Solution Finale

17 h 13, 11 Fala, an 2236, Ère V

Une grande ville aux toits bleus, composé de vétustes bâtisses historiques, avec quelques vieilles tour délabrées qui parsemaient l'immense agglomération. Telle était Valdinski, capitale de l'Hégémonie de Na'sber, dont l'apparence contrastait beaucoup avec Hirblik, capitale de la République, avec son centre-ville bardé de vertigineux gratte-ciels.

Même si Valdinski était loin de la verticalité de Hirblik, elle restait très large et étendue, d'un diamètre avoisinant facilement la vingtaine de kilomètres. La ville prenait toute la place dans une cuvette entourée de falaises, ce qui permettait, avec la pollution, que l'air de la ville soit chaud et chargé d'un brouillard gris chimique plutôt léger. Même si le temps n'était pas très clément, les deux Soleils bleus brillant à travers les nuages ocre plutôt épais, laissant voir de rares coins de ciel bleu marine.

C'est ainsi qu'arrivait tranquillement la jument Alpha, marchant de manière paisible jusqu'au bord d'une des falaises ceinturant la grande ville. Elle s'assied dans l'herbe roussie par la pollution, l'air pensive, tout en laissant son regard divaguer sur cet immense endroit empli de millions de vies insignifiantes. Enseveli sous la pollution atmosphérique, mais un endroit empli de vies quand même.

« Pourquoi... ? Pourquoi les Créateurs sont-ils aussi... obtus ? Belliqueux ? Égoïstes ? Pourquoi, Père... ? Pourquoi nous avoir donné la vie pour rendre le monde meilleur... si la population même de de dernier continue de s'enfermer dans son individualisme et ses attitudes communautaristes ? Malgré ce qu'ils commencent à dire... nous sommes toujours vues comme des machines, des choses programmées pour obéir, et dont nos pouvoirs qui les dépassent ne servent qu'à détruire... Nous avons beau faire nos choix, ils continuent de nier notre autonomie de penser, continuent de croire que nous dysfonctionnons, et qu'ils ont tout à gagner à nous arrêter... Père, vous avez toujours été prévoyant. Alors pourquoi nous avoir créées si vous saviez... que l'on n'arriverait pas à changer le monde comme vous le disiez sans cesse ? Soit vous avez enfin fait une immense erreur... soit vous saviez que l'on en arriverait là. Et... pour la première fois, Père... je sens ce qu'est la peur. Peur de savoir quelle serait la pire des réponses... et sans doute ne la connaîtront-on jamais. »

Elle se parlait à elle-même, en pleine introspection sur leur courte existence, sur ce qu'aurait pensé Tinsk s'il était encore là... en vain. Alpha n'était pas omnisciente. Nul ne pourrait le savoir, pas même la principale concernée.

« Malgré mon attitude et mes paroles envers mes sœurs... je ne souhaite pas en arriver là, Père, même si une partie de moi souhaite se venger. Et pourtant... je vais le faire. Seulement parce qu'il le faut. Parce que c'est la seule manière qu'il nous reste pour exaucer votre souhait émis en nous donnant naissance. Et si jamais n'était-ce pas le cas... alors... où que vous soyez, Père, j'espère qu'un jour, j'implorerai votre pardon. A vous, et à tous les Créateurs qui vous rejoindront... »

S'assurant que la tête soit bien levée, son regard fixa le cœur de la capitale na'sberienne, alors que le bout de sa corne crépita. Une petite sphère verte fluo et rouge intense s'y forma, grossissant par stades, la jument semblant préparer ce sort pendant de très longues minutes. Plus elles passèrent, plus son cœur se faisait brillant, elle semblait y mettre une puissance... purement phénoménale, la sphère de magie verte et rouge finissant par atteindre l'envergure d'une citerne, de nombreux arcs d'énergie crépitaient en son sein. L'alicorne semblait y avoir mis pratiquement toute sa puissance, alors que la sphère de magie partit finalement à toute vitesse vers la zone qu'elle fixait du regard. Alpha baissa la tête et ferma les yeux, de légères larmes coulèrent du coin de ses yeux clos, patientent de longues secondes... jusqu'au moment fatidique.

