, créant des étincelles dans un raclement aigu.
« J'entends ta mort arriver... dit-il dans un petit rire macabre.
- Je n'entends qu'un enfoiré me parler... répliqua Siphon, toujours en difficulté d'articuler.
- Ah oui ? Et perçois-tu cette douce mélodie ? », dit-il en levant sa batte vers le plafond, le frôlant à peine de sa pointe. Il attendit quelques secondes.
« Non ? C'est le doux bruit de tes os. »
D'un geste, sa batte fendit l'air à la vertical et alla percuter le tibia de Siphon, le brisant sur le coup. Il hurla de nouveau. Havoc lui avait créé une nouvelle articulation qu'il trouvait bien pratique.
« Oooh regarde, tu peux plier ta jambe dans ce sens aussi. L'entends-tu cette douce mélodie maintenant ? » dit-il tout en saisissant son sabot et courbant sa jambe dans le sens opposé à son articulation, faisant ainsi craqueler petit à petit ses fragments d'os.
« Maintenant, place à la symphonie ! » hurla-t-il.
Havoc ressaisit sa batte et martela son tibia encore et encore dans un excès de vengeance. Toute cette souffrance était de trop pour les jeunes pégases qui n'en pouvaient plus d'écouter ces hurlements, de voir ce sang. Certains restaient allongés, se couvrant les oreilles et cachant leurs yeux d'horreur, pendant que d'autres avaient juste détourné le regard. Mais la plupart pleuraient, impuissants. Le bruit des cries et des coups résonnait dans la salle, réveillant Ash en sursaut. Au début, elle cligna des yeux sans comprendre ce qu'il se passait, puis elle vit ce massacre. Elle ne put s'empêcher d'intervenir :
« Arrêtez !!! cria-t-elle. Pourquoi vous faites ça ?! Arrêtez !!! »
Havoc stoppa sa batte dans son élan et tourna lentement la tête dans sa direction, mais Sky le devança :
« Tais-toi Ash !!! S'il te plait... tais-toi... dit-il les larmes aux yeux.
- Écoute-le, Ash, si tu ne veux pas finir comme ce bleu marine. »
Il retourna sa barre métallique pointe vers le sol et la planta dans le torse de Siphon dans un bruit de cage thoracique. Son arme le traversa de part en part, abrégeant ainsi ses souffrances dans une distorsion d'organes. Havoc lâcha son pieu qui resta en place et se laissa tomber en arrière. La salle avait cessé de monter depuis. Il n'y avait plus un bruit. Havoc avait son pelage blanc tacheté de rouge.
« Tu as résisté à mon TS-30 et tu as réussi à me blesser... Mais te voilà mort maintenant... Quel gâchis finalement... »
Il soupira longuement, il était épuisé et les coups que Siphon lui avait portés étaient encore lancinants. Après quelques longues minutes de récupération dans un silence pesant, Havoc avait bandé son oreille et était fin prêt pour disposer les échecs autour des imposantes chaines qui n'avaient pas bougé. Mais avant, il ordonna à ses assistants de positionner Sky et sa petite amie à l'avant, afin de garder un œil sur eux. Sky s'insurgea en l'informant qu'elle n'était pas sa petite amie mais simplement sa sœur. Havoc fut agréablement surpris.
« La troisième année est alors aussi une Willsteel... Intéressant... » dit-il sinistrement.
Il fit signe à ses subalternes qui, un par un, transmutèrent les jeunes pégases de parte et d'autre des deux chaines. Cependant, elles étaient si lourdes qu'il était difficile de les porter, obligeant ainsi les étudiants à rester collés flanc contre flanc. Lorsqu'ils eurent fini de sangler les lanières de cuir à leur cou, les deux rangées faisaient face à Havoc dans l'incertitude et l'effroi.
Ce cauchemar ne pouvait pas être leur avenir, cette chaine n'aurait pas dû être leur destin.
Ash observa à l'arrière, le regard de ses compagnons différait des uns des autres. La peur était mêlée à la tristesse pour la plupart, cependant certains n'exprimaient aucune sensation à travers leur visage ou leur gestuelle. Ebonite en faisait partie, néanmoins quelque chose interloqua la pouliche à son sujet. Son corps n'était pas courbé comme la plupart qui avaient déjà abandonné tout espoir. Non, lui se tenait droit et regardait droit devant, il semblait presque confiant sur la situation.
Ebonite tourna la tête et remarqua Ash qui le dévisageait étrangement depuis un moment. Surprise, Elle détourna son regard dans la précipitation et fit mine d'observer son environnement. Mais ses yeux se posèrent accidentellement sur Solaris. La chair de son visage carbonisé l'écœura. Son museau creusé par la brulure semblait s'être enfoncé dans son cran, mais ce n'était là que le cartilage rongé qui procurait cette impression.
Les deux corps gisant au sol n'attiraient aucun regard, même si leur proximité n'était pas sans effet sur certaines pégases plus sensibles que d'autres.
Ambre s'était collée à son voisin, elle était si proche du corps flasque de Siphon que, sa tête étant tournée vers elle, les pupilles de ses yeux encore ouverts la fixaient délicatement à travers les siennes. C'en était effrayant de se faire observer de la sorte par un mort.
Havoc se plaça devant l'unique sortie de la salle de fer et prit une grande inspiration. Il leva ses sabots en l'air puis les plaça contre chaque battant des deux grandes portes métalliques.
« Rentrons à la maison... » chuchota-t-il avant de les ouvrir d'un large mouvement des épaules. Un vif courant d'air frais s'infiltra à l'intérieur, caressant les fourrures et se faufilant entre les pattes de tous. Étrangement, la base de leurs sabots se glaça bien plus au contact de ce rafraîchissement. Le sol était recouvert de sang et avait empreint chaque talon de ce liquide épais.
L'extérieur donnait sur une grande pièce à peine éclairée par la lumière de la salle de fer. Une fois le groupe sorti de leur prison de métal, des murs sombres les entouraient. Le sol était incrusté de câbles et de tuyaux se perdant dans l'obscurité de la pièce. L'atmosphère était pesante et l'humidité empêchait une bonne respiration. De faibles sons étaient perceptibles à travers la structure : des grincements, des coups secs et parfois, des cris.
Havoc fut rejoint par ses deux acolytes ainsi que deux autres pégases assez massifs sortant de nulle part depuis les ténèbres. Lui était en tête et les quatre autres encadraient les deux rangées d'étudiants. L'instructeur ordonna d'activer un interrupteur. L'endroit s'éclaira de lui-même, montrant des murs morbides aussi infestés et difformes que son sol.
Sky jeta un œil à ses amis. Tous étaient terrifiés à observer leur environnement. Ash à ses côtés, elle se serrait contre lui sans un mot. Le jeune pégase cyan lui caressa la crinière.
« J'aimerais te promettre que rien ne nous arrivera... » lui chuchota-t-il.
Sa sœur resta inexpressive, perdue dans ses pensées qui ne faisaient que grouiller par millier dans sa tête.
« Mais une chose est sûre, poursuivit Sky. Je ferai tout pour que rien ne nous arrive. Et ce dès maintenant. »
Ash le regarda un instant, Sky lui sourit puis lui murmura :
« Tu es prête à te battre ? »
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c’était ma vision de ce premier arc et compte sur moi pour commenter le prochain ;)