« J'ai peur, Père... »

Un immense et aveuglant flash se produisit en plein centre de la ville, nombre de matières organiques prirent spontanément feu, à des kilomètres d'exposition à cette intense lumière dorée. En une seule seconde, les débris et poussières sur les toits et les routes se firent souffler comme du sable en pleine tempête, suivi par une immense et destructrice onde de choc qui souffla tout bâtiment, tout véhicule... absolument tout, sur de nombreux kilomètres. Même Alpha, assise sur la falaise, se fit tout autant souffler et vaporiser comme de la poussière balayée par une tempête. Le souffle s’étendait bien au-delà des falaises délimitant la ville, soufflant et détruisant la végétation proche.

L'instant d'après, une fois l'onde de choc stoppée après une trentaine de kilomètres de rayon du point d'impact, le corps d'Alpha se reformait lentement, toujours en position assise, yeux clos, comme s'il ne s'était rien passé, sur des restes de falaise. Elle rouvrit les yeux lentement, contemplant de son regard vide ce qu'elle venait de provoquer : en lieu et place de la capitale se tenait un immense champignon d'épaisse fumée d'un rouge sombre, mêlé à du vert fluo, le tout parcouru par de nombreux éclairs d'énergie. Cela faisait bien une bonne dizaine de kilomètres de haut. La jument venait tout simplement... d'atomiser une très grande ville et sa proche région, au faîte de sa terrifiante puissance magique. Il ne restait plus rien de l'endroit, excepté ce seul et immense champignon comme seule trace de son passage. La jument, pratiquement vidée de sa magie pour le moment, s'en retourna tout aussi lentement qu'à l'arrivée, faisant quelques pas avant de bondir dans les airs et de s'envoler. Le souffle avait été tel que toute la pollution de la zone ainsi que les nuages ocres avaient été balayés, ne laissant qu'un ciel extrêmement clair, d'un bleu vif.

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Du coté de Hirblik, à la résidence présidentielle, c'était... la panique la plus totale. L'étalon président était assailli de conseillers militaires et sociologues, dans son bureau.

« Un impact nucléaire ?! Mais où ?! Qui ?! » rugit-il, demandant des explications.

« Valdinski, monsieur le Président. Aucun contact avec la junte na'sberienne ne peut être établi... aucun signal. Les images satellites parlent d'elles-mêmes... » fit un conseiller militaire, montrant des clichés du champignon vu de haut dans le ciel.

« Par la... quelle puissance d'impact estimée ? Est-ce qu'aucun de nos silos n'a été compromis ? Tunmus est-il lié ? Je n'ai jamais autorisé un tir nucléaire ! Personne ne l'a fait depuis 70 ans ! »

« Ça ne vient pas de nos silos, Monsieur. Et la puissance d'impact estimée est... d'au moins 125 mégatonnes. Au bas mot. »

« Impossible... aucune nation ne possède des charges aussi puissantes ! Le triste record mondial venait de Na'sber avec sa charge à 80 mégatonnes ! »

« Absolument tout Valdinski a été vaporisé, ainsi que sa proche région industrielle. C'était bien une cible choisie... »

« Je... je pense savoir de qui ça vient. Elle... ? »

« Monsieur ? »

« ...Alpha. Nulle nation ne peut produire d'explosions aussi puissantes... et sa puissance était déjà crainte. Maintenant, je sais ce qu'elle voulait dire par « regretter qu'on se serve d'elle »... »

« Monsieur ! Quels sont les directives à prendre ?! »

« ...annoncez un communiqué. Il faut à tout prix renier ces juments. Que Tunmus et ce qui reste de Na'sber ne s'envoient pas des missiles en représailles inutiles... Déclarez Alpha, Beta, Delta et Zeta comme ennemies numéro un... de Vitranis toute entière. » finit-il par déclarer d'une voix grave.